lettre de la bibliothèque n°42

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Qu’est-il resté des projets d’urbanisme japonais années 1960 ? Qu’est-il resté des projets d’urbanisme japonais Directeur de la publication Sawako Takeuchi Rédaction Chisato Sugita Pascale Doderisse Racha Abazied Cécile Collardey Conception graphique et maquette La Graphisterie.fr Impression Imprimerie Moutot Dépôt légal : 2 e trimestre 2013 ISSN 1291-2441 Bibliothèque Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis, quai Branly 75740 Paris cedex 15 Tél. 01 44 37 95 50 Fax 01 44 37 95 58 www.mcjp.fr Ouverture Du mardi au samedi de 13h à 18h Nocturne le jeudi jusqu’à 20h Fermeture Les dimanches, lundis et jours fériés et tout le mois d’août 4 n° 42 - Printemps, mai 2013 La lettre de la bibliothèque 1 D ans les années 1960, la ville de Tôkyô a été, comme un certain nom- bre d’autres, confrontée à une « mégalopolisation ». La population de la capitale et de sa périphérie, qui comptait à l’époque quelque 20 millions de personnes, ne cessait de s’accroître. Dans la presse, la situation critique que tra- versait la ville à la suite de la moder- nisation (embarras de circulation, pollution atmosphérique, pénurie de logements, affaissement des sols, entre autres) ne cessait de défrayer la chronique. Les architectes se sont alors mis à publier des projets d’ur- banisme très ambitieux qui, relayés par les médias de masse provoquè- rent l’intérêt du public. Croire naïve- ment que la modernisation promet- tait à la société un avenir radieux était encore dans l’air du temps. Trois grands projets sont représentatifs des recherches engagées à cette époque : le « Projet pour Tôkyô 1960 » de Tange Kenzô, les propositions faites par le groupe « Métabolisme » qui réunissait quatre architectes (Kikutake Kiyonori, Ôtaka Masato, Maki Fumihiko et Kurosawa Kishô), et enfin le projet d’Isozaki Arata : « Villes en plein ciel ». Aucun de ces projets n’aboutit. Ailleurs, certaines villes furent cons- truites selon des plans d’urbanisme novateurs : ce fut le cas pour Brasilia par Locio Costa, Chandigarh par Le Corbusier, ou encore pour la planifi- cation du centre-ville de Skopje en Macédoine, et du quartier des affaires de Lagos au Nigeria par Tange Kenzô. Mais souvent, les idées de départ ne furent que très imparfaitement mises en pratique : concevoir l’image de la ville idéale, puis la concrétiser de façon cohérente, avec l’aide de partenaires qui partagent la même vision, au fil d’un processus inscrit dans la durée, voilà qui s’avère, dans la réalité, extrêmement difficile. Entreprise difficile, donc, mais peut- être est-elle tout simplement inutile. Tôkyô est actuellement la plus grande ville du monde, et elle devrait le res- ter encore pendant un bon nombre d’années. Mais nous, les habitants de cette ville, n’avons pas vraiment conscience de vivre dans une « mégalopole ». Compte tenu de l’at- mosphère de crise qui régnait dans les années 1960, il est extraordinaire de constater que le problème de l’ur- banisme semble s’être réglé de lui- même, en dehors de toute prise de conscience. Sans doute n’y a-t-il, dans la capitale nipponne, ni vision idéale de la ville, ni cohésion du tissu urbain. Mais cela ne gêne personne. Bien sûr, toutes sortes de problèmes se posent, mais la réalité de Tôkyô nous prouve qu’une telle mégalopole peut être fonctionnelle. Dans certaines cités comparables à des patchworks faits de pièces com- posites, la ville nouvelle vient se superposer à l’ancienne, les quartiers construits sur un modèle de planifi- cation urbaine avoisinent des quar- tiers bâtis sans aucun ordre. Mais cette situation qui provient souvent d’une seule nécessité – faire face à la réalité des choses –, s’avère beau- coup plus efficace et fonctionnelle que celle qui résulte de projets d’ur- banisme rationnels. Une fois admis que Tôkyô est struc- turée comme un réseau formé de multiples variables, comment faire pour maîtriser et gérer un tel réseau ? Il faut réinventer une vision de la ville qui permettrait, en combinant des éléments sans aucun rapport entre eux à l’origine, de créer une