les arts numÉriques l'atelier education À l'image et …€¦ · ecriture cross-média...
TRANSCRIPT
Le dispositif pédagogique
Dans la mesure où, aujourd'hui, tout un chacun produit et diffuse des images (via les plateformes vidéo, photo et les
réseaux sociaux), chacun d'entre nous se retrouve en charge d'une responsabilité bien plus grande qu'avant, lorsque
l'espace de la diffusion (publication, responsabilité éditoriale) était réservé aux seuls professionnels.
C'est une dimension à prendre en compte dans le cadre de l'éducation à l'image, où l'enjeu n'est plus seulement
d'apprendre des techniques et des pratiques, mais devient d'éclairer les pratiques audiovisuelles des jeunes (et moins
jeunes), qui sont aujourd'hui quotidiennes. C'est-à-dire que le plus important n'est peut-être plus tant l'étape de la
réalisation d'un film, que l'étape de sa diffusion. Ou plutôt, un vrai travail sur le regard : comment on montre aux autres ce
que l'on a fait, dans le cadre même de l'atelier ; c'est ce qui va permettre d'avancer vers la conscience, vers l'autonomie,
vers la responsabilité. Et ce au travers d'un travail sensible, de création, d'écoute de soi et des autres.
Repenser donc les places, et la construction du dispositif institutionnel que l'on produit (le cadre de l'atelier), qui doit être
elle-même collective, afin que le cadre ne soit plus une contrainte, mais un dispositif choisi pour qu'un travail soit possible.
Travailler sur l'autonomie des jeunes, afin que l'animateur soit vraiment spectateur de ce qu'ils auront produit.
Intégrer dans l'atelier la dimension d'une diffusion, collective, concrète, à organiser par les jeunes eux-mêmes.
Responsabiliser les jeunes pour la réalisation des films, donner de l'importance à la projection, les regarder, et les inviter,
après discussion, à refaire les films, pour les améliorer.
La préparation, avant le tournage des films, a beaucoup plus de sens et produira des films beaucoup plus intéressants et
constructifs pour tout le monde, si elle consiste en des discussion sur la place et la pensée de chacun par rapport à l'image
aujourd'hui. Chercher un « écrire un scénario », trop vite, trop tôt, ne fonctionne pas du tout. Il vaut mieux discuter, discuter,
de sujets importants et partagés, puis réaliser un film en plan-séquence à partir d'improvisations.
Télécharger les films
Vos films « par la fenêtre » sont téléchargeables ici :
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LES ARTS NUMÉRIQUESL'Atelier
Auteur EDUCATION À L'IMAGE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
Benoît Labourdette
Date2013
Descriptif
Benoît Labourdette, fondateur du festival Pocket Film et expert dans le domaine des nouveaux médias, propose dans ce
compte-rendu de formation à destination des animateurs, des pistes de réflexion sur les actions d'éducation à l'image en
lien avec les technologies numériques.
http://www.quidam.fr/_docs/projets/acap/
Vos films « Filmer les mots » sont visionnables ici :
http://www.filmerlesmots.fr/films-2013/equipe-105
(et téléchargeables si vous installez le plugin « Download helper » (gratuit) dans Firefox. Vous pourrez aussi télécharger les
vidéos de n'importe quel site...)
Le champ des nouveaux médias
Les bases du numérique
Décimal Binaire
0 00000000
1 00000001
2 00000010
3 00000011
4 00000100
5 00000101
6 00000110
7 00000111
8 00001000
9 00001001
10
11
12
99
100
255 11111111
Les 0 et les 1 se nomment les bits : l'unité élémentaire d'information numérique.
2/6
bits
Kilo bits = 1000 bits
Méga bits = 1000 kbits
Giga bits = 1000 Mbits
Téra bits = 1000 Gbits
Peta bits = 1000 Tbits
Débits (vitesses de connexion) : en bits par seconde
ADSL, généralement autour de 8mbps (Mega Bits par seconde)
Un groupe de 8 bits = 1 octet = 1 Byte
Code ASCII : fait correspondre chaque octet (il y en a seulement 256) à un caractère alphanumérique. Donc, on peut
"convertir" une longue suite de 0 et de 1 en un texte.
Discussion sur ce que nous apportent les films
Propositions d'ateliers
Filmer les mots
www.filmerlesmots.fr
Dispositif :
• Choisir un mot, ce sera le titre du film.
• Tourner le film en plan-séquence.
• Mettre un titre et un générique de fin.
• Mettre une voix-off.
• Le film est libre.
But :
• Apporter quelque chose au spectateur.
• Que le film soit compréhensible par quelqu'un qu'on ne connaît pas, dans 10 ans.
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Les mots 2013
Films réalisés (disponibles sur le site www.filmerlesmots.fr) :
Vos films « Filmer les mots » sont visionnables ici :
http://www.filmerlesmots.fr/films-2013/equipe-105
Film de sa fenêtre
Dispositif :
• Filmer de sa fenêtre.
• Voix-off.
• Titre et générique de fin.
• Raconter un souvenir réel.
But :
• Apporter quelque chose au spectateur.
• Que le film soit compréhensible par quelqu'un qu'on ne connaît pas, dans 10 ans.
Sites visités
Web-documentaire et transmediaA la Une
http://webdocu.fr/web-documentaire/
Transmedia Lab | Accueil
http://www.transmedialab.org/
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POWER TO THE PIXEL « create, finance and distribute in a cross-media world
http://powertothepixel.com/
Logiciels libresOpenOffice.org
http://www.openoffice.org/fr/
World Wide Web Consortium (W3C)
http://www.w3.org/
VideoLAN - Official page for VLC media player, the Open Source video framework!
