les khettaras du tafilalet

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Problématique. Les palmeraies du Tafilalet, comme toutes les oasis du sud marocain saharien et présa- harien, offrent de grandes diversités de si- tuations liées à la disponibilité des ressour- ces en eau et à leur mode d’accès ainsi qu’aux stratégies développées pour leur mise en valeur. Ces oasis constituent une forme majeure d’adaptation de l’homme aux fortes contraintes d’aridité du milieu. Elles ont joué dans l’histoire un rôle multi- forme important sur les plans culturel, poli- tique et démographique, et ont développé économiquement un des systèmes agricoles les plus intensifs pour subvenir aux besoins de fortes concentrations humaines. Le Royaume de Sijilmassa, Cité-Etat du Tafila- let au Moyen Age, a assuré des échanges de produits de haute valeur (route de l’or) entre des foyers de civilisations éloignées. Ces palmeraies ont vu ainsi s’accumuler ri- chesse mais aussi savoir-faire et techniques hydro-agricoles, parfois complexes, mais souvent originales et assez performantes tel- les les techniques des khettaras, équivalent des «qanat» du monde arabo-perse. De nos jours, ces techniques traditionnelles connaissent des difficultés de gestion et d’entretien en raison de leur vétusté et des problèmes de désertification, mais aussi du fait des transformations socio-économiques et des perturbations engendrées par le choc colonial et de la politique hydro-agricole, moderne, préconisée au lendemain de l’in- dépendance du Maroc. La question des oasis marocaines a fait l’ob- jet de débats controversés, au cours du der- nier quart du XX e siècle, parmi les déci- deurs politiques et les chercheurs. Les orga- nismes de l’Etat considéraient généralement ces écosystèmes comme des espaces margi- naux sur le plan économique, compte tenu du caractère négligeable de leur production agricole. De son côté, la littérature scientifique relati- ve au devenir des oasis, dans sa grande ma- jorité, prenait acte de cette évaluation néga- tive et la consolidait conceptuellement; elle considérait en effet ces milieux comme étant précaires et réticents aux progrès, où domine encore un système de production tradition- nel ainsi que des structures agraires et des techniques de mise en valeur stagnantes ou qui n’évoluent que lentement. D’un autre côté, les travaux menés par les géographes, les historiens et les agronomes, sur l’adéquation des techniques traditionnel- les au modernisme défendu par les aména- geurs, conduisaient à voir dans l’abandon des techniques traditionnelles une des cau- ses des difficultés présentes ; de là à préconi- ser un retour sur ce patrimoine. Cela a produit toutefois un certain infléchis- sement de la politique hydraulique du pays qui fait, depuis 1990, d’avantage place aux aménagements de Petite et Moyenne Hy- 1 Les khettaras du Tafilalet (SE. Maroc): passé, présent et futur Mohammed Ben Brahim . Département de Géographie. Université Mohamed 1er. Oujda Schriftenreihe der Frontinus-Gesellschaft. Heft. 26 Internationales Frontinus-Symposium. 2-5 october 2003. Walferdange. Luxemburg.

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Dans le cas des oasis du Tafilalet, l’évaluation de l’héritage hydro-agricole est encore insuffisante. Les khettaras, par exemple, soulèvent encore des questions relatives à leur connaissance, non seulement au niveau de leur distribution géographique, mais aussi au niveau de leur contexte hydromorphologique,historico-archéologique, et de fonctionnement

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Page 1: Les Khettaras du Tafilalet

Problématique.

Les palmeraies du Tafilalet, comme toutesles oasis du sud marocain saharien et présa-harien, offrent de grandes diversités de si-tuations liées à la disponibilité des ressour-ces en eau et à leur mode d’accès ainsiqu’aux stratégies développées pour leurmise en valeur. Ces oasis constituent uneforme majeure d’adaptation de l’homme auxfortes contraintes d’aridité du milieu.

Elles ont joué dans l’histoire un rôle multi-forme important sur les plans culturel, poli-tique et démographique, et ont développééconomiquement un des systèmes agricolesles plus intensifs pour subvenir aux besoinsde fortes concentrations humaines. LeRoyaume de Sijilmassa, Cité-Etat du Tafila-let au Moyen Age, a assuré des échanges deproduits de haute valeur (route de l’or) entredes foyers de civilisations éloignées.

Ces palmeraies ont vu ainsi s’accumuler ri-chesse mais aussi savoir-faire et techniqueshydro-agricoles, parfois complexes, maissouvent originales et assez performantes tel-les les techniques des khettaras, équivalentdes «qanat» du monde arabo-perse.

De nos jours, ces techniques traditionnellesconnaissent des difficultés de gestion etd’entretien en raison de leur vétusté et desproblèmes de désertification, mais aussi dufait des transformations socio-économiqueset des perturbations engendrées par le choccolonial et de la politique hydro-agricole,

moderne, préconisée au lendemain de l’in-dépendance du Maroc.

La question des oasis marocaines a fait l’ob-jet de débats controversés, au cours du der-nier quart du XX e siècle, parmi les déci-deurs politiques et les chercheurs. Les orga-nismes de l’Etat considéraient généralementces écosystèmes comme des espaces margi-naux sur le plan économique, compte tenudu caractère négligeable de leur productionagricole.

De son côté, la littérature scientifique relati-ve au devenir des oasis, dans sa grande ma-jorité, prenait acte de cette évaluation néga-tive et la consolidait conceptuellement; elleconsidérait en effet ces milieux comme étantprécaires et réticents aux progrès, où domineencore un système de production tradition-nel ainsi que des structures agraires et destechniques de mise en valeur stagnantes ouqui n’évoluent que lentement.

D’un autre côté, les travaux menés par lesgéographes, les historiens et les agronomes,sur l’adéquation des techniques traditionnel-les au modernisme défendu par les aména-geurs, conduisaient à voir dans l’abandondes techniques traditionnelles une des cau-ses des difficultés présentes ; de là à préconi-ser un retour sur ce patrimoine.

Cela a produit toutefois un certain infléchis-sement de la politique hydraulique du paysqui fait, depuis 1990, d’avantage place auxaménagements de Petite et Moyenne Hy-

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Les khettaras du Tafilalet (SE. Maroc): passé, présent et futur

Mohammed Ben Brahim . Département de Géographie. Université Mohamed 1er. Oujda

Schriftenreihe der Frontinus-Gesellschaft. Heft. 26

Internationales Frontinus-Symposium. 2-5 october 2003. Walferdange. Luxemburg.

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draulique (PMH) et aux techniques d’irriga-tion traditionnelle1, en l’occurrence les khet-tarass. Le débat national sur l’aménagementdu territoire, patronné et organisé en l’an20001 par le Ministère de l’Environnement,de l’Habitat et de l’Aménagement, a bienmis en évidence l’encrage des systèmes d’ir-rigation traditionnelle dans la société oa-sienne, en tant qu’héritage socioculturel etmoyen garant du développement durable.Leur réhabilitation et conservation s’impo-sent aussi bien pour leur rôle socio-écono-mique que pour leur fonction environne-mentale et stratégique.

Aujourd’hui, dans l’Ancien Monde et lesdomaines à tendance climatique aride, lessystèmes d’irrigation traditionnelle, en l’oc-currence les khettarass, connaissent un re-gain d’intérêt qui justifie les recherches etles projets de réhabilitation et de conserva-tion. Plusieurs colloques spécialisés ont ététenus pour faire le point sur la question etdes programmes internationaux (UNESCO,PNUD, par exemple) et nationaux tententd’intégrer la dimension socioculturelle decet héritage dans toute intervention plani-fiante.

Dans le cas des oasis du Tafilalet, l’évalua-tion de l’héritage hydro-agricole est encoreinsuffisante2. Les khettaras, par exemple,

soulèvent encore des questions relatives àleur connaissance, non seulement au niveaude leur distribution géographique, maisaussi au niveau de leur contexte hydro-morphologique, historico-archéologique, etde fonctionnement3. Sur un autre registre,les khettaras soulèvent également des ques-tions relatives à la mise en place d’une poli-tique de mise en valeur, qui appelle une ré-adaptation de la technique dans la structurehydro-agricole moderne

L’objectif dans lequel se place cette étudeest principalement d’ordre social, et l’appro-che préconisée s’appuie sur un pré-requis liéaux caractéristiques des systèmes d’irriga-tion traditionnelle à savoir, le fonctionne-ment actuel est le résultat d’un processushistorique, d’une accumulation de situationsqui ont chacune répondu à des contraintes etont été l’objet de choix, de compromis et derapports de force. Ces contraintes sont inter-férentes et diverses : environnementales, so-ciales, politiques, techniques et autres quipermettent de comprendre le choix effectuépour le creusement de la khettara. D’où l’in-térêt de la démarche systémique et pluridis-ciplinaire de l’étude sur l’irrigation tradi-tionnelle.

La prise en compte de la dimension spatio-temporelle dans l’analyse permettra de dé-gager la tendance de l’évolution du systèmekhettara et son devenir, et par là à garantirune meilleure compréhension du fonction-nement du système qui s’inscrit dans lecadre d’un projet social d’ensemble, avec

1 Le traitement conceptuel de nombreuses questions re-latives aux techniques d’irrigation traditionnelle futun champ d’investigation privilégié des Sciences so-ciales et anthropologiques au cours des dernières dé-cennies du XX e siècle ; les spéculations théoriquesautant que les acquis empiriques y fussent variées etcontradictoires. Aujourd’hui, tous les chercheurs sontconvaincus que l’on ne peut comprendre les manifes-tations hydrologiques qu’en les replaçant dans uncadre plus vaste, constitué par un tissu complexesd’interdépendances englobant aussi bien des phéno-mènes naturels que des activités humaines étroite-ment commandées par des types d’organisationsocio-économique et par un patrimoine naturel.

