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Les services aux étudiants : le bonheur est-il un objectif éducatif ? Rénald Côté 1 D rôle de question à poser dans le titre d’un texte censé traiter de l’influence des cégeps sur le développement personnel et social des étudiants et étudiantes. Ce titre surprend d’autant plus que je ne suis ni un spécialiste du bonheur ni, non plus, un expert des affaires étudiantes et du développement de la personne. N’ayant pas à supporter le poids qui accompagne les gens qui ont une expertise reconnue, je peux donc me permettre de répondre « oui » à ma propre question, sans pour autant m’engager à en faire la preuve scientifique. En matière de bonheur, je préfère une vision plus impressionniste, tout étant tellement relatif. Y compris mes opinions sur le sujet. L’époque de mon séminaire Les cégeps ne sont pas les résultats d’un big bang éducatif qui les aurait fait surgir de terre ; ils viennent d’ailleurs et cet ailleurs a sans aucun doute influencé leur future identité. Quand j’étudiais et que je vivais, puisque j’étais pensionnaire (il n’y avait pas d’autre statut que celui-ci) au séminaire Sainte-Croix à Saint-Laurent, il n’était pas question d’environnement éducatif ni non plus de réussite éducative. J’imagine que les pères qui nous encadraient avaient un projet éducatif non écrit et poursuivaient quelques objectifs précis. Ma mémoire me joue peut-être des tours, mais je ne crois pas que le bonheur en faisait partie, le bonheur éternel, évidemment, puisque l’Église était alors spécialiste des placements à long terme. Si, aujourd’hui, on nous incite à dépenser tout de suite et à payer plus tard, dans le joyeux temps des séminaires de mon adolescence, on payait tout de suite sans trop savoir si un jour on pourrait dépenser toutes ces indulgences durement gagnées. Les ancêtres des cégeps d’aujourd’hui, ce n’est pas un secret, n’abusaient pas du mot « autonomie », ni non plus de son cousin « la liberté ». On nous consultait peu ou 1. Rénald Côté a été directeur des services aux étudiants et des communications au cégep de Trois-Rivières de 1986-2006. Cegeps2eEdFinal.indd 223 18/04/08 00:01:23

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Les services aux étudiants : le bonheur est-il un objectif éducatif ?

Rénald Côté1

Drôle de question à poser dans le titre d’un texte censé traiter de l’influence des cégeps sur le développement personnel et social des étudiants et étudiantes. Ce

titre surprend d’autant plus que je ne suis ni un spécialiste du bonheur ni, non plus, un expert des affaires étudiantes et du développement de la personne.

N’ayant pas à supporter le poids qui accompagne les gens qui ont une expertise reconnue, je peux donc me permettre de répondre « oui » à ma propre question, sans pour autant m’engager à en faire la preuve scientifique. En matière de bonheur, je préfère une vision plus impressionniste, tout étant tellement relatif. Y compris mes opinions sur le sujet.

L’époque de mon séminaire

Les cégeps ne sont pas les résultats d’un big bang éducatif qui les aurait fait surgir de terre ; ils viennent d’ailleurs et cet ailleurs a sans aucun doute influencé leur future identité. Quand j’étudiais et que je vivais, puisque j’étais pensionnaire (il n’y avait pas d’autre statut que celui-ci) au séminaire Sainte-Croix à Saint-Laurent, il n’était pas question d’environnement éducatif ni non plus de réussite éducative.

J’imagine que les pères qui nous encadraient avaient un projet éducatif non écrit et poursuivaient quelques objectifs précis. Ma mémoire me joue peut-être des tours, mais je ne crois pas que le bonheur en faisait partie, le bonheur éternel, évidemment, puisque l’Église était alors spécialiste des placements à long terme. Si, aujourd’hui, on nous incite à dépenser tout de suite et à payer plus tard, dans le joyeux temps des séminaires de mon adolescence, on payait tout de suite sans trop savoir si un jour on pourrait dépenser toutes ces indulgences durement gagnées.

Les ancêtres des cégeps d’aujourd’hui, ce n’est pas un secret, n’abusaient pas du mot « autonomie », ni non plus de son cousin « la liberté ». on nous consultait peu ou

1. Rénald Côté a été directeur des services aux étudiants et des communications au cégep de Trois-Rivières de 1986-2006.

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jamais, les leaders étaient désignés par les autorités mais, à travers les retenues et les multiples punitions décernées à tous ceux qui s’écartaient du droit chemin, nous avions quand même quelques moments de plaisir.

Au début des années 1960, à mon séminaire, qui aujourd’hui est intégré au cégep de Saint-Laurent, on nous off rait deux activités parascolaires obligatoires : la messe quotidienne et le basket. Bien avant la création des ligues intercollégiales de sport, mon séminaire, qui ne comptait que 200 étudiants, avait des équipes de basket qui visaient la conquête du championnat provincial.la conquête du championnat provincial.

Coup d’œil historique au cégep de saint-LaurentDans les années 1840, l’en-seignement élémentaire se développe mal à Montréal. Pour avoir des écoles, il faut payer des taxes et une commis-sion scolaire doit percevoir les cotisations des contribuables. Le cultivateur de Saint-Laurent n’attache pas grande impor-tance à l’instruction puisque l’école le prive de ses enfants dans l’exploitation de la ferme. À quoi sert l’école pour cultiver la terre ? Mais l’évêque de Montréal, monseigneur Ignace Bourget, ne pense pas ainsi, de même que l’abbé Jean-Baptiste Gaultier, le curé de la paroisse de Saint-Laurent. Ce dernier veut régler la question du man-que d’instruction dans sa paroisse et surtout l’immense pitié de l’enseignement du français. D’autant plus que les autorités civiles encouragent la fondation des écoles anglaises et protestantes un peu partout au pays.

Monseigneur Bourget s’adresse en France. Il entre en relations avec le père Basile Moreau, fondateur de la Congrégation des religieux et des religieuses de Sainte-Croix. Après des mois de correspondance, le père Moreau accepte d’envoyer un petit groupe de religieux pour l’enseignement au Canada. C’est ainsi que, le 27 mai 1847, deux pères, huit frères et quatre religieuses débarquent à Saint-Laurent pour s’y installer.

Le choc est rude. Frais émoulus d’un pays où la nature est domptée depuis longtemps, ils se heurtent à l’inattendu. Ils ne retrouvent pas ici des Français, mais des Canadiens. En changeant d’espace, les colons français ont aussi changé de mentalité et d’allure : l’hiver, la forêt, les rivières, le contact avec les indigènes, tout les a façonnés autrement. On avait promis aux religieux une installation tout confort. Ils se retrouvent dans une maison délabrée avec vue imprenable sur des arbres à essoucher. Sur le terrain d’en face, de l’autre côté du chemin, on aperçoit quelques sapins, des érables, des ormes et même des chênes. C’est à cet endroit que, cinq ans plus tard, ils décideront de construire le premier collège de Saint-Laurent.

