les nouvelles du grip · d’un «nouvel ordre internatio-nal». ... des règles du droit...

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GRIP 25 ANS AU SERVICE DE LA PAIX 1 9 7 9 2 0 0 4 Lettre d'information du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP) Trimestriel n° 33 – 3e trimestre 2004 GRIP - Rue Van Hoorde, 33 B - 1030 Bruxelles Tél.: (32.2) 241.84.20 Fax: (32.2) 245.19.33 Courriel: [email protected] Website: www.grip.org. Ed. resp.: Bernard Adam (Dépôt 1030 Bruxelles 3) Le GRIP est une organisation d'éducation permanente, SPÉCIAL 25e ANNIVERSAIRE NOUVEAU Editorial Depuis 25 ans, la sécurité internationale s’est améliorée, mais de nouveaux dangers apparaissent Bernard Adam, directeur L e GRIP est né en octobre 1979. Depuis cette époque, comment a évolué la sécurité internationale ? Le monde est-il plus en paix en 2004 qu’en 1979? L’évolution générale in- dique une amélioration de la sécurité internationale, mais de nouveaux dan- gers apparaissent, qui pour- raient annoncer un renver- sement de tendance. Trois critères d’évaluation Trois indicateurs nous permettent d’évaluer l’évolu- tion de ces 25 dernières années. Bien qu’imparfaits et à défaut d’autres données (comme le nombre de morts dans les conflits chaque année), ils peuvent nous aider à dé- gager des tendances. Le premier est le nombre de conflits de tous types 1 . En 1979, il y avait 39 conflits dans le monde. Nous étions alors au milieu d’une phase ascendante. De 1946 à 1958, une quinzaine de conflits étaient dénombrés chaque année. De 1958 à 1967, leur nombre a doublé pour pas- ser de 15 à 32. Après une diminution en 1968 (25 conflits), la tendance est repartie à la hausse pour atteindre un sommet : 55 conflits en 1993. Au cours de la dernière décennie la moyenne annuelle est retombée à environ 37 conflits, avec une diminution régulière ces dernières années : 35 en 2001, 31 en 2002 et 29 en 2003. Le deuxième indicateur est le nom- bre total de têtes nucléaires 2 . En 1979, il y en avait 53 000 dans le monde. Les premières sont apparues en 1945; elles étaient au nombre de 1 000 en 1952 et déjà 30 000 en 1962. Le sommet a été atteint avec 65 000 têtes en 1986. Le désarmement nucléaire a commencé en 1987 par le traité de démantèlement des euromissiles (mis- siles nucléaires installés en Europe). En 1994, la moitié des ogives nuclé- aires avaient été mises hors service : il restait 30 000 têtes. Aujourd’hui, on en dénombre environ 20 000, soit le tiers de l’arsenal de 1986. Le troisième indicateur est celui des dépenses mili- taires mondiales 3 . En 1979, elles se situaient aux alen- tours des 1 000 milliards de dollars (dollars de 2004). Elles ont continué à croître régulièrement chaque année pour atteindre le sommet de 1 300 milliards en 1987. À partir de 1990, elles ont diminué régulièrement pour descendre autour de 750 à 800 milliards entre 1994 et 2000. Depuis 1998, elles remontent progressivement pour at- teindre 950 milliards de dollars en 2003, quasi essentiellement à la suite de l’augmentation des budgets de défense américains. Globalement, on peut constater qu’en 1979, nous étions dans une phase ascendante pour ces trois indi- cateurs. Les sommets ont été atteints à peu près au même moment pour le total des têtes nucléaires (1986) et les dépenses militaires (1987), puis quel- ques années plus tard pour les conflits (1993). Fin du conflit Est-Ouest L’élément explicatif majeur de la décroissance de ces trois indicateurs a été la fin de la Guerre froide, qui s’est matérialisée par la chute du mur de Berlin en 1989 et la fin de l’URSS en 1991, conséquence de la nouvelle po- litique menée par Mikhaïl Gorbatchev, (suite en page 2) LES NOUVELLES DU GRIP

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GRIP – 25 ANSAU SERVICE DE LA PAIX

1979

2004

Lettre d'informationdu Groupe de rechercheet d'information sur la paixet la sécurité (GRIP)

Trimestriel n° 33 – 3e trimestre 2004GRIP - Rue Van Hoorde, 33B - 1030 BruxellesTél.: (32.2) 241.84.20Fax: (32.2) 245.19.33Courriel: [email protected]: www.grip.org.Ed. resp.: Bernard Adam(Dépôt 1030 Bruxelles 3)

Le GRIP est une organisationd'éducation permanente,

SPÉCIAL25eANNIVERSAIRE

NOUVEAU

EditorialDepuis 25 ans, la sécurité

internationale s’est améliorée,mais de nouveaux dangers apparaissent

Bernard Adam,directeur

L e GRIP est né en octobre 1979.Depuis cette époque, comment a

évolué la sécurité internationale? Lemonde est-il plus en paix en 2004qu’en 1979? L’évolution générale in-dique une amélioration de la sécuritéinternationale, mais de nouveaux dan-gers apparaissent, qui pour-raient annoncer un renver-sement de tendance.

Trois critères d’évaluationTrois indicateurs nous

permettent d’évaluer l’évolu-tion de ces 25 dernièresannées. Bien qu’imparfaitset à défaut d’autres données(comme le nombre de mortsdans les conflits chaqueannée), ils peuvent nous aider à dé-gager des tendances. Le premier est lenombre de conflits de tous types1. En1979, il y avait 39 conflits dans lemonde. Nous étions alors au milieud’une phase ascendante. De 1946 à1958, une quinzaine de conflits étaientdénombrés chaque année. De 1958 à1967, leur nombre a doublé pour pas-ser de 15 à 32. Après une diminutionen 1968 (25 conflits), la tendance estrepartie à la hausse pour atteindre unsommet: 55 conflits en 1993. Au coursde la dernière décennie la moyenneannuelle est retombée à environ 37conflits, avec une diminution régulièreces dernières années: 35 en 2001,31 en 2002 et 29 en 2003.

Le deuxième indicateur est le nom-bre total de têtes nucléaires2. En 1979,il y en avait 53 000 dans le monde.Les premières sont apparues en 1945;elles étaient au nombre de 1 000 en1952 et déjà 30 000 en 1962. Lesommet a été atteint avec 65 000 têtesen 1986. Le désarmement nucléaire a

commencé en 1987 par le traité dedémantèlement des euromissiles (mis-siles nucléaires installés en Europe).En 1994, la moitié des ogives nuclé-aires avaient été mises hors service : ilrestait 30 000 têtes. Aujourd’hui, onen dénombre environ 20 000, soit le

tiers de l’arsenal de 1986.Le troisième indicateur

est celui des dépenses mili-taires mondiales3. En 1979,elles se situaient aux alen-tours des 1 000 milliards dedollars (dollars de 2004).Elles ont continué à croîtrerégulièrement chaque annéepour atteindre le sommet de1 300 milliards en 1987.À partir de 1990, elles ont

diminué régulièrement pour descendreautour de 750 à 800 milliards entre1994 et 2000. Depuis 1998, ellesremontent progressivement pour at-teindre 950 milliards de dollars en2003, quasi essentiellement à la suitede l’augmentation des budgets dedéfense américains.

Globalement, on peut constaterqu’en 1979, nous étions dans unephase ascendante pour ces trois indi-cateurs. Les sommets ont été atteints àpeu près au même moment pour letotal des têtes nucléaires (1986) et lesdépenses militaires (1987), puis quel-ques années plus tard pour les conflits(1993).

Fin du conflit Est-OuestL’élément explicatif majeur de la

décroissance de ces trois indicateurs aété la fin de la Guerre froide, qui s’estmatérialisée par la chute du mur deBerlin en 1989 et la fin de l’URSS en1991, conséquence de la nouvelle po-litique menée par Mikhaïl Gorbatchev,

(suite en page 2)

LES NOUVELLES DU GRIP

taire du Kosovo» en 1999 ou celle enIrak en 2003 pour «imposer la démo-cratie»). Cette influence a été renfor-cée par la capacité des moyens decommunication audio-visuels qui peu-vent dorénavant présenter en directles images de conflits. Mais ici aussi,il faut relever qu’il existe des conflits

surmédiatisés mais aussi des guerresoubliées, suite à des effets de modeou des opérations de manipulation.

L’option militaire privilégiéeAujourd’hui, en 2004, quelles sont

les perspectives? Une grande crainteest apparue après le 11 septembre2001. Après la disparition de la «me-nace communiste» (que les analystesavaient fort relativisée à l’époque),apparaît la menace du «terrorisme»,présentée comme une maladie à éra-diquer. Cela a conduit les Américainsà adopter une politique privilégiantl’action militaire lourde en Afghanistanen 2001, puis en Irak en 2003. L’enli-sement sur ces deux fronts confirmel’impréparation et l’erreur de méthodedes responsables américains. Ceux-ciont été influencés par les théories desnéo-conservateurs qui considèrentque la politique extérieure de «l’Em-pire américain» doit utiliser la forcemilitaire et agir de manière unilaté-rale. En adoptant pareille posture, lesAméricains précipitent le monde entierdans un climat de tension et d’insécu-rité qui aboutit à renforcer les groupesislamistes radicaux et à créer un «chocdes civilisations».

L’enjeu actuel est donc, à la suitedu débat entre partisans et opposantsde la guerre en Irak, de savoir si uneautre voie est possible. A court terme,l’emploi inefficace et coûteux de laforce militaire devrait être abandonnéau profit d’une action policière et ju-diciaire ciblée sur les véritables orga-2

Depuis 25 ans : la sécuritéinternationale...(suite de la page 1)

arrivé au pouvoir en 1985. Si la me-nace d’un holocauste nucléaire entreles deux blocs a bel et bien disparu,ce qui en soi est une donnée positive,la suite a été plus chaotique. En1991, le président George Bush(père) annonçait l’avènementd’un «nouvel ordre internatio-nal». Qu’en a-t-il été? Il estincontestable que le multilatéra-lisme a progressé au cours desannées 90 avec la reconnais-sance croissante par la majoritédes États de la fonction essentielledes règles du droit internationalet le renforcement du rôle desNations unies. Mais l’Onu asouffert d’un double problème.D’une part, elle n’a pu obtenir de lapart des États membres tous les moyensnécessaires pour mener avec succèsles nombreuses et difficiles opérationsde maintien de la paix (ex-Yougosla-vie, Somalie, Rwanda,...). D’autrepart sont vite apparues les limites del’emploi de la force pour imposer lapaix. Quand les armes parlent, arrê-ter les combats relève souvent d’unemission impossible.

C’est ainsi que, progressivement,dans la deuxième moitié des années90, des débats importants eurent lieusur la question de l’usage de la force,concluant à la nécessité d’adopter despolitiques favorisant le règlement pa-cifique des conflits. Le concept de«prévention des conflits», comme moded’action politique, apparut pour lapremière fois dans des documents offi-ciels de l’Union européenne en 1996,puis des Nations unies en 1998.

