les résultats du dépistage néonatal de la...

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Les résultats du dépistage néonatal de la mucoviscidose depuis sa généralisation en France en 2002 MICHEL ROUSSEY, ANNE MUNCK, JEAN-LOUIS DHONDT Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant (AFDPHE) Paris Cela fait plus de 40 ans que le dépistage de la mucoviscidose en période néonatale a débuté. Après la possibilité d’un test de dépistage par dosage de l’albumine méconiale, le dosage de la trypsine immunoréactive (TIR) sanguine sur papier buvard couplé à la recherche des principales mutations du gène de la maladie, appelé gène CFTR, est utilisé de façon courante avec une bonne sensibilité et spécificité du test. Ce dépistage a longtemps fait l’objet de controverses mais ses avantages se sont progressivement imposés au vu des diverses expériences étrangères (Autriche, Belgique, Brésil, Espagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande) qui concernaient des villes, des provinces, des régions ou certains états américains (Wisconsin, Colorado). Après des expériences régionales ayant démarré dès 1980 en Normandie, 1989 en Bretagne, puis les régions Centre et Pays de Loire durant les années 1990, la France a généralisé le dépistage néonatal (DNN) de la mucoviscidose à partir de 2002, devenant ainsi le premier pays au monde à réaliser ce dépistage pour l’ensemble de sa population (1). Mais le DNN de la mucoviscidose n’a de sens que s’il est assorti d’un suivi dans des centres spécialisés. C’est la raison pour laquelle sa généralisation en France s’est accompagnée de recommandations de suivi de l’enfant dépisté dans des centres de soins spécialisés dénommés centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM), créés par le ministère de la santé en 2001 (1). METHODE LES DEPISTAGES NEONATALS EN FRANCE 1972 : PCU 1978 : Hypothyroïdie congénitale 1989 : Drépanocytose dans les DOM puis 1995 : Métropole (dépistage ciblé) 1998 : Hyperplasie congénitale des surrénales 2002 : Mucoviscidose RESULTATS 2002 - 31 décembre 2006 Incidence à la naissance 1 / 4365 + 22 Faux-négatifs (3,4 %) (mucoviscidoses diagnostiquées sur symptômes, nées de 2002 au 31.12.2005 et repérées par les CRCM à un âge moyen de 10 mois) + 9 ileus méconiaux et 1 jumeau avec TIR J3 < seuil soit une incidence totale de la maladie à 1 / 4 199 avec d’importantes variations régionales : 1/2700 (Bretagne, Ile de la Réunion) à 1/7200 (Midi-Pyrénées). Les variations d’incidence en fonction des 3 périodes successives d’organigramme ne sont pas significatives (2) Pour les 808 patients : • Poids de naissance médian (g) : 3150 (2810 – 3450) Prématurité < 37 semaines d’aménorrhée : 9.2 % Age Médian à la prise en charge : 35 jours [29-46] (25 e -75 e p) 51 % sont symptomatiques • Ileus méconial : 95 (11.7 %) • Diagnostic anténatal : 33 MUTATIONS CFTR DES 808 PATIENTS = 1616 allèles Le kit de dépistage détecte 86 % des mutations 85 % des patients ont au moins 1 mutation F508del 41 % sont homozygotes F508del 155 mutations différentes (les 30 du kit de dépistage, 16 identiées plus de 10 fois , 92 seulement 1 fois et 20 allèles non encore identifiés) 73 patients avec 1 or 2 R117H (mutation modérée la plus fréquente) CONCLUSION 5 Nouveau-nés (NN) dépistés 3 527 353 TIR J3 seuil : 23 150 0,65 % Etude du gène CFTR : 22 637 NN adressés à un CRCM : 4379 610 avec 2 mutations dans le kit de dépistage de BM Mucoviscidose : 610 1937 avec 1 mutation dans le kit de dépistage de BM Mucoviscidose : 177 MUCOVISCIDOSE : 808 1832 après TIR J21 encore élevée ou sans BM Mucoviscidose : 21 Risque d’avoir une mucoviscidose si présence d’1 mutation dans le kit de dépistage 1/11 mais 1/3 si TIR J3 100 µg/L si 0 mutation : 1/90 Taux de faux-positifs : 1,01 ‰ INTRODUCTION ORGANISATION DU DEPISTAGE NEONATAL EN FRANCE DEPUIS 1972 Ministère de la Santé CNAMTS (= la tutelle) (= le financeur) AFDPHE (= Fédération des 23 Associations Régionales) Associations Régionales (= le maître d’œuvre) Les maternités, PMI, Le laboratoire Le spécialiste Hôpitaux (= le dosage) (= prise en charge du (= le prélèvement) suspect) 27 TIR à J3 < seuil 1 Labo seuil 1 ? 