transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics

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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication - Université Paris-Sorbonne 77, rue de Villiers 92200 Neuilly tél. : +33 (0)1 46 43 76 76 fax : +33 (0)1 47 45 66 04 www.celsa.fr Ecole des mines d’Alès –Site de Nîmes, Parc scientifique Georges Besse – 30035 Nîmes cedex 1 Tél : +33 (0)4 66 38 70 52 – www.mines-ales.fr Master professionnel Mention : information et communication Spécialité : Médias et Communication Option : Communication et Technologie Numérique Le transmédia storytelling, un dispositif qui bouleverse les relations entre les marques et leur public Responsable de la mention information et communication Professeure Karine Berthelot-Guiet Tuteur universitaire : Pauline Chasserey Peraldi Nom, prénom : Forestier, Mégane Promotion : 2015-2016 Soutenu le : Note du mémoire :

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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication - Université Paris-Sorbonne

77, rue de Villiers 92200 Neuilly tél. : +33 (0)1 46 43 76 76 fax : +33 (0)1 47 45 66 04 www.celsa.fr

Ecole des mines d’Alès –Site de Nîmes, Parc scientifique Georges Besse – 30035 Nîmes cedex 1

Tél : +33 (0)4 66 38 70 52 – www.mines-ales.fr

Master professionnel

Mention : information et communication

Spécialité : Médias et Communication

Option : Communication et Technologie Numérique

Le transmédia storytelling, un dispositif qui

bouleverse les relations entre les marques et

leur public

Responsable de la mention information et communication

Professeure Karine Berthelot-Guiet

Tuteur universitaire : Pauline Chasserey Peraldi

Nom, prénom : Forestier, Mégane

Promotion : 2015-2016

Soutenu le :

Note du mémoire :

2

Remerciements

Avant de faire découvrir mon texte aux lecteurs, il convient de remercier les personnes qui m’ ont

aidées à mettre en œuvre ces recherches. Tout d’abord, je tiens à remercier mes rapporteurs :

Marion Rollandin, rapporteur universitaire, pour m’avoir toujours poussée à creuser mes analyses et

à prendre du recul, Yannick Vernet pour son point de vue professionnel, ancrant ainsi toujours mieux

ce mémoire dans un terrain réel, sans cesse en mouvement.

Je remercie ces deux personnes d’avoir compris que ce mémoire était bien plus pour moi qu’un

exercice universitaire. En effet, ces recherches m’ont permis de devenir experte en transmédia,

concrétisant ainsi mon projet professionnel et me permettant de gagner des compétences

particulières.

Mais ce mémoire ne saurait exister sans ces personnes qui, chaque jour, se font un devoir d’inventer

de nouveaux dispositifs de communication et de création de contenus. Par-dessus tout, ces

professionnels qui développent chaque jour des univers étendus me fournissent pléthore de

nouvelles idées et de nouvelles analyses.

Enfin, je remercie les fans qui ont accepté de répondre à mes questions. Sans eux, ce mémoire

n’aurait pas pu exister puisqu’un dispositif transmédia s’adresse d’abord à eux. Je les remercie de

leur bonne volonté, leur bonne humeur mais surtout pour m’avoir permis de mieux comprendre ces

communautés et leurs enjeux.

3

Table des matières Remerciements ..................................................................................................................................2

Introduction .......................................................................................................................................5

I Construire un univers fictionnel étendu et permettre la co-création de contenu pour séduire son

public ............................................................................................................................................... 14

1. Immerger son public dans un dispositif éclaté sur plusieurs médias ...........................14

1.1 De l’importance des personnages pour capter l’attention du public ................................ 14

1.2 Savoir utiliser les médias adéquat pour construire un univers fictionnel cohérent ........... 18

2. La co-création de contenu par le jeu : quand les marques ne contrôlent plus leur

public ................................................................................................................................22

2.1 Mieux connaître l’univers fictionnel en participant à son prolongement ............................... 22

2.2 Encourager la participation de son public par des récompenses ........................................... 25

3. Brouiller les frontières entre la réalité et la fiction pour mieux immerger son public .28

3.1 ARG et événements dans la réalité au service d’une immersion prolongée ........................... 29

3.2 Le détournement des codes médiatiques pour mieux brouiller les frontières ........................ 32

II Des stratégies de communication différentes pour se rapprocher de son public .......................... 36

1. De l’importance des réseaux sociaux pour construire une communication de

proximité ..........................................................................................................................36

1.1 La mise en scène des personnages au service d’une communication de proximité .......... 36

1.2 Entre transparence et communication énigmatique : trouver sa stratégie pour se

rapprocher de son public ........................................................................................................... 40

2. De la difficulté de mettre en récit sa communication pour attirer son public .............43

2.1 Construire une communication aussi cohérente que l’univers fictionnel .......................... 43

2.2 Innover tout en restant compréhensible et accessible ..................................................... 47

3. Entre promotion et immersion dans les codes de l’univers fictionnel .........................51

3.1 Communiquer sur les codes de l’univers fictionnel pour attirer son public ....................... 51

3.2 Le discours d’accompagnement des dispositifs transmédias pour mieux lier chaque média

55

III La construction de communautés de fans soudés autour des codes de l’univers fictionnel ......... 59

