les douleurs dans le syndrome dehlers-danlos (sed) professeur claude hamonet, médecine physique et...

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Les douleurs dans le Les douleurs dans le syndrome d’Ehlers-Danlos syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) (SED) Professeur Claude Hamonet, Professeur Claude Hamonet, Médecine physique et réadaptation, Médecine physique et réadaptation, Docteur en Anthropologie sociale Docteur en Anthropologie sociale Université Paris-Est-Créteil (UPEC) Université Paris-Est-Créteil (UPEC) Consultation Ehlers-Danlos, Service de Consultation Ehlers-Danlos, Service de Médecine Physique et Réadaptation Médecine Physique et Réadaptation Hôtel-Dieu de Paris. Hôtel-Dieu de Paris. Colloque Douleurs et maladies rares Colloque Douleurs et maladies rares , , Université Paris-Est-Créteil (UPEC), Téléthon, Université Paris-Est-Créteil (UPEC), Téléthon, Fondation de France. Campus de Fondation de France. Campus de Fontainebleau, Fontainebleau, 8 décembre 2012. 8 décembre 2012. Communication soutenue par la Fondation de France

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Les douleurs dans le Les douleurs dans le syndrome d’Ehlers-Danlos syndrome d’Ehlers-Danlos (SED)(SED)Professeur Claude Hamonet, Professeur Claude Hamonet, Médecine physique et réadaptation, Médecine physique et réadaptation, Docteur en Anthropologie sociale Docteur en Anthropologie sociale Université Paris-Est-Créteil (UPEC)Université Paris-Est-Créteil (UPEC)Consultation Ehlers-Danlos, Service de Médecine Physique Consultation Ehlers-Danlos, Service de Médecine Physique et Réadaptationet Réadaptation Hôtel-Dieu de Paris.Hôtel-Dieu de Paris.

Colloque Douleurs et maladies raresColloque Douleurs et maladies rares, Université , Université Paris-Est-Créteil (UPEC), Téléthon, Fondation de Paris-Est-Créteil (UPEC), Téléthon, Fondation de France. Campus de Fontainebleau, France. Campus de Fontainebleau, 8 décembre 2012.8 décembre 2012.Communication soutenue par la Fondation de France

Au-delà des douleurs : les Au-delà des douleurs : les souffrancessouffrancesLes douleurs sont du domaine de la

sémiologie et regardées avec un désir d’objectivation et de classification par le médecin comme un indicateur de diagnostic.

Les souffrances sont du domaine de la subjectivité du patient. Dans ce syndrome, les souffrances vécues ont bien d’autres origines, la principale d’entre elles est, disent-ils, de ne pas être crus par les médecins déroutés par un flot de symptômes violents contrastant avec une imagerie et une biologie négatives.

«« Un grand savoir sur le corps, un piètre savoir sur Un grand savoir sur le corps, un piètre savoir sur l’Homme souffrantl’Homme souffrant » »

L’Histoire insolite d’un syndrome oublié par la médecineL’Histoire insolite d’un syndrome oublié par la médecine

Dépisté par les dermatologuesDépisté par les dermatologues. . Très bien décrit (hémorragies, hypermobilité, Très bien décrit (hémorragies, hypermobilité, proprioception, dysautonomie) en 1900 par Ehlers, réduit à une étirabilité proprioception, dysautonomie) en 1900 par Ehlers, réduit à une étirabilité excessive de la peau par Danlos, pourtant bien inconstante ( % des cas) dont excessive de la peau par Danlos, pourtant bien inconstante ( % des cas) dont l’absence reste encore, hélas, un moyen abusif courant d’élimination du l’absence reste encore, hélas, un moyen abusif courant d’élimination du diagnostic.diagnostic.

Réduit par les rhumatologuesRéduit par les rhumatologues (Brighton) à une mobilité exagérée des articulations (Brighton) à une mobilité exagérée des articulations (contorsionnistes) (contorsionnistes) en tout cas non douloureuse.en tout cas non douloureuse.

Enfermé par les généticiens dans une classificationEnfermé par les généticiens dans une classification (Berlin, Villefranche) aux critères (Berlin, Villefranche) aux critères exigeants, sur un mode histoclinique (11 puis 6, puis 3 types) qui est mis en défaut exigeants, sur un mode histoclinique (11 puis 6, puis 3 types) qui est mis en défaut par l’observation clinique et les données histologiques récentes (Gand, Sept. 2012).par l’observation clinique et les données histologiques récentes (Gand, Sept. 2012).

