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Les sorcières ne pleurent pas Natalia Fintzel-Romanova Voyance et malvoyance RÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE Extrait de la publication

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Les sorcièresne pleurent pas

Natalia Fintzel-Romanova

Voyance et malvoyanceRÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE

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Les sorcièresne pleurent pas

Natalia Fintzel-Romanova

Voyance et malvoyance

RÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Fintzel-Romanova, Natalia, 1975-

Les sorcières ne pleurent pas : voyance et maltraitance

(Collection Essence)

ISBN 978-2-923715-56-8

1. Voyance. 2. Perception extrasensorielle. 3. Précognition. I. Titre. II. Collection: Collection

Essence.

BF1325.F56 2011 133.8’4 C2010-942787-4

Pour l’aide à la réalisation de son programme éditorial, l’éditeur remercie

la Société de Développement des Entreprises Culturelles (SODEC), ainsi

que le Conseil des Arts du Canada.

Marcel Broquet Éditeur

55 A, rue de l’Église, Saint-Sauveur (Québec) Canada J0R 1R0

Téléphone : 450 744-1236

[email protected] • www.marcelbroquet.com

Révision : Denis Poulet

Concept et réalisation de la couverture : Michel Gautier et Roger Belle-Isle

Mise en page : Roger Belle-Isle

Distribution :

1650, Boulevard Lionel-Bertrand

Boisbriand (Québec) Canada J7H 1N7

Téléphone : 450 434-0306 • Sans frais : 1 800 363-2864

Service à la clientèle : [email protected]

Distribution pour la France :

DNM Distribution du Nouveau Monde

30, rue Gay-Lussac, 75005, Paris

Tél. : 01.42.54.50.24 • Fax : 01.43.54.39.15

Librairie du Québec

30, rue Gay-Lussac, 75005, Paris

Tél. : 01.43.54.49.02

www.librairieduquebec.fr

Diffusion – Promotion :

[email protected]

Dépôt légal : 1er trimestre 2011

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliothèque et Archives nationales Canada

Bibliothèque nationale de France

© Marcel Broquet Éditeur, 2011

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction interdits

sans l’accord de l’auteure et de l’éditeur.

Distribution pour le Benelux :

SDL La Caravelle S.A.

Rue du Pré aux Oies, 303

B-1130 Bruxelles

Tél. : +32 (0) 2 240 93 00

[email protected]

www.sdlcaravelle.com

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À Clémence Verniau et Espérance Pham Thai Lan qui m’ont donné la clé.

À Fanchon Pradalier-Roy, la Papesse, qui m’a ouvert la porte.

À Sévrine Panicci qui m’a sauvé la vie

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Tous les faits et personnages sont réels.

Seuls les prénoms, noms des protagonistes

et certaines configurations de lieux

ont été transformés ou modifiés.

• •

Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient,

et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet.

BOSSUET

homme d’église, prédicateur

et écrivain français, 1627-1704

• •

La vérité, dire la vérité… C’est ce qu’ils exigent tous, et surtout ceux qui vous aiment… Mais comment dire la vérité

à ceux qui n’en supportent pas l’éclat ?

Alice RIVAZ

écrivaine suisse, 1901-1998

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Prologue

Mai 2008

Tout le monde a une double vie. Double au sens de « qui a deux

aspects dont un seul est manifeste ou révélé », selon le Larousse.

Chacun montre à autrui le visage qu’il souhaite. Qu’il pense être

celui qui lui correspond le mieux. Qu’il est peut-être parfois, souvent

même, obligé d’afficher par souci social ou professionnel. L’autre versant,

la part d’ombre, celle qui, critiquable, effrayante ou encore honteuse,

n’ose se mettre en avant, compose comme elle le peut avec ses propres

ténèbres. C’est un arrangement que l’on pourrait qualifier de spéculaire

entre Soi, d’un côté, et Soi-même, de l’autre. Contrat tacite dans lequel

les deux parties n’en font qu’une.

