les comportements socialement indésirables des adolescents- violence, tabac

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310 Chapitre 7. Les comportements socialement indésirables des adolescents : violence, tabagisme et consommation des drogues Abdellatif LFARAKH Introduction Etant une période de maturation physique et psychique de l'individu, l’adolescence est aussi une période de risques qui se traduit par des difficultés particulières dans différents domaines de la vie sociale. C’est pourquoi certains comportements des adolescents comme le vol, le vandalisme, les fugues, les agressions verbales ou physiques, la consommation de substances psychoactives, la prostitution juvénile, les tentatives de suicide, constituent un sujet d’actualité de tous les temps. C’est aussi un sujet qui revêt une diversité d’aspects, notamment médicaux, sociaux et familiaux et juridique. Aussi, retentit-il sous plusieurs titres: comportements hasardeux, comportements socialement indésirables ou antisociaux, comportements à risque, délinquance juvénile, déviances juvéniles, troubles délictueux, conduites d’essai, etc. Ce sujet revêt une grande importance pour notre pays, étant donné que le nombre et le poids des jeunes adolescents se sont amplifiés en raison de l’arrivée aux âges adultes des cohortes de naissances issues d’une fécondité passée élevée. Cette poussée démographique d’une catégorie de la population, qui constituera le capital humain du pays dans un avenir proche, doit intéresser tout le monde, décideurs et société civile. Tous doivent examiner les implications sur les plans social et économique ainsi qu’en matière du bien être et des conditions de vie des jeunes adolescents et des autres catégories de la population avec qui ils interagissent. Ceci est d’autant plus vrai dans les banlieues et les campagnes où les conditions de vie et le climat de frustration des adolescents sont exacerbés, d’une part, par l’exode rural et l’urbanisation rapide et incontrôlée et, d’autre part, par la paupérisation de la population de ces zones. En effet, ces milieux souffrent de l’insuffisance de services publics et se caractérisent généralement par des niveaux de vie modeste. Il en découle, entre autres, une insuffisance, sinon un manque d’encadrement des jeunes adolescents. Ces derniers se trouvent le plus souvent livrés à eux mêmes face à l’envahissement de films de violence et d’images publicitaires de tous genre, qui accélèrent une transmission des modes de consommation et des représentations du style de vie occidentale auxquels ils ne

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la présente étude propose d’explorer les aspects associés aux comportements socialement indésirables des jeunes adolescents en s’intéressant, dans deux parties distinctes, à la violence physique et la consommation du tabac et des drogues. Dans une troisième partie, la relation entre ces deux comportements est étudiée. Elle porte sur le milieu semi-urbain et « rural 1» de la wilaya de Marrakech ainsi que la ville de Casablanca, lieux où le CERED a réalisé deux enquêtes sur les adolescents,

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    Chapitre 7. Les comportements socialement indsirables des adolescents : violence, tabagisme et consommation des drogues

    Abdellatif LFARAKH

    Introduction

    Etant une priode de maturation physique et psychique de l'individu, ladolescence est aussi une priode de risques qui se traduit par des difficults particulires dans diffrents domaines de la vie sociale. Cest pourquoi certains comportements des adolescents comme le vol, le vandalisme, les fugues, les agressions verbales ou physiques, la consommation de substances psychoactives, la prostitution juvnile, les tentatives de suicide, constituent un sujet dactualit de tous les temps. Cest aussi un sujet qui revt une diversit daspects, notamment mdicaux, sociaux et familiaux et juridique. Aussi, retentit-il sous plusieurs titres: comportements hasardeux, comportements socialement indsirables ou antisociaux, comportements risque, dlinquance juvnile, dviances juvniles, troubles dlictueux, conduites dessai, etc.

    Ce sujet revt une grande importance pour notre pays, tant donn que le nombre et le poids des jeunes adolescents se sont amplifis en raison de larrive aux ges adultes des cohortes de naissances issues dune fcondit passe leve. Cette pousse dmographique dune catgorie de la population, qui constituera le capital humain du pays dans un avenir proche, doit intresser tout le monde, dcideurs et socit civile. Tous doivent examiner les implications sur les plans social et conomique ainsi quen matire du bien tre et des conditions de vie des jeunes adolescents et des autres catgories de la population avec qui ils interagissent.

    Ceci est dautant plus vrai dans les banlieues et les campagnes o les conditions de vie et le climat de frustration des adolescents sont exacerbs, dune part, par lexode rural et lurbanisation rapide et incontrle et, dautre part, par la pauprisation de la population de ces zones. En effet, ces milieux souffrent de linsuffisance de services publics et se caractrisent gnralement par des niveaux de vie modeste. Il en dcoule, entre autres, une insuffisance, sinon un manque dencadrement des jeunes adolescents. Ces derniers se trouvent le plus souvent livrs eux mmes face lenvahissement de films de violence et dimages publicitaires de tous genre, qui acclrent une transmission des modes de consommation et des reprsentations du style de vie occidentale auxquels ils ne

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    sont pas bien prpars. Ces mutations peuvent provoquer des sentiments de dsarroi chez les adolescents qui vivent le plus souvent dans une atmosphre dexclusion et de chmage dont font objet les membres de leurs familles, notamment les jeunes en ge dactivit. Dans ce contexte, certains adolescents adoptent des comportements dlictueux telles que la drogue et la violence comme stratgie de survie et daffirmation de soi.

    Prenant en considrations ces proccupations, la prsente tude propose dexplorer les aspects associs aux comportements socialement indsirables des jeunes adolescents en sintressant, dans deux parties distinctes, la violence physique et la consommation du tabac et des drogues. Vu que certaines recherches menes principalement en Occident, ont dmontr lexistence dune corrlation significative entre ces deux phnomnes, il nous est apparu utile dtudier, dans une troisime partie, la relation entre ces deux comportements avant de prsenter une conclusion gnrale de lanalyse.

    Un intrt particulier sera port au milieu semi-urbain et rural 1 de la wilaya de Marrakech ainsi que la ville de Casablanca, lieux o le CERED a ralis deux enqutes sur les adolescents, lesquelles constitueront des sources privilgies des donnes de notre analyse. Ces sources seront compltes par des statistiques sous produites sur les mineurs en situations difficiles et quon valuera au pralable.

    Par ailleurs, afin de mieux cerner la problmatique relative chaque phnomne trait, des prcisions concernant les concepts et dfinitions de base et le cadre analytique gnral seront donnes suivies dune description de la nature et de la qualit des informations statistiques qui seront utilises.

    I. La violence chez les adolescents

    1. Concepts, dfinitions et cadre analytique 1.1. Dfinitions

    La violence, en gnral, est une construction sociale et non une notion dont la dfinition est admise universellement. Ce qui est considr comme une agression verbale dans une socit pourrait faire partie dun genre de vie dans une autre. Ainsi lon peut dire que la violence ne relve pas dune science exacte, mais plutt de plusieurs sciences humaines. Selon lOrganisation Mondiale de la Sant (O.M.S, 2002, p :4) :

    1 Le rural enqut est tir des douars habitat group ou clat et ne stend pas aux douars habitat dispers.

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    Les ides sur ce qui est acceptable et ce qui ne lest pas en termes de comportement et sur ce quest le mal sont influences par des facteurs culturels et sont constamment remises en question mesure quvoluent les valeurs et les normes sociales.

    Aussi, trouve-t-on plusieurs dfinitions qui diffrent selon lenjeu et la nature du problme en question (juridique, financier, conomique, politique, sociale, etc.) et selon la conjoncture historique. Se plaant du point de vue de la victime, Buss (1961, p: 10) dfinit la violence comme tant tout comportement qui blesse ou porte prjudice autrui mme si il ne sagit pas dacte intentionnel ou quil est but curatif. Cette dfinition a connu plusieurs modifications par la suite. Nest alors considre comme agression que les comportements jugs par lobservateur qui les identifie comme tant une violation de la norme (Gabriel, 1997, p: 11).

    Tout rcemment, lO.M.S dfinit la violence comme suit :

    Lusage dlibr ou la menace dusage dlibr de la force physique ou de la puissance contre soi-mme, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communaut qui entrane ou risque fort dentraner un traumatisme, un dcs ou une carence (OMS, 2002, p: 5).

    Cette dfinition englobe autant la violence interpersonnelle, objet de cette tude, que les comportements suicidaires et les conflits arms. Elle englobe aussi, les violences physiques (directes) que celles indirectes qui peuvent affecter lindividu psychologiquement. Elle inclut mme les consquences indirectes des comportements violents comme les problmes de la carence et de dveloppement affectifs qui peuvent affecter la vie individuelle, familiale ou communautaire.

    1.2. Typologie de lOMS de la violence Plusieurs typologies sont possibles. Elles se distinguent selon les critres

    de classification utiliss. Par exemple, on peut tout simplement privilgier un classement selon la nature juridique des faits. Une premire catgorie serait la violence pnalisable relevant des crimes et dlits. Ce sont les vols, les extorsions, les coups et blessures, les homicides, le trafic et lusage de stupfiants, etc. Une autre catgorie, non pnalisable celle-l, concernerait les incivilits ou microviolences tels le bruit, le vandalisme, les injures. Buss (Moser, 1987, p.13) dfinit une typologie plus labore selon trois dimensions de la violence : 1)

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    physique - verbale ; 2) active - passive ; 3) directe - indirecte. En les combinant, il aboutit huit diffrents types dagressions selon le schma ci-aprs2 :

    2 Une autre classification introduisant une dimension motivationnelle, en distinguant entre lagression hostile, lagression instrumentale et lagression expressive a t introduite par Feshbach, en 1964. (Voir Gabriel Moser.1997. p. 13)

    Agression active

    Verbale Physique

    Directe (coups et blessure Indirecte (coups envers un

    substitut de la victime))

    Directe (insulte) Indirecte (Mdisance)

    Agression passive

    Physique Verbale

    Directe Refus de parler

    Indirecte Refus dacquiescer

    Directe empcher un

    Indirecte Refus de sengager

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    LOMS a utilis le critre de lauteur pour distinguer trois grandes catgories de la violence : violence dirige contre soi-mme, quun individu sinflige lui mme comme le suicide par exemple, violence interpersonnelle, cest dire celle inflige par un autre ou par un petit groupe dindividus, et violence collective inflige par des groupes plus importants comme des Etats, des groupes politiques organiss, des milices et des organisations terroristes.

    La violence interpersonnelle se manifeste sous deux formes :

    la violence familiale qui se manifeste gnralement lintrieur du foyer. La maltraitance des enfants, la violence inflige par le partenaire et la maltraitance des personnes ges sont des exemples dune telle violence. L'inceste est une autre manifestation de cette violence. Sil n'est pas accompagn de violence physique, il ne peut tre une expression d'affection. Mme si l'inceste est apparemment le plus souvent commis par le pre, il peut aussi tre le fait de la mre, du grand-pre, du beau-pre, de la belle-mre, des frres et soeurs, des oncles, etc.

    la violence communautaire, cest--dire la violence entre des individus sans liens de parent, qui se connaissent ou ne se connaissent pas, et qui survient gnralement en dehors du foyer. Elle comprend la violence des jeunes, les actes de violence aveugle, le viol ou les agressions sexuelles par des inconnus, tel l'assaut sexuel dfini lui-mme comme tant la perptration d'offenses sexuelles contre la volont de la victime, ou sans son consentement, et par l'usage de la force, la menace de la force ou la manipulation.

