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ÉCONOMIES LOCALES À RETENIR Les intercommunalités françaises ne disposent pas d’un volume d’emplois suffisant pour absorber leurs actifs Le niveau d’adéquation entre emplois et actifs des intercommunalités françaises est extrêmement hétérogène L’inadéquation peut prendre deux formes : celle liée à un déficit d’emplois au regard du nombre d’actifs et celle liée à un déficit d’actifs au regard du nombre d’emplois Le manque d’actifs demeure beaucoup moins observé dans les intercommunalités que le déficit d’emplois, qui s’observe quant à lui plutôt dans les grands territoires urbains et les territoires touristiques Le niveau d’inadéquation est d’autant plus élevé que l’on se situe dans le bas de la hiérarchie sociale DE L’AdCF LES NOTES NUMÉRO 06 JUIN 2020 Avec le soutien de 1 D’après l’enquête Emploi réalisée par l’Insee en 2017, 17 % des actifs sans diplôme ou titulaires d’un CEP ou un brevet sont au chômage contre 5,2 % pour les titulaires d’un Bac +2 ou plus. Nombre d’emplois, nombre d’actifs dans les intercommunalités : une mesure des disparités territoriales La présente publication constitue la sixième d’une série de dix notes consacrées aux dynamiques comparées des tissus économiques des intercommunalités françaises (avant la crise Covid-19). Après les notes consacrées à la concentration des tissus locaux d’entreprises, à leur vitesse de renouvellement, la question de l’adéquation entre emplois et actifs sera au centre de cette note. Pourquoi prêter une attention particulière à cette problématique ? Dans le contexte économique contemporain, le niveau de formation et de qualification de la popula- tion s’affirme comme un facteur décisif. Décisif pour les entreprises en premier lieu, en leur permettant de dynamiser leur croissance et leur productivité, de se différen- cier dans un contexte de concurrence accrue. Mais c’est également un facteur déci- sif pour les actifs qui, comme le mettent en évidence les statistiques du chômage, sont d’autant plus préservés de ce risque qu’ils disposent d’un niveau de qualification élevé 1 , garant d’une plus forte employabilité. Un double enjeu apparaît ainsi en matière de qualification des actifs : un enjeu de compétitivité ainsi qu’un enjeu d’insertion des actifs sur le marché du travail. Pour répondre à ce double enjeu, l’objectif est de favoriser dans les territoires la mise en adéquation des besoins des entreprises et l’offre de compétences de la population active. Pour autant, comme l’a à nouveau mesuré une enquête sur les besoins de main-d’œuvre publiée fin 2018 par Pôle Emploi, cet objectif d’adéquation demeure particulièrement difficile à assurer à l’échelle des bassins d’emploi. En 2019, bien que les projets de recrutement des entreprises atteignaient des niveaux record et pro- gressaient sans discontinuer depuis 2015, le taux de chômage restaient toujours très élevé en France. Deux facteurs peuvent pour partie expliquer ce problème structurel en France : une inadéquation géographique entre offres et demandes d’emploi et une inadéquation qualitative entre les niveaux de qualification attendus par les entreprises et ceux dont disposent les actifs dans la réalité. Il est ainsi proposé, dans les lignes qui suivent, d’évaluer le degré d’appariement entre offre et demande d’emploi à l’aune des catégories socio-professionnelles à l’échelle de l’ensemble des intercommunalités françaises (communautés et métropoles).

