les chemins de la mémoire

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Histoire de Pont-Péan

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Page 1: Les chemins de la mémoire
Page 2: Les chemins de la mémoire

Dossier

LES CHEMINS DE LA MÉMOIRE

16 - Infos Pont-Péan - Septembre 2011

2 avril 1904, un samedi noir à Pont-Péan ! Uneforte venue d’eau survient dans les profondeursde la mine, noyant les galeries. Les travaux sontarrêtés, entraînant la suppression d’un millierd’emplois. De nombreux ouvriers partentchercher du travail ailleurs. La commune deSaint-Erblon, dont dépend Pont-Péan, est la plustouchée : elle perd 26 % de sa population entre1903 et 1907. L’économie locale, tributaire dusalaire des mineurs, accuse le coup.

L’inondation de 1904 met fin à une longue pé-riode de prospérité et de notoriété internationale.Ouverte en 1730, la mine emploie déjà près de

1 000 ouvriers en1756. Les tech-niques depointe qui ysont alors misesen œuvre ser-vent de réfé-rence à laGrande Ency-clopédie de Di-derot etd ’ A l e m b e r t .Mais c’est à lafin du XIXe siè-cle que la re-

nommée de la mine atteint son apogée, quandPont-Péan devient le premier site extracteurde plomb argentifère de France, fournissant80 % de la production nationale.

Au seuil du XXe siècle, la situation devient moinsflorissante. La production décline et la minefrôle la fermeture en 1903. Mais elle fait toujoursvivre une main-d’œuvre nombreuse etpersonne ne croit, en 1904, à un arrêt définitifde l’extraction du minerai. L’exploitationsouterraine ne reprend pourtant pas et la minedisparaît de la « mémoire savante ». Les livresd’histoire ne présentent plus la Bretagne que

comme une terre de paysans et de marins,occultant son passé minier. Le souvenir de lamine persiste pourtant dans la «  mémoirepopulaire », prompte à l’enjoliver : la mine deplomb devient mine d’argent…

L’activité qui continue en surface contribuesans doute à l’entretien de ce souvenir. Bienque l’extraction ait été arrêtée en 1904, unimmense stock de déchets métallifères reposetoujours sur le « carreau ». Pour le traiter, unenouvelle laverie est mise en place en 1907. Uneusine d’engrais chimiques lui est adjointe en1910. Cent soixante personnes travaillent alors« à la mine ».

L’espoir d’un nouvel âged’or renaît en 1929, affermipar les articles enthousiastes

1930

Les chemins de la mémoire.

Cette nouvelle rubrique veut être un regard sur l’histoire des gens de Pont-Péan de 1900 à aujourd’hui. Elle sepropose de vous faire découvrir ceux et celles qui ont marqué de leur empreinte l’histoire de notre territoireet participé à la vie économique, éducative, sociale, religieuse, sportive et culturelle. Nous attendons vosréactions, vos suggestions, vos témoignages et le partage de vos souvenirs. Nous envisageons d’organiserdes temps de rencontre pour échanger sur la manière de rendre vivante cette mémoire qui dort sur desétagères (écrits), dans des tiroirs (photos) ou dans les têtes (souvenirs). Merci d’avance de votre intérêt et devotre contribution.

Groupe histoire commission patrimoine.

1893

XXe siècle à Pont-PéanLa mine au cœur de la vie locale

Page 3: Les chemins de la mémoire

Dossier

JOURNÉES DU PATRIMOINE

17 - Infos Pont-Péan - Septembre 2011

Journées du patrimoine

Lors des journées européennes du

patrimoine, les 17 et 18 septembre 2011,

l’association Galène propose des

animations.

Deux visites guidées sont

organisées sur le site de

l’ancienne mine de plomb

argentifère de Pont-Péan.

Elles se dérouleront l’après-

midi à partir de 14h30. Le

rendez vous est fixé à la

chapelle de Pont-Péan (ancien

vestiaire des mineurs).

A l’issue de cette visite, le public

pourra assister à la présentation de

l’exposition itinérante conçue par

l’association Galène à l’Espace

Beausoleil.

Le week-end sera également marqué par la

représentation théâtrale de la compagnie

Patrick Cosnet : « La femme du mineur » le

samedi 17 septembre à 20h30 à l’Espace

Beausoleil.