    1.3. Les facteurs de risque de la violence interpersonnelle Les facteurs qui contribuent au risque de comportement antisocial, en

    gnral, ou de violence sont complexes, et englobent des variables la fois systmiques et individuelles. Un modle cologique rpartit ces facteurs en quatre niveaux (O.M.S, 2002, p.10) :

    1er niveau : les facteurs biologiques et les antcdents personnels, par exemple les caractristiques dmographiques (ge, sexe, niveau dducation, revenu), les troubles psychologiques ou les troubles de la personnalit, la toxicomanie, les antcdents de maltraitance subie ;

    2me niveau : les relations troites qui pourraient renforcer le risque dtre violent ou de subir une violence, par exemple avec la famille, les amis, les partenaires et les pairs ;

    3me niveau : les contextes de la communaut dans laquelle sinsrent les relations sociales, par exemple les caractristiques de lcole, du quartier. Ces contextes accroissent ou rduisent le risque de violence ;

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    4me niveau : les facteurs de socit plus larges telles des normes sociales et culturelles rgissant les rapports entre parents et enfants, les rapports de genre, ceux entre lautorit locale et le citoyen. Ils englobent aussi les politiques sanitaires, conomiques, ducatives et sociales qui font perdurer les ingalits sociales conomiques entre groupes sociaux.

    Dautres modles sont galement proposs. A titre dillustration, en sinspirant des modles sociopsychologiques, on peut proposer schmatiquement le cadre de rfrence suivant qui trace les principaux facteurs de la violence interpersonnelle chez les adolescents. Outre la discrimination et la marginalisation fondes sur le sexe, il distingue six grandes catgorie de facteurs : ceux lis la communaut dappartenance ou de rsidence; ceux associs la famille ; ceux se rfrant linstitution scolaire, les attitudes, les perceptions, la personnalit et les antcdents personnels de ladolescent, et enfin les rapports avec les pairs.

    Le tableau 1 prsente ces catgories de facteurs ainsi que des variables associes chacun d'entre eux. Les mcanismes travers lesquels chaque groupe de facteurs de risque agit sur les comportements violents sont expliques brivement par catgorie de facteurs sachant bien que le plus souvent ces facteurs sont lis entre eux et sinterfrent.

    Tout dabord, et comme pour plusieurs phnomnes sociaux, les rapports de genre constituent un facteur discriminant en matire de violence. Les recherches menes dans diffrents pays, montrent que les filles sont moins portes sur la violence physique que les garons, tous ges confondus. Dautre part, elles montrent que les ingalits lies au sexe, engendrent des violences physiques et psychologiques, comme la privation des droits lducation, le placement des filles dans le secteur domestique qui les expose des violences sexuelles, des agressions physiques et des traumatismes psychologiques (Bennani, 1996). De mme, la maltraitance parentale des filles est responsable des situations dans lesquelles les adolescentes s'engagent dans des activits o elles sont sexuellement abuses et psychologiquement maltraites. En outre, de nombreuses donnes dmontrent que la victimisation est plus frquente chez les filles que chez les garons.

    Le milieu de rsidence est un autre facteur de la violence. En effet, de part sa densit, ses quipements socio-ducatifs, les caractristiques gnrales de la population qui y rside ou qui le frquente, le milieu o vivent les adolescents pourrait favoriser ou minimiser chez les jeunes des conduites dlinquantes. Une zone rsidentielle, marque par labsence de structures sociales, pourrait engendrer des situations anomiques et un drglement gnralis des conduites. Des sentiments dingalits sociales chez les rsidents privs des quipements et services sociaux entranent une souffrance quotidienne qui pourrait susciter de

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    leur part des comportements de haine, et peut tre de violence comme consquences de leur exclusion. Cela pourrait tre le cas de jeunes des banlieues des villes qui ne font pas lobjet dinterventions ducatives et sociales visant les faire bnficier des bienfaits de lintgration sociale.

    Lenvironnement familial peut galement favoriser des actes de violence. Par exemple, il est constat que les enfants et les adolescents qui vivent sans mre, pourraient tre plus exposs aux agressions et courent plus le risque de devenir violents que les autres adolescents. Cela tant, le rle du pre est sans quivoque. Ceux dont le pre est dune manire ou dune autre, rgulirement absent en souffrent, du moins psychiquement. Cest sans doute pourquoi il est constat que le foyer dsuni est gnrateur de troubles quasi irrmdiables pour lenfant.

    Dune manire gnrale, le manque dimplication et de surveillance, un climat familial conflictuel, une adoption de conduites dviantes par les parents et la rupture du couple parental sont parmi les facteurs de risque lis la dlinquance des jeunes adolescents.

    Lcole est considre comme jouant un rle trs important dans lorientation des comportements des enfants.

    Lexprience scolaire que vivent les lves rsulte de leffet combin de trois fonctions du systme scolaire : la fonction culturelle qui vise transmettre un ensemble dobjectifs, de valeurs, didaux ; la fonction de slection qui vise tablir un classement des comptences ; la fonction dintgration enfin, ou la fonction socialisatrice, qui vise construire des statuts autour dun ensemble de droits et de devoirs (Dubet, 1987, p.98).

    Ce sont ses fonctions qui contribuent faonner le comportement de lindividu et qui permettent de contrler lagression physique ou autre type de violence. Elles incitent au respect dune conformit aux exigences de lcole comme lieu de formation lordre et la discipline, et par consquence, valorisent lcole en tant que moyen de russite dans la vie.

    Quand ces fonctions sont altres, l'cole perd de sa force et un certain dsenchantement scolaire peut se crer. A titre dexemple, si les lves commencent perdre confiance en linstitution scolaire comme moyen dinsertion sociale et professionnelle, la crdibilit de lcole saffaiblit et constitue, de moins en moins, un repre de rfrence comportementale. La monte dautres modes diffuseurs de savoirs (Internet, tlvisions paraboliques, etc.) pourrait, dans ce contexte, constituer un facteur favorisant la dlinquance, quand ce savoir nest ni pdagogique ni moral.

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    Par ailleurs, lapprciation des circonstances de la nuisance et par consquent la rponse approprie cette nuisance varie dun individu un autre en fonction de sa capacit faire intervenir des processus cognitifs complexes. On constate que

    Les personnes comportement violent chronique manifeste des distorsions cognitives au sujet du conflit interpersonnel, quil soit rel ou imagin. Leur carte cognitive leur fait croire que les autres agissent avec malfaisance, ce qui les portent commettre une agression prventive et avoir un point de vue gocentrique (cest--dire recourir de faon justifie, croient-elles, la violence) (Service correctionnel du Canada, 1995).

    En outre, parmi les facteurs individuels de risque lis la violence, on cite le plus souvent des lments comme: limpulsivit, la ractivit, la turbulence et les facteurs neuropsychologiques, soit des facteurs lis la personnalit et aux antcdents personnels.

    Limpulsivit est considre soit comme lincapacit de rflchir, soit comme lintervalle entre un vnement donn et la raction de lindividu. (Service correctionnel du Canada, 1995).

    Pour White et al (1994) cest une forme de dsinhibition comportementale ou cognitive, rsultat dune insuffisance en matire de matrise ou dautocontrle du comportement. Pour cette raison, elle pourrait constituer galement un facteur favorisant la violence (Barratt, 1994).

    Larive et al (1994) dsignent par turbulence lensemble des comportements problmatiques chez les enfants qui risquent daugmenter la probabilit dapparition de comportements dviants ou dlinquants lors de ladolescence . Par ailleurs, ils soutiennent comme dautres chercheurs quil existe une relation significative entre la prcocit des actes turbulents et la violence des actes dlinquants (Stattin & Magnusson, 1989). Sur le plan des antcdents personnels, on retrouve, parmi les indicateurs de violence chez les deux sexes, la violence familiale (soit comme victime, soit comme tmoin dactes de violence dans la famille). Des tudes rvlent aussi que la victimisation des filles est un facteur de risque de violence. Artz (1997), par exemple, laisse entendre que la violence est pour ces adolescentes un moyen d'viter une revictimisation. Par exemple, des tudes descriptives sur la violence chez les pradolescentes rvlent que certaines filles qui ont t victimes de violence physique ou sexuelle dans leur famille sont plus susceptibles d'avoir des tendances agressives manifestes, ce qui n'est pas le cas pour les garons. La toxicomanie est galement associe la violence interpersonnelle.

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    Enfin, le fait davoir des amis violents ou qui encouragent la violence peut accrotre le risque dtre victime de violence ou de se comporter avec violence. En effet, le groupe de pairs tant une source d'apprentissage social, quand les interprtations des rgles qui lui sont connues sont prpondrance ngative, il constitue un facteur de risque la dlinquance.

    Tableau 1. Groupes de facteurs associs la violence chez les adolescents Groupes de Factures Exemples de variables

    Rapports de genre Discrimination sociale et marginalisation conomique fondes sur le sexe Protection plus limite des filles par la lgislation

    Communaut de rsidence

    Niveaux levs de crimes dans lenvironnement rsidentiel Equipements socio-ducatifs insuffisants

    Famille

    Structure familiale ; Prsence/proximit des parents Style de communication ngatif ; Disputes conjugales Violence physique ou verbale inflige par les parents Rejet parental ; Violence sexuelle Ngligence parentale Faible niveau socio-conomique du mnage, pauvret Densit lintrieur du logement (taille du mnage, nombre de personnes par pice)

    cole Echec scolaire ; Dcrochage au secondaire Statut de lenseignant (profil, personnalit, respect quon lui accorde) Rle de linstitution scolaire

    Cognitions Empathie et distanciation Distorsions cognitives au sujet de la violence Lgitimation de l'usage de la force, par exemple comme punition dune faute commise

    Personnalit et antcdents personnels

    Troubles de la personnalit Ides suicidaires Manque d'estime de soi, de confiance en soi Dpression Impulsivit et dficiences en matire dautocontrle Avoir t victime dun abus ou dune ngligence Avoir des problmes de consommation de drogue

    Groupe de pairs Amis violents ou qui encouragent la violence

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    1.4. Sources des donnes sur la violence au Maroc Deux types de sources de donnes peuvent tre envisags : les enqutes de

    terrain et les donnes sous produites des administrations. Ces dernires portent sur les accidents de la route, donnent des informations sur le suicide en tant que cause de dcs3, concernent les statistiques sur les mineurs en difficults, manant des activits des tribunaux et celles sous produites par le Service de la Protection de lEnfance. Une analyse secondaire des statistiques officielles de ces dernires sources sera aborde ultrieurement.

    Les rsultats des enqutes auprs des lycens constitueront notre principale source de donnes. Il sagit de lenqute ralise par le CERED dans la ville Casablanca, en 1999, auprs de 1093 lves (516 lycens et 577 lycennes) de seize tablissements scolaires publics de lenseignement gnral secondaire4, rpartis entre les sept prfectures que comptait la ville5. Il sagit aussi de lenqute similaire ralise par le CERED Marrakech auprs de 1721 lves (929 lycens et 792 lycennes) appartenant huit lyces rpartis entre les priphries de trois prfectures6 et quatre centres autonomes7. Ces enqutes ont touch une population scolarise de 13 21 ans.

