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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays.

@ Éditions Gallimard, 1976,

I5S.N o B S - f o o f

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Robert Sténuit. C'est en 1953, alors qu'il est âgé de dix-neuf ans, qu'il se découvre une passion qui

ne le quittera plus: la chasse au trésor.

LES EPAVES DE L'OR

Robert Sténuit

GALLIMARD

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C'est avec des cloches à plongeur, que la plupart des prédécesseurs de Robert Sténuit avaient cherché à récupérer les trésors des galions de Vigo.

Un crucifix d'or enrichi

de pierreries

Jimmy 1 resta pensif. Il demanda : — Et tu y crois vraiment ? — Vraiment, dis-je. Je suis prêt à laisser là Sciences

Po, à tout plaquer. Un autre silence. La nuit était épaisse, il pleuvait,

le moteur de l'auto ronronnait en sourdine. — Je ne crois pas au Père Noël, Jimmy, mes sources

sont des rapports, des lettres et des journaux contem- porains du combat. Veux-tu que je te lise ma dernière trouvaille, c'est une lettre envoyée de Londres à La Haye au début de 1703. Je l'ai copiée dans le Mercure Historique avant-hier à la Bibliothèque Royale et je te l'ai apportée tout exprès, on y parle des trois galions capturés intacts au cours du combat et emmenés en Angleterre. Allume, veux-tu, et écoute ceci :

« On a trouvé dans un galion plusieurs caisses de

1. Jacques Theodor, dit Jimmy, ex-recordman du monde de profondeur au gouffre de la Pierre-Saint-Martin et l'un des pre- miers plongeurs belges.

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certain minerai du poids de six cents pesants qu'on croit être d'une mine d'or, on a trouvé sur le même vaisseau quelques diamants bruts et autres riches marchandises qui furent transportées dans le magasin des douanes où ces effets furent estimés à plus de huit cent mille livres. On déchargea d'un autre galion une couronne d'or garnie de rubis, six cuillères d'or, un crucifix d'or enrichi de pierreries, une grande caisse d'argent tel qu'il vient de la mine et vingt-deux barres d'argent de lingot pesant sept cents livres. On a exposé en vente à la Tour deux grandes caisses pleines de vaisselle d'argent, des tonneaux et des caisses de cochenille, de baume du Pérou, de cacao, de tabac, de drogues et de sucre. Aussi du bois et des cuirs.

« Et plus loin : D'autres caisses d'argent estimées à cent mille livres sterling.

« Et ceci : On estime que les Anglais ont trouvé sur les galions près de cinq millions de pièces de huit.

« Et encore : On ouvrit hier à la Tour une caisse tirée des galions de Vigo : on y trouva une chaîne d'or fort pesante avec un crucifix au bout, un portrait enrichi de pierres précieuses et plusieurs pièces d'argen- terie artistement travaillées.

« J'en passe, j'en passe, et ceci enfin : On a vendu en douane un lot de la charge du galion Santa Cruz cochenille, storax, indigo, etc., plus cinq grands coffres pleins d'argenterie, etc.

« Voilà le genre de cargaison que les Anglais ont trouvée sur les galions capturés, le butin se montait au total à plus d'un million et demi de livres de l'époque et ce n'est qu'un échantillon de ce qui a coulé avec les autres.

« Ceci est la preuve que je cherchais depuis long- temps, on peut douter de tous les témoignages et pré- tendre que tout avait été déchargé avant la bataille, mais il y a les comptes de la Royal Mint de Londres qui sont indiscutables. Si sur les trois galions capturés on a trouvé de telles richesses, ceux qui se sont sabordés devaient en avoir au moins autant dans leurs cales.