Orphelin de la plupart de ses nombreux symptômesOrphelin de la plupart de ses nombreux symptômes, faussement qualifié de maladie , faussement qualifié de maladie rare, il est exposé à des confusions constantes avec les rare, il est exposé à des confusions constantes avec les syndromes plus en voguesyndromes plus en vogue: : dystrophie musculaire, Gougerot-Sjögren, sclérose en plaque, asthme, polyarthrite, dystrophie musculaire, Gougerot-Sjögren, sclérose en plaque, asthme, polyarthrite, thyroïdite d’Hashimoto, thyroïdite d’Hashimoto, fibromyalgiefibromyalgie et surtout et surtout trouble psychopathologique trouble psychopathologique (dépression, somatisation, syndrome bipolaire) (dépression, somatisation, syndrome bipolaire) exprimé par l’habituel : « exprimé par l’habituel : « c’est c’est dans la têtedans la tête ». ».

Banalisé par les patientsBanalisé par les patients et par les médecins :« et par les médecins :« tout le monde a çà ! tout le monde a çà ! » (fatigue, » (fatigue, douleur, constipation, sueurs…) douleur, constipation, sueurs…) le pathologique apparait normal.le pathologique apparait normal.

Son diagnostic, privé d’appui génétique, biologique ou d’imagerieSon diagnostic, privé d’appui génétique, biologique ou d’imagerie est tardif est tardif ( (20 ans 20 ans en moyenne chez les femmesen moyenne chez les femmes), ce qui se traduit par une ), ce qui se traduit par une errance et négation errance et négation médicales médicales décevante, humiliante et dangereuse (chirurgie, accouchements.) qui décevante, humiliante et dangereuse (chirurgie, accouchements.) qui ajoutent de la ajoutent de la iatrogénieiatrogénie aux souffrances aux souffrances occasionnées par le syndrome occasionnées par le syndrome lui-même.lui-même.

Achille Miget, Thèse de médecine, Hôpital Saint Louis 1933 Achille Miget, Thèse de médecine, Hôpital Saint Louis 1933 Le syndrome est déjà dénomméLe syndrome est déjà dénommé

Résultats sur 664 cas présentés au premier symposium international sur le SED à Gand, Belgique. 8 septembre 2012

Caractéristiques de notre population de 644 Caractéristiques de notre population de 644 patients avec Beighton égal ou supérieur à 4patients avec Beighton égal ou supérieur à 4Ce sont des femmes (82%)Ce sont des femmes (82%),, ce qui suggère un ce qui suggère un

facteur endocrinien dans ce syndrome facteur endocrinien dans ce syndrome autosomique dominant auxquelles s’ajoutent autosomique dominant auxquelles s’ajoutent le rôle de la puberté et des grossesses dans la le rôle de la puberté et des grossesses dans la symptomatologie.symptomatologie.

Age moyen des femmes Age moyen des femmes : 33 ans (2 à 79 ans). : 33 ans (2 à 79 ans). Age moyen des hommes : 23 ans (2 à 65 ans).Age moyen des hommes : 23 ans (2 à 65 ans). Age moyen du diagnostic : 28 ans chez les Age moyen du diagnostic : 28 ans chez les

femmes.femmes. Age moyen des premiers symptômes : 10 ansAge moyen des premiers symptômes : 10 ans

Retard du diagnostic : 20 ans chez les femmes.Retard du diagnostic : 20 ans chez les femmes.

Contribution au diagnostic avec les 644 premiers Contribution au diagnostic avec les 644 premiers patients (avec un test de Beighton égal ou patients (avec un test de Beighton égal ou supérieur à 4/9) d’une file active de 1300 suivis et supérieur à 4/9) d’une file active de 1300 suivis et traités à Henri Mondor, puis à L’Hôtel-Dieu de traités à Henri Mondor, puis à L’Hôtel-Dieu de Paris.Paris.--Dans les Dans les formes évidentesformes évidentes sept critères forment un regroupement sept critères forment un regroupement

que l’on peut considérer comme « que l’on peut considérer comme « pathognomoniquepathognomonique » »1-Douleurs1-Douleurs : 98% : 98%2-La fatigue 2-La fatigue (96%, 70% sévères)(96%, 70% sévères)33-Les troubles proprioceptifs et du contrôle du mouvement -Les troubles proprioceptifs et du contrôle du mouvement : pseudo-: pseudo-

entorses (86%, 55% sévères ); luxations (90%, 39% sévères).entorses (86%, 55% sévères ); luxations (90%, 39% sévères).4-L’hypermobilité4-L’hypermobilité : 97% de la population totale des 664 patients. : 97% de la population totale des 664 patients. 5-Les altérations de la peau 5-Les altérations de la peau : minceur (91%); fragilité (87%), : minceur (91%); fragilité (87%),

vergetures (64%); retard de cicatrisation (85%).vergetures (64%); retard de cicatrisation (85%).6-Les hémorragies6-Les hémorragies, décrites par Ehlers (3) le 15 décembre 1900 (92%, , décrites par Ehlers (3) le 15 décembre 1900 (92%,

60% cotées 3 ou 4).60% cotées 3 ou 4).7-Le caractère familial 7-Le caractère familial (incluant les formes frustes, incomplètes ou (incluant les formes frustes, incomplètes ou

partielles) : 97% des cas.partielles) : 97% des cas.--Dans les formes Dans les formes pauci symptomatiquespauci symptomatiques,, les plus fréquentes, le les plus fréquentes, le

meilleur critère est l’existence dans la famille d’une forme typiquemeilleur critère est l’existence dans la famille d’une forme typique