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Page 1: LES NOTES 06 DE L’AdCF...LES NOTES DE L’AdCF — ÉCONOMIES LOCALES — NUMÉRO 06 — PAGE 02Évaluer les déficits d’emplois En moyenne, les intercommunalités françaises

ÉCONOMIES LOCALES

À RETENIRLes intercommunalités françaises ne

disposent pas d’un volume d’emplois suffisant pour absorber

leurs actifs

Le niveau d’adéquation entre emplois et actifs des

intercommunalités françaises est extrêmement hétérogène

L’inadéquation peut prendre deux formes : celle liée à un déficit

d’emplois au regard du nombre d’actifs et celle liée à un déficit

d’actifs au regard du nombre d’emplois

Le manque d’actifs demeure beaucoup moins observé dans les

intercommunalités que le déficit d’emplois, qui s’observe quant à lui

plutôt dans les grands territoires urbains et les territoires touristiques

Le niveau d’inadéquation est d’autant plus élevé que l’on se situe

dans le bas de la hiérarchie sociale

DE L’AdCFLES NOTES NUMÉRO

06JUIN 2020

Avec le soutien de

1 D’après l’enquête Emploi réalisée par l’Insee en 2017, 17 % des actifs sans diplôme ou titulaires d’un CEP ou un brevet sont au chômage contre 5,2 % pour les titulaires d’un Bac +2 ou plus.

Nombre d’emplois, nombre d’actifs dans les intercommunalités : une mesure des disparités territorialesLa présente publication constitue la sixième d’une série de dix notes consacrées aux dynamiques comparées des tissus économiques des intercommunalités françaises (avant la crise Covid-19). Après les notes consacrées à la concentration des tissus locaux d’entreprises, à leur vitesse de renouvellement, la question de l’adéquation entre emplois et actifs sera au centre de cette note.

Pourquoi prêter une attention particulière à cette problématique ? Dans le contexte économique contemporain, le niveau de formation et de qualification de la popula-tion s’affirme comme un facteur décisif. Décisif pour les entreprises en premier lieu, en leur permettant de dynamiser leur croissance et leur productivité, de se différen-cier dans un contexte de concurrence accrue. Mais c’est également un facteur déci-sif pour les actifs qui, comme le mettent en évidence les statistiques du chômage, sont d’autant plus préservés de ce risque qu’ils disposent d’un niveau de qualification élevé1, garant d’une plus forte employabilité.

Un double enjeu apparaît ainsi en matière de qualification des actifs : un enjeu de compétitivité ainsi qu’un enjeu d’insertion des actifs sur le marché du travail. Pour répondre à ce double enjeu, l’objectif est de favoriser dans les territoires la mise en adéquation des besoins des entreprises et l’offre de compétences de la population active. Pour autant, comme l’a à nouveau mesuré une enquête sur les besoins de main-d’œuvre publiée fin 2018 par Pôle Emploi, cet objectif d’adéquation demeure particulièrement difficile à assurer à l’échelle des bassins d’emploi. En 2019, bien que les projets de recrutement des entreprises atteignaient des niveaux record et pro-gressaient sans discontinuer depuis 2015, le taux de chômage restaient toujours très élevé en France. Deux facteurs peuvent pour partie expliquer ce problème structurel en France : une inadéquation géographique entre offres et demandes d’emploi et une inadéquation qualitative entre les niveaux de qualification attendus par les entreprises et ceux dont disposent les actifs dans la réalité.

Il est ainsi proposé, dans les lignes qui suivent, d’évaluer le degré d’appariement entre offre et demande d’emploi à l’aune des catégories socio-professionnelles à l’échelle de l’ensemble des intercommunalités françaises (communautés et métropoles).

Page 2: LES NOTES 06 DE L’AdCF...LES NOTES DE L’AdCF — ÉCONOMIES LOCALES — NUMÉRO 06 — PAGE 02Évaluer les déficits d’emplois En moyenne, les intercommunalités françaises

LES NOTES DE L’AdCF — ÉCONOMIES LOCALES — NUMÉRO 06 — PAGE 02

Évaluer les déficits d’emplois

En moyenne, les intercommunalités françaises comptent 86 emplois pour 100 actifs. Soit un déficit significatif révélateur de l’intensité du chômage français. L’analyse du niveau d’adéquation entre le volume d’emplois et la population active par strate d’intercommunalités est révélatrice des fonctions différenciées qu’elles assument :

– celles de moins de 50 000 habitants disposent en moyenne d’un ratio d’em-plois inférieur à 70 pour 100 actifs. Ce déficit traduit une forte inadéquation quanti-tative, mais il s’explique sur-tout par une fonction plus résidentielle que productive d’un grand nombre de ces territoires ;

– dans les communautés de 50 000 à 200 000 habitants, le déséquilibre se réduit même s’il reste significatif ;

– les intercommunalités de 200 000 à 500 000 habitants se rapprochent de l’équilibre (ratio de 95) ;

– enfin, les intercommunalités de plus de 500 000 habitants affichent un ratio positif (104 emplois pour 100 actifs) qui traduit la fonction de « pôle d’activité » qu’assume ce type de territoire.

