lettre de la bibliothèque n°46

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À la fin du XIX e siè- cle, lors des grandes expositions universelles, les Occidentaux découvrent avec éton- nement et admiration le vêtement embléma- tique du pays du Soleil - Levant : le kimono. Ki(ru)-mono, « chose que l’on porte sur soi », ne signi- fie pourtant pas n’importe quel vêtement, mais ren- voie précisément à un vêtement de dessous porté par les dames de cour de l’époque Heian (IX e – XII e siècle), le kosode. À la fin du XIX e , le terme de kosode est remplacé par celui de kimono, utilisé dans son sens large comme « vêtement japonais » (wafu- ku), englobant tous les vêtements traditionnels masculins ou féminins, par opposition aux vêtements de style occidental (yôfuku), dont le port allait se développer à partir de Meiji, avec l’ouverture du Japon aux étrangers. Le costume des premiers princes du Yamato puisait son origine en Chine, où l’on portait, à la cour des Han, une longue robe croisée de gauche à droite, s’évasant légèrement aux pieds, et dont les larges manches pouvaient servir de manchon. Après plusieurs transformations, cette robe donnerait naissance au kosode. La simplicité extrême du patron, uti- lisant tout le rouleau de tissu sans aucun gaspillage, les coutures droi- tes aisées à coudre et à découdre et surtout la possibilité de le transmettre de génération en génération, expli- quent sans doute la longévité extraordinaire de ce vêtement, tou- jours porté aujourd’hui par les Japonais dans les grandes occasions de la vie sociale, ainsi que dans l’in- timité de leur foyer. Le kosode, simple vêtement de des- sous blanc à manches courtes du IX e siècle, allait avec le temps, se parer de décors de plus en plus somptueux pour plaire à l’aristocratie d’abord, puis aux riches marchands. Une grande attention était portée au choix des étoffes, aux associations de couleurs, aux techniques de tissage et de teinture, à la taille et l’emplace- ment du nœud de la ceinture (obi), avec l’obligation toutefois de se sou- mettre aux lois somptuaires émises d’abord par la cour, puis par les shoguns, afin qu’une fois vêtu, « il n’y ait pas de confusion possible entre le prince et son vassal, entre le supérieur et l’inférieur ». Contrairement au costume occiden- tal bâti en volume pour s’adapter au corps, le kimono est un vêtement plat, sans aucune pince donnant du relief, que l’on « construit » sur soi, en réglant la hauteur et la largeur du vêtement, qui convient ainsi à toutes les morphologies. Déployé à plat, il forme une grande toile que les artisans et certains pein- tres célèbres, surtout à l’époque d’Edo (1616 – 1867), embellirent de toutes sortes de décors, en accord avec la mode du moment, jouant avec le thème des saisons, des œu- vres littéraires, des objets quotidiens, des lieux célèbres soudain rendus accessibles par le développement des moyens de communications. Un grand soin était porté à l’harmonie entre les dessins et les couleurs aux dégradés subtils, mais aussi entre plusieurs motifs, qui, associés les uns aux autres, formaient des allégories. La réussite de l’ensemble permettait de juger du goût et du niveau de culture de la personne qui portait le kimono. Et c’est, nourris de ce même désir de perfection, que les créateurs contem- porains, dont certains ont été élevés au rang de « Trésor national vivant », pour l’excellence de leur savoir-faire, ont à cœur de former les nouvelles générations aux techniques tradition- nelles de teinture, de tissage et de décor, faisant du kimono plus qu’une simple parure : la manifestation d’une philosophie, d’une esthétique, et d’un art encore bien vivant aujour- d’hui — un art à revêtir. Kimonos, hier et aujourd’hui Directeur de la publication Sawako Takeuchi Rédaction Chisato Sugita Pascale Doderisse Racha Abazied Cécile Collardey Conception graphique et maquette La Graphisterie.fr Impression Imprimerie Moutot Dépôt légal : 3 e trimestre 2014 ISSN 1291-2441 