L’aventure des Pères de Sainte-Croix durera 120 ans. En 1966, les pères estiment leur mission terminée au collège de Saint-Laurent. Les pension-naires sont moins nombreux. Les constructions du pavillon des sciences et du gymnase, qui ont coûté quelques millions, sont loin d’être claires d’engagement. Des dettes s’accumulent. Les salaires des professeurs laïques ne sont pas couverts par les octrois gouvernementaux. Plus sérieux encore, la Corporation du collège, intégralement religieuse, se trouve à diriger un corps enseignant presque exclusivement laïque.

Faudrait-il faire entrer des laïcs dans l’administration du collège ? Faudrait-il même leur céder l’administration tout entière ? Une poignée de religieux se trouvent à la tête d’un groupe important de laïcs : les pères en voient l’illogisme. Ils étudient le problème depuis quelques années. Ils y trouvent la solution lorsque, en 1966, le gouvernement passe la Loi créant les collèges d’enseignement général et professionnel. Ils vont offrir leur terrain et leur collège au ministère de l’Éducation. L’accord est conclu en juillet 1967. C’est avec nostalgie que les Pères de Sainte-Croix cèdent les rênes d’une œuvre d’enseignement qui aura duré 120 ans. Dorénavant, place au cégep de Saint-Laurent…

Extraits tirés et inspirés du livre Saint-Laurent, un collège se raconte, Denise Villiard-Bériault, Éditions Fides, 1977.

Cégep de Saint-Laurent, Montréal.

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J’effectue ce petit retour en arrière parce qu’il me semble important de raconter que, bien avant la venue des cégeps, il y avait une certaine vie étudiante dans les écoles, particulièrement dans les pensionnats qui devenaient alors le milieu de vie, le seul milieu de vie. on n’y cultivait pas le sentiment d’appartenance, il allait de soi. Les spécialistes de l’histoire des services aux étudiants, tel Léonce Boudreau, directeur des services aux étudiants au John Abbott College, s’entendent pour dire que les collèges américains ont eu une grande influence sur ce que sont devenus les services d’affaires étudiantes dans les universités et les collèges nord-américains.

Au temps de mon séminaire, les services de santé (frère infirmier), de pastorale (directeur spirituel), du socioculturel et des sports (maîtres de salle, professeurs), de l’aide financière (frère économe) ne s’appelaient pas « services », la notion de « relation d’aide » ne courait pas les corridors et je ne me souviens pas avoir entendu parler de « développement personnel et social ».

Ce qui ne nous a évidemment pas empêchés de nous développer, souvent en allant en réaction aux règles établies, une méthode pédagogique qui a fait ses preuves, même si l’on doit avouer que l’apprentissage dans la douleur (dure pour les genoux, la position imposée lors des retenues) se conjugue mal avec le mot éducatif.

L’avènement des cégeps qui, ce n’est certes pas un hasard, se retrouve dans le même chapitre historique que les événements de mai 1968, a fait céder de façon radicale tous les barrages érigés par les bons pères de mon séminaire. Les étudiants et les professeurs ayant enfin droit au chapitre, la personne s’est retrouvée au centre des préoccupations des cégeps naissants.

Le pouvoir des éTudianTs

Le développement des cégeps est intimement lié à l’évolution de la société qué-bécoise ; en effet, la mutation observée au niveau tant social que politique se reflète dans les cégeps qui ne vivent plus en vase clos et qui sont très perméables à tout ce qui se passe à l’extérieur. La naissance des cégeps est arrivée au moment où les étudiants, surfant sur la vague de la révolution dite tranquille, réclamaient le droit de participer aux décisions et de faire valoir leurs visées sur ce que devraient être ces nouveaux lieux de formation appelés cégeps.

Petite anecdote qui me fait sourire : en 1968, un des leaders du mouvement étudiant était Claude Charron, un de mes anciens confrères séminaristes du début des années 1960. Preuve éloquente que même mon ancien collège classique, consciemment ou non, contribuait au développement personnel et social de ses étudiants.

En 1968, tout le Québec est politisé, le mouvement souverainiste est en pleine éclosion et le mouvement étudiant est galvanisé par toute cette frénésie. Les valeurs telles la solidarité, l’altruisme, la conscientisation sociale et la paix sont très présentes dans les cégeps, comme dans la société en général.

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John Lennon a créé cet hymne éternel qu’est Imagine, texte qui illustre bien ce qui animait les jeunes cégépiens dans les années 1970 :

Imagine there’s no countries,it isn’t hard to do,nothing to kill or die for,no religion too,imagine all the peopleliving life in peace

(John Lennon)

Dans les cégeps, on parle, à cette époque, de gestion participative, de consensus, de libre circulation de l’information. Les étudiants sont présents à tous les comités, ce qui leur permet de faire connaître leurs besoins et de réclamer de nouveaux services.

de fréquenTes remises en quesTion

Les cégeps ont tenté d’évoluer au rythme des étudiants et de leurs besoins. Avouons tout de même qu’il n’est pas facile de suivre de façon soutenue les besoins des étudiants. Je crois plutôt que nous avons souvent été en réaction, faute de pouvoir anticiper les nouvelles demandes, les nouveaux besoins.

Au cours des vingt dernières années, les jeunes ont été submergés d’offres d’ac-tivités nouvelles provenant de partout. Si, dans les années 1970, le cégep était souvent perçu comme étant « le » milieu de vie, force est d’admettre que les choses ont changé avec les années.

Qui n’a pas entendu parler de ces étudiants, « au temps des fleurs » comme le chan-tait Mary Hopkins, qui vivaient littéralement au cégep, qui non seulement y étudiaient, mais y apprenaient leur métier de futur artiste, politicien, poète, comédien et animateur de radio. En ce temps-là, le travail rémunéré n’était pas encore très répandu, la jeunesse « se passait » beaucoup dans les cégeps.

Puis, compressions budgétaires obligent, on a cru que les cégeps prenaient le vi-rage « boîtes à cours », une époque où certains disaient que les municipalités avaient la mission d’offrir les activités culturelles et sportives à la place des cégeps, que les CLSC s’occupaient de la santé tant physique que mentale de nos jeunes, où Emploi et immi-gration Canada voyait au placement de nos finissants et finissantes, où l’Église pouvait se charger de la dimension spirituelle et pastorale. Heureusement, personne n’avait alors pensé faire appel à l’armée ou à la Sûreté du Québec pour faire respecter nos règlements sur les conditions de vie dans les cégeps.