    Nous nous limitons, en ce qui nous concerne, la qualit des donnes sur la violence de ces enqutes travers un aperu sur la couverture et la nature des informations recueillies.

    Les enquts, concerns par les questions sur la violence physique, taient des lycens et lycennes et donc ne reprsentent pas lensemble des adolescents mais uniquement les adolescents lycens de ce qui a t convenu dappeler le semi-urbain de la ville de Marrakech. Il faut se garder bien de toute extrapolation des rsultats dgags lensemble de la ville de Marrakech. Il nen va pas de mme pour lenqute ralise Casablanca et qui est reprsentative de tous les lycens de cette ville. Toute gnralisation dautres villes o dautres catgories dadolescents serait incorrecte.

    1- A loppos de la quasi-totalit des questions poses aux lycens et lycennes, celles sur la violence ont concern des faits, des comportements de llve enqut et non des connaissances, des perceptions ou des croyances se rfrant

    3 Les donnes sur les accidents de la route, et sur les suicides ne sont pas disponibles par groupe dges. Aussi, ne seront-elles pas traites dans le reste de ce document. 4 Voir les aspects mthodologiques de cette enqute dans : CERED.2000. 5 Prfectures de Ain Chock Hay Hassani, Ain Sbaa Hay Mohamadi, Al Fida Derb Sultan, Ben Msick Mdiouna, Mouly Rachid Sidi Othman, Casa Anfa, et Sidi Bernoussi Zenata. 6 Prfectures dAl Haouz, Mnara Gueliz et Sidi Youssef Ben Ali. 7 Centres de Tahannaout, dAmizmiz, dAit Ourir et Sidi Zouine.

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    ladolescence dune manire gnrale. Ces questions revtent un caractre sensible et, donc, sujettes des sous estimations.

    2- Les questions ont t poses des scolariss de lenseignement secondaire et non tous les adolescents, donc, en quelque sorte, une lite . Les rsultats dgags des rponses obtenues constitueraient des bornes infrieures de ce que pourraient tre la situation dans la population des adolescents en gnral des localits enqutes ;

    3- Trois questions ont t poses aux lycens sur la violence : deux questions se rfrent aux 12 derniers mois prcdant lenqute. La premire est relative la violence interpersonnelle physique subie autre que sexuelle (i.e., au cours des 12 derniers mois, avez-vous subi une agression -coups et blessures- commise par une ou un groupe de personnes ?). Une personne ayant subi des coups et blessures devrait donc rpondre par laffirmative indpendamment du fait que cette agression fait suite ou non une agression quelle a commise. La deuxime question concerne la violence interpersonnelle physique agie autre que sexuelle (Au cours des 12 derniers mois, avez vous frapp ou bless quelquun, seul ou en compagnie dun groupe de personnes ?). La remarque prcdente est valable ici galement.

    Une autre question concerne la violence sexuelle physique subie au cours de toute sa vie (Au cours de votre vie, avez-vous subi(e) un abus sexuel ?).

    A chaque fois, les catgories de rponse spcifient le nombre de fois o le sujet a subi ou commis de telles violences. Les violences lencontre des biens publics ou privs ne sont pas traites ici ; il en est de mme de la violation de lordre public moins que cela porte atteinte physiquement une personne.

    4- Etant donn la raret et la sensibilit relative des phnomnes tudis, et la taille de notre chantillon, le fait de travailler sur de petits chiffres limite videmment la porte de lanalyse et doit tre prsent lesprit lors de linterprtation des rsultats.

    2. La violence subie (victimisation) Il sagit de la violence subie lintrieur de ltablissement

    denseignement, dans la rue, au sein de la famille, dans des lieux publics ou des endroits privs.

    Avant dentamer ltude de la violence partir des enqutes auprs des lycens, il convient de tracer un profil succinct sur les caractristiques familiales des lves chantillons, car leur vie sociale est tributaire de leur vie familiale.

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    Le niveau socio-conomique des mnages des lycens des banlieux de Marrakech est relativement faible : ils rsident dans des types dhabitat modeste voire sommaire, dans des mnages comptant 5 personnes et plus raison de 86%, avec une densit dau moins 3 personnes par pice dans une proportion de 60% (i.e : ladolescent plus 2 personnes au moins). Les parents dun cinquime dentre eux ne rsident pas ensemble, soit parce quils sont divorcs ou spars (9%), soit parce que le pre, la mre ou les deux parents sont dcds (9.4%) ou encore parce que le pre est un rsident marocain ltranger (1.5%). Pour environ les deux tiers dentre eux (65%), le pre est un immigrant qui est, dans 68% des cas, dorigine rural. Pour 45% dentre eux, le pre est sans niveau scolaire ou de niveau coranique, proportion qui est encore plus leve sagissant de la mre de ces adolescents (68%). Trois lycens sur dix (29%) exercent paralllement leur tude un emploi conomique.

    Sagissant des lycens de la plus grande ville du Maroc, Casablanca, le profil des enquts est diffrent du prcdent : ils habitent dans des types dhabitat diversifi. Prs de neuf sur dix (88%) dentre eux vivent dans des mnages comptant cinq personnes et plus, avec une bonne proportion (65%) vivant dans des pices abritant moins de trois personnes, les parents de 13% dentre eux ne vivent pas ensemble, soit parce quils sont divorcs ou spars (5%), soit parce que le pre, la mre ou les deux parents sont dcds (8%). Mme quand ils vivent ensemble, cela ne veut pas dire ncessairement quils rsident avec ladolescent enqut. En tmoigne la proportion de ceux ayant dclar ne pas vivre avec leurs deux parents, savoir 17.7% ( comparer 13% pour ceux dont les parents ne vivent pas ensemble). Cest le cas des lves internes et de ceux placs chez des personnes du rseau familial. Environ les trois quart des enquts (72%), ont des pres qui sont des immigrants dont 58% sont dorigine rural, et 27% ont des pres sans niveau scolaire, proportion qui est plus leve parmi les mres de ces adolescents (50%). Un peu plus dun lycen sur dix (12%) exerce un emploi conomique.

    Comment cet environnement sociodmographique affecte-il le risque dtre frapp ou bless ? Pour rpondre cette question, examinons, de prime abord, le niveau de risque dagression physique et ses variations par sexe et ge.

    Au cours des douze derniers mois prcdant lenqute ralise en janvier 2003 , 11,7% des lycens du semi-urbain de Marrakech dclarent avoir t frapps ou blesss physiquement au moins une fois. 4,5% ont t frapps ou blesss deux fois et plus, soit 38,5% des victimes de ce type de violence (4,5/11.7). Parmi les lycens casablancais, ces proportions sont respectivement de

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    16,9%; 4,7% et 27,8%. Ces proportions peuvent tre considres leves8, particulirement pour les lycens casablancais.

    Tableau 2. Lycens (en %) selon quils ont ou non dclar avoir subi des coups et blessures de la part dune ou dun groupe de personnes au cours des

    12 mois prcdents selon le sexe

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois ?

    Masculin Fminin Ensemble

    Semi-urbain Marrakech Oui, une fois 8,0 6,3 7,2 Oui, deux fois 2,0 2,1 2,1 Oui, trois fois ou plus 2,7 2,1 2,4 Non, jamais 83,4 84,3 83,8 ND 3,9 5,1 4,4 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 929 792 1721

    Casablanca Oui, une fois 14,1 10,4 12,2 Oui, deux fois 2,5 2,6 2,6 Oui, trois fois ou + 1,9 2,3 2,1 Non, jamais 79,5 83,0 81,3 ND 1,9 1,7 1,8 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 516 577 1093 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999.

    Globalement, les garons courent le risque plus que les filles dtre ainsi victimes : 12 ,7% contre 10,5% pour le cas du semi-urbain de Marrakech et 18,5% contre 15,3% pour Casablanca. Cette diffrenciation nest cependant plus valable lorsquon compare les deux sexes ayant t frapps ou blesss au moins deux fois lan prcdant par autrui (voir tableau 2 et graphique 1).

    8 Selon les rponses une question identique pose aux franais, en 1998, de 12-19 ans, 8,7% ont t frapps ou blesss au moins une fois au cours des 12 derniers mois (voir Baromtre sant 2000. p.192)

  • 323

    10,5

    12,711,7

    15,3

    18,516,9

    Semi-urbain deMarrakech

    Casablanca

    Graphique 1. Lycens (en%) ayant subi des coups ou des blessures au moins une fois au cours des 12 derniers mois par

    sexe

    filles

    garons

    ensemble

    .

    Par ge, on constate quindpendamment du sexe, le risque dtre victime a tendance baisser mesure que ladolescent grandit (graphique 2). Cependant, cette volution ne semble pas tre vrifie pour le cas des casablancais (graphique 3)

  • 324

    Graphique 2. Lycens de 15 20 ans ayant subi des coups ou des blessures au cours des 12 derniers mois au moins une

    fois selon l'ge par sexe: Semi-urbain de Marrakech

    0

    20

    40

    60

    80

    100

    15 16 17 18 19 20

    Age

    %

    ensemblegaronsfilles

    Graphique 3. Lycens de 15 20 ans ayant subi des coups ou des blessures au cours des 12 derniers mois, au moins une fois, selon

    l'ge par sexe: Casablanca

    0

    20

    40

    60

    80

    100

    15 16 17 18 19 20

    Age

    %

    ensemblegaronsfilles

    La dimension du mnage semble tre quelque peu une des variables

    discriminantes eu gard la violence subie. Ainsi, les lycens du semi-urbain de Marrakech dont la taille de mnage est infrieure 5 et ceux vivant dans des mnages de 8 personnes et plus subissent avec diffrentes propensions des coups

  • 325

    et blessures de la part dautrui : 14 ,9% vs 11 ,6%. Lcart nest cependant pas autant nuanc entre ceux de taille 5 7 personnes par mnage et 8 et plus : 11,1% et 11,6% respectivement. Ce constat reste valable lorsquon considre le nombre de fois frapp ou bless comme lindique le tableau ci-aprs. Il lest galement pour les lycens casablancais o les taux de victimisation observs sont de 18,5% parmi les lves dont le mnage est de taille infrieure 5 personnes contre 16,6% et 16,8% respectivement parmi les lycens rsidant dans des mnages de taille 5 7 et 8 personnes et plus .

    Une taille leve du mnage (i.e., suprieure cinq), signifiet-elle une plus grande protection par une fratrie nombreuse ? Une taille moyenne infrieure cinq, indique-t-elle une structure familiale vulnrable telle que les familles monoparentales ? Les rponses de telles interrogations constitueraient des pistes dexplication des rsultats sur lassociation trouve entre la taille du mnage et la victimisation tudie dans le tableau.

    Tableau 3. Lycens selon quils ont ou non dclar avoir subi des coups et

    blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 mois prcdents, selon le nombre de personnes par mnage

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois ?