nouvelle organicité. La mondialisation et le néo-libéralisme en pleine expansion ont étriqué et étouffé notre manière de penser l’architecture et l’urbanis- me. Une question demeure : quelle vision pouvons-nous concevoir pour nous dégager, concrètement, d’une telle oppression ? (Extrait du catalogue de l’exposition, tra- duit du japonais par Dominique Palmé). Arata Isozaki, Cities in the Air @Takashi Ohtaka Madame Vera Linhartová nous a fait don de sa formidable collection privée d’ouvrages consacrés au dadaïsme et au surréalisme japonais, dont elle est l’une des rares spécialistes en France. Cette collection unique rassemble plus de 200 docu- ments, classés et répertoriés dans notre catalogue sous forme d’ouvrages, sans compter les feuillets et petites brochures épars. En voici quelques exemples : TAKAHASHI, Shinkichi Dadaisto shinkichi no shi (« Poésies de Shinkichi, le dadaïste ») Tôkyô : Chûô bijutsu-sha, 1923. Il s’agit d’un recueil de jeunesse du grand poète du mouvement dadaïste, Takahashi Shinichi (1901-1987), qui comporte le premier manifeste dada au Japon Dangen wa dadaisuto, traduit par Madame Vera Linhartová sous le titre « Sans réplique, le dadaïste ». Ce texte fut publié une première fois en septembre 1922 dans la revue Shûkan Nihon (« L’Hebdomadaire du Japon ») et fut ensuite repris dans cette édition. Le poète, alors âgé d’une vingtaine d’années, ne connut la célébrité en Occident que dans les années 1960, où il fut présenté dans les milieux littéraires comme un poète bouddhique et maître zen. L'échange surréaliste Éd. par Yamanaka Chirû et Takiguchi Shûzô, Tôkyô : Librairie Bon, 1936. Ouvrage peu commun, non seulement pour sa couverture et sa page de titre entièrement rédigés en français, mais parce qu’à l’origine de ce livre, on retrouve deux grands noms du surréalisme japonais, le poète et critique Takiguchi Shûzô, qui fut le premier à adopter les idées du mouvement, et Yamanaka Chirû qui pose les jalons des premières collaborations entre poètes français et japonais. L’ouvrage comporte par exemple des textes d’André Breton et de Tristan Tzara traduits en japonais par Takiguchi Shûzô, ou encore un des textes fondamentaux de l’époque, « L’Évidence poétique » de Paul Éluard traduit par Ashinozawa Kakuzô, qui paraît en japonais avant même d’être publié en France par les éditions G.L.M., l’année suivante. KOGA, Harue Koga Harue gashû (« Recueil de peintures de Koga Harue ») Tôkyô : Dai.ichi shobô, 1931. Ce recueil élaboré par l’auteur, contient une sélection de ses peintures et de ses poésies entre les années 1924-1931. À chaque œuvre peinte correspond un poème portant le même titre. L’œuvre de Koga Harue (1895-1933), qui apparaît aujourd’hui comme précurseur du surréalisme japonais, était moins soucieuse de l’orthodoxie du mouvement parisien que des questions surgies au cœur d’une existence individuelle. L’artiste définit d’ailleurs sa conception personnelle de la peinture surréaliste dans un texte demeuré célèbre intitulé Chôgenjitsushugi shikan (« Une approche du surréalisme »), paru dans un numéro spécial de la revue Atelier (vol. 7, n°1 janv. 1930), qui fait également partie de la collection. Bien entendu, ces quelques documents isolés ne peuvent rendre compte de la richesse de cette collection, dont la cohérence tient en sa capacité à rassembler en un seul lieu les références fondamentales pour ceux et celles qui s’intéressent au développement de ces deux mouvements artistiques au Japon entre 1920 et 1945. Nous sommes très honorés et remercions chaleureusement Madame Vera Linhartová d’avoir choisi notre bibliothèque pour ce don. Lors de la remise des docu- ments, celle-ci nous a confié les raisons de son choix : « c’est grâce à la Fondation du Japon qui m’avait accordée une bourse d’études que j’ai pu me rendre au Japon en 1982 et réunir le matériau indispensable à ma recherche, il me semble naturel que ce soit à une bibliothèque de la Fondation du Japon que reviennent ces documents »… R. A. Zoom sur... Le fonds Vera Linhartová à la bibliothèque des années 1960 ? Hino Naohiko, architecte et commissaire de l’exposition Défis de villes