De nouvelles thématiquesUne autre évolution à souligner est

l’émergence de nouveaux acteurs dansla critique, voire même la conduite desrelations internationales en matière desécurité. Les mouvements de défensedes droits de l’homme et les organisa-tions humanitaires ont, au cours desannées 90, progressivement influencé,parfois sensiblement, les choix desdécideurs politiques. Revers de la mé-daille, ces deux thématiques ainsi quecelle de la démocratie ont parfois étéinstrumentalisées pour justifier le re-cours à la force (la «guerre humani-

Évolution du nombre de conflits et de têtes nucléairesdans le monde (1945-2003)

C’était un autresiècle …Cette année-là, en 1979, le rythme dumonde semblait s’accélérer. Les écono-mies occidentales étaient encore sousle choc de la crise pétrolière de 1973et se livraient à de rudes concurrencescommerciales. Cependant, la construc-tion européenne se poursuivait. En juin,le Parlement européen était, pour lapremière fois, élu au suffrage universel.

Vietnam, Cambodge, désolationLa guerre du Vietnam s’était enfinarrêtée en 1975. Le pays se reconstrui-sait mais des milliers de «boat people»fuyaient en mer de Chine. Au Cambodgevoisin, les Khmers rouges avaient déci-mé leur propre population jusqu’à l’in-vasion vietnamienne en janvier 1979.

L’Afrique en ébullitionEn Afrique, des mouvements rebellesaffrontaient des gouvernements fragiles,soutenus par l’un ou l’autre des grandsblocs. En Angola, l’Unita, depuis leshauts plateaux de l’intérieur, s’opposaitau MPLA gouvernemental. Au Zaïre voi-sin, quelques guérillas locales résistaientau régime de Mobutu. En Ouganda, IdiAmin Dada était renversé par dessudistes soutenus par la Tanzanie. EnNamibie, la Swapo luttait contre l’occu-pation sud-africaine, et tandis que laRhodésie devenait le Zimbabwe, le ré-gime de l’apartheid continuait en Afriquedu Sud. Dans la Corne de l’Afrique, lesfrères ennemis, Ethiopiens, Erythréenset Somaliens se combattaient sans fin.Le Polisario, soutenu par l’Algérie, re-fusait l’annexion du Sahara occidentalpar le Maroc et la Mauritanie.

Amérique centrale : entre l’espoiret la descente aux enfersAu Nicaragua, la victoire des Sandinistes(juillet 1979) mettait un terme à prèsd’un siècle de domination nord-améri-caine et quarant-deux ans de dictaturesomoziste. Mais la violence restait aurendez-vous. Avec les pays voisins duSalvador et du Guatemala, le Nicaraguaallait devenir, durant les années 80, l’undes principaux enjeux de la confronta-tion Est-Ouest.

Le Moyen-Orient s’embraseL’Egypte, après une paix séparée avecIsraël, récupérait la péninsule du Sinaïmais Gaza et la Cisjordanie étaient en-core occupées par l’armée israélienne.Le président Sadate allait être assassinéen 1981 par des islamistes. C’est toutle Moyen-Orient qui s’embrasait. Des

met notamment d’armer les organisa-tions terroristes.

Ces deux dangers nécessitent unrenforcement des contrôles et unelimitation des transferts d’armementsou de produits à double usage. Lesefforts dans le cadre des Nations uniesconcernant la traçabilité des armeslégères ou le contrôle des courtiersvont dans ce sens.

Le rôle futur de l’Union européenne(UE) dans le domaine de la sécuritéinternationale reste incertain. Entredeux extrêmes – rester impuissantecomme jusqu’à présent ou devenirune superpuissance à l’image desÉtats-Unis –, deviendra-t-elle une«puissance tranquille», privilégiant ledialogue, la coopération et la sécuritécollective dans un cadre multilatéral?Un enjeu essentiel sera de définirquelles sont les véritables menaces, etensuite de définir la manière d’y faireface et le type de moyens à utiliser.D’où la nécessité de mener un débatqui devrait aboutir à préciser lesmoyens militaires dont l’UE devrait sedoter. Il s’agira de répondre à plusieursquestions. Que veut faire l’Union euro-péenne? Quel usage de la force?Quel type de défense? Quel niveaude dépenses militaires?

Bernard Adam

1. Nous reprenons les chiffres de « TheUppsala Conflict Data Project » publiés cha-que année dans le Journal of Peace Researchdu Peace Research Institute d’Oslo (PRIO).

2. Sources : Nuclear Notebook, Robert S.Norris et Hans M. Kristensen, Natural Resour-ces Defense Council, Washington, 2002.

3. Voir l’article de Luc Mampaey ci-après.4. L’application des « Objectifs du

Millénaire pour le développement » adoptépar l’Assemblée générale des Nations uniesen septembre 2000 serait une bonne avancéedans cette direction.

Réduire les dépenses militaires :prêts pour un 2e round de 25 ans!

3(suite page 4)

nisations terroristes. Et à long terme,seule une politique de dialogue politi-que et de coopération menant à lastabilité et au développement socio-économique permettrait de lutter effi-cacement et durablement contre lescauses profondes qui incitent certainsà les utiliser pour motiver leurs actionsterroristes4.

Nouvelles menacesDans le domaine de l’armement,

deux dangers subsistent. Si le désar-mement nucléaire a bien été entamé,le risque d’utilisation d’armes de des-truction massive (ADM) (nucléaire,chimique ou biologique) reste problé-matique à trois niveaux. D’abord, lestentatives de certains nouveaux Étatsdésireux d’acquérir l’arme nucléaire.Ensuite, la volonté de certains groupesterroristes d’utiliser des ADM «rudi-mentaires» (davantage chimiques,plus aisées à fabriquer que les armesnucléaires). Mais aussi la relance denouveaux programmes nucléaires parles États-Unis qui adoptent des doctri-nes qui rendraient possible l’emploide l’arme nucléaire lors de prochainesguerres. De plus, les Américains, parleur politique d’obstruction ou de dé-nonciation de traités internationaux,affaiblissent le système de contrôle desarmements élaboré patiemment ces30 dernières années dans le cadre denégociations multilatérales.

L’autre danger est la poursuite dela prolifération des armes convention-nelles, et des armes légères en parti-culier. Au nombre de 640 millionsdans le monde, celles-ci occasionnentla mort de 500 000 personnes chaqueannée. Alimentant les guerres civiles,elles y sont l’objet d’un trafic organisépar des groupes mafieux, ce qui per-

1000 milliards de dollars. C’était,exprimé en dollars d’aujourd’hui

et à quelques milliards près, le niveaudes dépenses militaires mondiales del’année 1979. Mais il s’en faut de peupour que ce soit aussi celui de l’année2004. Encore un petit effort, et le mon-de dépensera à nouveau autant pour

ses préparatifs de guerre qu’aux heuresles plus sombres de la Guerre froide.Rien n’aurait-il donc changé en 25 ans?

A la naissance du GRIP, la réduc-tion des budgets militaires était au cen-tre des préoccupations. A leur sommetde 1987, les dépenses militaires mon-diales flirtaient avec les 1 300 milliards

insurgés fondamentalistes réussirentbrièvement à investir les lieux saintsmusulmans de La Mecque. Au Liban,la guerre civile, commencée en 1976,impliquait tous les pays voisins et nes’acheva qu’en 1989.

L’Afghanistan déjàEn décembre 1979, l’armée soviétiqueenvahissait l’Afghanistan, à l’appel dugouvernement communiste de Kaboul.Ce fut l’approfondissement d’une guerredont le pays porte toujours les séquelles.La résistance nationaliste afghane futsoutenue par le Pakistan, les pays duGolfe et les États-Unis. Le Pakistan sou-tenait aussi la sécession du Cachemireindien. En Iran, la révolution a renverséle Shah. Les radicaux de l’ayatollahKhomeyni prirent le pouvoir et fondèrentla première république islamique.Cela provoqua un deuxième «chocpétrolier», et la flambée des prix. Enseptembre 1980, l’armée irakienne deSaddam Hussein attaquait l’Iran, débutd’une longue guerre de position de huitans. L’Inde sortait des famines endémi-ques et se développait. Quant à laChine, devenue une grande puissance,elle se modernisait.

L’Europe et les droits de l’hommeEn Pologne, le nouveau syndicat chré-tien Solidarité défiait le pouvoir commu-niste ; c’est aussi un évêque polonaisqui devenait Pape en 1978. En URSSmême, les dissidents demandaient lerespect des droits de l’homme en se ré-férant aux accords d’Helsinki de 1975.En effet, ces négociations «Est-Ouest»mettaient en place un forum permanentde désarmement de l’Europe, la Confé-rence pour la sécurité et la coopérationen Europe (CSCE), devenue depuisl’OSCE, regroupant l’URSS, tous les payseuropéens, le Canada et les États-Unis.

Des euromissiles à la guerredes étoilesLes relations Est-Ouest entraient cepen-dant à nouveau dans une phase decrispation. Brejnev était à la fin de savie. En novembre 1980, le très conser-vateur Ronald Reagan était élu présidentdes États-Unis. Il relança la course auxarmements, dont le fameux programmedit de la «Guerre des étoiles». Malgréde nombreuses oppositions en Europeoccidentale, l’installation des euromissi-les, décidée en décembre 1979 parl’Otan, était complètement réalisée enmars 1985 avec leur arrivée dans ledernier pays d’accueil : la Belgique. Ilsallaient commencer à être démantelésdeux ans plus tard.

Alain Reisenfeld

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(suite de la page 3)

de dollars actuels. Admettons pourtantavec humilité que c’est moins le pou-voir de persuasion des mouvements depaix que les fortunes de l’his-toire qui seront déterminan-tes pour mettre fin à cettespirale infernale.

La crise des finances pu-bliques et, de manière plusdécisive, la dissolution del’URSS en 1991, ont en effetprécipité les dépenses militai-res dans une chute vertigi-neuse jusqu’en 1998.

Un espoir déçuLes années 1990 ont été dominées

par un discours sur la «reconversion»des infrastructures militaires et dusystème productif d’armement. L’affai-blissement du complexe militaro-indus-triel escompté suite à l’effondrementdu bloc soviétique – hypothèse impli-citement contenue dans l’idée de «di-vidende de la paix» née à cette épo-que – n’aura cependant été qu’unecourte illusion.

Au contraire, la nouvelle phase decroissance de l’économie américaineobservée dès 1992, l’arrivée à matu-rité de nombreuses innovations tech-nologiques à vocation militaire déve-loppées au cours des deux décenniesprécédentes ainsi que l’élargissementde la sphère marchande – la mondia-lisation, terreau de nouvelles menaceset conflits – ont été propices à la ré-génération, à la consolidation et àl’expansion du système militaro-industriel.