Personne n’est réellement ce qu’il prétend. Comme celle de la

Lune, la face cachée des individus est derrière eux et surgit quelquefois

quand on s’y attend le moins, mais finit par s’imposer parce que c’est

le cycle essentiel, l’obligation biologique. Personne ne peut se cacher

indéfiniment. « Chassez le naturel… »

Les Hindous affirment que l’on n’échappe pas à son karma : notre

vie est écrite en fonction des précédentes. Certaines incarnations seront

plus douloureuses ou, au contraire, plus gratifiantes que d’autres. Celle-ci,

la vôtre peut-être, apparaît parsemée d’obstacles et de misères en tous

genres, tandis que le voisin, de l’autre côté de la rue, se verra riche, en

bonne santé, beau et célèbre. Personne n’a le même menu karmique

entre les mains, mais tout le monde doit payer son addition.

• •

Extrait de la publication

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Les sorcières ne pleurent pas

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Depuis quelques années, elle ressent son propre karma de manière

graduelle, par bribes, comme des messages de vie transmis au fur et à

mesure des expériences vécues et des êtres rencontrés.

Élevée au sein d’une famille a priori conservatrice et cartésienne, elle

a opté jusqu’à l’âge de seize ans pour le fameux adage de saint Thomas :

« Je ne crois que ce que je vois. » Simplement, de sa vision va dépendre

sa croyance et, surtout, va la faire adhérer à la réalité…

Aujourd’hui, elle n’a plus de vie sociale ou si peu. Elle a un rapport

paradoxal aux gens, à la fois distant et très impliqué. Elle ne veut pas

côtoyer trop d’individus de manière proche. Elle a peur du regard des

autres, si censeur dans son expression…

De sociable et fêtarde, elle est devenue méfiante, paranoïaque et

casanière. Une véritable Hermite tout droit sortie du Tarot de Marseille.

Pour un Gémeaux ascendant Sagittaire, qui l’eût cru… ?

Sa propre vie a été mise entre parenthèses. Elle existe à travers les

autres, car elle vit la vie des autres à travers elle-même. Elle connait

mieux les détails de l’existence de ses amis, par exemple, sans même

être en contact régulier avec eux, ou de celle de la boulangère, que de la

sienne. Ses « détails » personnels sont, de fait, réduits à pas grand-chose.

Cependant, les vies des autres sont tellement intéressantes, fascinantes,

névrosées… Elle s’y glisse avec délice comme un acteur de cinéma prépare

son rôle en prenant en considération chaque élément de son texte et

de son personnage.

Elle se les approprie puisqu’elle n’a pas le choix. Ils sont là, sans jamais

surgir comme des démons. Ils ne la hantent pas, c’est elle qui les laisse

passer sa porte. Vous entrez chez elle, vous la possédez, alors que peu

d’entre vous la laissent pénétrer leur intimité, surtout celle que vous

voulez garder secrète. La non-avouable.

• •

Tu n’as pas de secret pour moi. Je sais qui tu es vraiment. Ce que ton

esprit comporte de sincérité, d’honnêteté, mais aussi de vice et de

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perversion. Tu peux dire « oui », je sais si c’est « non ». Tu as mis ta

belle tenue de personne avenante, généreuse et optimiste ? En réalité,

tu es frustré, avide de pouvoir et castrateur. Tu as un regard bleu azur ?

Je sais qu’au fond il est plus noir que le costume du maléfique Prince

des contes de fées.

Au contraire, tu es timide, effacé, sans attrait particulier ? Détrompe-toi.

Tu es quelqu’un de bon, de droit et d’une richesse intérieure considérable

que personne, à ton grand malheur, ne remarque.

Je navigue entre vos vies respectives, au détriment de la mienne.

Voyage de groupe où je suis la seule à connaître l’itinéraire.

De plus en plus, quelque chose me pousse à renier ma propre vie

pour entrer dans vos dédales existentiels si chers à mes films mentaux

que je me repasse en boucle. Je vous vis, je vous vois, je vous sais, rien

ne m’échappe. J’ai une vue excellente, sans failles.

J’ai peur qu’un jour prochain, quelqu’un me dise d’aller me faire

soigner. De me « dénoncer ». J’arrive à un point où, en effet, mon karma

me souffle de prendre le chemin qui m’est destiné. Le bon. Le mien.