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Lettre de la bibliothèque N°42

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Qu’est-il resté des projets d’urbanisme japonais années 1960 ?

Qu’est-ilresté des projets d’urbanisme japonais

Directeur de la publicationSawako Takeuchi

RédactionChisato Sugita

Pascale DoderisseRacha Abazied

Cécile CollardeyConception graphique

et maquetteLa Graphisterie.fr

ImpressionImprimerie Moutot

Dépôt légal : 2e trimestre 2013

ISSN 1291-2441

BibliothèqueMaison de la culture

du Japon à Paris101 bis, quai Branly

75740 Paris cedex 15Tél. 01 44 37 95 50Fax 01 44 37 95 58

www.mcjp.fr

OuvertureDu mardi au samedi

de 13h à 18hNocturne le jeudi jusqu’à 20h

FermetureLes dimanches,

lundis et jours fériés et tout le mois d’août

4

n° 42 - Printemps, mai 2013

La lettre de la bibliothèque

1

Dans les années 1960, laville de Tôkyô a été,comme un certain nom-bre d’autres, confrontée àune « mégalopolisation ».

La population de la capitale et de sapériphérie, qui comptait à l’époquequelque 20 millions de personnes,ne cessait de s’accroître. Dans lapresse, la situation critique que tra-versait la ville à la suite de la moder-nisation (embarras de circulation,pollution atmosphérique, pénurie delogements, affaissement des sols,entre autres) ne cessait de défrayerla chronique. Les architectes se sontalors mis à publier des projets d’ur-banisme très ambitieux qui, relayéspar les médias de masse provoquè-rent l’intérêt du public. Croire naïve-ment que la modernisation promet-tait à la société un avenir radieuxétait encore dans l’air du temps. Troisgrands projets sont représentatifs desrecherches engagées à cette époque :le « Projet pour Tôkyô 1960 » deTange Kenzô, les propositions faitespar le groupe « Métabolisme » quiréunissait quatre architectes(Kikutake Kiyonori, Ôtaka Masato,Maki Fumihiko et Kurosawa Kishô),et enfin le projet d’Isozaki Arata :« Villes en plein ciel ».Aucun de ces projets n’aboutit.Ailleurs, certaines villes furent cons-truites selon des plans d’urbanismenovateurs : ce fut le cas pour Brasiliapar Locio Costa, Chandigarh par Le

Corbusier, ou encore pour la planifi-cation du centre-ville de Skopje enMacédoine, et du quartier des affairesde Lagos au Nigeria par Tange Kenzô.Mais souvent, les idées de départ nefurent que très imparfaitementmises en pratique : concevoir l’imagede la ville idéale, puis la concrétiserde façon cohérente, avec l’aide departenaires qui partagent la mêmevision, au fil d’un processus inscritdans la durée, voilà qui s’avère, dansla réalité, extrêmement difficile.Entreprise difficile, donc, mais peut-être est-elle tout simplement inutile.Tôkyô est actuellement la plus grandeville du monde, et elle devrait le res-ter encore pendant un bon nombred’années. Mais nous, les habitantsde cette ville, n’avons pas vraimentconscience de vivre dans une« mégalopole ». Compte tenu de l’at-mosphère de crise qui régnait dansles années 1960, il est extraordinairede constater que le problème de l’ur-banisme semble s’être réglé de lui-même, en dehors de toute prise deconscience. Sans doute n’y a-t-il,

dans la capitale nipponne, ni visionidéale de la ville, ni cohésion du tissuurbain. Mais cela ne gêne personne.Bien sûr, toutes sortes de problèmesse posent, mais la réalité de Tôkyônous prouve qu’une telle mégalopolepeut être fonctionnelle.Dans certaines cités comparables àdes patchworks faits de pièces com-posites, la ville nouvelle vient sesuperposer à l’ancienne, les quartiersconstruits sur un modèle de planifi-cation urbaine avoisinent des quar-tiers bâtis sans aucun ordre. Maiscette situation qui provient souventd’une seule nécessité – faire face à laréalité des choses –, s’avère beau-coup plus efficace et fonctionnelleque celle qui résulte de projets d’ur-banisme rationnels.Une fois admis que Tôkyô est struc-turée comme un réseau formé demultiples variables, comment fairepour maîtriser et gérer un tel réseau ? Il faut réinventer une vision de la villequi permettrait, en combinant deséléments sans aucun rapport entreeux à l’origine, de créer une nouvelleorganicité. La mondialisation et lenéo-libéralisme en pleine expansionont étriqué et étouffé notre manièrede penser l’architecture et l’urbanis-me. Une question demeure : quellevision pouvons-nous concevoir pournous dégager, concrètement, d’unetelle oppression ? ■

(Extrait du catalogue de l’exposition, tra-duit du japonais par Dominique Palmé).