Depuis 1998, les dépenses mili-taires mondiales ont progressé de27 % et s’établissaient à quelque950 milliards de dollars pour l’an-née 2003, dont la moitié à porterau compte des seuls États-Unis.

L’insécurité, prix de la prédationDe quoi avons-nous si peur, au

point d’accepter à nouveau une tellediversion de ressources au profit dumilitaire, au préjudice de nécessitéscriantes dans les politiques sociales,l’éducation, l’environnement, la re-cherche ou l’aide au développement?

Sans détours pour les néoconser-vateurs américains, avec quelques con-torsions oratoires pour les dirigeantseuropéens, la réponse ne varie pas:la guerre contre le terrorisme justifiebien des sacrifices.

À vrai dire, le monde occidental –les États-Unis davantage que lesautres – découvre avec angoisse une

évidence : nos économies nepourront pas éternellementrester à l’abri des consé-quences d’un mode de pro-duction et de consommationinsoutenables pour unelarge partie de la planète.L’accès sans concessionsaux ressources énergétiqueset aux matières premières,l’extension de l’économie demarché et la libre circulation

des capitaux à l’échelle de la planète,sont à notre douce existence des con-ditions sine qua non que la force mili-taire devra donc, au besoin, faire res-pecter. Pour combien de temps?

Une détermination renouveléeLes marchés financiers ont déjà

intégré dans leur comportement cetteréalité, et donc l’inéluctabilité d’inter-ventions militaires de plus en plus fré-quentes. Le rendement des investisse-ments dans l’industrie de l’armementest aujourd’hui à la hauteur de leursespérances. La fonction organiqueoccupée par l’armement et les dépen-ses publiques militaires dans l’écono-mie capitaliste s’est considérablementrenforcée, ce qui rend d’autant pluscompliqué, davantage sans doutequ’en 1979, un renversement de latendance.

Le combat pour la paix et la réap-propriation des énormes ressourcesdrainées par le système militaro-in-dustriel est désormais étroitement lié àcelui pour une autre mondialisation.

La paix et la sécurité ne serontqu’illusions tant que chaque nation dumonde ne pourra apporter à ses ci-toyens l’éducation, la santé, la culture,

Luc Mampaey,chercheur, membre

du comité de direction

Régulièrement, le Bulletin of the AtomicScientists, une revue américaine portantsur la sécurité internationale, évalue«l’heure du temps du monde». Via unehorloge symbolique, cette revue indique letemps qui nous sépare d’un éventuel holo-causte nucléaire. Voici les différentes éva-luations réalisées depuis 1945.

1947. Sept minutes avant minuit. L’horlogeapparaît pour la première fois sur la cou-verture du Bulletin en tant que symbole dudanger nucléaire.

1949. Trois minutes avant minuit. L’Unionsoviétique fait exploser sa premièrebombe atomique.

1953. Deux minutes avant minuit. A neufmois d’intervalle, les États-Unis et l’Unionsoviétique testent des engins thermonu-cléaires.

1960. Sept minutes avant minuit. L’hor-loge se met en mouvement suite à la prisede conscience grandissante de l’opinionpublique que les armes nucléaires rendentirrationnelle la guerre entre les grandespuissances. On évoque la coopérationscientifique internationale ainsi que desefforts d’aide aux pays pauvres.

1963. Douze minutes avant minuit. Lasignature par les États-Unis et l’URSS duTraité d’interdiction partielle des essaisnucléaires «apporte la première certitudetangible de ce qui a été la conviction duBulletin ces dernières années – qu’unenouvelle force cohérente a fait son entréedans le rapport de forces qui préside audestin de l’humanité».

1968. Sept minutes avant minuit. La Chineacquiert des armes nucléaires; les conflitsfont rage au Moyen-Orient, dans le sous-continent indien et au Vietnam; les dépen-ses militaires mondiales augmentent tandisque les fonds d’aide au développementrégressent.

1969. Dix minutes avant minuitLe Sénat américain ratifie le Traité de non-prolifération nucléaire.

1972. Douze minutes avant minuit. LesÉtats-Unis et l’Union soviétique signent lepremier Traité de limitation des armesstratégiques (Salt I) et le Traité antimissilesbalistiques; on prévoit une évolution versSalt II.

1974. Neuf minutes avant minuit. Lesnégociations dans le cadre de Salt sontdans l’impasse; l’Inde développe une armenucléaire. «Nous trouvons dans chaquecamp des décideurs de plus en plus confinés,frustrés et neutralisés par des influencesintérieures qui ont un intérêt matériel dansl’accumulation de forces stratégiques.»

L’horloge du tempsavant l’holocauste nucléaire

Dépenses militaires mondiales 1979-2003(en milliards de dollars, au prix de 2004)

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L'Onu et la maîtrisedes armements

B ien que fortement impliquée dansla recherche de la paix et de la

des régimes maintenant existants telsque l’interdiction complète des essaisnucléaires et les zones dénucléarisées.

La CD: négociations et blocagesLa Conférence du désarmement

(CD) n’est pas à proprement parler unorgane de l’Onu, elle est néanmoinsintimement liée à cette organisation etfête également ses 25 ans cette année.

Désignée comme l’instance multi-latérale unique de la communautéinternationale pour les négociationsdans le domaine du désarmement lorsde la première session extraordinairede l’Assemblée générale consacréeau désarmement en 1978, la CD estconstituée en 1979.

Elle succède ainsi à d’autres ins-tances de négociation qui avaient leursiège à Genève : le Comité des dixpuissances sur le désarmement (1960),le Comité des dix-huit puissances surle désarmement (1962-1968) et laConférence du comité du désarmement

(1969-1978). La CD compteaujourd’hui 66 membres.

Le mandat de la CDcouvre pratiquement tous lesproblèmes qui se posent auniveau multilatéral en ma-tière de limitation des arme-ments et de désarmement.C’est la CD, et les organesqui l’ont précédée, qui ontnégocié des accords multila-

téraux essentiels tels que le Traité surla non-prolifération des armes nuclé-aires (1968), la Convention sur l’inter-diction d’utiliser des techniques demodification de l’environnement à desfins militaires (1977), les traités relatifsau fond des mers (1971), la Conven-tion sur l’interdiction des armes biolo-giques (1972), la Convention sur l’in-terdiction des armes chimiques (1993),ainsi que le Traité d’interdiction com-plète des essais nucléaires (1996).

sécurité internationales, l’Onu n’a pasété le principal architecte de la maîtrisedes armements et du désarmement.Les principaux régimes et traités ontété négociés hors de son cadre, et no-tamment les accords bilatéraux conclusentre les États-Unis et l’Union soviétique,puis la Russie.

L’importance des accordsbilatéraux

Washington et Moscou ont conclutoute une série d’accords qui, s’ils n’ontpas empêché la course aux armements,l’ont du moins freinée. Les accordsSalt I (1972) comprenaient le traitéABM dont l’objectif était de limiter lessystèmes de missiles anti-missiles ba-listiques, ainsi qu’un second accord,provisoire celui-là, visant à limiter lesarmes stratégiques offensives.

Les États-Unis se sont officiellementretirés du Traité ABM en 2001.

Salt II (1979) censé pla-fonner le nombre d’armesstratégiques offensives n’aquant à lui jamais été ratifié,ni respecté par les parties.Le traité d’élimination desmissiles à portée intermé-diaire (euromissiles) signéen 1987 a été le premieraccord visant la suppressioncomplète de toute une catégo-rie d’armes nucléaires et à présenterun processus très élaboré de vérifica-tion.

Start I (1991), Start II (1993) etplus récemment Sort (2002) ont établides plafonds quantitatifs de plus enplus bas pour les arsenaux nucléairesstratégiques des deux grands. Sansavoir pris de part active dans la con-clusion de ces accords essentiels, l’Onun’en est pas moins un creuset d’où ontémergé bon nombre d’idées liées à

Valérie Peclow,chercheuse

1980. Sept minutes avant minuit. L’impassecontinue dans les négociations sur lesarmements entre Washington et Moscou;les conflits nationalistes et les actes terro-ristes prennent de l’ampleur; l’écart entreles pays riches et pauvres se creuse.

1981. Quatre minutes avant minuit. Lesdeux superpuissances développent davan-tage d’armes pour faire face à une guerrenucléaire. Les actes terroristes, la répres-sion des droits humains ainsi que les con-flits en Afghanistan, Pologne et Afrique duSud s’ajoutent à la tension mondiale.

1984. Trois minutes avant minuit. La courseaux armements s’accélère. «Les négocia-tions sur le contrôle des armements ont étéréduites à une sorte de propagande…Les simplifications grossières de la forcemenacent de supplanter toute autre formede discours entre les superpuissances.»

1988. Six minutes avant minuit. Les États-Unis et l’Union soviétique signent un traitépour éliminer les forces nucléaires à rayond’action intermédiaire (INF); les relationsentre les superpuissances s’améliorent ;davantage de nations s’opposent active-ment aux armes nucléaires.

1990. Dix minutes avant minuit. L’horloge,redessinée en 1989, reflète les mouve-ments démocratiques en Europe de l’Estqui font voler en éclats le mythe d’un bloccommuniste; la Guerre froide prend fin.

1991. Dix-sept minutes avant minuit. LesÉtats-Unis et l’Union soviétique signent leTraité de réduction des armes stratégiques(Start) longtemps ajourné et annoncentdes réductions unilatérales supplémentai-res sur les armes nucléaires stratégiqueset tactiques.

1995. Quatorze minutes avant minuit. Desréductions d’armements supplémentairessont ajournées alors que les dépensesmilitaires mondiales se poursuivent à desniveaux semblables à ceux de la Guerrefroide. Des « fuites» nucléaires provenantd’anciennes infrastructures soviétiques malgardées sont reconnues comme une me-nace croissante.

1998. Neuf minutes avant minuit. L’Indeet le Pakistan procèdent ouvertement à desessais nucléaires. Washington et Moscoune peuvent se mettre d’accord sur de plusamples réductions de leurs stocks.

2002. Sept minutes avant minuit. Il y apeu de progrès dans le désarmementnucléaire mondial. Les États-Unis rejettentune série de traités de contrôle d’arme-ment et annoncent qu’ils vont se retirer duTraité antimissiles balistiques. Des terroristescherchent à se procurer et à faire usaged’armes nucléaires et biologiques.

2004. Sept minutes avant minuit. L’hor-loge n’a pas évolué depuis 2002…

Texte traduit par Denys Detandt.

et les droits fondamentaux auxquelsils aspirent.

Le défi qui se pose à nous aujour-d’hui est de démontrer qu’il existe unealternative aux options sécuritaires du

néolibéralisme, de convaincre quenotre sécurité collective sera fondée,non sur le militarisme, mais sur la soli-darité et le respect mutuel.