55 ?g/L de dépistage vérifié en double < seuil 2 STOP seuil 2 ? 65 ?g/L Labo Etude du gène CFTR TIR < seuil 3 = 40 ? g/L de BM M1 / M2 M / X X / X Contrôle TIR à J21 si TIR J3 ? 100 ?g/L Tests de la sueur TIR ? seuil 3 = 40 ?g/L CRCM anormal normal prise en conseil M = mutation charge du malade génétique ORGANIGRAMME DU DNN DE LA MUCOVISCIDOSE • Prélèvement à J3 de gouttes de sang sur papier buvard spécial • Consentement écrit des parents au dos du papier pour la biologie moléculaire (BM) • Dosage du marqueur biochimique TIR • Transmission au laboratoire interrégional de biologie moléculaire pour la recherche des 30 mutations CFTR les plus fréquentes, en cas de TIR élevée • Convocation du nouveau-né (NN) dans le CRCM régional pour test de sueur si présence de 1 ou 2 mutations CFTR ou, en cas de mutation non retrouvée, si le contrôle TIR à J21 reste élevé et si la TIR à J3 était particulièrement élevée • Retour des résultats aux ARDPHE puis centralisation à l’AFDPHE Sur les 808 Mucoviscidoses : 119 (14,7 %) ont une forme dite frontière avec 2 mutations retrouvées dont au moins 1 dite modérée (dominante par rapport à une mutation classique) - soit d’emblée avec le kit de dépistage - soit lors de l’étude exhaustive du gène, demandée d’un test de la sueur intermédiaire En 2003 le seuil 2 de TIR J3 est passé de 60 à 65 µg/L. Depuis 10/2004 un contrôle de TIR n’est demandé à J21 que si le taux à J3 dépassait une valeur de 100 µg/L (2) essentiellement des signes digestifs (70 %) et/ou hypotrophie pondérale (40 %) et/ou signes respiratoires (24 %) 1/3626 – 1/4670 1/4081 243 991 789 10/2004 - 1/.2005 1/4128 – 1/5289 1 / 4635 253 1 172 868 4.2003 - 9/2004 1/3658 – 1/5184 1 / 4289 129 553 248 2002 - 3/2003 IC 95 % Incidence Malades NN dépistés Périodes Références 1. Roussey M et al. J Pediatr Puericulture 2007; 20: 185-14 2. Munck A et al. Pediatr Pulmonol 2007; suppl 30:270 3. Roussey et al. J Inherit Metabol Dis 2007;30:613 4. Sarles J et al. J Pediatr 2005; 147: 302-5 Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant 38 rue Cauchy 75015 PARIS Tel : 01 53 78 12 82 [email protected] www.afdphe..asso.fr Nous remercions les maternités, PMI, services de néonatologie, les laboratoires et secrétariats des associations régionales, les CRCM pédiatriques qui ont participé à ce travail Le DNN de la mucoviscidose est possible sur l’ensemble d’un pays mais nécessite une organisation rigoureuse : des maternités aux CRCM. L’exploitation nationale des résultats permet de suivre le programme et d’en modifier l’organigramme (3 fois depuis le début) afin de respecter les 0,6 % de BM, de limiter le nombre de faux-positifs (contrôlé à 1‰), sans augmenter le nombre de faux-négatifs (3,4 %) (2). Il nécessite un couplage dosage-biochimique (TIR) et BM, mais il n’est pas un dépistage d’hétérozygotes puisqu’il n’en repère que 1/2000 au lieu des 1/30 théoriques La BM repère néanmoins des formes dites frontières dont il est difficile de prévoir actuellement l’évolution (3). Un 2 ème marqueur biochimique, la Pancreatitis Associated Protein (PAP), devrait permettre de limiter l’utilisation de la BM mais il nécessite une évaluation à grande échelle (4). S’imposant de plus en plus, le DNN de la mucoviscidose est maintenant généralisé en Australie, Nouvelle-Zélande, Autriche, Royaume-Uni et pratiquement dans tous les états américains.