Et puis, comme prévu, le pendule est revenu de son expédition à l’autre extrême pour se stabiliser à peu près au centre. Le cégep n’est pas le seul milieu qui puisse contri-buer à la formation des jeunes et des moins jeunes qui s’inscrivent dans un établissement

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collégial. Il est toutefois l’endroit où l’on offre l’ensemble des programmes d’études collégiales, au secteur tant technique que préuniversitaire. Un lieu qui conduit tout aussi bien au marché du travail qu’à l’université.

Depuis sa naissance, l’enseignement collégial a été, à maintes reprises, analysé, critiqué, revampé, remis en question. Tel un enfant se cherchant une famille d’accueil, les bras se sont tendus, tant au secondaire qu’à l’universitaire. Et pourtant, c’est bien simple, ce qui caractérise le cégep, c’est sa clientèle. Quand on cesse, pendant un ins-tant, de rêver à l’invention de nouvelles structures ou à l’abandon de ce modèle, sous prétexte qu’il nous est propre, on se concentre sur le jeune homme et la jeune femme qui fréquentent nos institutions, sur leurs caractéristiques à eux.

Cet exercice nous permet de constater que les cégeps, malgré des périodes de tâ-tonnements et de grandes imperfections, ont une qualité essentielle, celle qui justifie, à elle seule, leur existence : ils répondent aux besoins des étudiants, ils sont faits sur mesure pour des jeunes qui sont en plein développement personnel et social, qui sont à l’âge de cristalliser leur identité, qui veulent apprendre dans le but de contribuer au mieux-être de la société dans laquelle ils évoluent et, objectif ultime, dans le but de vivre heureux.

Dès la naissance des cégeps, on a « inventé » un service d’aide à la réussite fait sur mesure pour l’étudiant : le service d’aide pédagogique individuel. Cette préoccupation visant à favoriser la réussite, d’abord scolaire et, plus tard, éducative de l’étudiant est sans doute une des caractéristiques des collèges, une « marque de commerce » qui, loin de s’atténuer avec les ans, a plutôt subi une courbe ascendante qui a conduit récemment tous les collèges à l’adoption de plans institutionnels de soutien à la réussite.

on pourrait croire, aidé en cela par l’ingestion d’une petite dose de cynisme, que ces plans iront rejoindre plein d’autres documents, remplis de bonnes intentions, qui croupissent, depuis des années, sur des tablettes aménagées spécialement pour accueillir les résultats des commandes ministérielles.

Je crois plutôt que les cégeps, en matière de soutien à la réussite, ont réussi au cours des dix dernières années à unir leurs forces et à pratiquer une convergence éducative qui est tout à leur honneur. Au point de voir le centre d’aide en français, le tutorat par les pairs et l’équipe de football comme autant de « mesures » de soutien à la réussite et « d’accrochage » scolaire.

L’imporTanCe des moTs

Les cégeps étant des milieux en constant bouillonnement intellectuel, il est normal que leur évolution soit jalonnée de mots visant à définir et à redéfinir leur mission, de mots qui, après toutes ces années de réflexion et de discussion, nous ont conduits à dire autrement ce qui a toujours constitué l’essentiel de la mission des cégeps : le développe-ment intégral de la personne.

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Si le modèle des cégeps est propre au Québec, cet objectif de placer l’étudiant au centre de nos préoccupations et de le considérer comme étant unique et formant un tout est universel. Lors d’un voyage d’études effectué en Tunisie avec l’Association des cadres des collèges du Québec à l’automne 2002, nous avons pu constater que les systèmes d’éducation, tout en étant différents dans leurs structures et les filières de formation proposées aux étudiants, ont de nombreux points en commun, ce qui est normal et rassurant.

Dans sa loi relative à l’éducation et à l’enseignement, le gouvernement tunisien précise, sous le chapitre des fonctions de l’école, le rôle de l’école :

Développer la personnalité de l’individu dans toutes ses dimensions morale affective, mentale et physique ; affiner ses dons et ses facultés et lui garantir le droit à la construction de sa personne d’une manière qui aiguise son esprit critique et sa volonté afin que se développent en lui clairvoyance et jugement, la confiance en soi, le sens de l’initiative et la créativité.

Bien sûr, on dira que ce ne sont que des mots et qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout quand on tente d’aiguiser l’esprit critique tout en limitant la liberté d’ex-pression. Je demeure toutefois convaincu de l’importance des mots et des credos. Les projets éducatifs, plans stratégiques de développement, énoncés de mission, plans de soutien à la réussite regorgent de mots mais ils ne sont pas vides de sens. Au contraire, ils sont compromettants.

Les projets éducatifs des collèges accordent beaucoup d’importance aux valeurs éducatives telles que le respect, l’ouverture aux autres, l’autonomie, la créativité et la responsabilité sociale. Au cours de leur existence, les cégeps ont contribué de façon évidente au développement personnel et intellectuel des hommes et des femmes qui les ont fréquentés. Bien sûr, les cégeps n’ont pas le monopole du développement personnel et social mais, en affirmant haut et fort que ces dimensions de l’être humain faisaient partie intégrante de leur mission, ils ont offert à leurs étudiants, tant par les cours que par les activités et l’ensemble des services offerts, la chance de réaliser et de réussir non seulement leurs études collégiales mais leur passage au cégep.

Passage qui correspond à un autre passage tout à fait crucial, celui de la vie. Le passage du secondaire au collégial, vécu par la majorité des étudiants inscrits à l’ensei-gnement régulier, est aussi un bond vers une plus grande liberté, la quête d’une plus grande autonomie.

Les jeunes ChangenT

Rien de nouveau, les jeunes ont toujours changé. Ne dit-on pas que, pour vivre heureux dans notre société hyperactive et changeante, il faut être doté d’une très grande capacité d’adaptation. Les cégeps aussi doivent faire preuve de souplesse : les jeunes ne sont plus ce qu’ils étaient.

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Ça, on s’en doutait. Ce qui est nouveau, c’est la vitesse avec laquelle ils évoluent, ma fille de 27 ans se sent à des an-nées-lumière de la génération des 20 ans. Dans le bon vieux temps, on parlait du fossé des générations ; de nos jours, les fossés se multiplient au même rythme que les générations, à très grande vitesse. Le scrabble intergénérationnel des X et des Y force les cégeps à redéfinir leur offre de service.

Les cégeps ne sont pas responsables de tout, ils ne sont pas responsables de la détresse psychologique ou de la peine

d’amour de leurs étudiants, pas responsables des familles éclatées, pas responsables des difficultés financières vécues par les jeunes qui les fréquentent, pas responsables de la difficile gestion du temps consécutive à la grande importance du travail rémunéré, mais ils ne peuvent faire abstraction de la réalité.

