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Les Institutions financières internationales (IFI) ont pris au fil des décennies une importance croissante dans les politiques de développement des pays du Sud et, depuis la chute du mur de Berlin, dans celles des pays de l’Est. Conçues à l’origine pour prévenir les crises monétaires (Fond monétaire international) et financer le développement (Banque Mondiale), elles n’ont pu enrayer l’avènement de crises, et le “développement” qu’elles ont induit pèse lourdement sur les couches les plus vulnérables des populations d’un grand nombre de pays. Les citoyens engagés dans des démarches de solidarité internationale constatent les dégradations sociales dues aux ajustements structurels imposés par les IFI. Partenaires des acteurs du Sud, ils dénoncent avec eux l’évolution de ces institutions qui imposent à l’ensemble du monde une logique économique unique. La dénonciation porte à la fois sur cette conception économique et sur le fait qu’elle soit imposée par des institutions qui prétendent encore aujourd’hui ne pas avoir de vocation “politique”. La première tâche est donc de mettre en lumière le rôle exact des IFI, plus soucieuses d’assurer le remboursement des dettes que le bonheur des peuples. Les campagnes citoyennes successives sur la réforme des IFI ont pointé l’opacité de leur fonctionnement et leurs processus de décision inféodés aux Etats les plus riches. Plusieurs organisations de par le monde estiment d’ailleurs que “50 ans, ça suffit” et qu’il vaudrait mieux en rester là. Le CRID et ses alliés, pour leur part, considèrent qu’aucune institution n’atteindra la perfection. C’est donc par une vigilance active que les citoyens pourront contraindre ces institutions à s’ouvrir et à se démocratiser. Cette publication permettra aux acteurs de la solidarité internationale de mieux comprendre le contexte des actions menées, d’en mesurer l’efficacité et de percevoir le chemin qu’il reste à parcourir. L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É CRID : 14, passage Dubail - 75010 Paris ISSN : en cours - Mars 2002 - Prix : 4,60 QUE FAIRE DU FMI ET DE LA BANQUE MONDIALE ?

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Les Institutions financièresinternationales (IFI) ont prisau fil des décennies uneimportance croissante dans lespolitiques de développementdes pays du Sud et, depuis lachute du mur de Berlin, dans

celles des pays de l’Est. Conçuesà l’origine pour prévenir les crises

monétaires (Fond monétaireinternational) et financer le

développement (Banque Mondiale),elles n’ont pu enrayer l’avènement de

crises, et le “développement” qu’ellesont induit pèse lourdement sur les

couches les plus vulnérables des populationsd’un grand nombre de pays.

Les citoyens engagés dans des démarches desolidarité internationale constatent les dégradations

sociales dues aux ajustements structurels imposés parles IFI. Partenaires des acteurs du Sud, ils dénoncent avec

eux l’évolution de ces institutions qui imposent à l’ensembledu monde une logique économique unique. La dénonciation

porte à la fois sur cette conception économique et sur le fait qu’ellesoit imposée par des institutions qui prétendent encore aujourd’hui ne pas

avoir de vocation “politique”.

La première tâche est donc de mettre en lumière le rôle exact des IFI, plus soucieusesd’assurer le remboursement des dettes que le bonheur des peuples. Les campagnes citoyennessuccessives sur la réforme des IFI ont pointé l’opacité de leur fonctionnement et leursprocessus de décision inféodés aux Etats les plus riches. Plusieurs organisations de par lemonde estiment d’ailleurs que “50 ans, ça suffit” et qu’il vaudrait mieux en rester là.

Le CRID et ses alliés, pour leur part, considèrent qu’aucune institution n’atteindra laperfection. C’est donc par une vigilance active que les citoyens pourront contraindre cesinstitutions à s’ouvrir et à se démocratiser.

Cette publication permettra aux acteurs de la solidarité internationale de mieux comprendrele contexte des actions menées, d’en mesurer l’efficacité et de percevoir le chemin qu’il reste àparcourir.

L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

CRID : 14, passage Dubail - 75010 ParisISSN : en cours - Mars 2002 - Prix : 4,60 €

QUE FAIREDU FMI

ET DE LA BANQUE

MONDIALE ?

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Examinons de plus près cette journée de l’été 1944

qui a vu naître les institutions avec lesquelles nous

nous débattons aujourd’hui. Mille personnes,

délégués de 44 pays, se retrouvent dans cette petite

localité du New Hampshire qui ignorait alors qu’elle

allait devenir célèbre. Harry D. White, responsable

de la délégation américaine, arrive avec son plan

tout bien ficelé : on crée le Fonds monétaire

international (FMI) pour la stabilité monétaire, on

crée la Banque mondiale pour la reconstruction et le

développement, et on donne aux pays la possibilité

d’émettre de la monnaie en fonction de leur stock

d’or et de leur réserve en billets verts. Parité fixe,

donc, entre l’or et le dollar, qui devient une monnaie

internationale.

Il y avait ce jour-là une autre vedette, John M.

Keynes, l’économiste de Cambridge au faîte de sa

gloire après la publication en 1936 de “Théorie

générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie”.

Lui aussi a un plan en poche. Il veut créer une

monnaie internationale, le “bancor”, convertible

dans les différentes monnaies nationales. Pour les

pays débiteurs, sont prévus des prêts en bancors

ainsi que des mesures de bonne conduite. Pour les

pays excédentaires, on prévoit une taxe qui permet

de financer une aide pour les pays en difficulté.

Génie visionnaire, Keynes trouvait logique de mettre

en place des mesures de stabilisation pour les pays

“trop faibles” comme pour les pays “trop forts”...

On connaît la fin de l’histoire. La conférence s’est

bornée à discuter des modalités du plan White et tout

le monde savait que c’était la seule solution pour

avoir accès aux crédits américains. La guerre n’était

pas finie, ce n’était pas le jeune Pierre Mendès-

France qui allait apporter la contradiction. Il était

alors commissaire aux finances du gouvernement

provisoire d’Alger, nommé en 1943 par Charles de

Gaulle. Le plan White partait du traumatisme que le

monde était en train de subir. L’hyper-inflation avait

mené Hitler au pouvoir en Allemagne, il fallait donc

une stabilité monétaire. D’où le FMI. Le libre

échange était vu comme une façon pragmatique

d’éviter la guerre en obligeant toutes les nations à se

parler et se connaître. Même si cette mesure mettait

à mal les zones franc et sterling qui offraient un

privilège aux anciennes puissances coloniales, elle

répondait aux besoins du moment. D’où la Banque

mondiale et d’où l’Organisation des Nations unies

(ONU), quelques mois plus tard.

Le plan White a pris fin lorsque le président

américain Richard Nixon a décidé, le 15 août 1971,

la fin de la convertibilité du dollar en or. Adieu

l’espoir d’un accord mondial, bonjour les changes

flottants et les accords régionaux. L’Euro allait

pouvoir exister 40 ans plus tard. Et le FMI et la

Banque mondiale s’autonomisaient de fait dans leurs

choix politico-économiques.

Au fil des ans, la légitimité historique a disparu et

ces institutions se sont plus ou moins adaptées au

changement des défis internationaux, à la

mondialisation, et aux inégalités. Qui sait ce que

serait aujourd’hui le monde si Keynes avait réussi à

imposer son “bancor”, avec des prêts pour les “trop

pauvres” et des taxes pour les “trop riches” ?

La Banque mondiale, pour le meilleur et pour le pire

La Banque internationale pour lareconstruction et le développement, BIRD

Les activités de la BIRD ont débuté en 1946 avec des

financements de projets d’infrastructures, puis de

Bretton Woods, juillet 1944

LE SYSTEMEBRETTON WOODS,

TEL QU’EN LUI-MEME

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

projets d’équipements dans les pays en

développement, lesquels sont actuellement les

principaux bénéficiaires de son aide.

Au fil du temps, la BIRD s’est vue adjoindre quatre

structures complémentaires avec lesquelles elle forme

aujourd’hui le groupe Banque mondiale :

■ la Société financière internationale (SFI), née en

1956 pour stimuler la croissance du secteur privé

dans les pays en développement,

■ l’Association internationale de développement

(AID) créée en 1960 afin d’octroyer des crédits aux

pays ne pouvant accéder aux prêts de la BIRD,

■ le Centre international de règlement des différends

relatifs aux investissements (CIRDI) fondé en 1966,

■ l’Agence multilatérale de garantie des

investissements (AMGI) établie en 1988 afin de

promouvoir l’investissement direct à l’étranger.

Fonctionnant comme une banque classique, la BIRD

ne sélectionne que des projets suffisamment

rentables. Elle n’accorde des prêts qu’à des pays à

revenu intermédiaire, le taux d’intérêt fixé étant trop

élevé pour des Etats à faible revenu.

La BIRD compte actuellement 183 Etats membres,

qui doivent tous appartenir au Fonds monétaire

international. Elle est dirigée par un Conseil des

gouverneurs et des administrateurs.

Le Conseil des gouverneurs est théoriquement

l’instance souveraine. Il se réunit une fois par an en

Assemblée générale. Chaque Etat membre est

représenté par un gouverneur (souvent le ministre

des Finances ou le directeur de la Banque centrale du

pays membre) avec un suppléant. Le partage du

pouvoir au sein de la BIRD se fait en fonction de la

richesse de chacun et non de façon égalitaire entre

les Etats : chaque gouverneur dispose en effet de

250 voix, auxquelles s’ajoute 1 voix par tranche de

capital détenu, celui-ci étant proportionnel au

niveau économique du pays.

L’instance opérationnelle de la BIRD est le Conseil

d’administration, dont les 24 participants siègent en

permanence à Washington. Ils s’occupent de la

gestion quotidienne de la Banque, approuvent les

prêts et politiques, contrôlent les opérations et les

performances du portefeuille d’actions ainsi que les

stratégies d’assistance-pays. Les administrateurs

désignent également un président, qui est nommé

pour cinq ans. Celui-ci est traditionnellement

américain. Depuis juin 1995, le poste est occupé par

James Wolfensohn, dont c’est le deuxième mandat.

La distribution des sièges se fait de la manière

suivante : cinq pays, ceux dont la quote-part est la

plus importante, disposent d’un siège permanent.

Les Etats-Unis en détiennent 17,2 %, le Japon

6,1 %, la France, l’Allemagne et le Royaume Uni

chacun un peu plus de 4,5 % (un total de près de

28 % pour l’Union européenne). Trois autres sièges

sont dévolus à l’Arabie Saoudite, à la Chine et à la

Russie. Les 16 sièges restants sont occupés par des

administrateurs élus, pour deux ans, par les

175 autres pays répartis en 16 groupes (il peut y avoir

de 4 à 24 pays par groupe). Les 52 pays africains

représentent moins de 13 %, de même que les 33 pays

d’Amérique latine. L’Asie, hormis le Japon et la

Chine, totalise un peu plus de 5 % des droits de vote.

L’Association internationale de développement (AID)

Officiellement, l’AID est une structure juridiquement

et financièrement indépendante de la BIRD. Force

est de constater toutefois qu’il existe une très étroite

imbrication entre les deux institutions. L’AID est

conçue de manière à pouvoir être administrée par la

BIRD. Elles ont le même président (James

Wolfensohn), partagent le même personnel et

réunissent globalement les mêmes pays : 160 pays

appartenant à la BIRD ont, à ce jour, adhéré à l’AID.