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Tout cela, Jimmy, n'est pas de la fantaisie, ce sont des faits historiques : ce que je puis t'affirmer c'est que, primo, il y a eu en 1702 un effroyable combat naval dans la baie de Vigo en Galice ; secundo, au cours de ce combat, ont coulé sept galions porteurs de trésors incal- culables en or et en argent et, tertio, ces trésors y sont toujours. Je ne t'affirme pas que nous les récupérerons, nous, mais je crois que nous avons une chance raison- nable. Et j'essaierai tôt ou tard.

— La profondeur ? demanda Jimmy. — Vingt mètres au plus. — Visibilité ? — Très mauvaise, j'en ai peur, plusieurs rios amènent

leurs alluvions dans la baie, de là vient aussi la quantité de vase ; c'est la vase qui sera notre pire ennemie, je crois.

— Tu te rends compte de ce que coûteraient les travaux ?

— Cher, mais on ne peut pas faire d'estimations comme ça en l'air, il faut y aller, voir sur place. En étudiant la question de près, sous l'eau, nous pourrons nous faire une idée assez précise.

— Sans doute oui, mais, dis-moi, d'autres ont dû y penser avant nous.

— Oui, il y a eu une dizaine de tentatives déjà. — Résultat ? — Eh bien ! deux ans après le combat on a récupéré

un grand nombre de canons, c'était le plus facile ; vingt ans après, un Suédois, inventeur d'un appareil de plongée, a trouvé des monnaies d'or et d'argent. Puis, on ne sait combien d'expéditions ont sauvé des canons, des objets variés, des doublons et des lingots, vers la fin du XVIIIe siècle. Les épaves n'étaient pas encore envasées ; sur les cartes, jusqu'à 1790 au moins, on les indique comme danger pour la navigation et même les mâts de certaines émergeaient à marée basse. Elles étaient accessibles mais les moyens d'y pénétrer n'existaient pas encore. En 1825, je crois, on employa pour la première fois en grand une cloche à plongeurs, c'était un certain

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Dickson, il repérait une épave de jour puis travaillait la nuit, immergeait sa cloche éclairée artificiellement et remontait Dieu sait quoi avec beaucoup de discrétion. Un soir il enivra ses ouvriers espagnols, les déposa à terre inconscients, et, le lendemain matin, son brigantin avait disparu.

— Non, c'est vrai cette histoire ? Jimmy semblait tout à coup plus intéressé. — C'est tout à fait sérieux. — Eh, eh, ça donne des idées. — N'est-ce pas, d'autant plus qu'au cours de l'enquête

qui a suivi, les ouvriers espagnols qui travaillaient pour lui ont déclaré l'avoir vu, de leurs yeux, manipuler des lingots et des poignées de pièces d'or. Il y a eu une autre tentative en 1870, un certain Hippolyte Magen, ingénieur, Compagnie Saint-Simon-Siccard, il a remonté entre autres choses quarante-quatre kilos d'argent en plusieurs lingots ; deux jours après, la guerre éclatait et il devait rentrer en France. Après cela de 1903 à 1930 des Italiens ont travaillé dans la baie d'une façon assez sporadique. Ils avaient des appareils perfec- tionnés mais pas du tout adaptés aux eaux vaseuses et peu profondes : tourelle d'observation, sous-marin, etc. Bref ils n'ont rien pu contre la vase. Comme objets de valeur ils n'ont trouvé que quelques plats d'argent d'un alliage assez pauvre. Depuis, il y a eu Van Wienen, un ingénieur hollandais, il avait inventé une cloche à plongeur en forme de tour dans laquelle on travaillait au sec. Cela se passait en 39 et la guerre de 40 l'a stoppé lui aussi avant même qu'il puisse essayer son invention.

— En somme, dit Jimmy, c'est très couru les trésors de Vigo, il serait prudent de réserver nos places.