    2-4 5-7 8 et plus

    Semi-urbain de Marrakech Oui, une fois 8,1 7,0 7,2 Oui, deux fois 3,6 1,9 1,8 Oui, trois fois 3,2 2,2 2,6 Non, jamais 82,2 84,2 84,0 ND 2,8 4,8 4,4 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 247 1018 456

    Casablanca Oui, une fois 13,8 11,6 12,7 Oui, deux fois 1,6 2,8 2,5 Oui, trois fois 3,1 2,2 1,6 Non, jamais 80,0 81,7 81,2 ND 1,5 1,8 1,9 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 130 649 314 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

  • 326

    Afin dapprofondir cette question, on va explorer la relation entre la victimisation, physique telle quelle est dfinie par la question examine et la composition du foyer mesure ici par le fait de rsider ou non avec ses deux parents la fois (tableau 4). Il en ressort que vivre ladolescence dans un foyer monoparental semble prdisposer plus subir une violence que vivre dans une famille complte (i.e. Mnage biparental). En effet, les lycens rsidant en mme temps avec leur pre et leur mre sont plus protgs contre une agression physique, commise leur encontre, que ceux habitant avec un seul parent : 84,5% contre 79,5% dans le semi-urbain de Marrakech et 82,6% versus 78,5% Casablanca. Ainsi, la violence subie touche plus les enfants de famille dstructures , rsultat similaire la littrature trangre en la matire (Sullerot, 1999).

    Tableau 4. Lycens selon quils ont ou non dclar avoir subi des coups et blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 mois

    prcdents, selon le statut de rsidence avec leurs parents

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois ?

    Vit avec les deux parents

    la fois

    Vit avec lun des deux parents

    seulement Semi-urbain de Marrakech

    Oui, au moins une fois 11,1 14,1 Non, jamais 84,5 79,5 ND 4,4 6,4 Total 100,0 100,0 Nombre dobservations 1377 371

    Casablanca Oui, au moins une fois 15,5 21,5 Non, jamais 82,6 78,5 ND 1,9 0,0 Total 100,0 100,0 Nombre dobservations 900 144 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

  • 327

    Ces donnes sont encore plus nuances lorsque nous considrons la situation matrimoniale des parents de ladolescent (tableau 5) : devant le risque dtre victime de violence physique telle que nous lavons considre, une ingalit claire existe entre les lycens dont le pre et la mre sont toujours en union et vivent ensemble et ceux dont les parents sont spars ou divorcs. En considrant la violence subie, toutes frquences confondues, on constate que parmi les lycens du semi-urbain de Marrakech, le risque est de 10,5% pour ceux dont les parents vivent ensemble contre 12,3% pour ceux dont lun des parents au moins est dcd, voire 15,3% chez ceux dont le pre est divorc ou spar de la mre. Se limitant une frquence dune fois, ces proportions sont respectivement de lordre de 6,2%, 8,6% et 11,5% respectivement.

    Les rsultats de lenqute similaire, mene Casablanca, sont plus parlants que ceux relative lenqute du semi-urbain de Marrakech. Plus leves, les proportions dgages sont aussi plus cartes : 16% pour les lycens dont les parents vivent toujours ensemble versus 24,7% pour ceux dont un des parents au moins est dcd et 17,5% pour les lycens dont les parents sont divorcs ou spars.

    Tableau 5. Lycens selon quils ont ou non dclar avoir subi des coups et blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 mois

    prcdents, selon que leurs parents vivent ensemble, sont spars ou divorcs, ou lun (ou les deux) est (sont) dcd(s)

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois?

    Vivent ensemble

    Spars / divorcs

    Lun des deux au

    moins est dcd

    Semi-urbain de Marrakech Oui, une fois 6,2 11,5 8,6 Oui, deux fois 2,1 1,9 0,6 Oui, trois fois 2,2 1,9 3,1 Non, jamais 85,2 82,7 80,9 ND 4,3 1,9 6,8 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 1339 156 162

    Casablanca Oui, une fois 11,5 14,0 18,0 Oui, deux fois 2,3 3,5 4,5 Oui, trois fois 2,2 0,0 2,2 Non, jamais 81,8 82,5 75,3 ND 2,1 0,0 0,0 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 946 57 89 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

  • 328

    La densit par pice peut constituer une source de tension et donc de conflit pour ladolescent. Elle peut tre associe galement avec le statut social de ladolescent dans la mesure o des densits leves sont observables chez les mnages dfavoriss par comparaison aux mnages aiss . Dans les deux cas, elle peut tre corrle la frquence de la violence subie par lenfant adolescent. Les donnes du semi-urbain de Marrakech tendent confirmer cette hypothse, surtout partir de la taille de 4 personnes par pice ou plus, cest--dire ladolescent lycen plus trois membres du mnage passant la nuit dans la mme pice. Le risque pour un lycen du semi-urbain de Marrakech dtre frapp, ou bless au moins une fois, est de 10,3% quand il passe la nuit seul, de pratiquement la mme probabilit quand il partage sa chambre avec une deux personnes contre 14,7% lorsquils sont quatre personnes au moins passer la nuit dans la mme pice. La densit par pice ne semble donc discriminante qu partir du moment o le lycen vit avec trois autres membres du mnage ou plus dans la mme chambre. Pour le cas des lycens de Casablanca, les fractions correspondantes sont, respectivement, de 14,2% ; 16,6% et 18,2%, soit une nette corrlation entre le risque de victimisation et la densit par pice.

    Tableau 6. Lycens selon quils aient ou non dclar avoir subi des coups et blessures de la part dune ou dun groupe de personnes au cours des 12

    derniers mois prcdents selon le nombre de personnes avec qui ils partagent la mme pice

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois?

    Aucun 1-2 personnes 3

    personnes et plus

    Semi-urbain de Marrakech Oui, une fois 6,0 6,5 9,0 Oui, deux fois 1,7 2,0 2,5 Oui, trois fois 2,6 1,9 3,2 Non, jamais 83,0 86,5 80,7 ND 6,8 3,1 4,7 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 352 800 569

    Casablanca Oui, une fois 9,5 12,2 13,5 Oui, deux fois 2,1 2,3 2,9 Oui, trois fois 2,6 2,1 1,8 Non, jamais 85,3 82,0 78,7 ND 0,5 1,4 3,1 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 190 517 385 NB : Un cas de rponse ne sait pas ou non dclar, est omis dans ce tableau Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

  • 329

    Dans le mme esprit, on peut vrifier sil y a association entre le risque dtre frapp ou bless et certaines caractristiques des parents qui, leur tour, pourraient tre lies au statut socioprofessionnel du mnage. A ce titre, nous explorons en premier lieu leffet du type dactivit du pre et de la mre de ladolescent - auquel il lui a t demand dindiquer si son pre, dans le cas o il est toujours vivant, exerce ou non une profession. La mme question lui a t adresse sagissant de sa mre.

    Selon les rsultats du tableau 7, les lycens, ayant un pre actif occup au moment de lenqute, sont relativement moins nombreux courir le risque dtre victime physiquement tel que nous lentendons ici. Parmi eux, 10,6% ont dclar avoir t frapps ou blesss au moins une fois lan prcdent versus 13,7% parmi ceux dont le pre nexerce pas une profession selon lenqute du semi-urbain de Marrakech et 16,2% versus 17,1% respectivement Casablanca. Sagissant de la relation entre la violence subie par lenfant adolescent et lexercice ou non dune profession par la mre les rsultats obtenus sont dans le sens oppos de ceux relatifs au cas du pre. En effet, dans le semi-urbain de Marrakech, les lycens dont la mre exerce une profession sont plus susceptibles dtre victimes physiquement (14,9%) que ceux dont la mre est femme au foyer (10,7%). Il en est de mme Casablanca o ces pourcentages sont respectivement de lordre de 20,7% et 15,4%. La prsence de la mre au foyer ou son absence temporaire est-il un facteur explicatif de ce constat ? Autrement dit, ladolescent, dont la mre est prsente au foyer, est-il mieux protg contre une agression? Les agressions dont il est question peuvent tre commises par un membre du mnage, notamment par la mre. Dans ce cas, le rsultat constat sexplique-t-il par le stress de lactivit professionnelle exerce par la mre et son effet sur la relation enfant-mre, en particulier dans des milieux dfavoriss ? La participation de la mre au march du travail en tant quactive occupe et son association apparente avec un risque croissant de victimisation de son enfant adolescent cache-t-il, peut-tre, le fait que les mres qui travaillent sont en plus grande proportion des femmes en rupture dunion ? Cette dernire hypothse semble plus plausible comme explication tant donne que, parmi les adolescents dont la mre est active occupe, 21,7% ont dclar que leurs mres sont divorces ou veuves alors que cette proportion ne dpasse gure 10,1% parmi les lycens dont la mre est femme au foyer.

  • 330

    Tableau 7. Lycens selon quils aient ou non dclar avoir subi des coups et blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois prcdents, selon que les parents

    (vivants) de ladolescent ont une profession (ie :Actif occup) ou non

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois ?

    Pre a une profession Mre a une profession

    Semi-urbain de Marrakech oui non oui non Oui, une fois 6,6 7,3 8,8 6,7 Oui, deux fois 1,8 3,2 2,3 2,0 Oui, trois fois 2,2 3,2 3,8 2,0 Non, jamais 85,4 79,8 81,2 84,9 ND 4,0 6,4 3,8 4,3 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 1312 218 261 1395 Casablanca Oui, une fois 11,4 13,1 15,7 11,1 Oui, deux fois 2,7 2,3 2,5 2,2 Oui, trois fois 2,1 1,7 2,5 2,1 Non, jamais 82,1 80,1 77,8 82,7 ND 1,7 2,8 1,5 1,9 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 821 176 198 872 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

    Le niveau dinstruction des parents, par contre, ne semble pas tre clairement associ avec la victimisation physique du lycen. Les rsultats des deux enqutes ne sont pas cohrents de mme que la comparaison pre/mre et ce, quelque soit la frquence de victimisation considre (voir tableau 8). A titre dillustration, pour le semi-urbain de Marrakech, les adolescents ayant t agresss au moins une fois reprsentent 10,9% parmi les lycens dont le pre est sans niveau dinstruction, 11,8% parmi ceux dont le pre a le niveau primaire et 12,3% pour ceux dont le pre a atteint le niveau secondaire et plus, soit des variations rgulires mais faibles dun niveau lautre. Pour Casablanca, ces pourcentages sont respectivement de 15,4%, 14,8% et 16,7%.

  • 331

    Tableau 8. Lycens selon quils aient ou non dclar avoir subi des coups et blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois

    prcdents, selon le niveau dinstruction des parents

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois ?