http://www.videolan.org/vlc/
Logiciels libres portablesPortable App Directory | PortableApps.com - Portable software for USB, portable and cloud drives
http://portableapps.com/apps
Vidéos en ligneCharlie bit my finger - again ! - YouTube
http://www.youtube.com/watch?v=_OBlgSz8sSM
LIPDUB - I Gotta Feeling (Comm-UQAM 2009) - YouTube
http://www.youtube.com/watch?v=-zcOFN_VBVo
RessourcesFilmer les mots
http://www.filmerlesmots.fr/
Dis-moi dix mots semés au loin
http://www.dismoidixmots.culture.fr/
Réaliser une machinima - Forums Mondes Persistants
http://forums.mondespersistants.com/showthread.php?t=201203
Dogmazic - Ouvert pendant les travaux
http://dogmazic.net/
Quidam production - Atelier cinéma d’animation au Centre des Arts d’Enghien-les-bains
http://www.quidam.fr/formation/ateliers-cameras-de-poche-ou/ateliers-dans-des-lieux-culturels/atelier-cinema-d-
animation-au
RéférencesSémio-pragmatique - Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9mio-pragmatique
Hitchcock/Truffaut - Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hitchcock/Truffaut
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Les 6 Licences | Creative Commons France
http://creativecommons.fr/licences/les-6-licences/
MindmappingMind Mapping, Mindjet MindManager, MMD améliorent productivité des projets, informations et réunions
http://www.mmdfrance.fr/
XMind: Professional & Powerful Mind Mapping Software
http://www.xmind.net/
Main Page - FreeMind
http://freemind.sourceforge.net/wiki/index.php/Main_Page
Plateformes vidéoVimeo, Your Videos Belong Here
http://vimeo.com/
Pour faire des sites web WordPress.com — Créez un blog gratuit ici
http://fr.wordpress.com/
Joomla.fr - Joomla!fr Le portail des Utilisateurs Francophone de Joomla
http://www.joomla.fr/
SPIP - français
http://www.spip.net/fr_rubrique91.html
Héberger soi-même des vidéosAbout JW Player | Best HTML & Flash Web Video Player | LongTail Video
http://www.longtailvideo.com/jw-player/about/
Hébergement web Hébergement web illimité - Hébergeur francais O2Switch
http://www.o2switch.fr/hebergement-illimite/
Recherche noms de domaineNom de domaine - Enregistrement de domaines - Gandi.net
https://www.gandi.net/
Annexes : Originaux des mindmaps et dossier publié dans Le journal de l'animation
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Nouveaux médias
Croisements des médias
Webdoc S'enrichit de la photo, de l'écrit...
Livre audio
Graphisme
Musique
Ecriture
Cross-médiaTransmédia
Réseaux sociaux
J'ai un compte
J'ai des "followers"
Si je publie un message sur mon compte,tous mes followers le reçoivent
Messages très courts (SMS)
Ma page
Ce que je publie sur ma page s'afficheautomatiquement sur les pages de mes"amis"
Youtube
3 milliards de vidéos vues par jour
0,1 % des visiteurs qui postent des vidéos
72h de vidéo en plus chaque minute
Partage des ressourcesChacun peut apporter sa contribution
NumériqueDes 0 et des 1
Des trous ou pas
Noir ou blanc
Allumé ou éteintLumière
Interrupteur
Courant ou pas de courant
Cloud
OutilsVLCLogiciel libre de lecture de vidéo
Nouveaux médias.mmap - 10/12/2012 - Benoît Labourdette
Qu'est-ce que nousapportent les films ?
Emotion
JoieTristessePeurAngoisseAmour
Ouverture sur le mondeAux Etats-Unis, en Chine...Point de vue différent
Vivre la scène nous mêmes
ProjectionsOn le vit différemment en fonction de ce qu'on a vécu
La musiqueEn lien avec un filmLe son peut donner plus d'émotion que l'image
Pouvoir de l'image
Une image plus importante qu'un discoursOn comprend tout de suite mieux qu'unesérie d'informationsExemple : films de prévention (Sida...)
Prise de conscienceAnalyse de ce qu'on vitEnseignement
ConnaissancesApport culturel
Esthétique
Subjugué par la qualitécinématographique
Le procédé de point de vueExemple : Paranormal activityScènes tournées au téléphone
Vivre un rêve, une aventure, par procuration
Empathie
L'envieDe reproduireD'être créatif
La détenteSe divertir
ConstructionFaçon dont la narration est construite
Façon de re-visiter un sujet
Qu'est-ce que nous apportent les films.mmap - 11/12/2012 - Benoît Labourdette
Ce qu'on peut faire
Parler de son rapport à l'image
Ce qu'on filme, pourquoi
Ce qu'on partage
Les photos de famille
Très forte contextualisation
MashupRemix vidéo
Montage vidéo
On peut le faire sur youtube
Atelier montage uniquement à partir derushes trouvés sur youtube
Ateliers de réalisation de films
Préconise le plan-séquence
Cadres
Mots
Fenêtres
Filmer une image
Faire parler les objets
Films d'animation en papier découpé
Gros planBouche
Doigts
Filmer un lieu et raconter un souvenir réel
Filmer par la fenêtre et raconter un désir
Muet
Voix-offDistinguer image et sonCa amène à de la créativité
MachinimaFilmer un jeu vidéo sur l'écran de l'ordinateur,et, généralement, lui rajouter des voix
Post-synchroniserDes films existants par exemple
Des animaux
Théâtre filmé et puis le refaire avec unemise en scène "cinéma"
Stop motionFilms faits en image par image
Film à "trous"
On a un film avec une personne quiregarde dans une porte
Puis on voit son expression
On tourne juste ce qu'il voit
Lipdub
Inventer la suite d'un film
Cadavres exquis
FreezeLes gens sont figés, et on fait unmouvement de caméra en plan-séquence
CinémagrapheOn filme quelque chose en plan fixe
Et on ne laisse bouger qu'une partie de l'image
Effets spéciaux
IncrustationFond vert (comme la météo...)
Grand / Petit
Apparition / Disparition
GIF animés
Autonomie !!
PhotosLight paintingPhotos en pause longue avec lumière
Ce qu'on peut faire.mmap - 11/12/2012 - Benoît Labourdette
Droit à l'image / Droit d'auteur
Quelle musique ?Dogmazic
Sociétés d'auteur
SACEM Musique
SACD
Fiction
Cinéma
Théâtre
Danse
Télévision
Etc
SCAM
Documentaire
Cinéma
Théâtre
Télévision
Etc
SGDL Littérature
Creative Commons
Droit à l'image
Autorisations parentales
Faire signer dès le départ, à l'inscription
Droits d'exploitation larges
Sauf...
