les français et l'afrique du sud

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Page 1: Les Français et l'Afrique du Sud
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CES FRANÇAIS QUI ONT FAIT

L'AFRIQUE DU SUD

Page 3: Les Français et l'Afrique du Sud

Du même auteur

Histoire de l'Afrique du Sud. Librairie Académique Perrin, 1986. (Prix de la Société de géographie économique.) Nouvelle édi- tion augmentée et actualisée en 1995.

Afrique: Histoire à l'endroit. Librairie Académique Perrin, 1989.

Afrique, bilan de la décolonisation. Librairie Académique Perrin, 1991. Nouvelle édition en 1996.

Histoire du Maroc des origines à nos jours. Critérion, 1992.

Histoire de la Louisiane f rançaise (1682-1804). Librairie Acadé- mique Perrin, 1994.

Afrique : de la colonisation philanthropique à la recolonisation humanitaire . Christian de Bartillat, 1995.

L'Afrique Réelle, revue trimestrielle, BP n° 6, 03140 - Charroux.

Ouvrages épuisés: à commander à L'Afrique Réelle, BP n° 6, 03140 - Charroux.

Robert de Kersauson : Le Dernier Commando boer. Éditions du Rocher, collection «Aventure et Aventuriers», 1989.

Villebois-Mareuil: Le La Fayette de l'Afrique du Sud. Éditions du Rocher, collection "Aventure et Aventuriers», 1990.

Cette Afrique qui était allemande. Éditions Jean Picollec, 1990.

En collaboration avec Arnaud de La Grange :

Le Safari du Kaiser (récit). La Table Ronde, 1987. Les Volontaires du Roi (roman). Les Presses de la Cité, 1989,

(épuisé).

Page 4: Les Français et l'Afrique du Sud

Bernard Lugan

CES FRANÇAIS QUI ONT FAIT

L'AFRIQUE DU SUD

Collection « Gestes »

BARTILLAT

Page 5: Les Français et l'Afrique du Sud

Tous droits réservés pour tous pays. @ 1996, Éditions Bartillat.

Page 6: Les Français et l'Afrique du Sud

Chronologie abrégée

3 fév. 1488 : Bartolomeu Dias jette l'ancre dans la baie de Mossel. 1er mars 1510 :Almeida, vice-roi des Indes, est tué par les Khoisan

lors d'un affrontement dans la baie de la Table. 25 mars 1647 : naufrage du Nieuw Haarlem. 6 avril 1652 :Jan Van Riebeeck débarque au Cap. 1658 : importation des premiers esclaves javanais et noirs. 1688 : arrivée des huguenots. 1770-1775 : première rencontre entre Blancs et Noirs dans la

zone comprise entre les rivières Kei et Fish. 1779 : première «guerre cafre' (ou guerre de frontière). 1789 : deuxième « guerre cafre .. 1795 : première occupation anglaise. 1799-1803 : troisième « guerre cafre ». 1803-1805 : deuxième période hollandaise. 1803 : installation de la London Missionary Society au Cap. 1806 : deuxième occupation anglaise. 1811-1812 : quatrième " guerre cafre». 1818-1819 : cinquième « guerre cafre ». 1834-1835 : sixième « guerre cafre ». 1835 : début du Grand Trek. 16 oct. 1836 : Potgieter bat Mzilikazi à Vegkop. Février 1838 : assassinat de Piet Retief et de ses compagnons par

les Zoulou. 16 déc. 1838 : Pretorius écrase les Zoulou à la bataille de Blood

River.

1839 : fondation de la République indépendante du Natal. 1846 : après l'annexion de cette dernière par les Anglais,

les Voortrekkers abandonnent le Natal et reprennent le Trek.

1847 : septième « guerre cafre » (ou guerre de frontière). 1850-1853 : huitième « guerre cafre » (ou guerre de frontière). 1852 et 1854 : reconnaissance par Londres de l'indépendance du

Transvaal et de l'État libre d'Orange. 1877 : annexion du Transvaal par la Grande-Bretagne. 1879 : guerre anglo-zoulou.

Page 7: Les Français et l'Afrique du Sud

1880 : insurrection du Transvaal. Première guerre anglo- boer.

1881 : victoire boer d'Amajuba Hill. 1881-1884 conventions de Pretoria et de Londres, le Trans-

vaal recouvre son indépendance. 1890 : Cecil Rhodes fait occuper la rive gauche du Lim-

popo. 29 déc. 1895-

2 janv. 1896 r a id Jameson. 1899-1902 : guerre des Boers. 31 mai 1902 p a i x de Vereeniging. 1904 : mort de Paul Kruger en exil. 31 mai 1910 : naissance de l'Union sud-africaine.

1912 : création du Congrès National Africain (ANC). Août 1914 : l'Union sud-africaine entre en guerre aux côtés

des Alliés.

6 sept. 1939 : l'Union sud-africaine déclare la guerre à l'Alle- magne.

Mai 1948 : victoire électorale des Nationalistes afrikaners.

A partir de 1949 mise en pratique de la politique d'apartheid. 31 janv. 1986 : le président Botha répudie la doctrine de l'apar-

theid et annonce son démantèlement juridique. 1986 : guerre civile entre Noirs. 5 août 1988 : cessez-le-feu en Angola entre l'Afrique du Sud et

Cuba.

22 déc. 1988 : accords de New York prévoyant l'accession de la Namibie à l'indépendance à la suite de l'évacua- tion de ce pays par les troupes sud-africaines et de l'Angola par les troupes cubaines.