Bibliothèque Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis, quai Branly 75740 Paris cedex 15 Tél. 01 44 37 95 50 Fax 01 44 37 95 58 www.mcjp.fr Ouverture Du mardi au samedi de 13h à 18h Nocturne le jeudi jusqu’à 20h Fermeture Les dimanches, lundis et jours fériés Du 21 décembre 2014 au 5 janvier 2015 4 n° 46 - Automne 2014 La lettre de la bibliothèque 1 Si la forme du vêtement traditionnel japonais s’est peu diversifiée à travers les âges, une multitude impressionnante de techniques se sont développées autour du textile : tissages, teintures, brode- ries ou applications des motifs, ces artisanats exigeant une grande dextérité sont transmis jusqu’à nos jours selon des savoir-faire précédant la mécanisation imposée par l’industrie, qui garantissent l’obtention de textures, couleurs ou dessins de haute qualité. La bibliothèque contient un fonds fourni dans ce domaine, dont voici un aperçu : Nihon no senshoku Kyoto shoin’s Art Library of Japanese textile, 1994 Une collection bilingue en anglais et en japonais de 20 petits livres reliés, chacun portant sur un style de textile, ou une technique particulière. Illustrée de photos, elle permet au néophyte d’aborder les différents styles régionaux, les costumes de théâtre, de cour, les tissus décoratifs caractéristiques. Chaque volume se termine par une courte explication sur les techniques employées. DVD Nihon no some to ori (“teintures et tissages japonais”) Isetan, 2012 Une collection de 6 DVD édités en 2012 sous le patronage des magasins Isetan et Mitsukoshi : chaque DVD contient trois ou quatre reportages en japonais (avec des sous-titres en anglais) entre 15 et 25 minutes sur une technique particulière. Filmé avec précision, l’ensemble permet d’approcher de façon très concrète la diversité des matières, les manières de filer et de tisser la soie, le coton, le chanvre, le lin, ou même le papier ! On parcourt l’impressionnante déclinaison des teintures naturelles et les recettes qui leur permettent de résister au temps, les différentes façons d’obtenir un motif : broderie, shibori ou dessins obtenus à partir du tissu pincé avec de la ficelle, motifs tissés, pochés ou dessinés à main nue. DVD The Yuzen silk : The dyeing art of Kakoh Moriguchi Sakura motion pictu- re, 1989 Moriguchi Katoh, Trésor national vivant est un grand maître du dessin et de l’orne- mentation façon yûzen (teinture à réserve par l’application d’une pâte de riz, teinture au pochoir ou peinture à la main directement sur le tissu). Ce documentaire de 30 minutes le suit dans son travail et permet d’observer toutes les étapes de cet artisanat d’une extrême précision, depuis le croquis pris sur le vif, à l’application des couleurs, en passant par la mise en espace du dessin sur un kimono. Kimono and the colors of Japan et Summer kimono and the colors of Japan Tokyo : Pie Books, 2005 Les couleurs ont depuis l’Antiquité revêtu différentes significations, voire conféraient aux vêtements des pouvoirs spéciaux. Par ailleurs, elles sont très présentes dans la littérature classique japonaise. Pelures d’oignon, safran, indigo, fleur d’hibiscus, insec- tes, terres... la nature a de tous temps fourni une profusion d’ingrédients pour colo- rer les vêtements, qui furent enrichis avec des procédés chimiques à partir de la fin du XIX e siècle. Ces deux volumes forment un répertoire des couleurs obtenues sur les textiles, avec leur appellation japonaise et une brève explication sur leur origine. Textiles across the seas Tôkyô Ori no umimichi jikko iinkai, 2002-2005 Trois volumes reliés, bilingues anglais et japonais, très complets et illustrés sur les tex- tiles des îles du sud du Japon, du large de Kyûshû à travers tout l’archipel d’Okinawa. Chaque île conserve ses motifs, ses méthodes de tissage, et ses matières caractéris- tiques, tel que le bashôfu dans les îles les plus tropicales : un textile à base de fibres de banane, idéal pour les climats chauds et humides. C. C. Aude Fieschi, auteure et traductrice Zoom sur... Le textile japonais