Cette pièce retrace la vie des mineurs dans

les exploitations ardoisières d’Anjou, sur fond

de luttes sociales pendant la guerre 1914-

1918.

La billetterie pour le théâtre est ouverte et

une permanence sera assurée au stand

Galène, lors du forum des associations le 10

septembre 2011.

Tarif : 12 €Tarif réduit : 6 € et gratuit pour les -12 ans

Renseignements complémentaires :

www.galene.fr

"En savoir plus"Vous pouvez consulter les sites :Inventaire du patrimoine deVéronique Orain,http://patrimoine.region-

bretagne.frGaléne, www.galene.fr Jean Pierre Cudennec "Au fil dutemps", http://envor2004.free.fr

de la presse locale. Lagrande cité ouvrière,bâtie en quelques mois,est alors le signe

ostentatoire de la relancede l’activité et de l’embauche imminente decentaines d’ouvriers. Le dénoyage de la minecommence en 1931, mais il est interrompu unan plus tard. C’est la faillite, suivie, en 1934, d’unprocès qui met en lumière une vasteescroquerie.

Le traitement des déchets métallifères reprendencore de 1937 à 1941, puis de 1951 à 1955. Lesstocks sont alors épuisés et les ouvriers licenciés.Les sables et les graviers, pauvres en minerai,sont ensuite vendus comme matériaux routiersdans la région rennaise. La page industrielle dePont-Péan est cette fois définitivement tournée.

Témoin des dernières années de prospérité, lebâtiment des bureaux a échappé à

l’effacement des traces de ce passé industriel.Depuis son inscription au titre des monumentshistoriques, en 1985, il est peu à peu devenul’édifice emblématique de l’histoirecommunale.

2011

Page 4: Les chemins de la mémoire

Dossier

1902 - À la mine, c’est encore la quiétude.Lundi 20 octobre - Jour de travail.Une foule d’hommes accompagnés dequelques femmes, rallie la mine à l’heure del’embauche. Ils arrivent à travers champs, parles «  chemins des minons  ». Ils sont mineurs,manœuvres, laveurs, pompiers, boiseurs… Laplupart d’entre eux viennent des communesde Bruz, Saint-Erblon et Laillé, où ils sont souventlogés chez l’habitant.À 51 ans, François Quéré est déjà un vieuxmineur. Il presse le pas pour ne pas manquer àl’appel. Sinon, il ne descendrait pas au fond etperdrait sa journée. Il vit au Châteaunoble, unquartier ouvrier de Pont-Péan qui a depuis faitplace à un centre commercial. Unequarantaine d’habitants du quartier travaillentcomme lui à la mine. Les uns sont desdescendants de mineurs venus de Basse-Bretagne au XVIIIe siècle, qui s’étaientregroupés au Pont-Mahaud et auChâteaunoble. Les autres sont arrivés depuisseulement quelques années. Ils sont tousoriginaires de la région de Poullaouen, dont ilsont gardé la langue, le costume et lescoutumes.C’est en breton que François Quéré s’adresseà son camarade Louis Riou, un charbonnier. Ilespère être placé dans un bon filon car si les

mineurs sont des tâcherons, payés à la tonneabattue, leur salaire dépend aussi de laproportion de minerai et peut ainsi varier dusimple au double. Certains, mal placés, ontmême dû renoncer au cidre et au lard aprèsn’avoir relevé que de la pierre. Ce mode derémunération inégalitaire, imposé par lesadministrateurs de la société, est une source derancœur, mais ne suscite pourtant pas derevendications. Le climat social reste calme,malgré une présence syndicale établie depuis1896. Il faut dire que les accidents sont devenusbeaucoup plus rares et que les ouvriers netarissent pas d’éloges sur leur nouveaudirecteur, Jean-Claude Gollion.Louis Trochu, secrétaire, et Pierre Roussel,comptable, sont déjà dans les bureaux etcommentent les élections de la veille : tout lepersonnel « du fond et du jour », 89 femmes et880 hommes, était appelé à voter à la mairiede Saint-Erblon. En application de la loi du 29juin 1894, il fallait renouveler, comme chaqueannée, le tiers du conseil d’administration de lacaisse de secours et de retraites. Encontrepartie d’un travail pénible et dangereux,le personnel des mines bénéficie déjà d’uneassurance maladie et d’une assurancevieillesse obligatoires, bien avant les autresprofessions industrielles et agricoles.