14 août 1989 ; le président Botha, malade, démissionne et M. F. W. De Klerk assure l'intérim.

14 sept. 1989 :M. F. W. De Klerk est élu président de la Répu- blique.

2 fév. 1990 : légalisation de l'ANC, du Parti communiste et de toutes les organisations clandestines ou interdites.

11 fév. 1990 libération de Nelson Mandela. 26-28 avril 1994 : élections multiraciales en Afrique du Sud. Victoire

de l'ANC.

9 mai 1994 : Nelson Mandela élu président en remplacement de M. De Klerk.

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Glossa i r e

AFRIKAANS : langue d'origine hollandaise parlée par les Afrikaners. AFRIKANER: Sud-Africain d 'ascendance hollandaise, germanique

ou huguenote. Synonyme de Boer, terme tombé en désué- tude.

ASSEGAI: courte sagaie zoulou. BOER: fermier, agriculteur, paysan. Anciennement employé dans

le sens de Sud-Africain d 'ascendance non britannique. BROEDERBOND (ou Afrikanerbond) : société secrète afrikaner dont

le but est la promotion de la nation afrikaner. CONSEIL DES DIX-SEPT: gouvernement de la VOC. FREEBURGHER : bourgeois libre. Fonctionnaire de la Compagnie

hollandaise des Indes orientales autorisé à travailler pour son propre compte à condition de respecter le monopole de vente de ladite compagnie.

GUERRE CAFRE: expression désuète. On parle aujourd'hui de «guerre de frontière ". Il s'agit des guerres ayant opposé les Xhosa, une des ethnies noires d'Afrique du Sud aux Afrikaners et aux Britanniques.

IMPI: régiment zoulou. KAROO : steppe sub-désertique occupant tout l'est et le nord-est de

la région du Cap. KOMMANDO : unité militaire boer composée de volontaires. KRAAL : enclos à bétail et concentration de huttes.

KOPJE : colline.

LAAGER: enceinte fortifiée constituée par l'assemblage de chariots. LMS : London Missionary Society, société missionnaire protes-

tante.

MFECANE : broyage, écrasement. Suite de déplacements de popu- lations de proche en proche étant la conséquence de l'impé- rialisme zoulou.

TREK : migration, déplacement en afrikaans. Grand Trek : réaction de certains Afrikaners à la politique britannique envers les gens de couleur. En partant à la recherche de nouvelles terres

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ils désiraient y fonder des États où ils seraient maîtres de l'organisation des rapports interraciaux.

TREKBOER : éleveur nomade. UITLANDER: étranger non afrikaner vivant dans les républiques

boers. VELD : savane d'Afrique du Sud. VELDKORNET : lieutenant. VOC: initiales de Vereenigde Oostindische Compagnie. Il s'agit

de la Compagnie hollandaise des Indes orientales. VOLKRAAD : parlement boer, assemblée du peuple. VOORTREKKER : membre du Grand Trek de 1835-1846.

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Introduction

Le cap de Bonne-Espérance est doublé par des Français au début du xvie siècle. C'est à cette époque que des marins normands empruntent la route menant aux Indes orientales. Leur nombre fut cepen- dant limité, car la France n'était pas en mesure de concurrencer le Portugal régnant alors en maître sur cette voie maritime. Il ne resta alors aux Français que les marches négligées des empires ibériques. Jean Ango ou Jacques Cartier explorèrent donc la vallée du fleuve Saint-Laurent. Quant à Villegagnon, il tenta vai- nement une colonisation du Brésil. Paralysée par les guerres de Religion, la France ne put concrétiser sa vocation ultramarine.

Ce sont les Portugais qui ont fait entrer l'Afrique du Sud dans l'histoire. Le 25 décembre 1487, une petite flotte commandée par Bartolomeu Dias de Novaes atteint la baie d'Angra das Voltas, site de l'actuelle Luderitz en Namibie. Réduite à deux navires, elle double le cap de Bonne-Espérance sans s'en aperce- voir. Le 3 février 1488, elle entre dans la baie de Mos- sel où paissent des bovins. Les Portugais la baptisent donc « Angra dos Vaqueiros ». L'exploration se poursuit ensuite jusqu'à l'embouchure de la rivière Great Fish. Le 12 mars, un padrao, colonne de pierre, aux armes

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du Portugal, est fiché en terre. La date de la prise de possession de la région et le nom de Bartolomeu Dias de Novaes y sont gravés. Puis l'expédition rebrousse chemin. En décembre 1488, elle est de retour à Lisbonne.

Vasco de Gama, Pedro de Athaydel, Joao de Nova, Antonio de Saldanha, Francisco de Almeida, Alfonso de Albuquerque et bien d'autres marins portugais empruntent désormais la route du Cap. Elle devient le passage obligé vers l'Asie, but de leurs expéditions.

En quelques années, le «petit" Portugal réussit à s'assurer le contrôle du commerce oriental. Son prin- cipal atout fut d'être uni en un siècle où les Euro- péens étaient divisés. Ses princes avaient, depuis des décennies, achevé la reconquête sur les musulmans ; le pays avait donc une tradition guerrière. Il allait brillamment en apporter la preuve du Sénégal à la Chine en passant par l'Inde.

La fin du monopole portugais en Asie est due aux Hollandais qui s'étaient, des décennies durant, conten- tés de redistribuer en Europe les produits débarqués à Lisbonne.