En tant qu’association, l’AID a pour vocation de

financer des programmes de lutte contre la pauvreté

en octroyant des crédits à long terme (35 à 40 ans),

à un taux d’intérêt très faible, dont les

remboursements peuvent être effectués en monnaie

locale. Cela concerne principalement des pays dont

le revenu ne dépassait pas 925 $ par an et par

habitant en 1996, pour les Etats bénéficiaires de

prêts en 1998 (environ 80 Etats au total). Certains

pays reçoivent des prêts de la BIRD et de l’AID. Si

cette dernière accorde des crédits à des conditions

moins rigoureuses que celles de la BIRD, les projets

doivent néanmoins être économiquement viables.

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L’évolution de la Banque

La Banque mondiale est aujourd’hui très contestée

en tant qu’institution tentaculaire qui enserre

l’économie des pays pauvres et en tant que suppôt

du capitalisme mondial au service des pays riches.

Pourtant, elle prétend lutter contre la pauvreté et

encourager la bonne gouvernance. Qu’en est-il

réellement ?

Dans le tiers monde, dès sa fondation, elle a été

appelée à soutenir et financer de grands projets

d’infrastructures (routes, barrages, centrales...),

considérés comme le soubassement du

développement économique (les deux tiers des prêts

en 1965). Au cours de sa longue présidence (entre

1968 et 1981) Robert Mc Namara orienta la Banque

vers “les besoins essentiels”. Cette nouvelle

orientation en faveur de l’éducation, l’aménagement

urbain, les projets agricoles et les choix industriels

conduisit la Banque mondiale à s’intéresser de plus

en plus aux politiques économiques et commerciales,

aux taux de change... et donc à poser des conditions,

qui prirent la forme des fameux “programmes

d’ajustement structurel” (PAS), avec une liste

drastique de critères à respecter.

Au cours des quarante dernières années, le volume

des prêts de la Banque mondiale a été multiplié par

dix. Ces opportunités financières sont essentielles

pour les pays les plus pauvres, et tout le jeu a

consisté à jouer au chat et à la souris. Sur 37 pays

africains impliqués dans des PAS au cours des deux

dernières décennies, les trois quarts n’ont pas ou peu

respecté les conditions imposées. Bien que le

couperet soit toujours menaçant (l’arrêt des prêts), la

Banque mondiale n’a pas les moyens d’agir en

dictateur avec les débiteurs, et les grands pays

“incontournables” comme la Russie ou la Chine ne

sont pas les seuls à ruser.

La Banque mondiale a énormément évolué, passant

des infrastructures (ressemblant fortement à l’épine

dorsale d’une économie planifiée) à la satisfaction

des besoins essentiels, aux plans d’ajustement

structurel “à visage humain”, à la lutte contre la

pauvreté et contre la corruption (ce qui ne semblait

pas la gêner quelques décennies auparavant), tandis

qu’aujourd’hui, on érige en dogme la “bonne

gouvernance” et le développement durable.

Au-delà des idéologies, la Banque mondiale a suivi

l’évolution des idées en se fondant dans le discours

du Programme des Nations unies pour le

développement (PNUD) sur la pauvreté, en essayant

d’intégrer les demandes des ONG, en épousant les

concepts de développement durable et de

préservation de l’environnement mis en avant par

l’ONU. Evidemment, les discours ont changé plus

rapidement que les actes, et la Banque doit

reconnaître ses erreurs, en particulier écologiques.

Elle a par exemple soutenu, que ce soit au Brésil, en

Indonésie ou en Côte d’Ivoire, des projets de

déforestation, de vastes étendues d’agriculture

extensive ou des barrages inadaptés, toutes formes

de projets productifs qui “oubliaient” la population

et l’environnement. Depuis, la Banque a fait de réels

mea culpa mais elle doit faire face à des

conservateurs américains qui regrettent la grande

époque des infrastructures et trouvent que la Banque

se disperse trop.

Si les incohérences économiques sont nombreuses

(difficulté d’infléchir un trop gros projet,

consultation des populations inexistante ou

inachevée, absence de stratégie de la part des

autorités...), les incohérences politiques ne manquent

pas : la Banque mondiale aide parfois des

gouvernements qui violent allègrement les droits de

l’Homme ou qui détournent ouvertement les fonds

ou les ressources issues des projets (pétrole, pierres

précieuses).

La Banque mondiale semble perméable aux flux et

reflux des réflexions sur le développement et aux

contradictions des acteurs avec lesquels elle est en

relation, des gouvernants bénéficiaires aux ONG en

passant par les experts et les représentants des pays

contributeurs. En ce sens, elle est en voie de

démocratisation. Elle a notamment su s’adapter en

“ humanisant” son action, c’est à dire en embauchant

des spécialistes des sciences humaines :

180 sociologues, anthropologues et autres géographes

travaillent actuellement parmi les 7 000 professionnels

de la Banque, alors qu’ils n’étaient que 4 en 1990. En

outre, la moitié de ses projets associent désormais des

ONG, à des degrès divers et dans la mesure où elles

ne remettent pas en cause le dogme libéral. Un réel

effort a été entrepris depuis l’accession à la présidence

de la Banque de James Wolfensohn, en 1995.

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James Wolfensohn, (président de la Banque

mondiale depuis 1995)

“C’est un peu démoralisant de voir les gens semobiliser contre nous pour plus de justice socialealors que c’est exactement ce que nous faisonschaque jour. Il n’y a aucun thème dont je ne soisprêt à discuter. Je regrette seulement que ce débatsoit bloqué par des tentatives de nous empêcher denous réunir. La mondialisation représente le seulmoyen de faire accéder la population mondiale aumême niveau que celui des pays industrialisés. Ceque nous essayons de faire est d’aider les gens dansles pays pauvres à obtenir les mêmes chances queles gens des pays riches. Les habitants des paysriches y sont parvenus en ouvrant leurs frontières.Si l’on regarde les treize dernières années, nousavons probablement sorti de la misère absolueentre 300 et 400 millions de personnes. Mais lenombre de pauvres est resté à peu près le même enraison de la croissance démographique. Nousn’avons pas la direction de l’économie mondiale.Nous traitons les problèmes sociaux et de pauvre-té par pays et par région. En Corée et en Thaïlan-de, nous avons mis sur pied des programmes pourl’enfance, les femmes, les chômeurs, pour diminuerles effets des crises sur les individus. Avec mon col-lègue du Fonds monétaire international, Horst Köhler, nous travaillons pour favoriser l’ou-verture du commerce entre les pays en développe-ment et les pays développés.”

Robert McNamara, (président de la Banque mon-

diale de 1968 à 1981)

Ancien secrétaire d’Etat à la défense des présidents

Kennedy et Johnson, il fait aujourd’hui partie,

à 85 ans, de la Coalition mondiale pour l’Afrique,

un forum qui milite pour une aide accrue en faveur

de ce continent.)

“Il est très difficile de mettre en place des politiquesefficaces de lutte contre la pauvreté. Pour une rai-son que l’on oublie souvent : pour donner auxpauvres, il faut prélever une partie de la richessed’un pays pour la redistribuer et cette idée est dansla plupart des cas rejetée par le reste de la popula-tion qui se sent pénalisée. La pensée économique,

Paroles de présidentsen tout cas aux Etats-Unis, reste dominée par l’idéeque des politiques de redistribution importantenuisent à la croissance et qu’au bout du comptecette option pénalise le pays tout entier. Pour mapart, je n’en suis absolument pas convaincu, je pen-se que l’on peut consacrer des sommes importantespour la pauvreté sans pénaliser la croissance.Au contraire, en investissant sur les pauvres, enleur donnant les moyens de se former ou de profiterdu progrès technique, on enrichit à terme le pays.La mission de la Banque mondiale ne consiste passeulement à faire du développement économique,elle doit aussi se préoccuper de développementhumain. Ce sont les personnes à la limite de la sub-sistance, qui n’ont accès ni à l’éducation ni à la santé et dont les besoins alimentaires sont à peine assurés, qu’il faut aider en priorité. JamesWolfensohn a repris avec passion ce combat de lalutte contre la pauvreté, il faut s’en réjouir, mêmesi je redoute qu’il se heurte comme moi à la fai-blesse des leaders politiques. Pour imposer la luttecontre la pauvreté comme une priorité nationale, ilfaut beaucoup de courage politique. Je ne jette pasla pierre aux pays en développement. Chez nousaux Etats Unis, nous sommes le pays le plus richedu monde et nous avons 40 millions de pauvres.Aucun homme politique n’a été jusqu’à présentcapable de prendre des mesures pour résoudre cet-te situation. Beaucoup de gouvernements n’ont pasvoulu prendre les mesures nécessaires. En 1968,par exemple, la plupart des pays d’Afrique et laCorée se trouvaient dans la même situation en ter-me de développement. Aujourd’hui, la Corée faitpartie des pays industrialisés et les conditions devie de l’ensemble de la population ont progressé.La Chine aussi s’est engagée depuis plusieursannées sur le chemin de la lutte contre la pauvretépar des mesures concrètes. Peu de leaders africainsont cette préoccupation aujourd’hui. Ceci dit, il estimpératif de soulager les plus pauvres du fardeaude la dette et l’attitude des Etats Unis est pour moihonteuse. Le pays le plus riche du monde est celuiqui fait le moins d’effort ! Mais je le répète, l’in-suffisance de l’aide publique n’est pas la principa-le cause des échecs observés”.

(Citations extraites de l’interview de John Wolfensohn par Babette Stern, Le Monde, 26 avril 2001, de l’article du 15 avril 2000, “Le rôle et l’efficacité du FMI et

de la Banque mondiale contestés” et de l’interview de R. McNamara par Laurence Caramel dans le Monde du 19 septembre 2000)

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Le FMI, pour le moins bon et pour le pireTout comme pour la BIRD, l’évolution de la

conjoncture internationale a conduit le FMI à

redéfinir son rôle. En effet, avec les crises pétrolières

et la fin de la parité fixe entre le dollar et l’or - qui a

signé l’effondrement du système mis en place après

la guerre - la mission initiale qui lui avait été

assignée a pris fin.

Les banques commerciales étant devenues méfiantes

vis-à-vis des pays en développement en raison de la

crise de la dette, le FMI assure désormais la fonction

de prêteur en dernier ressort. Il a pour vocation de

renflouer les économies en difficulté, afin de rétablir

la confiance de la sphère privée. Les prêts se font

sous certaines conditions et sont assujettis à la mise

en place de programmes d’ajustement structurel

(PAS), qui imposent la libéralisation de l’économie.

Le Fonds monétaire international - qui compte

183 Etats membres - s’organise pratiquement selon

le même schéma que la Banque mondiale, avec la

même répartition des sièges.

Le Conseil d’administration est présidé par un

Directeur général (sans droit de vote, sauf en cas de

partage), élu pour cinq ans. Celui-ci est

traditionnellement européen. Chef du personnel du

FMI, il est investi d’un rôle diplomatique essentiel,

organise la mise en œuvre des décisions et oriente la

politique de l’institution. Horst Köhler a succédé en

juin 2000 à Michel Camdessus qui occupa ce poste

pendant 13 ans.

Le Fonds monétaire International est à la base une

grande tontine mondiale ouverte à tous ses

membres, sachant que les cotisations sont

évidemment inégales. De son pouvoir financier qui

paraît technique, le FMI tire une grande influence

politique. Que le FMI ait refusé de porter à bout de

bras la déroute argentine récurrente serait plutôt bon

signe, car l’argent du FMI ne doit pas servir à

masquer les inepties gouvernementales et la fraude

fiscale. Toutefois, force est de constater que la

rigueur qu’il applique aux Etats présente deux poids,

deux mesures. La Russie est bénéficiaire de dizaines

de milliards de prêts et connaît aussi un taux record

de fuite des capitaux et de détournements de fonds.