Les cégeps se sont adaptés et doivent être constamment ouverts à cette réalité très changeante, il suffit de penser à la très grande popularité des « travailleurs de milieu ou de corridors » dans les cégeps pour s’en convaincre. Les étudiants ne vivent plus jour et nuit dans les cégeps comme dans les années 1970, mais ils nous forcent à donner suite à tous ces beaux mots auxquels je faisais allusion précédemment.

La quêTe d’idenTiTé

Est-ce une nouvelle tendance ? Une nouvelle mode passagère ? Je crois plutôt que nous arrivons à un moment qui se dessine depuis de nombreuses

années ; nous savons depuis longtemps que la motivation est une des clés de la réussite et qu’il est difficile de se motiver quand on n’a aucune idée de la direction à prendre. Nous savons aussi que l’identité se construit de différentes façons et que tout notre environnement y contribue.

Peut-être que, dans quelques années, nous ne parlerons plus de quête mais plutôt de cristallisation ou que nous aurons créé un nouveau mot pouvant expliquer toute cette démarche qui consiste à permettre à un individu de se découvrir, de connaître ses goûts, ses forces, ses faiblesses et ses aptitudes. Cette quête d’identité dont nous parlons

Groupe d’étudiants, cégep de rimouski.

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beaucoup depuis quelques années n’est pas l’apanage des services d’orientation, c’est plutôt la reconnaissance du fait qu’en favorisant le développement personnel et social de l’étudiant, on contribue à la quête d’identité.

Comment apprend-on à se connaître ? En vivant. Réponse simpliste, j’en con-viens.

Comment développe-t-on des passions ? Que fait-on pour découvrir la profession, le métier qui va nous allumer pour les 20 prochaines années ? En vivant. En rencontrant des professeurs passionnés et en suivant des cours stimulants, en côtoyant des entraîneurs dédiés, en participant aux activités d’un centre d’aide ou de tutorat par les pairs, en entendant le témoignage d’une ancienne étudiante qui a trouvé sa voie, en travaillant au sein de son association étudiante.

À l’instar du soutien à la réussite, la quête d’identité est un objectif institutionnel, ce n’est pas une nouvelle tendance, c’est plutôt une façon de reconnaître que c’est la vie qui nous sculpte et qu’il faut parfois la provoquer, la vie.

Il y a quelques années, lors d’un colloque sur la réussite éducative organisé par la Fédération des cégeps, j’animais un débat du genre « Droit de parole » auquel partici-paient une quinzaine d’étudiants ayant fréquenté des cégeps quelques années auparavant. La question posée était la suivante : « Qu’est-ce qui vous a frappés, qu’est-ce qui vous a marqués pendant votre passage au cégep ? »

C’était passionnant ; il faut dire que les étudiants présents avaient plein de choses à dire et savaient comment les dire. Une étudiante nous a parlé de son professeur de litté-rature, un homme qui lui a inculqué sa passion pour les livres. En l’entendant, on croyait revoir Robin Williams dans La Société des poètes disparus et entendre tous ces étudiants qui grimpaient sur leur pupitre en scandant « Mon capitaine, mon capitaine ».

Un étudiant nous a dit avoir été marqué par son entraîneur de football et par la discipline, l’esprit d’équipe et le goût de l’effort qu’il avait réussi à leur inculquer. Une autre avait pris goût à l’enseignement en participant aux activités d’un centre d’aide en mathématiques.

Mais le témoignage que j’ai retenu et qui m’a, à mon tour, marqué, et que je ne cesse de répéter depuis, est celui d’une jeune femme qui avait étudié au collège Ahuntsic et qui avait lancé ceci aux quelque deux cents personnes présentes : « La personne la plus importante que j’ai rencontrée dans les corridors de mon collège… c’est moi. » C’était tellement beau à entendre et tellement vrai. La quête d’identité, c’est tout simplement cela.

Depuis leur création, les cégeps aident les étudiants à se croiser au carrefour de deux corridors, leur permettent de se découvrir, d’expérimenter, de se tromper et d’avoir du plaisir.

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L’environnemenT éduCaTif

Un concept très en vogue chez nos voisins du Sud, l’environnement éducatif favorise le mieux-être et, par conséquent, la réussite éducative en offrant aux étudiants un milieu humain et physique favorisant l’apprentissage, la discussion, les échanges et la libre expression. Un environnement social et culturel qui favorise le développement du potentiel créateur des étudiants. Un environnement où une place importante est laissée à l’expression artistique.

Depuis leur création, et grâce au dyna-misme des responsables des services d’anima-tion culturelle, les cégeps offrent aux étudiants la chance de manifester leur créativité. Les innovations mises sur pied dans les cégeps sont nombreuses : Cégeps en spectacle, Cégeps rock, le marathon d’écriture, le festival de théâtre, la danse, la poésie, etc.

Étudiante artiste-peintre, cégep de rivière-du-Loup.

Comédie musicale, collège Édouard-Montpetit, Longueuil.

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Cégeps en spectacleplus de 25 ans de découvertes artistiques !

Les débuts de Cégeps en spectacleAyant constaté l’intérêt marqué des étudiantes et des étudiants à son concours de variétés, Michel Drainville, alors animateur socioculturel du collège Ahuntsic, propose à l’automne 1979 aux institutions collégiales de la région de Montréal un concours multidisciplinaire regroupant tous les arts de la scène. Huit cégeps répondent à cette invitation : Ahuntsic, Granby, Joliette, Rosemont, Saint-Jean-sur-Richelieu, Maisonneuve, André-Laurendeau et Vanier.

Le concours est basé sur l’autonomie de chacun des cégeps qui s’engagent à organiser une fi nale locale afi n de déterminer un représentant pour la fi nale régionale. Le 5 décembre 1979, la première fi nale locale de l’histoire du concours se tient au collège Ahuntsic, suivie le 26 avril 1980, de la fi nale régionale où Martine St-Clair est sacrée grande gagnante. Cégeps en spectacle était né !

Cégeps en spectacle se solidifi eDès sa deuxième édition, Cégeps en spectacle rassemble quatorze cégeps, soit six de plus que l’année précédente ! Pour satisfaire à cette popularité, on divise les cégeps en régions, on ajoute une fi nale nationale et on récompense deux gagnants ex æquo. Le 17 avril 1981, la première fi nale nationale a lieu à la Comédie nationale de Montréal. L’année suivante, la fi nale nationale se tient pour la première fois dans un cégep ; celui de Shawinigan. À la quatrième édition, en 1982-1983, on introduit une nouveauté : un artiste représentera désormais le concours en agissant comme porte-parole. Cette année-là, Martine St-Clair nous offre cet honneur !

un événement devenu rapidement un incontournable !Dès les premières années, Cégeps en spectacle connaît un succès fulgurant et le nombre de participants grimpe rapidement. Il s’attire alors la faveur d’organismes culturels pour la jeunesse qui offrent des bourses et des stages de perfectionnement en Europe à certains fi nalistes régionaux (Offi ce franco-québécois pour la jeunesse depuis 1987, Agence Québec-Wallonie-Bruxelles 1989 à 1992 et Jeunesses musicales du Canada de 1989 à 1992).