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Madame Vera Linhartová nous a fait don de sa formidable collection privéed’ouvrages consacrés au dadaïsme et au surréalisme japonais, dont elle est l’une desrares spécialistes en France. Cette collection unique rassemble plus de 200 docu-ments, classés et répertoriés dans notre catalogue sous forme d’ouvrages, sans compterles feuillets et petites brochures épars. En voici quelques exemples :

■ TAKAHASHI, ShinkichiDadaisto shinkichi no shi (« Poésies de Shinkichi, le dadaïste »)Tôkyô : Chûô bijutsu-sha, 1923.

Il s’agit d’un recueil de jeunesse du grand poète du mouvement dadaïste, TakahashiShinichi (1901-1987), qui comporte le premier manifeste dada au Japon Dangen wadadaisuto, traduit par Madame Vera Linhartová sous le titre « Sans réplique, ledadaïste ». Ce texte fut publié une première fois en septembre 1922 dans la revueShûkan Nihon (« L’Hebdomadaire du Japon ») et fut ensuite repris dans cette édition. Lepoète, alors âgé d’une vingtaine d’années, ne connut la célébrité en Occident que dansles années 1960, où il fut présenté dans les milieux littéraires comme un poètebouddhique et maître zen.

■ L'échange surréalisteÉd. par Yamanaka Chirû et Takiguchi Shûzô, Tôkyô : Librairie Bon, 1936.

Ouvrage peu commun, non seulement pour sa couverture et sa page de titreentièrement rédigés en français, mais parce qu’à l’origine de ce livre, on retrouve deuxgrands noms du surréalisme japonais, le poète et critique Takiguchi Shûzô, qui fut lepremier à adopter les idées du mouvement, et Yamanaka Chirû qui pose les jalons despremières collaborations entre poètes français et japonais. L’ouvrage comporte parexemple des textes d’André Breton et de Tristan Tzara traduits en japonais par TakiguchiShûzô, ou encore un des textes fondamentaux de l’époque, « L’Évidence poétique » dePaul Éluard traduit par Ashinozawa Kakuzô, qui paraît en japonais avant même d’êtrepublié en France par les éditions G.L.M., l’année suivante.

■ KOGA, Harue Koga Harue gashû (« Recueil de peintures de Koga Harue »)Tôkyô : Dai.ichi shobô, 1931.

Ce recueil élaboré par l’auteur, contient une sélection de ses peintures et de ses poésiesentre les années 1924-1931. À chaque œuvre peinte correspond un poème portant lemême titre. L’œuvre de Koga Harue (1895-1933), qui apparaît aujourd’hui commeprécurseur du surréalisme japonais, était moins soucieuse de l’orthodoxie dumouvement parisien que des questions surgies au cœur d’une existence individuelle.L’artiste définit d’ailleurs sa conception personnelle de la peinture surréaliste dans untexte demeuré célèbre intitulé Chôgenjitsushugi shikan (« Une approche dusurréalisme »), paru dans un numéro spécial de la revue Atelier (vol. 7, n°1 janv. 1930),qui fait également partie de la collection.

Bien entendu, ces quelques documents isolés ne peuvent rendre compte de larichesse de cette collection, dont la cohérence tient en sa capacité à rassembler enun seul lieu les références fondamentales pour ceux et celles qui s’intéressent audéveloppement de ces deux mouvements artistiques au Japon entre 1920 et 1945.

Nous sommes très honorés et remercions chaleureusement Madame VeraLinhartová d’avoir choisi notre bibliothèque pour ce don. Lors de la remise des docu-ments, celle-ci nous a confié les raisons de son choix : « c’est grâce à la Fondation duJapon qui m’avait accordée une bourse d’études que j’ai pu me rendre au Japon en 1982et réunir le matériau indispensable à ma recherche, il me semble naturel que ce soit àune bibliothèque de la Fondation du Japon que reviennent ces documents »…

R. A.

Zoomsur...