Luc Mampaey

(suite page 6)

ingt-cinq ans après les premiè-res élections du Parlement euro-

L'Union européenne : un projetpolitique toujours en devenir

Vpéen au suffrage universel de 1979,les élections du 13 juin 2004 devaientêtre historiques. Pour la première foisdepuis la chute du Mur en 1989, prèsde 400 millions d’électeursde l’Europe unifiée allaientélire un Parlement commun à25. Le seul résultat tangible,cependant, fut le taux écra-sant d’abstentions : 52 %parmi les 15 anciens Étatsmembres et jusqu’à 74 %parmi les 10 pays adhérents.Un échec cuisant pour laconstruction européennedonc, et une conclusion impa-rable : le projet européen ne mobilisepas les citoyens.

Il est vrai que ce projet ambitieuxreste désespérément obscur et ce, àtous les niveaux: économique, socialet politique. Au niveau politique, l’Eu-rope manque cruellement d’une visionstratégique claire qui lui permettrait dedéfinir distinctement les objectifs de sapolitique étrangère, de sécurité et dedéfense et d’accroître sa visibilité entant qu’acteur politique incontourna-ble dans les relations internationales.

Une impuissance politiqueau niveau international

Au cours des années 90, différen-tes initiatives ont été lancées en ma-tière de diplomatie traditionnelle, decoopération au développement, degestion civile et militaire des crises etde partenariats avec d’autres régionsdu monde afin de remédier à cetteimpuissance politique.

Ainsi, les traités de Maastricht(1992) et d’Amsterdam (1997) avaientnotamment pour objectif de renforcer

la place de l’UE sur la scène interna-tionale. Dans la foulée, les Conseilseuropéens de Cologne (juin 1999) etd’Helsinki (décembre 1999) ont permisà l’Union européenne de construireune capacité propre, tant civile que

militaire, de gestion descrises.

Quel modèle de sécuritépour l’Europe?

Mais concrètement, lesprogrès et le financement deces développements ont sur-tout été tangibles sur le planmilitaire. Ensuite, les différentsmoyens évoqués, tant civilsque militaires, ne facilitent

pas une vision claire des objectifs prio-ritaires et des mandats que l’Unionsouhaite privilégier dans ses relationsextérieures.

La prévention des conflits est évo-quée comme objectif en soi mais l’en-semble reste flou et permet d’envisager,au gré des circonstances, des compo-sants et des moyens différents, voireopposés, avec toutes les confusionsentre instruments civils et militairesque cela entraîne.

Et les dernières avancées dans ledomaine ne semblent pas déroger àces deux tendances. Ainsi, après l’in-tervention américaine en Irak et lafracture – européenne et transatlanti-que –, l’UE adoptait en décembre2003 un concept stratégique élaborépar Javier Solana, Haut représentantpour la Politique étrangère et de sécu-rité commune définissant la stratégieglobale de l’UE dans le monde. Cedocument, intitulé «Une Europe sûredans un monde meilleur», reste am-bigu quant aux priorités que l’Unionse donne.

Caroline Pailhe,chercheuse, membre

du comité de direction

Depuis la conclusion du Traité d’in-terdiction complète des essais nucléai-res en 1996, la CD n’est jamais par-venue à entamer des négociations surune interdiction des matières fissilesou tout autre sujet. Fonctionnant sur lemode du consensus, la Conférence n’apu s’entendre que quelques semaines

(en août 1998) sur un programme detravail. Elle est entrée il y a déjà quel-ques années dans un processus derévision de son fonctionnement maisvisiblement, à l’heure actuelle, sanstrop de résultats.

Valérie Peclow

Les bibliographies complètes des livresreçus, avec notes de lectures, se trouventsur le site Internet du GRIP (www.grip.org)rubrique « Centre de documentation »,page « nouvelles acquisitions bibliogra-phiques – 2004 »

Terrorisme : questionsSous la dir. de Henri Lelièvre, Complexe,Bruxelles, 2004, 263 p.

États-Unis. Une histoire à deux visagesJacques Portes, Complexe, Bruxelles, 2004,166 p.

Désir d’humanité. Le droit de rêverRiccardo Petrella, Labor, Bruxelles, 2003,188 p.

Religion et politique.Une liaison dangereuse ?Sous la dir. de Thomas Ferenczi, Complexe,Bruxelles, 2003, 255 p.

Des conflits en mutation? De la guerrefroide aux nouveaux conflitsActes du colloque international de Montpellier,6-9 juin 2001 organisé par le CNRS-CESIDSous la dir. de Danielle Domergue-Clarec etAntoine Coppolani, CNRS-CESID, Montpel-lier, Complexe, Bruxelles, 2003, 502 p.

Chronique de l’ébranlementDes tours de Manhattan aux jardins de l’ElyséePhilippe Grasset, préface de Régis Debray,éd. Mols, Genval, 2003, 463 p.

Le sabre, la machette et le goupillonDes apparitions de Fatima au génocide rwandaisLéon Saur, préface de Jean-Pierre Chrétien,éd. Mols, Genval, 2004, 447 p.

Le mythe Al-Qaida. Le terrorisme symp-tôme d’une société maladeRik Coolsaet, préfaces de Louis Michel etd’Olivier Roy, éd. Mols, Genval, 2004, 163 p.

Irak : qui a gagné?Daniel Durand, éd. La Dispute, Paris, 2003,183 p.

Les frontières au Moyen-OrientJean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah,L’Harmattan, Paris, 2004, 230 p.

Commerce et sécuritéLes exportations sensibles dans lamondialisationDamien Romestant, L’Harmattan, Paris,2004, 189 p.

Les habits neufs de la terreurPaul Berman, préface de Pascal Bruckner,traduction par Richard Robert, Hachette, Pa-ris, 2004, 258 p.

Le revers de la puissance.Les États-Unis en quête de légitimitéRobert Kagan, traduction par Fortunato Israël,Plon, Paris, 2004, 120 p.

Du terrorisme et de ceux qui l’exploitentAvi Primor, Bayard, Paris, 2004, 275 p.

L’Amérique bâillonnéeLewis Lapham, traduction de Laurent Bury,éd. Saint-Simon, Paris, 2004, 175 p.

Alain Reisenfeld

Livres reçus

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DANS LE CADRE DU25e ANNIVERSAIRE DU GRIP

Journée d’étude

ARMES LÉGÈRESEUROPÉENNESET PERPÉTUATIONDE LA VIOLENCE

Vendredi 22 octobre 2004de 9h30 à 18h30

au Centre international de PresseRésidence PalaceRue de la Loi, 155

1040 Bruxelles

Cette conférence s'inscrit dans le cadrede la deuxième réunion du Comitéde gestion de l'Action COST-A25

(de l'Union européenne)

Programme

Allocution d'ouverture

1. Industrie et production des armeslégères et de petit calibre

dans l'UE élargiePrésidence : Peter Batchelor (Pnud)

2. Marquage, enregistrement ettraçage des ALPC : vers un instrument

internationalPrésidence : Rebecca Peeters (Iansa)

3. Marquage, enregistrement ettraçage des ALPC : aspects techniques

et pratiquesPrésidence : Ilhan Berkol (GRIP)

4. Marquage, enregistrement ettraçage des ALPC : la prévention

des traficsPrésidence : Georges Berghezan (GRIP)

5. Prolifération des ALPC et violence :points de vue d'AfriquePrésidence : Luc Dhoore

(European Parliamentarians for Africa)

La conférence bénéficiera de la présence dereprésentants de haut niveau des Parlementsdu Burundi, de la République démocratique

du Congo et du Rwanda.

Allocution de clotûre

Tout renseignementsur www.grip.org

ou auprès de Luc Mampaey(T. 02/241 84 20)

[email protected]

Alors que le contexte internationaldevient plus sécuritaire que jamais,l’Europe se trouve donc encore ettoujours à la croisée des chemins. Carau-delà de la pléiade d’initiatives enmatière de PESC et de PESD, c’est unchoix de civilisation qui s’impose auxinstances européennes.

L’Europe s’apprête-t-elle à adopterun modèle sécuritaire alternatif quiprivilégie les instruments «doux» depolitique étrangère ou, au contraire,un système plus coercitif, dans la fou-lée de la politique américaine? Telleest la question qui ne fait l’objet d’au-cun débat de fond et encore moins

d’un débat démocratique avec lescitoyens.

À un niveau plus institutionnel, leverdict des urnes de cette année n’apas non plus donné de signal encou-rageant pour l’adoption d’une Consti-tution ambitieuse. Conformément àl’usage, les résultats engrangés lorsdes prises de décision se sont davan-tage résumés à des demi-mesurescensées contenter la majorité qu’à desavancées courageuses pouvant menerà une réelle intégration, tant politiquequ’économique et sociale, du Vieuxcontinent.

Caroline Pailhe

e 9 mai 1950, Robert Schumann,ministre français des Affaires

Union européenne : une visionéconomique de la stabilité politique

Létrangères, proposa à son homologueallemand de gérer en commun lesproductions respectives de charbon etd´acier. Derrière cette curieuse idée secachait une intuition originale, qui jetales bases de l´intégration européenne:coopérer économiquement et puis poli-tiquement pour éviter la confrontation.

L’intuition de Schumann représenteaujourd’hui le fondement sur lequelrepose la stratégie de l’Union europé-enne face aux conflits internationaux.Premier bailleur de fonds au monde(53 % de l’aide au développement estfournie par l’UE), principal acteurcommercial (plus de 25 % des échan-ges de la planète se font avec l’UE),l’Union voit ancrée dans son histoireet dans sa nature la coopération éco-nomique. Depuis sa nais-sance, elle entretient desrelations de développementintenses avec les pays duSud, dans l’espoir de promou-voir ces interdépendanceséconomiques et politiquesqui représentent le meilleurantidote aux conflits.

Cette vision de fond quel’UE porte en elle-même estrestée inchangée avec le temps. Ce-pendant, au cours des 25 dernièresannées, les politiques européennes decoopération ont, elles, évolué radica-lement dans leur contenu. Pour s’en

rendre compte, il faut remonter à 1974,lorsque, sous l’impulsion des pays dutiers-monde, l’Assemblée généraledes Nations unies votait une résolu-tion sur le «Nouvel ordre économiqueinternational» plaidant des relationsNord-Sud plus équitables.

Bien que cette initiative n’eût riende contraignant, les accords d’asso-ciation signés par l’UE avec les paysdu Sud quelques années plus tard secaractérisaient par des facilités com-merciales en faveur des pays en voiede développement (PVD) et par d’im-portantes enveloppes d’aide financière.Naquit alors le «principe de non-réci-procité», au terme duquel l’Europeoffrait aux produits industriels despays en voie de développement lelibre accès au marché communautai-re, sans exiger une clause réciproque

pour ses propres biens etservices.