XXe siècle à Pont-PéanGens de la mine

12 - Infos Pont-Péan - Novembre 2011

LES CHEMINS DE LA MÉMOIRE

Page 5: Les chemins de la mémoire

Dossier

LES CHEMINS DE LA MÉMOIRE

13 - Infos Pont-Péan - Novembre 2011

Jeudi 4 décembre -Jour de fête.Au mépris d’un froidglacial, un long cor-tège quitte la mine,précédé de claironset de tambours. Jean-Claude Gollionmarche en tête, suivid’une file de mineurset d’ouvriers. Ils par-viennent bientôt àBruz, où les attendentceux qui ont vouluprendre part à lagrande fête tradi-tionnelle. Le 4 dé-cembre est un jourchômé pour les mi-neurs, qui célèbrentSainte Barbe, leurpatronne. La jour-née commencepar une cérémoniereligieuse. Cette

année, elle a lieu dans l’église de Bruz, trop pe-tite pour accueillir les trois mille personnes pré-sentes. Au retour, une joyeuse animation règnedans les auberges de Pont-Péan. La gratifica-tion que la société vient de verser à chaqueouvrier n’y est sans doute pas étrangère. Lafête des mineurs se prolonge tard dans la nuit,chaque maison recevant, à tour de rôle, les ou-vriers voisins.

1904 - La consternationLundi 8 août - Jour de colère.Rien ne va plus depuis l’inondation du 2 avril. Lamine a été rachetée en juin, mais l’exploitationn’a pas repris et la dernière machine à vapeurs’est tue ce matin. C’est la fin. Une rumeur cir-cule à Rennes : d’importantes forces de gen-darmerie auraient réfréné les violentesmanifestations qui se seraient produites à l’arrêtdes pompes. Mais la rumeur a grossi les faits. Ila suffi de l’intervention des gendarmes Colletet Chevet, de la brigade de Bruz, pour calmerune cinquantaine d’ouvriers courroucés. Dansson édition du 9 août, l’Ouest-Éclair titrera « Àla Mine de Pont-Péan - Une émeute qui se ré-duit à rien ».Tout espoir est désormais perdu et descentaines d’ouvriers doivent chercher unnouvel emploi. Les plus jeunes n’hésitent pas àpartir. Jean-Marie et Célestin Jouault, deux

frères âgés respectivement de 21 et 24 ans,trouvent du travail aux mines de La Ferrière-aux-Étangs, dans l’Orne. Célestin reviendra,quelques années plus tard, à l’usine d’engraisde Pont-Péan. D’autres restent et reprennent leur ancienneactivité. René Garçon était ouvrier maçonavant d’entrer à la mine, en 1894. Quand il ensort, en 1904, il a 39 ans, deux jeunes enfants etson épouse tient une auberge à Laillé. Il seremet alors à son métier initial.

Mais ceux dont l’âge est déjà avancé neparviennent pas à retrouver un gagne-pain etleurs familles connaissent bientôt la misère. Lesmunicipalités ouvrent des souscriptions pourleur venir en aide. La commune de Bruzembauche des chômeurs comme cantonniers.Celle de Laillé nourrit gratuitement les enfantsde mineurs. Les conseillers généraux votent enurgence un crédit de secours de cinq millefrancs. L’abbé Gosselin, recteur de Saint-Erblon,écrit au cardinal Labouré pour lui demanderd'encourager un appel à la charité. Après luiavoir envoyé deux cents francs, le cardinal faitpublier la lettre du recteur dans la presse localeen invitant les lecteurs à déposer un don ausecrétariat de l’archevêché. Partout, ons’émeut du sort des gens de la mine.

La commission patrimoine

Livret d’ouvrier de René Garçon

Page 6: Les chemins de la mémoire

DossierLa mine, côté patrons.

