les mythes sur le déclin de la classe moyenne en allemagne

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  • 8/7/2019 Les mythes sur le dclin de la classe moyenne en Allemagne

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    Les mythes sur le dclinde la classe moyenne en Allemagne

    ______________________________________________________________________

    Roman Herzog Institut

    Dominik H. Enste

    Vera Erdmann

    Tatjana Kleineberg

    Avril 2011

    Comit dtudes des relations franco-allemandes

    NNoottee dduu CCeerrffaa 8833aa

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit des auteurs.

    Cette note a t publie initialement

    par le Roman Herzog Institut sous le titre :Dominik H. Enste, Vera Erdmann, Tatjana Kleineberg, Wie schlecht steht es

    wirklich um die gesellschaftliche Mitte? Mythen ber die Mittelschicht,Roman Herzog Institut Information, n 9, 2011, 21 p.

    Elle est disponible sur le site :Romanherzoginstitut.de.

    Cette Note du Cerfa est publie dans le cadredu Dialogue davenir franco-allemand , un projet men

    en coopration par le Comit dtudes des relations franco-allemandesde lInstitut franais des relations internationales,

    la Deutsche Gesellschaft fr Auswrtige Politik et la

    Les activits de recherche, de secrtariat ddition et de publication du Cerfabnficient dun soutien de la Direction de la Prospective du Ministre des

    Affaires trangres et europennes et du Plannungstab de lAuswrtiges Amt.

    Directeurs de collection : Louis-Marie Clouet, Hans Stark

    Traduction : Anne-Lise Barrire

    ISBN : 978-2-86592-872-9 Ifri 2011 Tous droits rservs

    Site Internet :Ifri.org

    Ifri-BruxellesRue Marie-Thrse, 21

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    Auteurs

    LInstitut Roman Herzog accompagne le travail des syndicatspatronaux bavarois et soumet la question de manire critique leurspositions. LInstitut se considre comme une plate-forme de librerflexion critique et non conformiste, et apporte sans cesse denouvelles rponses aux questions essentielles dans un dbatinterdisciplinaire avec dminentes personnalits.

    Les axes principaux de lInstitut portent sur lavenir du travail,et sont troitement lis aux questions dthique dans une conomiesociale de march. LInstitut analyse les dysfonctionnements actuelssur ces sujets et, ce faisant, sefforce de daborder aussi desproblmatiques dlicates, avec pour objectif final de contribuer audveloppement conomique et socital de lAllemagne.

    Dominik H. Enste est conomiste senior, chef de projet lInstitut der deutschen Wirtschaft (Institut dconomie allemande) deCologne, professeur invit dthique commerciale et dconomiecomportementale la Fachhoschule de Cologne, ainsi que matre deconfrences lUniversit de Cologne. Il dirige la cellule du premier

    rapport dengagement citoyen ( Erster Engagementbericht ) pourle gouvernement fdral dAllemagne. Ses champs de rechercheportent sur les problmatiques dthique financire ainsi quelconomie des institutions et des comportements.

    Vera Erdmann est conomiste et matre de confrences enmacro-conomie lUniversit de Cologne. Ses recherches portentsur les problmatiques relatives au capital humain, linnovation et la pnurie de main duvre qualifie.

    Tatjana Kleineberg est tudiante en sciences politiques lInstitut dtudes politiques de Paris et en sciences conomiques

    luniversit de Nancy. Elle et a particip la prsente publicationdans le cadre de son stage lInstitut der deutschen WirtschaftdeCologne.

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    Rsum

    Le dbat sur la classe moyenne donne lieu des malentendus etalimente un dbat dans les mdias allemand sur un risque dedclassement des classes moyennes. Cette tude vise dans unpremier temps dlimiter prcisment ce groupe de population pourensuite vider de leur substance cinq mythes sur la classe moyenneen Allemagne.

    Tout dabord, les tendances de long terme ne permettent pasde vrifier une dcroissance de la classe moyenne en Allemagne :depuis lanne 1993, la part de la classe moyenne en Allemagne estreste relativement constante.

    En matire dcarts entre les revenus, lvolution nest pasuniforme ; il y a autant daccroissement que de diminution desdiffrences, qui ne suivent donc pas une tendance nette, et nepermettent pas daffirmer que lingalit entre les revenus augmente.

    La peur du dclassement social rsulte dune dtrioration dela prosprit dans le groupe social aux revenus faibles, qui en retour

    augmente linquitude de la classe moyenne, sans que celle-ci nesoit pour autant affecte par une dgradation relle de ses conditionsde vie.

    Les chances relles dascension sociale des Allemands, et enparticulier daccs la classe moyenne, sont plus grandes quils nelimaginent. En mme temps, laccs vers la classe moyenne estpeut-tre devenu moins attractif cause, entre autres, delaugmentation des charges dues la politique de redistribution.

    Enfin, une socit stable, jouissant de la paix sociale nedpend pas de limportance de sa classe moyenne, mais cette

    stabilit peut aussi tre garantie grce des chances de mobilitsociale.