    Niveau dinstruction du pre

    Niveau dinstruction de

    la mre

    Semi-urbain de Marrakech Sans niveau primaire

    Collge et +

    Sans niveau primaire

    Collge et +

    Oui, une fois 6,9 7,0 7,6 7,0 9,9 6,3

    Oui, deux fois 2,0 2,4 2,0 2,0 1,1 3,3 Oui, trois fois 2,0 2,4 2,7 1,9 3,3 3,6 Non, jamais 85,4 83,2 83,3 85,1 81,9 82,5 ND 3,6 4,9 4,3 4,1 3,8 4,2 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations

    694 286 552 1078 182 332

    Casablanca Oui, une fois 10,3 11,0 12,2 12,0 11,9 11,3 Oui, deux fois 3,4 1,9 2,6 3,5 2,4 0,0 Oui, trois fois 1,7 1,9 1,9 1,8 1,0 2,6 Non, jamais 81,7 82,3 82,0 81,1 81,4 83,8 ND 2,8 2,9 1,2 1,6 3,3 1,5 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations

    290 209 417 549 210 265

    Sources : CERED. Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

    Lexercice dun travail par un enfant, lexpose le plus souvent lexploitation conomique et peut contribuer son chec scolaire. Gnralement, les lves qui exercent une profession pendant lanne scolaire le font par contrainte socioconomique pour aider leurs parents, contribuer aux dpenses de leurs foyers, voire financer une partie ou la totalit des frais de leurs tudes. Ces adolescents, issues de familles gnralement pauvres, courent plus de risque dtre victimes de diffrents types de violence, en grande partie par leurs employeurs, ou suite aux conditions et environnement du lieu de travail, par des clients ou des pairs de mmes profils. Les donnes du tableau ci-aprs semblent le confirmer. En effet, parmi les lves enquts dans le semi-urbain de Marrakech, et exerant une profession, 16,9% ont dclar avoir t frapps ou blesss par autrui, contre seulement 9,6% parmi ceux nexerant aucune profession. Ces fractions sont respectivement de 25,6% et 15,5% pour les lves de Casablanca. Une fois de plus, nous constatons quen milieu urbain, on sexpose plus la violence quen milieu semi-urbain, puisque les proportions de ceux qui ont dclar avoir t frapps ou blesss sont nettement suprieures Casablanca quau semi-urbain de Marrakech.

  • 332

    Tableau 9. Lycens selon quils aient ou non dclar avoir subi des coups et

    blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois prcdents, selon quils exercent ou non une profession au cours de lanne scolaire

    Avez-vous subi des coups ou blessures de la part dune ou dun groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois ?

    Exerce une profession

    Nexerce pas une profession

    Semi-urbain de Marrakech Oui, une fois 10,5 5,9 Oui, deux fois 3,0 1,7 Oui, trois fois et + 3,4 2,0 Non, jamais 79,0 85,8 ND 4,0 4,6 Total 100,0 100,0 Nombre dobservations 496 1225

    Casablanca Oui, une fois 18,8 11,1 Oui, deux fois 3,8 2,4 Oui, trois fois et + 3,0 2,0 Non, jamais 72,9 82,6 ND 1,5 1,9 Total 100,0 100,0 Nombre dobservations 133 956 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999.

    3. Agressions sexuelles subies

    Les violences sexuelles sont multiples. Lexploitation sexuelle des fins commerciales en est une forme. Les rapports sexuels imposs, le viol, le harclement sexuel, les svices sexuels contre des enfants, le mariage denfants adolescents9 constituent dautres formes dagressions sexuelles. Gnralement, l'exploitation sexuelle des adolescents comprend le dtournement des mineurs, l'atteinte la pudeur, la pratique de relations sexuelles et l'inceste. Ladolescent peut tre abus sexuellement soit par pntration orale, gnitale ou anale, par attouchement gnital ou baiser sexuel. Il peut tre lobjet de regards de nature sexuelle, dattouchement dguis, dinvitation verbale au jeu sexuel, dinsultes relatives certaines parties du corps, dimposition ou incitation observer ou tre observ dans une posture sexuelle. Avoir une relation sexuelle avec un enfant mineur, par force ou non est un viol.

    Au Maroc, des cas de ces types de violence sont signals de temps autre dans la presse, tmoignant que note pays nchappe pas cette forme dangereuse

    9 Par exemple, lUNICEF considre le mariage prcoce des jeunes filles comme une forme dexploitation sexuelle des enfants. Au Maroc, parmi les filles de 15-19 ans, on compte 13% maries, avec 1,6%, qui sont maries lge de 15 ans selon lENSME de 1996/97. Notons que le nouveau code de la famille vient dinterdire le mariage des filles avant 18 ans.

  • 333

    de violence qui peut exposer des mineurs des risques sanitaires, incluant les IST et le VIH/SIDA, les maladies gnsiques, les grossesses prcoces et des svices physiques et psychologiques. Selon une tude (Essaktaoui, 2003, p.16), toute rcente, sur cette question, les violences sexuelles sont en nette hausse la fois au sein de la famille et lcole.

    Conscient de la gravit du problme, lObservatoire National des Droits de lEnfant a lanc une campagne (affiches, tlvision, radio) traitant de lexploitation sexuelle, de lusage de drogues et de lexploitation conomique des petites filles ( petites bonnes ). Un Tlphone vert (Hot Line) a t mis en place. Ainsi, durant la priode allant de Janvier 2000 septembre 2001, plus de 40 000 appels reus, manant denfants, ont permis de lancer linstruction de 728 dossiers dont 48 cas dabus sexuels (Mjid, 2001). Les agresseurs sont des trangers 43%, des voisins 21%, des instituteurs 9%, des pres 6%, des gardiens 6%, des directeurs d'tablissement scolaire 4%, des cadres pdagogiques 3% et d'autres lves 3% galement. Les victimes ont moins de 5 ans dans 10% des cas, de 6 10 ans 22%, de 11 15 ans 46% et de 16 18 ans 12% et d'ge indtermin 10 %.

    Les chiffres rvls par l'Association "Bayti", concernant les agressions et l'exploitation sexuelles, dont ont t victimes des enfants Casablanca et Essaouira sont galement inquitants. Au total, 210 enfants ont t victimes d'un abus sexuel en 2001 sur les 530 cas de maltraitance recenss par l'association.

    Le point commun entre les enfants victimes de ces abus, est leur appartenance aux catgories des enfants vulnrables, savoir les enfants issus de familles disloques, les enfants de la rue et ceux qui travaillent. Des infections sexuellement transmissibles ont t diagnostiques chez les victimes dont la plupart cause de rapports sexuels non protgs (Libration , 200 ?).

    Pour protger les enfants et lutter contre les abus sexuels dont ils peuvent tre victimes, un plan d'action national impliquant l'Etat et la socit civile a t adopt10. Ainsi, des associations marocaines ont dvelopp des programmes daide aux enfants victimes de violences sexuelles ou se livrant la prostitution11.

    Paralllement, le Gouvernement marocain a renforc larsenal juridique visant la protection des enfants. Le code pnal marocain traite les questions de violence contre les enfants dans plusieurs articles. Les pnalits contre de tels 10 Il sagit du plan daction de la journe organise Rabat en 2003, par le Secrtariat dEtat charg de la famille, de la solidarit et laction sociale, en collaboration avec lUNICEF, le Ministre de la Sant, le Ministre de la Justice, lObservatoire national des droits de lenfant et des associations non gouvernementales. 11 Cest la cas par exemple de lassociation ENNAKHIL , de BAYTI de lADFM.

  • 334

    types de dlits vont de la prison dun an perptuit, voire dans certains cas la condamnation capitale. A titre dexemple, lagression sexuelle dun mineur, ou la tentative de le violer, par force ou non, entranent lemprisonnement du coupable de deux ans vingt ans selon le cas. En particulier, larticle 487 du Code pnal stipule que lorsque lauteur est un ascendant ou le tuteur de la victime, une personne qui a une autorit sur elle ou qui est son service, un fonctionnaire ou un ministre du culte, la peine va de cinq 30 ans, en fonction de lge de la victime.

    Des donnes fiables sur labus et lexploitation sexuels de lenfant nexistent pas. Les donnes officielles recueillies par la police et la justice, sous estiment la ralit, car elles concernent exclusivement les cas qui leur sont prsents. A titre dexemple, selon les services de la justice, le nombre des poursuivis devant les cours pour des dlits caractre sexuel en 2002 slve 917 cas, impliquant 762 affaires dont 159 viols. Parmi ces cas, on note 188 qualifis de viol, 407 cas de prostitution, 244 dincitation la dbauche et au proxntisme, 24 cas d obsds sexuels . Les filles sont plus touches par le viol. La perte de leur virginit est vcue comme un dshonneur familial qui entrane trs souvent le rejet, lexil, lenfermement, le mariage forc avec lagresseur ou encore lemprisonnement (Mjid, 2001).

    Lors des enqutes ralises auprs des lves des tablissements publics de lenseignement gnral du cycle secondaire, dans le semi-urbain de Marrakech et Casablanca, il a t demand aux lycens sils taient, au cours de leur vie, viol ou non. Dans laffirmatif, ils devraient indiquer le nombre de fois. Bien quil sagisse dune question trs sensible, et donc objet de rsistance de la part de lenqut, la proportion des adolescents interrogs ayant t viols est assez significative : 2,9%, aussi bien Casablanca que dans le semi-urbain de Marrakech. Les taux de non rponse taient respectivement de 3, 2% et 4 ,9% seulement.

    Il est souvent admis que les filles sont beaucoup plus susceptibles d'tre victimes de violence sexuelle de la part d'un membre de leur famille ou d'un tranger que les garons. A loppos de cette hypothse, le viol nest pas clairement sexu, et en tout cas ne concerne pas plus les filles adolescentes que les garons. Ces derniers sont autant exposs que les filles ce type de violence sexuelle, probablement parce quils sont moins surveills par les parents et quils sont en contact avec le monde extrieur plus souvent: 3,1% versus 2,8% parmi les lycens du semi-urbain de Marrakech et 3% versus 2,8% parmi les lycens de Casablanca. Les diffrences observes entre les deux sexes sont faibles, mais on peut penser une sous-estimation plus importante pour le sexe masculin. Cest ce qui est suggr par la proportion des non rponses qui est de 5,8% pour les

  • 335

    garons contre 3,8% pour les filles dans le semi-urbain de Marrakech et de 4,8% versus 1,7% Casablanca.

    Tableau 10. Lycens selon quils aient ou non auto dclar avoir t viols

    Au cours de votre vie, avez-vous t viol sexuellement ? Masculin Fminin Ensemble

    Semi-urbain Marrakech Oui, au moins une fois 3,1 2,8 2,9 Non, jamais 91,2 93,4 92,2 ND 5,8 3,8 4,9 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 929 792 1721

    Casablanca Oui, au moins une fois 3,0 2,8 2,9 Non, jamais 92,2 95,5 94,0 ND 4,8 1,7 3,2 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 516 577 1093 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999.

    Par ge, on constate deux profils distincts. Dans le semi-urbain de Marrakech, le viol dclar par les lycens, semble tre prcoce puis diminue avec lge, tendance plus claire chez les filles que chez les garons (graphique 4). En revanche, Casablanca, le viol semble augmenter avec lge particulirement chez les lycennes (graphique 5).

  • 336

    Graphique 4. Lycens selon quils aient ou non auto dclar avoir t viols au cours de la vie selon l'ge par sexe : semi-urbain de Marrakech

    0

    1

    2

    3

    4

    5

    6

    15 16 17 18 19 20

    Age

    %

    Ensemblefillesgarons

    Graphique 5. Lycens selon quils aient ou non auto dclar avoir t viols au cours de la vie selon l'ge par sexe: Casablanca

    0

    1

    2

    3

    4

    5

    6

    15 16 17 18 19 20

    Age

    %

    fillesgaronsensemble

  • 337

    Le poids des dterminants familiaux, mesurs simplement par un ensemble de variables et par les facteurs socioconomiques des parents (voir tableau 11), semble tre peu lourds relativement ce quon peut sy attendre. Seuls la taille du mnage, le nombre de personnes partageant la chambre la nuit avec ladolescent enqut et la participation du pre et celle de la mre la vie active semblent discriminants.