Le fonds Vera Linhartováà la bibliothèque

des années 1960 ?Hino Naohiko, architecte

et commissaire de l’expositionDéfis de villes

anecdotes et des surprises ; autant depoints de départ de commentaireshistoriques, anthropologiques, voirede réflexions philosophiques. Ainsi,Nietzsche, Trotski sont-ils amenés àcôtoyer les civilisations maya, aztèqueou otomi, le tout écrit dans un styleprécis et élégant admirablement rendupar le travail du traducteur.

ABE KazushigeSin SemillasTrad. de Jacques Levy

Arles : Éd. Philippe Picquier, 2013. 838p.

Ce roman-fleuve est impossible àrésumer car il brasse, sur presque undemi-siècle, la vie d’une ville,Jinmachi, dont l’auteur est lui-mêmeoriginaire. À travers la longuechronique de la famille de Tamiya, leboulanger, on découvre une sorte de« Japon des coulisses » où la pègre,la drogue et le sexe régissent les

liens complexes d’une multitude de personnages. Ce texte quia souvent été comparé dans la presse japonaise aux romansde William Faulkner n’est pas sans nous rappeler le styleparticulier d’un autre grand écrivain japonais Nakagami Kenji.Un récit qui tient en haleine de bout en bout, où l’auteurdécrit, sans sentimentalisme ni effet d’emphase, un monde corrompu, violent, rempli de conflits d’intérêt et d’intrigues familiales.

Société

Antonio PAGNOTTA Le dernier homme de FukushimaParis : Don Quichotte éditions, 2013. 218p.

En mars 2011, au lendemain de lacatastrophe nucléaire, les habitantsreçoivent l’ordre d’évacuer la zoneinterdite autour de la centrale deFukushima. Un fermier s’y oppose.Deux ans après, malgré les réacteursqui continuent de répandre laradioactivité, Matsumura Naoto a faitle choix de rester sur la terre de sesancêtres, et de s’occuper des animaux

abandonnés. Antonio Pagnotta, photoreporter et journaliste,est allé à sa rencontre au cours de séjours multiples dans la« zone rouge ». L’histoire de ce « samouraï sans maître » estaussi celle d’une région dévastée, d’une population sacrifiéesur l’autel des priorités économiques à l’échelle nationale. Un documentaire inédit qui raconte, sur fond des vainestentatives de décontamination ou des premiers symptômesinquiétants passés sous silence, la lutte symbolique de cethomme à travers le respect et le lien qu’il maintient avec la nature.

Agnès GIARDLes histoires d’amour au Japon : Des mythesfondateurs aux fables contemporainesGrenoble : Glénat, 2012. 510p.

Agnès Giard n’en est pas à son premieressai sur la sexualité, l’amour et larelation au corps au Japon. Depuis sespremières recherches, elle s’estattaquée au fantasme de l’Occidentsur cette sexualité japonaise supposée« autre », aux clichés que l’on colporteencore sur les relations amoureusesdans ce pays. C’est avec beaucoup de

rigueur qu’elle tente de décrypter les images de la culturepopulaire. L’ouvrage recense les cent histoires d’amour lesplus célèbres du Japon. Agnès Giard passe ainsi en revue unflorilège significatif de drames, d’épopées, de chants, de filmset de mangas qu’elle replace dans une perspective historiqueet esthétique. Un opus qui rassemble une iconographie richeet variée, faisant la part belle à un grand nombre d’artistesjaponais contemporains.

ISHII KôtaMille cercueils : À Kamaishi après le tsunami du 11 mars 2011Préf. de J.-F. Sabouret

Paris : Seuil, 2013. 230p.

Ishii Kôta est journaliste et écrivain. Aulendemain du séisme du 11 mars 2011, ildécide de se rendre dans le Tôhoku,pour voir, et surtout, vivre lacatastrophe au plus près, car c’est laseule manière, selon lui, de rendreréellement compte de l’impact d’un teldésastre sur la population. Il choisitKamaishi car le sort a voulu que cetteville ait été détruite à moitié seulement.

Ce sont donc les habitants survivants de la partie épargnée dela ville qui ont dû se charger des dépouilles de leurs proches,voisins et amis décédés dans la partie sinistrée. Ishii observeet recueille les témoignages des personnes qui ont travaillésans relâche dans les dépôts mortuaires de Kamaishi. Ce texte n’est pas un simple témoignage sur un événementqui a modifié à jamais l’histoire du Japon, il traite unequestion universelle : la réaction des hommes face àl’horreur, à la peur, à la souffrance et à la mort. Il poseégalement la question de la reconstruction, mais de l’intérieuret pour chacun.