Évidemment, une telleconcession ne concernaitpas les produits pour les-quels les pays du Sud dispo-saient des meilleurs avanta-ges comparés. Elle avaittoutefois le mérite de per-mettre aux pays en voie dedéveloppement de protéger

leurs économies face à la concurrenceeuropéenne, en renforçant ainsi lerôle de l’Etat, souvent en quête delégitimation auprès de sociétés plutôtinstables.

Federico Santopinto,chargé de mission

(suite page 8)

7

Changement de cap dansles relations commerciales

En 1979, les relations de coopéra-tion entre l’Europe et le Sud étaientdonc sous l’emprise keynésienne, etprenaient en compte certaines reven-dications des PVD. Cette donne aaujourd’hui radicalement changé. Aucours des années 80, les thèses libé-rales véhiculées par la Banque mon-diale et le FMI sont devenues hégémo-niques et, dans les années 90, ellesont été pleinement intégrées par lesstratégies internationales de coopéra-tion. Bien que nuancée, l’Union euro-péenne ne fait pas exception : les nou-veaux accords de partenariat qu’ellea signés se caractérisent, en Afriquecomme ailleurs, par la création pro-gressive de zones de libre-échange, etdonc par la suppression des systèmesde protection des économies pauvres.

La stratégie européenne de coopé-ration est en réalité plus complexe:

elle adjoint à la libéralisation écono-mique des politiques en faveur desdroits de l’homme et de la démocratie(libéralisation politique), ainsi qued’importantes enveloppes financières.Pourtant, l’aide au développementpromise est infime par rapport auxcoûts imposés par la libéralisation àcertains États.

Dès lors, l’Union européenne de-vrait se demander quel sera l’impactglobal d’une telle stratégie sur la sta-bilité de ces pays. Les thèses libéralesde référence, en effet, sont le plussouvent élaborées dans une optiquede croissance de long terme.

Elles tendent par conséquent à pla-cer l’analyse macroéconomique au-dessus de l’analyse politique demoyen terme. Face à certaines réalitésdu Sud, cette approche pourrait êtredangereuse.

Federico Santopinto

lors que le GRIP voyait le jour,la politique commune de sécu-

Exportations d'armes : des approchesnationales au Code de conduite

Arité n’avait pas sa place dans le projeteuropéen en construction. Concentréeavant tout sur la construction d’unmarché élargi, la Communauté euro-péenne devait ses premières avancéesen politique étrangère davantage à laconvergence des approches nationalesqu’à l’existence d’une stratégie unique.Cela était inévitablement aussi le casen matière de production etd’exportation d’armement,domaines étroitement liés auconcept de souveraineté desÉtats et que l’article 223 dutraité de Rome place souscompétence exclusive desgouvernements.

Les premières mesurescommunes n’arrivent alorsqu’avec les embargos sur lesfournitures militaires à l’encontre dela Libye (1986) et de la Chine (1989).

La fin de la Guerre froide et laguerre du Golfe, illustration concrètede la dissémination incontrôlée desarmes fabriquées en Europe, incitentles gouvernements européens à repen-

ser leur approche et à introduire lapolitique de sécurité commune dansl’édifice européen par le traité deMaastricht (1991).

C’est à partir de cette période quel’attention du Conseil européen pourles questions ayant trait à la maîtrisedes armements se précise et que plu-sieurs initiatives européennes aboutis-sent. Le Conseil se dote d’un comitéde travail sur les questions de l’arme-

ment, le Coarm (1991), pro-pose l’institution du Registrede l’Onu sur les armes con-ventionnelles (1991), adopteune réglementation sur lecontrôle des biens à doubleusage (1995), prend positioncontre l’utilisation des minesantipersonnel (1996), la pro-lifération des armes légères(1998 et 2002) et élabore

un Code de conduite sur les exporta-tions d’armement.

Un instrument de contrôle régionalLe Code de conduite de l’UE en

matière d’exportation d’armement, l’ini-tiative la plus importante en ce domai-

Claudio Gramizzi,chercheur

8

Edith Grosse,secrétaire

Chantal Schamp,secrétaire

Alain Reisenfeld,documentaliste

Sabine Fievet,secrétaire

Denys Detandt,secrétaire

Nos autrescollaborateurs

Holger Anders,chargé de mission

ne, établit un cadre de contrôle régional.Conçu pour lutter contre la proliféra-tion des armements, accroître le degréde transparence et homogénéiser lespratiques des États, le Code européena été adopté en 1998 sous l’impulsionde la société civile et des gouverne-ments français et britannique. Il définitce que devrait être la politique d’ex-portation de l’Union sur base de huitcritères adoptés par le Conseil desministres en 1991 et 1992, dont le res-pect devrait conditionner l’octroi detoute licence d’exportation.

Risques de trafics illicites, menacespour la paix ou manque de garantiessur l’utilisation des armes sont quel-ques-uns des facteurs qui, par appli-cation stricte du Code, devraientinduire des refus d’autorisations d’ex-portations de la part des gouverne-ments. De plus, le Code de 1998 in-troduit un mécanisme de concertationintergouvernementale en cas de refusd’exportation et favorise l’échanged’informations au sein de l’Unioneuropéenne.

Avancée positive, ce Code a cer-tainement introduit plus de transpa-rence dans la politique d’exportationd’armes de l’UE et en a renforcé lacohérence.

Quelles perspectives pour demain?Au lendemain de l’élargissement à

25 membres, l’Union européenne alancé un processus de révision duCode de conduite. Si elle ne devraitpas en renforcer le caractère contrai-gnant ni modifier la formulation deshuit critères, cette révision pourraitnéanmoins déboucher sur une interpré-tation moins hétérogène de ces der-niers et améliorer les mécanismes demise en application.

Parallèlement à cela, toutefois, lacompétitivité des producteurs euro-péens reste une priorité politique affi-chée et les exportations européennesoccupent des parts de marché crois-santes (en 2002, les livraisons d’ar-mement conventionnel depuis l’Unionreprésentaient 21 % du marché mon-dial; celles réalisées par les États-Unis24 %).

Ce qui suggère que les mesures decontrôle n’auront une incidence con-crète que lorsqu’elles seront accompa-gnées d’une réflexion sur le rôle del’industrie de la défense.

Faute de quoi les résultats resterontcontradictoires, à l’image des optionsdéfendues.

Claudio Gramizzi

près la Deuxième Guerre mon-diale, le débat sur le contrôle

Contrôle de l'armement conventionnel:un enjeu primordial pour la sécurité

Ades armes se trouva rapidement enlisésuite aux tensions de la Guerre froide.

Néanmoins les premières négocia-tions relatives aux forces armées con-ventionnelles ont commencé en 1973avec la Conférence sur la sécurité etla coopération en Europe (CSCE) quia abouti à la signature de l’Acte finalpar 35 pays à Helsinki en1975, visant à instaurer laconfiance par des mesurescontraignantes sur les ques-tions de sécurité et de coopé-ration. La CSCE est devenuel’Organisation pour la sécu-rité et la coopération enEurope (OSCE) en 1994 etcomprend 55 pays membres(États-Unis, Canada, tous les

pays européens et les nouvelles répu-bliques émanant de l’ex-URSS).

Premières mesures internationalesLa Conférence de la CSCE qui eut

lieu à Stockholm en 1984 a mis enchantier des mesures de confiance etde sécurité adoptées le 19 septembre1986 par les pays membres. En 1989,à Vienne, les membres de l’Otan et

ceux du Pacte de Varsovieont initié des négociationssur les forces conventionnel-les en Europe (FCE) pourfinalement aboutir au traitéde Paris le 19 novembre1990. Le but principal de cetraité était de réduire le ris-que d’attaque surprise enfixant des plafonds pour cinqcatégories d’armement con-

Ilhan Berkol,chercheur

(suite page 10)

DANS LE CADRE DU25e ANNIVERSAIRE DU GRIP

Journée d’étude

LES HUMANITAIRESDANS LA GUERRE

HÉROS OU VICTIMES?

Mercredi 17 novembre 2004de 9h30 à 17h

au Centre international de PresseRésidence PalaceRue de la Loi, 155

1040 Bruxelles

Programme provisoire

La dimension humanitairedes armées modernes

M. André FlahautMinistre de la Défense nationale

L’aide humanitaire à la lumière de lanouvelle constitution européenne

Mme Costanza AdinolfiDirectrice générale de ECHO

1er PANELAssiste-t-on à une militarisation

de l’action humanitaire ?M. Sami Makki (CIRPES)

Col. Charles Marquez (GIACM)M. Luc Nicolas (MSF)

2e PANELLes humanitaires deviennent-ils

une cible de guerre ?M. Michel Kassa (OCHA)

Gén. Jean-Marie Jockin (FAB)M. Michel Cagneux (CICR)

L’aide humanitaire a-t-elleune influence sur la gestion

européenne des crises ?M. Louis Michel

Commissaire européenà la Coopération au développement

Tout renseignementsur www.grip.org

ou auprès de Xavier Zeebroek(T. 02/241 84 20) 9

ventionnel et en établissant des procé-dures d’échange d’information et devérification entre les signataires. Lazone d’action du traité s’étendait del’océan Atlantique à l’Oural. Le traitéa été revu en 1992 à Helsinki en ajou-tant des limitations aux effectifs militai-res et en 1999 à Istanbul afin d’assou-plir les règles relatives aux exercicesmilitaires et déploiements temporaires.

Le registre des armes de l’OnuCe registre, proposé par les cinq

membres du Conseil de sécurité à lafin de la guerre du Golfe, a été adoptépar l’Assemblée générale le 15 dé-cembre 1991. L’objectif était d’assurerune meilleure transparence sur lestransferts d’armes conventionnelles.Plusieurs gouvernements ont présentédes rapports sur base volontaire surles exportations et importations de septcatégories d’armes conventionnelles.Toutefois, notamment dans les zonesde conflit, la participation des Étatsn’est pas systématique pour toutes lescatégories et on observe régulièrementdes différences entre les exportationset les importations. En 2003, un grouped’experts a recommandé d’y introduirecertaines catégories de missiles de pluspetit calibre et les armes légères.

Autres initiatives internationalesEn 1996, 33 pays ont signé l’Ar-

rangement de Wassenaar qui prévoitune plus grande transparence sur laproduction et les transferts d’armesconventionnelles et de biens à doubleusage. En dehors de la politique desécurité, un des plus grands succès aété la convention sur l’interdiction desmines antipersonnel signée à Ottawaen 1997 malgré l’absence d’un certainnombre de grandes puissances commeles États-Unis, la Chine et l’Inde.

Et les armes légères?Les armes de petit calibre (ALPC),

définies comme «vraies armes de

destruction massive» par Kofi Annan,puisqu’elles sont responsables de lamort de 500 000 personnes par an,sont au centre des préoccupations dela communauté internationale depuisla fin des années 90.