Si les parents ne veulent pas
Il faut alors travailler projet par projet
Mentionné sur la fiche d'inscription
Assumer la fonction pédagogique
Droit à l'image - Droit d'auteur.mmap - 11/12/2012 - Benoît Labourdette
Technique
Hébergement vidéo
Plateformes
Youtube
Dailymotion
Vimeo Pas de publicité
Hébergement en "propre"
JW Player Logiciel de lecture vidéo
Hébergeurs
OVH
O2Switch
FreeGratuit
Mais adresse :jenesuispas.free.fr
Faire un site web
Logiciels libres
CMS Content Management System
Wordpress
Pour faire des blogsTrès simple à mettre en place
Propose un hébergement sur sa plateforme
JoomlaPour faire des sites genre associationsSimple à mettre en place
SPIP
Français
Très utiliséMoyennement facile à mettre en place
DrupalLe plus puissant
Très complexe à mettre en oeuvre
Il faut avoir son hébergement
Services d'hébergement
Wordpress
OverblogJimdo
Vidéo
LecteursVLC
Quicktime Player
Logiciels de conversion vidéo
HandbrakeMPEG Streamclip
Erightsoft Super
Logiciels de montage vidéo
PC
Windows Movie Maker
GratuitSimple
Peu de possibilités
Adobe PremierePayant
Version PremiereElements60¼
Très complexe
Sony VegasPayant
Version Vegas MovieStudio Platinum70¼
Très bien
Mac
Imovie
GratuitSimple
Peu de possibilités
Final cut Pro XPayantPas mal
Adobe Premiere
Technique.mmap - 11/12/2012 - Benoît Labourdette
dossieraction
Le Journal de l’Animation • JUIN-JUILLET 2010 • N° 11040
P endant très longtemps, les ho?????t qelle.Dans ce modèle, l’éducation de l’enfant répo????.
???? ?????
C’est l’émergence du processus d’indi.
DE L’HÉTÉRONOMIE À L’AUTONOMIE
Réaliser un film avec un téléphone portable : de la créativité à la citoyenneté
Le téléphone portable est dans toutes les poches. Qu’on le veuille ou non, cet objet commercial a changé notre vie : éclatement de la sphère privée, évolution de la perception de l’espace et du temps, nouvelles façons d’écrire… cette prothèse de communication ne nous quitte jamais ! En 2005, la vidéo est arrivée dans les téléphones. Tous les adolescents ont désormais un téléphone-caméra. Et d’ici peu, il n’y aura plus de téléphones sans caméra. Elle est obligatoire, car elle est là pour nous vendre de nouveaux services ! Mais outre rendre quelques socié-tés privées plus riches encore, qu’est-ce que cette caméra omniprésente va nous infliger ? Et surtout comment, en tant qu’animateur, l’exploiter pour en faire un outil d’éducation et de socialisation ?
PAR BENOÎT LABOURDETTE
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41Le Journal de l’Animation • JUIN-JUILLET 2010 • N° 110
42 Le Journal de l’Animation • JUIN-JUILLET 2010 • N° 110
L es adultes utilisent leur téléphone portable pour téléphoner. Ce n’est pas le cas des adolescents ! Le téléphone portable, objet indispensable à la socialisation,
leur sert à écouter de la musique, écrire, « chatter », « twitter », photographier, filmer, échanger, publier, partager une foule d’éléments numériques, désormais constitutifs de l’identité. Le « terminal mobile » sera dans l’avenir le moyen d’accès principal à Internet et à ses produits et services. Les industries de l’électronique, des réseaux et des contenus poussent le plus possible ces nouveaux usages ; ils nous accoutument à de nouveaux besoins, pour construire leurs marchés et leur rentabilité de demain.
4e ÉCRAN
Quoi qu’on en pense, et qu’on le veuille ou non, ce monde des réseaux sociaux électroniques est celui dans lequel nous
sommes plongés et qui nous est devenu indis-pensable. Hier, pour être dans le coup dans la cour de récréation, il fallait avoir vu à la télévision le film interdit aux moins
de 18 ans. Aujourd’hui, il faut avoir sur son téléphone le dernier happy slapping violent. Bien sûr, il s’agit d’un exemple extrême, et il n’y a pas que cela. Mais cet extrême fait partie du quotidien, ne nous le cachons pas.
dossieraction
Le téléphone-caméra au cœur du social
La création audiovisuelle avec téléphone portable fait partie du quotidien des adolescents : filmer ses amis, partager des vidéos… c’est un nouveau langage. Avec ses risques. Les adultes se doivent d’éclairer ces nouvelles pratiques. Mais comment faire ? ©
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La production d’images est devenue un acte de langage. »
43Le Journal de l’Animation • JUIN-JUILLET 2010 • N° 110
Parmi toutes les pratiques des médias, il en est une majeure : l’audiovisuel. Nous sommes abreuvés d’images animées depuis longtemps par la télévision. Ces images, produites professionnellement, ont pour objectif de nous faire rester le plus longtemps et le plus nombreux possible devant l’écran (3 h 27 par jour en France en moyenne), afin de vendre des espaces publicitaires. Cette industrie était au point. Mais les jeunes passent de moins en moins de temps devant la télévision, ils utilisant de plus en plus le « 3e écran » (Internet) et le « 4e écran » (téléphone portable). Les ressources publicitaires de la télévision fondent, et l’industrie des médias se réinvente donc pour survivre.
ÉCHANGER
Que cherchent les jeunes à travers leurs terminaux mobiles ? À faire société, à se connaître, à échanger, à se construire. Ils constituent des « communautés ». Le contenu qu’ils échangent, est avant tout produit par eux-mêmes : textes, photos, vidéos, sous de multiples modalités de production et de diffusion. L’audience des sites internet et mobiles communau-taires (comme Facebook, 400 millions d’inscrits) est gigantesque. La publicité est donc de plus en plus présente sur ces sites du web 2.0. L’enjeu industriel de ce secteur n’est plus de produire des contenus professionnels séduisants, mais de pousser les utili-sateurs à produire et échanger de plus en plus leurs contenus, afin que les usages et les audiences augmentent (et que les espaces publicitaires soient donc de plus en plus nombreux et rentables). Ça marche, car ce qui nous intéresse vraiment et fait les audiences les plus fortes, ce sont les vidéos « authentiques », faites par nos pairs.
RESPONSABILITÉ NOUVELLE
Chacun porte donc une responsabilité nouvelle, dont on est pour le moins inconscient. Éthique, droit à l’image, liberté d’expression, responsabilité pénale... sont les enjeux profonds de l’image, qu’on voudrait nous faire oublier sur l’autel du plaisir de l’échange et du flux audiovisuel.Par ailleurs, lorsqu’on tourne une vidéo avec son téléphone portable, et qu’on l’envoie immédiatement sur son « mur » Facebook pour la partager avec sa commu-nauté, il n’y a plus de mots préalables à l’acte de production d’image, ni de mots qui accompagnent sa diffusion. L’acte de production d’images est donc devenu un acte de langage.Mais apprend-on à faire des images ? En connaît-on la grammaire ? Non. On sait qu’une société ne peut être démocratique que si ses membres en maîtrisent le langage. C’est pour former des citoyens qu’on apprend à lire et à écrire à l’école. On doit désormais aussi apprendre à fabriquer et diffuser les images. C’est un enjeu pour la démocratie. Z
RÉALISER UN FILM AVEC UN TÉLÉPHONE PORTABLE
Glossaire• 3G : Le nouveau réseau de téléphonie mobile à haut
débit (depuis 2005). Un téléphone 3G (bientôt tous les téléphones) a forcément une caméra intégrée.