2 Dans un tel contexte de marginalité naturelle et éco-nomique, des questions privilégiées se posent, à sa-voir : l’existence effective de potentialités oasienneset la viabilité actuelle de l’économie oasienne.

3 On peut revenir, pour plus d’informations, à l’étudesur « les khettaras du Tafilalet (Sud-Est marocain): unpatrimoine technique et historique à sauvegarder»,Ben Brahim. M. UNESCO-MAB Maroc.2001. 85p.

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une vision prospective de développementdurable du patrimoine hydraulique des pal-meraies du Tafilalet.

Approche historique des khettara du Tafilalet.

La khettara n’est pas une originalité filalien-ne. L’histoire nous apprend que les Assy-riens et les Perses la connaissaient depuisbien longtemps (plus de trois mille ans) etque les Romains l’ont utilisé en syrie. Cesystème est connu sous le nom de «ghanatou qanat» en Iran. On le retrouve égalementau Proche-Orient, en Afghanistan, en chine,au Japon, en deux ou trois endroits d’Amé-rique Latine et en Espagne.

La technique des khettara avait tôt attiré l’at-tention des chercheurs et sa réussite conti-nue aujourd’hui encore à faire l’admirationdes observateurs, mais le volume des écritsqui y sont consacrés reste encore insignifiantet moins documenté : les publications qui luiont été consacrées ne tiennent en effet aucuncompte des acquis de la recherche antérieu-rement menée sur ce système hydrauliqueoriginal dans d’autres lieux géographiquesdu Monde4. Mises à part celles de J. Margat,1962 qui les traite au point de vue de l’hy-drogéologie et P. Pascon, 1977 dans leHaouz de Marrakech qui a approché la ques-tion dans ses implications géographiques lo-cales (relations sociales, évolution desmodes de faire-valoir, mobilité des popula-tions, etc.), aucune étude ou analyse compa-rative n’est encore faite sur les khettaras du

4 Une riche bibliographie existe actuellement sur laquestion des galeries drainantes souterraines et desmonographies sont de plus en plus produites, maisrares sont les analyses comparatives. Cependant, tou-tes ces études posent encore des problèmes de géo-graphie historique qui sont loin d’être encore résolus.

Maroc. C’est là un projet d’étude à définir.

L’origine des khettarass est très ancienne,mais encore controversée. Les chroniqueurs,voyageurs et géographes arabes qui ont dé-crit le Tafilalet au XIe. ou au XVIe Siècle nementionnent pas l’existence de khettaras. Ilest possible, comme le pense F.Gauthier(1964), que celles-ci aient été introduites auTafilalet par les Zénètes qui ont fortementcontribué à répandre dans les régions saha-riennes les techniques d’irrigation en vi-gueur dans l’Afrique romaine. Dans cettehypothèse, les premières khettaras du Tafi-lalet pourraient remonter au VIIe siècle.

Selon les traditions locales, la plupart deskhettaras du Tafilalet ne serait pas si ancien-nes ; leur technique aurait été importée pardes spécialistes du Todgha, à l’Ouest. Lespremières traces de creusement de galeriesdrainantes de type khettara dans le Tafilalet,précisément documentées, remontent auXVI et XVIIe siècle (Oulad Youssef et Han-nabou). Celles de Siffa dateraient du XVIIIesiècle (1730), et enfin la plus récente dateraitdu règne de Moulay El Hassan premier(XXe siècle).

Du point de vue géolinguistique, l’usage dumot khettara semble s’arrêter au niveau duTafilalet, remplacé par le mot «foggara»dans les oasis de l’Est (Boudenib, Figuig) etjusqu’au Sahara algérien (Touat, Gourara,Tidikelt…). Cette limite géographique dumot khettara est au demeurant très curieuseet pose un ensemble de questions qui se ré-sument à l’origine de l’introduction de latechnique elle-même. On peut se demander,au vue de l’ancienneté de la technique àl’Est (Sahara) plutôt qu’à l’Ouest, si leterme de foggara n’a pas subi une altérationprogressive après l’introduction de la khetta-ra5. Les échanges interculturels entre le Tafi-lalet ou Royaume de Sijilmassa et le Sahara

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sont toutefois évidentes mais n’ont pas faitétat de recherches poussées pour permettrede se prononcer sur les influences réci-proques. Peut-on toutefois y voir à ce proposune coïncidence avec la division géolinguis-tique de la région à l’époque considérée : àl’Est une influence Zénète marquée (Lewiki,1983)6 et à l’Ouest les Sanhadja en coursd’installation ou bien une coïncidence géo-politique de l’aire d’extension du pouvoir al-moravide, auquel est souvent relatée l’intro-duction de la technique khettara au Maroc(Colin, 1932, Idrissi, 1154), et donc au Tafi-lalet, après son importation d’Andalousie auXIe siècle?7 L’interprétation de ces faits pré-sente des difficultés qu’il faudrait surmonterun jour par des études archéologiques et his-toriques spécifiques.

Selon Xavier de PLANHOL, 1992, le termede khettara peut ainsi avoir été introduit àMarrakech, premier lieu de citation auMaroc, soit directement en provenance de lapéninsule ibérique, soit par l’intermédiairede la vallée de Draa, au Sud du Haut-Atlas ;

cette dernière éventualité paraît plus plausi-ble dans la mesure où l’on sait que les puisa-tiers des galeries drainantes de Marrakech etdu Tafilalet sont essentiellement originairesde cette région.

Ne faudrait-il pas sans doute se résigner àignorer les détails des transferts et des itiné-raires à l’intérieur de la phase de développe-ment des galeries drainantes qui remonte àl’époque islamique, où les brassages deshommes et des choses étaient intenses etmultiples ?

L’absence de datations ou de textes de réfé-rence8 a longtemps laissé prévaloir une cor-rélation établie de manière étroite avec lepostulat qui consistait à ce que le gouverne-ment impérial de l’époque (Almohade) asuscité la diffusion de la technique dans denombreuses régions de l’empire. C’est là unprojet d’étude qui impose la collaborationde disciplines diverses et connexes (géogra-phie, histoire, linguistiques, archéologie,agronomie, etc.), dans la mesure où la khet-tara est considérée comme un «système».

Le cadre géographique du Tafilalet:contexte des khettara

La plaine du Tafilalet proprement dite (telleque la conçoit cette étude) est la vallée com-mune des cours d’eau des montagnes duHaut-Atlas : Ziz et Ghriss, dont le centre estoccupé par les palmeraies du Tizimi et du

4

5 En fait, il est très curieux de constater que l’utilisationdu terme khettara dans le sud-est marocain s’arrête auTafilalet. Plus à l’Est, dans le pays de la Saoura, com-prenant les régions de Boudenib, Bouanane, et Fi-guig, c’est plutôt le mot Foggara qui est usité. Enmême temps, les marques de l’imprégnation culturel-le andalouse qu’on observe dans beaucoup d’aspects(musique, architecture…) s’arrêtent à cette limite.Est-ce là une pure coïncidence ou bien un fait histo-rique bien réel ?

6 Cet auteur insiste sur l’expérience des tribus Zénètes(sahariens) dans la construction des puits, et l’apportdes anciens libyens dans la construction des khettarasau sud de Tripolis, plus à l’est du Sahara. L’originesaharienne de la technique est toutefois partagée parde nombreux auteurs.

7 Deverdun, 1912, conteste les thèses précédentes et as-signe une importance décisive aux apports de la phasearabo-islamique dans l’expansion de la technique desgaleries drainantes dans tout l’Extrême ouest musul-man, et notamment en Espagne où toutes les donnéesconvergent à en rapporter l’introduction et la diffu-sion aux conquérants arabo-berbères.

8 Les textes littéraires ou même parfois d’historiens del’époque reste d’ailleurs d’une pertinence contesta-ble. On peut effectivement remarquer que la complé-mentarité souvent invoquée entre « données littéraires» et « données archéologiques » est souvent illusoire,puisque les khettaras n’ont donné lieu à aucune data-tion archéologique intrinsèque ; on ne peut donc ré-soudre toutes les interrogations par la citation répétéede quelques historiens ou poètes par exemple.

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Tafilalet s.s. (Fig. 1a) ; elle s’étend sur prèsde 700 km2 . C’est la palmeraie la plus vastede tout le Maghreb. Au sens strict du terme,elle désigne la palmeraie qui entoure Rissa-ni (longue de 20 km et large de 15 km). Au-trefois, la province du Tafilalet désignaittoute la région du Sud-Est marocain quil’encadre.

C’est une dépression allongée et ouvertevers le Sud, entourée de reliefs peu élevésmais de structures différenciées, plissés ettabulaires (Fig. 1b), dont les produits d’éro-sion ont participé au cours du Quaternaire àson remplissage. La succession de phases decreusement et de comblement au cours decette période et la variété des sédiments dé-posés ont rendu la morphologie de la dépres-sion souvent complexe localement, et créédes conditions particulières de circulationdes eaux suivant le potentiel de perméabilitéde ces sédiments.