En 1989, Cégeps en spectacle devient 100 % francophone ; les numéros doivent être dorénavant entièrement en langue française. L’année suivante, le prix Création, offert par la Fédération des cégeps, fait son apparition, puis en 1994-1995, pour la seizième édition, les deux prix ex æquo sont remplacés par un 1er prix et un 2e prix.

À partir de 1993, plus de cinquante collèges (publics et privés) participent annuellement à Cégeps en spectacle ; le nombre frôle aujourd’hui la soixantaine.

En 1999, le Réseau intercollégial des activités socioculturelles du Québec* devient le producteur de Cégeps en spectacle, sans contredit l’un des plus importants concours des arts de la scène au Québec. Chaque année, des artistes y sont révélés, dont plusieurs sont devenus des acteurs importants de la scène artistique québécoise. À vous de juger en consultant le tableau récapitulatif que voici !

* Affi lié à la Fédération des cégeps, le Réseau intercollégial des activités socioculturelles du Québec œuvre au développement d’activités éducatives de loisir culturel pour les jeunes du milieu collégial. Il regroupe la majorité des services d’animation culturelle des établissements collégiaux. En 2008, le Réseau compte 69 établissements d’enseignement membres, desservant plus de 139 000 étudiantes et étudiants, soit environ 81 % de la clientèle totale du réseau collégial.

Tableau récapitulatif

année gagnant du 1er prix Cégep hôte porte-parole

2007 Les MainsconnusDominique Bouchard, Pier-Olivier Doucet, Alexandre Lavoie et Jean-Pascal Houde-Simard (Chicoutimi)

Saint-Jean-sur-Richelieu

Vincent Vallières

2006 À CapellaCatherine Sauriol, Marie-Pier Paquette-Séguin, Shannon Gélinas et Jessica Viau (Montmorency)

Rimouski Jonathan Painchaud

2005 Jérémie Roy, Samuel Lambert et Guillaume Monette (Drummondville) Lionel-Groulx Isabelle Blais

2004 François-Guillaume Leblanc (Limoilou) Vieux Montréal Ariane Moffatt et Stéphane Archambault

2003 Jean-Frédéric Hénault-Rondeau (Maisonneuve) Outaouais Luce Dufault

2002 Regard’AnnesJosianne Bell, Andrée-Anne Laurendeau, Lisanne Tremblay (Sherbrooke)

Jonquière Marie-Lise Pilote

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Les services aux étudiants : le bonheur est-il un objectif éducatif ? 233

année gagnant du 1er prix Cégep hôte porte-parole

2001 Si pailles, si rondesMarie-Michèle Brie, Rosalie Famelart, Émilie Fecteau, Marie-France Forcier, Marianne Gignac-Girard et Annie Robidoux (Saint-Laurent)

Montmorency Kevin Parent

2000 Quatuor DruzkovkaFrédéric Lambert, Hugo Gravel, Antoine Dufour et Guillaume Beauchamp (Régional de Lanaudière à Joliette)

Trois-Rivières Sylvie Tremblay

1999 Dominique Bouffard (Notre-Dame-de-Foy) Sherbrooke Chantal Lamarre et Nelson Minville

1998 MaëlstromAlexis Martin, Fatéri Reddy et Martin Lizotte (Lionel-Groulx)

Sainte-Foy Bruno Pelletier

1997 Les MusiciensYannick Fortier, Mathieu Fortier, Mathieu Gaulin, Sébastien Laplante et Jean-Luc Riverin (Abitibi-Témiscamingue)

Lionel-Groulx Robert Brouillette

1996 Affront FroidIsabelle Dionne et Pascal Rousseau (Saint-Félicien)

André-Laurendeau Marc Labrèche

1995 Raphaëlle Paquette et Rachel Cotton (Vincent-d’Indy) Chicoutimi Mario Jean

1994 Dany Ménard et Jocelyn Coutu (Sherbrooke)Sophie Anctil (Lévis-Lauzon)

Édouard-Montpetit Gaston Mandeville

1993 Raja Ouali (Vieux Montréal)Sandra Legagneur, Pierre Potvin, Frédéric Pelley, Ernst Perpignant et Carl Maraghi (André-Grasset)

Sherbrooke JiCi Lauzon

1992 Jennifer Aubry (Saint-Hyacinthe)Troupe ImpactPatrick Guay, Julie Patoine, Isabelle Gervais, Chantal Dubois, Marwa Abdel Megid et Natasha Tremblay (Édouard-Montpetit)

Maisonneuve Rock et Belles Oreilles

1991 Martin Le Sage (Notre-Dame-de-Foy) Julie Massicotte (Jonquière) Rimouski Julie Masse

1990 Laurent Paquin (Jonquière)Étienne Vendette (Sainte-Foy)

Saint-Hyacinthe Luc de Larochelière

1989 Annie Yergeau et Josée Lahaie (Trois-Rivières)Simon Delage (Jonquière)

Vieux Montréal Pierre Flynn

1988 Bryan Perro (Shawinigan)Geneviève Bilodeau (Vieux Montréal)

Lévis-Lauzon Marie-Denise Pelletier

1987 Myriam Guénette (Montmorency)Jean Nadeau et Sylvain Bédard (Notre-Dame-de-Foy)

Rimouski Le groupe Bogart

1986 Benoît Martel (Vieux Montréal)Marc Lemire (Trois-Rivières)

Vieux Montréal Jacques Girard

1985 Alain Massé (André-Grasset)La Ligne continueChristian Barrette, Denis Labranche, Marc Roberge et Pierre Rivard (Abitibi-Témiscamingue)

Abitibi-Témiscamingue Michel Rivard

1984 Élaine Ayotte (Rosemont)Érik Lavoie (Vieux Montréal)

Régional de Lanaudière à Joliette

Jean-Pierre Ferland

1983 CritèreCharles Guilbert et Jean-François Vary (Montmorency)Édward Francisque, Daniel Labrosse, Guy Tremblay et Pierre Séguin (Maisonneuve)

Saint-Jean-sur-Richelieu

Martine St-Clair

1982 Martine Boisvert et Johanne Cantara (Régional de Lanaudière à Joliette)Hepta-JazzSylvain Poirier, Denis Ricard, Yves Adam, Michel Tardif, Dany Ferron, Normand Piché, Sylvain Gagnon et Michel Gingras (Shawinigan)

Shawinigan –

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234 troisième partie : Une institution aux multiples rayonnements

année gagnant du 1er prix Cégep hôte porte-parole

1981 Woopelye bandLuc Cabana, Francis Cabana et Daniel Brière (Maisonneuve)Marie Bastien et Catherine Mellilo (Ahuntsic)

Comédie nationale de Montréal

1980 Martine St-Clair et Lyne Nault (Maisonneuve)Bande à Tony Carlone (Vanier)

Ahuntsic –

Source : http://www.riasq.qc.ca

Les artistes issus des cégeps depuis plus de trente ans n’ont évidemment pas été « inventés » dans les cégeps mais ils ont pu s’y exprimer et développer leurs nombreux talents grâce au soutien des gens des cégeps. L’environnement éducatif qui s’est gra-duellement mis en place dans les institutions collégiales a contribué à la socialisation de milliers de jeunes, leur a permis de s’exprimer et de voir et entendre leurs confrères et consœurs le faire à leur tour.