Au niveau régional, des conven-tions ont été signées par l’Organisationdes États américains (1997), les paysd’Afrique de l’Ouest (1998, instaura-tion d’un moratoire sur l’importation,l’exportation et la production des armeslégères), les pays d’Afrique centrale etaustrale (déclaration de Naïrobi en2000, transformée en protocole con-traignant en 2004). En Europe, le Do-cument de l’OSCE sur les ALPC visaitpour la première fois le contrôle desarmes militaires.

Aux Nations unies, un protocolesur les armes à feu visant la criminalitétransnationale organisée a été adoptéle 31 mai 2001. La conférence del’Onu de juillet 2001 sur le commerceillicite des ALPC a abouti à un Pro-gramme d’action et a permis pour lapremière fois d’aborder la probléma-tique sur une base multilatérale. Unedes conséquences concrètes de celui-ciest d’aboutir à un instrument internatio-nal sur la traçabilité des armes légèresqui devra être adopté en juillet 2005.

Vers un traité sur le commercedes armes?

Le Programme d’action des Nationsunies sur les ALPC sera revu et com-plété lors de la conférence d’évalua-tion prévue en 2006. Un des enjeuximportants sera d’y inclure un proces-sus menant à un traité sur le commercedes armes visant à établir des critèressur les transferts d’armes convention-nelles au niveau global.

Il pourrait être complété par le con-trôle des certificats d’utilisation finalepour lequel des travaux ont déjà com-mencé au sein de l’OSCE.

Ilhan Berkol

La législation belge sur les exportationsd'armes: un parcours mouvementé

L es armes n’étant pas des marchan-dises comme les autres, leur ex-

portation est normalement liée, danstout État, à la politique étrangère. En

Belgique, il n’existait pas de législationconcernant les exportations d’armesjusqu’à 1991. Le ministre des Affairesétrangères décidait au cas par cas10

GROUPE DE RECHERCHEET D'INFORMATIONSUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

Fondé en 1979 à Bruxelles,le GRIP est un institut de rechercheindépendant qui étudie les questionsde défense, de sécurité et de désar-mement. Par ses travaux, le GRIPveut contribuer à une meilleure com-préhension de ces problématiquesdans la perspective d'une améliora-tion de la sécurité internationaleen Europe et dans le monde.

Adresse : rue Van Hoorde, 33B -1030 BruxellesTEL: (32.2) 241.84.20FAX: (32.2) 245.19.33Courriel: [email protected]: www.grip.org

(bureaux ouverts du lundi auvendredi de 8h30 à 13h et de13h30 à 17h)

Directeur : Bernard Adam

Recherche : Bernard Adam,Holger Anders, Georges Berghezan,Ilhan Berkol, Claudio Gramizzi, LucMampaey, Félix Nkundabagenzi,Sophie Nolet, Caroline Pailhe,Valérie Peclow, Federico Santopinto,Marc Schmitz, Xavier Zeebroek

Secrétariat et administration :Denys Detandt, Edith Grosse,Caroline Pailhe, Chantal Schamp

Centre de documentation :Alain Reisenfeld

Edition, relations publiques :Sabine Fievet, Sophie Nolet,Marc Schmitz

Informatique : Luc Mampaey,Philippe Jadin

Assemblée générale : BernardAdam* (administrateur délégué),André Bastien, Claude Bougard,Rik Coolsaet*, Laurent Dumont*,Etienne Godin, Denis Grimberghs,Marc Installe, Gérard Lambert,Yvan Mayeur, Jean-Paul Marthoz*,Jacques Michel, Eric Remacle,Marcel Renaux, Carl Vandoorne*,Guy Vaerman*(*administrateurs)

DANS LE CADRE DU25e ANNIVERSAIRE DU GRIP

Journée d’étude

EUROPES ET MONDESMUSULMANS

QUEL PARTENARIAT POLITIQUE,ÉCONOMIQUE ET CULTUREL ?

Mercredi 15 décembre 2004de 9h30 à 17h

au Centre international de PresseRésidence PalaceRue de la Loi, 155

1040 Bruxelles

Le contexteLa Méditerranée et

le Moyen-Orient «au sens large»sont devenus une zone prioritaire

pour l’Union européenne enconstruction. Mais quelle directiona pris le partenariat mis en place

et quels en sont les résultats?Tant aux niveaux internationalque régional, l’Europe élargie

ne peut faire l’impasse sur cettequestion, qu’il s’agisse del’adhésion de la Turquie,

de la politique étrangère de l’UEface à la guerre en Irak

et au conflit israélo-palestinienou encore face aux minorités

musulmanes établiessur son territoire.

L'objetDans ce contexte, le GRIP publie

un livre intitulé Europes et mondesmusulmans – Un dialogue complexe.

Quel partenariat politique,économique et culturel ?

avec le financement de la Commis-sion européenne (DG Culture).

Destiné à servir d’outild’information, de piste de réflexionet de débat auprès du public euro-péen, la sortie de cette publicationsera l’occasion de tenir une journée

d’étude où, face aux auteurs del’ouvrage, le public présent pourra

approfondir, voire relancer lesréflexions autour de la thématique.

Tout renseignement sur www.grip.orgou auprès de Caroline Pailhe

(T. 02/241 84 20)

l’octroi ou le refus des demandes d’au-torisation introduites. Entouré d’uncomité interministériel1, il prenait sadécision sur base de critères établispar le gouvernement, et non en fonc-tion d'une loi. Ce type de pratiquen’était pas exceptionnel en Europe, etétait largement tributaire du bon vou-loir de chaque gouvernement. Le seulcontrôle démocratique avait lieu lors-que des parlementaires po-saient des questions au minis-tre des Affaires étrangères.

La région du Golfe, déjàSuite au scandale des

exportations des Poudrièresréunies de Belgique (PRB)vers l’Iran – alors en guerreavec l’Irak – en 1985 et1986, une Commission d’en-quête parlementaire se pencha sur laréalité des ventes d’armes en Belgique.Après un travail de près de deux ans(avril 1987 - février 1989), celle-ciconclut à la nécessité de mettre en pla-ce une véritable législation. Signalonsque PRB fut poursuivi par la justicepour pratiques frauduleuses (dissimu-lation de la véritable destination finale),et se vit infliger une amende de deuxmilliards de francs belges, ce qui pré-cipita la mise en faillite de l’entreprise.

C’est dans ce contexte que fut vo-tée la première loi belge sur les expor-tations d’armes, datée du 5 août1991. Celle-ci établit des critères aux-quels le client doit satisfaire (en ma-tière de conflit interne, de non-réex-portation, de respect des droits del’homme,…) pour qu’une exportationpuisse être autorisée. La loi fut votéeau moment où de nombreux pays serendaient compte qu’ils avaient aussicontribué à l’armement de l’Irak, quiavait envahi le Koweït en août 1990,peu avant la guerre du Golfe. Il s’en-suivit une série d’améliorations légis-latives dans plusieurs pays européens.

Chacun dans sa langueEn septembre 1991, la nouvelle

loi fit tomber le gouvernement. Encause : certains, notamment dans lespartis flamands, avaient estimé qu’auregard de celle-ci on ne pouvait plusexporter d’armes vers l’Arabie saou-dite. Etant donné que ce pays absorbeà lui seul 40 % des ventes d’armesbelges, une telle décision aurait defacto mis en péril les entreprises wal-

lonnes FN et Mecar. Pour sortir de lacrise et amortir cet élément communau-taire, on décida que ce serait désormaisun ministre du même régime linguisti-que que le demandeur qui prendraitla décision finale d’octroyer ou nonune licence2.

Ce système a fonctionné tant bienque mal jusqu’en 2002, émaillé parune série d’affaires. On se souvient

notamment des exportationscontroversées vers le Kenyaen 1996, vers le Mexiqueen 2000, vers la Turquie en2001, et vers le Népal en2002. Cette dernière crisepoussa le gouvernement àrendre les critères de lalégislation belge plus précis,en s’inspirant des critères duCode de conduite européen

en matière d’exportations d’armement,en vigueur depuis 1998.

La Belgique est ainsi devenue lepremier pays européen à rendre cecode légalement contraignant en droitnational, mais avec une exception detaille: le ministre des Affaires étrangèrespeut en effet autoriser une exportationvers un pays qui connaît un conflitinterne, lorsqu’il estime que son gou-vernement est «démocratique». Or,cette clause contrevient au Code euro-péen, qui interdit systématiquementles ventes vers des pays affectés, oumenaçant d’être affectés, par un con-flit interne.

En 2003, nouveau coup de théâ-tre dans la législation belge : une despremières décisions du gouvernementfraîchement élu est, en plein mois dejuillet, de régionaliser les autorisationsd’exporter3. Désormais, ce n’est plusune autorité fédérale qui décide d’ac-corder ou non une licence d’exporta-

Michel Wéry,chercheur

1. Sous chaque gouvernement, on s’ar-rangeait pour que tous les partis politiquesde la majorité soient représentés dans cecomité. En fonction de cela, il pouvait êtrecomposé des ministères des Affaires écono-miques, de la Défense, de la Coopération audéveloppement, de la Justice,…

2. Lorsque le ministre des Affaires étran-gères était flamand, il ne traitait plus que desdemandes de licences émises dans sa lan-gue, tandis qu’un ministre francophone étaitchargé de traiter les demandes formulées enfrançais.

3. En Belgique, « régionaliser » signifietransférer une compétence aux Régions : Ré-gion wallonne, Région flamande et Régionde Bruxelles-Capitale.

(suite page 12)

11

tion, mais les Régions wallonne, fla-mande et de Bruxelles-Capitale. Aveccette régionalisation, la Belgique est leseul pays au monde où le gouverne-

ment central ne décide plus des ventesd’armes, à contre-courant de la ten-dance internationale…

Michel Wéry

Vingt-cinq ans de trafics d'armes:vers la fin de l'impunité ?

C omme d’autres activités criminel-les, le trafic d’armes international

a connu de profondes mutations aucours du dernier quart de siècle, cequi ressort de la carrière de quelques-uns de ses acteurs.

Pendant la Guerre froide, les grostrafiquants n’avaient guère de soucisà se faire, leurs activités étanttolérées ou commanditéespar les grandes puissances.Ainsi, l’Irangate a été orga-nisé par les autorités états-uniennes. Rappelons que,entre 1985 et 1987, Wa-shington a livré des milliersde missiles à l’Iran pour,d’une part, alimenter laguerre opposant Bagdad etTéhéran et, d’autre part, armer des re-belles nicaraguayens grâce aux béné-fices de ces ventes. Pour exécuter lestransactions, plusieurs trafiquants ontété sollicités, dont le Belge JacquesMonsieur et le Saoudien Adnan Ka-shoggi.

