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LES EXTRAVAGANCES

DE LADY ANN

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Pierre-Jean EROUBE

LES EXTRAVAGANCES

DE LADY ANN

ENCRE

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DU MEME AUTEUR dans la même collection

Les confessions de Lady M. Le voyage érotique de Lady Margret.

I l lus t r a t ions : Y V A N N A S T E L L A

© NOUVELLE SOCIETE DES EDITIONS ENCRE, PARIS 1983

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La décision...

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La lourde cloche du monastère sonna les dernières heures de la nuit.

Sœur Mary Ann ne dormait pas. Etendue sur le grain rude de sa couche, elle méditait, les yeux tournés vers son passé. Elle ne bougea pas, lorsqu'on frappa à la porte de sa cellule.

- Sœur Mary Ann ! Il est l'heure des matines !... - Elle est encore en prière... souffla une voix

de l'autre côté de la porte. - Prière ou pas, la Mère Supérieure n'aime pas

les retards à la chapelle !... répondit une voix plus grave... mais il est vrai qu'il s'agit de sœur Mary Ann Wigham !

Les retards à la chapelle étaient l'obsession permanente de la mère Jeanne-de-la-Croix. Chaque retard était un blasphème qu'on devait laver dans la pénitence, en s'imposant jeûne et flagellations.

Sœur Mary Ann s'en moquait royalement. La dot offerte par sa famille avait permis la rénovation

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du cloître. Un seul coup de fouet, une seule humiliation, et Lord Wigham refuserait de payer les travaux de la chapelle.

Elle sourit à cette idée. Les travaux devaient

commencer le jour de la fête de la Vierge et mère Jeanne-de-la-Croix comptait sur l'aide du vieux Lord.

Ainsi, en ces premières heures du matin, sœur Mary Ann pouvait méditer à son aise, sans risquer le châtiment corporel.

« Elle est encore en pière !... » avait dit sœur Agnès.

- La prière !... lança-t-elle dans l'obscurité de la cellule. Elle appelle ça une « prière » !... Pourquoi pas, après tout. Dieu n'est-il pas aussi le Dieu Vengeur, celui qui renverse l'injustice !...

Elle revoyait la maison familiale des Wigham, non loin de Cambridge, le perron de marbre blanc, l'escalier qui monte aux étages, la chambre toute bleue qui avait abrité son enfance.

- Aujourd'hui, cette chambre est la chambre de ma sœur Hélène... et de son digne mari, lord Henri Winter.

Elle éclata d'un rire brutal, comme l'aurait fait

une possédée du Moyen-Age. D'ailleurs, en cet An de grâce 1867, Mary Ann Wigham était

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possédée, et elle le savait. Possédée depuis de nombreuses années. Depuis le jour où elle avait présenté Henri Winter à sa famille.

- Lord Winter veut m'épouser !... avait-elle dit, avec cette voix pleine de naïveté qui faisait alors son charme.

Le vieux Maxwell Wigham avait écouté d'une oreille attentive l'énumération des titres et des

biens du jeune Lord. - Donnez-moi une semaine de réflexion.

Cette nuit là, sans attendre, lord Winter la prenait sur le lit de soie bleue, dans la chambre de son enfance.

Elle sentait encore la chaleur de son corps couché sur elle, cette impression de vertige qui lui donna la nausée, cette sensation de brûlure au

milieu du ventre, et puis... ce fut le plaisir, sans qu'elle comprenne pourquoi. Elle n'oublierait jamais. Elle n'avait jamais oublié. Le membre dur qui bougeait en elle, et cette bouche qui la mordait, la dévorait... Mais le démon veillait.

Hélène était l'aînée. Le démon lui donna l'art

de la séduction, alors que Mary Ann rêvait encore à ses poupées, en feuilletant des livres d'images. Un jour, le vieux Wigham prit la parole au cours d'un repas pour annoncer que Lord Winter épouserait Hélène, comme il en avait fait la demande. Quand

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à Mary Ann... trop jeune pour comprendre les mystères du mariage, elle se consacrerait à la vie religieuse.

- C'est ainsi qu'il a payé ma prison... avec son sale argent !... Pourquoi avez-vous laissé faire ça, Seigneur !... Vous le Dieu d'amour, le réparateur d'injustice !... Bien sûr... pour eux, il ne s'agit pas d'une injustice. Hélène aime Henri Winter, et moi je suis là pour vous aimer. Je ne perds pas au change, m'a-t-on dit. Au contraire. Mais comment pourrai-je oublier cette chaleur qui m'a été donnée, un soir, ce frisson dans mon ventre. Le plaisir, Seigneur, il est pour les femmes mariées devant votre autel. Pour moi, il ne reste que le souvenir, le froid et la solitude !...

En parlant, Sœur Mary Ann posa sa main sur son bas-ventre, caressant doucement le tissu de sa robe de bure.

- Le plaisir qu'on vous donne... et qu'on vous reprend... Est-ce ça votre justice ?

Sœur Agnès l'épiait peut-être encore à travers la grille du judas, mais elle ne pensait plus à sœur Agnès, ni à la communauté religieuse réunie dans la chapelle. Elle essayait de se souvenir, de faire revenir le plaisir, de rappeler à elle les

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images. Son ventre brûlait sous la robe. Il réclamait autre chose que le silence et la solitude.

Sœur Mary Ann se caressa longtemps, la tête remplie d'images - et pendant quelques instants elle eut l'impression que Lord Winter était là, réellement là, et qu'il fouillait son ventre, mordait sa bouche, chuchotant dans la pénombre des mots effrayants de douceur.

Elle retomba enfin sur sa couche, vaincue, abandonnée, perdue. Elle était de nouveau sœur Mary Ann et le blasphème lui apparaissait main- tenant comme un péché mortel.