En 1566, ils se soulèvent contre la domination espa- gnole. En 1580, sous le règne de Philippe II, l'union dynastique de l'Espagne et du Portugal est réalisée. Le roi catholique en lutte contre ses sujets protestants en révolte veut interdire aux marchands de Hollande

l'accès du port de Lisbonne. En 1581, les Provinces- Unies proclament leur indépendance et décident de rompre le blocus commercial imposé par le souverain espagnol. Elles entrent désormais en concurrence directe avec les Portugais en allant s'approvisionner à la source, en Orient.

1. Ou Ataide.

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Les Provinces-Unies développent dès la fin du xvie siècle une politique d'impérialisme commercial encouragée et supportée par de puissantes compa- gnies maritimes. En 1595, quatre navires, sous les ordres d'Houtman, prennent ainsi la direction de l'Asie. Au cours de la première moitié du xviie siècle, Java, Sumatra, Ceylan ainsi que plusieurs comptoirs portugais passent sous la tutelle hollandaise. En 1602, les principales sociétés maritimes hollandaises fusion- nent dans la Compagnie des Indes qui possède le monopole du commerce oriental. L'État détient 20 % des actions et un certain droit de regard alors que la direction est assurée par le « Conseil des Dix-Sept" dans lequel sont associés banquiers et responsables politiques.

Entre 1604 et 1608, les flottes hollandaises tentent d'évincer les Portugais de leurs bases d'Afrique orien- tale. Plusieurs assauts lancés contre la citadelle lusita- nienne de l'île de Mozambique échouent. En 1604, Van der Hagen est repoussé. En 1607, Paulus Van Caerden n'est pas plus heureux et il doit renoncer à s'emparer du fort. En 1608, Pieter Verhoeff est contraint à la retraite. Les Portugais s'accrochent donc avec énergie à cette base vitale pour l'avenir de leurs voies de navigation.

Dans l'immédiat, ces interventions hollandaises ne modifièrent pas grand-chose pour la région du cap de Bonne-Espérance. Jusqu'en 1652, date de la fondation du comptoir hollandais du Cap, l'escale demeura libre. Son utilisation par la France dépendit alors de l'état de ses relations diplomatiques ou militaires avec les Provinces-Unies. Entre 1665 et 1713, elles furent le plus souvent tumultueuses.

Ainsi, durant la guerre de Dévolution (1665-1668), quand les Provinces-Unies, pourtant étrangères au

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conflit, manifestèrent de l'hostilité envers la France de Louis XIV. Ou encore, de 1673 à 1678, quand se déroula la guerre de Hollande. Puis, de 1688 à 1697, durant la guerre de la ligue d'Augsbourg. Enfin, de 1701 à 1713 avec la guerre de Succession d'Espagne.

Durant plus de cinquante ans, les navires français ne purent donc relâcher au Cap. Ensuite, ils n'eurent plus besoin de cette escale. Ils disposaient en effet d 'un mouillage sur lequel flottait le drapeau à fleur de lys : l'île de France. Son occupation avait été décidée par le ministre Pontchartrain. La Compagnie des Indes orientales - seconde du nom, fondée en 1720 - avait entrepris de la peupler. Ses principaux établissements étaient Port-Bourbon et Port-Louis.

Puis, en 1766, Bougainville inaugura la reprise de la fréquentation du cap de Bonne-Espérance et de son port naturel par des Français. Il fut suivi par de nom- breux marins, curieux et visiteurs venus de France.

Les navigateurs français qui firent relâche au Cap du xviie au xixe siècle étaient le plus souvent des offi- ciers - hommes de cour ou militaires - ayant reçu une mission du roi de France. Autrement, il s'agissait de marchands ou d'aventuriers. La région du Cap leur est apparue comme une île, une île séparée de l'Afrique noire par des immensités vides d'hommes, compa- rables à un océan.

A partir de 1688, la France est physiquement pré- sente en Afrique du Sud où les huguenots qui viennent de débarquer constituent le quart de la population blanche. L'apport de ces réfugiés fut considérable car ils ne venaient pas en Afrique australe pour y faire fortune, ni mus par la recherche de l'exotisme ou l'esprit d'aventure. A la différence des autres pion- niers, ils ne cherchaient pas une vie meilleure au-delà des mers.

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Leur souci était la conservation de leur foi. Ils étaient intransigeants avec leurs certitudes et ils imprégnèrent la culture afrikaner1 des idées d'intégrité morale, d'austérité, de sens du devoir, de dédain des richesses matérielles. Ils fabriquèrent - que cela plaise ou non - l'armature spirituelle de la nation et du nationalisme afrikaners.

Comme les puritains installés en Amérique, ils sont armés pour affronter toutes les épreuves puisqu'ils ont la foi et qu'ils sont confiants dans la Volonté du Tout- Puissant.

Ils enracinèrent ces vertus en Afrique car ils n'avaient plus de patrie de repli. Ils étaient condamnés à se développer ou à disparaître puisqu'ils avaient coupé les liens politiques, religieux, culturels et même linguistiques avec la France. L'Afrique du Sud était devenue leur unique patrie. Les colons hollandais pouvaient toujours regagner leur métropole, eux, non.

Les huguenots sont donc largement à l'origine des deux piliers du nationalisme afrikaner: la mission divine et l 'absence d'esprit de retour.