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La lettre de la bibliothèque de la MCJP - N°46

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Page 1: Lettre de la bibliothèque n°46

À la fin du XIXe siè-cle, lors

des grandesexposit ionsuniverselles,

les Occidentauxdécouvrent avec éton-nement et admirationle vêtement embléma-tique du pays du Soleil -Levant : le kimono.

Ki(ru)-mono, « chose quel’on porte sur soi », ne signi-fie pourtant pas n’importequel vêtement, mais ren-

voie précisément à un vêtement dedessous porté par les dames de courde l’époque Heian (IXe – XIIe siècle),le kosode. À la fin du XIXe, le terme dekosode est remplacé par celui dekimono, utilisé dans son sens largecomme « vêtement japonais » (wafu-ku), englobant tous les vêtementstraditionnels masculins ou féminins,par opposition aux vêtements de styleoccidental (yôfuku), dont le port allaitse développer à partir de Meiji, avecl’ouverture du Japon aux étrangers.Le costume des premiers princes duYamato puisait son origine en Chine,où l’on portait, à la cour des Han,une longue robe croisée de gauche àdroite, s’évasant légèrement auxpieds, et dont les larges manchespouvaient servir de manchon. Aprèsplusieurs transformations, cette robedonnerait naissance au kosode.

La simplicité extrême du patron, uti-lisant tout le rouleau de tissu sansaucun gaspillage, les coutures droi-tes aisées à coudre et à découdre etsurtout la possibilité de le transmettrede génération en génération, expli-quent sans doute la longévitéextraordinaire de ce vêtement, tou-jours porté aujourd’hui par lesJaponais dans les grandes occasionsde la vie sociale, ainsi que dans l’in-timité de leur foyer.Le kosode, simple vêtement de des-sous blanc à manches courtes du IXe

siècle, allait avec le temps, se parerde décors de plus en plus somptueuxpour plaire à l’aristocratie d’abord,puis aux riches marchands. Unegrande attention était portée auchoix des étoffes, aux associations decouleurs, aux techniques de tissageet de teinture, à la taille et l’emplace-ment du nœud de la ceinture (obi),avec l’obligation toutefois de se sou-mettre aux lois somptuaires émisesd’abord par la cour, puis par les shoguns, afin qu’une fois vêtu, « iln’y ait pas de confusion possibleentre le prince et son vassal, entre lesupérieur et l’inférieur ».Contrairement au costume occiden-tal bâti en volume pour s’adapter aucorps, le kimono est un vêtementplat, sans aucune pince donnant durelief, que l’on « construit » sur soi,en réglant la hauteur et la largeur duvêtement, qui convient ainsi à toutesles morphologies.

Déployé à plat, il forme une grandetoile que les artisans et certains pein-tres célèbres, surtout à l’époqued’Edo (1616 – 1867), embellirent detoutes sortes de décors, en accordavec la mode du moment, jouantavec le thème des saisons, des œu-vres littéraires, des objets quotidiens,des lieux célèbres soudain rendusaccessibles par le développement desmoyens de communications. Ungrand soin était porté à l’harmonieentre les dessins et les couleurs auxdégradés subtils, mais aussi entreplusieurs motifs, qui, associés les unsaux autres, formaient des allégories.La réussite de l’ensemble permettaitde juger du goût et du niveau de culture de la personne qui portait lekimono.Et c’est, nourris de ce même désir deperfection, que les créateurs contem-porains, dont certains ont été élevésau rang de « Trésor national vivant »,pour l’excellence de leur savoir-faire,ont à cœur de former les nouvellesgénérations aux techniques tradition-nelles de teinture, de tissage et dedécor, faisant du kimono plus qu’unesimple parure : la manifestationd’une philosophie, d’une esthétique,et d’un art encore bien vivant aujour-d’hui — un art à revêtir. ■

Kimonos, hier et aujourd’hui

Directeur de la publicationSawako Takeuchi

RédactionChisato Sugita

Pascale DoderisseRacha Abazied

Cécile CollardeyConception graphique

et maquetteLa Graphisterie.fr

ImpressionImprimerie Moutot

Dépôt légal : 3e trimestre 2014

ISSN 1291-2441

BibliothèqueMaison de la culture

du Japon à Paris101 bis, quai Branly

75740 Paris cedex 15Tél. 01 44 37 95 50Fax 01 44 37 95 58

www.mcjp.fr

OuvertureDu mardi au samedi

de 13h à 18hNocturne le jeudi

jusqu’à 20h

FermetureLes dimanches, lundis et jours

fériés

Du 21 décembre 2014 au 5 janvier 2015

4

n° 46 - Automne 2014

La lettre de la bibliothèque

1

Si la forme du vêtement traditionnel japonais s’est peudiversifiée à travers les âges, une multitude impressionnante de

techniques se sont développées autour du textile : tissages, teintures, brode-ries ou applications des motifs, ces artisanats exigeant une grande dextérité sonttransmis jusqu’à nos jours selon des savoir-faire précédant la mécanisation imposéepar l’industrie, qui garantissent l’obtention de textures, couleurs ou dessins de hautequalité. La bibliothèque contient un fonds fourni dans ce domaine, dont voici un aperçu :