12 - Infos Pont-Péan - Janvier 2012

LES CHEMINS DE LA MÉMOIRE

Jean-Claude GollionLe bon sens qui dérange.Un ingénieur lyonnais, Jean-Claude Gollion, emménagedurant l’été 1898 dans lagrande maison patronale dela Clôture. Il vient de quitter les

mines de Campagnac, dansl’Aveyron, pour prendre la

direction de celle de Pont-Péan.Jean-Claude Gollion remarque

bientôt le talon d’Achille de l’exploitationet s’en inquiète. La machine d’extraction dupuits de la République est toujoursperformante. Par contre, la machined’épuisement a perdu de l’efficacité avecl’approfondissement des travaux. Jean-ClaudeGollion se refuse à faire descendre les mineursdans des galeries qui pourraient êtresoudainement submergées. Il insiste pourobtenir les crédits nécessaires à l’achat denouvelles pompes. Mais, pour assurer ainsi lasécurité du personnel et l’avenir del’exploitation, il faudrait consentir à uneréduction momentanée des bénéfices. Leprésident du conseil d'administration, Jean-François Gicquel, ne veut rien entendre. Le 26mars 1903, lors d’une assemblée généraleextraordinaire, Jean-Claude Gollion expliqueencore que la mine est dans une situationcritique et qu’il est urgent de changer lamachine d'épuisement. Excédé, Jean-FrançoisGicquel le congédie sur-le-champ et leremplace par Maurice Jeantet, le directeur desmines de Vieux-Vy-sur-Couesnon. De nouveauxadministrateurs, nommés en octobre,consentent enfin à commander les pompes.Mais il est trop tard. Avant leur livraison, une voied’eau a raison de la mine qui est alors vendueaux enchères.

Georges et Léon DelambreUne chapelle à la mine.Un rapport établi peu aprèsla vente conclut, à tort ou àraison, qu’une reprise del’exploitation ne serait pasrentable. Ainsi, lorsque lasociété adjudicataire de lamine en prend possession,elle s’est déjà résolue àl’abandon des travaux.

Elle dépêche à Pont-Péan l’un de sesingénieurs, Georges Delambre, qui fait arrêterles machines le 8 août 1904. Un petit grouped’ouvriers le prend immédiatement à partie etle séquestre dans un bureau. Deux gendarmes,venus le délivrer, le raccompagnent jusqu’à sonhôtel rennais, poursuivi par les ouvriers. Quandil revient, dix jours plus tard, la colère estretombée. Les machines sont alors démontées.Certaines partent en Nouvelle-Calédonie,d’autres au Transvaal.Georges Delambre nequittera plus Pont-Péan,bientôt rejoint par sonfrère Léon, chimiste. En1907, les deux frèresrachètent les terres etbâtiments de la mine. Ilsétablissent aussitôt unenouvelle laverie deminerai, puis une usined’acide sulfurique et desuperphosphates.Mais la marque qu’ils ont laissée n’est pasdirectement liée à leur activité. En 1908, unconcours de circonstances amène le recteurde Saint-Erblon à se démettre de sa charge. Sursa demande, il est alors nommé « chapelain dela mine  ». Georges Delambre lui prête unbâtiment désaffecté pour en faire un lieu deculte. Le vestiaire des mineurs devient ainsi « lachapelle de la mine ». Bien plus tard, en 1942,la famille Delambre en fera don au diocèseafin d’appuyer la demande d’habitants quimilitent pour l’érection de Pont-Péan enparoisse.

Jean DufourgUn brasseur d’affaires peu scrupuleux.Jean Dufourg se présente opportunément en1928, quand l’entreprise des Delambre est miseen difficulté par « La Bordelaise », une grandesociété qui distribue les engrais à prix cassés. Ila, dit-il, l’intention de relancer la mine etrachète les immeubles industriels.Jean Dufourg fait miroiter une renaissanceprodigieuse, qui se limite finalement à un débutde dénoyage des galeries au moyen depuissantes pompes électriques. Comme il nerègle pas ses factures d’électricité, le courantest coupé le 19 février 1932. Quand il faut, cejour-là, remonter précipitamment le matériel,

Georges Delambre

Léo

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lam

bre

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Page 7: Les chemins de la mémoire

Dossier

LES CHEMINS DE LA MÉMOIRE

13 - Infos Pont-Péan - Janvier 2012

un chef de service, Fernand Roulland, fait unechute mortelle dans le puits du Midi. Les travauxsont aussitôt arrêtés. La grande cité ouvrière,bâtie en 1929 pour loger les mineurs, n’auraservi qu’à appâter une foule de petitsépargnants crédules. Des démarcheurspersuasifs les y amenaient par cars et leurfaisaient souscrire des actions à l’issue desvisites. Une grande partie des capitaux ainsidrainés avait permis à Jean Dufourg derenflouer ses sociétés de Saint-Brieuc. En 1934,il est condamné à quatre ans de prison pourescroquerie et abus de confiance.