Le climat de la plaine du Tafilalet n’échappepas à la rigueur du contexte géographique etde circulation atmosphérique du Sud maro-cain, dont l’aridité est le caractère omnipré-sent. Elle reçoit en moyenne 50 mm de pluieannuellement, soit 4 fois moins que la quan-tité en deçà de laquelle toute culture perma-nente est aléatoire. Les précipitations n’ontlieu qu’en automne et au printemps et tom-bent souvent sous forme d’averses rapides etbrutales qui, tout en ravinant le sol, provo-quent des crues que les oasiens s’empressentde mettre à profit, quand elles ne sont pasassez fortes pour emporter les maigreschamps qui s’étalent le long des oueds, oules couvrir d’alluvions caillouteux stériles.L’ouverture de la plaine sur le domaine sa-harien vers le Sud permet aux températuresd’été d’atteindre des maxima de 50°C ; c’estune des régions les plus chaudes du Maroc.L’évapotranspiration atteint un total d’envi-ron 1159 mm/an. Les vents dominants : «

chergui » du NE et «sahel» du SW sont trèsdesséchants pour les cultures ; toutefois,l’oasis crée un microclimat qui tempèrecette situation de sécheresse. L’eau d’irriga-tion et la strate arborée rendent l’environne-ment au niveau du sol plus humide, entraî-nant des températures plus basses. Cemicroclimat est traduit par une verdure per-manente qui découle de la multiplicité desarbres et des cultures : le palmier dattier est,certes, l’arbre le plus typique et de providen-ce puisqu’il assurait la base de la nourrituredes populations oasiennes, mais d’autres ar-bres sont présents à des degrés divers d’ex-tension et demeurent généralement acces-soires tels que l’olivier, le grenadier et l’a-bricotier. Les cultures annuelles sont variées: des céréales, des légumineuses et des four-ragères ; ces dernières induisent ainsi la pré-sence d’un élevage bovin et ovin qui est faitle plus souvent à l’intérieur des habitations(qsour)9.

L’histoire du peuplement du Tafilalet, tellequ’elle est relatée par les historiens et leschroniqueurs peut être vue comme une alter-nance continuelle entre des phases d’isole-ment relatif et des phases d’intenses contactsextérieurs10. Cette alternance semble résul-ter, moins d’un choix délibéré des popula-tions, que d’une convoitise périodique degroupes de pouvoir au site stratégique de Si-jilmassa, et parfois aux fluctuations de laconjoncture politique du pouvoir central

5

9 Au singulier: qsar, qui désigne un village fortifié ca-ractérisant l’habitat des oasis du Sud marocain. Ilconstitue une adaptation à plus d’un titre aux condi-tions défavorables du milieu, à l’étroitesse des possi-bilités économiques et aux rapports de tensions socia-les qui ont sont les conséquences. En 1950, on dé-nombrait 200 qsar qui concentraient une populationd’environ 250.000 h (Margat, 1962), aujourd’hui seu-lement quelques 80 qsar sont encore habitables et lapopulation du Tafilalet surpasse les 600.000 h.

10 Une riche bibliographie sur la question peut être sui-vie dans Mezzine. 1987. Le Tafilalet.

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aussi bien au Machrek (Khalifa) qu’auMaghreb (différentes dynasties qui y se sontsuccédées). Cependant, l’origine lointainedu peuplement, avant l’avènement isla-mique, est extrêmement difficile à reconsti-tuer et à dater avec précision, faute de pro-spection archéologiques assez poussées. Cequi est sûr c’est que le Tafilalet, comme l’en-semble du Sud marocain, abritait une popu-lation hétérogène composée de berbères,d’arabes, de juifs et d’esclaves noirs liés auxtraites du Moye Age,plus tard convertis àl’islam, qui vivaient en parfaite symbiosedans le cadre d’un contrat social préétabli. Apartir du XVIIe siècle (1659), la région voits’instaurer graduellement le pouvoir chéri-fien Alaouite, qui constitue l’autorité actuel-le du pays. Au début du XXe siècle, la Tafi-lalet a connu, comme dans tout le Maroc,l’occupation française, qui n’a pas été fran-chement aisée à cause de la résistance trèsvive des populations de la région. Les condi-tions d’existence de ces dernières se sont vumodifiées sinon affectées avec l’intégrationdes oasis à l’économie de marché, qui faitprogressivement disparaître l’économie lo-cale, et l’instauration d’une administrationétrangère à caractère moderne allochtone,qui se maintient inchangée jusqu’à l’indé-pendance, et à nos jours. La société oasiennedu Tafilalet actuelle présente des formes dedifférenciation fort complexes, dont il estdifficile de rendre compte de manière systé-matique et rigoureuse.

La question hydraulique:le procès des khettaras

Une des caractéristiques essentielles del’espace oasien du Tafilalet est l’unité de lacivilisation hydraulique, dont les aspects re-latifs aux technologies d’irrigation s’imbri-quent fonctionnellement aux structures so-ciales et aux manifestations culturelles pré-

valentes. Cette solidarité du technique et dusocio-culturel est d’autant plus importante àsouligner qu’elle permet de comprendre lesens des changements qui s’opèrent actuel-lement dans cet espace.

L’activité agricole est de tout temps indisso-ciable de la maîtrise de l’eau, pour laquelleles habitants se sont ingéniés pour la dériver,la puiser et la répartir d’une façon judicieuseet optimum. Ainsi, les eaux drainées par leZiz et le Ghriss, en provenance du HautAtlas oriental au Nord, gonflées parfois parles crues des oueds locaux, étaient mis à pro-fit en amont par la construction des barragesen terre ou «uggugs» desquels partent descanaux de dérivation ou «seguias» répartis-sant l’eau d’irrigation sur les champs étroits,péniblement construits par les oasiens. Arri-vés dans la plaine, ces oueds sont déjàéprouvés par les séries de ponctions dont ilsont été l’objet en amont. Mais, leur conver-gence dans cette plaine y crée les conditionsde formation d’une nappe phréatique, relati-vement riche au regard des conditionshydro-climatiques locales qui doit cepen-dant l’essentiel de son alimentation aux in-filtrations des eaux superficielles ; l’apportdes précipitations étant plus ou moins nul etles apports latéraux de bordures ne dépas-sent pas 1/5 du total. Cette infiltration résul-te pour une grande part de l’épandage de ceseaux pour l’irrigation : le facteur humainétant finalement prépondérant dans l’ali-mentation de la nappe. On considère ainsicette dernière, à priori, comme un «sous-produit des irrigations»(Margat, 1962). Enconséquence, la nappe est généralement trèssensible aux conditions hydrologiques etatmosphériques superficielles, du fait de sonmode d’alimentation. En même temps, la ré-serve d’eau par unité de surface est si faible,ce qui limite sérieusement l’exploitabilité dela nappe là où la perméabilité du réservoirn’est pas très grande.

6

Page 7: Les Khettaras du Tafilalet

7

300 km

MAURITANIE

Méditerrané

O c é a n

A t l a n t i q u e

7,5 km

Erfoud

Rissani

Figure. 1a. Carte de situation du domaine d’étude

Page 8: Les Khettaras du Tafilalet

L’existence de nappes souterraines dans laplaine a permis le développement de tech-niques diverses pour les exploiter et fournirune ressource d’appoint aux irrigations parles eaux de crue qui restent partout la res-source principale. Les plus simples fontappel à l’énergie humaine : il s’agit de puitsà balanciers dont un contrepoids fixé à l’ex-trémité facilite la manipulation. l’aghrourconsistait à tirer l’eau des puits par un mou-vement répété de l’animal. L’usage de lanoria ou sania est la marque d’un perfec-tionnement technologique: le captage est as-suré par des récipients accrochés à un systè-me de roues pivotantes et actionnées parénergie animale. La khettara (photo. 1) est latechnique d’acquisition de l’eau la plus in-génieuse et la plus performante. Il s’agit en

fait d’une galerie drainante qui permettentde capter l’eau des sources souterraines et dela ramener à la surface du sol Enfin, unetechnique moderne concerne le pompagepar stations collectives ou individuelles. Larépartition de ces systèmes d’exploitationest assez inégale et irrégulière dans la plainedu Tafilalet. La coexistence ou le relais deces différents systèmes d’exhaure est attestépar les historiens, mais il n’en reste pasmoins que pendant près de quatre siècles leskhettaras ont occupé une place importantedans le Tafilalet et y demeurent encore, mal-gré les contraintes du milieu.

Principe et fonctionnement des khettaras du Tafilalet.

La khettara est un ouvrage hydrauliquecomplexe qui réalise à la fois le captage etl’adduction d’eau de la nappe souterraine aumoyen d’un système de galeries drainantes,dont la pente est plus faible que celle de lanappe et que celle du terrain naturel, qu’elledérive jusqu’au terrain à irriguer ; elle assu-re ainsi un arrosage par gravité (Fig. 2). Elleest ponctuée de puits d’aération, tous les 10

8

A

B

C

Plancher de la nappe

Toit de la nappe

Surface topographique

Palmeraie Puits

Galerie drainanteSubsrat schisteux

Figure. 2 . Schéma de fonctionnement d’une khettara

Photo.1. Vue des khettaras du Tafilalet. (Cliché. J. Margat. 1950)

Page 9: Les Khettaras du Tafilalet

à 20 mètres, seuls visibles de l’extérieur etqui sont indispensables au creusage et àl’entretien de l’ouvrage. (Fig. 2). Cette tech-nique de captage impose un potentiel etfournit un débit variable, ce qui revient àcréer une source artificielle, à l’inverse dupuisage qui impose un flux et fait varier leniveau en conséquence (Margat, 2001). Ellea l’avantage aussi d’utiliser des pentes fai-bles contrairement aux circulations de surfa-ce. C’est là un intérêt majeur en plus desavantages économiques: économie d’éner-gie, meilleure adaptation aux aquifères dis-continus, aucun risque de surexploitation(autorégulation) et une permanence de l’eaupour les besoins agricoles et domestiques.Néanmoins, ce mode de captage est aussi as-sujetti à des contraintes fortes : situation to-pographique, sensibilité au régime naturelde l’aquifère en fonction des aléas d’apport(à l’instar des sources naturelles), durée demise en équilibre dynamique souvent lon-gue et mal comprise, ce qui conduit à des ex-tensions réitérées réduisant la productivitédes ouvrages, difficulté de modulation dudébit, impossibilité d’agir sur la réserve del’aquifère.