L’analyse du niveau d’adéqua-tion par catégorie socio-pro-fessionnelle (CSP) révèle plusieurs enseignements notables. On pourra observer qu’à l’exception des Agricul-teurs, on retrouve toujours ,en moyenne, plus d’actifs que

d’emplois au sein des inter-communalités françaises, quelle que soit la catégorie sociale. En revanche, plus on s’élève dans l’échelle des caté-gories socio-professionnelles (CSP), plus le taux d’adéqua-tion s’approche de l’équilibre, passant de 79 emplois pour 100 actifs pour les Employés, 84 emplois pour 100 actifs pour les Ouvriers à 95 emplois pour 100 actifs pour les Cadres, pro-fessions intellectuelles supé-rieures.

L’analyse du niveau d’adéqua-tion par CSP et strates d’inter-communalités obéit à peu près à la même logique jusqu’aux intercommunalités les plus peuplées (plus de 200 000 habitants). Les communautés de moins de 50 000 habitants sont systématiquement mar-quées par un déficit d’emplois ; de surcroît prononcé pour l’ensemble des CSP (même s’il s’avère plus modéré pour la catégorie Artisans, commer-çants et chefs d’entreprises). Le déficit d’emplois reste encore significatif, même s’il est atténué, pour les commu-nautés comprises entre

50 000 à 200 000 habitants. La situation est plus nuancée pour les intercommunalités de 200 000 à 500 000 habitants. Alors qu’elles présentent, en moyenne, un déficit d’emplois pour les catégories Employés et Ouvriers au regard du nombre d’actifs, l’inadéqua-tion joue en sens inverse pour les catégories Artisans, com-merçants, chefs d’entreprises, Cadres, professions intellec-tuelles supérieures et Profes-sions intermédiaires. Enfin, dans les métropoles de plus de 500 000 habitants, le nombre d’emplois est supé-rieur au nombre d’actifs, dans toutes les CSP, excepté pour les Ouvriers.

En résumé, ces données per-mettent d’observer que :– y compris à l’intérieur des

plus grands pôles urbains, une partie de la population employée et ouvrière est contrainte de se déplacer en dehors de leur intercom-munalité de résidence pour trouver un emploi. Ce déficit est de surcroît minoré dans la mesure où ne sont pas ici pris en compte les emplois occupés par des actifs rési-dant à l’extérieur du terri-toire ;

– les territoires les moins denses (moins de 50 000 habitants), au profil majori-tairement rural, sont loin d’offrir le volume d’emplois nécessaire à l’insertion de leur population active, quelle que soit la catégorie socio-professionnelle.

Les communautés de moins de 50 000 habitants sont systématiquement marquées par un déficit d’emplois ; de surcroît prononcé pour l’ensemble des CSP.

DEGRÉ D’ADÉQUATION OBSERVÉ EN 2015 (EN INDICE) ENTRE LE VOLUME D’EMPLOI ET LE VOLUME D’ACTIFS PAR CATÉGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLES ET PAR STRATE D’INTERCOMMUNALITÉS