— Et de ne pas trop en parler, nous arrivons d'ailleurs au bon moment, nous avons des atouts nouveaux grâce au perfectionnement du matériel ; les scaphandriers pieds lourds, par exemple, pataugeant dans la vase molle se plaignaient de soulever d'épais nuages et de ne rien voir du tout.-Nous, nous serons les premiers hommes-

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En 1903, un ingénieur italien, Giuseppe Pino, fit construire un

« travailleur sous-marin » pour rechercher les galions ; l'engin ne dépassa pas

le stade des essais, à Gênes!

grenouilles à plonger dans la baie de Vigo, nous évolue- rons tranquillement à deux mètres au-dessus de la vase sans en soulever un grain. De même tout le matériel de localisation et de détection a fait des progrès énormes depuis la guerre.

— Bien sûr, bien sûr, dit Jimmy, mais restons pra- tiques : pour une première reconnaissance que nous faut-il ? Des scaphandres autonomes, des vêtements de plongée, des embarcations légères. Bien, nous avons cela et nous pouvons tout charger ici derrière. Ah, trouve-t-on de l'air comprimé à Vigo ?

— Je crois, oui, il y a une fabrique d'oxygène. Nous sommes aujourd'hui le 19, cela t'arrangerait-il de partir début juillet ?

— On peut toujours y aller voir. — Et un instant après se tournant vers moi : — D'accord, dit-il, j'en suis.

Près d'un an auparavant il m'était arrivé ceci : j'avais lu Rieseberg.

Je flânais dans la Galerie de la Reine à Bruxelles, à la devanture d'un libraire, parmi les nouveautés, une couverture en couleurs montrait un scaphandrier envi- ronné de débris d'épaves, il ouvrait sous l'eau un vieux coffre rouillé plein à ras de pièces d'or. J'ouvris le livre : c'est là que. tout a commencé.

Sous le titre Six cents milliards sous les mers, l'auteur, le « lieutenant » Harry Rieseberg, racontait avec des détails effrayants ses combats héroïques, contre les monstres des profondeurs, gardiens, selon lui, de tout trésor coulé ; lui-même n'avait, disait-il, d'autre profession que chercheur de trésors et laissait entendre que les affaires marchaient à son entière satisfaction.

J'achetai son livre et le lus d'une traite jusqu'à la fin. Chacun sait, pensais-je, et c'est bien dommage, que

tout cela n'est que littérature ; dommage que tous ces trésors (il donnait généreusement une liste de 463 épaves à trésors garanties) soient inaccessibles à l'autre bout du

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monde, ou perdus à jamais dans les grands fonds, ou alors, tout simplement légendaires.

Chacun sait de même qu'un chercheur de trésors ne peut être qu'un plaisantin ou un escroc, selon qu'il y va de sa poche ou de celle d'autrui ou, en mettant les choses au mieux, un joyeux fantaisiste.

A la réflexion, et comme toute opinion unanimement répandue et acceptée, celle-là m'inspira très vite des doutes.

Je ne pensais pas alors passer deux ans de ma vie à rechercher un galion coulé, c'était là un rêve cher à mon enfance auquel j'étais tout doucement en train de renoncer comme à quelques autres.

Et pourtant... Pourquoi renoncer ? Par quelle faiblesse ? Par quel

assez lâche conformisme ? Il y a les faits : d'abord, chaque année depuis que les hommes se sont risqués sur la mer, des milliers et des milliers de bateaux coulent avec leur cargaison plus ou moins riche. En outre, avant l'intervention du papier-monnaie et des traites, tous les bateaux avaient de l'or ou de l'argent à bord, seule monnaie d'échange universelle pour s'appro- visionner, pour régler toute transaction commerciale et pour payer les équipages. On estime actuellement qu'un dixième à peu près des métaux précieux extraits de la terre se trouvent perdus sous les eaux. A prendre peut-être, mais il est tellement plus simple et plus réconfortant pour tous ceux qui restent à terre de le décréter inaccessible...

J'étudiai systématiquement les trésors de Rieseberg puis d'autres et d'autres encore. Pour des raisons pra- tiques, j'éliminai les épaves trop lointaines : il était peu probable que je puisse bientôt me rendre aux Antilles, à l'île des Cocos ou en Mozambique. En fait mon seul moyen d'accès dans l'immédiat était la route, ce qui me limitait à l'Europe.

