Claude Lapointe

Les états d’âme de

– chienne de compagnie –et de quelques-uns de ses congénères

HUMOUR

CHIPIE

– chienne de compagnie –et de quelques-uns de ses congénères

CHIPIELes états d’âme de

de Claude Lapointe :

— Portraits d’enseignants et d’enseignés Éditions Gallimard 1981— Trébor. Sketches parus dans la revue Phosphore (Bayard Presse), mensuel, entre 1982 et 2001 (231 sketches)— Dessins de presse Le monde Dimanche entre 1979 et 1983

© 2011 Le Verger Éditeurwww.verger-editeur.fr

Claude Lapointe

– chienne de compagnie –et de quelques-uns de ses congénères

HUMOUR

CHIPIELes états d’âme de

Dédié à Sylvette, à Chipie, à Tigrette, à Pep, à Princesse, à Bouboule.

Je vivais dans un monde tranquille et organisé, le mien. Elle est arrivée. Pas seule. Précédée de Chipie. Comment dire… un truc à poil lisse et brillant, à l’œil vif, interrogateur, quémandeur, étonné, mal-heureux, réprobateur, enjôleur… Je n’étais pas armé. J’ai succombé.

J’ai dû composer. Changer mon monde. Pour ne pas être en reste, je me suis mis à l’observer. J’ai noté ce que je lisais dans son œil. Je vous livre une partie des mes observations assidues.

J’avoue beaucoup d’interprétations personnelles : je ne parle pas encore chien, je ne possède pas non plus le modem de transmission de pensée entre les quatre pattes et les deux pattes. Je n’ai pas enfin la science de la lecture du fond de l’œil. J’ai donc traduit au plus près d’une vérité possible les signes extérieurs, les silhouettes, les mimiques et les comportements de Chipie.

J’ai observé, dans la foulée, quelques autres de ses congénères, assortis d’un deux pattes à l’autre bout de la laisse. L’observation de ce monde que je ne connaissais pas, m’a livré quelques bribes de ses rituels, de ses rapports, de ses comportements.

Je n’ai pas encore répondu à l’angoissante question née au cours de ma recherche : « suis-je devenu comme l’un ou l’autre de ces deux-pattes à l’autre bout de la laisse ? »

C. L.

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– Certains diront « tel maître, tel chien »,c’est vrai que je lui ressemble un peu,mais je retournerais volontiersla proposition : « tel chien, tel maître »puisqu’ il me semble lui avoir imposé,à son insu, bon nombre de mes habitudes.

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– Je ne parviens toujours pas à déchiffrer s’ il m’envisage comme un être différent, un gamin, un accessoire, un jouet, une peluche…Il est par moment tellement inexpressifqu’on l’ imagine mal doué de la parole !

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– Tous les soirs, c’est comme ça…je dois attendre que l’autre ronfle…

Ça serait tout de même plus confortablepour moi s’ il allait dormirdans la chambre d’amis !

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– Je flaire qu’ il aimerait bienpartager un moment fugitifnon dénué de sentiments,à peine énoncés,juste grognés…

– Je sens bienqu’il aimerait

me direquelque chose…

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– Mais c’est à moila bonne pâtéequ’elle a fait tout exprès pour moi ! – Ne m’ énerve pas, Bouboule ! Il se trouve que ta pâtée m’ intéresse beaucoup. Conclusion : tu t’ écrases, c’est simple et clair, non ? Ton p’tit cerveau a bien capté le deal ?– Mais… – Y a pas de mais, en plus, t’es beaucoup trop gros !

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– Et voilà, la tournée est partie,c’est déjà son cinquième…et c’est encore moi qui vais devoirle ramener à la maison !

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– Ça fait deux foisqu’elle fugue.Je me demande si…– Chut ! Elle peutnous entendre !

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– Quel temps de chien !

– J’ai horreur d’avoir à entendrecette locution imbécile qui lie ma matièreà une condition météorologique déplorable !

– J’ai horreur d’avoir à entendrecette locution imbécile qui lie ma raceà une condition météorologique déplorable !On reste à la maison par ce temps de merde !

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– Lequel vais-je choisir ?J’ hésite… lui comprend mieux

mon sens de la chasse, mon côté animal,elle… ressent tellement bien

mon côté maternel, mon désird’enfant…

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– Chuis certain qu’ ils éprouventquelque chose l’un pour l’autre,

un sentiment naissant…mais regarde-les… deux plats de nouilles !

et pire, j’te l’ donne en mille, Émile,ils se sont même pas encore reniflés !