    Les autres variables nindiquent pas de diffrences systmatiques concernant le risque de viol de ladolescent. Il est vrai qutant donn les faibles pourcentages compars, il est difficile dobserver de nettes diffrences de risque.

  • 338

    Tableau 11. Lycens selon quils aient ou non dclar avoir t viols sexuellement selon quelques caractristiques familiales

    Semi-urbain de Marrakech et ville de Casablanca Au cours de votre vie, avez-vous t expos un viol ? Nombre de cas

    Semi-urbain Marrakech Casablanca Caractristiques familiales de ladolescent

    Modalit de rponse Oui, au moins 1

    fois Non, jamais Oui, au moins 1 fois Non, jamais

    Semi-urbain Marrakech

    100%

    Casa-blanca 100%

    Vit avec ses deux parents la fois 2,0 93,1 2,8 93,7 1377 900 Vit avec 1 des deux parents seulement 3,8 90 ,8 2,8 97,2 371 144 Parents vivent ensemble 2,5 92,4 2,8 93,6 1339 946 Parents spars/divorcs 2,6 94,9 3,6 96,5 156 57 Un des parents au moins est dcd 2,4 91,4 2,2 96,6 162 89 2 -4 personnes par mnage 4,0 92,3 4,0 94,5 247 128 5-7 personnes par mnage 2,6 91,9 2,9 93,4 1018 649 8 personnes et plus par mnage 3,1 92,8 2,3 94,9 456 314 Aucun ne partage avec lado la pice, la nuit 1,7 91,8 1,5 97,9 352 190 1 2 pers. la partagent avec lado, la nuit 3,0 92,5 3,8 93,2 800 517 3 pers. et plus la partagent avec lado, la nuit 3,5 92,1 2,2 93,2 569 385 Pre a une profession 2,4 93, 3 2,6 94,2 1312 821 Pre na pas de profession 4,2 87,2 4,5 92,0 218 176 Mre a une profession 3,5 92,3 5,0 93,4 261 198 Mre na pas de profession 2,5 92,5 2,2 94,3 1395 872 Pre sans niveau dinstruction 3,3 91,5 2,7 93,1 694 290 Pre de niveau dinstruction primaire 2,7 91,3 2,5 93,3 286 209 Pre de niveau dinstruction collge et + 2,2 94,2 3,4 93,8 552 417 Mre sans niveau dinstruction 2,8 92,3 2,6 94,0 1078 511 Mre de niveau dinstruction primaire 3,7 92,9 3,4 92,4 182 541 Mre de niveau dinstruction collge et + 2,7 92,8 2,3 95,1 332 13 La somme des pourcentages ngale pas tout fait 100% en raison des rponses non dclares ou faisant partie de la catgorie de rponse ne sait pas ou celle rsiduelle autres Sources : .CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

  • 339

    En effet, le tableau 11 permet de constater que les adolescents appartenant des mnages de petites tailles de 2 4 personnes et ceux qui partagent leur chambre avec un autre membre du mnage, ou encore ceux dont le pre nexerce aucune profession ou la mre est active occupe courent plus de risque dtre viols comparativement aux autres adolescents. Les risques ne dpassent pas, dans la quasi-totalit des cas, 4%. En revanche, le fait de vivre ou non avec ses deux parents, davoir des parents spars ou divorcs ou non, davoir des parents instruits ou non, ne semble pas toujours faire des diffrences significatives systmatiquement, dans le semi-urbain comme Casablanca, en ce qui concerne le risque de sexposer un viol. Ceci est valable pour les pres comme pour les mres.

    Il en va de mme pour ce qui concerne lexercice dune profession par ladolescent du semi-urbain de Marrakech au cours de lanne scolaire (tableau 12). La proportion des lycens qui ont dclar avoir subi au moins un viol au cours de leur vie est pratiquement identique que le sujet exerce ou non une profession : 3,0% versus 2,9%. Il en est autrement Casablanca puisque parmi les lycens qui exercent une profession au cours de lanne scolaire 6,8 % avaient dclar avoir t exposs au moins un viol sexuel au cours de leur vie contre 2,9% parmi ceux qui nexercent pas de profession pendant lanne scolaire.

    Tableau 12. Lycens selon quils aient ou non dclar avoir t viols sexuellement selon quils exercent ou non une profession pendant lanne

    scolaire

    Au cours de votre vie, avez-vous t viol? Exerce une profession

    Nexerce pas Une profession

    Semi-urbain de Marrakech Oui, au moins une fois 3,0 2,9 Non, jamais 90,3 93,0 ND 6,7 4,2 Total 100,0 100,0 Nombre dobservations 496 1225

    Casablanca Oui, au moins une fois 6,8 2,3 Non, jamais 89,5 94,6 ND 3,8 3,1 Total 100,0 100,0 Nombre dobservations 133 956 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999.

  • 340

    4. La violence agie Lengagement dans lagir semble pour beaucoup dauteurs une

    ncessit dveloppementale pendant la priode dadolescence bien quil entrane une prise de risque. Il est souvent considr comme oppos la passivit de ladolescent, question non moins proccupante pour les ducateurs. Ladolescent recherche alors son quilibre entre peur de laction et fuite dans laction, entre vitement de lagressivit et mise en scne de celle-ci dans des scnarios plus ou moins violents, entre inhibition morbide et rituels de provocation. nous disaient Marie-Pierre Janvrin et al (Janvrin et al, 1999).

    Globalement, 8,4% des lycens ont dclar avoir frapp ou bless quelquun, seul ou en groupe, au cours des 12 derniers mois prcdant lenqute alors que 87,3% ont dclar le contraire et seul 4,3% nont pas fourni de rponse. Ce taux dagressivit des lycens du semi-urbain de Marrakech est du mme ordre que celui enregistr par une enqute sur les enfants franais de 12-19 ans, ralise en 1999, savoir 9,0% (Guilbert, 2000, p.192).

    Par sexe, les rsultats des graphiques suivants confirment lhypothse selon laquelle la grande majorit des actes de violence physique chez les adolescents sont luvre des garons . En effet, si les lycens ont dclar avoir frapp ou bless quelquun, lan prcdant lenqute ralise dans le semi-urbain de Marrakech, raison de 12,3%, les lycennes ne lont avou que dans une proportion de 3,8%, soit un pourcentage natteignant pas le tiers de ce qui est enregistr pour le sexe masculin.

    12,33,8 8,4

    83,392 87,3

    oui non

    Avez-vous frapp ou bless quelqu'un, seul ou en groupe, au cours des 12 derniers moins?

    Graphique 6: Lycens (en%) par sexe selon qu'ils ont frapp ou bless quelqu'un, au cours des 12 derniers mois prcdents

    Semi-urbain de Marrakeck

    LycensLycenneEnsemble

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    13,44,5 8,7

    85,9 94,3 90,3

    oui non

    Avez-vous frapp ou bless quelqu'un, seul ou en groupe, au cours des 12 derniers moins?

    Graphique 7. Lycens (en%) par sexe selon qu'ils ont frapp ou bless quelqu'un, au cours des 12 derniers mois prcdents

    CasablancaLycensLycenneEnsemble

    Tableau 13. Lycens selon quils aient ou non dclar avoir frapp ou bless une personne, seul ou avec un groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois

    prcdents, selon le sexe

    Avez-vous frapp ou bless une personne, seul ou avec un groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois?

    Masculin Fminin Ensemble

    Semi-urbain Marrakech Oui 12,3 3,8 8,4 Non 83,3 92,0 87,3 ND 4,4 4,2 4,3 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 929 792 1721

    Casablanca Oui 13,4 4,5 8,7 Non 85,9 94,3 90,3 ND 0,8 1,2 1,0 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 516 577 1093 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999.

    Lge comme variable indiquant la chronologie des influences sociales, mais galement en tant quindicateur du dveloppement physiologique de lindividu, permet dexaminer la variation de la violence diffrents cycles de la

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    vie de ladolescent, sans pour autant constituer une cause en soi. Les donnes transversales dont nous disposons montrent12 ainsi :

    Une prcocit des comportements violents commis par les lycens : des proportions relativement leves sont autodclares par les lycens les moins gs ; 12,0% et 10,7% 15 ans respectivement Casablanca et dans le semi-urbain de Marrakech.

    Grosso modo, une tendance la baisse des comportements agressifs physiques mesure que lge augmente et ce, plus nettement Casablanca quau semi-urbain de Marrakech.

    Graphique 8. Lycens selon quils aient ou non frapp ou bless une personne, seuls ou avec un groupe de personnes au cours des 12 derniers mois prcdents selon l'ge: Semi-urbain de Marrakech

    456789

    101112

    15 16 17 18 19 20 21Age

    %

    12 Les donnes relatives aux ges 13 et 14 ans ne sont pas affiches car il sagit de trs petit nombre dobservations ne dpassant pas dans les meilleurs cas six.

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    Graphique 9: Lycens selon quils ont ou non frapp ou blessune personne, seuls ou avec un groupe de personnes au cours des 12

    derniers mois prcdents selon l'ge : Casablanca

    456789

    101112

    15 16 17 18 19 20 21Age

    %

    Pour vrifier si les variables lies la famille sont associes la violence

    agie des lycens enquts, nous allons comparer, dans un premier lieu la proportion dadolescents ayant agress physiquement quelquun, au cours des 12 derniers mois prcdents, selon quils vivent dans des foyers biparentaux ou monoparentaux, ltat matrimonial de leurs parents, la taille du mnage et le nombre de personnes partageant la mme pice, la nuit, avec ladolescent.

    La lecture du tableau 14 ci-aprs indique que les violences physiques commises sur autrui, en groupe ou seul, sont avoues plus par les lycens vivant dans des familles monoparentales que par ceux appartenant des mnages biparentaux. Les carts sont, cependant, moins prononcs dans le semi-urbain de Marrakech qu Casablanca : 8,6% des cas versus 7,8% des cas et 8,4% versus 10,4% respectivement. Cette diffrentiation se vrifie aussi lorsquon examine ltat matrimonial des parents. En effet, avoir un des parents veuf, et dans une moindre mesure, si ses parents sont spars ou divorcs, semble tre li au caractre agressif physiquement du lycens casablancais mais pas de celui du semi-urbain de Marrakech. Dans le premier milieu, la propension avoue frapper quelquun, seul ou en groupe, est de 14,6% lorsquau moins lun des parents de ladolescent enqut est dcd, contre 8,8% lorsque les parents sont spars ou divorcs et un peu moins, 8,1% quand le pre et la mre vivent ensemble. Dans le deuxime milieu, ces fractions (respectivement 8,0%, 7,1% et 8,1%) ne permettent pas de dgager une conclusion vraisemblable. Parmi les interprtations donnes cet effet, il y lieu de souligner limplication des parents (ou lintensit de leurs relations avec leurs enfants) qui, lorsquelle est forte, constituerait un moyen de protection contre la violence. Inversement, lorsquil y a

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    un manque ou une faiblesse des relations des parents (parental involvement) avec les enfants (cas ventuellement des foyers briss ou problmes conjugaux), ces derniers verraient leur risque de violence saccrotre (Hawkins & al. 2000). De mme, la sparation parent-enfant semble dterminer le comportement violent future de lenfant. A titre dexemple, Henry et al. (1996) ont trouv que le fait dappartenir une famille monoparentale, lge de 13 ans, est corrl la violence commise vers 18 ans.