Leurs descendants furent les acteurs de l'histoire des républiques boers : Piet Retief et Sarel Cilliers lors du Grand Trek ; Piet Joubert dans la guerre d'indé- pendance du Transvaal; J. H. De La Rey et Pieter Cronje durant la guerre des Boers.

Ce conflit fut un révélateur pour les Français. Ils avaient oublié que des cousins à eux, chassés de France par les persécutions religieuses avaient fait souche à la pointe australe de l'Afrique. L'anglophobie de l 'époque, alliée à un romantisme pro-boer fit que

1. Du moins la culture afrikaner traditionnelle ; sa forme moderne est bien au contraire inspirée de l'. American way of life ».

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l 'opinion française s'enflamma pour leur cause. Des volontaires vinrent combattre à leurs côtés. Les fils ténus d 'une parenté amputée furent renoués. La France fut alors littéralement amoureuse des Boers, dans l'emphase et l'exagération.

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1

Les Français sur la route du Cap ( X V I siècles)

Le mouillage du Cap n'est pas occupé avant 1652. Jusqu'à cette date, c'est une escale libre que des Fran- çais fréquentent dès 1530 l.

Quarante-neuf ans avant Thomas Stevens, cinquante ans avant Francis Drake, et cinquante-trois ans avant Jan Van Linschoten, des Français ont donc visité la baie de la Table, inaugurant ainsi une longue tradition.

J e a n Pa rmen t i e r

Poète et marin, le Dieppois Jean Parmentier voyagea p o u r l e c o m p t e d u c é l è b r e a r m a t e u r J e a n A n g o 2

durant une dizaine d'années.

De 1520 à 1528, il dirigea des expéditions vers Terre-Neuve, le Brésil et le littoral de la Guinée.

En 1528, il fut le premier Français qui tenta d'ou- vrir une petite brèche dans le monopole commercial

1. Pour un bilan de la question, voir Mollat, Les Explorateurs d u x n f a u XVIe siècle, 1984, p. 49-60.

2. Jean Ango (le fils). Né en 1480, mort en 1551, cet armateur dieppois succéda à son père en 1515. Il possédait une dizaine de navires qu'il envoya sur toutes les mers du globe. Grâce à lui, Verrazano put effectuer deux expéditions en Amérique, l 'une en 1524 et l'autre en 1528.

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portugais. Il quitta Dieppe le 3 avril avec deux navires, La Pensée de deux cents tonneaux et Le Sacre de cent vingt tonneaux. Le premier était sous son comman- dement et le second sous celui de son frère Raoul.

Après une escale aux îles du Cap-Veit, les navires doublèrent le Cap et atteignirent Madagascar. Durant la traversée de Madagascar à Sumatra, Jean Parmentier composa un poème de six cent vingt vers intitulé Les Merveilles de Dieu et la Dignité de l'Homme.

Le but de l'expédition était la Chine. Parmentier n'y parvint pas puisque, âgé de trente-cinq ans, il mourut au large de Sumatra. Son frère le suivit peu de temps après dans le trépas. Ayant perdu leurs deux com- mandants, les équipages décidèrent de regagner la France. C'est durant le voyage de retour, en 1530, qu'ils jetèrent l'ancre dans la baie de la Table où ils séjournèrent environ un mois.

Les faits sont connus grâce au journal de Pierre Crignon, astronome et pilote de l'expédition, ami de Jean Parmentier.

François Pyra rd de Laval et j e a n Mocquet

En 1601, une tentative française tourne au désastre. Elle est connue par le récit de Pyrard de Laval et par la relation de Jean Mocquet.

L'expédition commandée par Michel Frotet de La Bardelière et dont Pyrard de Laval était membre se composait de deux navires, Le Croissant jaugeant quatre cents tonneaux et Le Corbin, deux cents. Des marchands de Saint-Malo, Laval et Vitré, les avaient armés dans le but d'imiter les Portugais et les Hollan- dais. Ils quittèrent Saint-Malo le 18 mars 1601.

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A l'aller, les deux navires jetèrent l'ancre dans la baie de la Table, mais Pyrard de Laval ne descendit pas à terre. Il décrit néanmoins ce qu'il peut observer de la région depuis la lisse du Corbin et rapporte les dires des marins ayant foulé la terre ferme.

Les aventures de Pyrard de Laval ne faisaient que débuter. Le Corbin, commandé par François Grout, connétable de Vitré, sombra dans la zone des îles Maldives. Pyrard de Laval et trois autres membres de l'expédition survécurent. Ils demeurèrent sur une île durant cinq années. En 1607, le radjah du Bengale lança une expédition vers les Maldives. Les naufragés furent embarqués sur un des navires de la flotte qui les transporta à Chittagong où ils furent bien traités, puis ils partirent pour Calicut.

Des Portugais de Goa enlèvent alors Pyrard de Laval et l'incorporent à leur troupe. En février 1610, il réussit à trouver un embarquement sur le Nostra Senbora da Jésus, navire portugais en partance pour le Brésil.

Après un an de voyage, le vaisseau fit naufrage quelque part sur le littoral brésilien. Pyrard de Laval réussit à prendre place sur un autre navire qui le débarqua à Vigo, en Espagne. Le 11 février 1611, il était enfin de retour à Laval.

Jean Mocquet ne fit pas escale au cap de Bonne- Espérance, mais il le doubla deux fois, le décrivit et il compte donc parmi les Français ayant parlé de la région.

En 1602, il est en Afrique occidentale, dans la région du cap Blanc où il recherche des œufs et des plumes d'autruche.