Trop de signes se mettent sur ma route comme autant de panneaux

indicateurs sur celle du conducteur égaré au milieu d’une voie tortueuse

et sans fin apparente. En attendant, je suis en train de me perdre.

En même temps, l’entourage, la société seront intraitables. Je passe

ou je casse. Je ne pourrai pas revenir en arrière. J’ai maintenant trente

ans et si je n’agis pas, ma vie se résumera à un monumental désastre.

Non, je ne suis pas schizophrène. Je suis « diseuse d’avenir ». Voyante,

si vous préférez.

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CHAPITRE 1

La Poupée russe

Juin 2009

J’ai retrouvé des photos sur lesquelles je pose. J’ai à peu près quatre,

cinq ans maximum, et je pose. Je fais déjà « du Maillan », comme

me diront souvent mes amis quelques années plus tard.

Sur l’une, je suis en colère contre quelqu’un assis à mes côtés. Sur

une autre, accoudée négligemment à la rambarde d’un escalier en

pierre, je devise sur un sujet paraissant capital. Sur celle-là, on vient de

m’annoncer une surprise énorme qui me fait faire un grand « Oh ! »,

les yeux verts écarquillés. Mes petites mains écrasent mes joues encore

rondes, dans un geste de sidération absolue.

Je semble très à l’aise dans tous ces instantanés de vie et pourtant,

je suis seule sur chaque cliché. Je parle à des êtres invisibles. Mon père

est derrière l’objectif et sauvegarde l’expression de mon tempérament.

En les revoyant aujourd’hui, j’ai presque envie de dire qu’il n’eût

pas fallu que je sois accompagnée. J’évolue dans un monde imaginaire

et la présence de tierces personnes aurait probablement gâché l’intérêt

de ces images.

L’une, en particulier, retient davantage mon attention, car elle ne

prête pas à sourire mais intrigue. Je suis assise sur un rebord en grosse

pierre. Une forêt se dessine au loin, troncs d’arbres et feuillages flous,

derrière moi. Entre cette forêt et moi, cinquante mètres de vide. Avec une

assurance et peut-être l’inconscience enfantine d’un danger potentiel

proche, je suis solidement installée sur mon rebord, les mains posées

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de part et d’autre de mon corps et les jambes ballantes. La lumière du

soleil est étrangement positionnée sur moi. Je suis « ensoleillée » de

bas en haut, jusqu’au cou et sur un côté de ma tête. Mes cheveux blonds

forment un halo lumineux sur la droite tandis que le côté gauche est

plongé dans l’ombre. Comme si j’avais été coupée en deux par la seule

volonté solaire.

En m’observant attentivement, je suis troublée par l’expression de mon

visage. Mon regard n’est pas celui d’un enfant. J’ai un regard « vieux ».

Blasé, un peu cynique, et surtout intensément fixe vers l’objectif, avec

l’idée de lui transmettre le message disant qu’« on ne me la fait pas, à

moi ». Un semblant de demi-sourire un peu forcé, probablement suite

aux injonctions paternelles, relève les coins de ma bouche, mais si peu,

juste pour la forme. Une force incroyable, pour une enfant de cet âge,

semble émaner de ma personne.

Plus tard je retrouverai d’autres clichés, datant de la même période ou

presque, sur lesquels j’ai toujours ces cheveux très blonds et courts, ces

infâmes salopettes et sous-pulls colorés façon années soixante-dix, et ces

baskets blanches, panoplie qui aurait tout aussi bien pu appartenir à un

garçon. Sur toutes ces photos, encore une fois, mon regard vert perçant

se détache et éteint celui des autres enfants qui sont photographiés

avec moi.

Depuis longtemps revient cette « affaire des yeux ». Je suis, semble-t-il,

quelqu’un que l’on remarque pour son regard si particulier. Dur et froid

pour certains, inquisiteur et dérangeant pour d’autres, je reste toujours

étonnée, voire amusée, par les réactions extrêmes qu’il suscite. Le sachant,

je me permets d’en jouer aujourd’hui en certaines circonstances, lorsque

je me sens suffisamment en forme pour endosser le rôle de « la Fille

mystérieuse qui cherche à se démarquer ». Il est évident que cela a pu

me porter préjudice, car j’ai souvent été associée à des termes comme

« prétentieuse », « hautaine », « misanthrope », voire « sadique » et

« manipulatrice ».