Les cégeps ont aussi permis à des jeunes d’origines diverses et ayant des orienta-tions professionnelles très diversifi ées de vivre et d’évoluer ensemble, qu’ils soient dans des programmes préuniversitaires ou techniques, qu’ils soient des adultes eff ectuant un retour aux études ou des adolescents arrivant du secondaire.

Une des forces des cégeps est d’avoir réussi à créer un sentiment d’appartenance à l’institution, malgré le fait que les études collégiales se déroulent dans un laps de temps relativement court. L’appar-tenance ne se fait pas qu’au collège lui-même, mais surtout aux programmes d’enseigne-ment, particulièrement au secteur technique. Également à l’association étudiante, au jour-nal étudiant, dans les troupes de théâtre et les clubs et ateliers au sein desquels évoluent de nombreux étudiants.

Les équipes sportives collégiales aident également au développement de ce sentiment d’appartenance et de fi erté à l’équipe et au cégep. Les asso-ciations d’anciens athlètes de niveau collégial sont présentes dans de nombreux collèges et contribuent à la création d’une tradition d’excellence qui se poursuit d’année en année. Volleyball, cégep de Saint-Jérôme.

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Les services aux étudiants : le bonheur est-il un objectif éducatif ? 235

La vaLorisaTion

Si la motivation est une des clés de la réussite, la valorisation joue également un grand rôle. Au cours des ans, les cégeps ont fait preuve de beaucoup d’imagination afin de valoriser les études et la participation des étudiants aux activités parascolaires et à la vie étudiante.

La reconnaissance des bons coups des étudiants soulignés lors de fêtes, de céré-monies de remise de diplômes ou de gala du mérite étudiant a également contribué au développement d’une certaine fierté et d’un sentiment d’appartenance aux institutions d’enseignement collégial.

Les cégeps, fidèles à leur mission axée sur le développement intégral de la personne, ont aussi toujours accordé beaucoup d’importance à la reconnaissance de l’engagement des étudiants tant au cégep que dans la communauté locale et régionale, confirmant en cela cette partie de leur mission qui est liée au développement culturel, social et écono-mique de la municipalité et de la région où ils sont implantés.

Récemment, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, la Fédération étudiante collégiale et la Fédération des cégeps se sont concertés afin de créer ce qu’il est convenu d’appeler une « mesure » qui reconnaît l’engagement des étudiants par une mention au bulletin.

Cette reconnaissance officielle permettra aux étudiants de faire reconnaître leur engagement, tant au cégep qu’à l’extérieur, dans les domaines social et communautaire, sportif, entrepreneurial, politique, scolaire, social et artistique ainsi que scientifique.

terrain de football de l’équipe Les Diablos, cégep de trois-rivières.

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236 troisième partie : Une institution aux multiples rayonnements

La mention au bulletin a une forte valeur symbolique puisqu’elle permet enfin de reconnaître officiellement le rôle éducatif et formateur de l’engagement. Une autre façon d’affirmer que les cégeps favorisent le développement personnel et social des étudiants, et ce, depuis leur création.

eT Le bonheur…

Et le bonheur dans tout cela ?En novembre 2002, l’Association des cadres des collèges du Québec organisait

un colloque dont le thème était « Bonheur 101 ou l’art d’être heureux au travail ». Un colloque fort intéressant réunissant de nombreux conférenciers tels Thierry Pauchant, Linda Plourde, Rémi Tremblay, Bruno Fortin, Bill Marchesin et Robert Blondin. Ce dernier m’a littéralement accroché quand il a « raconté » les résultats de l’enquête qu’il a menée à travers le monde et dont le sujet était, justement, le bonheur.

Robert Blondin, qui a révélé les résultats de son enquête sur les ondes de la radio de la Société Radio-Canada, a aussi publié un livre sur ce sujet : Le bonheur possible (Éditions de l’Homme). Lors de ce colloque portant sur le bonheur, M. Blondin a d’abord affirmé que les gens heureux ne se distinguent pas tellement par l’accumulation de plaisirs ou de biens, mais plutôt par leurs attitudes :

Les gens heureux sont ceux qui privilégient l’essentiel par rapport à l’accessoire, l’être à l’avoir, l’utile à l’agréable, le durable à l’éphémère, le suffisant au trop, le nécessaire au superflu, en fait les besoins au désir.

(Robert Blondin, Le bonheur possible)

M. Blondin et son équipe ont interrogé 2000 personnes tant en Europe, en Asie qu’en Amérique. Deux mille personnes qui se disaient heureuses, ce qui a permis aux chercheurs de tirer certaines conclusions sur les attitudes pouvant conduire au bonheur. Si, comme je le pense, le bonheur est un objectif éducatif, les six attitudes recensées par M. Blondin et son équipe devraient pouvoir être liées à la vie de nos étudiants.

L’environnement éducatif que leur offrent les cégeps devrait également favoriser le développement de ces attitudes porte-bonheur. Attitudes que Robert Blondin qualifie d’« intensificateurs qualitatifs du bonheur ». Les voici :

Être disponible au changementLa première caractéristique des gens heureux est cette capacité à se remettre en

question, à accepter le changement et le fait que la vie nous fait évoluer, nous force même à évoluer. Le passage du secondaire au collégial, de l’adolescence à l’âge adulte, l’adapta-tion aux études collégiales et à l’autonomie qu’elles nécessitent sont autant d’exemples de changements que devra vivre l’étudiant du collégial.

Les cégeps, en créant un cadre d’apprentissage, un environnement éducatif recon-naissant le changement comme une réalité tout à fait normale, favorisent le développe-ment de cette attitude chez les étudiants. Une attitude « bonne pour la vie », pourrait-on

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Les services aux étudiants : le bonheur est-il un objectif éducatif ? 237

dire, puisque l’ouverture d’esprit, la mobilité, la souplesse sont autant de qualités liées à cette attitude qu’est la disponibilité au changement.