En 1604, il se joint à l'expédition que La Ravardière dirige vers l'Amazone, le littoral du Brésil et les

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QUELQUES VOYAGEURS FRANÇAIS AU CAP

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DE BONNE-ESPÉRANCE AU XVIIe SIÈCLE

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Caraïbes. En 1605-1606, il visite le Maroc et, en 1607, il est présenté au roi Henri IV. Le souverain admire ses collections et le nomme garde du cabinet des singu- larités du Roi, aux Tuileries.

En 1608, il se rend à Lisbonne où il recherche un embarquement pour l'Asie. En qualité de médecin, il prend place sur le Nuestra Senhora de Monte Car- mel, navire amiral d'une flotte de quatorze vaisseaux escortant le comte de Feira, nouveau vice-roi des Indes qui se rend à Goa.

Le vice-roi meurt en mer. Jean Mocquet embaume son corps et le ramène à Lisbonne. Son navire reprend la mer et le 29 septembre 1608 il atteint le fort de Mozambique. En mai 1609, il est à Goa où il rencontre Pyrard de Laval.

En janvier 1610, il rentre en Europe sur un autre navire amiral en compagnie d'Andrae Furtado de Mendosa, gouverneur général des Indes portugaises.

Au mois de mars 1610, ils doublent le cap de Bonne-Espérance par temps calme et Jean Mocquet le décrit. En avril, Mendosa meurt en mer et Jean Mocquet embaume sa dépouille.

Il débarque en Europe pour apprendre l'assassinat d'Henri IV. En 1611, il décide d'aller en Palestine. En 1614, il projette de faire le tour du monde à partir du Mexique, des Philippines, de Malacca, d'Ormuz, et de revenir en France par la Syrie mais le gouvernement espagnol refuse de lui donner une autorisation de passage.

Augustin de Beaulieu

Augustin de Beaulieu est né à Rouen en 1589. Il est mort à Toulon en 1637. Il a fait deux voyages vers l'Asie et à l'occasion de chacun d'eux il a fait escale au

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Cap. Il y séjourna trente jours en 1620 et vingt-cinq en 1622.

Il est le premier Français à décrire sérieusement la région mais ses mémoires ne furent publiés que vingt et un ans après sa mort.

En 1616, deux navires quittent la France, dont l'un est commandé par Augustin de Beaulieu. Parvenus dans les Indes hollandaises, ils sont victimes d 'une mesure discriminatoire car les marins hollandais de

leurs équipages sont contraints d 'abandonner le ser- vice des Français. Ne pouvant plus armer deux vais- seaux, ils abandonnent le plus petit, celui d'Augustin de Beaulieu, et se rassemblent sur le plus gros qui regagne la France, les cales pleines de produits exotiques.

En 1619, des marchands de Paris et de Rouen déci- dent de financer une nouvelle expédition. Trois navires sont armés à Honfleur: le Montmorency, L'Espérance et L'Ermitage montés par deux cent soixante-treize hommes commandés par Augustin de Beaulieu. La petite flotte prend la mer le 2 octobre 1619. Le récit de cette expédition fut publié en 1663.

Le dimanche 15 mars 1620, cinq mois après le départ, les trois navires mouillent dans la baie de la Table qui est décrite. L'expédition parvient à Java où elle est soumise à des tracasseries de la part de l'admi- nistration hollandaise, jalouse de son monopole et désireuse de le conserver. En 1622, débute le voyage de retour. Un seul navire, le Montmorency, l'effectue. Le 5 mai, il est au Cap où il séjourne vingt-cinq jours. Le 1er décembre 1622, trente-huit mois après avoir quitté la France, Augustin de Beaulieu y revient avec seulement soixante-quinze hommes. Louis XIII le fait entrer au service de sa marine royale. Il s'y distinguera

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contre les protestants, notamment lors du siège de La Rochelle.

Dans ses mémoires, Augustin de Beaulieu a décrit la géographie de la région du Cap, les plantes et les ani- maux. Il nous montre l'intérêt de l'escale du Cap pour les marins de l'époque. Il raconte ainsi la découverte de lettres faites le 28 mars par deux de ses hommes, les pilotes Letellier et Soinet. Devant son équipage rassemblé, il ouvrit ces lettres qui avaient été écrites par des Hollandais. Étienne Veraghen, «Amiral de la Mer », qui avait mouillé dans la baie un mois et demi plus tôt y expliquait que son navire ayant démâté, il s'était trouvé obligé d'y jeter l'ancre pour le réparer.

Une autre lettre indiquait que Bantam avait été pris aux Anglais par une flotte de trente-cinq navires hol- landais.

Ce système de poste était nécessaire aux marins. Il existait dans les escales libres et obligées comme Le Cap ou l'île de Sainte-Hélène. Il permettait de savoir si les nations étaient en guerre ou en paix. Il informait les navigateurs des changements intervenus dans la situation politique des zones commerciales asiatiques. En 1644, François Cauche écrivit même que :

«Tout navire qui entre en ce lieu, de quelque nation qu'il soit, plante un bâton sur le bord, au-dessus duquel on attache une bouteille, et dans icelle une lettre du jour qu'il y est arrivé»

Avant la fondation du comptoir du Cap par la Hol- lande, en 1652, l'escale est libre. Les voyageurs fran- çais qui y relâchent sont des explorateurs. Ils sont méfiants.