• Bluetooth : Réseau sans fil de proximité entre les téléphones. L’usage en est gratuit. C’est l’outil quotidien des cours de récréation, moyen principal d’échange des films de téléphone à téléphone.
• Les 4 écrans : Le cinéma, la télévision, l’Internet et le téléphone mobile.
• 3GP : Format principal des fichiers vidéo produits par les téléphones mobiles.
• UGC : User Generated Content, c’est-à-dire Contenu généré par les utilisateurs.
© B
L
On doit désormais apprendre à fabriquer et à diffuser les images.
44 Le Journal de l’Animation • JUIN-JUILLET 2010 • N° 110
dossieraction PRATIQUE
La proposition pédagogiqueQuel type d’atelier proposer concrètement avec un téléphone portable ? Comment aborder le sujet ? Comment s’organiser ? Voici la structure générale d’un atelier.
Point de départ : la créativité• L’enjeu de la proposition pédagogique audiovisuelle avec téléphone portable est l’appropriation du langage des images. Au départ, proposer à des jeunes de tourner un film avec leur téléphone peut sembler incongru : quelle pertinence l’adulte a-t-il à proposer une activité avec cet outil, le téléphone, qu’il maîtrise infiniment moins bien que les adolescents ? Que peut-il apporter ? Par ailleurs, l’univers du téléphone portable est le leur, approprié, précieux, qu’ils évitent justement de partager avec les adultes. Et enfin, on ne maîtrise pas forcément tant que cela le langage des images. Bref, on se sent démuni. • Mais, proposer à des adolescents de s’intéresser, collectivement, à leurs productions, c’est donner de la valeur
à ce qu’ils peuvent créer, ce qui est un acte fort. Cette proposition est relativement comparable à un atelier d’écriture : le stylo et la feuille de papier sont les objets les plus quotidiens qui soient. Mais lorsqu’on propose d’écrire un poème, une nouvelle... c’est très difficile, et très important. Il s’agit alors de travailler sur sa propre expression, donc sur sa construction personnelle au fond, et ce qui se passe est souvent marquant pour les jeunes auteurs. La logique est la même avec le téléphone portable.
Un film pour soi, un film pour les autres• Pour commencer l’atelier, posez d’abord l’ambition : « Vous allez faire un film, un vrai film, avec votre téléphone portable ». C’est très important : il faut sortir du quotidien. On va utiliser le téléphone portable, oui, mais dans un but différent. Placez les participants en petits groupes. Dites-leur qu’un film, ça se prépare, ça se pense, ça doit raconter une histoire. Puis, une fois cette ambition posée, faites-les parler de leur usage du téléphone-caméra. Au début, ils ont un peu du mal à dire ce qu’ils font, car cela leur appartient. Demandez-leur de décrire les petits films qu’ils ont dans leur téléphone (généralement, ils ne veulent pas les montrer !). Vous aurez forcément la pratique « filmer ses amis, pour se marrer », et le petit groupe éclate de rire, car ils pensent à telle ou telle vidéo particulièrement drôle, prise lors d’une soirée.• Ces films-là ont toute leur valeur, il ne faut pas les juger négativement. Il s’agit de la mémoire du quotidien, du « film de famille », qui joue un rôle important dans la constitution des groupes. Ces films sont fortement contextualisés : si on ne connaît pas la blague qui a été racontée et qui fait que celui qui est filmé est en train de
rire, on ne peut pas comprendre. Ce sont des films pour son petit groupe, qui ne sont pas compréhensibles par ceux qui en sont extérieurs. Expliquez cela, en vous appuyant sur les exemples donnés par les participants.• Ensuite, dites que ce que vous proposez n’a rien à voir, que le film sera fait en groupe et non pas individuel-lement, mais surtout qu’il sera réalisé pour des personnes qu’on ne connaît pas. Ce film doit donc avoir un titre, ce qui s’y passe doit être compréhensible, cela doit mener quelque part. Donc il faut une réflexion préalable et une mise en forme précise. Il faudra penser à ce que le spectateur va comprendre, imaginer ce qu’on veut lui faire vivre et ressentir.• À partir de là, les jeunes saisissent que ce que vous proposez n’a rien à voir avec leur pratique du téléphone portable. Votre proposition, bien que réalisée avec leur outil du quotidien, relève de votre domaine de compé-tences. Vous serez le premier spectateur de leur production, vous pourrez les aider à préciser leur pensée. C’est le rôle de l’animateur.
L’écriture• Chaque petit groupe doit donc écrire, préparer, son film. Après une demi-heure de travail, demandez à chacun d’expliquer aux autres son projet. Les difficultés que cela soulève sont formatrices. Un certain nombre d’entre eux n’auront pas encore réussi à conceptualiser quelque chose. Ils auront du mal à s’exprimer, à se faire entendre, à s’écouter. Prenez le temps pour y parvenir, avant que chaque groupe retravaille son projet. Cette étape du « parler avant » est très importante. On construit un projet, un cadre, qui fait que le futur film a déjà son existence, et est attendu par les autres. Ce qui n’a rien à voir avec les petits films tournés au quotidien. ©
BL
« Vous allez faire un film, un vrai film, avec votre téléphone portable ! »
45Le Journal de l’Animation • JUIN-JUILLET 2010 • N° 110
Le tournage• Une fois les projets définis, envoyez chaque groupe tourner son film. Nous verrons dans la suite du dossier les détails de plusieurs types de propo-sitions de tournages. Pour ma part, je les laisse le plus souvent tourner leurs films en autonomie. Il faut à mon sens qu’à l’intérieur de ce cadre précis dans lequel on les a inscrits, il y ait la pleine place pour leur expression intime, pour ce qu’ils vont « rapporter » de leur monde, ce qu’ils vont choisir de représenter avec les images et nous montrer. • C’est ainsi que le lien se fait : il y a leur monde et il y a le nôtre. Le dispositif de communication que nous avons construit entre nous est pour eux une opportunité de partager et de valoriser ce qu’ils sont capables de produire. Et c’est pour nous une façon de recevoir vraiment ce qu’ils ont à nous donner. Vous serez surpris, dans le bon sens du terme ! Tout ce dispositif « institutionnel » fait qu’on est d’emblée complètement hors de la logique du happy slapping ou autre, vous pouvez donc faire confiance à ce qu’ils vont réaliser en autonomie.