    La taille du mnage, autre variable caractrisant la famille de lenqut, ne permet pas de soutenir quelle est corrle la violence commise par les lycens puisque mesure quelle augmente, le taux de violence agie lencontre dune personne augmente, pour pratiquement se stabiliser dans le cas du semi-urbain ou, loppos, diminue pour saccrotre par la suite dans le cas de Casablanca. Des profils non cohrents qui, en tout cas, ne pourraient tre dus la qualit dducation octroye par les parents aux enfants qui, gnralement, diminue lorsque le nombre denfants est lev.

    Le nombre de personnes partageant la mme chambre, la nuit, avec le lycen peut aussi bien reflter un statut socioculturel et conomique de ladolescent que traduire un certain degr de son isolement, peut-tre aussi de stress. Toutefois, ces hypothses ne sont pas videntes. Vouloir trouver et, fortiori, expliquer la corrlation de ce facteur avec la violence agie dclare par le lycen est donc difficile. La seule certitude qui se dgage des donnes recueillies est que les lycens dormant seuls dans une chambre semblent plus ports frapper ou blesser quelquun que ceux partageant leur chambre avec dautres membres du mnage.

    Concernant les autres facteurs affichs dans le tableau 14, remarquons, qu linverse de la violence subie (tableau 7), la violence agie est relativement plus importante lorsque le pre (ou la mre) exerce une profession. Peut-on interprter ses rsultats par lassurance relative que permet un pre (ou une mre) ayant un emploi, compar au pre (ou mre) sans emploi, ou par labsence temporaire du pre (ou de la mre) qui se rend dans les lieux de travail permettant aux enfants, laisss sans surveillance parentale, de se bagarrer ? Seules des tudes approfondies permettent de vrifier ces hypothses et fournir des explications plus convaincantes.

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    Tableau 14. Lycens selon quils ont ou non dclar avoir frapp ou bless quelquun, au cours des douze derniers mois, selon quelques caractristiques familiales : semi-urbain de Marrakech et ville de Casablanca

    Au cours de votre vie, avez-vous frapp ou bless quelquun, seul ou avec un groupe de personnes?

    Nombre de cas

    Semi-urbain Marrakech Casablanca

    Caractristiques

    familiales de ladolescent

    Modalit de rponse

    Oui Non Oui Non Semi-urbain Marrakech

    100%

    Casablanca 100%

    Vit avec ses deux parents la fois 7,8 87,9 8,4 90,7 1377 900 Vit avec 1 des deux parents seulement 8,6 85,2 10,4 89,6 371 144 Parents vivant ensemble 8,1 87,6 8,1 90,7 1339 946 Parents spars/divorcs 7,1 89,7 8,8 91,2 156 57 Un des parents au moins est dcd 8,0 86,4 14,6 85,4 162 89 2 -4 personnes par mnage 7,7 89,5 12,5 87,5 247 128 5-7 personnes par mnage 8,5 87,0 7,1 91,8 1018 649 8 personnes et plus par mnage 8,3 86,8 10,5 88,2 456 314 Aucun ne partage avec lado la pice, la nuit 13,4 80,4 10,0 90,0 352 190

    1 2 pers. la partagent avec lado, la nuit 6,1 89,8 7,5 91,5 800 517 3 pers. et plus la partagent avec lado, la nuit 8,4 88,2 9,4 89,1 569 385

    Pre a une profession 8,4 87,6 8,9 90,0 1312 821 Pre na pas de profession 7,3 88,1 6,3 92,6 218 176 Mre a une profession 9,2 86,6 10,1 88,9 261 198 Mre na pas de profession 7,9 88,0 8,1 90,8 1395 872 Pre sans niveau dinstruction 7,2 88,8 9,0 89,7 694 290 Pre de niveau dinstruction primaire 6,3 89,5 8,6 89,0 286 209 Pre de niveau dinstruction collge et + 10,1 85,9 10,1 89,7 552 417 Mre sans niveau dinstruction 7,1 89,0 8,4 90,4 1078 511 Mre de niveau dinstruction primaire 6,0 90,7 8,9 90,2 182 541 Mre de niveau dinstruction collge et + 11,1 84,3 15,4 84,6 332 13 La somme des pourcentages ngale pas tout fait 100% en raison des rponses non dclares ou faisant partie de la catgorie de rponse ne sait pas ou celle rsiduelle autres Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999

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    Si on sintresse maintenant lexercice dune profession par ladolescent lui-mme au cours de lanne scolaire, lon constate clairement que les lycens qui travaillent en dehors de leurs tudes scolaires, sont relativement plus nombreux dclarer avoir frapp ou bless quelquun, seul ou en groupe, au cours des douze derniers mois prcdant lenqute, constat valable aussi bien dans le semi-urbain de Marrakech (13,3% versus 6,4%) qu Casablanca (15,8% versus 7,7%).

    Tableau 15: Lycens selon quils ont ou non dclar avoir frapp ou bless une personne, seuls ou avec un groupe de personnes, au cours des 12 derniers mois prcdents, selon

    quils exercent ou non une profession au cours de lanne scolaire

    Avez-vous frapp ou bless une personne, seul ou en groupe, au cours des 12 derniers mois?

    Exercent une profession

    Nexercent pas une profession Ensemble

    Semi-urbain Marrakech Oui 13,3 6,4 8,4 Non 82,5 89,3 87,3 ND 4,2 4,3 4,3 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 496 1225 1721

    Casablanca Oui 15,8 7,7 8,7 Non 84,2 91,1 90,3 ND 0,0 1,2 1,0 Total 100,0 100,0 100,0 Nombre dobservations 133 956 1093 Sources : CERED : Enqute lves du semi-urbain de Marrakech, 2003 et enqute lves de Casablanca, 1999.

    5. Type de dlits des mineurs Les informations dans ce domaine proviennent, dune part, de la Direction

    des Affaires Pnales et des Grces du Ministre de la Justice qui recueille les cas de la dlinquance juvnile ports devant les tribunaux nationaux. Elles manent, dautre part, de la Direction de la Jeunesse et de lEnfance qui relve du Ministre de la Jeunesse. Son Service de la Protection de lEnfance soccupe de laccueil, de lencadrement et de la rducation des jeunes mineurs gs de moins de 18 ans impliqus, arrts, jugs, par les tribunaux et placs dans diffrents tablissements de protection de lenfance.

  • 347

    5.1. les statistiques des tribunaux Ces informations se rfrent aux moins de 16 ans du fait quau Maroc, la

    majorit pnale est atteinte lge de 16 ans rvolus. Il sagit de donnes statistiques fondes sur des critres juridiques et qui ne concernent que les cas qui arrivent devant une juridiction. Par consquent, ces donnes ne rendent pas compte du phnomne dans toutes ses dimensions sociales et en tout cas, sont trop sous-estimes pour dcrire la ralit du phnomne. Nous les donnons titre indicatif.

    La compilation des statistiques courantes de 2002 nous permet davoir les donnes contenues dans le tableau 16 (voir aussi le tableau des donnes plus dtailles en annexe). Par rapport aux statistiques de 1998, le nombre de mineurs poursuivis par les tribunaux marocains pour des crimes ou dlits sest accru de 84%, passant de 8309 15331 cas. Cet important accroissement pourrait tre d au systme denregistrement et non uniquement lvolution de ce phnomne, puisquen 1999, on a recens 11267 cas, soit beaucoup plus que lanne davant. Par rapport cette dernire anne laccroissement est de 36%, en trois ans, 1999-2002.

    Par sexe, la part des filles na pas connu de variation notable, 16,6% en 1999 et 16,2% en 2002. La dlinquance des mineurs enregistres auprs des tribunaux reste donc essentiellement masculine: cela implique-t-il que les filles sadonnent moins aux activits dlictueuses ? Cela sexplique-t-il par le rle social quelles incarnent et les tches domestiques qui les occupent, leurs laissant peu de temps consacrer aux activits dlicieuses ? Infirmer ou attester ces hypothses est difficile devant le manque de donnes dtailles, mais elles sont cohrentes avec les rsultats denqutes discuts prcdemment.

    Par type de crime, les coups et blessures constituent la cause principale des infractions la lgislation par les mineurs de moins de 16 ans avec 25,5% des crimes en 2002, voire 30,8% en y ajoutant la catgorie change de coups et blessures . Il sagit principalement de crimes de garons : huit poursuivis sur dix sont de sexe masculin. Le vol, quil soit qualifi, simple , pickpockets reprsente une autre catgorie de dlinquance assez importante13: 13,2%, dont la quasi-totalit sont des garons qui en constituent 93%. L Ivresse (6,5%), la mendicit (4,3%) et le vagabondage (5,9%) reprsentent aussi des dlits de mineurs saisis par les cours et qui sont laffaire surtout des garons qui en reprsentent respectivement 91,0% et 78,7%. Il en est de mme pour la

    13 Ce profil marocain de dlinquance est diffrent de celui constat en France o les vols reprsentent plus de la moiti (56,6% en 1997) des actes dlinquants pour lesquels des mineurs sont mis en cause, soit quatre fois plus que la proportion enregistr au Maroc (13,2% en 2002)

  • 348

    drogue (3,2%) et la consommation de stupfiants (1,6%) qui constituent des types de crimes concernant ensemble 11,3% des mineurs poursuivis. En revanche, la prostitution et Iincitation la dbauche et au proxntisme qui constituent 4,3% des crimes parvenus la justice, sont essentiellement fminines raison de 66% des cas.

    Tableau 16. Recensement gnral des crimes des mineurs poursuivis par les tribunaux en lanne 2002

    Nombre de poursuivis devant les tribunaux Type de crimes Nombre daffaires masculin fminin trangers Total

    Dlits et crimes contre les personnes 5836 5169 1389 2 6560

    Crimes et Dlits financiers 2877 3108 236 0 3344

    Dlits et crimes touchant la famille et atteintes aux moeurs

    762 482 432 3 917

    Crimes et dlits conte la sret et le rgime de lEtat

    1397 1449 264 0 1713

    Crimes rgies par des lois spciales 2615 2595 165 17 27777

    Total 13487 12823 2486 22 15331 Source : Ministre de la justice Direction des Affaires Pnales et des Affaires des mineurs.

    5.2. Les donnes du Service de la protection de lEnfance Elles se rfrent la population de 18 ans et moins car lgard des

    dlinquants de 16 18 ans, les juridictions de jugement peuvent, par dcision motive, remplacer ou complter les pnalits de droit commun par lune ou plusieurs des mesures de protection ou de rducation (remise aux parents, libert surveille, etc.). De ce fait, le mot mineur dsigne selon cette source de donnes une catgorie de personnes plus large que ce qui est considr en tant que tel par le code pnal.

    Il faut souligner aussi, que ces statistiques se limitent aux actes saisis par les autorits locales. Bon nombre ne sont jamais enregistrs parce que les autorits nen ont pas connaissance ou sont jugs mineurs .