La mansuétude actuelle à l’égard du Pakistan est,

elle aussi, éminemment conjoncturelle. Fin

septembre 2001, le Pakistan a reçu un crédit de

135 millions de dollars . Ne serait-ce pas en

remerciement de s’être placé du “bon côté” ?

On voit bien souvent des prêts accordés ou refusés

avant les élections, comme ce fut le cas en 1998 au

Brésil pour favoriser l’élection du président Cardoso.

Reconnaître que le FMI, à l’instar de la Banque

mondiale, est une institution politique, rend caduque

la légitimité de la répartition du pouvoir, purement

financière. Les Etats doivent être mieux représentés

et donc mieux impliqués et responsabilisés dans les

actions de l’institution. En impliquant davantage les

Etats, on renforcera la légitimité politique des

institutions financières.

Le FMI emploie 2 300 personnes. Excessivement

centralisée, cette institution est par nature éloignée

de la réalité des pays qui seront pourtant les

premiers concernés par les décisions prises.

Cela explique les erreurs grossières de certaines

mesures d’accompagnement d’où découle la perte de

crédibilité de l’institution, et la dégradation

constante de la qualité des relations que le FMI

entretient avec les pays bénéficiaires. On remarque

en effet que la provenance des salariés recoupe

grossièrement les quotes-parts, c’est à dire que les

deux tiers d’entre eux viennent des pays

industrialisés.

Le manque de transparence de la comptabilité du

FMI ne permet pas aux Etats membres de disposer

d’une vision claire de la situation financière de

l’institution. Le FMI est par exemple la seule

organisation internationale dont les écritures

comptables ne contiennent aucune information sur

l’ampleur de ses actifs ni de ses passifs.

Le FMI a franchi de grandes évolutions de langage

jusqu’à sa notion fétiche du jour qu’est la “bonne

gouvernance”. Ce terme fait référence à divers

aspects de la vie publique dans une société

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démocratique : respect de l’Etat de droit, gestion

efficace et équitable des dépenses publiques (bonne

administration), responsabilité des dirigeants

politiques et transparence. Lancée au départ pour

respecter chaque régime au pouvoir tout en exigeant

une base minimale d’honnêteté (en particulier la

lutte contre la corruption), les pays en

développement refusent pour la plupart ce nouveau

concept aux contours imprécis, soupçonné de

masquer une vision unique du développement. Non

dénué d’ambiguïté, ce terme a l’avantage de sortir le

FMI du carcan économiciste derrière lequel il s’est

longtemps protégé, pour le plonger si peu que ce soit

dans l’altérité politique et culturelle.

Les diverses crises financières qui se sont succédées

en Asie, en Russie et en Argentine ont rendu le FMI

plus modeste quant à son rôle (il n’est pas

omnipotent) et plus humble quant à sa capacité à

prévenir ces crises. Il peut ne pas en être

responsable, mais on lui reprochera de ne pas avoir

vu venir ces raz-de-marée car il est de son devoir

originel de stabiliser les monnaies. Le FMI s’est donc

attaché à renforcer ses instruments de détection, de

prévention et de résolution des crises au sein d’un

nouveau département, opérationnel depuis

le 1er août 2001. Il s’est doté de nouvelles facilités,

dont une ligne de crédit préventive pour décourager

les attaques spéculatives. Mais peu d’Etats ont

jusqu’alors utilisé ce mécanisme considéré comme

signalant trop explicitement aux marchés les risques

supportés par le pays.

Le FMI appelle à la rescousse le secteur privé afin

de lui faire jouer un rôle constructif dans le

processus de résolution des crises. Il faut dire que

les banques et les investisseurs financiers ont pris

ces dernières années des risques inconsidérés, en

comptant sur les pouvoirs publics pour venir les

sauver en cas de problème. C’est d’ailleurs l’une des

causes des crises financières internationales.

Et c’est ce qui a conduit le FMI à obliger les

banques privées à participer au plan de sauvetage

de l’Argentine à hauteur de 1,5 milliard d’euros.

Les brigands ne sont pas toujours ceux que

l’on croit…

Malgré ces évolutions, le FMI n’entend pas lâcher

prise quant à sa position hégémonique sur la

gestion et la prévention des crises financières.

C’est ce que nous montre l’expérience asiatique

sur le projet de construction d’une structure

régionale et autonome de gestion des crises. L’idée

est née suite à la crise financière asiatique de 1997

et 1998. Devant la gestion catastrophique du

FMI, les pays asiatiques ont essayé de mettre en

place des instances régionales capables de gérer

les crises financières sans avoir recours à la

communauté internationale. En 1997, le Japon a

envisagé alors de créer un “Fonds monétaire

asiatique”. Il n’a pas pu voir le jour, sous la

pression conjuguée du FMI et des Etats-Unis qui

voyaient là un crime de lèse-majesté. Au début de

Des fonds monétaires régionaux ?l’année 2001, sous des abords plus modestes,

l’initiative a été remise au goût du jour par treize

pays asiatiques qui envisagent de faciliter les

échanges de devises en cas de difficultés de

paiements d’un des membres.

Le FMI ne souffre pas la concurrence. Il s’est

hâté de rappeler qu’il était le seul à pouvoir

définir les conditions de sortie de crises. Sans

s’opposer ouvertement à l’initiative, le FMI

exige désormais que le processus d’ensemble

soit soumis à ses exigences. Bien que

diplomatique, le bras de fer n’est pas terminé,

les pays asiatiques ayant de plus en plus de

moyens pour résister à l’influence des

institutions financières internationales et de

leurs bailleurs principaux.

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L’emprise des pays richesComme le nombre de voix détenu au sein des

Conseils d’administration de la Banque mondiale et

du FMI est fonction des parts de capital et donc du

niveau économique de chaque Etat, les riches

décident et imposent aux pauvres les politiques à

suivre. Le FMI régente les politiques des pays les

plus pauvres mais ne s’immisce pas dans celles des

plus riches. Les Etats-Unis, par exemple, sont le pays

le plus endetté du monde, ce qui concourt à

déstabiliser le système monétaire et financier

international. Mais jamais le FMI ne s’est enhardi à

exprimer la moindre suggestion de politique

financière aux USA !

Les Etats-Unis sont du reste en mesure de s’opposer

à tout projet. Bien que la majorité des décisions

soient prises sur le mode du consensus, la minorité

de blocage est de 15 % en cas de vote pour les

décisions importantes. Or, les Etats Unis détiennent

plus de 17 % des voix, ce qui leur permet, de fait,

de disposer d’un droit de veto. Il faut dire que si

l’Europe parlait d’une seule voix, elle disposerait

d’une réelle influence car les pays de l’Union

Européenne totalisent 28 % des voix.

Des moyens de contrôleinsuffisantsL’attitude de la Banque mondiale se distingue de

celle adoptée par le FMI car leurs conditions de

travail sont bien différentes. Du fait que le FMI

octroie des prêts aux gouvernements, l’institution

n’est pas en contact direct avec la société civile. Les

actions de la Banque, elles, concernent des projets

concrets qui intéressent directement la population.

La Banque mondiale s’avère donc plus sensible aux

critiques exprimées par les citoyens.

Toutefois, les institutions financières internationales

restent opaques et aucun contrôle formel ne peut être

réellement exercé par la population. Si les citoyens

L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

8 / 9

nord-américains peuvent connaître la position de leur

administrateur, il en va différemment pour la grande

majorité des habitants des autres pays.

Un administrateur représente souvent plusieurs

Etats : le Mexicain, par exemple, représente un

groupe de neuf pays - Costa Rica, Salvador,

Espagne, Guatemala, Honduras, Mexique,

Nicaragua, Venezuela. Sa position est-elle le résultat

d’un consensus entre tous les pays du groupe ?

Une décision prise à la majorité ? Est-ce le pays qui

dispose du plus grand nombre de voix qui a imposé

son choix ? Il n’existe pas de règle définie en la

matière et donc pas de réponse claire. Qui plus est,

bon nombre d’administrateurs se refusent à

divulguer des informations, avec l’accord tacite des

institutions, sous le prétexte d’une confidentialité des

relations avec les pays emprunteurs. En réalité, on

devine aisément qu’ils préfèrent conserver le secret

sur les politiques économiques qui vont être

appliquées dans leur pays.

La communication de la Banque mondiale est

constituée de nombreuses revues sur ses actions

(Banque mondiale Actualités, OED Précis...) ou

l’état d’avancement de ses recherches (World Bank

Economic Review...) et elle organise des réunions

avec des représentants de la société civile, au cours

desquelles elle présente les documents importants

(Rapport sur le développement dans le monde,Financement global du développement...). Un certain

nombre d’informations sur la Banque demeurent

toutefois inaccessibles, notamment celles qui se

rapportent à l’orientation de sa politique, à

l’affectation des prêts et à la mise en place des

différentes évaluations (concernant les projets, les

politiques mais aussi les départements de

l’institution). Il est aussi difficile de se procurer les

rapports des missions de supervision, de suivi, de

conclusion et d’audit de performance, ainsi que les

données se rapportant aux stratégies et études

d’assistance-pays, qui établissent les orientations

économiques d’un Etat.

LES PRINCIPALES CARENCES DU SYSTEME

CAHIER N°9 28/03/03 12:26 Page 8 (1,1)

L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

L’exemple caricatural du mauvais projet : l’oléoduc Tchad - Cameroun

Un consortium international composé d’Elf

Exxon et Shell s’est lancé en 1992 dans un gigan-

tesque projet pétrolier au Tchad et au Cameroun.

Il s’agissait d’exploiter le pétrole tchadien de la

région de Doba, dans sud du pays, par la

construction de 300 puits et d’un oléoduc de plus

de 1 000 kilomètres de long traversant le Came-

roun jusqu’au port de Kribi, sur l’Océan

Atlantique. Ces entreprises ont fait appel à des

financements publics dont ceux de l’Association

internationale de développement, l’AID, filiale de

la Banque mondiale chargée des programmes de

lutte contre la pauvreté. Et la Banque mondiale

n’a pas dit non ! Quid de la déforestation et des

déplacements de populations consécutifs à la mise

en œuvre de ce vaste oléoduc ? Quid de la redistri-

bution des revenus pétroliers dans des kleptocra-

ties aussi renommées ? Les dirigeants ayant sou-

vent beaucoup de mal à faire la distinction entre

biens publics et biens privés ont du être mis sous

tutelle. Au Tchad, la direction du Trésor a été

contrôlée pendant plusieurs années par une socié-

té suisse, la Cotechna, à la demande des bailleurs

de fonds. Au Cameroun, pendant plus de vingt

ans, les revenus du pétrole n’étaient pas compta-

bilisés dans le budget public !