Les trésors dits « de pirates » furent biffés ensuite par un reste de méfiance bourgeoise.

Cela fait, il m'en restait assez peu. Je fis d'abord

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une rapide investigation à travers les manuels d'histoire à la Bibliothèque Royale. Il en ressortit entre autres choses que, dans la baie de Vigo, avaient coulé une dizaine de galions réellement chargés d'or et d'argent.

La nuit était de plus en plus épaisse, il pleuvait toujours.

— D'accord, disait Jacques, j'en suis. Sa voix était calme, le ton confiant, or Jimmy, pas

plus que moi, n'est un rêveur ni un excité, et tous deux nous allions engager dans l'aventure du temps et de l'argent, abandonner peut-être, lui sa profession, moi l'université.

Je lui parlais depuis longtemps de mes recherches, il savait le temps que je passais depuis un an dans la poussière des archives. Oui vraiment, de tous les trésors coulés, le plus raisonnable, le plus accessible et le plus prometteur, c'étaient les galions de Vigo.

Jimmy organisait alors, avec une équipe de plongeurs autonomes dont j'étais, l'exploration des siphons de la Lesse souterraine dans les fameuses grottes de Han. Ce soir-là, nous revenions de Han après une plongée, nous parlions bas, nous évoquions tout l'or des Amériques, les fortunes étincelantes perdues sous les flots. La pluie tambourinait sur le toit et brouillait la vue, nous rou- lions lentement ; c'est ce soir-là que les coffres de doublons et les lingots d'argent quittèrent pour moi le domaine du rêve et devinrent réels.

Depuis lors ils font partie de ma vie, je suis un chercheur de trésors.

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Ci-contre : La Havane, où, chaque année, se rassemblaient les galions des Plata Flota. En bas : La tour de F Or, à Séville, où était entreposé sous bonne garde tout l'or venu des Indes occidentales.

Histoire de la Plata Flota

1. Aux Indes occidentales.

Depuis la découverte des Indes occidentales l'Espagne avait tourné toutes ses forces et toute son ambition vers ses conquêtes coloniales au détriment de son dévelop- pement industriel et commercial intérieur. Elle y avait gagné jadis la suprématie mondiale, mais, dès la fin du XVIIe siècle, son déclin s'accéléra.

L'époque des Conquistadores et des pillages n'avait eu qu'un temps. Après quelques années il n'y avait plus de temples à piller, plus de rançons fabuleuses à obtenir des Incas, plus d'or à arracher aux tombeaux aztèques.

On mit les indigènes au travail, dans les Antilles d'abord, ensuite dans les mines du Pérou, de Panama et du Mexique. Les filons étaient d'une richesse incroyable ; la seule mine de Varaguas, par exemple, produisait deux mille kilos d'or pur par an (entre 1503 et 1560, Séville reçut cent et une tonnes d'or et cinq cent soixantè tonnes d'argent).

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Après un demi-siècle, quand la race des Indiens Caraïbes eut été pratiquement anéantie par le travail forcé et les expéditions punitives, les Espagnols impor- tèrent de la main-d'œuvre étrangère : le nègre d'Afrique. Portugais, Anglais et Français se distinguèrent dans ce commerce.

Le temps passa ; pendant deux siècles on découvrit presque chaque année de nouvelles mines et leur exploi- tation se développait toujours. En même temps, on exploitait les bancs d'huîtres perlières, on cherchait des émeraudes et des gemmes en Bolivie, on récoltait la canne à sucre et le cacao et, dans les forêts immenses, on abattait les essences précieuses.