    Lorsque lon examine les statistiques des mineurs mis en cause par la police et la gendarmerie, on saperoit que la dlinquance pouvant tre qualifie de proximit est en baisse constante malgr laccroissement dmographique des mineurs. Cette baisse est plus prononce, depuis 1996. Ainsi, leffectif des

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    personnes mineurs arrts a recul de 7762 cas en 1990 7364 en 1994 pour chuter une anne aprs 4825 et atteindre seulement 2818 en 2001 pour slever ensuite 3936 une anne aprs. Les raisons de cette volution ne sont pas explicites dans les rapports sources de ces donnes. En outre, nous remarquons que ces statistiques restent en de du nombre de cas prsents devant les tribunaux, et fortiori des cas rels.

    Tableau 17. Mineurs arrts par les services de la police et la gendarmerie (1990 2002)

    Annes Mineurs arrts par les services de la sret

    nationale et de la gendarmerie royale Dlinquance de proximit

    masculin fminin Total 1990 6068 1694 7762 1991 5298 1393 6691 1992 5286 1301 6587 1993 6097 1445 7542 1994 5980 1403 7383 1995 6039 1325 7364 1996 3464 1361 4825 1997 3274 1118 4392 1998 2612 1508 4120 1999 2717 1080 3797 2000 3313 1325 4638 2001 2645 173 2818 2002 3601 335 3936 Sources : Secrtariat dEtat de la jeunesse. Bulletins statistiques des tablissements de la protection de lenfance.

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    II. La consommation de substances psychoactives licites ou illicites Lusage exagr du tabac peut provoquer des pharyngites, des troubles

    gastriques, des gingivites, des angines de poitrines, le cancer de la langue, de la gorge et des poumons, des troubles de la vue ou de la mmoire (Ministre de la Sant Publique, 1994). Outre ces consquences, les fumeurs de cigarettes risquent davantage de passer au haschish et dautres types de drogues. La consommation abusive de ces derniers, substances psychotropes (barbituriques, benzodiazpines, etc.) ou solvants organiques (colle, cirage, diluants, etc.), peut tuer. En plus de son norme cot humain, la toxicomanie entrane des cots conomiques dus la perte de productivit et aux soins de sant exigs pour les maladies qui y sont lies.

    Afin de limiter de tels usages, une loi antitabac a t mise en vigueur au Maroc en 1996, interdisant de fumer dans les lieux publics et toute publicit pour le tabac. Cependant, les modalits dapplication et les dpartements qui seront chargs de faire respecter cette loi restent prciser, faute de quoi, cette loi ne serait pas utile.

    En 1999, le Ministre de la Sant publie un document dont le contenu constitue une rfrence marocaine en la matire. Il offre une large revue de toutes les pathologies lies au tabac sans omettre ni les composantes sociales et psychologiques ni les moyens de servage (Ministre de la Sant Publique, 1999, p 4).

    Toutefois, faute de pouvoir disposer de donnes sur le tabagisme lchelle nationale, les auteurs de cet ouvrage se limitent quelques indications ponctuelles. Il ne reste pas moins que les chiffres donns rvlent que la lutte contre ce problme devrait commencer ds les plus jeunes ges. Ainsi, sur un chantillon national de 2446 lycens enquts en 1992 par le Ministre de la Sant, on recense 21% en tant que fumeurs, dont 4,5% filles et 95,5% garons. Selon la mme source, les enfants fumeurs commencent le devenir des ges trs bas, le plus souvent par suivisme de lentourage immdiat (parents, enseignants, pairs). Les tudes, menes particulirement la Clinique Universitaire de Psychiatrie de Rabat-Sal et au Centre Psychiatrique Universitaire de Casablanca, le confirment. Il sagit dun phnomne qui touche surtout la jeunesse, 90% des usagers rguliers ont moins de 25 ans. Selon ces tudes, lge du premier usage de drogue est en train, progressivement, de diminuer ; 70% des toxicomanes ont commenc utiliser les drogues un ge compris entre 15 et 18 ans. Une catgorie particulire, celle qui consomme les solvants organiques, commencent vers lge de 8 ans (Ministre de la Sant Publique. 1994).

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    Il est donc vident que la consommation de ces produits constitue une proccupation majeure chez les jeunes aussi bien que chez les adultes. Ainsi, selon une enqute nationale ralise en 2001 auprs de jeunes de 15 29 ans (Ministre de la Jeunesse et des Sports, 2001), 52,8% des jeunes ont identifi le tabagisme, lalcoolisme, et la drogue comme tant le principal problme de sant.

    Sachant que le nombre de dcs et de maladies dus au tabagisme chez les adultes est le rsultat direct des problmes de sant des personnes qui commencent fumer un jeune ge, et devant lampleur du problme, une stratgie nationale a t dveloppe.

    Afin de contribuer remdier linsuffisance des donnes sur le tabagisme aux jeunes ges, nous essayons danalyser, partir des enqutes auprs des lycens du semi-urbain de Marrakech et de la ville de Casablanca, les rsultats concernant la consommation du tabac et des drogues.

    1. Prcisions sur les donnes utilises Il convient avant danalyser les donnes de ces enqutes, de prciser la

    nature et les limites des donnes recueillies :

    1. les enqutes en question taient objectifs multiples avec une focalisation sur les connaissances en matire de sant reproductive. Elles navaient pas pour but de brosser un tableau dtaill sur lusage du tabac et de la drogue chez lez les jeunes, et non plus chez les lycens enquts. Des aspects telle que lampleur de la consommation actuelle du tabac ou de la drogue ne sont pas mesurables avec une prcision acceptable, faute de questions poses sur la frquence et les quantits de consommation. La pratique courante est de spcifier un nombre minimal de cigarettes afin de pouvoir classer une personne comme fumeur ou non. Les connaissances et les opinions globales en matire de sant relativement ces problmes nont pas t non plus traites. Il en est de mme des influences sociales, comme les attitudes parentales et le tabagisme chez les enseignants et les camarades de classe en relation avec linitiation aux produits du tabac ;

    2. en revanche, ces enqutes permettrent destimer lge la premire cigarette et la proportion de ceux ou celles ayant pris un moment donn de leur vie une drogue. Des facteurs favorisant la consommation du tabac et des drogues ont t abords par ces enqutes mais pas toujours directement. Ainsi, la qualit de fumeur ou non des parents, et lincitation par autrui consommer une drogue ont t lobjet de deux questions poses lors de ces enqutes.

    3. par drogue, il a t fait explicitement mention de drogues naturelles telles que haschich, joints, de pilules (karkoubi, crack), sous entendu produits

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    psychotropes sans prescription mdicale, tels que les tranquillisants, les hypnotiques et les amphtamines. Implicitement, la question pose renvoie aussi la consommation des solvants enivrants (Scilision, mthanol) qui sont inhals (sniffing). Aucune question na t pose sur la consommation des boissons alcooliques.

    4. les remarques relatives la reprsentativit des chantillons tudis, mentionnes dans la premire partie traitant de la violence, restent valables ici.

    5. les taux de non rponse taient relativement faibles ne dpassant pas 5% dans les pires cas.

    2. Le tabagisme 2.1. La consommation au niveau national

    Ltude de la consommation du tabac permet de diffrencier les comportements occasionnels grs par le dsir dexprimentation ou dessai de ceux qui pourraient devenir problmatiques avec une recherche deffets dans un contexte de mal-tre.

    Daprs les donnes disponibles dune enqute nationale du Ministre de la Sant ( Cherquaoui , Tazi et Chaouki, 2001), 24,3% des lves des collges ont commenc fumer avant lge de 10 ans, le taux de prvalence dutilisation des produits du tabac pendant au moins un jour (cigarettes, shisha, snif), durant les 30 derniers jours, est de 13,9% (17,4% pour les garons et 9,3% pour les filles des collges marocains) avec un lger cart entre les deux milieux de rsidence : 14,1% en ville et 13,0% la campagne.

    Daprs la dernire source dinformation, prs de trois lves sur dix (29%) fument dans les lieux publics, environ deux sur dix (21,8%) au cours dvnements sociaux et un sur dix fume la maison. La proportion de ceux dont les parents sont des fumeurs est de 25,9% parmi les lves non fumeurs versus 40,8% parmi les collgiens fumeurs. Ces proportions sont encore plus nuances lorsquon considre ceux vivant avec dautres fumeurs que les parents : 24,3% versus 60,0% respectivement. Si ces donnes montrent leffet de lentourage familial sur les comportements des lves en matire de tabagisme, elles suggrent en mme temps que les conditions familiales ne sont pas toujours lorigine des premires exprimentations de consommation. En effet, ces dernires se faisant surtout dans un contexte de plaisir et de curiosit, ordinairement partag avec les pairs (Brunelle, Cousineau & Brochu , 2002), ces derniers proposent, offrent des cigarettes titre gratuit leurs camarades non

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    fumeurs. Ainsi, 18,7% des lves enquts dclarent avoir reu des cigarettes gratuitement, fraction nettement plus leve chez le sexe masculin (23,2%) que chez le sexe fminin (12,8%) et en milieu urbain (19,3%) plus quen milieu rural (15,5%).

    Ces rsultats sont inquitants, surtout que le fait dtre jeune ne constitue pas un obstacle lachat des cigarettes pour 76% des collgiens, constat qui suggre que la vente du tabac aux jeunes de moins de 18 ans doit tre formellement interdite comme le soulignent les auteurs du rapport de cette enqute.

    2.2. la consommation au niveau des lyces Se limitant un espace gographique plus restreint et ciblant une

    population diffrente, lenqute ralise auprs des lycens de Casablanca, en 1999, rvle que 10,4% des lves avouent tre des fumeurs quotidiens ou occasionnel, avec une nette prpondrance pour les garons (16,5%) compars aux filles (5,0%). Ces taux ne nous renseignent pas sur le nombre de cigarettes fumes par jour pour qualifier une personne de fumeurs ou non14 ou de dpartager les fumeurs quotidiens des fumeurs occasionnels. Aussi, est-il difficile de les comparer aux chiffres dautres oprations similaires. A titre indicatif, il semble que ces taux sont infrieurs ceux observs en Europe, o ces taux varient entre 25% et 30%, en fonction des pays (Choquet & Ledoux, 1994). En Tunisie, lenqute nationale des jeunes de 17-24 ans de 1995 donne un taux de fumeurs lves de 18,1% ; lEnqute nationale gyptienne, sur la transition lge adulte, ralise en 1996 auprs des adolescents de 10-19 ans, enregistre un taux de fumeurs actuels plus bas : 11,2% pour les garons et 0,3% pour les filles; lEnqute dOman sur les jeunes lves gs de 15-19 ans de 2001 a observ une prvalence de fumeurs passs et/ou actuels de 26,2%. Selon une tude auprs dcoles en Syrie, le taux de prvalence de lusage de tabac est de 11,2% (15,9% pour les tudiants et 6,6% pour les tudiantes), lusage quotidien par contre est plus bas : 2,4% pour les garons contre 0,5% pour les filles. Ces chiffres nous donnent, grosso-modo, des repres pour se situer mais ne nous autorisent pas de faire des comparaisons rigoureuses tant donn que les dfinitions utilises sont diffrentes ainsi que les populations touches.

    Plus rcemment, lenqute auprs des lycens du semi-urbain de Marrakech, ralise entre le mois de dcembre 2002 et le mois de janvier 2003, a abouti des proportions pratiquement similaires celles de Casablanca. Prs dun

    14 Par exemple, une enqute canadienne sur le tabagisme chez les jeunes ralise en 1994 considre que les jeunes ayant