Refaire les films• Lorsqu’ils vont rapporteront leurs films, ou leurs « rushes » (c’est-à-dire l’ensemble de ce qu’ils auront tourné), visionnez-les attentivement, et donnez-leur des conseils pour
améliorer l’image, le son, le cadrage, la narration, etc. (voir la suite du dossier). Faites-leur refaire leurs tournages, autant de fois que nécessaire. Grâce à la légèreté du téléphone portable, il n’est pas compliqué techniquement de recommencer un tournage, et c’est très formateur. Cela va les amener, au fur et à mesure, à prendre conscience de tous les éléments qui composent l’image : le décor, l’acteur, l’image, le son, la couleur, le mouvement… Cela les conduira aussi à plus d’exigence. C’est essentiellement différent de leur pratique habituelle, mais le bénéfice, les compétences qu’ils vont acquérir par cet approfondissement pratique leur serviront au quotidien.
La diffusion • Une fois les films terminés, il est crucial de construire un moment de diffusion collective, pour les groupes qui ont travaillé ensemble. C’est une projection privée, pour les auteurs des films. Ce temps est indispen-sable. Il faut une salle dans laquelle on fait le noir, un vidéoprojecteur, un bon son, etc. Réunissez toutes les conditions d’une projection de qualité, « comme au cinéma » (c’est parfois loin d’être simple, mais prenez-en le temps). Reproduisez ce « rite » du cinéma. On fera silence pendant
les films. On donnera ainsi toute leur valeur aux images produites. C’est très valorisant pour les participants. Ils sentent, grâce à ce dispositif, que faire une image a des conséquences. Cela les amènera à mesurer par la suite la grande importance, au fond, du moment où on appuie sur le bouton, pour filmer ou pour diffuser. C’est une étape essentielle à côté de laquelle il ne faut pas passer, dans le cadre d’un atelier de pratique artistique.• Après chaque film, rallumez la lumière, donnez votre avis et lancez la discussion. Cette parole est très importante, tout autant que la réali-sation du film lui-même. C’est à ce moment-là, par l’institutionalisation qu’en donnent les mots portés, que les films vont exister vraiment. Avant cela, ils sont comme des embryons, qui peuvent avorter. Après la projection et les échanges sur le film, cet objet est devenu extérieur à eux, poten-tiellement important pour d’autres. C’est, en réalité, le cas de n’importe quel petit film tourné et posté avec son téléphone. Mais les jeunes n’en ont pas conscience.
RÉALISER UN FILM AVEC UN TÉLÉPHONE PORTABLE
© B
LUn temps d’écriture est
indispensable avant le tournage.©
BL
Laissez les jeunes tourner en autonomie, avant de leur
apporter vos avis et conseils par rapport aux images produites.
>>>
46 Le Journal de l’Animation • JUIN-JUILLET 2010 • N° 110
dossieraction PRATIQUE
De belles imagesOn a l’impression qu’un film tourné avec téléphone portable est forcément de très mauvaise qualité, tremblé, flou, inaudible… Or on peut réussir à produire un résultat techniquement irréprochable. Suivez le guide !
Des images stablesBannir le zoom• La première caractéristique que l’on retient des vidéos faites avec téléphone portable est que « ça bouge » ou que « ça tremble ». Souvent, on se sent mauvais caméraman, ou l’on pense que la qualité de la caméra du téléphone est très mauvaise. Mais ce n’est pas cela ! On a tendance, lorsqu’on filme avec un téléphone, à beaucoup utiliser le zoom intégré, qui permet, d’une simple pression sur un bouton, de mettre en avant un objet, un visage. C’est presque un réflexe naturel que de zoomer sur ce qui nous intéresse. Mais ce dont on ne se rend pas compte, c’est que c’est ce zoom qui est responsable du tremblement des images !• En voici la raison, par l’exemple : quand je filme le visage de quelqu’un et que je suis proche de lui, si jamais ma caméra bouge un peu, je verrai toujours son visage. Sur le schéma ci-dessous, on voit que malgré le mouvement de la caméra de la position 1 à la position 2, le visage du personnage vert reste dans l’image. Si par contre, je suis loin de
la personne et que, pour avoir un gros plan, j’utilise le zoom, je ne capte alors qu’une petite partie du champ visuel (représenté par le triangle orange). De ce fait, si la caméra bouge, ne serait-ce qu’un peu, le visage du personnage orange sort complètement du cadre ! Concrètement, plus on zoome, et plus les légers tremblements sont amplifiés. Le premier secret des images stables est donc tout simplement : ne zoomez jamais, et rapprochez-vous si vous voulez montrer quelque chose de plus près.
Les mouvements de caméra• Il y a un deuxième secret pour faire des images stables : suivez toujours quelqu’un ou quelque chose, ne faites jamais de mouvements de caméra « volontaires ». En effet, lorsqu’on regarde une image, on est concentré sur le sujet filmé : la personne qui nous parle, l’animal qui nous intéresse, le musicien qui joue, etc. Si le sujet filmé ne sort pas complètement de l’image (à cause du zoom), du fait de notre concentration sur lui, on ne prend pas garde aux légers tremblements de l’image, donc la technique ne se fait pas remarquer. Par contre, si vous tournez votre caméra, de façon volontaire vers quelque chose d’autre, alors on voit tout à coup que la caméra est là, et on remarque la technique.• Si, pour passer à autre chose vous attendez, par exemple, qu’une personne se déplace, que vous la suivez et que cela amène à la deuxième chose que vous souhaitez montrer, alors le spectateur sera toujours resté concentré sur des sujets filmés, et n’aura rien remarqué des mouve-ments de la caméra. Le film sera « naturel », fluide, sa technique ne sera pas visible. Notez que même dans le cinéma professionnel, cette technique est utilisée en permanence. Ainsi, une scène de restaurant commence
quasiment toujours par un plan où l’on suit le garçon de café, qui nous amène aux personnages principaux attablés.