Voici un état des produits de l'Amérique en 1691 (John Locke, Histoire de la Navigation. Le commerce des Indes occidentales) :

Mais afin qu'on voie d'un coup d'œil les choses les plus considérables que l'Amérique fournit au reste du monde et plus particulièrement à notre Europe, en voici un petit état : l'Europe reçoit de l'Amérique : de l'or, de l'argent, des perles, des émeraudes, des amé- thystes, de la cochenille, de l'indigo, des bois de toutes sortes pour les teintures et pour les ébénistes, du sucre, du gingembre, du cacao, du coton, de la laine rouge, plusieurs sortes de tabacs, des cuirs, des fourrures très fines, des drogues précieuses : l'ambre gris, le bezoard, le baume de Copahu, de Pérou et de Chili, le quinquina, le jalap, le méchoucham, la salsepareille, les tamarins, la casse et une infinité d'autres...

Encore importait-il de faire parvenir tout cela jusqu'à la mère patrie. Aux premiers temps de la découverte, tout Espagnol qui avait du courage, de l'ambition ou simplement un grand besoin d'argent pouvait se rendre au Nouveau Monde à titre privé et en rapporter autant d'or qu'il en pouvait « trouver ». Le roi prélevait sa part : à cette époque, deux tiers de tout l'or ramené.

De même, tout bateau, quelle que soit sa taille, son âge, ou son état, pouvait se lancer à travers l'Atlantique.

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Le résultat fut, d'une part, que les premiers « colons » espagnols ne furent que coupe-jarrets, tire-laine, nobles désargentés et en général gens qui fuyaient la justice ou qu'attiraient les rapines, coquins de tout acabit qui n'avaient rien à perdre et tout à gagner.

Aussi le roi, devant le faible rendement, dut-il penser à l'avenir : il fit établir un filtrage sérieux au départ : seuls les bons chrétiens d'une réputation irréprochable furent désormais autorisés à gagner les terres nouvelles.

L'autre résultat fut que de ces navires qui partaient souvent sans provisions suffisantes, sans cartes ni ins- truments, sans carénage approprié à ces eaux tropicales où les tarets font de dangereux ravages dans les coques, avec des gréements et des voilures plus tellement neuves et en tout cas toujours surchargés de passagers, de ces navires, dis-je, il se perdit un nombre effrayant.

Ceux qui échappaient aux récifs, aux tempêtes, ou, plus grave parfois, aux longues périodes de calme plat, tombaient aux mains des pirates de tout armement.

La mortalité à bord était toujours énorme, la moindre maladie tuait son homme rapidement, l'hygiène était inconnue et les conditions de vie épouvantables.

Ceux qui étaient assez heureux pour revenir ne son- geaient qu'à garder pour eux le magot rapporté à travers tant de périls et les finances publiques n'en tiraient pas grand profit.

Il fallait y mettre ordre : en 1503 fut créée à Séville la Casa de Contrataciôn (Maison de Traite), organisme administratif, financier et commercial qui contrôlait tout le commerce des Indes, tenait le compte de tout ce qui partait pour l'Amérique et de tout ce qui en revenait et faisait payer sur toutes les opérations les droits et redevances de la Couronne.

Cet organisme se développa rapidement, multiplia les contrôles, les inspections, les restrictions, devint omni- présent et paperassier, mais au lieu qu'il empêchât les fraudes, ses innombrables fonctionnaires furent les pre- miers à les favoriser pour en tirer profit.

Au XVIIe siècle il y avait pour la direction du commerce aux Indes, trois tribunaux établis en Espagne :

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à Madrid : le « Grand Conseil des Indes » qui conseillait le roi et décidait de tout à l'échelon le plus élevé ; à Séville : les juges de la Casa de Contratacion et le « Consulat de Séville » qui réglait le départ des galions et des flottes et s'occupait notamment de lever l'induit ou taxe annuelle.

Les galions partaient de Cadix et y revenaient en convois organisés ou Flotas.