Marcel MorogeUne conduite ambiguë sous l’Occupation.Le traitement des déchets métallifères reprend en1937, sous la direction de Marcel Moroge, un in-génieur qui travaillait déjà à Pont-Péan pour JeanDufourg. Quand la guerre éclate, il conclut unmarché avec l’armée britannique, stationnée àBruz. Jusqu’en juin 1940, les Anglais viennent enle-ver du sable à la mine. Les Allemands prennentensuite le relai. L’usine de Pont-Péan est fermée en août 1941,après le départ de Marcel Moroge pour Vieux-Vy-sur-Couesnon. Il y relance l’exploitation des minesde la Touche, dont les Allemands ont décidé laréouverture. Il entretient alors de bonnes relationsavec l’occupant, recevant même chez lui des of-ficiers supérieurs. Cependant, des jeunes gens ré-fractaires au STO sont embauchés sous de fauxnoms à la Touche et n’y seront jamais inquiétés…Un bruit court au début de l’année 1944. Les Alle-mands ont besoin de pyrite pour produire l’acidesulfurique employé dans la préparation d’explo-

sifs. Pour s’en procurer, ils envisa-geraient de réquisitionnerl’usine de Pont-Péan et d’enconfier la direction à Marcel

Moroge. Mais la guerretouche à sa fin et, le 24juin, l’usine est bombar-dée par l’aviation anglo-américaine.

À la Libération, Marcel Mo-roge est arrêté à deux re-

prises par les résistants etlivré aux autorités ren-naises. Il est chaque foisremis en liberté, puis ildisparaît…

La commissionpatrimoine

Léo

n De

lam

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Jean Dufourg

Pont-Pean_Bull Dec ok_Mise en page 1 13/12/11 10:56 Page13

Page 8: Les chemins de la mémoire

Dossier

LES CHEMINS DE LA MEMOIRE

L’abbé Gosselin

Un bâtisseur tenaceJulien Jean Marin Gosselin naît le 14 octobre1843 à Vieux-Viel, où son père est tisserand,près de Pleine-Fougères. Entré dans les ordres,il est d’abord envoyé en qualité de vicairedans sa paroisse natale. Il est ensuite nomméà Corps-Nuds, où il côtoie Arthur Regnault, unpersonnage marquant de l’architecture reli-gieuse en Ille-et-Vilaine. Cet architecte, filsd'un médecin de Bain-de-Bretagne, s’est déjàfait connaître par ses réalisations de style go-thique et ses clochers bretons. Il s’attachemaintenant à la conception d’églises orienta-lisantes et celle de Corps-Nuds, construite de1881 à 1890, en est le prototype. Durant cesannées, l’abbé Gosselin manifeste un vif inté-rêt pour la construction.

En octobre 1899, l’abbé Gosselin est promurecteur de Saint-Erblon. Il succède à l’abbéJoseph Gicquel qui vient de décéder. Sa pre-mière préoccupation est de parvenir à rebâtirl’église. La partie ancienne menace de tom-ber en ruine et celle qu’avait reconstruitel’abbé Gicquel, notamment la tour, « est loinde satisfaire le goût d'un architecte sérieux ».Malgré les violentes querelles qui opposentalors l’Église et la République, l’abbé Gosselinmultiplie les démarches, tant à l’archevêchéqu’à la préfecture. Il se démène aussi pourréunir par souscription les fonds nécessaires àla reconstruction et pour obtenir du bois et au-tres matériaux. Sa ténacité est récompenséeau début de l’année 1908, quand il est auto-risé à entreprendre les travaux à partir deplans d’Arthur Regnault.