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    Sommaire

    LA CLASSE MOYENNE A-T-ELLE PEUR DU DECLASSEMENT ? .................. 4

    UNE SOURCE DE MALENTENDUS :LA DEFINITION DE LA CLASSE MOYENNE ............................................... 6

    CINQ MYTHES SUR LA CLASSE MOYENNE EN ALLEMAGNE ..................... 8

    Mythe 1 : La classe moyenne dcrot .................................................... 8Mythe 2 : Lcart entre les revenus se creuse .................................... 11

    Mythe 3 : Le dclassement social massifde la classe moyenne est la rgle ........................................................ 13

    Mythe 4 : Laccs la classe moyenne nest gure possible ........... 18

    Mythe 5 : Seule une large classe moyennefavorise la cohsion sociale ................................................................. 21

    UN BILAN : LA PROMOTION SOCIALE PAR LE TRAVAIL,LA FORMATION ET LEGALITE DES CHANCES ....................................... 23

    BIBLIOGRAPHIE ................................................................................ 25

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    La classe moyenne a-t-elle peurdu dclassement ?

    Dans les mdias, des chercheurs mettent en garde, scnariossombres lappui, contre la diminution de la classe moyenne,laugmentation des diffrences de revenus entre les classes sociales,la peur grandissante du dclassement et lappauvrissement durable

    des personnes aux faibles revenus. Pourtant, si lon analyse les faits,ces relations de cause effet et ces peurs ne peuvent tredmontres, la plupart du temps, quavec beaucoup dimagination.Ces lments, objets des mises en garde des mdias, sont mmeamplifis cause dune reprsentation indiffrencie. Comme onparle beaucoup de lapparente diminution de la classe moyenne, deplus en plus de personnes y croient et la peur est encore exacerbe.Comme lors dune prophtie auto-ralisatrice, les reportages fontnatre une peur panique de perdre son statut. Malgr tout, lidal desannes 1950, la socit nivele de classe moyenne dHelmutSchelsky est encore largement prsente dans les esprits : lareprsentation idale voudrait que les classes sociales en Allemagne

    se rapprochent pour ensuite nen faire quune (Braun, 1989).La courbe des salaires en Allemagne montre que tous les

    groupes de population ont pu participer la croissance conomiqueet amliorer leur niveau de vie de faon continue (cf le paragraphe3.2). Un nivellement ny a pas t toutefois li et celui-ci nauraitpas t souhaitable en raison de plusieurs facteurs psychologiques etconomiques (Ernste et al., 2008). Dans lensemble, lEtat socialallemand a fait ses preuves comme modle de russite. Bien sr, lesclasses infrieures et moyennes ont t un peu moins satisfaites duniveau du revenu des mnages dont elles disposaient ces derniresannes. Malgr tout, il y a eu rcemment une nouvelle augmentation

    de leur niveau de satisfaction (Grabka/Frick, 2008, 106). Dautresindicateurs objectifs, qui pourraient donner le signe dune rpartitioningalitaire des revenus, font apparatre que lAllemagne sen sortbien : lAllemagne a par exemple un taux de pauvret infrieur lamoyenne des pays de lUE (Schrder, 2009).

    Savoir ce que lon entend par classe moyenne donne lieu des malentendus et est source de conflits ; il faut donc tout daborddonner une dfinition de la classe moyenne. Dans ce but, cette tudevise dans un premier temps dlimiter prcisment ce groupe de

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    population pour ensuite vider de leur substance cinq mythes sur laclasse moyenne en Allemagne.

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    Une source de malentendus :la dfinition de la classe moyenne

    La classe moyenne est dfinie de diffrentes faons. Souvent, lesfacteurs ducation et situation professionnelle sont mis enavant pour dlimiter la classe moyenne (cf Kls/Enste, 2008). Aucontraire, la Task force on the middle class mise en place par legouvernement amricain dfinit cette classe par des esprances et

    des objectifs : les familles appartenant la classe moyenne aspirent devenir propritaires fonciers, possder une voiture, donner uneducation suprieure leurs enfants, avoir une assurance maladieet une assurance pour la retraite ainsi qu partir en vacances detemps en temps (Middle Class Task Force, 2010, p. 10). Cesvariables sont toutefois difficiles concrtiser statistiquement etreprsentent donc des indicateurs incertains.

    Une autre possibilit pour dfinir la classe moyenne consiste examiner le niveau de revenus. Sur le modle des dfinitions utilisesdans les rapports du gouvernement allemand sur la pauvret et larichesse, une dfinition courante fonde sur les revenus a t

    dveloppe, sur laquelle sappuient les paragraphes ci-dessous.Selon cette dfinition, la classe moyenne est forme par les mnagesdont les revenus se situent entre 70 et 150 pour cent du revenumdian (revenu moyen de la somme des mnages) (Goebel et al.2010). Pour lanne 2009, cela correspond un revenu net par moiscompris entre 860 et 1 844 euros pour un mnage dune personneseule. Pour les mnages de plusieurs personnes, il faut calculer lerevenu net quivalent. En outre, le revenu du mnage est pondrpar le nombre de membres du foyer. LOrganisation de coopration etde dveloppement conomiques (OCDE) utilise une pondration deun pour le premier adulte. Mais les adultes supplmentaires ont unepondration de 0,5 et les enfants de moins de 14 ans ont une

    pondration de 0,3. On part donc du principe quun couple vivantensemble a nettement moins de besoins que deux clibataires vivantsparment. Cette pondration permet de comparer des mnagesdont les structures diffrent. Lchelle sous-entend que grce la viecommune, la capacit pargner est comparativement plus leve.Dautres chelles de pondration comme par exemple celle de Citro /Michael (2006) valuent ces conomies un niveau plus bas.

