les nouveaux modes de distribution des locavores...collective. la loi alimentation du projet de loi...

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CGA Contact - N°127 Juillet/Août 2018 14 par Maria GUILLON MARKETING LES NOUVEAUX MODES DE DISTRIBUTION DES LOCAVORES Les commerces alimentaires ne peuvent pas négliger le développement des modes de consommation et distribution alternatifs, favorisant la relation directe avec les consommateurs : Amap, ruche, magasin de producteurs, drive fermier... Mieux connaître sa concurrence, c’est mieux s’adapter. L a succession de crises sanitaires a créé une crise de confiance chez les consommateurs, qui souhaitent aujourd’hui mieux man- ger, savoir ce qu’ils mangent, et d’où viennent les aliments. Doublée d’une prise de conscience écologique grandissante, la tendance mène à une réponse évidente : l’approvisionnement local ! Le développement des circuits courts ne se résume pas à la vente directe. Les utiliser c’est faire un acte militant, pour soutenir une agriculture fermière, chercher des réponses à des interrogations sur ce que l’on achète (besoin de transparence), l’envie de produits de meilleure qualité (et vendus à maturité), et enfin de créer/ retrou- ver du lien social entre producteurs et consommateurs. "C'est un formidable moyen d'échanger avec les producteurs, de les questionner sur l'origine des viandes, le mode d'élevage…. », illustre un amapien convaincu. Ceux qu’on appelle aussi les consom’acteurs sont aussi mus par une démarche écologique et de développement durable. De la récupé- ration des produits avec ses propres sacs (réutilisés ou en tissu) aux achats de produits d’épicerie en vrac, sans emballage/suremballage préalable, les actions intègrent l’ensemble du processus d’achat. 1. COMPRENDRE LE PHéNOMÈNE S i vous ne savez encore ce qu’est un « locavore », il est temps pour vous de lire cet article… Responsable d’une tendance de consomma- tion qui s’ancre désormais dans les mœurs, le locavore est une personne qui consomme uniquement de la nourriture locale, produite dans un rayon allant de 70 à 150 km autour de son domicile (selon les sources). Il a donc un mot d’ordre : manger local et, donc, consom- mer des produits de saison. La tendance n’est pas nouvelle – elle faisait déjà la une en 2012 – mais son ampleur et sa persistance en font une lame de fond. Pour le bonheur des producteurs et artisans, et au dam des magasins traditionnels ? Pas si sûr. Il y a là de belles opportunités pour se remettre en question et mieux se développer. N ous assistons aujourd’hui à une multiplication de nouveaux canaux d’approvisionnement. Se fournir en direct sur le marché ou, mieux, chez le producteur est la première solution, qui permet la meilleure transparence : on voit où sont produits les légumes, la viande ou les fromages. L’échange est direct. Toutefois, à moins d’habiter à proximité du lieu de production, cela est peu commode pour les courses du quotidien… Les regroupements sont ainsi de plus en plus courants et pren- nent différentes formes : l’association de producteurs au sein d’un « magasin fermier » ou d’une « Ruche », les Amap ou encore les épiceries de produits locaux ou supermarchés collaboratifs (lire ci- contre). Magasins en dur, chez un particulier ou un espace public… Les ventes peuvent aussi se faire directement par internet avec livraison à domicile. Le Drive fermier est un concept mixte qui per- met au consommateur de choisir le contenu de son « panier » et de venir le récupérer au point de rendez-vous fixé une fois la semaine. Contrainte : il faut penser à commander quelques jours à l’avance pour que les préparations de commande, artisanales elles aussi se passent au mieux ! 2. CONSéQUENCES : LA MULTIPLICATION DES SOURCES D’APPROVISIONNEMENT D e nouveaux concepts apparaissent tous les jours…Comme crokpapilles.fr, né sur le web en proposant un concept de paniers-recettes livrés à domicile, basés sur des produits locaux sélectionnés. Ils permettent d’avoir sous la main tous les ingrédients nécessaires en juste quantité. Quelques mois après son démarrage, l’entrepreneur a investi dans une boutique de centre-ville. Un autre site devrait bientôt voir le jour…marchedici.fr/ permet de commander des produits régionaux français que le consommateur ne peut pas trouver chez lui. La boutique en ligne est gratuite pour les producteurs/ artisans/ métiers de bouche, en échange de 10 % prélevés à chaque achat. 3. ET DES NOUVEAUX CONCEPTS

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Page 1: lEs NouvEAux modEs dE distriButioN dEs locAvorEs...collective. La loi Alimentation du Projet de loi de Finances 2018(*) en cours de discussion au gouvernement va dans ce sens. Elle

CGA Contact - N°127 Juillet/Août 2018 14

par Maria Guillon

MARKETING

lEs NouvEAux modEs dE distriButioNdEs locAvorEsles commerces alimentaires ne peuvent pas négliger le développement des modes de consommation et distribution alternatifs, favorisant la relation directe avec les consommateurs : Amap, ruche, magasin de producteurs, drive fermier... mieux connaître sa concurrence, c’est mieux s’adapter.