L’équilibre raison-intuitionAussi appelée l’harmonisation des deux hémisphères du cerveau. Pascal ne disait-il

pas que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. J’ai beaucoup insisté, dans ma petite histoire des cégeps, sur l’importance que ceux-ci ont accordée aux arts et à la culture en général : musique, arts visuels, théâtre, littérature, danse. Les cégeps ont, depuis leur création, favorisé l’existence d’un milieu de vie où l’expression artistique, sous toutes ses formes, est valorisée.

Les cégeps ont aussi tenté de favoriser la culture scientifi que, notamment en off rant aux étudiants l’occasion de participer à des clubs de science ou à des concours, dont Science on tourne qui fut créé à leur intention.

Le concours science, on tourne !, facteur de motivation et de réussite pour les jeunes Susciter, encourager et soutenir l’intérêt des jeunes pour la science et les technologies : voilà la principale ambition de ce concours organisé par la Fédération des cégeps, en collaboration avec de nombreux partenaires des milieux éducatif et scientifi que. L’année 1992 marque le début de Science, on tourne ! avec une édition expérimentale intitulée La Trappe à souris, lancée à l’occasion du 25e anniver-saire des cégeps.

Science, on tourne ! est la seule compétition scientifique et technique de niveau collégial offerte à l’ensemble de la population étudiante des établissements d’enseignement collégial publics et privés du Québec. Cette compétition consiste, pour les étudiantes et les étudiants, à relever un défi scientifi que et technique loufoque en apparence, mais en réalité très complexe, concret et hautement pédagogique. En faisant intervenir des phénomènes physiques, chimiques, électriques et technologiques variés que les jeunes doivent être capables d’expliquer et de vulgariser, Science, on tourne ! démontre le caractère passionnant de la science et favorise l’intégration d’apprentissages techniques et scientifi ques. Mais, plus encore, il met en lumière le rôle déterminant que jouent les établissements d’enseignement collégial dans le développement et la diffusion des sciences et des technologies au Québec.

Les conditions de réussite du défi sont volontairement choisies pour amener les étudiants et les étudiantes à connaître, explorer et appliquer des concepts scientifi ques de base et pour leur faire réaliser toute l’importance de la créativité, de la persévérance et de la minutie dans la réalisation d’un objet technologique.

Une nouvelle édition de Science, on tourne ! est lancée chaque année au mois de janvier et se termine en mai avec la tenue d’une fi nale nationale. Les cégeps participants doivent organiser une fi nale locale au printemps pour déterminer une équipe gagnante qui se rendra à la fi nale nationale. Près de 1 000 jeunes participent chaque année aux fi nales locales de Science, on tourne !

Participants au concours Science on tourne ! 2005, cégep de Saint-Hyacinthe.

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238 troisième partie : Une institution aux multiples rayonnements

Tableau récapitulatif des éditions de science, on tourne !

année Titre du défi défi hôte Cégep gagnant2007 La patate chaude Construire deux machines indépendantes qui

s’échangeraient une balle de ping-pong, au-dessus d’un obstacle, en 60 secondes.

Collège de Shawinigan Collège Lafl èche (Trois-Rivières)• Charles Anderson Nadeau• David Dionne• Hugo Lessard

2006 Le bon bond Construire un engin autonome capable de déplacer un disque dans une zone d’atterrissage, à une distance prédéterminée par l’équipe participante.

Collège Édouard-Montpetit (Longueuil)

École nationale d’aérotechnique• Noël Giguère• Simon Gingras• Gabriel Vézina

2005 L’ombre du service secret

À l’aide d’un engin autonome, parcourir le plus rapidement possible une piste semi-circulaire pour agir sur une balle de tennis déposée sur un socle. Cette balle devra atterrir dans une cible au-delà de la piste.

Collège André-Grasset (Montréal)

Collège François-Xavier-Garneau• Pierre-Luc Lafl amme

2004 La tactique du tic tac Mesurer un temps demandé à l’aide d’un engin utilisant uniquement de l’énergie mécanique.

Collège Gérald-Godin (Sainte-Geneviève)

École nationale d’aérotechnique• Marc Gagnon• David Lefebvre

2003 Billes Express Construire un véhicule capable de transporter seize billes le plus rapidement possible sur une piste à obstacles.

Cégep de Chicoutimi Collège de Sherbrooke• Christian Audet• Dany Béland• Martin Bérubé

2002 La montgolfi ère s’emballe !

Placer, à l’aide d’un engin autonome, dix balles de golf dans trois trous situés sur une plateforme en haut d’une rampe.

Cégep de Trois-Rivières Cégep de Sorel-Tracy• Raphaël Jacqmain• Éric Gagnon• Jean-François Nobert

2001 L’art de tourner en rond

Construire un véhicule mû uniquement par l’énergie provenant de ressorts et capable de réaliser le plus grand nombre de tours possible sur une piste circulaire en l’espace de 3 minutes.

Cégep de Drummondville

Cégep de Trois-Rivières• Guillaume Forest• Martin Morissette• Mathieu St-Amand

2000 L’instrument à corde Construire un véhicule « tracteur » capable d’en tirer un autre au-delà d’une ligne de démarcation, en utilisant seulement l’énergie gravitationnelle.

Collège de Bois-de-Boulogne (Montréal)

Heritage College• Stephen Mason• Maurice Beauregard• Jeffrey Laurin

1999 La Tour pensée Construire une tour d’une hauteur de plus de 1,25 m aussi légère que possible et capable de supporter la charge la plus lourde possible.

École nationale d’aérotechnique (St-Hubert)

Cégep de Trois-Rivières• Jean Dessureault• Francis Robert• Mathieu Dessureault

1998 La Formule œuf Fabriquer un véhicule capable de transporter le plus rapidement possible, et sans le briser, un œuf dans une assiette, sur une distance horizontale de 5 m, en utilisant uniquement et obligatoirement la puissance motrice fournie par un élastique, et capable également de s’immobiliser après avoir complètement traversé la ligne d’arrêt.

Cégep de Sorel-Tracy Cégep de Saint-Jérôme• Denis Séguin• Danny Duquette• Maryse Giroux

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Les services aux étudiants : le bonheur est-il un objectif éducatif ? 239

Ici et maintenantSelon l’enquête Blondin, les gens qui se disent heureux seraient plus du type cigale

que fourmi, bien qu’il faille mettre quelques bémols sur cette libre interprétation de l’art de profi ter du moment présent. C’est au poète Horace que l’on doit ces deux mots qui en disent long sur l’importance du moment présent : carpe diem.

on pourrait traduire ces mots en latin par « cueille le jour sans te soucier du len-demain ». Est-ce là une invitation à ne pas cotiser à un REER ? ou à ne jamais préparer ses examens ? Ce serait plutôt une invitation à profi ter du moment présent, donc, de la vie quand elle passe.