- Je ne retournerai plus à la chapelle. Elle tendit les mains vers la croix suspendue

au mur.

- Seigneur... tu as entendu mon plaisir... tu connais aussi ma souffrance !

Puis elle se détourna violemment, les yeux fixés sur la fenêtre. Un jour blafard commençait à poindre. Un jour comme les autres, avec ses habitudes. Il lui rappelait qu'on l'attendait à la chapelle et qu'ensuite elle devrait se rendre à la bibliothèque, puis à la buanderie pour aider au séchage du linge. Alors viendrait l'heure du second office, et la journée se poursuivrait jusqu'à la nuit, avec ses travaux et ses prières.

- Plus jamais !... lança-t-elle à voix haute, les mains crispées sur le drap rude de sa robe...

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Puis, tournée vers la ligne grise des montagnes qu'elle apercevait derrière le grillage de la fenêtre...

- Hélène... ma chère Hélène... bientôt tu vas

connaître d'autres plaisirs, et c'est à moi que tu les devras !

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Où il est question de Mary Ann

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Le plus ancien des jardins anglais était le jardin de Cremorne, sur la rive gauche de la Tamise, au milieu des faubourgs de Chelsea. On y trouvait des grottes artificielles, des labyrinthes, de fausses ruines gothiques, un pavillon chinois, des orchestres dissimulés dans les bosquets, comme aux beaux jours de l'époque victorienne.

On ne se promenait pas seulement à Cremorne. On y dansait, on y soupait au champagne. Il y avait même un énorme panneau publicitaire qui annonçait, à l'entrée du jardin, « Cremorne ne désappointe jamais ses habitués. Chaque nuit est nuit de gala »

D'aventure, les avides d'air pur pouvaient toujours descendre le fleuve jusqu'au-delà de Greenwich. Là-bas, on trouvait des petits restaurants où il était de bon ton de se faire servir des crevettes ou de la « blanchaille » arrosée de bière brune.

La spécialité de lord Henri Winter, lorsqu'il quittait

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la salle de concert de Cremorne, au bras d'Hélène Wigham.

- Henri... laissez de côté l'Edinburg Rewiew ; j'ai à vous parler.

Henri Winter émergea de son magazine, avec l'expression perdue d'un noyé revenu à la surface et qui cherche à comprendre. Le ton incisif de lady Wigham demandait quelques explications supplémentaires.

- Qu'est-ce qui se passe ?... Ce restaurant ne vous plaît plus ?...

- Pas le moins du monde. Il s'agit d'autre chose. Mère Jeanne-de-la-Croix a écrit à papa... Pour se plaindre de la conduite de Mary Ann.

Soulagé, lord Winter se laissa aller dans son fauteuil d'osier, prenant le temps d'allumer un long cigare, les yeux levés vers les lanternes vénitiennes du restaurant.

- Un endroit charmant. Un peu déplacé, peut- être, pour parler religion !

- Ne faites pas l'idiot, Henri. Il ne s'agit pas de religion, mais de la conduite de Mary Ann.

- Je croyais qu'il s'agissait de la même chose. N'est-elle pas religieuse au couvent des Carmélites de Bath ?... Qu'a-t-elle donc fait ?.. Des miracles ?...

Sans attendre la réponse de sa jeune femme,

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Henri Winter se servit une nouvelle coupe de champagne.

- Voyez-vous Hélène, j'ai toujours rejeté cette idée d'un dieu supérieur qui nous voit, et nous juge. Alors... buvons ce champagne aux extrava- gances de lady Ann !

- Ce n'est pas tout, Henri !... - La petite a mis le feu au couvent ?... Ça ne

m'étonnerait pas. Ses yeux d'ange pourraient incendier n'importe quoi.

Hélène lui jeta un regard lourd de reproches. - J'avais oublié que vous les avez vus de près ! - Allons, Hélène. Oublions tout ça. C'est une

très vieille histoire. Nous sommes mariés, et je vous aime. Le reste n'existe plus.

- Alors que diriez-vous si je vous annonçais le retour de Mary Ann à Cambridge ?...

- Son retour ?...

- Oui. Son retour. Papa en a décidé ainsi... pour deux mois.

Elle ajouta, comme pour elle-même. - Sur les conseils de mère Jeanne-de-la-Croix.

C'est une sorte de mise à l'épreuve pour Mary Ann.

- Mais qu'a-t-elle donc fait ?...

Le visage d'Henri Winter trahissait une expression de surprise... et de crainte.

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paradis. Le corps de la jeune fille se tordait sous les vagues déferlantes du plaisir. Elle se mit à gémir, les jambes ouvertes, son ventre livré aux caresses de la nonne.

- Oh, oui... fais-moi jouir... hurlait-elle, fais-moi jouir toujours !...

Les gémissements de plaisir emplissaient la cellule, et c'est comme si le soleil entrait de tous les

côtés à la fois, chassant très loin le froid et la solitude.

- Tu ne seras plus jamais seule... chuchota Mary Ann en lui suçant tendrement l'oreille.

Lydia avait oublié la chapelle, la grosse cloche de bronze, les pénitences, les humiliations... Elle éprouvait un plaisir infini... Ce plaisir qu'on lui avait refusé, en l'enfermant dans ce couvent du Carmel... quelqu'un était venu pour lui rendre.

Bordighéra Avril 1983.

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Achevé d'imprimer en juin 1983

sur les presses de l'imprimerie Hérissey pour la Nouvelle Société des Editions Encre

9. rue Duphot. 75001 Paris

Imprimé en France Dépôt légal : juin 1983

N° d'édition: 152 ISBN 2-86418-152-5