EnsembleAgriculteurs exploitants

Artisans, Commerçants,

Chefs d’entreprise

Cadres, Professions

intellectuelles supérieures

Professions intermédiaires

Employés Ouvriers

Moins de 20 000 habitants

67 102 88 64 61 65 65

De 20 000 à 50 000 habitants

69 103 87 64 66 67 70

De 50 000 à 100 000 habitants

79 102 93 79 82 79 77

De 100 000 à 200 000 habitants

87 103 97 93 94 86 82

De 200 000 à 500 000 habitants

95 107 101 102 103 93 88

Plus de 500 000 habitants

104 113 107 113 112 101 94

Moyenne intercommunalités 86 103 95 95 90 84 79

Source : Calculs OPC d’après Insee – Recensement de la population Lecture : En moyenne, dans les intercommunalités de moins de 20 000 habitants, il y a 67 emplois pour 100 actifs, 102 emplois agricoles pour actifs agriculteurs exploitants…

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LES NOTES DE L’AdCF — ÉCONOMIES LOCALES — NUMÉRO 06 — PAGE 03

Seulement 200 intercommunalités connaissent une relative adéquation entre leur nombre d’emplois et leur nombre d’actifs

208 communautés et métropoles, soit moins de 20 %, affichent un niveau d’adéquation proche de l’équilibre (avec des ratios compris entre 90 et 110 emplois pour 100 actifs). Si ces intercommunalités sont réparties à peu près partout sur le territoire national, on les retrouve en nombre au cœur de l’Île-de-France, en Bretagne centrale (Côtes d’Armor et Morbihan) et dans les départements de la Marne, du Lot, de la Corrèze, du Cantal, de l’Aveyron et des Alpes.

Au sein de ce groupe de ter-ritoires proches de l’équilibre, les intercommunalités du profil urbain sont sur-repré-sentées (15 métropoles, 6 com-munautés urbaines et 85 communautés d’aggloméra-tion). Au nombre de 102, les communautés de communes sont majoritaires en valeur absolue mais sont en fait sous-représentées dès lors qu’est rapporté leur poids rela-tif dans l’ensemble des inter-communalités françaises. On retrouve parmi ces commu-nautés de communes des ter-ritoires au profil fonctionnel plutôt touristique (par exemple les communautés de com-munes du Pays du Mont-Blanc, Sisteronais-Buëch, Sud Corse, Presqu’île de Crozon-Aulne Maritime, du Briançonnais…) ou des intercommunalités assez enclavées géographi-quement (par exemple les communautés de communes du Grand Langres, du Bassin d’Aubenas, Grand-Figeac…).

Plus d’un millier d’intercom-munalités (1 008) - dont la métropole de Nice, les commu-nautés urbaines de Grand- Paris Seine-et-Oise et du Creusot-Montceau-les-Mines et 118 communautés d’aggloméra-tion - sont marquées par un désajustement important qui se caractérise par un nombre d’emplois sensiblement infé-rieur au nombre d’actifs. Parmi ces communautés, celles au profil plutôt urbain, et particu-lièrement les métropoles, sont sous-représentées. Comme on pouvait s’y attendre, l’insuffi-sance du volume d’emplois est une problématique beaucoup plus rurale qu’urbaine : 88 % des in tercommunal i tés confrontées à ce ratio défavo-rable sont des communautés de communes (alors qu’elles représentent 79,8 % des inter-communalités françaises).

Moins d’une cinquantaine d’in-tercommunalités (44) disposent d’un volume d’emplois supé-rieur à leur nombre d’actifs. On observe dans ce panel une nette sur-représentation d’in-tercommunalités au profil urbain avec 6 métropoles (Dijon, Brest, Toulouse, Rennes, Nancy et Clermont), 3 communautés urbaines (Arras, Caen La mer et Le Mans Métropole) et 18 communautés d’agglomération. Très sous-représentées au regard de leur poids dans l’en-semble des intercommunalités, les communautés de com-munes sont au nombre de 17 dans ce groupe. On retrouve là encore de nombreuses com-munautés au profil touristique (les communautés de com-munes Cœur de Tarentaise, Haute-Maurienne Vanoise, Cœur de Maurienne Arvan, C de Haute-Tarentaise et CC Val Vanoise dans les Alpes ou Drôme Sud Provence, Cœur Côte Fleurie, Caux Estuaire et du Massif du Sancy).