Quelques images caractéristiques

HypermobilitéHypermobilité

EtirabilitéEtirabilité

EcchymosesEcchymoses

Cicatrices sur genou opéré (à tort)

Ehlers-Danlos : un corps Ehlers-Danlos : un corps totalement douloureuxtotalement douloureuxLes douleurs sont, avec la Les douleurs sont, avec la fatiguefatigue, les deux , les deux

symptômes qui symptômes qui dominent la clinique dominent la clinique dans le dans le syndrome d’Ehlers-Danlos et sont syndrome d’Ehlers-Danlos et sont responsables du plus grand nombre de responsables du plus grand nombre de situations de handicapsituations de handicap..

Localisations et typologieLocalisations et typologie (des associations (des associations évocatricesévocatrices du diagnostic ). du diagnostic ).

ArticulationsArticulations ( (98%, 98%, intenses :intenses : 82%82%); ); MusclesMuscles ( (82%, 82%, intenses : 47%); intenses : 47%); AbdomenAbdomen (77%, (77%, intenses: 53%);intenses: 53%);ThoraxThorax ((71%, 71%, intenses: 23%);intenses: 23%);OvairesOvaires ( (75%, 75%, intenses: 55%); intenses: 55%); MigrainesMigraines ( (84%, 84%, intenses: 57%);intenses: 57%);Hyperesthésie cutanéeHyperesthésie cutanée ((39) contrastant avec 39) contrastant avec

des zones d’hypoesthésie. des zones d’hypoesthésie.

Caractéristiques et circonstances de survenue des douleurs dans le SEDElles sont diffuses Elles sont variables sur un fond quasi permanent, elles

s’expriment par crises parfois très intenses.Elles sont influencées négativement par le froid, par les

mouvements répétés (repassage, kiné non adaptée), par les traumatismes physiques (AVP), par les facteurs hormonaux (règles, grossesse).

Elles sont souvent rebelles aux thérapeutiques antidouleurs habituelles (antalgiques, antiépileptiques, antidépresseurs)

Elles résistent volontiers aux anesthésiques locaux, ceci est apparent lors des soins dentaires.

Elles sont sensibles aux traitements locaux (TENS, Versatis, gels, chaleur, massages, hydrothérapie) du fait de la perméabilité de la peau.

Il ne s’agit pas de douleurs d’origine psychopathologiques.

Modalités

Elles sont difficiles à classer et l’on peut dire que tous les aspects de la douleur sont présents : brûlures, arrachements, coups de poignard, d’aiguille, éclatement, déchirure, broiement, décharges électriques...

Le rôle de la dystonie : elle est très fréquente et l’occasion de déclanchements douloureux

Quelques observations cliniques: les douleurs thoraciques d’allure cardiaque sont d’origine costale, les douleurs de l’Hypochondre droit doivent faire craindre une cholécystite sur calculs fréquente dans ce contexte. Certaines douleurs sont compressives (défilé des scalènes; nerf cubital au coude) ou vasculaires (dysautonomie?)

Traitements

La proprioception : orthèses dont les vêtements compressifs, supports à mémoires de forme, kinébalnéothérapie, Tai Chi, ergothérapie, orthophonie, orthoptie…Thérapies virtuelles…

Les traitements antalgiques locaux (TENS, Versatis, xylocaïne visqueuse, Lévocarnil, gels anti-inflammatoires, injections locales de xylocaïne avec cortisone ou sans (ceci apparaît efficace), les bandes Biflex…

Les anti-douleurs par voie générale :Tramadol, Acupan, principalement

Jamais de manipulation cervicale (risque de lésion artérielles surtout des vertébrales).

Nous utilisons les anti dystoniques suivant les conseils du Pr. Pierre Césaro (150 patients environ avec des résultats positifs de façon significative et parfois spectaculaires).

L’oxygénothérapie, très active sur la fatigue, l’est aussi sur les migraines

Un accompagnement psychologique et au besoin psychiatrique est à mettre en place.

Orthèse plantaire pour le « pied d’Ehlers-Danlos »

Vêtements compressifs en Céréplas et orthèse lombo-dorsale « El cross »

Orthèse de marche à tracteurs élastiques

Conclusions

Les douleurs tiennent une place considérable dans le diagnostic et les difficultés fonctionnelles des personnes avec un syndrome d’Ehlers-Danlos.

Leur mécanisme reste obscur. La découverte de lésions à l’IRM (Pr. Frédy) ouvre des pistes physiopathologiques qui valent aussi pour le sommeil, la mémoire de travail et l’attention…

Les approches thérapeutiques usuelles de la douleur sont souvent mises en échec avec des effets indésirables majorés.

« Je demande une seule chose : être une heure sans souffrir » (Une patiente avec un SED vue récemment).