L’élan briséDès le début des travaux, l’abbé Gosselinexhume les restes de Jean Courtois, ancienmaire et conseiller général, qui avait été ense-veli en 1861 dans le vieux cimetière contigu àl’église. Un nouveau cimetière avait été crééen 1865. Une dizaine d’années plus tard, lamunicipalité, dont le maire était alors le proprefils de Jean Courtois, avait décidé d’y transfé-rer les restes des morts enterrés près de l’église.En 1908, nul ne peut donc imaginer la pré-sence de restes humains dans le cimetièredésaffecté depuis plus de trente ans. Quandil découvre ceux de Jean Courtois, l’abbé

Gosselin les « recueille pieusement et les traiteavec toute la décence et le respect dus à lamémoire des morts ». L’archevêque, Monsei-gneur Dubourg, lui fait pourtant grief de cetteexhumation et lui impose sa démission.

À Saint-Erblon, personne ne comprend cettesentence. Les raisons de la brusque révocationde l’abbé Gosselin ne semblent ni claires, nimotivées. De plus, la population s’est atta-chée à cet homme qui avait lancé, en 1904,une poignante exhortation en faveur des ou-vriers ruinés par la fermeture de la mine.

"L'Ouest-Eclair - 15 octobre 1904"

18 - Infos Pont-Péan - Mai - Juin 2012

« Erratum.  Le dossier patrimoine du dernier bulletin ayantété malencontreusement coupé d'un de ses

paragraphes, nous vous proposons à nouveau l'article surl'Abbé Gosselin entier et remis en page. »

Pont-Pean MAI JUIN 2012-28P_Mise en page 1 30/04/12 16:06 Page18

Page 9: Les chemins de la mémoire

LES CHEMINS DE LA MEMOIRE

Au matin du 8 avril 1908, le maire, Louis Benoist,réunit en urgence le conseil municipal pour in-tercéder en faveur du recteur.Le conseil «  proteste énergiquement et àl’unanimité de ses membres présents contre ledéplacement de Monsieur l’Abbé Gosselin etsupplie Monseigneur l’Archevêque de vouloirbien le maintenir à Saint-Erblon ». Mais la pro-testation reste sans effet et l’abbé Gosselin seretire à Pont-Péan où il a été nommé, sur sademande, « chapelain de la mine ».

Le chapelain de la mineAu début du XXe siècle, Pont-Péan n’est pasencore une paroisse et n’a pas de lieu deculte. Il y avait autrefois une chapelle au vil-lage de Teslé (on écrit maintenant Tellé), maiselle n’a pas survécu à l’Ancien Régime. En1645, Jacques Frogerais y disait deux messespar semaine, le jeudi et le dimanche. On y cé-lébrait aussi des mariages, comme celui d’unefille du chirurgien de la mine, Jeanne Chalain,avec le marchand rennais Guillaume Dela-lanne, en 1747. Pendant la Révolution, la cha-pelle de Teslé était encore un lieu de culte

occasionnel et clandestin. Deux prêtres réfrac-taires de Saint-Erblon, Alexandre Duclos etJoseph-Charles Tizon, venaient parfois y offi-cier secrètement le dimanche. Mais, le15 août 1799 (28 thermidor an VII), elle a étévendue comme « bien national » à Pierre-JeanPaignon, de Chartres, et convertie en bâti-ment de ferme avant d’être détruite.

En 1908, l’abbé Gosselin s’apitoie toujours surla détresse des familles de mineurs et ne se ré-signe pas à les quitter. S’il ne peut subvenir àleurs besoins matériels, il veut au moins leur ap-porter un peu de réconfort moral et leur offrirune chapelle à Pont-Péan. Georges et Léon Delambre, qui ont racheté lamine un an plus tôt, lui prêtent un bâtiment de-venu inutile, le vestiaire des mineurs. L’ancienrecteur de Saint-Erblon entreprend aussitôt satransformation en chapelle, dirigeant lui-même les travaux. Avec des matériaux récu-pérés sur le carreau, il bâtit un clocher accoléau bâtiment. Un menuisier de Saint-Erblon,Pierre-Marie Blandel, construit un autel et sonfils en sculpte les statuettes. C’est sans douteà cette occasion qu’Emmanuel Saulnier, ap-prenti du menuisier, se prend d’engouementpour la sculpture. Après s’être fait la main surdes betteraves mûres, il va façonner à son tourde nombreuses figurines religieuses, tailléesdans des bois d’essences locales…