La succession de crises sanitaires a créé une crise de confiance chez les consommateurs, qui souhaitent aujourd’hui mieux man-

ger, savoir ce qu’ils mangent, et d’où viennent les aliments. Doublée d’une prise de conscience écologique grandissante, la tendance mène à une réponse évidente : l’approvisionnement local !

Le développement des circuits courts ne se résume pas à la vente directe. Les utiliser c’est faire un acte militant, pour soutenir une agriculture fermière, chercher des réponses à des interrogations sur ce que l’on achète (besoin de transparence), l’envie de produits de meilleure qualité (et vendus à maturité), et enfin de créer/ retrou-ver du lien social entre producteurs et consommateurs. "C'est un formidable moyen d'échanger avec les producteurs, de les questionner sur l'origine des viandes, le mode d'élevage…. », illustre un amapien convaincu.

Ceux qu’on appelle aussi les consom’acteurs sont aussi mus par une démarche écologique et de développement durable. De la récupé-ration des produits avec ses propres sacs (réutilisés ou en tissu) aux achats de produits d’épicerie en vrac, sans emballage/suremballage préalable, les actions intègrent l’ensemble du processus d’achat.

1. comprENdrE lE phéNomÈNE

Si vous ne savez encore ce qu’est un « locavore », il est temps pour vous de lire cet article… Responsable d’une tendance de consomma-tion qui s’ancre désormais dans les mœurs, le locavore est une personne qui consomme uniquement de la nourriture locale, produite

dans un rayon allant de 70 à 150 km autour de son domicile (selon les sources). Il a donc un mot d’ordre : manger local et, donc, consom-mer des produits de saison.La tendance n’est pas nouvelle – elle faisait déjà la une en 2012 – mais son ampleur et sa persistance en font une lame de fond. Pour le bonheur des producteurs et artisans, et au dam des magasins traditionnels ? Pas si sûr. Il y a là de belles opportunités pour se remettre en question et mieux se développer.

Nous assistons aujourd’hui à une multiplication de nouveaux canaux d’approvisionnement. Se fournir en direct sur le marché

ou, mieux, chez le producteur est la première solution, qui permet la meilleure transparence : on voit où sont produits les légumes, la viande ou les fromages. L’échange est direct. Toutefois, à moins d’habiter à proximité du lieu de production, cela est peu commode pour les courses du quotidien…

Les regroupements sont ainsi de plus en plus courants et pren-nent différentes formes : l’association de producteurs au sein d’un

« magasin fermier » ou d’une « Ruche », les Amap ou encore les épiceries de produits locaux ou supermarchés collaboratifs (lire ci-contre). Magasins en dur, chez un particulier ou un espace public… Les ventes peuvent aussi se faire directement par internet avec livraison à domicile. Le Drive fermier est un concept mixte qui per-met au consommateur de choisir le contenu de son « panier » et de venir le récupérer au point de rendez-vous fixé une fois la semaine. Contrainte : il faut penser à commander quelques jours à l’avance pour que les préparations de commande, artisanales elles aussi se passent au mieux !

2. coNséquENcEs : lA multiplicAtioN dEs sourcEsd’ApprovisioNNEmENt

De nouveaux concepts apparaissent tous les jours…Comme crokpapilles.fr, né sur le web en proposant un concept de

paniers-recettes livrés à domicile, basés sur des produits locaux sélectionnés. Ils permettent d’avoir sous la main tous les ingrédients nécessaires en juste quantité. Quelques mois après son démarrage, l’entrepreneur a investi dans une boutique de centre-ville.

Un autre site devrait bientôt voir le jour…marchedici.fr/ permet de commander des produits régionaux français que le consommateur ne peut pas trouver chez lui. La boutique en ligne est gratuite pour les producteurs/ artisans/ métiers de bouche, en échange de 10 % prélevés à chaque achat.