En 1620, lorsque Augustin de Beaulieu arrive au Cap, il prend soin de ne pas trop approcher ses

1. Cité par Girelli, 1983.

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navires du littoral. Il n'envoie que quelques marins sur la terre ferme, mais il les fait protéger par vingt- cinq hommes d'armes.

Pourquoi une telle reconnaissance ? Tout simple- ment parce que les navires ont besoin de ravitaille- ment ; d'abord en eau. Celle, fétide, contenue dans les barils du bord doit être changée. Là réside le premier intérêt de la région du Cap qui, selon Augustin de Beaulieu :

« paraissait posséder des points d'approvisionnement abondants : au pied d'icelles (les montagnes qui domi- nent la baie) se trouvent plusieurs belles sources d'eaux très claires et très bonnes, comme sont celles qui descendent de la montagne de la Table et qui sont bien excellentes (...) l'eau y est bonne et facile à recueillir".

La région offre également des possibilités de ravi- taillement en bois, nécessaire pour la réparation des navires qui souffraient de leurs longs mois de mer.

Jean-Baptiste Tavernier

Jean-Baptiste Tavernier naquit en 1605 à Paris et mourut en 1689 à Moscou. Il était expert en diamants. Il effectua six voyages en Orient et c'est à l'occasion du troisième qu'il séjourna au Cap.

Ce voyage avait débuté à Alep, en Syrie, en 1644. De là il se rendit en Perse où il séjourna trois ou quatre ans, puis il alla aux Indes. En 1648, il était à Goa. Il se rendit ensuite dans les possessions hollan- daises de Sumatra. En 1648, à Batavia, il embarqua à bord du Provintien, navire vice-amiral d 'une flotte commandée par Simon Pieterzoon. Cinquante-cinq jours après le départ, le cap de Bonne-Espérance était

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en vue, mais le navire mit encore cinq jours avant de pouvoir le franchir en raison du mauvais temps. Le Provintien demeura vingt-deux jours au Cap avant de reprendre la mer en direction de l'île de Sainte- Hélène.

En 1684, Tavernier se rendit en Prusse où il pro- posa au Grand Électeur Frédéric-Guillaume de fonder la Compagnie prussienne des Indes orientales. Sa pro- position fut acceptée et, en juillet 1684, la compagnie reçut ses lettres patentes. Mais le projet n'alla pas au-delà.

Dans ses souvenirs, Tavernier parle des Hottentots. Il dit que ces hommes connaissaient certains rudi- ments de médecine puisque, à plusieurs occasions, des marins malades furent soignés par eux. Cepen- dant, comme Tavernier écrivit ses mémoires long- temps après ses voyages, il mêle à son récit des éléments qui lui sont postérieurs.

La France et la baie de Sa ldanha (carte p. 76)

Cette baie, située à 100 km au nord de la péninsule du Cap, doit son nom au capitaine portugais qui la découvrit.

Régulièrement orthographiée Saldaigne par les Français, elle aurait pu devenir le premier comptoir européen en Afrique australe. Son mouillage est d'accès plus facile que celui du Cap. En outre, il est plus sûr et il est totalement protégé des vents. L'absence d'eau potable lui a cependant fait préférer la baie de la Table.

Étienne de Flacourt a donné d'excellentes descrip- tions de la baie de Saldanha. Il est même le premier à la présenter sérieusement. Il a fait l'inventaire des res-

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sources offertes par la baie et ses environs à l'occasion de deux séjours. Le premier, du 13 au 24 octobre 1648 et le second du 1er au 26 mars 1655 1.

En 1632, seize ans avant Flacourt, un mystérieux navire français avait pris possession de la baie. Cet épisode est connu par les sources hollandaises qui font état d'une lettre abandonnée sur le rivage desti- née aux navires hollandais ou anglais qui accoste- raient :

«Le mercredij vingt at trois'me de Fevurier il est arrive en la rade de Isle St Marie une barque Francoi- jse, patache d'un navire de Dieppe, appartenant à Jacques Jancon, marchant de la ville de Dieppe, et au Sr Fermanet, marchant de la ville de Rouen, le susdit navire conduict par Jacques Asseline capitaine du dit navire avec commission pour habiter l'isle de St Marie (Robben Island) (...) "a la dicte isle nous rencon- trames" plusieurs sauvages avec leur famille com- mandtes p. une sauvage, qui parle la langue Angloijse lequel nous a faict entendre qui il estoit au service de messejieurs Holandois et de messjeurs les Anglois, n'avons voulu pour leur respect, faire alcun trouble au dict sauvages, et sommes aller habituer en la baije de

1. Étienne de Flacourt est né en 1606. Il est mort en 1660. Chimiste et médecin, il visita la Hollande, l'Italie et l'Angleterre.

En 1648, âgé de quarante-deux ans, il est nommé directeur général par la Compagnie des Indes orientales et reçoit le commandement du comptoir fortifié de Fort-Dauphin à Madagascar. Le 19 mars 1648, il quitte La Rochelle sur le Saint-Laurent. Le navire arrive à Fort-Dauphin le 5 décembre de la même année. Étienne de Flacourt y demeurera six ans.

En 1655, Étienne de Flacourt embarque à bord de L'Ours. Il quitte Fort-Dauphin pour rentrer en France. Il y demeure cinq années. Le 20 mai 1660, La Vierge s'éloigne du port de Dieppe. A son bord, Flacourt retourne prendre le commandement du comptoir malgache. Le 10 juin, au large de Lisbonne, trois corsaires turcs attaquent le navire qui se met en état de défense. Une bombe le fait exploser. Étienne de Flacourt et cent quatre-vingts colons, soldats ou hommes de l'équipage sont tués. Les survivants sont au nombre de soixante-dix. Les Turcs les capturent et les vendent comme esclaves à Alger.