Des images de bonne qualité• Les images des téléphones portables sont réputées floues et pixellisées. Comment les améliorer ? Plusieurs techniques, exploitables parallèlement, vont vous permettre de changer du tout au tout la qualité strictement technique de l’image. Tout d’abord, ne pas utiliser le zoom, qui dégrade la netteté de l’image (les zooms des téléphones sont numériques, c’est-à-dire qu’ils ne font qu’agrandir une partie de l’image originale).• Ensuite, il y a le choix de la résolution de l’image : le nombre de pixels qui la composent. Par défaut, les téléphones sont tous réglés sur la plus petite résolution d’image, qui permet d’envoyer de petites vidéos vers un autre téléphone. Pour changer les paramètres et agrandir la taille de l’image, mettez-vous en mode caméra, allez dans les options, et cherchez « taille de l’image ». Parfois, les plus grandes tailles d’image sont grisées. Il faut alors chercher le menu dans lequel est sélectionné « Pour envoi MMS », et choisir à la place « Clip étendu », ou « Durée mémoire », qui signifie que
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Suivre les déplacements du sujet confère de la fluidité au film.
Sujet proche, filmé sans zoom
Sujet éloigné, filmé avec zoom
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la durée de prise de vue n’est limitée que par la capacité de la mémoire du téléphone. Ensuite, le réglage de taille d’image sera accessible.
Le son : élément primordial • Le son est toujours le parent pauvre durant un tournage, alors qu’il est plus important que l’image. Je m’explique : imaginez un film aux images tremblo-tantes et mal éclairées mais dont le son est excellent : voix parfaites, musique et bruitages agréables. Vous pouvez suivre ce film avec plaisir. Imaginez maintenant un film aux images somptueuses, mais au son déplorable : on ne comprend pas bien ce qui est dit et on décrochera de ce film au bout de deux minutes. On est plongé dans le son, alors qu’on est libre de se détourner de l’image, voilà pourquoi le son est primordial. Il semble impossible, avec un simple téléphone, de produire un bon son. Détrompez-vous, le micro des téléphones est plutôt de bonne qualité.
• Alors comment faire ? Comme pour l’image, il s’agit d’employer les bonnes techniques. Pour le son, il y a trois paramètres : 1. Il faut être le plus proche possible de la source sonore.2. Il faut prendre garde aux bruits d’ambiance (voitures, brouhaha, etc.), et faire en sorte d’être dans l’endroit le plus calme possible. 3. Il faut déclencher et arrêter de filmer par rapport au son (ne pas couper une phrase en plein milieu, par exemple). • Le zoom est en partie responsable du très mauvais son : si vous filmez quelqu’un en gros plan, grâce au zoom, mais que vous êtes loin de lui, sa voix sera complètement inaudible au-delà de 2 ou 3 mètres. Par ailleurs, le micro du téléphone est omnidirec-tionnel, c’est-à-dire qu’il enregistre dans toutes les directions. Si derrière vous quelqu’un parle plus fort que celui que vous filmez devant vous, vous ne vous en rendez pas compte au moment du tournage, car vous êtes
concentré sur votre sujet, mais sur le film, on entendra davantage celui qui est derrière !• Le bruit de l’ambiance est aussi très important : souvent, en se déplaçant de 2 ou 3 mètres, en passant une porte, on peut se retrouver dans un endroit calme, ou alors très bruyant. Bref, il faut ouvrir ses oreilles, tout le temps penser au son lorsqu’on filme. Ce faisant, on peut, avec un simple téléphone, obtenir un son de grande qualité.
Une belle lumière• Quelle que soit la qualité technique de la caméra utilisée, une belle lumière rend une image immédiatement sédui-sante.
• Qu’est-ce qu’une belle lumière ? Faites avant tout confiance à votre regard, observez (et faites observer) ce qui change lorsqu’on se place d’un côté ou de l’autre d’un personnage, par rapport au soleil. Et faites regarder des films de fiction : il y a quasiment toujours un liseré lumineux autour des personnages, qui les détache du fond, et donne du relief à l’image. C’est ce qu’on appelle le contre-jour. Il est plus facile à obtenir le matin ou en fin de journée, lorsque la lumière du soleil est rasante. Dans un même lieu, avec les mêmes éléments, en fonction de l’endroit où l’on se place, on peut faire une image plate ou une image avec du relief. C’est une question d’attention, pas de taille de caméra.
RÉALISER UN FILM AVEC UN TÉLÉPHONE PORTABLE
La bonne résolutionSachez qu’il n’y a aucune relation de cause à effet entre la qualité de l’appareil photo d’un téléphone et la qualité de l’enregistrement vidéo. La qualité d’enregistrement vidéo dépend du nombre de pixels qui composent l’image. Comme référence, sachez que les images de la télévision font 720 x 576 pixels. Les vidéos des téléphones peuvent faire 176 x 144, 320 x 240, 640 x 480, et même 1280 x 720 pixels (soit plus nettes que la télévision). Le problème est que, le plus souvent, l’information sur ces résolutions d’images n’est pas donnée, même sur les documentations des sites Internet des constructeurs. Chacune de ces résolutions a un nom, qui, lui, est plus souvent mentionné :• 176 x 144 : QCIF• 320 x 240 : QVGA• 640 x 480 : VGA• 1280 x 720 : HD 720pDonc, s’il indiqué par exemple « VIDEO QCIF », alors ne prenez pas ce téléphone pour filmer !
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Le soin apporté à la lumière est essentiel.
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Télévision (720 x 576 pixels)
QVGA (320 x 240 pixels)
QCIF (176 x 144 pixels)
Téléphone qualité vidéo VGA (640 x 480 pixels)
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Un bon cadrage• Le cadrage, bien sûr, est un élément essentiel. Le principal défaut de cadrage que l’on constate est le centrage du visage dans l’image. C’est une sorte de réflexe, on met le visage au centre (fig. �). Mais, si l’on est en plan rapproché, cela a pour effet de couper le buste du personnage, alors qu’il y a un énorme espace vide au-dessus de sa tête. Et si l’on est dans un plan large, cela a pour effet de couper les pieds du personnage, alors qu’il y a, aussi, de l’espace libre en haut. Il faut donc se corriger en permanence, en baissant le cadrage par rapport à ce qui nous vient naturellement (fig. �).
Raconter une histoireFaire un film, c’est raconter une histoire. Mais comment faire ? Quelles sont les techniques spécifiques à l’audiovisuel ? Et pourquoi est-ce si important ?
Les genres de films• Il y a trois grands genres de films : la fiction (histoires inventées), le documentaire (point de vue sur la réalité) et l’expérimental (travail sur
les formes, plastiques, audiovisuelles). Le fait de raconter une histoire n’est pas spécifique au cinéma de fiction. Qu’est-ce que raconter une histoire ? C’est inscrire le spectateur dans une situation, qui a un début, un milieu et une fin. C’est-à-dire un point de départ, une situation qui évolue, et un point d’arrivée. Cette évolution peut être strictement visuelle. Par exemple, si l’on propose de faire un documentaire sur un bâtiment, sans paroles, on va réfléchir à ce qu’on montre au début, ce qu’on fait découvrir peu à peu, et ce qu’on comprend à la fin. C’est bien une histoire qu’on va faire vivre au spectateur.