Art

ALISHINA JujuLe corps prêt à danser : secrets de la dansejaponaise selon la méthode AlishinaParis : L’Harmattan 2013. 293p.

Juju Alishina est une chorégraphe etdanseuse japonaise, formée à la dansetraditionnelle nippone et au butô. Aprèsavoir fondé et dirigé sa troupe Nuba audébut des années 1990 au Japon, elles’installe à Paris en 1998 où elle pratiquele butô et l’enseigne. Dans cet ouvrage,elle rassemble toute une séried’exercices – échauffements physiques,

préparation du corps et de l’esprit à la danse individuelle ouen groupe – fruits de ces années d’expériences dans latransmission d’un art issu d’une culture lointaine en France,en Europe ou aux États-Unis. Pratique et pédagogique, cetteméthode, illustrée par la chorégraphe elle-même d’une sériede croquis expliquant les postures, aborde aussi différentsaspects historiques et pédagogiques du butô ou de la dansejaponaise qui ne manqueront pas d’intéresser les néophytes.

Philosophie

M. Dalissier, S. Nagai et Y. Sugimura (éd.)Philosophie japonaise : Le néant, le monde et le corpsParis : Librairie philosophique J. Vrin, coll. Textes clés de laphilosophie japonaise, 2013. 471p.

Ce recueil de textes se présente commeune proposition de définition de laphilosophie japonaise à travers dix écritsclés. L’ère Meiji (1868-1912) figure lemoment de l’histoire où la philosophie ausens occidental s’installe parallèlement àla pensée traditionnelle. L’ouvrage éclairece tournant en remontant le fil del’histoire jusqu’au XIIIe siècle avec le

moine Dôgen, avant de s’attacher plus particulièrement àl’étude des philosophes du XXe siècle. Chaque texte estprécédé d’une introduction visant à conceptualiser unephilosophie qui, dans un acte d’évidement de soi, a accueillides traditions philosophiques du monde, mais qui demeureproprement japonaise.

Littérature

KIRINO NatsuoL’île de TokyoTrad. par Claude Martin

Paris : Seuil, 2013. 281p.

Soit une vingtaine de naufragés japonaiséchoués sur une île au large desPhilippines, bientôt rejoints par unedizaine de Chinois. Au centre du récit,Kiyoko, seule femme, quarante-six ans,devient bientôt l’objet de toutes lesconvoitises. Or, tous ses maris successifs,tirés au sort, meurent dans d’étrangescirconstances…

Que la reine du suspense Kirino Natsuo, multi-récompenséeen son pays et dont la notoriété dépasse les frontières duJapon, s’essaie avec brio à une fable dans la lignée de DanielDefoe, et il en ressort une œuvre captivante.L’auteur livre, en effet, une vision cruelle de la violence desrapports humains et de la sexualité, au sein d’une société envase clos qui tente, comme elle le peut, de retarder son retourinéluctable à un état primitif.

NAKAMURA FuminoriPickpocketTrad. par Myriam Dartois-Ako

Arles : Éd. Philippe Picquier, 2013. 189p.

Dans ce livre à la narration froide etdistante, mais quelque peumélancolique, se dessine le destind’un homme solitaire, un pickpocketsans attaches ni illusions. Les jours sesuccèdent semblables les uns auxautres. Jusqu’à ce que ce pro du larcinse laisse amadouer par un petit garçon—que sa mère à la dérive force àchaparder— et tombe dans le pièged’un redoutable mafieux. Dès lors, tout

n’est plus que question de vie ou de mort.Récompensé par le prix Oe Kenzaburô en 2010 et bénéficiantde la recommandation de la virtuose du polar Kirino Natsuo,ce roman révèle un jeune talent de la littérature japonaise.

YOSHIDA KijûOdyssée mexicaine : voyage d’un cinéastejaponais, 1977-1982Trad. par Mathieu Capel

Nantes : Capricci, 2012. 268p.

En 1977, le cinéaste Yoshida Kijû part au Mexique dans le butd’y tourner un film. Il y séjournera cinq ans, mais aucun filmne ressortira de cette « odyssée naufrage ». En revanche,après son retour au Japon, il publiera un livre rassemblant enonze chapitres des notes et réflexions de voyages, étonnantde par sa qualité littéraire et la richesse de son contenu. Si lesconditions nécessaires au tournage font défaut, lefoisonnement culturel lié aux mélanges des populationscaptivent l’auteur qui laisse sa plume filer au gré des

Regards sur le fonds

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