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Pourtant, entre huit et quinze ans, aussi loin que ma mémoire me

laisse aller, j’ai toujours été un boute-en-train. Inscrite au club de théâtre

dès mes premières années de collège, j’ai été abonnée aux rôles de

femmes fofolles et frivoles qui parlent fort et aiment se faire remarquer.

Je connais l’œuvre de Feydeau, Guitry, Roussin et confrères par cœur.

Sans jamais de trac ni trous de mémoire, j’aimais la scène pour le

pouvoir qu’elle procure sur la salle. La scène, comme l’écran d’ailleurs,

rend beau et intéressant. Le spectateur assis dans la salle, focalisé sur

l’histoire qui se déroule sous ses yeux, fantasme inévitablement les acteurs.

Moi, c’est ce que je fais : Quel âge a-t-il vraiment ? Est-il heureux dans

sa vie ? Comment est-il au quotidien ? Va-t-il réussir dans son métier ?

Etc. Je me recrée un être à partir de l’interprète qui gesticule devant

moi. J’ai toujours fait cela au point de ne jamais me rappeler les titres

des pièces ou films que j’ai vus. Néant. Ce dont je me souviens, ce sont

les noms des personnes qui habitent ces créations. C’est tout.

Ensuite, au lycée, même chose. J’étais celle qui n’avait pas sa langue

dans sa poche et n’hésitait pas à se mettre sur un pied d’égalité avec les

professeurs (du moins, en paroles). D’un côté, ceux-ci me considéraient

davantage que certains autres élèves, prenant mon enthousiasme et ma

spontanéité pour de l’intérêt, alors que certains élèves me regardaient de

travers. Je n’avais d’ailleurs pas de véritables amies, plutôt des « copines ».

Des filles avec lesquelles j’allais traîner au centre commercial ou dans les

parcs les samedis après-midi. Des filles avec lesquelles j’ingurgitais les

films et les chansons les plus cruches de l’époque, et pour qui les sitcoms écrites à coups de blagues Carambar© étaient la raison principale pour

rentrer à l’heure après les cours. En résumé, nous étions des adolescentes

tout à fait normales.

Un jour, je repérai une fille un peu plus âgée que nous qui rigolait

constamment. Elle arrivait souvent en retard et, parfois même, partait

entre deux heures de cours pour ne pas revenir. Elle disparaissait,

personne ne savait où elle allait et surtout pourquoi. On avait l’impression

que personne n’avait de prise sur elle, même pas le corps enseignant.

Extrait de la publication

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Elle était portugaise, vivait avec ses parents et ses trois sœurs. Très

croyante, elle allait à la messe tous les dimanches et ne dérogeait à

aucune fête religieuse. De mon côté, la religion n’a jamais été un sujet

de conversation idéal, ma mère étant croyante-un-peu-pratiquante, moi

pratiquante-un-peu-obligée, et mon père athée. Le reste de la famille

était pratiquant par culture et peut-être aussi par habitude.

Les seuls éléments qui me plaisaient dans la religion étaient la musique

des orgues, la résonance des cloches, la forme et la couleur des lieux de

culte orthodoxes et les cimetières. Dans une ville proche de la nôtre, se

dressait une jolie petite église russe flanquée de son ancestral cimetière,

le tout dans un agréable et calme environnement d’arbres et de verdure1.

Tous les dimanches, accompagnée d’un ami sportif, je prenais mon

vélo et faisais spécialement une dizaine de kilomètres rien que pour me

promener entre les tombes de Russes célèbres et autres princes anonymes.

On y rencontrait celles de Noureev ou de Serge Lifar, par exemple.

Quelques ancêtres, également, frayaient avec Youssoupov, l’assassin de

Raspoutine. Je n’ai jamais vu le caveau d’Ivan Mosjoukine, mon acteur

russe préféré, mais je sais qu’il se trouve parmi ces fantômes.