    Lorsque lon analyse la classe moyenne, il faut avoir prsent lesprit quune telle dfinition fonde sur les revenus est unesimplification. Par exemple, selon la dfinition de lOCDE, les

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    tudiants et les apprentis, dont le revenu disponible est en gnralinfrieur 860 euros, ne font pas partie de la classe moyenne. Ceclassement est pour le moins sujet caution. En outre, les limites dela classe moyenne mesures laide des revenus du mnage sontfixes de faon plus ou moins arbitraire. Au lieu de dfinir la classemoyenne comme celle situe entre 70 et 150 pour cent du revenumdian, on aurait pu tout aussi bien choisir comme limites 75 et 125pour cent (Brandolini, 2010, p. 4). Une autre dfinition assez large dela classe moyenne consisterait englober toutes les personnes quine sont ni pauvres (jusqu 60 pour cent du revenu mdian) ni riches( partir de 200 pour cent ou ventuellement 300 pour cent du revenumdian). Il ne faut ainsi pas perdre de vue que les rsultats delanalyse peuvent ventuellement dpendre de la dfinition de laclasse moyenne.

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    Cinq mythes sur la classe moyenneen Allemagne

    Mythe 1 : La classe moyenne dcrot

    Selon les articles des mdias et les tudes scientifiques, on observeune diminution relative de la classe moyenne. Mais lanalyse desrsultats des donnes du Panel socio-conomique (Sozio-oekonomisches Panel, SOEP) prouve le contraire : depuis lanne1993, la part de la classe moyenne en Allemagne est resterelativement constante (graphique 1). Le groupe aux faibles revenus(pour un foyer dune personne seule, cette catgorie correspondaujourdhui un revenu net infrieur 860 euros par mois) algrement oscill autour dune valeur de 20 % de la population. Demme, les classes aises (revenu actuel pour un foyer dunepersonne seule de plus de 1 844 euros par mois) ont seulementenregistr de lgres fluctuations et leur proportion est constamment

    reste entre 16 et 19 %. Pour la classe moyenne restante, celacorrespond une proportion consquente, valable aussi dans lescomparaisons internationales, situe entre 60 et 67 % (Brandolini,2010).

    En outre, lobservation de lvolution des limites suprieures etinfrieures marquant lappartenance la classe moyenne ne permetpas de diagnostiquer une tendance de long terme la hausse.Sappuyant sur les faits, il est donc quasiment impossible dtablirpour lavenir un pronostic de diminution de la classe moyenne. Aucours de lanne 2009, il y eut mme une volution contraire : alorsque la proportion des mnages hauts revenus perdait nettement duterrain, lEtat social allemand russissait dans une large mesure protger les classes aux faibles revenus des effets ngatifs de lacrise financire et conomique. La conjonction de ces deux facteursconduisit une augmentation de la classe moyenne de 0,6 point depourcentage par rapport lanne 2008, passant ainsi 61,5 pourcent.

    La comparaison internationale montre laide de ladfinition quelque peu restrictive de la classe moyenne base sur lechiffre de 75 125 pour cent du revenu mdian la solidit durablede la classe moyenne (Brandolini, 2010).

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    Alors quau milieu des annes 2000, les pays caractriss parune classe moyenne peu tendue taient surtout les Etats-Unis (29,9pour cent), le Royaume-Uni (32,9 pour cent) et lItalie (33 pour cent),lAllemagne se situait dans la moyenne avec un taux de 42,8 pourcent pour la classe moyenne. Les pays scandinaves avaient, pour laplupart, une classe moyenne encore plus importante (Brandolini,2010, p. 17). Mais le modle familial alternatif, au sein duquel il estvident que les deux conjoints conservent leur activitprofessionnelle, joue aussi un rle dans cet tat de fait. Concernant lechangement intervenu au sein de la classe moyenne durant unevingtaine dannes, lAllemagne na connu au contraire quunediminution insignifiante hauteur de 2 points de pourcentage, alorsque la classe moyenne en Sude ou en Autriche perdaient autour de3 points et en Finlande jusqu 7 points de pourcentage.

    Cest un fait : la part de la classe moyenne en Allemagne se

    situe un haut niveau international et na subi que de lgresfluctuations au cours des ans. Une tendance ngative ou positive nepeut pas y tre observe.