Moins d’une cinquantaine d’intercommunalités (44) disposent d’un volume d’emplois supérieur à leur nombre d’actifs.

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Un niveau d’inadéquation entre emplois et actifs particulièrement élevé pour les employés et les ouvriers

La cartographie des niveaux d’adéquation entre emplois et actifs par catégorie socio-professionnelle à l’échelle des intercommunalités fait transparaître quelques faits saillants remarquables.

En premier lieu, il convient d’observer que le nombre d’in-tercommunalités proches de l’équilibre est particulièrement élevé pour les catégories Agri-culteurs et Artisans, commer-çants et chefs d’entreprise. A contrario, leur nombre est extrêmement réduit pour les autres catégories socio-pro-fessionnelles. →

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En second lieu, il est notable que le niveau d’inadéquation entre emplois et actifs des catégories Cadres, professions intellectuelles supérieures et Professions intermédiaires apparaît très élevé dans la majorité des territoires.

Pour la première catégorie de CSP mentionnée (Cadres, pro-fessions intellectuelles supé-r ieures ) , seulement 275 intercommunalités présentent un bilan à peu près à l’équi-libre. D’un autre côté, 260 dis-posent d’un nombre d’emplois supérieur à celui des actifs. En toute logique, les territoires densément urbanisés sont largement sur-représentés dans cette catégorie. On retrouve 13 métropoles (Gre-noble, Lyon, Paris, Dijon, Brest, Toulouse, Montpellier, Rennes, Saint Etienne, Nancy, Clermont et Strasbourg), 5 communautés urbaines (Arras, Caen, Dun-kerque, Le Creusot et Le Mans) et 62 communautés d’agglo-mération.

À l’opposé, un millier d’inter-communalités sont marquées par un déficit d’emplois répon-dant aux cadres, professions intellectuelles supérieures au regard de leur population active. Si, vu leur nombre, elles se répartissent de manière diffuse sur le territoire natio-nal, cette forme d’inadéqua-tion s’avère très intense dans les intercommunalités situées en périphérie des métropoles.

La situation demeure relative-ment similaire pour la catégo-rie Professions intermédiaires. →

À l’opposé, un millier d’intercommunalités sont marquées par un déficit d’emplois répondant aux cadres, professions intellectuelles supérieures au regard de leur population active.

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Enfin, on relèvera le taux par-ticulièrement faible d’inter-communalités présentant une relative adéquation pour les ca tégor ies Employés e t Ouvriers (respectivement 164 et 156 intercommunalités). L’immense majorité est effec-tivement affectée d’une ina-déquation importante, les situations de déficit d’emplois au regard du nombre d’actifs étant largement plus répan-dues que les situations inverses, marquées par un excédent d’emplois.

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ÉLÉMENTS DE MÉTHODECompte tenu des statistiques disponibles, l’évaluation du degré d’adéquation entre offres d’emploi et demandes d’emploi à l’échelle des intercommunalités est appréhendé à partir d’un indice rapportant le nombre d’emplois d’une catégorie socio-professionnelle (CSP) au nombre d’actifs de la même catégorie. Deux types d’inadéquation peuvent être observés :

— il y a inadéquation parce que le nombre d’emplois apparaît insuffisant au regard du nombre d’actifs sur le territoire. Dans ce cas de figure, l’indice est inférieur à 100 ;

— il y a inadéquation parce que le volume d’actifs est insuffisant au regard du nombre d’emplois disponibles. Dans ce cas de figure, l’indice est supérieur à 100.

Dans le premier cas, l’indice peut signifier qu’il y a pénurie d’emplois. Dans le second, qu’il y a pénurie de main-d’œuvre.