En haut du cimetière, existait un endroit, dans un périmètre limité,

où quelques pierres tombales avaient été laissées à l’abandon depuis fort

longtemps. Un endroit envahi par les herbes hautes et les champignons

où plus personne ne mettait les pieds. Un après-midi, alors que le

cimetière était quasi-désert, irrésistiblement attirée vers ces ruines,

j’y entraînai mon ami plutôt réfractaire à la vue de ce « far west »

inhospitalier. Arrivée la première, je me rendis compte que les tombes

étaient à demi ouvertes. Les pierres tombales avaient été déplacées et

offraient une vue béante mais limitée sur leur contenu. Dans le même

état d’excitation que si je venais de trouver un trésor, je demandai à mon

ami de m’aider à pousser davantage l’une des dalles de pierre, ou ce qu’il

en restait, afin que nous puissions voir ce qu’elle recelait. Ce caveau

1 Cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne).

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me captait, comme un aimant. Quelques fleurs rouges l’entouraient

et l’on pouvait encore distinguer, sur les restes de la stèle, un nom en

« … ov » ou en « …kine » surmonté de chiffres indiquant vaguement

une date remontant au XVIe siècle. Ma première et unique découverte

« historique », en quelque sorte.

Je voulais absolument voir l’intérieur de ce caveau et je ne voulais

pas repartir avant d’avoir réussi. Mon ami, de peur que le gardien nous

surprenne dans cet endroit abandonné, avait déjà rejoint les allées dans

lesquelles étaient alignés les derniers arrivés. Russes d’aujourd’hui

enterrés peut-être la veille.

Véritablement en colère, je lui signifiai notre départ immédiat, puisque

je ne viendrais pas à bout de sa lâcheté. Depuis ce jour-là, je n’y suis

jamais retournée.

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Les sorcièresne pleurent pas

Voyance et malvoyance

RÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE

N atalia, fi lle d’immigrés russo-polonais, est touchée depuis l’adolescence par des phénomènes

de précognition. Très imprégnée par le folklore et les croyances d’Europe de l’Est, elle « tombe »

très vite dans la marmite de l’astrologie, la cartomancie, etc. Aujourd’hui, avec ou sans support,

elle est capable d’entrer dans l’intimité des gens, ce qui la place souvent dans des situations

cocasses mais aussi délicates.

Non-professionnelle, elle explique, en toute objectivité, comment vivre ces événements au

quotidien, leurs atouts, leurs inconvénients, les rapports avec autrui et surtout quelle est la place

de ces manifestations dans la société actuelle, de quelle manière un voyant est perçu de nos jours,

les liens avec la religion (matérialisme versus spiritualité)…

Au fi l du témoignage, on comprend l’importance des rencontres, positives comme néfastes,

dans ce cheminement ésotérique, les pièges, les profi teurs, les escrocs, les « business voyants »,

ainsi qu’une forme de prostitution morale, mais aussi les personnes clés et l’hypothèse que la

voyance n’a rien de magique en soi. Elle le devient par les mythologies culturelles et personnelles

ainsi que par le conditionnement dont on l’entoure. Combinaison de connexions, entre autres

neuro-électriques, énergétiques, psychologiques et sensitives, ce que l’on nomme communément

« la voyance » a, de nos jours, encore beaucoup de diffi culté à être acceptée, par manque

d’informations sérieuses, de preuves et d’action intègre.

Par ailleurs, ce texte s’adresse également à des personnes qui sont victimes de manifestations

précognitives, de fl ashes, sans toutefois être médiums, et qui ne savent pas forcément comment

les gérer, y faire face en les dédramatisant. Dans la voyance, rien n’est extraordinaire et tout reste

à démystifi er : c’est avant tout le cerveau qui a « les cartes en main ».

Natalia Fintzel-Romanova Après avoir travaillé à la radio, dans l’édition et le théâtre, Natalia Fintzel-

Romanova, journaliste indépendante française, livre un témoignage sur

ce sujet qui la touche personnellement. Immergée pendant plusieurs

années dans l’univers de la voyance, y compris commerciale, elle tente

de nous faire découvrir certaines facettes d’un monde aux pratiques pas

toujours très intègres...

• •

Extrait de la publication