Les levées de bouclier des ONG au niveau inter-

national dès 1997 (en France, avec la campagne

“Banque mondiale, pompe A’frique des compa-

gnies pétrolières”) ont eu un large écho, tant le

projet était déconnecté des réels besoins de la

population (le Tchad est l’un des pays les plus

pauvres du monde avec un revenu annuel par

habitant de moins de 200 dollars...). Après trois

ans d’âpres bagarres entre les gouvernements

pressés de toucher la manne pétrolière et les ONG

soucieuses d’avoir toujours plus de garanties sur

la répartition des revenus au profit des popula-

tions, Elf et Shell ont annoncé qu’elles se retiraient

du consortium. Trop compliqué. De plus, le

pétrole n’est pas de première qualité et les réserves

sont moyennes. Alors si en plus il faut contrôler

en aval les revenus... L’Américain Chevron et le

Malaisien Petronas ont pris le relais. Ce dernier

est fortement implanté au sud Soudan avec la

bénédiction du régime de Khartoum, mais cela ne

semble pas choquer les responsables de la Banque

mondiale.

Le temps a permis de prendre certaines précau-

tions écologiques (l’oléoduc suivra la route pour

éviter la déforestation) et il contournera les vil-

lages afin que les déménagements forcés soient

réduits (seulement 160 familles dans la zone d’ex-

traction disent les 19 volumes de rapports). En

juin 2000, la Banque mondiale a donné son

accord pour un financement de 293 millions de

dollars sur les 3,7 milliards du coût total du pro-

jet, avec un drastique cahier des charges environ-

nementales et sociales. La Banque mondiale a

aujourd’hui bien du mal à faire respecter les

“garanties” annoncées. Quelques semaines après

la décision du Conseil d’administration, Idriss

Déby confirmait sa détermination à détourner la

rente pétrolière pour renforcer son régime mili-

taire en achetant pour 4 millions de dollars

d’armes avec l’argent versé par le consortium.

L’armée terrorise la population dans la région de

Mondou. Les violations du droit du travail sur les

chantiers des sous-traitants ont donné lieu à des

grèves au Cameroun et les opportunités d’emploi

sont bien moindres que ce qui était annoncé.

Enfin, les pygmées sont exclus des mécanismes

d’indemnisation car ces nomades n’ont pas de

titres fonciers ni de cartes d’identités.

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

10 / 11

Des objectifs non respectésInitialement, la mission de la Banque mondiale était

de fournir aux Etats membres une aide à la

reconstruction dans le contexte de l’après-guerre.

Aujourd’hui, elle s’est fixé comme objectifs la

réduction de la pauvreté et l’amélioration des

conditions de vie dans les pays en développement.

Le titre du Rapport sur le développement dans le

monde 2001 de la Banque mondiale, “Combattre la

pauvreté”, illustre bien cette orientation. Plus

précisément, les prêts de la BIRD et de l’AID doivent

financer des projets et des programmes qui

“stimuleront le progrès économique et social de

sorte que les populations vivent mieux” (Rapport de

la Banque mondiale 1998).

Pourtant, la Banque mondiale applique une

politique de libéralisation qui s’accompagne de

coupes sévères dans les programmes sociaux et

environnementaux. Du coup, celle-ci se retrouve

obligée de mettre en place des “filets de protection

sociale” afin de protéger les populations vulnérables.

Le rôle de la Banque mondiale est pour le moins

paradoxal : à la fois institution de lutte contre la

pauvreté et banque, elle doit justifier les

investissements en éducation, santé, environnement -

indispensables pour lutter de manière durable contre

la misère - selon des critères économiques et

financiers. Et comme elle est “bien gérée”, depuis

1948, elle réalise chaque année des bénéfices...

Le FMI, chargé de veiller à l’amélioration de

l’environnement économique mondial, préconise

quant à lui des mesures qui entraînent une

diminution du pouvoir d’achat des habitants des

pays concernés. Ces mesures sont si brutales qu’elles

provoquent parfois des émeutes populaires.

Cela s’est produit dernièrement en Indonésie et en

Corée du Sud, mais aussi auparavant au Venezuela,

en Zambie... Quant à son action en matière de

stabilité du système monétaire mondial, les crises

survenues successivement en Asie, en Russie ou au

Mexique ont témoigné assez clairement du peu de

fiabilité de ses prévisions et de l’inefficacité de ses

interventions.

Le problème du contrôle se pose aussi en termes plus

proprement politiques. En principe l’ONU adresse

des directives aux organisations qui lui sont

rattachées. Mais le Fonds monétaire international et

la Banque mondiale sont considérés comme des

institutions à part : elles ne reçoivent que des

recommandations, lesquelles sont rédigées après

consultation des intéressés. Il n’existe donc, de ce

point de vue, aucune surveillance véritable.

Ceci étant, il faut reconnaître que la Banque

mondiale s’efforce, depuis plusieurs années, de

clarifier sa politique. En 1974, elle a créé un

Département d’évaluation des opérations, qui

examine les performances des projets et des

stratégies. En 1993, la Banque mondiale a mis en

place un Panel d’inspection destiné à améliorer la

transparence et la fiabilité de ses opérations. Ce

Panel permet à la société civile de se défendre contre

les projets qu’elle considère comme néfastes pour la

population et l’environnement. Depuis le début de

ses activités, en septembre 1994, 22 requêtes ont été

déposées. Elles portent sur l’évaluation

environnementale, la réduction de la pauvreté, le

déplacement involontaire et la réinstallation des

populations, les mécanismes de consultation des

populations... Ces initiatives constituent une

avancée, mais demeurent insuffisantes. En effet, les

organismes d’évaluation restent rattachés à

l’institution, ce qui restreint leur indépendance. De

plus, si la Banque mondiale reprend de plus en plus

le discours des ONG dans ses directives, la mise en

application laisse à désirer.

De son côté le FMI s’est lui aussi doté d’une unité

d’évaluation. Elle est opérationnelle depuis avril 2001,

et se cantonne aux évaluations ex post, c’est à dire

une fois le projet entièrement terminé. De nombreuses

voix s’élèvent d’ores et déjà pour dénoncer le manque

d’indépendance de l’unité d’évaluation vis à vis du

FMI et plaident pour la mise en place d’une structure

d’évaluation externe et indépendante, qui inclurait

dans son champ de compétences les aspects sociaux et

environnementaux des politiques du FMI et devrait

être assortie d’un mécanisme de recours permettant

aux populations affectées par les programmes du FMI

de défendre leurs droits.

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

Une influence croissante dansl’économie du développement

Quel que soit le pays, le Fonds monétaire

international et la Banque mondiale appliquent les

mêmes recettes économiques. Il n’existe pas de réel

débat qui permette d’envisager des modèles

alternatifs de développement. Certes, de temps à

autre, au cas par cas, la société civile obtient parfois

satisfaction sur des projets précis. Mais le modèle

global de développement n’est jamais véritablement

remis en question. Et pour cause, les institutions

financières internationales dominent le monde de la

recherche en économie du développement.

Ainsi, est-il besoin de le rappeler, le Rapport sur le

développement dans le monde, publié chaque année

par la Banque mondiale, est l’un des documents les

plus lus dans ce domaine (200 000 exemplaires

diffusés). Le manque de publications alternatives de

cette ampleur contribue du reste à conférer aux

rapports de la Banque une autorité difficilement

contestable.

Au niveau du recrutement du personnel des deux

institutions, il n’existe pas non plus d’ouverture vers

d’autres modèles de développement. En effet, si le

FMI et la Banque mondiale appliquent des quotas de

recrutement par pays, cette représentativité n’est pas

la garantie d’une pluralité intellectuelle car le

personnel, quelle que soit sa nationalité, sort des

mêmes universités : Harvard, Oxford, London

School of Economics, MIT (Massachusetts Institute

of Technology)... Sa conception du développement et

de l’économie est donc très homogène.

La Banque mondiale et le FMI sont également très

puissants en raison de l’attraction qu’ils exercent sur

les étudiants et les chercheurs, notamment ceux des

pays du Sud. Parmi les personnes qui quittent

ensuite ces institutions pour retourner dans leur

pays, nombre d’entre elles se retrouvent à des postes

importants (Banque centrale, ministères) en charge

du financement du développement. Ce qui facilite les

négociations...

Enfin, la sphère d’influence de la Banque mondiale

s’est également élargie aux principales agences de

développement, en particulier au Programme des

Nations unies pour le développement (PNUD) et au

Fonds pour l’environnement mondial (FEM).

Ce dernier organisme repose sur une association

entre la Banque mondiale, le PNUD et le Programme

des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il a

été créé en 1991 pour renforcer les investissements

en faveur de la protection de l’environnement et

devrait être indépendant de toute autre institution.

Dans la réalité, son secrétariat est assuré par la

Banque mondiale, qui agit comme administratrice

du Fonds. Gérant plus de 60 % des projets du FEM,

elle influe naturellement sur ses pratiques.

Plus récemment, la Banque mondiale a étendu sa

sphère d’influence par le biais de la mise en place de

nombreux programmes de lutte contre le sida. Elle

se positionne pour jouer un rôle central dans le

futur Fonds multilatéral pour la santé destiné à

lutter contre le sida, la malaria et la tuberculose.

Pourtant, des agences des Nations unies, telles que

l’OMS (Organisation mondiale pour la Santé) ou

l’ONUSIDA, sont, par nature, à même de remplir

cette mission.

La Banque mondiale est donc bien dans une stratégie

d’extension de son domaine de compétence au

détriment d’autres institutions susceptibles de

promouvoir un autre modèle de développement.

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

12 /13

Nous venons de le voir, les griefs à l’encontre de la

Banque mondiale et du FMI sont multiples.

Ils découlent du mode de répartition du pouvoir, du

non-respect des objectifs et d’un contrôle insuffisant

accentué par un difficile accès à l’information. En

outre, la mission qui a été assignée à ces institutions

n’est pas toujours respectée alors même qu’elles

s’imposent comme référence en matière d’économie

du développement. Tous ces défauts de

fonctionnement reposent sur un mauvais pli originel

commun : l’absence de démocratie, et donc de

transparence.

Pour les ONG, il s’agit de limiter les compétences de

ces institutions à leur mission initiale et de leur

refuser la tutelle exercée sur les pays pauvres par le

bloc majoritaire des actionnaires de l’économie

mondiale qui dirigent aujourd’hui ces institutions.

FMI et Banque mondiale doivent être intégrées au

système des Nations Unies qui présente le double

avantage, au niveau de ses principes, de ne pas

reposer sur des suffrages censitaires (ce n’est pas un

dollar = une voix, mais un Etat = une voix) et

d’avoir la Déclaration universelle des droits de

l’Homme en préambule de sa charte. L’évaluation de

ces institutions et de leurs politiques devrait être

confiée à l’une des instances des Nations Unies.

Cinq campagnes internationales vont dans ce sens,

l’une contre l’Organisation mondiale du commerce

(OMC), une autre contre la spéculation financière et

pour la taxe Tobin, la campagne pour l’annulation

de la dette, celle pour la réforme des institutions

financières internationales et la campagne sur les

firmes transnationales. En France, un réseau

d’associations, coordonné par Agir ici, l’AITEC et le

CRID (cf. pp. 22-23) travaille spécifiquement sur la

réforme des institutions financières internationales

en lien étroit avec la plate-forme Dette et

développement qui centre son action sur

l’annulation de la dette.