    Graphique 1 : tranches de revenus en Allemagne

    Part de chaque tranche de revenus dans la population globaleen pourcentage

    Source : Goebel et al., 2010

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    Tableau 1 : volution du revenu mensuel des mnages en Allemagne

    Moyenne arithmtique des tranchesde revenus

    Ecart par rapport laclasse moyenne

    Basrevenus

    Revenusmoyens

    Hautsrevenus Bas revenus

    Hautsrevenus

    En euro En pourcentage

    1993643 1 222 2 372 -47,4 94

    1994646 1 222 2 371 -47,1 94

    1995643 1 232 2 500 -47,8 103

    1996664 1 251 2 478 -47 98

    1997660 1 243 2 413 -46,9 94,1

    1998667 1 237 2 367 -46,1 91,3

    1999 685 1 270 2 436 -46,1 91,72000

    680 1 287 2 569 -47,2 99,72001

    690 1 300 2 561 -46,9 97,12002

    664 1 279 2 669 -48,1 108,62003

    669 1 300 2 690 -48,5 106,92004

    657 1 264 2 583 -48 104,42005

    659 1 269 2 567 -48,1 102,22006

    650 1 255 2 626 -48,2 109,22007

    651 1 251 2 569 -48 105,32008

    645 1 252 2 538 -48,5 102,82009

    677 1 311 2 672 -48,3 103,7

    Les revenus disponibles par mois ont t pondrs de manire quivalente.

    Certaines pondrations ont t attribues aux membres du foyer, afin de prendre encompte pour chacun les agencements diffrents des dpenses.

    Source : Goebel et al., 2010

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    Mythe 2: Lcart entre les revenus se creuse

    On part souvent du principe que les carts de revenus entre les troistranches de revenus se creusent au cours du temps. Mais uneobservation plus prcise de lvolution des revenus depuis lanne1993 montre que cette assertion relve galement du mythe (tableau1). Lors de la priode dobservation, les faibles revenus ont oscillentre 46,1 et 48,5 pour cent du revenu de la classe moyenne. Lesfluctuations ont donc t relativement minimes. Une volatilit un peuplus grande a t observe pour lvolution des salaires desdtenteurs de hauts revenus : ceux-ci ont gagn entre 91,3 et 109,2pour cent de plus que la classe moyenne. Lvolution des carts parrapport au revenu de la classe moyenne na pas du tout augment

    rgulirement. Et on ne peut donc pas parler dun accroissement desdiffrences. Au lieu de cela, lvolution nest pas uniforme ; il y aautant daccroissement que de diminution des diffrences, qui nesuivent donc pas une tendance nette.

    Les ingalits de revenus peuvent aussi tre exprimes par lecoefficient de Gini. Un coefficient de Gini gal zro signifie que lerevenu est rparti de faon galitaire au sein de la population. Plus lecoefficient se rapproche de 1, plus la rpartition du revenu estingalitaire, car une plus grande part du revenu global de lconomierevient une plus petite partie de la population. La comparaison despays de lOCDE choisis montre que les ingalits de revenus en

    Allemagne se situent dans la moyenne des 30 pays de lOCDEtudis et ne constituent donc en aucun cas un cas extrme(graphique 2). Des pays comme les Etats-Unis, mais aussi parexemple le Royaume Uni et le Japon, ont une ingalit des revenusbien plus grande que lAllemagne. Mme des pays comme la Suisseou la France ont des rsultats peine plus bas.

    Si le coefficient de Gini permet de raliser une comparaisoninternationale des ingalits de revenus, cette compression desinformations dans un ratio est toujours aussi synonyme dune grandeperte dinformations. Ainsi, grce ce chiffre, il est facile dereconnatre si le revenu est rparti de faon relativement ingale.

    Mais par exemple, ce coefficient ne nous dit rien sur la nature desingalits, leur origine ou sur la rpartition des chances damliorerson statut social.

    De fait, en Allemagne, les diffrences de revenus entre laclasse moyenne et les revenus infrieurs ou suprieurs nont, par lepass et de manire gnrale, pas augment rgulirement ; demme, il nexiste pas de tendance qui montrerait que cela sera le cas lavenir.

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    Graphique 2 : comparaison internationale des ingalits de revenus

    Coefficient de Gini de certains pays de l'OCDE sur la base du revenu netquivalent, milieu des annes 2000

    Source : OCDE, 2009

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    Mythe 3 : Le dclassement social massifde la classe moyenne est la rgle

    Dans le dbat public domine la croyance selon laquelle la classemoyenne diminue. Seules quelques personnes accderaient cegroupe aux revenus moyens alors que beaucoup en seraient excluspar dclassement social. En consquence, une peur panique lie lasauvegarde du statut serait trs rpandue au sein de la classemoyenne. Sur cette toile de fond, il faut diffrencier la menaceobjective dun dclassement social et la peur subjective de tomberdans une classe sociale infrieure.