Au départ ils apportaient en Amérique tous les pro- duits manufacturés d'Espagne et d'Europe dont la pro- duction était interdite sur place. Cette interdiction dont le but était encore une fois de réserver un marché énorme aux produits de la Métropole ne profita pas à l'Espagne. Elle était incapable de fournir aux colons le fer, les toiles, les armes, les outils, les vins dont ils manquaient constamment et que les marchands anglais, français ou hollandais se chargeaient de leur fournir au péril de leur vie, drainant ainsi à leur profit une partie de l'or qui aurait dû revenir à l'Espagne.

Cela, l'Espagne, malgré son bon droit, n'eut jamais la force de l'empêcher.

Au départ de Cadix il y avait plusieurs contrôles : le navire était-il capable d'entreprendre le voyage sans danger pour ses occupants et l'équipage ? L'armement, la cargaison, les gréements et apparaux, les provisions étaient-ils conformes aux règlements détaillés en vigueur ? Les femmes étaient-elles dûment isolées ? Les hommes mariés possédaient-ils bien l'autorisation signée par leur épouse et légalisée dans les formes de quitter leur foyer ?

Au retour, les juges de la Casa de Contratacion allaient aborder les navires en haute mer, surveillaient tout le déchargement, prélevaient les impôts du roi et ne quittaient le bord qu'une fois les cales vidées. Ces contrôles minutieux eussent rendu toute fraude impossible si les contrôleurs eux-mêmes n'avaient eu tant d'intérêt à la favoriser.

Depuis Charles Quint il y avait en principe deux Flotas chaque année ; la Flota de Nouvelle-Espagne pour le nord de la mer des Antilles et le golfe du Mexique

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Un galion d'Espagne, haut de l'arrière,

pour les voyages des Indes occidentales.

et la Flota de Terre Ferme pour toute l'Amérique du Sud et les Antilles du Sud-Est.

Mais il arriva souvent que les tempêtes d'automne ou la crainte des corsaires retinssent les Flotas aux Antilles ; c'était alors pour toute l'Espagne une année d'inquié- tudes et de privations.

En 1702 les finances espagnoles étaient une fois de plus en fort mauvaise posture. Comme le remarquait complaisamment le Mercure Historique (Pays-Bas) : Depuis près de 1Æois ans pas une pièce d'or, pas une once d'argent ne sont arrivées des Amériques.

Que se passait-il ? La Flota de Terre Ferme de 1699 avait normalement

quitté Cadix. Elle était commandée par le général Don Manuel Velasco de Tejada. Elle traversa l'archipel des Canaries sans s'y arrêter et arriva sans encombre en vue de la Trinité, elle remonta alors la côte de l'Amé- rique du Sud détachant d'abord une patache à l'île Sainte-Marguerite, et un navire marchand ensuite à Caracas, Maracaïbo et la Guayra.

Après deux mois de voyage, les galions s'ancraient enfin à Carthagène.

Pour nous donner une idée de ce qu'ils purent y charger, lisons le contemporain J. Locke :

Les galions (Flota de Terre Ferme) vont en premier lieu aborder à Carthagène. Dès qu'ils y sont arrivés, le général des galions en envoie donner avis au vice-roi du Pérou qui fait sa résidence à Lima, Ville Capitale de ce Royaume ; le vice-roi le fait savoir incessamment à tous les marchands et donne les ordres nécessaires pour le transport de l'or et de l'argent qui doit être envoyé à Panama par mer et de là à Portobello sur des mulets. Les galions ont accoutumé de rester quatre mois à Carthagène pour y négocier et échanger une partie de leurs marchandises.

Le commerce qu'ils y font est de plus de quatre mil- lions d'écus. De Carthagène ils vont à Portobello où il se tient dans ce temps-là une foire qui dure cinquante ou

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Achevé d'imprimer le 21 octobre 1976 sur les presses de

l' Imprimerie Hérissey à Évreux (Eure)

N° d'Éditeur : 21653 N° d'Iinprimeur : 18529

Dépôt légal : 4e trimestre 1976

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