Les khettaras du Tafilalet comme celles deMarrakech et du Sahara algérien, représen-tent les systèmes les plus développés en de-hors de l’air Persan. L’ingéniosité du procé-dé réside dans sa conception et son adapta-tion aux conditions de la vie et du climat sa-harien : il supprimait les corvées d’eau épui-santes (exhaure par des procédés pénibles),qui prenaient l’essentiel du temps des habi-tants et assurait un approvisionnement àdébit constant, sans risque de tarir la nappeet en limitant l’évaporation au minimum.Cependant, l’inconvénient de la technique,c’est que ce sont des veines toujours ouver-tes qui drainent en permanence la nappe etl’épuise, qu’on ait besoin de l’eau ou non(comme la nuit ou en hiver). On ne peut pas

obturer la khettara, d’où la nécessité de pré-voir des systèmes de culture qui rentabili-sent l’eau toute l’année.

Mais, tous les sites dans le Tafilalet ne seprêtent pas au creusement et à l’installationde khettaras. Leur concentration est surtoutnotée sur la rive droite de l’oued Ghriss et auNE du Tafilalet (Fig. 3 et 4) où elles ont at-teint un développement considérable : plusde 300 khettaras au début de XX e. sièclepour environ 450 km de galeries. Le recen-sement entrepris au cours de l’année 2000par l’ORMVAT montre que le nombre dekhettaras en fonctionnement dans le Tafila-let est de 150, réparties comme suit :

Fezna-Jorf-Hannabou : 59 soit 39% de l’en-semble. Le secteur de Hannabou compte àlui seul 14 khettaras qui sont comprises dansle domaine investi par l’étude;Siffa : 34, soit 22,6 % ;Oulad Zohra-Oulad Youssef : 24, soit 16%;Rissani-Taouss :33, soit 22%. Ce secteur estplus ou moins en dehors du domaine d’étude; les rares khettaras qui y font partie sont dedébit très faible et souvent plus concentrées.

Aujourd’hui, le nombre réel des khettarasen service, le rôle exact qu’ils jouent dansl’irrigation ainsi que leur répartition géogra-phique précise à l’intérieur de la plaine sontmal connus11. D’anciennes palmeraies àkhettara ne survivent aujourd’hui que grâceà une irrigation par puits

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11 L’état des connaissances sur l’utilisation de l’eau estencore beaucoup moins avancé que celui concernantles ressources. Les raisons de cette situation sont mul-tiples : il est particulièrement difficile de recenserl’ensemble des intervenants et d’estimer les prélève-ments qu’ils opèrent ; les modes de prélèvement sontvariables et les prélèvements eux-mêmes varient dansle temps au cours d’une année à l’autre. Une autresource importante d’imprécision est celle relative auxvolumes d’eau effectivement consommés par rapportà ceux qui retournent dans le système

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Figure 3: Carte schématique montrant les secteurs irrigués par khattara

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khettara Population Ayants Longueur Débit/ Débit/ Débit Année droit /km 1960 1985 2000 de tarissement

Zanouhia 730 70 9.7 – 2000

Souihla 600 109 11.3 – 1986

Souihla 550 80 14.5 8.0 –

Aïssaouia 520 90 11.3 2.0 1988

Saidia 190 100 11.3 4.0 –

Kdima 1100 60 11.3 14 30 50 1968

Jdida 550 182 11.3 – 9 – 1993

Sadguia 590 90 9.7 – – – 1943

Karmia 390 60 10.1 – – – 1968

AL 420 145 12.9 – – 7.3 –Aïssaouia

Lambarkia 350 100 12.9 10.0 –

Jdida Djajia 180 30 11.3 – 1968

Lambarkia 420 60 11.6 12.5 1990

El Ghanmia 1050 50 11.3 7 – 50.0 1972

Rozia 370 141 8.0 10 – – 1999

Lahloua 210 173 11.3 6.0 –

Lazizia 150 40 9.7 20.0 1950

Namoussia 50 30 3.2 – 1950

Melha 80 36 8.0 – 1930

Kdima 150 36 12.9 10 – 8.20 –

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Les variations de débit des khettara sont im-portantes et c’est là au demeurant un phéno-mène bien connu des filalis. En raison de l’i-négale perméabilité du matériel encaissantet aussi du caractère local ou non du niveauaquifère drainé, la variabilité saisonnière dudébit des khettaras est très inégale. Les plusaffectées sont celles qui drainent une nappelocale peu profonde, de faible volume et quiest surmontée par une série détritique très

perméable. En pareil cas il arrive même quel’écoulement soit intermittent, l’assèche-ment temporaire pouvant n’être qu’occa-sionnel comme sur les khettaras du NE deTafilalet (Oulad Youssef-Tanjouit), ou aucontraire récurrent comme à Mezguida et Ti-zimi où la khettara est à sec chaque annéependant 4 à 5 mois. En l’absence d’étude spécifique, il est im-possible d’apprécier l’ampleur exacte des

khettara Population Ayants Longueur Débit/ Débit/ Débit Année droit /km 1960 1985 2000 de tarissement

Jdida 30 60 14.5 7 7.0 –

Kdima 200 60 1.9 15 – 5.0 –

Jdida 350 100 12.9 14 – 3.5 –

Bahmania 180 90 9.7 – _

Khtitira 720 50 11.3 14 – 10.0 –

Sayad 750 40 12.9 4.0 –

Fougania 650 120 12.2 18 – 8.0 1974

Oustania 520 60 12.0 12 5.0 1974

Lakdima 480 120 12.2 14 – 3.8 1985

Lamdinia 380 120 11.8 2 – – 1970

Lagrinia 580 20 12.2 3.10 –

Laalaouia 500 130 11.3 6 – 5.0 –

Mostafia 440 120 12.0 9 – 2.5 –

Alomaria 100 40 12.2 3 – – 1950

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Tableu 1 – Evolution du débit et tarissement des khettaras de la rive droite du Ghriss (secteur Hannabou-Sifa) au coursdes années 1960-1985-2000, (ORMVATF. 2001).

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fluctuations saisonnière des débits des khet-taras. Une chose est sûre : c’est toujours enfin de saison sèche, à la fin de l’été et enautomne, que sont enregistrés les débits lesplus faibles. Le phénomène s’amplifie enco-re lors des années sèches qui, faut-il le rap-peler, font ici partie de la normalité clima-tique. En 1981-82, année de sécheresse gra-vissime, le débit globale des khettaras duTafilalet s.s et celles de Siffa-Oulad Yous-sef, pour ne citer que les extrêmes, ont accu-sé une baisse de 80 % pour les plus impor-tantes avant cet événement, et un tarisse-ment définitif pour les autres. A Jorf et Han-nabou, des travaux d’approfondissement dequelques khettaras, ont permis, plus oumoins, de sauver un certain débit pour lesterrains d’irrigation. Reste qu’une majoritéde khettaras de ces derniers secteurs ontsubi une baisse de débit de 75% en moyen-ne, et parfois de plus de 85 %. Celles qui sesont asséchées complètement (Tabl.1), ontentraîné la désertion des qsur. Cette évolu-tion catastrophique ne pouvant être mise aucompte d’une surexploitation de la nappe,c’est bien la conjoncture pluviométriquedésastreuse. Ce phénomène est semble-il ac-tuellement récurrent, puisqu’on a constatédepuis 1998 un net déficit pluviométriquedans tout le bassin hydrographique (Ziz-Ghriss).

C’est dire que l’on peut envisager une ex-ploitation à débit très favorable saisonnière-ment et s’adapter éventuellement à une de-mande elle-même très variable. Néanmoins,les ressources potentielles de la nappe,considérées globalement, sont assez lentes sion n’augmente pas les apports ou si on ne di-minue pas l’évapotranspiration ; la possibili-té d’élever le volume du bilan hydrique sansdéséquilibrer est la condition de base de toutaccroissement durable des ressources poten-tielles en eau souterraine.

La construction d’une khettara

En règle générale, la khettara se construitd’aval vers l’amont comme cela est de règlepresque partout où la technique a été prati-quée. Elle débute par une tranchée dont lacote de départ est celle du terrain à irriguer,puis se poursuit par une galerie dès que letravail en tranchée devient moins avanta-geux. L’avancement se fait ainsi : à la distan-ce adoptée pour l’espacement des puits, unpuits est foré jusqu’à l’eau en amont de latête de la galerie, puis deux ouvriers, tra-vaillant ensemble à la rencontre l’un de l’au-tre respectivement à partir du nouveau puitset de la galerie. La pente minimale (de 5 à 6mm/m environ) est déterminée en terrainsec. Cette faible pente est insuffisante pourassurer, compte tenu de l’irrégularité dufond de la galerie et des parois, une circula-tion des eaux assez rapide pour entraîner lesmatériaux étrangers et évite l’ensablement.Il s’ensuit que les khettaras non régulière-ment curées s’ensablent rapidement.