La mobilisation pour l’annulationde la dette, un modèle du genre“Pour l’an 2000, annulons la dette !” constitue le

maillon français de la campagne internationale Jubilé

2000. Lancée en février 1999 par près de soixante

associations de solidarité internationale, cette

campagne a obtenu des résultats inattendus en

quelques mois seulement, 520 000 personnes ont

signé la pétition demandant l’annulation de la dette

des pays pauvres très endettés. Des conférences,

animations, séances de signatures publiques ont été

organisées partout en France. Malgré la complexité

du sujet, un important travail de sensibilisation et

d’éducation au développement a été accompli, travail

qui a permis d’aborder une réflexion plus large sur les

mécanismes économiques et financiers entre pays du

Nord et du Sud, grâce aussi au relais de la presse. Les

représentants de la campagne française ont été reçus à

Bercy par le ministre des Finances et le ministre

délégué à la Coopération. D’autres rencontres avec

leurs conseillers ont permis de suivre l’avancée des

négociations au sein du G7 et du Club de Paris. Une

conférence de presse a pu être organisée à Bercy, en

présence des deux ministres, pour que leur soient

symboliquement remises les signatures recueillies et

pour dresser le bilan de la campagne française.

LES ACTIONS DES ONGPOUR PLUS DE

TRANSPARENCEET DE DEMOCRATIE

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

Les avancées du G7 de Cologne

Le 19 juin 1999 à Cologne, lieu de réunion du G7,

les campagnes du monde entier se sont réunies en une

formidable chaîne humaine de 35 000 personnes sur

plus de dix kilomètres à travers les rues. 17 millions

de signatures ont été remises aux représentants du

G7. Les délégués de la campagne française ont été

reçus par les conseillers de MM. Jospin et Chirac.

La campagne internationale a porté ses fruits.

La déclaration finale du G7 appelle de ses vœux

“un allégement de la dette plus rapide, plus large et

plus radical”. Le G7 a annoncé des montants

d’annulation bien supérieurs à ceux décidés par le

passé. 70 milliards de dollars de dette annulés

(dont 20 milliards au titre de l’aide publique au

développement et 50 au titre des dettes

multilatérales ou commerciales).

Le G7 reconnaît ainsi les limites et surtout les

lenteurs de l’initiative pour les pays pauvres très

endettés (PPTE) mise en place lors du G7 de Lyon en

1996. A ce jour, sur les 42 pays concernés par cette

initiative, vingt d’entre eux ont réellement bénéficié

des allégements, après avoir entamé ce processus lent

et complexe qui soulage les pays très endettés vis-à-

vis de leurs créanciers publics, Etats et organisations

internationales. Ceux-ci font valoir en général qu’ils

annulent 90 % de la dette extérieure d’un pays.

Or si l’on applique tous les mécanismes à la

Tanzanie, par exemple, on s’aperçoit que seulement

54 % de la valeur actuelle nette de la dette sera

effectivement annulée. Certes, l’allègement est

notable, le service de la dette ne représentant plus

que 7 % du budget en 2001 contre 19 % en 2000.

De plus, 3 milliards de dollars sont consacrés à des

dépenses très contrôlées dans le cadre stratégique de

réduction de la pauvreté. Mais il ne s’agit en aucun

cas d’une annulation. Quand on demande à James

Wolfensohn pourquoi la Banque ne va pas jusqu’à

l’annulation, voici sa réponse (in Le Monde, 26 avril

2001) : “Nous avons annulé la dette jusqu’à 65 %des pays éligibles et diminué les remboursements de7 % environ du Produit intérieur brut à 2 %.Maintenant, certains voudraient que nous annulionsla dette de 62 pays, mais nous n’avons pas l’argentpour cela. Si l’on parle de 62 pays (42 pays pauvreset 20 pays à revenus intermédiaires), le montant,

rien que pour la Banque mondiale, serait de 29 milliards de dollars, ce qui correspond au capitalde la Banque. Je veux bien le faire, mais soit je metsla clef sous la porte, soit les actionnaires acceptentune augmentation de capital. En 55 ans, lesactionnaires ont versé entre 10 et 11 milliards dedollars cash. Le reste vient de nos investissements.”

La campagne sur la dette se poursuit désormais dans

plusieurs directions complémentaires :

■ La définition d’un droit international régissant la

dette sur le modèle de la législation nationale de

protection des ménages surendettés, en limitant

notamment les remboursements en fonction des

capacités d’exportation.

■ La mise en place d’une cour internationale

d’arbitrage, qui interviendrait en cas de difficulté

de remboursement pour juger des responsabilités

des emprunteurs, des prêteurs et des fournisseurs,

les ONG pouvant se porter partie civile.

■ La poursuite des efforts de lutte contre la

corruption, afin de récupérer l’argent détourné à

des fins personnelles et placé à l’étranger par les

dirigeants des pays endettés. Selon un rapport des

Nations Unies, la corruption coûte extrêmement

cher, particulièrement en Afrique où l’on estime

qu’au moins 30 milliards d’aide internationale ont

été détournés. Selon le programme des Nations

Unies pour le développement (PNUD), “la bonne

gouvernance est le chaînon manquant entre la lutte

contre la pauvreté et sa réduction effective.”

■ La réforme politique des institutions financières

internationales pour qu’elles œuvrent en faveur

d’un développement durable.

Changer le fonctionnementAnnuler la dette ne suffit pas à résoudre le problème

de l’endettement dans la mesure où c’est tout un

système qu’il faut réformer, à savoir le système qui a

généré la dette et pourrait en générer d’autres malgré

tous les processus d’allègement. Dans cette optique

les Institutions financières internationales doivent

être profondément réformées.

Les contrats passés entre le FMI et les pays

emprunteurs ne sont pas des accords internationaux.

Ainsi, ils n’ont pas besoin d’être ratifiés par les

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

parlements nationaux ni discutés publiquement. Ils

sont négociés par les élites nationales qui y sont

généralement favorables, dans la mesure où elles en

tirent bénéfice. On estime que la corruption des

élites du Sud a entraîné le détournement de près de

30 % des fonds prêtés par les Institutions financières

internationales au cours des vingt dernières années.

La grande majorité des citoyens des pays concernés

se trouve de son coté exclue des choix de société qui

lui sont imposés.

En décembre 1998, sous la pression de milliers de

citoyens qui avaient écrit à leur député, le Parlement

français a demandé au gouvernement de lui remettre

chaque année un rapport présentant les positions

défendues par la France au FMI et à la Banque

mondiale, ainsi que l’ensemble des opérations

financières entre la France et les deux institutions. En

effet, les positions de l’administrateur français à la

Banque et au FMI émanent directement du Trésor et

sont difficiles à connaître pour les parlementaires.

Bank Information Center, une organisation indé-

pendante américaine, travaille sur les projets de la

Banque mondiale à la façon d’un audit et traque

ceux qui lui semblent incompatibles avec l’envi-

ronnement ou le développement social. Ainsi, ce

bureau d’étude associatif refuse la construction

du pipeline de 1 000 kilomètres entre le Tchad et

le Cameroun qui entraînerait d’importantes défo-

restations et des déplacements de populations. Le

prêt, destiné à financer la réforme de la propriété

foncière au Brésil, semble pour cette association

incapable d’assurer une redistribution équitable

et transparente des ressources aux populations

bénéficiaires. Ces projets ont d’ailleurs fait l’objet

d’une plainte auprès du Panel d’inspection de la

Banque, un département indépendant chargé

d’auditer les politiques en cours. En juillet 2000,

les organisations militantes ont obtenu un gros

succès avec l’annulation d’un prêt à la Chine. Il

s’agissait de développer l’agriculture dans l’ouest

du pays, moyennant le déplacement de 58 000

Chinois vers le Tibet. Malheureusement, la Chine

a décidé de se passer de ce prêt et le projet est déjà

Une ONG américaine et une ONG coréenne mettent un pied dans la porte des IFI...

en cours. Cette expérience aura montré que les

ONG jouissent d’une petite marge de manœuvre

dans les décisions de la Banque mais que cela ne

résout pas tout.

Le Taegu Round Korea Commitee, composé

d’universitaires, d’associations, de syndicats et de

groupes religieux, a déposé en 1999 une plainte

contre le FMI, auprès de la cour de Justice de

Séoul, pour les nombreuses erreurs commises lors

de la gestion de la crise traversée par le pays. La

plainte a été rejetée récemment car le Tribunal s’est

déclaré incompétent, le FMI bénéficiant de l’im-

munité des organisations intergouvernementales.

Dès lors, auprès de qui porter plainte ? Sans

attendre la création d’un tribunal administratif

international où le FMI, la Banque mondiale ou

l’OMC auraient à rendre des comptes pour

d’éventuelles violations des droits fondamentaux

causées par les politiques qu’ils imposent, des

organes nationaux compétents devraient per-

mettre aux populations de défendre leurs droits

dans tous les pays du monde.

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

De plus, les budgets alloués aux IFI sont votés

globalement, ce qui ne laisse aucune prise aux

Parlementaires sur leur affectation. Quand on regarde

les autres pays, on s’aperçoit que beaucoup ont mis en

place des procédures de contrôle plus poussées. En

Allemagne, des parlementaires font partie, à titre

d’observateurs, de la délégation du pays lors des

Assemblées générales du FMI et de la Banque. En

Italie, le ministre du Trésor est auditionné par la

Commission des Affaires Etrangères du Parlement

sur les positions de l’Italie dans ces instances. Au

Canada, le ministère des Finances produit un rapport

annuel et reste en lien avec une sous-commission

parlementaire spécialisée. Le souci de contrôler la

position des pays donateurs dans ces instances par

leurs parlementaires est donc partagé par tous.

Ces dernières années, d’ailleurs, sous la pression des

ONG internationales, des efforts ont été consentis

par la Banque mondiale en matière de transparence

et de consultation, directement, sans passer par les

représentants nationaux. Elle a notamment mis en

place des mécanismes d’information et de

participation de la société civile. Cependant, malgré

la bonne volonté de départ, les engagements sont

souvent bafoués lors de la mise en œuvre des projets.

Faute de mécanisme de recours et de sanctions,

l’administration de la Banque mondiale ne subit pas

de rappels à l’ordre pour la violation de ses propres

recommandations ou le défaut de surveillance de

l’utilisation de ses propres fonds.

Les efforts sont nettement moins visibles du côté du

FMI, pourtant fervent défenseur des principes de

“bonne gouvernance” : transparence, responsabilité,

démocratie. Mais pour le FMI, la transparence se

limite pour l’instant à l’information concernant les

mouvements de capitaux sur les marchés financiers.

Lancée entre avril et octobre 1999, la campagne sur

la transparence des IFI se poursuit, et avec elle l’idée

d’un véritable contrôle parlementaire fait son

chemin. Une structure permanente de contrôle des

institutions financières et commerciales est

actuellement à l’étude.

Ouvrir un véritable débat en France sur les

institutions financières internationales et favoriser le

contrôle parlementaire sont des actions importantes

qui accompagnent le travail sur la démocratisation

des institutions en tant que telles. L’idée étant bien

sûr de rééquilibrer le rapport de force dans les

instances décisionnelles en faveur des pays du Sud.

Réformer les PAS et permettrel’expression et l’évaluation de la société civileEn septembre 1999, le FMI a affiché une ambition

similaire à celle de la Banque, lors de leur Assemblée

générale commune, à savoir la lutte contre la

pauvreté. Paradoxalement, les remèdes proposés

dans le cadre des PAS ne vont pas dans ce sens :

réduction des dépenses de l’Etat, privatisation des

entreprises publiques, libéralisation des prix,

dévaluation de la monnaie... En science économique,

toutes ces mesures permettent souvent (mais non

toujours) de lutter contre l’inflation et de dégager de

l’argent pour rembourser la dette. Mais la

population, elle, subit tous les contrecoups négatifs :

les denrées de première nécessité augmentent, le

chômage aussi, le crédit est plus cher... A moins d’un

accompagnement particulier, un plan d’ajustement

structurel augmente l’extrême pauvreté.