Attention, une inadéquation ne signifie pas nécessairement un dysfonctionnement du marché du travail local, c’est-à-dire ne se traduit pas nécessairement par un taux de chômage élevé. Le périmètre des intercommunalités étant loin de constituer de véritables bassins d’emploi et le fait que les territoires fonctionnent sur un mode de plus en plus interdépendant, l’expliquent largement. Il est tout à fait possible qu’une pénurie d’emplois à l’échelle d’une intercommunalité ne constitue pas une difficulté particulière si des opportunités sont offertes sur les intercommunalités voisines. Et inversement, un déficit d’actifs peut ne pas nécessairement constituer un frein à la régulation du marché du travail local si les intercommunalités voisines sont pourvoyeuses de main-d’œuvre.

La méthode utilisée comporte deux limites principales :

— l’entrée par le niveau de catégorie socio-professionnelle ne permet pas de procéder à un traitement au prisme des compétences ;

— elle décrit une situation existante et non pas les besoins à pourvoir, c’est-à-dire futurs, des entreprises.

CONCLUSION

Formation et développement local : quelle corrélation ? À SUIVRE 07

NUMÉRO

22 rue Joubert - 75009 ParisT 01 55 04 89 00 - www.adcf.org

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Pilotage : Nicolas Portier, délégué général, AdCF / Olivier Crépin, conseiller économie, mobilités, AdCF

Rédaction et cartographie : Olivier Portier, OP Conseil

Coordination éditoriale : Mathilde Lemée et Maxime Goudezeune, AdCF

Création et réalisation : Luciole – Juin 2020

Crédits photo : © iStock / Getty Images

Un mauvais appariement compensé par les mobilités quotidiennesNotre volume d’emplois était en 2019 insuffisant pour absorber le volume total d’actifs. Mais le mauvais appariement est plus ou moins accentué selon les territoires2. On peut observer que le niveau d’appariement entre les emplois offerts et les profils des actifs varie sensiblement d’une intercommunalité à l’autre. Il varie suivant la catégorie sociale (l’appariement est beaucoup plus élevé pour les cadres que pour les ouvriers par exemple).

L’inadéquation qui frappe les territoires peut prendre deux formes. La première se matérialise par un excès d’emplois sur la main-d’œuvre disponible. Rare, cette configuration s’observe pour l’essentiel dans les grands territoires urbains, les métropoles notamment, qui assument une réelle fonction de pôle de pro-duction et exercent une attraction très forte sur les territoires environnants.

La seconde se traduit par un déficit d’emplois au regard du nombre d’actifs. Beaucoup plus fréquente, cette asymétrie contraint la population active à se déplacer à plus ou moins longue distance pour trouver un emploi. Ce déficit d’appariement quasi-généralisé entre offre et demande d’emploi est révélateur du très fort degré d’interdépendance des intercommunalités. Comment feraient la métropole de Dijon ou la communauté de Vesoul pour pourvoir leur excé-dent d’emplois si elles ne s’appuyaient pas sur leur périphérie ? Et inversement, quel serait le niveau de chômage de certaines communautés rurales si leurs habitants ne bénéficiaient pas du dynamisme économique du territoire voisin et de ses opportunités d’emplois… ?

Ces logiques d’interaction, portées notamment par la mobilité croissante de la population française, suscitent des dynamiques assez contre-intuitives. Elles conduisent par exemple à des paradoxes qui voient de nombreuses intercommunalités très créatrices d’emploi enregistrer dans le même temps une hausse continue de leur taux de chômage. Ce phénomène tient au fait qu’une partie des emplois créés n’est pas occupée par leurs propres actifs, parfois faute d’une employabilité suffisante de ces derniers.

En sens inverse, des intercommunalités peu créatrices d’emplois peuvent parfois bénéficier d’une réduction notable de leur taux de chômage. La raison explicative principale est qu’une part significative de leur population active « fuite » vers les territoires voisins pour travailler… Malgré leur élargissement récent, les périmètres intercommunaux sont largement transgressés par les flux domicile-travail et le navettage quotidien. Les mobilités résidentielles ont en outre faibli depuis la crise, de même la fluidité du marché du travail, frei-nant les rapprochements entre domicile et lieux d’emploi.

2 Si tel était le cas, le taux de chômage français serait beaucoup plus faible.