Les travaux de prolongation des khettarassont effectués par des spécialistes «M’alamkhtatria» qui viennent principalement deTodgha et Draa plus à l’Ouest du Tafilalet,mais ils s’en trouvent aussi à Hannabou et àMezguida, au Tafilalet. Ils sont payés à latache : en 1960, date des dernières khettaraprolongées dans le Tafilalet, le mètre linéai-re de galerie valait entre 2500 et 5000 francset le mètre linéaire de puits aux environs de1000 à 2000 francs. Une khettara de profon-deur moyenne revenait à l’époque considé-rée à environ 4-5 millions de francs (Margat,1962). Ainsi, toutes choses égales par ail-leurs, la vitesse de creusement de la galerievarie-t-elle pratiquement du simple au dou-ble selon qu’il s’agit de la partie avale ouamont de la khettara et selon que le matérieltraversé est limoneux ou caillouteux. Lamain-d’œuvre requise pour les travaux de

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Page 14: Les Khettaras du Tafilalet

construction varie elle aussi en fonction desdonnées particulières de chaque terrain.

Les instruments de construction d’une khet-tara sont très simples : la poulie et le treuilsont les instruments de base de tout travail;leur fonction consiste à remonter les déblaisprovenant du creusement ou de curage,grâce à une corde à l’extrémité de laquellepeut être accroché un sceau (dlou) que faittourner un ouvrier en surface ou que tire unanimal ou des ouvriers (photo. 2). Enfin, lepic et le couffin sont les seuls instrumentsutilisés par les ouvriers foreurs dans la gale-rie.

En profondeur, le travail s’organise autourdu M’alam khtatri ou bien le chef de chan-tier comme on peut le désigner aussi. Lorsde la construction, c’est lui qui détermine ladirection et les dimensions de la future gale-rie et qui la creuse au pic ainsi que la totalitédes puits d’évent. Il est assisté dans son tra-vail par un ou deux ouvriers. Ces différentesfonctions requièrent à l’évidence un inégalsavoir-faire. La réalisation et l’entretien deskhettaras représentent des taches excessive-ment pénibles et plus dangereuses, comptetenu des risques d’éboulement. Les khetta-ras ne peuvent perdurer indéfiniment : ladifficulté d’entretenir ou de prolonger lesgaleries à partir d’une certaine profondeur etles sécheresses récurrentes les condamnentle plus souvent à l’abandon.

On se rend donc compte que la prolongationd’une khettara est une opération de plus enplus coûteuse. Ce n’était pas le cas autrefois,non pas tant parce que la main d’œuvre ser-vile ne coûtait rien comme on se plait à le ré-péter, que parce que les khettaras étaientalors beaucoup plus courtes. L’améliorationdes khettaras les plus longues sont les plusgrevées de frais.

Le creusement des khettaras dans le Tafila-let n’est plus praticable aujourd’hui, les

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photo – 3

photo – 2

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seuls travaux qui lui sont consacrés consis-tent en des curages et des revêtements par-tiels, souvent des parties aériennes de l’ap-pareil : seguia de drainage à l’aval (photo. 3)et des puits qui sont les vecteurs et les lieuxde dépôts de sables et d’infiltration despluies ravinantes (éboulement). Aujourd’-hui, les M’alam khtatria et leurs confrèresouvriers sont tous âgés ou disparus et,comme d’autres métiers traditionnels desoasis, celui de khtatri est menacé de dispari-tion, ce qui pose directement le problème deconservation de ce patrimoine.

Les impressionnants réseaux de khettarascomme ceux de Siffa, qui nous apparaissentremarquables par le travail considérablequ’ils représentent, ne résultent cependantpas d’un plan ni d’une organisation d’en-semble. Ils sont le fruit d’un travail empi-rique et opiniâtre, suivant une technique in-changée durant des siècles et ils ont nécessi-té un effort qui alla croissant pour un résultatde plus en plus faible.

Le partage de l’eau

Le mode connu de partage de l’eau d’irriga-tion dans le Tafilalet est celui en temps, à ladifférence de ce que l’on observe sur les fog-garas du Sahara algérien ou celles de l’oasisde Figuig à l’est du Maroc, par exemple, oùle mode d’irrigation est celui en volume. Leskhettara du Tafilalet sont des «khettara ho-raires» dont la totalité du débit est mise suc-cessivement à la disposition des irriguantsselon une périodicité qui varie d’une khetta-ra à l’autre.

La répartition de l’eau est assurée entre lespropriétaires, par tours d’eau, sous le contrô-le du cheikh khettara ou Amghar qui joue lerôle d’aiguadier communautaire. Il est élupour six mois par la «Jmaa», forme de

conseil de propriétaires, qui règle la distri-bution de l’eau, veille à l’entretien et arbitreles contestations. Le temps de disposition dudébit d’une khettara est évalué en ferdia ounouba c’est-à-dire en tranche de douze heu-res d’irrigation (unité de tours d’eau: unekhettara de 32 ferdias correspond à un tourd’eau de 16 jours). Une ferdia ne correspondpas à un même volume d’eau suivant chaquekhettara.

Cependant, une des complications dans lesystème de partage des eaux est fréquem-ment introduite par l’alternance diurne etnocturne des prises d’eau successives d’unmême usager. L’écoulement d’une khettarase faisant de manière continue, il est en effetindispensable de procéder à des irrigationsnocturnes. Celles-ci constituent pour le fila-li une contrainte pénible ; elles présentent enrevanche l’avantage d’une grande efficacitépuisque les pertes d’eau par évaporationsont alors considérablement diminuées parrapport aux arrosages diurnes. La permuta-tion des tours d’eau individuels entre le jouret la nuit permet de partager entre tous lesusagers cette sujétion comme cet avantage.Elle exprime donc un réel esprit égalitaire ausein de la communauté oasienne et une orga-nisation sociale particulière. L’importancede l’aspect communautaire dans la vie socia-le dans le Tafilalet témoigne de la puissancedes besoins qui le sous-tendaient et consti-tue une forme d’adaptation à des conditionsprécaires du milieu.

A qui appartiennent les khettara:aspects juridiques

Dans le Tafilalet, les khettara sont presquetoujours une propriété privée (melk); ellespeuvent avoir un ou plusieurs propriétaires.Elles font donc l’objet de transactions (venteou location) et se transmettent par héritage.

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Du point de vue du régime de propriété deseaux, deux catégories de khettaras ont puêtre distinguées (Margat, 1962) :

● dans certaines khettara, l’eau n’est paslié au terrain, et elle fait l’objet de trans-action séparées, tout comme les eaux derésurgences ; ce cas se produit par exem-ple lorsqu’une nouvelle khettara estconstruite. Le partage de l’eau se faitentre ceux qui ont contribué à la con-struction de la khettara, au prorata dutravail fourni et non du terrain possédépar chacun, c’est-à-dire des ayants droit;

● en d’autres cas, l’eau est indivise du ter-rain, chaque parcelle ayant droit à unequantité d’eau fixée. Les deux biens nepeuvent faire l’objet de transactions sé-parées, la cession d’un parcelle entraî-nant celle de l’eau correspondante. Dansce cas, les propriétaires de la khettarasont nécessairement ceux du périmètrequ’elle irrigue.

Juridiquement, les eaux des khettaras et despuits font partie du domaine public, mais lesdroits d’usage de ces eaux peuvent être

considérés comme ayant été acquis antérieu-rement à l’établissement de la législation ac-tuelle (dahirs du 1er juillet 1914 et du 8 no-vembre 1919 incorporant toutes les eauxsuperficielles et souterraines au domainepublic), bien qu’en fait certains ouvragesaient été construits ultérieurement ; ils sontdonc sauvegardés12.

Réglementation

Lorsqu’une khettara est isolée, elle peut êtreprolongée sans limitation. Les têtes deskhettaras se trouvant souvent en dehors deslimites de la fraction irriguée ; de très an-ciens accords existent entre les fractions.Une réglementation précise intervient dansle cas des réseaux de khettaras nombreuses,serrées et exploitant la même nappe, commeau Sifa.

Le prolongement d’une khettara vers l’a-mont ou le creusement d’une nouvelle khet-tara sont interdits sans un accord unanimedes propriétaires. Les khettaras ne peuventnon plus être développées au voisinage depuits d’irrigation. La distance minimaleentre deux khettaras est également fixée parl’usage.

Chaque khettara est protégée par le droitd’emprise, le tarik (sentier ou chemin) dontla largeur semble d’autant pus grande que lakhettara est moins profonde. A l’origine,cette largeur est de l’ordre de quatre à cinqfois la profondeur de la khettara. Le respectde ces règles avait pour conséquence unetrès grande extension des zones d’emprise,où l’irrigation est traditionnellement interdi-te.