Le scénario• Le travail d’équipe avec des adoles-cents est toujours très productif dans la conception d’un scénario. En effet, il est plus facile de réfléchir à plusieurs, car en confrontant les idées, on se rend compte plus vite de ce qui fonctionne ou pas. Il s’agit aussi de travailler le point de vue : de quel côté on se place, qu’est-ce qu’on veut transmettre à travers l’histoire que l’on raconte ? • Il ne faut pas hésiter à faire travailler les adolescents avec la voix-off. D’abord cela donne une certaine facilité à raconter une histoire, même sur des images qui a priori n’en racontent pas une. Et l’on a une latitude, au moment du montage, pour améliorer le film. La parole, la transmission de la parole, est tout de même au point de départ de l’usage du téléphone. Et enfin, construire une parole, écrire un texte, puis le dire, distinctement, est un travail très riche pour les jeunes, qui est loin d’être simple pour eux, et leur fait parcourir un chemin personnel.
Le montage, une difficulté • Le montage est le point difficile des films tournés avec téléphone portable. En effet, les formats des vidéos tournées
avec téléphone portable sont tous différents en fonction des marques et des modèles et ne sont, pour la plupart, pas reconnus par les logiciels de montage habituels. Il faut donc faire préalablement une conversion de format vidéo.• Par ailleurs, cette étape est complexe à gérer, car le montage n’est pas un acte collectif. Il est difficile d’être plus de 2 ou 3 sur un poste de montage. Et enfin ce travail prend énormément de temps. Mais c’est aussi un moment essentiel : on peut tout manipuler, tout construire ou reconstruire, et comprendre, apprendre, beaucoup.
Le plan séquence, une solution• Après plusieurs années d’expé-riences d’ateliers et d’animations avec téléphone portable, j’ai peu à peu abandonné l’étape du montage. Il me semble que l’enjeu essentiel, avec le téléphone portable, est l’apprentissage de cette nouvelle relation à l’autre, qui désormais passe par l’image. Dans cette relation, le moment du tournage est essentiel. Et au quotidien, on ne fait pas de montage, on tourne des séquences, qu’on transmet aux autres.• Ce que l’on peut apporter, dans le cadre d’un atelier, d’un stage, c’est un autre usage, plus conscient, plus
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Quelle histoire va-t-on raconter et comment ?
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concentré, de cet outil. Car si l’on sait qu’on fera du montage après, on peut filmer beaucoup, sans forcément être très attentif à ce que l’on fait. Voilà pourquoi je propose quasiment toujours des ateliers en plan séquence. Un plan séquence, c’est un film qui a été tourné en une seule fois, sans aucun montage. • Tout est fait au moment du tournage : le titre, le son, l’ensemble du film, le générique. Cela oblige les réalisateurs à une concentration très importante. S’ils veulent une voix-off, une musique, il faut trouver des solutions pour les faire en direct. Ils y arrivent toujours, en se mettant près du téléphone, en diffusant la musique à partir d’un autre téléphone, etc. Le tournage du film, au lieu d’être fait de petits instants captés auxquels on espère donner sens ensuite au moment du montage, devient un moment de grande concentration, un vrai travail d’équipe, qui s’apprend, qui se reprend.• L’apprentissage se passe « en direct », il faut produire des efforts, de la concen-tration sur tous les aspects en même temps pour que cela fonctionne. Cela permet aussi aux jeunes de sentir toute la complexité et la variété des éléments qui composent un film, puisqu’ils doivent tous les gérer en même temps. Le rôle de l’animateur, sa présence dans ce cadre-là, consiste à accompagner
les jeunes à prendre en compte le plus possible de paramètres. Bien sûr, tous les films ne sont pas réalisables en plan séquence, mais c’est une contrainte intéressante. Lorsqu’on propose un atelier, il y a un cadre. Et je peux vous assurer qu’en plan séquence, il est possible de faire des choses très multiples et très réussies. À condition de tenir le cadre !
Montrer des filmsMontrer des films, ambitieux, qui nous font vivre des aventures, découvrir des univers, tout en étant très spécifiques à l’outil téléphone, cela ouvre le regard.
• Le lieu de référence, sur lequel vous pouvez trouver des centaines de films de qualité tournés avec téléphone portable, est le site internet du Festival Pocket Films : www.festivalpocketfilms.fr. Voici une sélection de films qu’il me semble intéressant de montrer. Ils sont de bonne qualité, le mode plein écran est disponible, donc ce site peut être utilisé comme un réel outil de diffusion. Ils sont répartis par année. Il peut être pertinent de constituer une petite chronologie.• Décroche2005. De Stéphane Galienni. 40 se- condes d’humour sur le langage SMS.• Ceci n’est pas un film2005. De Pascal Delé. Réflexion poétique sur l’usage du téléphone-caméra. Un film très fin. • Occupé2006. De Léonard Bourgois-Beaulieu. Une fiction incroyable, un tour d’Europe à la recherche d’une baby-sitter, très drôle. Un film qui nous fait comprendre qu’on peut raconter une vraie histoire, embarquer le spectateur dans une aventure, avec un simple téléphone portable.
• Perle2006. De Marguerite Lantz. Une véritable peinture vivante. Le téléphone comme outil plastique.• Reverse love2007. De Morgan Földi Mohand. Un clip rafraîchissant. Juste et spontané.• Brother2007. De Kerim Bersaner. Un cri, un film politique, engagé. Le téléphone comme outil de revendication, d’expression à la fois intime et universelle. • The champion2008. De Rui Avelans Cœlho. Un film qui n’aurait absolument pas pu être tourné avec autre chose qu’un téléphone. Une expérience des plus inédites, très ludique.• Aventures urbaines2008. De Jocelyne Rivière et Serge Rustin. Un film à la fois spontané et extrêmement maîtrisé visuellement. Un travail d’orfèvre sur la poésie du quotidien.
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Pour surmonter la délicate étape du montage, une solution : le plan séquence.
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• Incident2009. De Michael Szpakowski. La rencontre entre l’accident du réel et le regard d’un artiste.• Turbo 20882009. De Guillaume Ballandras, Aurélien Durand, Collectif Pied la Biche. Une performance visuelle amusante et profonde. • Les ongles2009. De Clément Deneux. Ames sensibles s’abstenir. Quand le téléphone portable rencontre le film à effets spéciaux. Impressionnant !