Quand il s’installe à Pont-Péan, l’abbé Gosselin abesoin d’un logement. Enl’absence de presbytère,il élit d’abord domiciledans la partie nord duvestiaire des mineurs, où ilaménage quelquespièces. Mais elles sont sihumides qu’il est ensuitehébergé à la Clôture, per-clus de rhumatismes. Ildessert la chapellejusqu’à sa mort, survenueà Pont-Péan le 31 mars 1915. Le « vénérable etdiscret Messire Julien Gosselin » rejoint alors sesanciens paroissiens, dans le cimetière de Saint-Erblon.

La commission patrimoine.

La Chapelle en 2012

19 - Infos Pont-Péan - Mai - Juin 2012

Pont-Pean MAI JUIN 2012-28P_Mise en page 1 30/04/12 16:06 Page19

Page 10: Les chemins de la mémoire

Dossier patrimoine

LES CHEMINS DE LA MÉMOIRE

12 - Infos Pont-Péan - Juillet - Août 2012

Le sport sous l’OccupationLe sport, affaire de l’État.

Dès l’été 1936, le Front popu-laire déploie ses efforts pourpermettre à tous les Françaisd’accéder aux loisirs et auxsports. Quelques annéesplus tard, c’est la guerre, ladéfaite et l’invasion. Le gou-vernement de Vichy mènealors une politique sportivefortement inspirée de celledu Front populaire. SonCommissariat général àl’éducation générale et auxsports, le CGEGS, déve-loppe l’éducation physiqueà l’école et encourage lesmunicipalités à acquérir desterrains pour y aménagerdes stades. Il lance aussi unegrande campagne de pro-pagande, avec pour slo-gan  « Le terrain de sports estun champ de santé  ». Lapratique sportive fait alors unbond qu’on attribue, àVichy, à une sensibilité mas-sive aux mots d’ordre duMaréchal. En réalité, beau-coup de sportifs semblenttotalement indifférents à lapropagande gouvernemen-tale. Ils ne cherchent qu’unedistraction, une façon d’ou-blier momentanément ladureté de la vie sous l’Occu-pation.

Les débuts de l’USPP, en 1942.En 1942, la municipalité deSaint-Erblon est la premièredu département à suivre lesinstructions officielles enmatière d’éducation. Pouraménager à Pont-Péan un« terrain scolaire de sportset d’éducation phy-sique », elle achète la par-celle occupée par la garedes Tramways d’Ille-et-Vi-laine qui a été déclasséeaprès la fermeture de laligne en 1937. Le terrain est

plat, en bordure de route etproche de l’école. Il est entous points conforme auxcritères retenus par leCGEGS pour l’attribution desubventions. Les travauxsont réalisés à moindrecoût, grâce au concoursd’une association qui vientde se constituer à l’instiga-tion de Jean Portal, un in-génieur rennais réfugié àPont-Péan. Le 21 février, lorsde sa première assemblée,l’association s’est donné lenom d’Union Sportive Pont-Péannaise, l’USPP.

Un mois plus tard, les mem-bres de l’USPP travaillent àl’aménagement d’un ter-rain de football dans unchamp bordant l’emplace-ment de la gare. Ils coopè-rent ensuite à la réalisationdu terrain scolaire, enca-drés par Jean Portal et uncommerçant de Pont-Péan, Joseph Cambert, ditCrambert. Sous l’impulsiond’un cultivateur de Teslé,Jean-Louis Morel, paysans,ouvriers, artisans et jeunesgens nivellent les terrains,

tracent les pistes, plantentles agrès… Ils déplacentmême l’ancienne gare surdes rouleaux et la compar-timentent pour en faire unvestiaire. Des waters serontconstruits par la suite avecdes briques prises à la mine.