L’engagement du FMI dans la lutte contre la

pauvreté ne laisse pas de surprendre Joseph Stiglitz,

ancien économiste en chef de la Banque mondiale :

“A moins que vous ne fassiez intervenir, dans le

processus de décision du FMI, des gens qui fassent

entendre la voix des victimes, les politiques du Fonds

ne changeront pas parce qu’elles sont définies par

des ministres des Finances et des banquiers

centraux”.

Comment, en effet, faire entendre la voix des

populations qui subissent ces politiques d’austérité

souvent rendues nécessaires pas l’incurie et la

malhonnêteté de dirigeants dictatoriaux et

kleptocrates ? Ecrasées dans leur propre pays, elles

subissent une pression supplémentaire avec ces

mesures internationales. Il faut au contraire saisir

cette occasion pour permettre aux populations et

aux ONG locales une expression qui leur est souvent

confisquée. C’est la raison pour laquelle de

nombreuses organisations se sont retrouvées autour

de la campagne : “FMI : sortir de l’imPAS !” lancée

en avril 2000 pour demander la mise en place d’un

mécanisme de recours permettant aux populations

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S’il fallait une illustration caricaturale de ce que le

FMI et la Banque mondiale sont capables de fai-

re quand ces deux institutions ne savent pas regar-

der plus loin que leur credo libéral, la voici.

En 1985, la Bolivie connaissait une hyper inflation

de 23 500 %. En 2000, elle n’était plus que

de 3 %, avec une croissance soutenue (4 % sur

10 ans), une augmentation confortable des

réserves internationales et des investissements

étrangers directs. Cet alignement de perfor-

mances macroéconomiques est sans nul doute à

mettre au crédit des institutions internationales.

Ces quinze ans d’ajustement structurel ont donné

les résultats escomptés. En revanche, que la misè-

re touche 70 % de la population n’était pas pré-

vu. Pourtant, c’était prévisible : le dégraissage du

secteur public et l’exode rural étaient “néces-

saires” pour appliquer les recettes des créanciers

internationaux. Bon élève, la Bolivie est aujour-

d’hui un pays fortement endetté. La dette, la

croissance et la pauvreté ont augmenté ensemble

au cours des 15 dernières années. Les réformes

structurelles, en Bolivie comme dans nombre de

pays victimes des plans d’ajustement structurels,

ont entraîné plus de pauvreté car plus de concen-

tration de richesses dans peu de mains. Parallèle-

ment, un tiers des exportations servaient à rem-

bourser la dette. Les pauvres n’étaient pas prévus

La Bolivie, embellie sur la croissance et bilan social désastreux

dans cette mécanique. Le bilan est catastro-

phique : un revenu annuel par tête qui ne dépasse

pas 1 000 dollars, un taux de mortalité infantile de

69 pour 1 000 et les deux tiers de la population qui

n’ont ni électricité ni eau potable. Ces indicateurs

sociaux risquent de faire chanceler la démocratie

en place depuis 1982. La Banque mondiale a

reconnu la contradiction et essaie aujourd’hui de

la rattraper. D’abord, la Bolivie a été le premier

pays latino américain à bénéficier du programme

pilote dans le cadre de l’initiative pour les pays

pauvres très endettés (PPTE). En 1999, le pays

consacrait 22,6 % de ses recettes d’exportation au

service de la dette. Ce chiffre tomberait à 7,5 % en

2005 et à 2 % en 2018. Cette annulation de la

dette est conditionnée à la mise en place d’un cadre

stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), une

nouvelle mesure destinée à réduire la pauvreté en

faisant en sorte que les stratégies soient élaborées

par les populations elles-mêmes. Si l’intention est

louable, la mise en application est très difficile. La

consultation de la société civile est souvent som-

maire, voire un simple alibi pour que les gouver-

nements aient accès à l’argent des CSLP en se

conformant aux exigences explicites ou implicites

du FMI et de la Banque mondiale. Mal appliquée,

cette nouvelle mesure risque de n’être que la feuille

de vigne des Plans d’ajustement structurel.

L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

16 / 17

de porter plainte lorsque leurs droits fondamentaux

ou leur environnement sont menacés par les

politiques dictées par le FMI.

Il existe déjà le SAPRIN, Structural Adjustment

Program Review Initiative Network, un réseau

international de 1 500 associations créé pour évaluer

de façon indépendante l’impact des PAS avec la

Banque mondiale et les gouvernements concernés.

Ce réseau a été créé en réaction à une initiative de la

Banque mondiale, le SAPRI, Structural Adjustment

Program Review Initiative, dont le fonctionnement

était restreint par la Banque, qui ne tenait aucun

compte des remarques et avis émis par les autres

acteurs. Concernant les PAS, la société civile doit

être impliquée dès l’élaboration des termes de

référence, et en amont, la réalisation plus

systématique d’études d’impact préalables doit

permettre de prendre en compte dès le départ les

facteurs humains et environnementaux qui sont au

cœur d’une stratégie de développement digne de ce

nom. Lorsque des résultats le requièrent, les mesures

correctives et les réparations nécessaires doivent

pouvoir être mises en œuvre, afin que le rapport

d’évaluation ne reste pas lettre morte.

CAHIER N°9 28/03/03 12:27 Page 16 (1,1)

L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

Les services de base et le financement du développement

Les nouvelles options de lutte contre la pauvreté

représentent une évolution intéressante des discours

des organisations internationales, comme si elles

reconnaissaient implicitement que leurs politiques

macro-économiques n’avaient pas les répercussions

humaines escomptées. Il est maintenant entendu que

la croissance économique n’est pas un préalable à la

diminution de la pauvreté et qu’il ne s’agit pas

seulement de faire des ajustements ou des

cataplasmes sociaux, mais bien d’avoir une politique

globale et durable de développement. Et donc

d’avoir des politiques de financements adaptées.

En France la campagne “Services liquidés, droits

bafoués !” (mai-septembre 2001) a mobilisé une

trentaine d’associations. La première revendication

des ONG est de ne pas privatiser les services de base

(santé, éducation, eau, énergie domestique, ...). En

effet, la privatisation entraîne souvent une

augmentation inconsidérée des prix qui remet en

cause l’égalité d’accès aux services de base. C’est en

tout cas ce qu’ont montré plusieurs études de

l’UNICEF et du PNUD sur ce sujet. Ainsi, sur les

recommandations de la Banque mondiale, la

municipalité de Cochabamba, en Bolivie, avait

octroyé le marché de l’eau à un consortium

international. La facture d’eau mensuelle a grimpé

jusqu’à 20 % du revenu d’un travailleur

indépendant. La population a organisé des marches

de protestation qui se sont terminées dans la

violence, avec un mort et des dizaines de blessés.

Après une période d’état de siège, le gouvernement a

tout de même révoqué le consortium et la

distribution d’eau est revenue à la municipalité.

Ces privatisations forcées n’améliorent en aucun cas

la couverture des besoins ou l’efficacité des secteurs

concernés. Il s’agit en théorie d’encourager les

investisseurs locaux et de casser les monopoles

d’Etat. Or, les marchés de l’eau et de l’électricité

notamment sont très profitables pour les

multinationales qui s’en emparent. En Afrique, par

exemple, les procédures de vente des entreprises

publiques ne sont pas toujours transparentes et pas

souvent exemptes de pots-de-vin. Et pour que le

marché soit rentable, on aide même les entreprises

dans leurs acquisitions. Ainsi, début 2000,

Vivendi s’est porté acquéreur de la STEE (Société

Tchadienne d’Eau et d’Electricité) dont la

privatisation était requise par le FMI. L’Etat

tchadien s’est d’abord engagé à absorber les dettes

à long terme de la compagnie, tandis que la France,

via l’Agence française de développement,

subventionne le processus de privatisation à hauteur

de 33,5 millions de francs. En clair, il s’agit de

renflouer la STEE avant que Vivendi en acquière

51 %. Risque minimum, profit maximum.

On soigne plus les multinationales que les

populations, semble-t-il...

La campagne des ONG françaises en faveur des

services de base entend réaffirmer que l’accès aux

services de base constitue un élément indispensable

au développement durable. L’égalité d’accès à ces

services est partie intégrante des droits humains

fondamentaux et, en tant que telle, doit faire l’objet

de l’aide internationale. Les ONG ont proposé à la

Conférence des Nations Unies pour le financement

du développement, en mars 2002, qu’au moins

30 % de l’aide multilatérale soient consacrés aux

services de base.

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

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LES AVANCÉESDU SYSTEME

INTERNATIONAL Si les IFI ont besoin de réformes, certains

gouvernements et transnationales aussi. Au fil des

campagnes et des contre sommets, les mouvements

de citoyens tentent d’assouplir certaines scléroses le

système international dans son ensemble. Depuis

quelques années, les changements de discours sont

très nets, encourageant en cela la poursuite des

pressions, tant en direction des institutions

internationales qu’en direction de gouvernements

corrompus et dictatoriaux et de sociétés trans-

nationales irresponsables et avides de gains faciles.

La fin du consensusde Washington : une chance à saisirIl a fallu attendre des dizaines de catastrophes

sociales dans les pays soumis aux plans d’ajustement

structurel pour que la Banque mondiale reconnaisse

presque ouvertement (dans son rapport de 1997,

intitulé “Combattre la pauvreté”) que les bons

paramètres macroéconomiques ne suffisaient pas

pour assurer le bien être de la population. Dans le

milieu des années 90, les dégâts sociaux et les crises

financières n’ont pas épargné les “bons élèves” du

FMI, notamment en Asie, ce qui a ébranlé fortement

les thèses ultra-libérales qui prévalaient toujours au

FMI. C’est alors qu’en 1998, un article de Joseph

Stiglitz, alors vice-président et économiste en chef de

la Banque mondiale, véritable brûlot, a mis le feu

aux poudres. Il dénonçait la politique de son

homologue au FMI, l’économiste en chef Stanley

Fisher, à propos des traitements de choc imposés par

le Fonds aux pays asiatiques en échange de leur

sauvetage financier. On en apprend de belles sur le

FMI : ses fonctionnaires sont arrogants, ils se croient

les plus intelligents alors que le FMI recrute des

étudiants de troisième ordre venant d’universités de

premier ordre, ils ne connaissent rien aux pays qu’ils

sont censés aider, ils travaillent sur des modèles

dépassés ou truffés d’erreurs, leurs remèdes sont

souvent pires que le mal car ils transforment les

ralentissements en récessions et les récessions en

dépressions... et, qui aurait pu l’entrevoir sinon de

l’intérieur : c’est une institution si secrète et si peu

démocratique que même ses actionnaires (les

représentants des ministres des Finances) ont du mal à

savoir ce qui s’y passe et comment se prennent les

décisions... Le différend qui s’était installé depuis déjà

bien des années entre le FMI et la Banque mondiale a

alors éclaté au grand jour. C’était la remise en cause

du fameux “consensus de Washington”, sorte de prêt-

à-penser qui structurait le sauvetage financier

international autour de trois grands pôles, la

libéralisation, la privatisation et le respect des grands

équilibres économiques. L’arrivée de John Wolfensohn

à la tête de la Banque mondiale en 1995 a déjà

fendillé ce fameux consensus, car l’ancien banquier

d’affaires new-yorkais s’est senti investi d’une mission

en arrivant dans cette institution et a tout de suite

recentré le discours de la Banque sur la lutte contre la

pauvreté. L’effort de mettre sur un pied d’égalité les

objectifs économiques et les objectifs sociaux se

retrouve dans les Cadres stratégiques de lutte contre

la pauvreté (CSLP) qui dans l’idéal devraient être des

plans de développement élaborés par les pays

bénéficiaires dans le cadre d’une vaste concertation

nationale, des gouvernants à la société civile en

passant par les acteurs privés, les collectivités locales

etc. John Wolfensohn est toutefois assez seul tant son

projet marque une rupture profonde avec le passé. La

complexité de mise en œuvre de ce projet très

ambitieux donne du grain à moudre aux sceptiques

et aux conservateurs. Le président de la Banque a dû

se séparer de son vice-président par qui le scandale a

éclaté, Joseph Stiglitz, car sa liberté de ton agaçait les

représentants américains. C’est ainsi qu’aujourd’hui,

le président de la Banque mondiale fait figure

d’idéaliste à la tête d’un “machin” coincé dans une

foule de contingences éloignées de l’objet de

l’institution. Mais ce nouveau discours représente

CAHIER N°9 28/03/03 12:27 Page 18 (1,1)

L’histoire de l’Argentine est tragique.