    Le sentiment subjectif de scurit peut tre mesur laide de

    la peur de perdre son emploi (graphique 3). ct de la classesuprieure et de deux catgories socioprofessionnelles infrieures, laclasse moyenne est divise en trois groupes : la classe moyenneinfrieure (simples techniciens et ouvriers spcialiss), la classemoyenne du milieu (employs dans ladministration et dans lecommerce chargs de tches rptitives) et la classe moyennesuprieure (techniciens qualifis et ingnieurs ; managers de petitesentreprises ; chargs de mission qualifis dans ladministrationpublique et prive). On remarque dans un premier temps que la peurdu dclassement a augment au sein de toutes les catgoriessocioprofessionnelles au cours de la priode entre 1993 et 2007.Concernant la classe moyenne du milieu, on constate une

    augmentation disproportionne du sentiment dinquitude. La peur dudclassement dans cette partie de la classe moyenne a ainsinettement augment.

    La question centrale est de savoir si la peur subjective dudclassement est vraiment fonde. Si lon se penche sur cettequestion, il apparat que le groupe aux faibles revenus a surtoutaugment cause du changement de la composition de la socit etnon cause dun dclassement dune partie de la classe moyenne(Hlskamp/Schrder, 2009). Par ailleurs, la mthode de calculstatistique a aussi une influence.

    Les volutions sociodmographiques des dernires dcenniesont eu pour consquence que les groupes de la population souventdsavantags sur le march du travail par exemple, les foyersmonoparentaux, les personnes seules et les personnes issues delimmigration ont, en pourcentage, gagn en importance dans latotalit de la population. Ceci peut par exemple sexpliquer entreautres par le taux de natalit bas dans la classe moyenne allemandeet par les taux de natalit levs des familles issues de limmigration.En outre, on a assist un phnomne accru de dsagrgation dumodle familial traditionnel et une augmentation du nombre des

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    foyers monoparentaux. Des sociologues voient dans cedveloppement un indice dune socit non-sociale, dans laquelle onse quitte plus souvent et plus rapidement et on compte davantage surles aides dEtat et les transferts sociaux (Siems/Borstel, 2010).Schfer/Schmidt (2009) montrent que ces groupes cits ci-dessuspossdent une probabilit nettement plus leve de dclassementsocial et dexclusion hors de la classe moyenne. Ils sont aussi plussouvent touchs par la pauvret : pour lanne 2007, 13,4 pour centde lensemble des mnages taient considrs comme relativementpauvres (avec un revenu allant jusqu 60 pour cent du revenumdian), mais les foyers monoparentaux et les personnes issues delimmigration taient surreprsents avec des taux respectifs de 37,6pour cent et de 20,8 pour cent. En tout, les seules variationssociodmographiques depuis le milieu des annes 1990 peuventexpliquer environ la moiti de laugmentation de la pauvret relative(Hlskamp/Schrder, 2009)

    Une autre part de laugmentation de la classe infrieuresexplique par laccroissement du nombre de foyers de personnesclibataires en Allemagne. La pondration des revenus des mnagescalcule selon le nombre de personnes qui vivent dans le foyer sous-entend que les besoins par tte au sein dun couple en mnage sontestims comme beaucoup moins importants que ceux des foyerscomposs dune personne clibataire. cause de ce mode de calcul,de nombreux clibataires se retrouvent aprs une sparation dans legroupe aux faibles revenus des statistiques, sans que cela naille depair avec une baisse de leur revenu individuel.

    Un exemple (tableau 2) : un clibataire ayant un revenu netcompris entre 860 et 1 844 euros par mois fait partie de la classemoyenne du milieu ; deux clibataires doivent ainsi au total gagnerentre 1720 et 3 688 euros, pour faire partie de la classe moyenne. linverse, un couple a besoin de gagner en tout seulement entre1 290 et 2 766 euros nets. Pour quaprs une sparation, aucun desdeux conjoints ne tombe dans la classe aux revenus faibles, les deuxex-conjoints doivent chacun gagner au moins 860 euros, ce quicorrespondrait un revenu du mnage dau moins 1 720 euros.Seuls des foyers de la classe moyenne dont les conjoints gagnentenviron le mme salaire peuvent se permettre une sparation, sansque lun des deux ne tombe dans la classe aux faibles revenus. Sil y

    a des enfants, la pression sur le parent seul qui a la garde desenfants se fait particulirement sentir. Ces rsultats prouvent quechaque augmentation statistique de la classe sociale infrieure nestpas forcment synonyme de la perte dun emploi.

    Dautres tudes montrent aussi que le risque objectif dundclassement et dune exclusion hors de la classe moyenne doitplutt tre considr comme insignifiant. Ainsi, Lengfeld/Hirschle(2008) attestent que la peur croissante du dclassement au sein de laclasse moyenne ne repose pratiquement sur aucune raison relle quiserait lie la structure de lemploi. En outre, il ny a aucune preuve

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    vidente dune mobilit vers le bas croissante en Allemagne(Kls/Enste, 2008). Le dclassement social de la classe moyenneinfrieure a mme baiss entre les annes 2000 et 2004. Dautrestudes empiriques (De Luca, 2010a ; 2010b) confirment que ceuxdont les salaires taient dans la tranche moyenne ou leve necourent pratiquement aucun risque de tomber dans le groupe desbnficiaires de laide sociale (Hartz IV). Ainsi, 50 pour cent desnouveaux bnficiaires de laide sociale touchaient pour leur dernieremploi occup un salaire net de moins de 500 euros, alors queseulement 10 pour cent gagnaient plus de 1500 euros bruts.Seulement 0,3 pourcent disposait de plus de 3000 euros bruts parmois. Ces constats tayent donc la thse selon laquelle la peur de laclasse moyenne dun dclassement ne correspond pas en premierlieu un danger rel. Il existe bien plus un foss entre la perceptiondes choses et la ralit.