Pour l’étudiant et l’étudiante, c’est aussi une invitation à profi ter pleinement de ce moment privilégié que sont les études collégiales et le passage au cégep. Si le cégep est fait sur mesure pour l’étudiant qui y arrive, cela fait partie de mon credo, il va de soi que celui-ci doit en profi ter ici et maintenant.

Source : Fédération des cégeps, 2006.

année Titre du défi défi hôte Cégep gagnant1997 L’OVBI Fabriquer un objet volant bien identifi é— OVBI— capable de

voler le plus longtemps possible, jusqu’à un maximum de 300 secondes.

Collège de Sherbrooke Collège de Maisonneuve• Martin Lawrence• Frédéric Savard-Baillargeon

1996 Le pont des sesterces Fabriquer un pont qui offre le rapport le plus élevé entre une « masse monétaire » déposée sur sa structure et sa propre masse.

Collège de Rosemont (Montréal)

Cégep de Rivière-du-Loup• Jean-Michel Guay• Alexandre Lebel• Marc-Antoine Soucy

1995 La machine aux mille et un tours

Fabriquer un propulseur capable de lancer un projectile, avec la seule énergie d’une trappe à souris, sur une distance horizontale de 2 m vers une cible rotative qui effectuera, après l’impact du projectile, le plus grand nombre de révolutions complètes dans un délai maximal d’une minute.

Salon international Pepsi Jeunesse (Stade olympique, Montréal)

Cégep de Saint-Hyacinthe• Samir Karazivan• Yasmine Karazivan

1994 Le véhicule à propulsion gravitationnelle

Fabriquer un véhicule à propulsion gravitationnelle capable de parcourir une distance de 15 m sur une surface horizontale dans le plus court laps de temps.

Complexe Desjardins (Montréal)

Cégep de Chicoutimi• Samuel Melançon

1993 La machine à faire tomber les crayons

Fabriquer une machine à faire tomber les crayons. Cette machine est fabriquée de préférence à partir de matériaux et d’objets recyclés qui doivent interagir de façon à engendrer une succession de phénomènes physiques, chimiques et biologiques, lesquels doivent inexorablement aboutir à la chute dramatique d’un crayon.

Musée de la civilisation (Québec)

Collège Notre-Dame-de-Foy• Martin Amyot• Annie Turcotte• Marie-Ève Boucher

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240 troisième partie : Une institution aux multiples rayonnements

Une connaissance de soiSelon l’enquête effectuée par Robert Blondin, la pratique de la sagesse viendrait

d’abord d’une rigoureuse observation de soi. Je ne pourrai donc m’empêcher de faire un lien avec ce nouveau dada des cégeps qu’est la quête d’identité. Le développement personnel et social de tout être humain contribue à définir son identité, à lui per mettre de reconnaître ses forces et ses faiblesses ainsi que ses goûts, ses aptitudes et… ses attitudes.

La quête d’identité va bien au-delà de l’orientation scolaire et professionnelle, c’est une condition sine qua non du bonheur. Socrate disait « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux ». Se connaître, c’est être conscient de ses forces, de ses faiblesses et de ce qu’il faut faire pour être heureux.

Les cégeps ne sont évidemment pas les seuls responsables de cette quête du Graal mais, compte tenu de l’âge et du niveau de développement de la majorité des étudiants qui les fréquentent, ils ont un rôle essentiel à jouer. Parmi les six attitudes conduisant au bonheur, je crois que la connaissance de soi est celle qui est le plus en lien avec la mission des cégeps, particulièrement avec leurs projets éducatifs.

Savoir agir précisémentLors du colloque portant sur le Bonheur 101, M. Blondin, en abordant cette autre

attitude propice au bonheur, en a profité pour citer le peintre Gauguin qui disait ceci : « Il faut savoir pratiquer la vie volontairement. » Évidemment toute citation a son petit côté cliché et un peu miraculeux mais Gauguin me semble avoir joliment dit ce que l’on pourrait traduire par « agir au lieu de réagir ».

Robert Blondin ajoute que « c’est parmi les gens qui réussissent qu’on retrouve le plus haut taux d’échecs ». Il faut donc courir des risques, sinon comment apprendrait-on à se connaître ? Je crois que c’est dans cette perspective qu’il faut accepter les nombreux changements de programmes vécus dans les collèges.

Au temps de mon cours classique, les changements d’orientation n’étaient pas tellement favorisés. on les faisait souvent une fois rendu à l’âge adulte, après avoir pris conscience que le bonheur quotidien avait quelque peu tendance à être reporté au lendemain.

L’autonomie dont parlent tant les cégeps dans leurs projets éducatifs permet à l’étudiant de s’investir pleinement, quitte à se tromper et à recommencer.

« Pratiquer la vie volontairement », comme le chante Richard Desjardins, « comporte des risques, comme entrer une aiguille dans un vieux disque ».

La faculté d’abandon« Lâcher prise », « faire confiance à la vie ». Les choses essentielles ne se planifient

pas toujours, on ne tombe pas toujours en amour après avoir prévu le coup. La faculté d’abandon permet d’accepter qu’on ne peut tout contrôler, que certaines choses nous échappent et que, parfois, il faut accepter de « vivre avec ».

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Les services aux étudiants : le bonheur est-il un objectif éducatif ? 241

ConCLusion

oui, le bonheur est un objectif éducatif et on peut « apprendre » à être heureux. Les propos de Robert Blondin ne sont pas des recettes, tout au plus des témoignages de gens qui croient avoir réussi et d’où sont tirées « quelques conditions gagnantes ».

Depuis leur création, les cégeps ont formé des milliers d’hommes et de femmes, ils ont réussi, j’en suis sûr, à contribuer au bonheur de plusieurs d’entre eux.

Réussir son passage au cégep, c’est prendre conscience de son potentiel intellectuel et créateur. C’est apprendre à apprendre.

À la fin de ce colloque tenu en novembre 2002, colloque qui, je le répète, m’a marqué pour toujours, ma tête bouillonnait, j’avais l’impression de pouvoir passer au niveau supérieur : « le bonheur 203 ». En retournant à Trois-Rivières, je ne cessais de ressasser cette autre citation offerte par M. Blondin, une citation qui a franchi les époques, puisqu’elle date de 1300 avant J.-C.

Elle est d’Aménophis IV, devenu pharaon à 15 ans et mari de la célèbre reine Nefertiti. Aménophis avait une définition fort poétique du bonheur, une définition qui cerne bien son côté relatif et personnel et qui permet, comme le jadis populaire cube de Rubik, certaines manipulations qui font du bien à l’âme.

« Le bonheur, c’est marcher dans la nature à la rencontre de nos tendresses. » (Aménophis IV)

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