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Saldanje (Saldanha) offrans a tous chrestiens qui navi- gent en les quartiers, toute sorte de service selon notre petit pouvoir. La subscription : Aus navigateurs Fran- choijs, Hollandois, et Anglois, qui navigent en les quartiers. Advertissement. »

Au xviie siècle, les navigateurs qui fréquentèrent la baie de Saldanha respectèrent la toponymie donnée par les marins venus de France. Ainsi Point-à-feu (aujourd'hui Vuurpunt) ; isle a u x Margaux; isle de Sansy ; isle a u x Cormorans (aujourd'hui Meeuwei- land) ; Y anse des f lamens (aujourd'hui Rietbaai), etc.

La baie de Saldanha eût donc pu devenir française. En 1666, Mondevergue en prit même possession au nom de Louis XIV en fichant en terre un poteau aux armes du roi.

La France et Madagasca r

La mission Flacourt illustre bien l'intérêt que la France portait à Madagascar.

Découverte en 1500 par les Portugais qui la bapti- sèrent Ile-Saint-Laurent, la grande île leur demeura cependant fermée. A l'extrême fin du xvie siècle, des Hollandais tentèrent de s'y installer. L'hostilité des indigènes les fit renoncer. Depuis la seconde moitié du xvie siècle, les navigateurs français avaient observé la situation exceptionnelle de Madagascar.

En 1638, François Cauche1 installa les premiers comptoirs français sur l'île Maurice et à Madagascar. Rentrant en France en 1644, il fit escale au Cap et décrivit la région.

1. Relation d u voyage que François Cauche de Rouen a f a i t à Mada- gascar, îles adjacentes et côte d'Afrique; recueilli p a r le Sieur Morizot, Paris, 1651.

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Après ses voyages, Augustin de Beaulieu 1 qui était entré au service du roi était devenu officier de marine.

En 1632, il adressa un mémoire au marquis d'Effiat - le père de Cinq-Mars - dans lequel il défendait la fondation d'un comptoir permanent à Madagascar qui servirait de base au commerce dans tout l 'océan Indien. Les Hollandais possédaient Batavia, en Insu- linde, les Portugais Goa, aux Indes ; la France aurait Madagascar.

Petit à petit, l 'idée fit son chemin. Il apparaissait à l 'évidence qu 'un tel choix était commercialement et stratégiquement idéal. En 1642, Richelieu accorda le privilège du commerce sur la « grande île" à une compagnie dont un des principaux associés était Nicolas Fouquet.

En janvier 1642, le Rochelais Jacques Pronis fut nommé gouverneur de l'établissement à fonder. Embarqué sur le Saint-Louis avec des colons, il prit possession, au nom du roi de France, des îles Bour- bon et Rodrigues. A Madagascar, son navire jeta l'ancre dans l'anse Dauphine. Le comptoir de Fort- Dauphin allait y être bâti.

Rapidement des tensions apparurent entre les colons et leur gouverneur auquel ils reprochaient des attitudes cassantes. Pronis n'avait pas les rondeurs verbales que l'on connaît aux diplomates de carrière. Les tensions devinrent révolte et, en 1648, Paris envoya Étienne de Flacourt pour remplacer le mal- adroit gouverneur.

Sa tâche n'était point aisée. La France était plus occupée à fronder ou à guerroyer contre l'Espagne qu'à aider à l'avenir - ou même à la simple survie - d 'un comptoir océanique. Et pourtant, durant six

1. Voir plus haut pages 22 à 25.

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années, Flacourt réussit à sauvegarder les intérêts français dans cette partie du monde.

En 1655, il regagna la France ainsi que nous l'avons vu plus haut et il écrivit son Histoire de la grande île de Madagascar afin d'intéresser les puissants du moment à sa colonisation.

Les Hollandais a u Cap

Dans le premier quart du XVIIe siècle, les Hollandais supplantent définitivement les Portugais sur les voies maritimes de l'Extrême-Orient.

L'augmentation du nombre des navires allant aux Indes ou en revenant, contraignit la VOC - c'est-à-dire la Compagnie hollandaise des Indes orientales - à envisager de créer une escale de ravitaillement à mi- distance entre l'Europe et l'Insulinde.

En Extrême-Orient, la Compagnie disposait des comptoirs de Formose et de Malacca, créés en 1624 et en 1641. Depuis 1638, elle avait installé une station à l'île Maurice mais elle ne pouvait permettre l'approvi- sionnement des flottes ; quant à l'île de Sainte-Hélène, ses potentialités étaient des plus limitées (carte p. 136).

L'intérêt de l'Afrique australe apparut donc aux dirigeants de la Compagnie et, en 1645, un poste fut fondé au nord du Cap, dans la baie de Sainte-Hélène. Son existence fut éphémère.

C'est à la suite du naufrage du Nieuw Haarlem, survenu le 25 mars 1647 dans la baie de la Table1, que les premières évaluations des possibilités d'instal- lation dans la région du Cap sont faites. Soixante colons forcés, sous le commandement de Leendert

1. Carte p. 88.

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Janszen, demeurent en effet durant une année sur ces rivages lointains, réussissant à survivre grâce au maté- riel récupéré sur l'épave du navire naufragé.