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12 La législation qui soumet à autorisation par le Minis-tère des Travaux Publics, tout prélèvement d’eau sou-terraine supérieure à 200 m3 par jour, n’est pas et n’ajamais été appliquée au Tafilalet ni dans le cas deskhettaras dépassant ce débit, ni dans le cas des sta-tions de pompage modernes. La sécheresse sévère dela décennie 1980 a consolidé la prise de consciencenationale sur le caractère crucial et stratégique de lagestion de l’eau pour le développement du pays et surune refonte du cadre institutionnel de la gestion del’eau. Une nouvelle loi est adoptée en 1995 (loi10/95) qui regroupe un ensemble d’instruments juri-diques novateurs permettant une meilleure gestion del’eau, mais qui réitère les droits d’eau traditionnelsdont la propriété est sensé être juridiquement déjà éta-blie ou reconnue par la procédure appropriée. Le plusnovateur de ces instruments est la décentralisation dela gestion de l’eau qui s’inscrit dans le cadre de la po-litique de régionalisation engagée par le pays, qui faitde la Région le moteur et le catalyseur du développe-ment socio-économique.

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L’organisation sociale des oasis à khettara

Les rapports entre les éléments constitutifsde la société filali sont marqués par desconflits d’intérêts et des tensions autour dela ressource eau qui sont devenus une com-posante à part entière dans l’histoire socialedes oasis du Tafilalet. Ces tensions ont uneforte composante socio-culturelle résultantde différentes perceptions de la valeur de lapropriété (terre et eau). Les khettarascomme les seguia du Tafilalet portent ainsides cicatrices qui y ont laissées les passionsindividuelles. Elles transparaissent toutefoisdans la stratification sociale ayant sévi ausein de «l’unité politique fondamentale»qu’est le qsar (Mezzine, 1987).

A la base de la stratification on trouvait lesHaratin, population noire affranchie, dont lenombre et le statut diffèrent de ceux des es-claves. Elle était régie par les liens de dépen-dance personnelle avec les Hrar, se ratta-chant à un droit de conquête. Ils se tradui-saient par l’existence pour eux de qsur spé-ciaux, d’une indépendance relative et d’unespécialisation dans les travaux agricoles et lecreusement des khettaras, la constructiondes seguias et leur entretien. Cette catégoriede population n’avait pas accès à la proprié-té de la terre et de l’eau.

Au dessus des Haratin on trouvait les Hrar:population de race blanche, composée deBerbères et d’Arabes, et constituant la ma-jeure partie de la population des oasis; ilsdétenaient la plupart des terres en y faisaienttravailler les Haratin dans un système pro-che du servage occidental, exploitant ainsileur force de travail sans avoir à partageravec eux les fruits de ce travail13.

Les Mrabtin et les Shurfa, lignages sacrés,occupaient le sommet de la hiérarchie socia-

le. Leur ascendance chérifienne (du Prophè-te), vraie ou présumée, leur conféraient unstatut d’inviolabilité qui en faisait un élé-ment capital dans un milieu où les relationssont dominées par la violence entre les diffé-rents qsur, ou entre les qsur et les nomades.Cela se traduisait par des dons faits par lesgens des tribus au bénéfice de ces lignagessacrés et leur assuraient, par voix de consé-quence, une aisance matérielle nécessaire àla fonction sociale qui leur était dévolue.

De nos jours, cet ordre social est fréquem-ment présenté comme figé, anachronique etincapable de s’adapter aux exigences de lavie moderne et du «développement». Desréponses appropriées apparaissent et attes-

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13 Ce droit qu’on les Blancs sur les Haratin ne se comp-rend, dans la région du SE marocain, caractérisée parde grandes pressions nomades, que par l’appartenan-ce de l’élément blanc, à l’origine, au monde nomade,et de l’élément noir au monde sédentaire, et par la su-périorité que crée le droit de conquête des oasis par lenomade. Ce phénomène de conquête des oasis par lesnomade, que les chroniqueurs attestent déjà au VIIIèsiècle avec les vagues Zénètes, et dont les Almoravi-des, les Ma’quil et les Ayt Atta donnent l’exempledans les siècles postérieurs, semble constituer selonMezzine (1987) l’élément fondamental de l’histoiredes oasis et la forme de relation caractérisée dans uncontexte de précarité.

14 La part du milieu physique et du choc colonial est unequestion qui a été largement discutée et disputée. Touten montrant les potentialités et les limites du milieuphysique, géographes et historiens soulignent donc lecontraste entre un héritage ancien brillant et une his-toire récente déstructurante. Swearingen (1987) amontré à quel point la colonisation avait brisé la cohé-rence des sociétés rurales, pour les assujettir à des in-térêts nouveaux et contradictoires : ceux des colons,de l’Etat et des lobbies métropolitains. Les aména-geurs ont surtout mis en évidence le poids des choixtechniques, alors que les sociologues ont fait valoirles ruptures sociétales ; ces derniers ont montré à quelpoint la préférence coloniale pour les grands aména-gements a constitué un rouleau compresseur pour l’-héritage technique et sociétal antérieur (Pérennès,1993). Ce type d’analyse est communément reprispour expliquer le blocage actuel de l’intensificationpar l’emprise toujours réelle de l’Impérialisme, etplus récemment la mondialisation.

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tent d’une complexité importante14. La maî-trise de l’eau échappe de plus en plus auxpopulations des palmeraies. Les qsur écla-tent (atomisation), perdant leur autonomie ;de nouveaux processus de différenciationssociales apparaissent et la population subis-sant de plus en pus les effets de l’économiemonétaire. La notion classique de terroir nesuffit plus de rendre compte de l’organisa-tion de l’espace. La communauté rurale estdissociée entre plusieurs pôles d’activitésdans le terroir même et au-delà, par les mi-grations, à la recherche d’autres moyens desubsistance. La situation actuelle du Tafila-let présente un caractère de repli, de (crise ?)qui se manifeste de diverses façons.

L’impact de la réforme hydro-agricolesur les khettara

Les recherches menées dans le Tafilaletmontrent que les habitants lient les transfor-mations survenues dans leur vie à l’impactde la construction du barrage Hassan Edda-khil sur l’oued Ziz en 1965. En effet, Le Ta-filalet n’a pas connu de crues depuis sa miseen place et l’alimentation des nappes à khet-taras s’en est trouvé affectée d’une manièretrès sensible. S’y ajoutent aussi les fluctua-tions importantes des précipitations et lessécheresses répétées dans la région, provo-quant de grandes variations dans les nappesau cours des deux dernières décennies duXXe siècle. D’un autre côté, les usages ur-bains de l’eau, sous l’effet de la croissancedes villes le long des vallées de l’oued Ziz etl’oued Ghriss, étouffent de plus en plus lesfins agricoles plus à l’aval, dans le Tafilalet.Mais, bien que les effets de l’assèchementsoient lents, ils sont cumulatifs et beaucoupsoulignent le dépérissement et la disparitiondu palmier dattier dans la région au manqued’eau dans les nappes proches de la surfaceet au tarissement des khettaras.

En somme, la construction du barrage etl’extension des stations de pompage ont pro-voqué une réduction dans les recharges na-turelles des nappes phréatiques, conduisantinéluctablement au tarissement de plusieurskhettaras. La substitution de la moto pompefamiliale à la khettara lignagère n’est passeulement une mutation technologique maiselle est aussi l’expression d’une mutationsociologique qui fait prévaloir l’individu surles structures lignagères traditionnelles. Letracé laissé dans les terroirs du Tafilalet parles khettaras taries et l’activité encore ac-tuelle de celles plus vivantes révèlent le rôlejoué par les nappes phréatiques dans l’amé-nagement des palmeraies

En réponse à cette déficience, les filalis sesont retournés à des procédés de ponctiondes eaux utilisés plusieurs siècles aupara-vant, dont la noria ou sania. Le débit fournitpar cet appareil ne donne guère plus de 300à 400 l/mn. On compte aujourd’hui quelques120 norias actives. Elles constituent, eneffet, un mode de pompage de coût modiqueà la portée de jardiniers peu fortunés. En rai-son de cette qualité, elles ont été adoptéesdans toutes les palmeraies du Tafilalet. Maisles chaînes à godets qu’elles entraînent nepouvant excéder une certaine longueur, il ar-rive que le niveau de stabilisation de l’eau nepuisse plus être atteint par ce procédé. L’ap-pareil ne se prête pas non plus à l’exploita-tion d’un puits de petit diamètre comme unpuits tubé.

Le Tafilalet apparaît aujourd’hui comme unespace éclaté, réduit à quelques taches depalmeraies séparées par de grandes étenduesstériles et nues où se distinguent encore destraces de puits, des séguias à demi ensabléesou en ruines et des khettaras taries. Seuls lessecteurs régulièrement entretenus résistent àla crise et permettent une alimentation desmarchés locaux en légumes saisonniers ou

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de luzerne. Ils regroupent les palmeraies deFezna, Jorf, Hannabou, connaissant unebonne productivité, régulièrement alimentésen eau par des khettaras mieux alimentées.On y cultive des légumes plus que des céréa-les sous un couvert important de palmiersdattiers. Des arbres fruitiers et des oliviersont été récemment introduits. Malgré desmenaces continues d’ensablement sur leursbordures occidentales, ces petites palme-raies restent l’un des secteurs les plus actifsdu Tafilalet.