L’USPP obtient bientôt unagrément définitif, après laconstitution d’un comité di-recteur très ouvert. Le prési-dent, Jean Portal, est assistéde trois vice-présidents :Joseph Crambert, l’abbéPierre Fossé et un mécani-

"L'Ouest-Eclair - 23 novembre 1942"

Page 11: Les chemins de la mémoire

13 - Infos Pont-Péan - Juillet - Août 2012

LES CHEMINS DE LA MÉMOIRE

cien agricole, Henri Bossard.L’instituteur René Mallet est se-crétaire et le commerçant Ed-mond Sauvaget trésorier. Lecomité compte aussi deuxprésidents d’honneur : un lieu-tenant-colonel en retraite,Martial Labesse, et l’adjointfaisant fonction de maire deSaint-Erblon, Jean-Marie-Fré-déric Froger.

L’inauguration des terrains desport, le 19 juillet, remporte un franc succès.Elle rassemble près de deux mille personneset fait entrer en caisse plus de vingt-deuxmille francs. Le comité décide aussitôt d’af-fecter une partie de cette somme à l’envoide colis aux Saint-Erblonnais prisonniers en Al-lemagne. Les fonds servent aussi à venir enaide aux veuves de guerre, ainsi qu’aux fa-milles « méritantes et nécessiteuses » de lacommune. De plus, grâce aux dons desmembres du comité, l’USPP subventionne lacréation d’une bibliothèque scolaire à Pont-Péan.

En novembre, le colonel Pascot, commissairegénéral aux sports du gouvernement deVichy, effectue une visite officielle de deuxjours en Ille-et-Vilaine. Le dimanche 22, il vientà Pont-Péan, ayant tenu à visiter le terrainscolaire d’éducation physique. Il déclare ytrouver un « témoignage de l’engouementsuscité dans nos campagnes par les disci-plines nouvelles » et exprime sa « satisfactionde voir que les directives du Maréchal aientété aussi fidèlement suivies ». Le colonel Pas-cot promet d’accorder à la commune deSaint-Erblon une subvention complémentairepour l’achat de son matériel sportif, parcequ’elle a été à l’avant-garde du mouve-ment. Le petit stade modèle de Pont-Péansera cité en exemple dans la presse natio-nale.

Les fêtes sportives de l’été 1943.Le 18 juillet 1943, la fête annuelle de l’USSPprend la forme d’un « grand gala de bienfai-sance au profit des prisonniers de guerre ». Auprogramme  : mouvements d’ensemble etdanses folkloriques par les jeunes de l’USPP,exercices de gymnastique et acrobaties, dé-monstrations de basket-ball par les équipes fé-minines de Pont-Péan et de l’Ouest-Rhédoniade Rennes, démonstrations de football parl’USPP et la Jeanne d’Arc de Bruz.

Des billets de tombola sont mis en vente. Lepremier lot est un vélo d’homme, le secondune demi-barrique de cidre.

Une semaine plus tard, c’est à nouveau la fête.L’USPP a construit trois pontons, des plongeoirset un abri près du pont sur la Seiche. Un bassinde natation, destiné en priorité aux enfants desécoles, est ouvert depuis le mois de juin. Unemonitrice vient y donner des leçons de crawl,sous la surveillance bénévole d’un retraité. « Lapiscine » est inaugurée le 25 juillet 1943, à l’oc-casion de la Journée Nationale de la Natation.Le jour de l’inauguration, quatre-vingt-douzejeunes nageurs passent leur brevet scolaire. Lesspectateurs assistent ensuite à des épreuvesde natation et de plongeon, ainsi qu’à unmatch de water-polo opposant deux équipesrennaises du Cercle Paul Bert. Un journaliste del’Ouest-Éclair résume l’événement en cestermes : « Cette manifestation, présidée par M.Vivet, directeur départemental de l’Éducationgénérale et des Sports d’Ille-et-Vilaine, a attiréune foule considérable qui a pu admirer le belaménagement de baignade scolaire et spor-tive réalisé par le Conseil municipal de Saint-Er-blon et le Comité de l’Union SportivePont-Péannaise, sur les directives et avecl’aide financière du Commissariat général auxSports »…

Soixante-dix ans se sont écoulés et la physio-nomie de Pont-Péan a bien changé. Les ter-rains de sport ont fait place à des habitationset il ne reste plus de trace de « la piscine ».

La commission patrimoine.