    En revanche, le niveau dducation est un lment pourdiminuer le danger rel de dclassement : les personnes sansdiplme, scolaire ou professionnel, reprsentent la plus grande partde la classe revenus faibles. Les gens munis dun diplme delenseignement suprieur sont surreprsents dans les groupes auxrevenus levs. Les dtenteurs dun diplme quivalent au bac(gnral ou professionnel) ou un BTS et ceux qui ont un diplmeprofessionnel (ou qui ont fait un apprentissage) sont le groupe le plusnombreux au sein de la classe moyenne. Presque 70 pour cent desmembres de la classe moyenne possdent la fois un diplmequivalent au bac gnral ou professionnel (matre dapprentissage,technicien) (tableau 3). Partant de ce constat, la classe moyenne

    peut donc aussi tre caractrise de classe moyenne duque. Lesannes consacres aux tudes sont justement un facteur importantqui influe sur le positionnement futur dans un groupe de revenu.

    Lengfeld/Hirschle (2008) dmontrent, pour expliquer la peurdu dclassement, que leffet dentranement (spill-over) ainsidnomm aurait pu augmenter les craintes au sein de la classemoyenne. Cela signifierait que linquitude dans la classe moyennecrot parce que celle-ci observe une dtrioration de la prospritdans le groupe social aux revenus faibles sans que sa propresituation ne soit pour autant affecte par une dgradation relle deses conditions de vie. La peur de lavenir serait donc reporte des

    classes infrieures vers les classes moyennes ce phnomne tantaccentu par les comptes-rendus partiaux des mdias sur uneprtendue diminution de la classe moyenne. Il faut donc tudiergalement lvolution de la situation et des chances de promotion dugroupe social aux faibles revenus.

    De fait, on ne peut pas parler objectivement dune menace dedclassement de la classe moyenne.

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    Graphique 3 : peur subjective du dclassement

    Pourcentage des sonds craignant une perte de leur emploi, classementpar catgories professionnelles

    Source : Lengfeld/Hirschle, 2008

    Tableau 2 : dclassement caus par une sparation

    Revenu par mois (net), anne 2009, euros

    Bas revenus Revenu moyen Haut revenu

    Un couplevivant enmnage jusqu' 1.289

    1.290 jusqu'2.766

    partir de 2.767

    Deux foyersdeclibataires jusqu' 1.719

    1.720 jusqu'3.688

    partir de 3.689

    Calculs de l'auteur

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    Tableau 3 : tranche de revenus et niveau d'tudes pour l'anne 2008, enpourcentage

    Tranche de

    revenus

    Niveau d'tudes Bas revenusRevenusmoyens

    Hautsrevenus

    Total

    Sans diplme37,8 56,32 5,88 100

    Diplmequivalent au bacgnral ouprofessionnel

    18,22 65,73 16,05 100

    Diplme detechnicien, matred'apprentissage 12,35 66,09 21,56 100

    Diplme dusuprieur 8,4 44,94 46,67 100

    Total (moyenne)19,41 60,22 20,37 100

    Les donnes en bleu reprsentent les valeurs au dessus de la moyenne.

    Source : calculs de l'auteur bass sur le panel socio-conomique

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    Mythe 4: Laccs la classe moyennenest gure possible

    Les mdias font frquemment rfrence aux laisss pour comptede la prcarit . En dautres termes, laccs des couches sociales revenus infrieurs la classe moyenne est soit impossible, soitmalais. Il est particulirement important que cet accs existe, car lesingalits sociales sont ressenties comme trs injustes etproblmatiques si elles sont durables et fondes uniquement sur leparcours personnel.

    En ce qui concerne la perception subjective des chancespersonnelles de promotion sociale, lattitude gnrale des Allemands

    est pessimiste. Daprs une enqute de linstitut de sondageAllensbach ralise en 2008, seul un cinquime des citoyensallemands sattendait une amlioration de leur situation dans lescinq dix annes venir, tandis que prs de la moiti dentre euxpensait que leur situation ne changerait pas. En outre, seuls 31 %des citoyens allemands considraient lascension sociale comme unbut qui en valait la peine, alors que les personnes interroges taientdeux fois plus nombreuses accorder davantage dimportance desvaleurs comme la justice sociale.

    Les Allemands estiment galement que le lien entrerendement et russite est insuffisant dans leur systme conomique.