La motopompe est largement utilisée dansles palmeraies du Tafilalet et son nombres’est considérablement accru. Aucun recen-sement récent des motopompes ne permet dedire combien sont utilisées aujourd’hui,mais l’augmentation du débit produit traduitleur rôle croissant et leurs répercussions im-portantes tant sur l’état des nappes que sur lasituation économique et sociale, et par delàl’écosystème. Les propriétaires infortunésn’arrivant pas à s’équiper de motopompes,voient au contraire s’amenuiser progressive-ment leur débit d’irrigation. Dans le cas oùle jardinier se permet d’user d’une noria, parexemple, il n’est pas du tout à l’abri de la pé-nurie, puisque son puits se trouvant placédans la zone d’influence d’un puits nouvel-lement équipé d’une pompe, enregistreraune baisse brutale de débit puis un tarisse-ment total. Les têtes de khettara subissentaussi le même sort lorsque ces motopompessont installées à leur amont. Les disparitéssociales existantes ne font ainsi que s’ac-croître à mesure que le pompage devient lemode prépondérant d’alimentation en eaudes oasis.

En conclusion, les systèmes traditionnelsqui étaient efficaces pendant des milliersd’années deviennent désuets en quelques dé-cennies, remplacées par les systèmes de sur-exploitation qui apportent des profits à court

terme pour quelques uns et des dépenses àlong terme pour beaucoup. La non applica-tion prolongée des mesures restrictives estune des causes directes de bouleversementsdurables de l’écosystème filalien. Le filalivit la modernisation qui lui est imposéecomme une destruction de son identité prop-re et une manière de l’intégrer progressive-ment à un mode social qui lui échappera.Face à la dégradation croissante des condi-tions d’irrigation, une recherche de remèdessusceptibles de réparer et de parer les dom-mages existants s’impose

L’urgence de gérer l’ouverture:associer l’ancien et le nouveau

Beaucoup de chercheurs ont vu dans l’aban-don des techniques hydrauliques tradition-nelles une des causes des difficultés présen-tes, de là à préconiser un retour sur ce patri-moine. Bien entendu, il ne s’agit pas que dechoix techniques puisque cela interfère avecla structuration sociale: le choix techniqueest d’abord un produit socio-culturel. «L’hy-draulique traditionnelle assure bien d’autresfonctions que la seule fourniture d’eau ;dans les zones arides, où l’eau est un bienrare et disputé, elle cristallise le fonctionne-ment complexe de la société», écrit P. Pas-con (1983). Cette solidarité du technique etdu socio-culturel est d’autant plus importan-te à souligner qu’elle permet de comprendrele sens des changements qui s’opèrent ac-tuellement dans cet espace. Leur prise encompte est instructive dans tout projet d’a-ménagement et de conservation.

Le monde oasien a été toujours un laboratoi-re de techniques d’irrigation, et les oasiensconstituent une réalité sociale très diversi-fiée à l’image de l’écosystème sur lequel ilsvivent. Mais la diversité de ces techniques etparfois leur extrême ingéniosité masque ce-

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pendant une grande fragilité et leur précari-té.

L’inventaire que nous avons essayé d’établirdans les chapitres précédents montre unbilan plus ou moins accablant. Les khettarastendent à surexploiter les nappes en dépri-mant progressivement leurs réserves. A longterme, leur exploitation est de moins enmoins rémunératrice car elle est grevée parl’entretien d’une galerie adductrice de plusen plus longue et l’obligation de foncer despuits de plus en plus profonds. Mais surtoutle rendement des khettaras est encore abais-sé par des pertes dans les parties adductrices(30 à 50% des débits drainés à l’amont). Ilapparaît aujourd’hui nécessaire d’aborder leproblème de la rentabilité économique de cetype d’équipement, dans un premier temps àl’échelle régionale.

Les ouvrages sont souvent dégradés, voirabandonnés ; leur remise en état et leur en-tretien régulier représenteraient des coûts fi-nanciers que n’autorise pas le produit quel’on peut en attendre: combien de jours/-an/hommes pour maintenir les khettaras duTafilalet d’où l’on peut tirer au mieuxquelques kilos de blé, quelques kilos de dat-tes et de légumes ? Mais, plus grave encore,l’ordre social qu’ils supposent est partout al-téré : l’entretien des khettaras suppose enco-re le servage, voire au moins la présence de«ma’lam khtatri» disponibles. Les jeunes fi-lalis acceptent-ils de renoncer à l’attrait desvilles du Nord et même de l’étranger?

Le savoir-faire traditionnel constitue aumieux un héritage, dont on pourra s’inspirerpour nuancer des solutions nouvelles. Maisce savoir-faire ancestral ne suffit pas àconjurer l’effondrement global de son envi-ronnement. C’est là un défi de changementdans les façons d’intervenir, mais égalementdéfi d’apporter des aides efficaces en matiè-

re de stratégie d’action, d’organisation, denégociation et de gestion : l’état d’esprit estainsi appelé à changer. Les modèles asia-tiques montrent que l’urgence est de gérerl’ouverture, plutôt que de se replier sur l’en-dogène. Ainsi l’urgence est moins de revenirà des solutions révolues que de trouver lesmoyens d’une appropriation croissante detechniques nouvelles. Mais, associer l’an-cien et le nouveau, ne rien rejeter à priori nide son patrimoine, ni des inventions nouvel-les, voilà une tache difficile dans le milieuoasien.

Les techniques hydrauliques modernes per-mettent d’accroître les prélèvements et derépondre aux besoins croissants d’écono-mies plus diversifiées et de populations plusexigeantes. L’application de politiques ou destratégies volontaristes d’aménagement etde conservation est désormais nécessaire, envue de valoriser les acquis antérieurs et défi-nir l’avenir.

Actions de réhabilitation/conservation etdéveloppement local

Evaluer les performances des khettara, par-ticulièrement leurs impacts socio-écono-miques, est un souci aujourd’hui largementpartagé par tous les acteurs sur le terrain, no-tamment les structures d’encadrement éta-tiques et associatives. Mais la réhabilitationdes khettara est complexe, délicate et seheurte à de nombreux problèmes comme lemontre l’expérience de l’Office Régionalede Mise en Valeur Agricole du Tafilalet(ORMVATF).

A partir des années 1970, des programmesd’investissement en aménagement hydro-agricole ont commencé à voir le jour dans larégion, en particulier ceux encadrés parl’Office Régionale de Mise en Valeur Agri-

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cole du Tafilalet (ORMVATF), et orientésvers le développement de la Petite etMoyenne Hydraulique (PMH)15. Parmi cesprogrammes, la réhabilitation des khettarasfigurait parmi les priorités de l’Office, avecun objectif précis celui d’accroître le débitde ces dernière. Il faut dire que la régressiondes débits enregistrée déjà durant la période1930-1936, durant laquelle le débit a atteintson débit le plus bas 180 l/s, a constitué lepoint de départ de cette prise de conscience.Les objectifs arrêtés par l’Office se sontorientés vers :

● L’amélioration des performances dessystèmes traditionnels de mobilisationdes eaux souterraines par l’imperméabi-lisation des parties adductrices ;

● Le développement des techniques d’ép-andage des eaux de crues pour améliorerles conditions de recharge des nappes etpermettre la pérennité de fonctionne-ment des khettaras.

Les interventions ont concerné 52 khettaraset ont permis le revêtement de 82 km, le cu-rage et le profilage de 41 km, soit une lon-gueur totale de 123 km. Le débit des khetta-ras, après cette action a été porté de 450 l/s à900 l/s soit un gain d’environ 14 Mm3 parrapport au volume mobilisé initialement(ORMVATF, 2000). Cette amélioration etles résultats atteints ont initié la programma-tion annuelle de nouvelles interventions surles khettaras.

Ainsi au cours de la période 1973-1985, 72khettaras, dans toute la province du Tafila-

let, ont connu la réhabilitation, les 2/3 si-tuées dans la plaine du Tafilalet, mais cettefois avec la participation des bénéficiaires.

Depuis, l’intervention de l’office touche enmoyenne 10 khettaras par an, intégrées àson programme courant de développementde la PMH. Enfin, à partir de 1995, il inau-gure le Projet de Développement Rural duTafilalet (PDRT) qui comporte entre autresune composante intitulée «sauvegarde deskhettara», dont le financement est assurédans le cadre du prêt direct contracté avec leFIDA et la BID. Ce programme a concerné40 khettaras, portant sur leur curage et leurrevêtement sur 29 km, l’extension sur 3 kmet la couverture de 18 km. Plus récemment,en 2002, une subvention importante a été al-louée à l’Etat marocain par le Japon dans lecadre de la conservation du patrimoine hy-draulique des oasis du sud marocain.

Différentes techniques d’amélioration desperformances des khettaras ont été expéri-mentées et développées par l’Office au coursde ses interventions. Elles avaient moinsl’ambition de viser une quelconque rentabi-lité économique, mais plutôt de résoudre desproblèmes majeurs immédiats (sécheressessuccessives des années 80 qui ont amené àune forte émigration des filalis) qui mena-çaient la survie des oasiens bénéficiaires.

Le premier prototype de galeries «galerienon construite» représente le schéma debase que l’on rencontre encore dans deszones où la lithologie du terrain est telle-ment consolidée et ne représente pas de dan-ger d’éboulement. Une amélioration de ceprototype a concernée le puits qui a connuune construction en maçonnerie, ce qui per-met d’éviter des éboulements de parois oude flancs de galeries lors des crues impor-tantes ou de pluies orageuses. Les interven-tions qui ont suivi ont porté sur l’améliora-

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15 La logique de tels choix est la fois sociale et écono-mique. Les palmeraies du Tafilalet concentrent lesplus fortes densités humaines de la région dont lepoids socio-politique est élevé. Mais, surtout parcequ’elles étaient directement touchées par des projetsde mise en valeur associée à la nouvelle politique hy-draulique des barrages. Les actions hydrauliques en-tamées constituent

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tion des parois qui sont construites en pier-res sèches sans mortier et la couverture de lagalerie faite en feuillets de pierres avec unecouche de pisé superficiel. Une autre amé-lioration à ce type de galerie consiste au re-vêtement du radier par du béton ordinaire.Ce type est généralement utilisé pour leskhettaras collectant les eaux latérales. Maisla nécessité d’amélioration des performan-ces des galeries drainantes a conduit à cher-cher d’autres prototypes plus sophistiqués,qui sont moins répandus et encore du domai-ne de l’expérimentation.