■ Nihon no senshoku Kyoto shoin’s Art Library of Japanese textile, 1994

Une collection bilingue en anglais et en japonais de 20 petits livres reliés, chacunportant sur un style de textile, ou une technique particulière. Illustrée de photos, ellepermet au néophyte d’aborder les différents styles régionaux, les costumes de théâtre,de cour, les tissus décoratifs caractéristiques. Chaque volume se termine par unecourte explication sur les techniques employées.

■ DVD Nihon no some to ori (“teintures et tissages japonais”) Isetan, 2012

Une collection de 6 DVD édités en 2012 sous le patronage des magasins Isetan etMitsukoshi : chaque DVD contient trois ou quatre reportages en japonais (avec dessous-titres en anglais) entre 15 et 25 minutes sur une technique particulière. Filméavec précision, l’ensemble permet d’approcher de façon très concrète la diversité desmatières, les manières de filer et de tisser la soie, le coton, le chanvre, le lin, ou mêmele papier ! On parcourt l’impressionnante déclinaison des teintures naturelles et lesrecettes qui leur permettent de résister au temps, les différentes façons d’obtenir unmotif : broderie, shibori ou dessins obtenus à partir du tissu pincé avec de la ficelle,motifs tissés, pochés ou dessinés à main nue.

■ DVD The Yuzen silk : The dyeing art of Kakoh Moriguchi Sakura motion pictu-re, 1989

Moriguchi Katoh, Trésor national vivant est un grand maître du dessin et de l’orne-mentation façon yûzen (teinture à réserve par l’application d’une pâte de riz, teintureau pochoir ou peinture à la main directement sur le tissu). Ce documentaire de30 minutes le suit dans son travail et permet d’observer toutes les étapes de cet artisanatd’une extrême précision, depuis le croquis pris sur le vif, à l’application des couleurs,en passant par la mise en espace du dessin sur un kimono.

■ Kimono and the colors of Japan et Summer kimono and the colors of Japan Tokyo : Pie Books, 2005

Les couleurs ont depuis l’Antiquité revêtu différentes significations, voire conféraientaux vêtements des pouvoirs spéciaux. Par ailleurs, elles sont très présentes dans la littérature classique japonaise. Pelures d’oignon, safran, indigo, fleur d’hibiscus, insec-tes, terres... la nature a de tous temps fourni une profusion d’ingrédients pour colo-rer les vêtements, qui furent enrichis avec des procédés chimiques à partir de la findu XIXe siècle. Ces deux volumes forment un répertoire des couleurs obtenues sur lestextiles, avec leur appellation japonaise et une brève explication sur leur origine.

■ Textiles across the seas Tôkyô Ori no umimichi jikko iinkai, 2002-2005

Trois volumes reliés, bilingues anglais et japonais, très complets et illustrés sur les tex-tiles des îles du sud du Japon, du large de Kyûshû à travers tout l’archipel d’Okinawa.Chaque île conserve ses motifs, ses méthodes de tissage, et ses matières caractéris-tiques, tel que le bashôfu dans les îles les plus tropicales : un textile à base de fibresde banane, idéal pour les climats chauds et humides.

C. C.

Aude Fieschi, auteure et traductrice

Zoomsur...

Le textile japonais

Page 2: Lettre de la bibliothèque n°46

Uno Chiyo (1897-1996) mena la vie d’unemôga —ces « modern girls » éprises deliberté des années vingt—, fréquentantartistes et écrivains de renom qui surentsaluer sa personnalité et son talentlittéraire. Ce roman, qu’elle mit plus de dixans à écrire, est considéré comme sonchef-d’œuvre.

SHIMADA MasahikoLa fille du chaosTrad. par Miyako Slocombe

Paris : Wombat, coll. Iwazaru, 2014. 343p.