En mars 1648, douze mois après le naufrage, les survivants embarquent à bord de cinq navires hollan- dais qui, de retour des Indes, font escale au Cap. Parmi les passagers se trouve un jeune marchand, Jan Anthoniszoon Van Riebeeck rentrant d'une mission au Japon. Il sera le premier gouverneur et le fondateur du futur comptoir.

Le 26 juillet 1649, Janszen et Matthys Proot présen- tent un rapport devant le Conseil de la Compagnie. Les deux hommes défendent l'idée d'une installation européenne au Cap. La Compagnie, jugeant que les potentialités offertes par la région étaient suffisantes, décida d'y fonder une station permanente destinée au ravitaillement et à l'entretien des navires faisant la route des Indes. Cette « station de rafraîchissement" serait directement administrée par le centre régional de la Compagnie, c'est-à-dire par Batavia en Insulinde1.

Les instructions données au futur commandant sont claires : en aucun cas il n'est autorisé à entreprendre la colonisation de cette partie de l'Afrique. Un fort sera cependant construit pouvant abriter une centaine de personnes. De petits bateaux-pilotes y seront entrete- nus afin de guider les navires de haute mer qui feront relâche dans la baie. Un potager et un verger seront

1. La plaque tournante du commerce hollandais en Asie et le siège de l'administration étaient en effet Batavia. La ville avait été fondée en 1619 par le gouverneur général Jan Pieterzoon Coen sur les décombres de Jakarta, une agglomération indigène qu'il fit raser. Au cœur de la cité, la protégeant, il fit bâtir une solide citadelle. Des remparts en étoile cein- turaient la ville hollandaise qui était, à l'imitation d'Amsterdam, traversée par des canaux.

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plantés afin de pouvoir fournir les équipages en vivres frais. De même, il lui était recommandé de sélectionner de bons pâturages pour que les marins de passage puissent refaire leurs forces en consom- mant des laitages et de la viande.

Le 2 décembre 1651, cinq navires quittent la Hol- lande à destination de l'Afrique du Sud. Ils ont pour nom Dromaderis, Goede Hoop, Reiger, Walvis et Olifant. L'expédition est placée sous le commande- ment de Jan Van Riebeeck qui embarque avec sa femme, Marie de la Queillerie et leur bébé, à peine âgé de quatre mois.

Jan Van Riebeeck, le premier commandant et le fon- dateur du comptoir du Cap, est né le 21 avril 1619. Comme son père, il est chirurgien et comme lui, il a la passion des voyages lointains. Très jeune il l'accom- pagne au Brésil et au Groenland. En 1639, il entre au service de la Compagnie et devient bientôt son cor- respondant au Japon. Révoqué de son poste en 1647 pour avoir enfreint les règlements interdisant de faire du commerce pour son compte personnel, il rentre en Europe à bord de l'un des navires qui, comme nous l'avons vu, faisant escale au Cap en 1648, recueille les naufragés du Nieuw Haarlem. Ayant la nostalgie de l'Extrême-Orient, il n'accepte le poste du Cap que parce qu'il a l'espoir de recevoir, en remerciement de la Compagnie, une nouvelle affectation en Asie. Il res- tera cependant en Afrique du Sud durant dix années.

Quand, en 1652, les cinq navires les ayant transpor- tés eurent pris le chemin du retour, les quatre-vingt- dix colons déposés dans la baie de la Table n'avaient plus qu'à se mettre au travail. La tâche qui les attendait était énorme. Pour commencer, ils entreprirent d'édi- fier un fort. Les constructions s'élevèrent bientôt, murs de terre recouverts d'herbe sèche, le tout entouré d'un

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fossé. Désormais, quoi qu'il advienne, ils pourraient du moins s'y retrancher et s'y mettre en sécurité. Une autre équipe avait commencé à défricher un lopin de terre afin d'y faire les premiers semis, lesquels furent détruits par la grêle et par les pluies diluviennes.

La maladie s'abattit vite sur les pionniers. Le 3 août 1652, soit un peu plus de six mois après leur arrivée au Cap, vingt d'entre eux avaient déjà trouvé la mort. A la fin de l'hiver austral, les travaux reprennent, mais le blé ne vient pas bien et la culture du riz est un échec total. Le potager donne cependant ses premiers légumes. En 1653, il est tout de même possible de ravitailler en viande et en produits frais une flotte en route pour l'Asie.

Avec la fondation du comptoir hollandais du Cap, l'escale cesse d'être libre. Désormais, les vaisseaux français y feront relâche en terre étrangère. Comme durant le règne de Louis XIV, la France et la Hollande sont souvent en guerre, les capitaines français risque- ront de s'y faire saisir leurs navires.

Robert Challes rapporte que Le Coche et La Maligne de retour des Indes orientales ignoraient que la guerre avait été déclarée entre la France et les Provinces-

Unies. D'Armagnan, le capitaine du Coche hésitait néanmoins à aborder en terre hollandaise. Sous la

pression de quatre Jésuites qui étaient à son bord et qui

«le menacèrent de l'indignation de la Société, et par conséquent de celle du Roi et de Madame de Mainte- non, s'il leur refusait ce qu'ils lui demandaient »,

il fit entrer son navire dans la baie de la Table. La suite se devine :

«il ne s'aperçut de son malheur que lorsqu'il vit trois vaisseaux en mouvement, pour le prendre par les côtés et son derrière (...) les Hollandais s'emparèrent

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