Elle est malheureusement plus victime d’une

“ineptocratie” nationale que des bailleurs

internationaux.

L’Argentine des années 20 avait un niveau de

vie équivalent à celui de la France, grâce à son

agriculture florissante. Industries, transport,

exportations, tout allait de soi... jusqu’à la

grande dépression qui toucha tous les pays

industriels. Finis les capitaux étrangers, les

exportations, les importations de biens

industriels. L’Argentine ne se releva jamais, car

la bourgeoisie préféra placer sa rente agricole à

l’étranger plutôt que d’investir. Les militaires et

les péronistes qui se succédèrent au pouvoir

jusqu’en 1982 durent tous suppléer une

initiative privée défaillante, tout en évitant de

froisser la classe aisée par trop d’impôts. C’eût

pourtant été la seule solution pour réaffecter la

rente agricole dans le développement du pays.

Au nom de la démagogie populiste, l’inflation et

le protectionnisme remplacèrent donc les

prélèvements. L’Argentine se paya un Etat

providence à crédit (merci le FMI) tout en

laissant l’invasion fiscale à un niveau record.

Les Argentins ont dès lors été happés par la

spirale infernale crise des paiements extérieurs /

coups d’Etat / répression des mouvements

sociaux. La dernière ligne droite de la dictature

mit un coup d’arrêt brutal au protectionnisme

et la libéralisation de l’économie fit revenir les

capitaux, mais l’Argentine vivait toujours au

dessus de ses moyens, comme si la période bénie

des années 20 était devenue la seule référence

culturelle des Argentins qui se voilaient ainsi la

face. Les déficits publics et la création

monétaire ont précipité la tornade de

l’hyperinflation qui s’est perpétuée sous le

premier mandat démocratique (500 % en 1975,

5 000 % en 1989-1990 !)

Pour sortir de ce chaos, le président Menem et

son ministre Domingo Cavallo appliquèrent un

remède de cheval en 1991 : la parité fixe

peso/dollar, tout en limitant l’accès des

Argentins à leurs dépôts puisque ce taux de

change était insoutenable. Le FMI a dénoncé en

son temps ce système rigide et aberrant (la

production argentine n’était plus compétitive),

mais il a malgré tout continué à prêter des

sommes monumentales à l’Etat argentin en

l’exhortant seulement de présenter un budget

national cohérent. La responsabilité du FMI est

là : il aurait du arrêter de prêter bien avant.

Le dernier prêt date de décembre 2000 -

40 milliards de dollars, dont la dernière tranche

de 8 milliards a été débloquée en août 2001 -

ce qui lui a permis de reculer d’un an les foudres

et le tonnerre qui grondaient dans les rues.

Fallait-il continuer cette course folle aberrante ?

Que le FMI dise enfin non devrait permettre

aux 37 millions d’Argentins de regarder avec

consternation ce que des générations de

dirigeants corrompus ont fait de leur pays.

Ce sont les élites politiques du pays qui ont

encalminé l’Argentine dans une récession dont

le pays ne pourra sortir qu’au prix d’une

dévaluation qui va laisser nombre de ménages

endettés et nombre d’entreprises exsangues. Le

Monde du 1er janvier 2002 caractérisait ainsi le

mal argentin : “Ses élites, au lieu d’investir sur

place, ont exporté le moindre peso-dollar gagné,

ce qui fait d’une nation lourdement endettée un

pays exportateur net de capitaux. Ce n’est pas

du libéralisme, mais du banditisme.”

L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

sans doute l’un des rares leviers d’envergure que les

mouvements citoyens pour la réforme des Institutions

financières internationales pourraient appuyer, en

agissant pour la mise en conformité des réalisations

avec ces discours. Joseph Stiglitz, quant à lui, a pris

une manière de revanche en recevant le Prix Nobel

d’économie en novembre 2001, en récompense de ses

travaux sur les défaillances des marchés en matière

d’information des acteurs. Celui qui a critiqué

vertement le “fondamentalisme de marché” a sans

doute eu le tort d’avoir raison trop tôt par rapport à

ce que le FMI était en mesure d’entendre.

L’Argentine, victime du FMI ou victime d’elle-même ?

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

pays débiteur une protection juridique contre sescréanciers pendant qu’il négocie la restructuration desa dette. Le débiteur s’interdirait pour sa part depuiser dans ses réserves pour payer des créanciers “privilégiés” ou particulièrement chicaneurs. Cette approche laisse l’initiative au pays débiteur età ses créanciers. Notre objectif est de faciliter laconclusion d’un accord sur l’indispensablerestructuration et non d’en discuter les termes. Le FMI a un rôle crucial à jouer, car c’est l’enceintedans laquelle la communauté internationale peut seprononcer sur la viabilité de la dette d’un pays et surle bien fondé de sa politique économique. Mais il est d’autres points - le règlement desdifférends entre créanciers, par exemple - surlesquels notre conseil d’administration risque de setrouver face à des conflits d’intérêts. Ces questionspourraient être confiées à un organisme présentantles garanties juridiques nécessaires au sein ou àl’extérieur du FMI.” Cette proposition a été accueillie avec beaucoup de

réticences dans les milieux financiers. Certains

créanciers privés n’hésitent pas, en effet, à exiger

leurs dus auprès d’Etats dont la dette est en

restructuration, vidant leurs réserves et affaiblissant

de ce fait leurs capacités de redressement, comme ce

fut le cas en 2000 au Pérou.

Ce processus - qui, vu sa complexité, mettra

certainement plusieurs mois avant de se concrétiser -

est demandé depuis plusieurs années par les collectifs

d’ONG qui travaillent sur la dette. Avec une

différence fondamentale : les ONG défendent l’idée

de la création d’une Cour d’arbitrage internationale

indépendante, rattachée aux Nations Unies, de façon

à ce que le FMI ne soit pas à la fois juge et partie.

Les organisateurs de la campagne Jubilé 2000

estiment en effet que “le FMI a lui aussi prêté defaçon irresponsable à des dictateurs et il lui est arrivéde recommander des politiques économiques qu’ilconsidère lui même aujourd’hui commeinappropriées ”.

Qu’est ce que la régulationdu système international ?Face à ces avancées parfois chaotiques et souvent

dispersées, les ONG élaborent une conception

La fin des conditionnalités ?Dans un rapport intitulé “Aid and reform in

Africa” paru au début de l’année 2001, le FMI et la

Banque mondiale ont pris position en faveur d’une

remise en cause de la conditionnalité, une politique

qui guide leurs interventions notamment depuis les

premiers Plans d’ajustement structurel, en 1979. Les

deux institutions avaient pour principe de prêter de

l’argent aux pays du Sud à condition que leurs

gouvernements réduisent les déficits budgétaires et

les déficits extérieurs, privatisent les entreprises

publiques, libéralisent leur économie et ouvrent leurs

marchés. Dans un aggiornamento explicite, le FMI

dénonce sa propre dérive dans le domaine des

conditionnalités structurelles (privatisations, sécurité

sociale, système financier...). L’institution reconnaît

que ses recommandations ont fini par se substituer

aux choix politiques des pays bénéficiaires sans que

cette usurpation de légitimité soit efficace.

Cette réforme de la conditionnalité en cours au sein

du FMI ne signifie pas la fin des conditions imposées

aux pays, mais il s’agit plutôt d’un “dégraissage” de

celles-ci, qui seront désormais imposées avec plus de

parcimonie sur des points jugés “critiques”.

La nouvelle procédure de failliteappliquée aux Etats, ou comment impliquer le secteur privé dans larésolution des crises financières

Au fil de divers rapports, les institutions des Nations

Unies et celles de Bretton Woods se retrouvent sur

l’idée d’impliquer davantage le secteur privé dans la

résolution des crises financières. En novembre 2001,

le premier directeur général adjoint du FMI, Anne

Krueger, a émis l’idée d’introduire pour les Etats

souverains un droit de faillite comparable à celui des

entreprises. Elle la présente en ces termes (in Le

Monde, 19 février 2002) : “Il n’existe jusqu’àaujourd’hui aucun moyen d’amener à une mêmetable les pays accablés par le fardeau de la dette etleurs créanciers pour résoudre les problèmesd’endettement de façon ordonnée. Pour que laplupart des créances aient le maximum de valeur etpour limiter autant que possible le coût del’opération pour le débiteur, ce système offrirait au

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

globale de la régulation du système international.

Il s’agit d’abord d’opposer à la libéralisation

économique, commerciale et financière le respect des

droits humains, civils et politiques autant

qu’économiques, sociaux et culturels.

Les citoyens veulent inventer, et inventent de fait, un

nouveau monde dans lequel le respect des droits

humains sera dominant.

Dans cette perspective, la régulation par le marché

mondial existant est loin d’être la meilleure solution.

Nous considérons donc qu’il faut des Institutions

financières internationales pour agir dans la durée,

mais nous ne saurions faire confiance aux

orientations et au fonctionnement des institutions

actuelles.

Ces institutions démocratiques seraient chargées de

trois objectifs conjoints :

■ la stabilité du système monétaire,

■ la prévention des crises financières,

■ le financement du développement durable.

Assurer la stabilité monétaire et éviter lescrises financières

Pour que le système monétaire soit stable et permette

d’éviter les crises financières et monétaires, un

certain nombre d’orientations peuvent être retenues :

■ Il faut reconquérir les souverainetés nationales

concernant la monnaie et le développement, y

compris donc en matière de politiques fiscales,

salariales, financières et sociales.

■ La régionalisation offre des perspectives

intéressantes pour le développement et pour les

politiques économiques et monétaires. Toutefois,

une vision politique large doit inclure la réalité de

construction d’espaces de production, de marchés

d’échanges régionaux et d’accords démocratiques.

A chacune de ces régionalisations correspondent

des négociations politiques dans lesquelles les

mouvements sociaux doivent prendre part.

■ Le système des taux de change, s’il veut être

crédible, doit être fondé sur les échanges

commerciaux et ne doit pas être déterminé par les

mouvements de capitaux.

■ Le contrôle des mouvements de capitaux est

impératif aussi bien au niveau international qu’au

niveau national. Les expériences chilienne,

malaisienne, chinoise, etc. en ont démontré la

nécessité et la possibilité.

■ Ce contrôle s’articule avec la nécessité de lutter

contre les paradis fiscaux, le blanchiment d’argent

et la criminalisation financière.