3. Et dEs NouvEAux coNcEpts

Page 2: lEs NouvEAux modEs dE distriButioN dEs locAvorEs...collective. La loi Alimentation du Projet de loi de Finances 2018(*) en cours de discussion au gouvernement va dans ce sens. Elle

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MARKETING

- Amap est l’acronyme d’Association pour le maintien d'une agri-culture paysanne. Le principe est d’assurer au producteur un revenu mensuel fixe en échange d’un panier hebdomadaire à prix fixe de légumes et fruits de saison, produits localement, en bio ou non. Une étude sondagière d'Ipsos réalisée en 2013 au sujet des "pra-tiques collaboratives", recensait 6 % de Français consommateurs auprès d'Amap, et 38 % de "locavores", ces personnes intéres-sées par les circuits courts.- la Ruche qui dit Oui : Créée dès 2011, cette start-up a pour objectif de mettre en relation des producteurs locaux et des consommateurs via des antennes locales et un site web sur lequel on peut commander et payer directement. Près de 1000 ruches ont aujourd’hui vu le jour. - le supermarché collaboratif fait partie des nouvelles alter-natives d’approvisionnement. C’est un lieu d’achat auto-géré (géré par les coopérateurs) et auto-suffisant. La louve, à Paris, est le premier magasin de ce type qui a ouvert dans l’Hexagone (https://cooplalouve.fr/).Côté approvisionnement, ce type de structure s’engage à sélec-tionner des producteurs locaux, qui pratiquent une agriculture ou un élevage qualitatif, raisonné et respectueux de l’environ-nement, à payer les producteurs à un prix juste et équilibré et commercialiser les produits avec une marge minime pour assu-rer une accessibilité optimale aux clients.

3 NouvEAux tYpEsd’ApprovisioNNEmENt

pour locAvorEs

Fort de tous ces constats, comment participer à ce mouvement ? Il s’agit là, pour les commerçants, d’une belle opportunité pour

se distinguer en développant les produits locaux et mieux s’adapter aux besoins de leur clientèle… Côté artisans, c’est aussi une chance pour mieux développer leurs produits « made in local », qu’ils pourront mieux valoriser. Charge à eux de mieux communiquer sur cette corde sensible ! Comment faire ? D’abord identifier les produits sur lesquels faire la démarche. Car il faut savoir que la commercialisation en circuits courts concerne davantage certains types de production : environ la moitié des producteurs de miel et de légumes vend en partie en circuits courts, un quart des producteurs de fruits et de vin sont concernés, tandis que la part en viande étant plus minime car les

produits animaux sont plus contraignants en termes de transforma-tion et de conservation. Pensez pourquoi pas au non alimentaire (savons, bijoux, produits à base de cuir ou de bois...).Ensuite, trouver les fournisseurs près de chez soi… Pour les « géoloca-liser », de nombreux sites proposent leurs services : Macompagne.fr, Acheteralasource.com... Créé dès 1988, le site du réseau "Bienvenue à la ferme" - composé de plus de 8 000 agriculteurs adhérents - regorge aussi d’adresses (rubrique « mangez fermier »). Pour se démarquer, n’hésitez pas à miser sur une typicité, un panel fourni en un type de produits. Se doter d’un service de livrai-son atypique (camion rétro, fourgonnette « verte » électrique, vélo cargo…).

4. ANAlYsEr Et Agir

Le développement des circuits courts peut être aussi une opportunité – pour les « gros » artisans – d’aborder la restauration

collective. La loi Alimentation du Projet de loi de Finances 2018(*) en cours de discussion au gouvernement va dans ce sens. Elle pré-voit d’augmenter la part du bio et du local dans les menus. Tout le monde doit avoir accès à une alimentation de qualité, à commencer par nos enfants. Il est prévu que d’ici à 2022, 50 % des aliments servis en restauration collective seront à 20 % des produits bio et à 30 %

des produits locaux ou labellisés sous signes de qualité officiels. Les acheteurs publics peuvent désormais utiliser la plateforme de mise en relation Agrilocal.fr. Elle a pour vocation de promouvoir les circuits courts, le développement de l’agriculture de proximité et de l’artisanat des métiers de bouche en mettant au service des acteurs du territoire une mise en relation internet, respectueuse du code des marchés publics…

5. lE dévEloppEmENt dE lA rEstAurAtioN collEctivE

(*)agriculture.gouv.fr/projet-de-loi-de-finances-2018-du-ministere-de-lagriculture-et-de-lalimentation (**) http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis-ademe_circuits-courts_201706.pdf

Une étude du ministère de l'agriculture citée par l'Ademedans son avis de juin 2017(**) dénombrait (pour 2014) : • 600 à 1 200 marchés de producteurs• 1 600 AMAP,• 650 ruches,• 250 magasins de producteurs.Tous ces chiffres illustrent la grande diversité des pratiquesde consommation de produits d'alimentation de proximité.

quElquEs chiffrEs