    Ainsi les donnes du World Values Survey (2005) montrent que seulela moiti des personnes interroges voyait un lien net entre russitepersonnelle et travail accompli. Un quart dentre elles supposait quela chance et les relations jouaient un rle essentiel et un autre quartne voyait mme aucune relation entre travail accompli et russite,mais pensait que la chance et les relations taient les seuls facteursdcisifs de la russite. En outre, le panel socio-conomique a montrpour cette mme anne que 45 % des Allemands avaient lesentiment que leurs chances personnelles de promotionprofessionnelle ntaient pas proportionnelles au travail accompli(Neumann et al., 2010, p. 5). Sur la base de ces donnes,lAllemagne se classe, au plan international, nettement derrire des

    pays comme les Etats-Unis, le Canada et la Finlande. Parconsquent, les Allemands estiment que lascension sociale est danslensemble un but relativement peu attractif, quelle reflte trop peu letravail accompli et se rvle tre assez improbable.

    En Allemagne, lascension sociale a eu tendance se rduireces dernires annes, et il est devenu plus difficile de quitter la classemoyenne vers le haut comme vers le bas. Entre 1999 et 2003, 46 %des personnes ont russi passer dune tranche de revenusinfrieure vers une tranche suprieure ; entre 2003 et 2007, ils

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    ntaient plus que 37 % y parvenir (Kls/Enste, 2008). La promotionintergnrationnelle a galement un peu diminu et linfluence delorigine sociale est devenue plus forte. Le taux de reproductionsociale, c'est--dire la transmission de son propre statut social sesenfants, est particulirement marqu dans les classes ouvrires et algrement augment entre 1975 et 2004 en passant de 45 % 52 %. En outre, linfluence de lorigine sociale apparat dj dans lecursus de formation et dans la proportion de lycens et dtudiants(Kls/Enste, 2008). Ces rsultats montrent une certaine dtriorationde la mobilit sociale au cours des dernires annes en Allemagne etdonc la ncessit dune action politique (voir en conclusion).Cependant les chances relles dascension sociale en Allemagne nesont, premirement, pas plus mauvaises que dans la moyenne decertains Etats de lOCDE et, deuximement, bien meilleures que leressenti subjectif des personnes concernes :

    1. Les comparaisons internationales montrent que l'ascensionsociale des couches infrieures de revenus est peine plusfaible que, par exemple, aux Etats-Unis ou dans la moyennedes 17 pays de lOCDE pour lesquels on dispose de donnescorrespondantes (graphique 4).Si lon compare avec les Etats-Unis le pays que lon croittre celui des possibilits de promotion sociale illimites onremarque que le vrai taux dascension sociale des personnespercevant un revenu faible est peine suprieur celui delAllemagne. Dans les deux pays, entre 1999 et 2001, environun tiers des personnes revenus faibles a russi accder une couche sociale suprieure. Les citoyens amricains

    estimaient cependant que leurs chances de promotion socialetaient bien plus importantes que ne lestimaient lesAllemands. La relation entre travail fourni et russite est plustroite aux Etats-Unis quen Allemagne : plus de 60 % descitoyens amricains pensent que la russite provient desefforts fournis au travail et seuls 13 % dentre eux pensent quela chance et les relations sont des facteurs plus importants(World Value Survey, 2005).

    2. Si lon considre une priode plus longue, allant de 1995 2007, un Allemand sur trois a effectivement russi passerdans une tranche de revenus suprieure (Neumann et al.,

    2010, p. 5). Mais, en mme temps selon une autre enqutede linstitut de sondages Allensbach de 2008 seul unAllemand sur cinq croit quil pourra profiter personnellementdune ascension sociale au cours des dix prochaines annes.Entre la ralit de la promotion sociale et la perceptionsubjective des personnes interroges, il existe donc un cartde deux tiers.Cette perception fausse des possibilits de promotion socialepeut influencer la faon dont une politique de redistributiondevrait se faire dans un Etat social. Si une grande partie de la

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    sociale na pas besoin dune socit homogne et sans diffrences.Un renforcement de la libert individuelle, un largissement despossibilits de dveloppement personnel et, par l, un renforcementde la mobilit sociale peuvent donc en ayant pour but la cohsionde la socit tre des objectifs tout aussi centraux de la politique.Cela augmenterait en mme temps la capacit de rendement et laprosprit de la socit.

    Dans ce contexte, il faudrait cependant viter dimposer tropde charges la classe moyenne, car une politique de redistributiontrop forte pourrait conduire des incitations ngatives et rendre ainsila promotion sociale peu attractive. Cela implique quil faudrait, dansune certaine mesure, approuver et non critiquer les diffrences destatut, car elles augmentent la motivation et la productivit de lasocit et ces diffrences ne la divisent pas condition quil y aitune mobilit sociale mais bien au contraire, sont le garant de son

    unit. Ces chances de mobilit sociale existent sans aucun doute enAllemagne, comme le prouve une interprtation des rsultats dupanel socio-conomique de lInstitut allemand de rechercheconomique (Deutsches Institut fr Wirtschaftsforschung) pour lejournal conomique AKTIV (2010). Ceux qui peroivent des revenusfaibles ont de bonnes chances de promotion sociale : plus de lamoiti dun groupe de 100 personnes percevant en 2004 moins de1 000 euros nets par mois a russi en lespace de cinq ans accder la couche suprieure. Dans le mme temps, 38 personnes sur 100percevant plus de 2 225 euros par mois sont passes dans unetranche de revenus infrieure. Il existe donc en Allemagne unemobilit vers le haut comme vers le bas.