A la même époque prospérait leLibanais d’origine arménienne SarkisSoghanalian, parfois qualifié de «plusgrand marchand d’armes de la Guerrefroide». Après avoir équipé les milicesphalangistes libanaises, il a livré desarmes au Nicaragua de Somoza, auZaïre de Mobutu, à l’Irak de SaddamHussein et à l’Argentine de Galtieri.Se disant « très proche» des autoritésétats-uniennes, il affirme n’avoir ja-mais agi à l’insu de ses protecteurs. Ila commencé à avoir des problèmesavec la justice pour son commerceavec Bagdad juste après la premièreguerre américano-irakienne.

Les bonnes affaires dans les BalkansLes guerres d’ex-Yougoslavie furent

une époque dorée pour de nombreuxtrafiquants. Ancien militaire, prochede divers services de renseignement etde l’Otan, Jacques Monsieur dit avoir

été envoyé en 1991 à Zagreb par laCIA pour préparer des livraisons clan-destines d’armement. Malgré l’embar-go décrété par l’Onu, il a organisé letransfert de 6 500 tonnes d’armesargentines à la Croatie et d’une quan-tité inconnue d’armes iraniennes à laBosnie, tout en alimentant d’autres

gouvernements sous embar-go, comme le régime d’apar-theid sud-africain. Il est loind’être le seul à s’être mêléau juteux marché balkani-que : citons notamment lamafia pétrolière de l’Ukrai-nien Alexander Zhukov, lesservices secrets allemands etle Syrien Monzer Al Kassar,considéré par la CIA comme

un des trafiquants et terroristes les plusdangereux de la planète.

Les guerres des Balkans ont marquéun tournant dans l’histoire du traficd’armes. En effet, si l’Occident a con-tinué à fermer les yeux sur les livrai-sons illicites à ses alliés en guerre, laplupart des armes qui leur ont été cé-dées provenaient de pays issus du blocsoviétique, en pleine décomposition.En outre, ces guerres ont marquél’émergence d’une nouvelle générationde trafiquants, originaires d’Europede l’Est, où les stocks et capacités deproduction de la Guerre froide onttrouvé de nouveaux débouchés.

Le personnage le plus emblématiquede cette nouvelle race de «marchandsde la mort» est sans conteste ViktorBout, né au Tadjikistan. Ayant commen-cé sa carrière à l’aéroport d’Ostendeen 1995, il dispose d’une flotte dedizaines d’avions basée aux Émiratsarabes unis, à partir desquels il alivré des armes dans d’innombrableszones en conflit d’Asie et d’Afrique.

La fin d’une époque?La seconde moitié des années 90

marque une nouvelle évolution dans

Georges Berghezan,chercheur

plus de

12

Ce que les médiasen ont dit...

« Ougandaise,China avait

9 ans quandelle est tom-

bée entreles griffes

de laNational

Resistan-ce Army.

Dix ansde violen-

ce, d'humiliation,de torture. Son témoignagebouleversant, écrit à la premièrepersonne, est un document rare,

à lire d'urgence. »Le Ligueur

« Dans ce document très fortet émouvant, l'ancienne fillette à lakalachnikov raconte l'enfer de son

parcours et comment au travers deterribles épreuves, elle a réussi

à "redevenir une personneà part entière". »

Enfants de partout

« China a neuf ans lorsqu'elle tombeentre les mains de la résistance

armée ougandaise. Enfant soldat,elle apprend à se battre, à tuer,

à dire toujours oui à ses supérieurs.Même lorsqu'ils la violent.

Son témoignage est édifiant. »Femmes d'aujourd'hui

« L'expertisebelge sur lesGrands Lacsse manifesteencore une foisdans cetouvrage qui,s'il n'apporteaucunscoop surles deuxguerres

récentes enRépublique démocratique du

Congo, permet, grâce au recul dutemps, d'en comprendre les dynami-ques profondes. Olivier Lanotte aminutieusement dépouillé nombre desources et construit ses interpréta-tions suite à des entretiens avec destémoins et des analystes.�»

Le Monde diplomatique

« Une synthèse précise, factuelle, quioffre un utile aperçu de ces annéesde guerre, qui prennent racine dansl'échec de la transition démocratique.�»

Le Soir

les relations de l’Occident avec les tra-fiquants d’armes. Comme Monsieur oul’Ukrainien Leonid Minin, ils ont alimen-té les guerres en Afrique, des conflitssouvent dépourvus d’intérêt stratégiquepour les grandes puissances. Des insti-tutions comme l’Onu ont commencé àenquêter sur divers trafics d’armes etdes justices nationales se sont intéres-sées aux méfaits de plusieurs trafiquants.C’est la fin, au moins partielle, de l’im-punité pour des personnages commeMonsieur, Soghanalian, Zhukov, Mininou Bout.

Cependant, les condamnationsencourues sont souvent symboliques.Ainsi, malgré deux décennies de tra-fics, Monsieur n’a passé qu’un moisdans les geôles belges avant d’écoperd’une peine avec sursis. Quant à Bout,le mandat d’arrêt international émispar la Belgique en 2002 n’empêchepas les États-Unis d’avoir recours à saprodigieuse flotte aéronautique pourdes transports de matériel vers l’Irak.Les vieilles habitudes sont décidémentdifficiles à perdre…

Georges Berghezan

n 1979, le bureau de l’Organisa-tion de l’unité africaine (OUA) ou-

L'architecture de sécurité en Afrique:vingt-cinq ans de maturation

E

Félix Nkundabagenzi,chercheur

vrait ses portes à Bruxelles. Cette datemarque le début du dialogue entrel’OUA et les institutions européennes.Si l’Afrique est en relation avec l’Eu-rope depuis très longtemps, notammentà travers la Convention de Lomé (quitouche à la coopération entreles pays d’Afrique, Caraïbeset Pacifique – ACP et l’Unioneuropéenne), les rapportsinstitutionnels entre ces deuxpartenaires s’amorcèrent àla fin des années 1970.

Les relations eurafricaines,fécondes déjà sur le plan éco-nomique et du développe-ment, se sont renforcées surle plan diplomatique pour réaliser undouble accompagnement, de l’Afriquepar l’Europe, tant sur le plan des ré-formes de l’Etat qu’en matière de pré-vention et de gestion des crises armées.En effet, avec la fin de la Guerre froidedébute une réflexion de fond sur leserrements de la coopération au déve-loppement au vu des résultats mitigésdans le tiers-monde.

Le constat d’échec est flagrant pourl’Afrique quand on songe aux 300milliards USD octroyés pour le déve-loppement depuis les années 1960 etqui ont débouché sur un bilan désas-treux sur le plan du développementhumain et des infrastructures de base.Au début des années 1990, l’afro-pessimisme ira en s’accentuant avecla prolifération des conflits sur le con-

tinent. Car si l’OUA a pu juguler lesguerres de frontières après les indépen-dances, ce continent reste, avec l’Asie,la zone la plus marquée par des con-flits de grande ampleur, majoritairementde nature interne.

Prévenir, gérer et régler les conflitsà l’africaine?

Pour répondre à cet en-jeu, l’OUA s’est dotée, en1993, d’un Mécanisme deprévention, de gestion et derèglement des crises et desconflits qui est un dispositifqui doit concrètement contri-buer à l’alerte précoce descrises ainsi qu’à leur résolu-tion durable. Cet instrument

fera école auprès d’autres organisa-tions sous-régionales en Afrique del’Ouest (Cedeao), australe (SADC) ousahélienne (Censad, Igad). Faute demoyens financiers et humains, le Mé-canisme n’a pas pu déployer tout sonpotentiel.

L’Union africaine (UA) qui succédaà l’OUA, en 2000, tenta de donnerun nouveau souffle à ce processus d’ap-propriation de la sécurité. Elle a étofféle dispositif du Mécanisme de l’OUAen se dotant d’outils institutionnels etopérationnels lui permettant d’agirdirectement sur les crises armées: parexemple, le Conseil de paix et de sé-curité. Le succès de cette entreprisedépendra non seulement de la volontépolitique de ses promoteurs mais éga-lement et surtout de l’ampleur de la

(suite page 14)

Vient de paraître

ARMES LÉGÈRESDESTRUCTIONS

MASSIVES

500 000 mortspar an, unevictime par

minute : c'estle lourd

tribut payéchaque an-

née aux armes légères.Difficile d'oublier les tueries deNanterre, Zug, Dunblane ou du

lycée de Littleton qui inspira MichaelMoore pour son pamphlet « Bowling

for Colombine ». Au-delà de cesimages choc, la réalité est malheu-

reusement plus terrible et plus banale.En Belgique, il y a quatre suicidespar arme à feu pour un homicide ;

en France, le rapport est de septà un: chez nous, les armes tuent

tous les jours, sans avoir droitni à la une, ni à la rubrique

des faits divers.

Dans les pays en proie à la guerre,elles sont omniprésentes. À la portée

de tous, elles font d'énormes rava-ges, ce qui a amené Kofi Annan à

les qualifier d'« armes de destructionmassive». Selon de récentes

estimations, il y aurait quelque640 millions d'armes légères

de par le monde.

Longtemps indifférente, lacommunauté internationale sembleavoir pris la mesure du problème.

Une première conférence onusiennes'est tenue en 2001. Il reste que lapartie s'annonce longue et difficile

vu les multiples résistances, enparticulier de la part des pays

producteurs et des vendeurs.D'énormes profits sont en jeu.

Ce livre didactique fait le tour dela question des armes légères, demanière synthétique et complète :

depuis leur origine jusqu'aux desti-nataires – notamment les réseaux

terroristes –, en passant par les tech-niques des trafiquants, les lacunes

des législations et les impacts sur leterrain... Nous sommes tous

concernés.

Michel Wéry est chargé de rechercheau GRIP ; Bernard Adam est directeur

du GRIP.

Un ouvrage de 120 pages –10,90 euros.

(ISBN 2-87027-970-1) 13

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coopération internationale. On peutdéjà saluer le soutien que l’UA a reçuau Burundi (2003) pour son opérationde maintien de la paix. Dans ce con-texte, on doit également souligner laqualité du dialogue politique eurafri-cain qui se traduit, non seulement,par une aide institutionnelle à l’UA etaux organisations sous-régionalesafricaines mais, qui s’étend à un appuifinancier aux opérations de maintiende la paix à travers une Facilité de

soutien ponctionné sur le budget de lacoopération au développement de laCommission européenne.

Si les chefs d’État africains et lacoopération internationale parviennentà renforcer leur collaboration en vuede prévenir et résoudre durablementles guerres sur ce continent, l’architec-ture de sécurité en Afrique deviendraune réalité au service de la paix.

Félix Nkundabagenzi

L'enfant-soldat : au coeurdes conflits contemporains

D

Marc Schmitz,chercheur, membre

du comité de direction

epuis la nuit des temps, les hom-mes s’entre-déchirent. Et dans la

plupart des guerres, les enfants fontpartie du décor. Durant les années 70-80, ils étaient présents sur tous les théâ-tres d’opération en Indochine. Dansles rues de Belfast, on les a vus braverles troupes anglaises. Au Nicaragua,ce sont d’abord eux qui ontchassé le dictateur Somoza(en 1979); à 10 ans, lesmuchachos construisaient lesbarricades dans les rues deManagua, à 13-14 ans, ilstiraient au fusil d’assaut, à16 ans, ils faisaient déjà fi-gure d’anciens combattants.