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Les résultats du dépistage néonatal de la mucoviscidosedepuis sa généralisation en France en 2002

MICHEL ROUSSEY, ANNE MUNCK, JEAN-LOUIS DHONDTAssociation Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant (AFDPHE) Paris

Cela fait plus de 40 ans que le dépistage de la mucoviscidose en période néonatale a débuté. Après la possibilité d’un test de dépistage par dosage de l’albumine méconiale, ledosage de la trypsine immunoréactive (TIR) sanguine sur papier buvard couplé à la recherche des principales mutations du gène de la maladie, appelé gène CFTR, est utilisé de façoncourante avec une bonne sensibilité et spécificité du test. Ce dépistage a longtemps fait l’objet de controverses mais ses avantages se sont progressivement imposés au vu desdiverses expériences étrangères (Autriche, Belgique, Brésil, Espagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande) qui concernaient desvilles, des provinces, des régions ou certains états américains (Wisconsin, Colorado). Après des expériences régionales ayant démarré dès 1980 en Normandie, 1989 en Bretagne,puis les régions Centre et Pays de Loire durant les années 1990, la France a généralisé le dépistage néonatal (DNN) de la mucoviscidose à partir de 2002, devenant ainsi le premierpays au monde à réaliser ce dépistage pour l’ensemble de sa population (1).

Mais le DNN de la mucoviscidose n’a de sens que s’il est assorti d’un suivi dans des centres spécialisés. C’est la raison pour laquelle sa généralisation en France s’estaccompagnée de recommandations de suivi de l’enfant dépisté dans des centres de soins spécialisés dénommés centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose(CRCM), créés par le ministère de la santé en 2001 (1).

METHODEMETHODE

LES DEPISTAGES NEONATALS EN FRANCE

1972 : PCU 1978 : Hypothyroïdie congénitale1989 : Drépanocytose dans les DOM puis 1995 : Métropole (dépistage ciblé)1998 : Hyperplasie congénitale des surrénales 2002 : Mucoviscidose

RESULTATS 2002 - 31 décembre 2006RESULTATS 2002 - 31 décembre 2006

Incidence à la naissance 1 / 4365+ 22 Faux-négatifs (3,4 %) (mucoviscidoses diagnostiquées sur symptômes, nées de 2002 au 31.12.2005 et repérées par lesCRCM à un âge moyen de 10 mois) + 9 ileus méconiaux et 1 jumeau avec TIR J3 < seuilsoit une incidence totale de la maladie à 1 / 4 199 avec d’importantes variations régionales : 1/2700 (Bretagne, Ile de laRéunion) à 1/7200 (Midi-Pyrénées). Les variations d’incidence en fonction des 3 périodes successives d’organigrammene sont pas significatives (2)

Pour les 808 patients :• Poids de naissance médian (g) : 3150 (2810 – 3450) Prématurité < 37 semaines d’aménorrhée : 9.2 % Age Médian à la prise en charge : 35 jours [29-46] (25e-75ep) 51 % sont symptomatiques• Ileus méconial : 95 (11.7 %)• Diagnostic anténatal : 33

MUTATIONS CFTR DES 808 PATIENTS = 1616 allèles Le kit de dépistage détecte 86 % des mutations 85 % des patients ont au moins 1 mutation F508del 41 % sont homozygotes F508del 155 mutations différentes (les 30 du kit de dépistage, 16 identiées plus de 10 fois , 92 seulement 1 fois et 20 allèles non encore identifiés) 73 patients avec 1 or 2 R117H (mutation modérée la plus fréquente)

CONCLUSIONCONCLUSION

5

Nouveau-nés (NN) dépistés 3 527 353 TIR J3 ≥ seuil : 23 150 0,65 % Etude du gène CFTR : 22 637 NN adressés à un CRCM : 4379 610 avec 2 mutations dans le kit de dépistage de BM Mucoviscidose : 610

1937 avec 1 mutation dans le kit de dépistage de BM Mucoviscidose : 177 MUCOVISCIDOSE : 808 1832 après TIR J21 encore élevée ou sans BM Mucoviscidose : 21

Risque d’avoir une mucoviscidosesi présence d’1 mutation dans le kit de dépistage 1/11

mais 1/3 si TIR J3 ≥100 µg/Lsi 0 mutation : 1/90

Taux de faux-positifs : 1,01 ‰

INTRODUCTIONINTRODUCTION

ORGANISATION DU DEPISTAGE NEONATALEN FRANCE DEPUIS 1972

Ministère de la Santé CNAMTS(= la tutelle) (= le financeur)

AFDPHE (= Fédération des 23 Associations Régionales)

Associations Régionales (= le maître d’œuvre)

Les maternités, PMI, Le laboratoire Le spécialisteHôpitaux (= le dosage) (= prise en charge du(= le prélèvement) suspect)