■ Les taxes, comme la taxe Tobin ou d’autres taxes,

peuvent aider à la régulation du système monétaire

et au financement du développement durable.

Favoriser un développement durablerespectueux des droits humains

Chaque peuple a le droit de définir son propre

modèle de développement, mais le préalable en est la

démocratisation des procédures nationales.

Parallèlement aux travaux sur la démocratisation

des institutions internationales, les combats

démocratiques nationaux restent fondamentaux et

irremplaçables. La responsabilité des Etats et des

régimes nationaux demeure entière face à leurs

peuples, sur les choix des modèles et sur les

orientations du développement, particulièrement en

ce qui concerne le respect des droits humains. Il est

du devoir de chaque pays de démocratiser aussi les

décisions concernant ses relations avec les

Institutions financières internationales.

Dans ce cadre, et pour créer un environnement

favorable à ces évolutions nationales,

■ La priorité reste l’annulation de la dette.

■ Un système de justiciabilité des droits

économiques, sociaux et culturels aux niveaux

national et international doit à terme être établi et

des instances de recours mises en place. Cela

implique notamment la reconnaissance de la

coresponsabilité des créanciers et des débiteurs

dans la formation de la dette et dans les décisions.

■ La discussion doit être ouverte sur la nécessité et

les moyens de rééquilibrer les termes de l’échange,

notamment aux niveaux des prix des matières

premières et des échanges commerciaux.

■ La priorité doit être donnée à la construction des

marchés intérieurs et à l’égalité d’accès aux services

de base. C’est cette égalité d’accès qui permet de

fonder la lutte contre la pauvreté sur le refus des

inégalités croissantes et des discriminations.

■ Le principe d’une redistribution mondiale est

inéluctable si l’on veut assurer l’accès de tous les

pays au financement du développement.

Le recours à un système de taxes ou le

rééquilibrage des termes de l’échange font partie

des modalités envisageables.

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

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A suivreLe temps est venu pour les IFI de connaître

une véritable démocratisation et la mise en

place d’un fonctionnement transparent.

Sans doute sentent-elles confusément que

leurs bornes idéologiques libérales

bloquent l’efficacité de leurs fonds et les

décrédibilisent. C’est sans doute ce qui

explique les ouvertures que l’on constate

depuis plusieurs années.

Les mobilisations citoyennes nationales et

internationales portent leurs fruits.

Même si l’on est encore loin de la mise en

place d’un véritable système économique

international régulé et démocratisé, la lutte

contre l’idée libérale des institutions de

Bretton Woods avance.

Beaucoup d’idées restent à explorer pour

la mise en place d’un système qui bannisse

les inégalités, car les politiques de lutte

contre la pauvreté s’apparentent parfois à

des cataplasmes transitoires qui évitent la

remise en cause globale du système.

La proposition défendue par Keynes lors

des premières négociations de Bretton

Woods était-elle si utopique ?

Quoi de mieux qu’une monnaie universelle

pour une stabilité monétaire mondiale ?

Et quoi de mieux qu’un système de taxes

pour les “trop riches” et de prêts pour les

“trop pauvres” afin d’éviter les inégalités

entre les pays et à l’intérieur des pays ?

Pourquoi ce programme ?L’influence de la France au sein des IFI est très

importante : membre du G7, 4e puissance

économique du monde, elle détient près de 5 % des

droits de vote à la Banque mondiale et au Fonds

monétaire international (FMI). Elle a également un

rôle considérable dans la plupart des pays

francophones du Sud. Parallèlement, le manque de

transparence et de contrôle des politiques des IFI a

généré une importante vague de protestations au

sein des associations de solidarité internationale et

des sociétés civiles, qui a permis un début de

réforme de ces institutions.

C’est dans ce contexte qu’Agir ici, l’AITEC

(Association internationale de techniciens, experts

et chercheurs) et le CRID (Centre de recherche et

d’information pour le développement) ont lancé à

l’automne 1998 un programme commun pour la

réforme des IFI.

Ses objectifs :

■ Sensibiliser et mobiliser l’opinion publique sur

le thème des IFI.

■ Améliorer la transparence de la politique

française au sein de ces institutions.

■ Elaborer des propositions de réforme de leurs

politiques.

Actions1. Renforcer la réflexion sur les IFI au sein de la

société civile par :

■ L’animation en France d’un réseau d’une trentaine

d’associations de solidarité internationale, de

défense des droits humains et de protection de

l’environnement mobilisées sur la question des

IFI, afin de développer une réflexion et des

actions de mobilisation.

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

■ La publication d’une lettre d’information

mensuelle, IFI ... et maintenant !, diffusée à plus

de 1 000 exemplaires (décideurs, presse,

associations françaises et étrangères), qui permet

d’aborder chaque mois une problématique

générale et de faire le point sur l’actualité des IFI.

■ La création d’un site Internet de référence sur la

question, avec des textes, des articles de fond,

l’actualité des IFI, les actions en cours en France

et dans le monde...

■ L’organisation de sessions de formation

décentralisées, destinées à fournir aux militants

des outils à la fois théoriques et pratiques afin

qu’ils puissent à leur tour relayer informations et

actions.

2. Organiser des campagnes citoyennes

telles que :

■ Pour l’an 2000, annulons la dette ! (1999),

qui a permis de recueillir plus de

520 000 signatures en France. Face à la pression

populaire, les pays riches ont pris

des engagements, notamment lors du G7 de

Cologne en 1999.

■ Transparence, démocratie : les IFI aussi ! (1999),

dont l’objectif était d’obtenir la mise en place

d’un véritable contrôle parlementaire sur la

politique française au sein des IFI. Depuis cette

campagne, le gouvernement publie un rapport

annuel, dont l’Assemblée nationale s’est saisie en

publiant à son tour des rapports très critiques en

décembre 2000 et 2001.

■ FMI : Sortir de l’imPAS (2000), qui demandait

la mise en place d’une unité d’évaluation

indépendante et d’un mécanisme de recours

pour les populations affectées par les plans

d’ajustement structurel imposés. Depuis lors, le

FMI a décidé de créer un bureau d’évaluation qui

est sur le point de commencer ses travaux.

■ Services liquidés : droits bafoués ! (2001),

visant à s’opposer aux mesures imposées par

les IFI qui remettent en cause l’accès à différents

services de base (santé, éducation, eau etc.),

et demandant qu’une part importante de l’aide

publique multilatérale soit consacrée à ces

services.

■ Ça carbure au Nord, ça chauffe au Sud !,campagne lancée en mars 2002 pour stopper les

projets pétroliers, gaziers et miniers, aux effets

désastreux, financés par la Banque mondiale et

promouvoir le financement d’énergies

renouvelables au profit des populations les plus

pauvres.

3. Elaborer des propositions de réforme des

politiques des IFI :

■ En associant des chercheurs et des experts à la

production de documents de fond et à

l’organisation de journées d’étude (IFI etdéveloppement durable / Cadres stratégiques delutte contre la pauvreté)

■ En organisant des séminaires internationaux tel

celui organisé en juin 2001 à Paris, sur le thème

“Régulation du système international : quelle

place pour le FMI ?”, avec des chercheurs et des

associations du Nord comme du Sud.

■ En renforçant le partenariat avec les associations

du Sud, indispensable pour mieux soutenir leurs

revendications et élaborer ensemble des

propositions de réforme.

■ En soutenant de façon continue les principales

actions françaises et internationales en faveur de

la réforme des IFI et en participant à des actions

au niveau européen.

Le Programme IFI

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L E S C A H I E R S D E L A S O L I D A R I T É

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Editeur : CRID - 14, passage Dubail - 75010 Paris

Tél. : 01 44 72 07 71 - Fax : 01 44 72 06 84

E-mail : [email protected]

Site web : www.crid.asso.fr

Directeur de la publication : Gustave Massiah

Rédaction en chef : Raphaël Mège

Rédaction : Anne-Sophie Boisgallais

Avec la participation de : Michel Faucon, Fabien Lefrançois,

Camille de Maissin

Conception graphique : René Bertramo

Dépôt légal : xxxx

Imprimerie : Landais

Tirage : 2 000 ex.

Campagne pour la réforme des IFI (ONG

françaises): www.globenet.org/ifi

ATTAC, Association pour la taxation des

transactions financières et l’aide au Citoyen (réseau

international) : www.attac.org

Campagne 50 ans, ça suffit (ONG nord-

américaines) : www.50years.org

Bretton Woods Project (ONG de Grande Bretagne) :

www.brettonwoodsproject.org

CADTM, Comité pour l’Abolition de la Dette du

Tiers Monde (Belgique) :

www.users.skynet.be/cadtm

Campagne pour la réforme de la Banque mondiale

(Italie) : www.unimundo.org/cbm

Les amis de la terre (Organisation environnementale

internationale) : www.amisdelaterre.org

Eurodad (réseau européen sur la dette) :

www.eurodad.org

Initiative Halifax (coalition d’ONG canadiennes) :

www.halifaxinitiative.org

Coalition d’ONG suisses : www.swisscoalition.ch

WEED (Allemagne) : www.weedbonn.org

Focus on the global South (coalition d’ONG

asiatiques, Thaïlande) : www.focusweb.org

Bank Information Center (organisation américaine) :

www.bicusa.org

Jubilee South (ONG africaines) :

www.aidc.org.za/j2000

IBASE (Brésil) : www.ibase.fr

FMI : www.imf.org

Banque mondiale : www.worldbank.org

Nations Unies, financement du développement :

www.un.org/esa/ffd

Nations Unies, développement durable :

www.un.org/rio+10

Sites web • Comprendre les IFI : une clé pour l’action citoyenne, Agir ici,

AITEC, CRID, 2001, 45p.

• Banque mondiale, pompe A’frique des compagnies pétrolières,Agir ici et les Amis de la terre, 1997

• Mondialisation, Institutions financières internationales etdéveloppement durable, AITEC, Agir ici, CRID, 2000,

Archimède et Léonard, hors série n°14

• Rapport mondial sur le développement humain, PNUD, 2001

• Combattre la pauvreté, Banque mondiale, 2001

• Crédits sans frontières, Susan George, Fabrizio Sabelli,

la Découverte, 1994

• L’ordre économique mondial, Elie Cohen, Fayard, 2001,

315 pages

• Le FMI, de l’ordre monétaire aux désordres financiers, Michel

Aglietta et Sandra Matti, Economica, mai 2000, 255 pages

• Ajustement structurel et lutte contre la pauvreté en Afrique : la Banque mondiale face à la critique, Bruno Sarrasin, Paris,

L’Harmattan, 1999, 115 p. Mondialisation et développement

durable, quelles instances de régulation ? Solagral,

UNESCO-MOST, 1998

• FMI, les peuples entrent en résistance, CETIM, 2000

• Guide citoyen du FMI, Les amis de la Terre, 2000

• Fonds monétaire international, Banque mondiale : vers une nuit du 4 août ? Yves Tavernier, Commission

des finances, Assemblée nationale, 2000

• Les marchés financiers : dérégulation, la fuite en avant,in Courrier de la planète, N°39, mars-avril 1997

• Dettes des PVD et mécanismes économiques internationaux,dossier pédagogique de Peuples Solidaires, 1999

• Dette, IFI : la réponse citoyenne, in Peuples en marche n°166,

mai 2000

• Collection de IFI...et maintenant ! vers une réforme desinstitutions Financières Internationales, mensuel de la

campagne française menée par le CRID, Agir ici et AITEC

(depuis mars 1999).

Bibliographie

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