De Beyrouth à Soweto,des maquis mozambicainsaux camps de réfugiés pa-lestiniens, en passant par l’Afghanistanet les Philippines…, partout ils étaientau rendez-vous. Mais pour les voirsortir de l’ombre, il a fallu attendre laguerre Iran-Irak (1980-1988). Pourcontrer l’armée de l’«infâme Saddam»,infiniment mieux équipée, Téhéranmisait sur la «masse humaine», lesgosses en tête. Ils ont ainsi été des mil-liers à être envoyés en première lignepour faire sauter les mines et se jeter,grenade à la main, au-devant des mi-trailleuses ennemies. Une incroyableboucherie. Au total, plus de cent milleenfants de moins de 16 ans ont ainsiété plongés dans la fournaise de lapremière guerre du Golfe.

Toujours plus nombreuxIl y a 25 ans, la question des guer-

riers en culotte courte ne figurait guère

dans l’agenda des institutions interna-tionales. Dix ans plus tard – fin desannées 80 –, un rapport de l’Onu par-lant de 200 000 enfants-soldats tiraitla sonnette d’alarme. Chiffre revu à lahausse – 250 000 – vers le milieu desannées 90 par Graça Machel, chargéepar l’Assemblée générale des Nations

unies de mener une enquêtesur l’impact des conflits arméssur les enfants. Aujourd’hui,la Coalition pour mettre finà l’utilisation d’enfants-soldatsavance un nouveau seuil :300 000 enfants combat-traient activement dans unebonne trentaine de pays. Plusde 120 000 pour la seuleAfrique subsaharienne.

Conflits d’un genre nouveau,armes légères

Comment expliquer ce phénomèneplus qu’inquiétant? Il y a d’abord lanature des conflits. La plupart desguerres peuvent désormais être quali-fiées d’« internes». Les lignes de frontsont devenues inexistantes et la guerres’est infiltrée dans les villes, dans lesmaisons, dans les familles. Tant et sibien qu’il est devenu presque impossi-ble de faire une distinction entre com-battants et population civile. Les femmeset les enfants sont à présent attaquéset tués de façon ciblée, le pillage descivils et la terreur à leur égard fontpartie des stratégies de guerre.

Deuxième explication de la trèsforte implication des enfants dans lesconflits : le développement et la prolifé-ration des armes légères. À la guerre

pour tout le monde, il fallait joindre desarmes pour tout le monde. L’industries’est adaptée… Les armes semi-auto-matiques et les fusils mitrailleurs sontaujourd’hui ultra-légers; ils peuventêtre utilisés et portés par un jeune de10 ans. Les armes légères ont nonseulement transformé les conflits locauxen affreuses tueries, elles ont aussiamené les enfants des marges jusqu’aucœur même des conflits modernes.

Le phénomène des enfants-soldatsest d’autant plus préoccupant que la

plupart de ces bouts d’homme ne sa-vent pas faire autre chose que laguerre. Ne sachant ni lire ni écrire, ilsne connaissent qu’une manière de sefaire respecter, celle du bout du canon...

Une fois la paix revenue, ils sontsouvent livrés à eux-mêmes. Sanssoutien familial, beaucoup sombrentdans la criminalité. Des générationsperdues... Pire, de véritables bombesà retardement.

Marc Schmitz

Maintien de la paix:de l'exception à la panacée

Q

Xavier Zeebroek,chercheur, membre

du comité de direction

ue pouvait bien signifier uneopération de maintien de la

paix pilotée par les Nations unies en1979? La même chose qu’aujourd’huisauf que – tensions Est-Ouest obligent– elle ne se concevait que dans lesparties très restreintes du monde quine soulevaient aucun veto au sein duConseil de sécurité.

C’est ainsi que sur les six opéra-tions1 en cours cette année-là, quatreconcernaient Israël et ses voisins directssuite à la guerre du Kippour et deuxautres, presque oubliées tant ellesétaient anciennes, assuraient le statuquo entre Grecs et Turcs à Chypre etsupervisaient le cessez-le-feu entreIndiens et Pakistanais auCachemire. En tout, quelquesmilliers d’hommes dont l’opi-nion publique n’entendaitpresque jamais parler. EnAmérique latine, rien. Riennon plus en Afrique alors quele continent était à feu et àsang depuis les indépendan-ces : on se battait au Mozam-bique, en Angola, en Erythréeet au Sahara occidental.

Mais le plus dur était à venir puis-que entre 1978 et 1988, aucune nou-velle mission de maintien de la paixne fut lancée. Pourtant, cette traverséedu désert n’a certainement pas corres-pondu à l’émergence d’un monde pluspacifique.

C’est qu’à l’époque, de l’Afghanis-tan au Nicaragua, le meilleur moyend’intervenir dans un conflit, c’était d’ysoutenir les ennemis de ses ennemis,

quelles que soient leurs idées, leur reli-gion ou leur couleur politique.

Cruels balbutiementsQuel contraste aujourd’hui! En

2004, pas moins de seize missionssont en cours simultanément sur cinqcontinents. Plus de 58 700 militaireset policiers issus de cent pays sontdéployés sous la bannière de l’Onu,accompagnés par 11 600 civils2.

Et c’est l’Afrique qui concentre laplupart des efforts avec sept opérations:en Sierra Leone, au Congo RDC, enErythrée, au Sahara occidental, auLibéria, en Côte-d’Ivoire et au Burundi.Si bien que, devant la multiplication

des interventions onusienneset leur succès inégal, certainsen viennent à se demandersi on n’est pas tombé dansl’excès inverse. Pour que lesCasques bleus réussissent, ilfaut que toutes les forces pré-sentes sur le terrain veuillentla paix, ce qui, dans beau-coup de cas, est loin d’êtrevérifié.

C’est l’écroulement del’Union soviétique qui a non seulementréveillé le Conseil de sécurité maisaussi redonné une vie nouvelle au con-cept moribond de maintien de la paix.Avec hélas de cruels balbutiements enex-Yougoslavie ou en Somalie et unretrait honteux devant le génociderwandais. Il est vrai que les nouvellesréalités internationales bousculaienttous les conforts diplomatiques acquisen quarante ans de Guerre froide.

(suite colonne de droite)

Par exemple, hormis quelquesépisodes majeurs au Koweït, enAfghanistan ou en Irak, la guerrecivile a pris le pas sur les conflitsinter-étatiques. Et par la mêmeoccasion, s’interposer devientbeaucoup plus dangereux: surles 2 000 Casques bleus tombésen mission depuis 1948, 1 174sont morts ces quinze dernièresannées, soit un rythme quatrefois plus élevé qu’auparavant.Les travailleurs humanitaires sonteux aussi de plus en plus exposésà cette violence sournoise et dif-fuse: 287 d’entre eux l’ont payéde leur vie entre 1985 et 19983

et rien ne permet de penser quecette cadence soit en diminution.

C’est donc dans la douleurque les opérations de maintiende la paix ont accumulé une re-marquable expérience qui les apoussées à une certaine sophisti-cation dans leurs interventions :on assiste aujourd’hui à des mis-sions multifonctionnelles où lesaspects politiques, humanitaires,voire sociaux et économiquesappuient et complètent l’actiondes Casques bleus.

Par la même occasion, le bud-get de telles missions s’alourditjusqu’à flirter avec les 3 milliardsde dollars pour cette année, soit10 % des 31,54 milliards de dol-lars dépensés pour le maintiende la paix depuis 1948. Un effortsomme toute très relatif puisquecinquante-six ans d’opérationsde paix ont coûté 15 fois moinsque le budget de la Défenseaméricain pour la seule année2004…

Xavier Zeebroek

1. Il s’agit de UNTSO (Palestine),UNMOGIP (Inde-Pakistan), UNFICYP(Chypre), UNEF II (Egypte), UNDOF (Sy-rie), UNIFIL (Liban).

2. La plupart des statistiques con-cernant les Nations unies citées danscet article proviennent du site web del’Onu http://www.un.org/french/peace/peace/ops.htm consulté le 13septembre 2004.

3. Mani Sheik, Maria Isabel Gut-tierez, Paul Bolton, Paul Spiegel, MichelThieren, Gilbert Burnham, « Deathamong humanitarian workers », Huma-nitaire n°3, automne 2001, Paris,p. 41-50. Texte initialement paru dansle British Medical Journal 2000, n°321,p. 166-8. 15

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Conception & réalisation: Marc Schmitz.

Créé à Bruxelles en 1979, le GRIP s’est développéen pleine Guerre froide. Très logiquement, les premiers travaux

ont porté sur les rapports de force Est-Ouest.

A partir de 1989, le paysage géostratégique a considérablementchangé. Les thèmes de recherche du GRIP aussi.

L’institut se penche désormais sur les questions de sécuritédans un sens plus large en étudiant notamment la prévention,

la gestion et la résolution des conflits, avec un intérêt tout particulierpour le rôle de l’Union européenne dans la sécurité internationale

et la situation en Afrique subsaharienne.

Deux des aspects sur lesquels s’est spécialisé le GRIPconcernent la prolifération des armes légères et le contrôle

des transferts d’armes. De nombreuses études sont réaliséesen partenariat avec des organisations comme Médecins sans frontières,

Amnesty International, Handicap International, la Croix-Rouge…

Contrairement à de nombreux instituts géostratégiques souhaitantrester «au-dessus de la mêlée», la démarche du GRIP se veut rigoureuse

dans ses analyses mais pas neutre dans ses conclusions.En éclairant citoyens et décideurs par ses études et ses analyses

et en formulant des recommandations, le GRIP souhaite contribuerà la diminution des tensions internationales

et tendre vers un monde moins armé et plus sûr.

Reconnu depuis sa création comme organisation d’éducation permanentepar les autorités publiques, le GRIP est notamment soutenu par l’État.

Mais l’origine de ses ressources financières reste multiple:subventions publiques (ministères, Commission européenne: 50 % du budget),

contrats de recherche (35 %), ventes de publications (10 %), dons (5 %).Cette diversité dans le financement garantit

l’indépendance de fonctionnement.

Aidez-nous à poursuivre notre actionpar un versement au

CCP 000-1591282-941979-2004 : vingt-cinq ans au service de la paix

Exonération fiscale pour tout don de 30 euros minimum.

Qu'est-ce quele GRIP ?

Créé à Bruxelles en 1979, le Groupede recherche et d’information sur la paixet la sécurité (GRIP) s’est développé dans

le contexte particulier de la Guerre froide.Aujourd’hui, l’institut travaille plus particulièrement sur la prévention,

la gestion et la résolution des conflits.

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