Le roman est construit autour de troispersonnages : le jeune Naruhiko quisouffre de narcolepsie mais qui a héritédes dons de voyance de sa grand-mèrechamane ; Mariko, une lycéenneamnésique qui, séquestrée et abuséepar un homme durant deux ans, réussità échapper à son kidnappeur en letuant ; enfin, Sanada, un professeurd’université condamné par le cancer

qui va tenter d’aider Mariko à retrouver la mémoire en latransformant en une sorte de machine à tuer. Les troispersonnages vont unir leur destinée pour libérer la société deson mal-être par la destruction et en faisant régner le chaos.Ce polar fantastique, qui appartient à un genre bien défini auJapon, le « spiritual mystery », livre malgré des allures desérie B déjantée, une critique fine de la crise que traverse lasociété japonaise aujourd’hui.

KAWAKAMI MiekoDe toutes les nuits, les amants Trad. par Patrick Honnoré

Arles : Actes Sud, 2014. 278p.

Fuyuko a 34 ans, est correctrice ettravaille en free-lance pour l’édition.Timide et introvertie, elle vit seule àTôkyô, ne s’imagine pas de relationamoureuse et aime sortir la nuit pourcontempler les lumières de la rue.Quelques personnages viennentcependant nourrir sa vie deconversations autour d’un café : Hijiri,son interlocutrice professionnelle, quiaime observer les gens et refaire le

monde, Kyôko, une ancienne collègue, ou encoreM. Mitsutsuka, un professeur de physique dont elle tomberaprogressivement amoureuse. Pas de grande trame narrativeautour de ce personnage aux ambitions simples, mais desquestions soulevées, telles que comment se positionner dansune société conformiste lorsque l’on est une femmecélibataire ? À travers la vie quotidienne de Fuyuko,Kawakami Mieko se fait l’observatrice critique et minutieusede la condition des femmes actives dans la sociétéd’aujourd’hui.

HistoirePierre-François SOUYRI (dir.)Japon colonial 1880-1930 : Les voix de la dissensionParis : Les Belles Lettres, 2014. 168p.

Après la Restauration Meiji de 1868, leJapon conquiert de nouveauxterritoires, soit en annexant des terressur lesquelles sa souveraineté nes’étendait que de manière partielle outhéorique (Ezo au nord, qui devientHokkaidô, et le royaume des Ryûkyû ausud, dès lors département d’Okinawa),soit dans le cadre de conflits entre

grandes puissances (Taïwan, la Corée ou la Mandchourie).Avant la chape de plomb des années 1930, où censure etrépression s’intensifient, de nombreuses voix d’hommes et defemmes se sont élevées durant l’entre-deux-guerres pourdénoncer la politique impérialiste du « Grand Japon ». Les dixtextes d’universitaires, journalistes ou militants présentés ettraduits par les chercheurs du Groupe de Genève témoignentde la pluralité des opinions et de l'engagement personnel des opposants dans un contexte de montée en puissance du militarisme.

Eddy DUFOURMONTConfucianisme et conservatisme au Japon : La trajectoire intellectuelle de Yasuoka Masahiro(1898–1983)Pessac : Presse Universitaire de Bordeaux, 2014. 347p.

Rares sont les études consacrées au néo-confucianisme du Japon contemporain.L’héritage confucianiste est néanmoinstrès présent : à la base d’unconservatisme très ancré au sein du PartiLibéral Démocrate, il se traduit par dessujets polémiques tels que les visites deministres au sanctuaire de Yasukuni, ou le

développement des forces armées.Pour comprendre le rôle du confucianisme à travers leXXe siècle japonais, l’auteur, maître de conférences del’histoire politique du Japon à l’université de Bordeaux, achoisi d’étudier la trajectoire de Yasuoka Masahiro,personnage influent dans les milieux politiques etéconomiques pendant la montée de l’impérialisme, maissurtout au cours de la période de haute croissanceéconomique jusque dans les années 1980. L’étude de sesidées parfois contradictoires —pour un idéal de paix, maisaxées sur la nécessité d’une unité culturelle de l’Asie sous ladirection du « grand frère japonais »— apporte un éclairagesur l’histoire des tensions que le Japon connaît de nos joursencore avec ses pays voisins.

SociétéKITANAKA JunkoDe la mort volontaire au suicide au travail Montreuil-sous-Bois : Ithaque, 2014. 309p.