Gérer les films avec l’ordinateur Pour montrer collectivement les films tournés avec téléphone, on passe par un ordinateur, branché sur un vidéoprojecteur. Il faut donc récupérer les films des téléphones vers l’ordinateur.
Récupérer les films• Les téléphones portables sont tous équipés du Bluetooth (réseau local sans fil, gratuit), très pratique si vous avez un Macintosh, mais plus difficile à faire fonctionner si vous utilisez un PC. Par ailleurs, les temps de tranfert sont assez longs.• Le plus pratique, et le plus sûr, est de s’assurer que les téléphones utilisés pour le tournage sont pourvus d’une carte mémoire amovible. Pour accéder à son contenu, il suffit de la sortir du téléphone et de l’insérer dans un lecteur de cartes connecté à l’ordinateur par un port USB. • Attention, toutefois, d’acheter un lecteur multicartes dans lequel on peut directement insérer les supports de petit format qui se trouvent dans les téléphones (principalement Micro SD et M2).
• Certains téléphones comme le LG Viewty (très répandu, et qui filme très bien) peuvent aussi, via un câble, se brancher sur l’ordinateur pour donner accès à la carte mémoire qui se trouve à l’intérieur. • Une fois que les vidéos sont dans l’ordinateur, demandez aux participants de désigner laquelle ils ont choisie, et nommez-la avec précision. Il faut en effet faire preuve d’une organisation draconienne, avec des dossiers datés, car les éléments numériques sont si nombreux qu’on peut tout mélanger très rapidement.
Les logiciels de lecture• Les formats des fichiers vidéo des téléphones sont extrêmement divers. Il y a trois logiciels de lecture qui sont à même de les prendre en charge : – Quicktime (Mac /PC),– VLC (Mac/PC),– Media Player Classic Home Cinema (PC).• Ces trois logiciels sont téléchar-geables gratuitement. Le plus simple d’usage est Media Player Classic. Il suffit d’ouvrir le logiciel, de faire glisser le fichier vidéo dessus, et de double cliquer dans l’image pour le mode plein écran. Avec Quicktime, le mode plein écran n’est disponible que dans la version Pro (30 !). Et VLC ne lit pas absolument tous les formats des téléphones.
La diffusion sur place• Grâce à un logiciel de lecture, en faisant une « playlist » et en se mettant en mode plein écran, on peut réaliser une vraie diffusion cinématographique. Il faut absolument faire une diffusion de qualité (en faisant le noir et avec un bon son), d’abord dans le groupe de réalisation, afin de parler sur les films, de leur donner toute leur importance. Puis, on peut envisager une diffusion collective pour un autre public.
Internet• Il est très bien de mettre les films en ligne sur Internet, après qu’ils ont été diffusés collectivement. Mais il y a trois points préalables à mon sens : 1. Il faut avoir le droit de le faire (autorisation des parents pour les mineurs).2. Ne pas utiliser Youtube et Daily-motion, qui ajoutent de la publicité. Il y a des moyens de mettre en ligne des vidéos, en faisant une conversion au format flv, sans passer par un site de partage.3. Il faut éditorialiser la mise en ligne des vidéos. Que ce soit l’objet d’un atelier aussi : choix des images repré-sentatives, écriture de textes, etc. Z
Deux logiciels permettant de lire les films sur ordinateur :
à gauche, Quicktime ; à droite, VLC.
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Q��LIVRETournez un film avec votre téléphone portable,Benoît Labourdette, Dixit, 17 !Comment choisir son téléphone portable, comment produire de belles images et un bon son, comment faire le montage, comment diffuser son film, interviews-conseils par les lauréats du Festival Pocket
Films, bases techniques de la vidéo numérique en général, glossaire extensif… Ce livre couvre l’ensemble du sujet de la technique avec téléphone portable, c’est une « boîte à outils » utile pour trouver des réponses concrètes au cours de la démarche de création.
Q��SITES INTERNEThttp://lesfilmsdepoche.com
Un blog de Matthieu Chéreau, critique de cinéma, qu’il a tenu jusqu’en 2008, et qui reste une riche ressource. Il propose des regards critiques assez passionnants sur les enjeux des films tournés avec des téléphones portables.
Rencontres avec des cinéastes, explorations des thématiques propres à ce nouveau support et élaborations théoriques.
www.festivalpocketfilms.frLe site officiel du Festival Pocket Films est le lieu où sont rassemblés, et visionnables, le plus de films tournés avec téléphone portable. Tous les genres y cœxistent. Vous trouverez aussi des conférences filmées ou audio (par exemple Serge Tisseron ou Bernard Stiegler), mais aussi des articles de fond (Roger Odin, Alain Fleischer…), des interviews, en texte
et vidéo, de réalisateurs (Olivier Ducastel, Richard Texier, Marcel Hanoun…), l’information sur à peu près tous les autres événements culturels du même type, etc. Une large partie du site est consacrée aux expériences d’animation et pédago-giques. Les enjeux du droit
à l’image y sont aussi discutés. Le Festival Pocket Films est le premier et plus important événement consacré à la création audiovisuelle avec caméras de poche. Il existe depuis 2005.
www.danslapoche.orgLe site des actions et animations avec téléphone portable en région PACA. Des films à visionner et des expériences à partager. Site à suivre, car de nombreux partenariats autour du sujet en région PACA, que ce site fédère, laissent à penser que les ressources vont s’y enrichir.
www.quidam.frLe site internet de Quidam production, société de production de Benoît Labourdette, auteur de ce dossier et directeur artistique du Festival Pocket Films. Vous y trouverez un grand nombre de films qu’il a réalisés, tournés avec téléphone portable.
Exploration de concepts et expérimentations techniques et visuelles, font que ces films servent régulièrement de base à des ateliers et propositions d’animations culturelles. Vous découvrirez aussi des ressources techniques plus larges sur « les caméras d’aujourd’hui », « la convergence numérique » et des retours d’expériences concrets et opératoires d’ateliers menés avec des téléphones portables.
Q��DVDJ’aimerais partager le printemps avec quelqu’unDe Joseph Morder, Éditions La vie est belleLe premier long métrage tourné avec téléphone portable qui ait été distribué en salles de cinéma en 2008. Le DVD est sorti en 2009. Joseph Morder, pionnier du
journal filmé depuis 40 ans, explore la caméra du téléphone portable au quotidien. Un simple journal qui devient, au fur et à mesure, une histoire d’amour de fiction échevelée, dans la France de la campagne électorale de 2007.
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