    De fait, une socit stable, jouissant de la paix sociale, nedpend pas de limportance de sa classe moyenne, mais cettestabilit peut aussi tre garantie grce des chances de mobilitsociale.

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    Un bilan : la promotion socialepar le travail, la formation

    et lgalit des chances

    La classe moyenne est un pilier important de la socit allemande,mais bien des mythes lentourent. Ces mythes sont souvent fondssur des interprtations partiales des donnes existantes ou ne sont

    pas confirms par la ralit. Ainsi, il ny a ni tendance long termedune diminution de la classe moyenne, ni une nette augmentationdes diffrences de revenus entre les couches sociales. Si lesstatistiques font tat de dclassements de la classe moyenne, cecinest souvent pas la consquence dune baisse des revenus, maisrsulte de la dfinition mme de la classe moyenne et dunchangement des structures sociales. Laccs des tranches derevenus infrieurs la classe moyenne nest gnralement pasaise, mais cet accs nest pas plus difficile en Allemagne que dansdautres pays comme les Etats-Unis par exemple. En outre, unesocit htrogne peut aussi offrir la paix et la justice sociales, dansla mesure o il y existe de bonnes chances de promotion sociale.

    Malgr cela, des problmes concernant la classe moyennedemeurent poss : ainsi la mobilit des couches revenus infrieursvers la classe moyenne est certes tout fait possible, mais elle doitencore tre dveloppe et favorise. Cependant, la perceptionsubjective quen ont les Allemands est nettement plus pessimiste quedans dautres nations. Un lment marquant est aussi la diffrenceentre les craintes subjectives de dclassement et le risque rel dedclassement. Cette diffrence est proccupante, car elle peut formerun terrain favorable des revendications en faveur dun rseau deprotection sociale fort, souvent li des incitations ngatives et, aupire, une trappe du chmage , cres par lEtat social. Ces

    volutions auraient pour consquence de rduire aussi les chancesrelles de promotion sociale (Enste et al., 2008).

    Mais comme lAllemagne jouit dune galit des chances bienplus grande quon ne le pense, ce cercle peut tre bris aveclquation dite A + B = C : Avec lentre dans la socit par le travail(A) et la promotion sociale par la formation (B), lgalit des chances(C) pourra tre ralise. Cet idal exige une politique qui permetdentrer dans la classe moyenne grce un mode de vie auto-dtermin et une promotion sociale due une intgration dans lesystme de formation et le monde du travail. Ainsi, cette politique

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    Notes du Cerfa

    Publie depuis 2003 un rythme mensuel, cette collection estconsacre lanalyse de lvolution politique, conomique et socialede lAllemagne contemporaine : politique trangre, politique int-rieure, politique conomique et questions de socit. Les Notes duCerfa sont des textes concis, caractre scientifique et de nature policy oriented . linstar des Visions franco-allemandes, lesNotes du Cerfa sont accessibles sur le site Internet du Cerfa, o ellespeuvent tre consultes et tlcharges gratuitement.

    Dernires publications du Cerfa

    C. Deubner, Mieux gouverner la zone euro : le fragilecompromis franco-allemand, Note du Cerfa , n82, mars 2011

    L.-M. Clouet, A. Marchetti, Un leadership par la crdibilit.Prospectives franco-allemandes sur lavenir de lUnion europenne, Visions franco-allemandes , n 18, mars 2011

    F-L. Altmann, Les Balkans vus de Berlin aujourdhui, Notedu Cerfa , n81, janvier 2011

    R. Lallement, Lconomie allemande en sortie de crise : unesurprenante rsilience, Note du Cerfa , n80, dcembre 2010

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    Le Cerfa

    Le Comit dtudes des relations franco-allemandes (Cerfa) a tcr en 1954 par un accord gouvernemental entre la Rpubliquefdrale dAllemagne et la France. Le Cerfa bnficie dunfinancement paritaire assur par le Quai dOrsay et lAuswrtigesAmt ; son conseil de direction est constitu dun nombre gal depersonnalits franaises et allemandes.

    Le Cerfa a pour mission danalyser les principes, lesconditions et ltat des relations franco-allemandes sur le planpolitique, conomique et international ; de mettre en lumire lesquestions et les problmes concrets que posent ces relations lchelle gouvernementale ; de trouver et de prsenter despropositions et des suggestions pratiques pour approfondir etharmoniser les relations entre les deux pays. Cette mission se traduitpar lorganisation rgulire de rencontres et de sminaires runissanthauts fonctionnaires, experts et journalistes, ainsi que par destravaux de recherche mens dans des domaines dintrt commun.

    Hans Stark assure le secrtariat gnral du Cerfa depuis

    1991. Louis-Marie Clouet y est chercheur et responsable de lapublication des Notes du Cerfa et des Visions franco-allemandes.Nele Wissmann travaille au Cerfa comme assistante de recherche etest charge de mission dans le cadre du projet Dialogue davenir.