La mort par excès de travail (karôshi, en japonais) est devenue un véritablephénomène dans les sociétésdéveloppées. Au Japon, le nombre despersonnes diagnostiquées chaqueannée comme souffrant d’une« dépression avec tendance suicidaire »,liée à leurs conditions de travail,inquiète de plus en plus le corps

médical et les autorités. Cette forme de dépression exprimeaussi un mal-être social aggravé par la crise économique qui adébuté il y a vingt-cinq ans. Longtemps pourtant, les Japonaisse sont montrés réticents à la psychiatrie et auxantidépresseurs, considérés comme étant des méthodesthérapeutiques importées. L’auteure, professeurd’anthropologie de la médecine et de la psychiatrie àl’université de Keio, analyse comment les Japonais se sontapproprié ces thérapies et les ont adaptées dans la pratiqueclinique et dans la vie sociale pour lutter contre cette formede dépression.

Jean-Paul PORRETVivre le JaponLille : Hikari éditions, 2014. 336p.

L’auteur, journaliste vivant au Japondepuis de nombreuses années, a voulupartager ses expériences à travers ceguide de vie pratique. Du quotidien auxloisirs, des rubriques aussi variéesqu’indispensables, et autant de sujetsauxquels on ne pense pas toujours avantle grand envol vers le Japon, s’enchaînent

parsemés d’anecdotes et d’entretiens avec des expatriés.Ceux qui ont le projet d’habiter l’Archipel trouveront lesinformations nécessaires pour leurs premières démarches :louer un appartement, payer le téléphone, trouver un travailou un stage... L’ouvrage explore aussi le pays un peu plus enprofondeur pour faire découvrir comment se passe unaccouchement, le monde de l’éducation, les risquesalimentaires liées à la radioactivité, ou la vie dorée d’unanimal domestique... Enfin, ceux qui s’intéressent simplementau Japon sans projet de s’y installer se délecteront desenquêtes teintées d’humour, passées au filtre des différencesculturelles, qui mettent en lumière certains aspects de lasociété nipponne.

Art Pierre PIGOTApocalypse MangaParis : PUF, coll. Perspectives critiques, 2014. 248p.

La première bombe atomique lancée surune population civile, qui a marqué lapsyché japonaise et l’ensemble del’humanité, est aussi un événement quiprovoque la création. Comment lesJaponais se sont-ils emparés de cette pagenoire de leur histoire et comment l’ont-ilsreprésentée dans les plus commerciaux

des médias artistiques : le manga et l’animation ? C’est ceque tente d’analyser Pierre Pigot, historien de l’art, dans cetessai. De Miyazaki Hayao à Matsumoto Akira, en passant pardes personnages aussi célèbres qu’Albator, Gen d’Hiroshimaou Princesse Mononoke, la violence de la catastrophe estexplorée à travers le regard esthétique d’auteurs aux stylesvariés, chacun ayant traduit à sa manière l’angoisse oul’intériorisation d’une inquiétude collective.

LittératureSANTÔ KyôdenFricassée de galantin à la mode d’EdoTrad. et présent. de Renée Garde

Paris : Les Belles Lettres, 2014. 124p.

Enjirô, fils à papa affligé d'un nezgrotesque et d'une naïveté sans pareille,se rêve en séducteur reconnu, à l’instard’une star de kabuki ou d’un élégant desquartiers des maisons closes. Pris enmain par deux comparses filous,l’apprenti galant met en scène unesuccession d’épisodes censés servir sa

gloire : autant de mésaventures qui iront crescendo…Représentant le plus connu du kibyôshi, livre satirique illustréen vogue à la fin du XVIIIe siècle, Santô Kyôden connutd’abord la gloire comme peintre d’estampes, avant de selancer avec le même succès dans l’écriture, où il incarnel’esprit typique de la classe montante des commerçants d’Edoférue de dérision. Assortie d’une introduction d’une grandeclarté, cette édition alterne les planches illustrées, avec unelégende explicative, et leur savoureuse traduction.

UNO ChiyoOhanTrad. par Dominique Palmé et Kyôko Satô

Arles : Philippe Picquier, 2014. 93p.

Le héros de ce livre d’une belle épure nous narre, sur le tonde la confidence, ses errances entre deux femmes, samaîtresse Okayo avec qui il vit et sa femme dont il est séparédepuis sept ans, mais qu’il revoit et aime en cachette.Conscient de sa veulerie et de son inconsistance, peu avarede promesses faciles, l’homme se dépeint comme un bon àrien, balloté par les événements qui peu à peu resserrent leurétau sur lui.

Regards sur le fonds

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