ORGANISATION DU DEPISTAGE NEONATALEN FRANCE DEPUIS 1972

Ministère de la Santé CNAMTS(= la tutelle) (= le financeur)

AFDPHE (= Fédération des 23 Associations Régionales)

Associations Régionales (= le maître d’œuvre)

Les maternités, PMI, Le laboratoire Le spécialisteHôpitaux (= le dosage) (= prise en charge du(= le prélèvement) suspect)

27

TIR à J3 < seuil 1

Labo seuil 1 ? 55 ?g/Lde

dépistage vérifié en double < seuil 2 STOP

seuil 2 ? 65 ?g/L

Labo Etude du gène CFTR TIR < seuil 3 = 40 ?g/LdeBM M1 / M2 M / X X / X Contrôle TIR à J21

si TIR J3 ? 100 ?g/LTests de la sueur

TIR ? seuil 3 = 40 ?g/L

CRCM anormal normal

prise en conseil M = mutationcharge du malade génétique

ORGANIGRAMME DU DNN DE LA MUCOVISCIDOSE

• Prélèvement à J3 de gouttes de sang sur papier buvard spécial• Consentement écrit des parents au dos du papier pour la biologie moléculaire (BM)• Dosage du marqueur biochimique TIR• Transmission au laboratoire interrégional de biologie moléculaire pour la recherche des 30 mutations CFTR les plus fréquentes, en cas de TIR élevée• Convocation du nouveau-né (NN) dans le CRCM régional pour test de sueur si présence de 1 ou 2 mutations CFTR ou, en cas de mutation non retrouvée, si le contrôle TIR à J21 reste élevé et si la TIR à J3 était particulièrement élevée• Retour des résultats aux ARDPHE puis centralisation à l’AFDPHE

Sur les 808 Mucoviscidoses : 119 (14,7 %) ont une forme dite frontière avec 2 mutations retrouvées dont au moins 1 dite modérée (dominante par rapport à une mutation classique)- soit d’emblée avec le kit de dépistage - soit lors de l’étude exhaustive du gène, demandée d’un test de la sueur intermédiaire

En 2003 le seuil 2 de TIR J3 est passé de 60 à 65 µg/L. Depuis 10/2004 un contrôle de TIR n’est demandé à J21 que si le taux à J3 dépassait une valeur de 100 µg/L (2)

essentiellement des signes digestifs (70 %) et/ou hypotrophie pondérale (40 %)et/ou signes respiratoires (24 %)

1/3626 – 1/46701/4081243991 78910/2004 - 1/.2005

1/4128 – 1/52891 / 46352531 172 8684.2003 - 9/2004

1/3658 – 1/51841 / 4289129553 2482002 - 3/2003

IC 95 %IncidenceMaladesNNdépistésPériodes

Références1. Roussey M et al. J Pediatr Puericulture 2007; 20: 185-142. Munck A et al. Pediatr Pulmonol 2007; suppl 30:2703. Roussey et al. J Inherit Metabol Dis 2007;30:6134. Sarles J et al. J Pediatr 2005; 147: 302-5

Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant38 rue Cauchy 75015 PARISTel : 01 53 78 12 [email protected]

Nous remercions les maternités, PMI, services de néonatologie, les laboratoires et secrétariats des associations régionales,les CRCM pédiatriques qui ont participé à ce travail

Le DNN de la mucoviscidose est possible sur l’ensemble d’un pays mais nécessite une organisation rigoureuse : des maternités aux CRCM. L’exploitation nationale des résultats permet de suivre le programme et d’en modifier l’organigramme (3 fois depuis le début) afin de respecter les 0,6 % de BM, delimiter le nombre de faux-positifs (contrôlé à 1‰), sans augmenter le nombre de faux-négatifs (3,4 %) (2). Il nécessite un couplage dosage-biochimique (TIR) et BM, mais il n’est pas un dépistage d’hétérozygotes puisqu’il n’en repère que 1/2000 au lieu des 1/30 théoriques La BM repère néanmoins des formes dites frontières dont il est difficile de prévoir actuellement l’évolution (3). Un 2ème marqueur biochimique, la Pancreatitis Associated Protein (PAP), devrait permettre de limiter l’utilisation de la BM mais il nécessite une évaluation à grandeéchelle (4). S’imposant de plus en plus, le DNN de la mucoviscidose est maintenant généralisé en Australie, Nouvelle-Zélande, Autriche, Royaume-Uni et pratiquement dans tousles états américains.