Ces techniques de réhabilitation/conserva-tion des khettaras que l’Office de Mise envaleur Agricole du Tafilalet a essayé de dé-velopper ont localement amélioré les perfor-mances du système de captage des eaux sou-terraines, mais sans pouvoir éliminer leurvulnérabilité aux rabattement de la nappe,puisqu’une partie de la galerie drainante de-vient adductrice avec une efficience plus ré-duite chaque fois que le niveau baisse. Unautre problème, moins apparent à courtterme, consiste dans le développement deconcrétionnement carbonaté au niveau ducanal drainant, construit en béton, favorableà la précipitation chimique du calcaire.

Les actions agronomiques derrière la réhabi-litation des khettara étaient destinées aussi àvaloriser une eau de plus en plus chère, àaugmenter le revenu des agriculteurs et à lesintégrer dans les circuits d’une économie demarché.

Mais le bilan de ces actions s’avèrent mo-destes: entre 1985 et 2000, le taux de réalisa-tion en matière de recouvrement des partiesadductrices des khettaras, maçonnerie desgaleries et des canaux d’écoulement, n’a pasdépassé 30% des prévisions. Le rôle actif ul-térieur des populations de la zone concernéepar ces réhabilitations, qui se résume dans

l’entretien et la maintenance des ouvrages,reste encore moins déterminant Et dans lecas où ces prestations sont assurées, ellessont généralement mal exécutées ce quiconstitue l’origine de perturbations et d’ar-rêt d’écoulement des eaux de galeries liés àplusieurs contraintes physiques. Une des rai-sons de cette situation relève de la complexi-té des structures agraires ; la réforme de cesdernières étant complexe, difficile et risquéesur le plan socio-politique. Pourtant, ce sontces structures agraires qui sont à l’origine deblocages, d’inefficacité et de manque de ren-tabilité. Les lourds investissements consen-tis par l’ORMVATF n’ont pu donc être en-tièrement rentabilisés.

Cependant, si ces résultats sont modestes aupoint de vue économique, elles ne sont pasnégligeables sur le plan social et environne-mental : le maintien de niches de vie et defertilité dans un milieu précaire, la sauvegar-de d’emplois même temporaires et la créa-tion de revenus supplémentaires, quoiquemodestes, demeurent des acquis non négli-geables.

Cette expérience de l’ORMVATF est assezinstructive du point de vue de l’approcheconservatoire, puisqu’elle met en exergue lerôle de l’homme, (aménageur et paysan)dans la réussite ou l’échec du projet. Elle dé-montre plus ou moins leur imparfaiteconnaissance des valeurs intrinsèques deskhettara, c’est-à-dire des produits et servi-ces essentiels qu’elles fournissent au sein del’agrosystème oasien considéré.

Cependant, pour que soient maintenus lesproduits et les services qu’offrent les khetta-ras, les gestionnaires de la ressource eaudoivent partir du principe selon lequel cesystème d’irrigation fait partie intégrante del’agrosystème oasien. Autrement dit, ils doi-vent reconnaître qu’il s’agit d’une technique

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traditionnelle qui a montré au cours des siè-cles passés son adéquation et adaptation aucontexte précaire de l’oasis, que c’est unproduit social, environnemental et écono-mique dont la survivance est à proscrire danstoute action d’aménagement. Cette dernièrepermet non seulement d’assurer la conserva-tion et la gestion des khettaras, la lutte cont-re leur dégradation, mais aussi de tenircompte des préoccupations des populationslocales et de leurs experts-conseils. Or,compte tenu des dimensions des khettaras etles réalités écologiques et socio-écono-miques qui s’y associent, il importe que desintervenants provenant de tous les milieuxparticipent au processus de conservation (re-présentants locaux, institutions techniques,associations, administration, scienti-fiques…). De cette manière, les objectifs ré-gionaux en matière de conservation, de ges-tion durable et d’atténuation de la pauvretéseront jumelés tant aux objectifs locaux qu’àl’élaboration de système de gestion adapta-tifs tenant compte de la situation localement.

Conclusion: appréhender la khettaradans sa géodiversité

Contrairement au procès négativisme sur ledéveloppement des techniques d’irrigationtraditionnelle des oasis, l’étude des khetta-ras du Tafilalet a montré l’existence de cer-tains traits organisationnels « positifs » danscette technique, qui justifient amplementl’approche conservatoire. La vitalité et l’ef-ficacité de ces constituants positifs est attes-tée par leur persistance durant des siècles etle fait qu’elles soient l’objet d’un attache-ment viscéral de la part des communautésconcernées dans leur totalité. La réussite dela technique des khettaras continue aujour-d’hui de faire l’admiration des observateurs«il ne pleut pour ainsi dire jamais au paysdes khettara». Depuis plus de 6 siècles, à

chaque heure, des khettaras soutirent plu-sieurs m3 d’eau souterraine dont le rempla-cement pluviométrique est manifestementimpossible. Elles offrent par ailleurs l’avan-tage de limiter les prélèvements sur de fai-bles ressources hydrauliques, en instaurantun équilibre «fragile» entre ressource et ex-ploitation. Elles assurent aussi la continuitéoasienne et créent une ambiance bioclima-tique (microclimat), favorable à une installa-tion humaine durable et l’exercice d’autresactivités non agricoles. Son rôle écono-mique est vital dans les secteurs où elle estencore débitante et qu’aucune productionagricole ne pouvait se réaliser sans cettetechnique.

Mais, le patrimoine hydraulique que consti-tue la khettaras n’a pas encore suscité toutl’intérêt nécessaire à sa préservation et sasauvegarde, et de ce fait initier les actions deterrain à caractère planifié en vue d’une inté-gration effective des opérations dans le pro-cessus du développement régional. Lemanque d’entretien des khettaras et leurabandon, en plus des causes de leur baissede productivité la condamnent à disparaître.Leur dégradation actuelle, qui semble com-biner des conditions climatiques extrêmes etune mauvaise gestion de la ressource eau,est due à une méconnaissance de la vulnéra-bilité du milieu et à une absence de percep-tion de l’intérêt de la protection et de la pré-servation de la géodiversité, enfin à la mé-connaissance des méthodes de conservation; on sait exploiter mais on ne sait pas proté-ger. D’ailleurs, si on ne peut rien faire pourmodifier les conditions climatiques, on peutau moins réduire le fléau de la détériorationdes éléments du patrimoine hydraulique. Demême, si les faits historiques sont irréversi-bles, ceux liés à la vie de l’homme, à s’avoirles conditions socio-économiques, sont ré-cupérables et curables. Mais, de tout lesmaux qui affectent le patrimoine hydrau-

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lique, et architectural, du domaine oasien,c’est l’abandon humain qui est le plus dou-loureux.

La problématique de changement a été miseen rapport, conceptuellement avec deux ré-férences précises : l’une engageant les oasisà khettara en tant que forme d’adaptationaux conditions précaires du milieu naturel,et l’autre étant de nature socio-économiqueet culturelle plus générales, dont il faut tenircompte dans tout projet de réhabilitation deskhettaras.

La nécessité d’accorder un intérêt aux khet-taras du Tafilalet dans les efforts de déve-loppement régional est aujourd’hui justifiéeà plusieurs titres. Il répond à plusieurs ob-jectifs que se donne la politique nationale àtravers ses réformes: hydro-agricole (pro-motion de la Petite et Moyenne Hydrau-lique), socio-économique et de patrimoine :culturel et historique, gagné par l’accumula-tion de plusieurs siècles d’ingéniosité etd’effort humain. L’urgence d’une interven-tion est donc indiscutable, mais pose laquestion des options à suivre. La réhabilita-tion physique des khettara entamée depuisdeux décennies, dans le cadre de l’aménage-ment hydro-agricole du Tafilalet, a été co-ûteuse financièrement et culturellement, etles résultats sont dans l’ensemble en deçàdes attentes.

L’expérience de l’Office de Mise en ValeurAgricole du Tafilalet (ORMVATF) montreque tout programme autre que celui de réha-bilitation du patrimoine existant est voué àl’échec. En effet, les aménagements hydro-agricoles qu’a connu le Tafilalet ont coûtétrès cher mais ont prouvé toujours leurs li-mites. Il est ainsi plus rentable d’améliorerl’existant plutôt que de le transformer radi-calement. Un certain nombre de traits orga-nisationnels du milieu oasien sont suffisam-

ment structurés et ont démontré leur effi-cience, de sorte qu’il est tout à fait prescritde les maintenir dans tout projet d’aménage-ment, comme il est admirablement vérifiédans le réseau d’irrigation et l’ordre socialassocié, lié aux droits d’eaux. Une chose estd’ailleurs acquise et constitue un atout de cetagrosystème concerne l’organisation socialedes communautés dans leur structure tradi-tionnelle: la J’maa, assez compétente enmatière d’eau.

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