1. Faire partie d’une communauté de fans : un sentiment individuel poussé par le

collectif .............................................................................................................................59

1.1 Le partage de sa passion au travers des technologies et de son discours ........................ 59

1.2 Afficher sa passion grâce à la collection de produits dérivés ........................................... 62

2. L’engagement des fans pour la survie et la pérennisation de l’univers fictionnel .......66

4

2.1 Allez plus loin dans la participation : faire des dons ........................................................ 66

2.2 Partager les codes de l’univers fictionnel : Compotes, HeroCopains et famille Star Wars. 69

3. Méta-discours et réappropriation des codes de l’univers fictionnel : co-création de

contenus et éclatement des communautés de fans ..........................................................74

3.1 Les fan-fictions ou la réappropriation de l’univers fictionnel ........................................... 74

3.2 Les guerres de « chapelle » au sein des communautés de fans ....................................... 77

Conclusions et recommandations professionnelles ......................................................................... 81

Bibliographie .................................................................................................................................... 86

Ouvrages scientifiques ......................................................................................................86

Articles scientifiques .........................................................................................................86

Webographie ................................................................................................................................... 87

5

Introduction

Depuis l'avènement du web 2.0, de nouveaux outils de communication ne cessent d'apparaître, les

relations entre les marques et leurs publics évoluent, ces derniers prenant de plus en plus de

pouvoir. A côté de cela, nous vivons dans un monde d'image et de publicité. Les consommateurs ne

prêtent plus attention aux publicités habituelles ni aux affiches qui se trouvent sur leur chemin. Les

marques doivent sans cesse innover pour pouvoir capter leur attention. Inconstants, ils ne

s'attachent plus aux marques comme ils pouvaient l'être il y a quelques années, changeant selon leur

bon vouloir, mais surtout selon l'image qu'ils se font de celles-ci.

Car aujourd'hui, l'image d'une marque est devenue plus importante même que ses produits ou

service, comme nous l'expliquait si bien Christian Salmon :

« […] il faut que la marque retrouve une identité forte et cohérente qui parle aussi

bien aux consommateurs qu'aux collaborateurs de l'entreprise […] et condense dans

un récit cohérent tous les éléments constitutifs de l'entreprise : son histoire, la nature

des produits qu'elle fabrique, la qualité du service à la clientèle, les relations de

travail, le rapport à l'environnement,... »1

Les marques doivent donc raconter des histoires pour espérer capter l'attention de leur public. Plus

encore, elles doivent développer ces histoires en fonction de leurs valeurs et des messages qu'elles

désirent faire passer aux consommateurs. C'est le storytelling, un nouvel outil de communication

utilisé de plus en plus sur le marché de la publicité. Il descend directement du marketing expérientiel

et du marketing relationnel, ayant pour but de forger des relations pérennes avec les clients en leur

offrant des expériences nouvelles et interactives. Car nous sommes bel est bien dans l'ère de

l'interaction. Les marques tentent alors de se rapprocher de leurs consommateurs et de les fidéliser

en leur offrant des expériences inédites, et en optant pour une communication de proximité.

Le storytelling semble être le nouvel eldorado des marques, un outil qui leur permettra d’attirer leur

public, de capter leur attention et surtout de le fidéliser. Car au travers de cette mise en récit des

messages, les marques espèrent pouvoir se démarquer de la concurrence et parvenir à mieux

communiquer qu’une publicité habituelle. Cela ne signifie pas pour autant qu’une telle chose est

possible ou bien simple à mettre en application, mais nous pouvons trouver sur la Toile pléthores

d’articles vantant les mérites de telles stratégies, sans pour autant mettre en avant leur complexité.

1Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La

Découverte., Paris, 2007, p34

6

Les industries culturelles, sous l'impulsion des grands studios Hollywoodien, ont été les premières à

développer des stratégies de captation et de fidélisation des publics. Il faut dire qu'il est bien simple,

pour une œuvre culturelle, de capter l'attention du public étant donné que les personnages et

l'histoire existent déjà, ce qui n’est pas le cas pour une marque. C'est ainsi que Matrix est devenu un

univers, un monde2, plutôt qu'une saga de science-fiction. Les frères Wachowski, réalisateurs de la

trilogie, ont développé un univers fictionnel éclaté sur plusieurs médias, chaque nouvel outil

apportant un détail en plus sur ce monde, permettant de mieux le comprendre et de mieux

l'appréhender. Grâce aux jeux vidéo, au cinéma et au web, ils ont pu faire de Matrix un univers infini,

qui pouvait être prolongé pour l'éternité. Force est de constater que cette stratégie a fonctionné,

puisque près de vingt ans après, le film est encore sur toutes les bouches, et sa communauté de fans

toujours aussi importante et engagée2.

Cette stratégie fut nommée par Marcha Kinder en 1990 : le transmédia. Plus tard, le chercheur Henry

Jenkins expliquera dans son livre Convergence Culture3 que cet outil est le nouvel eldorado des

industries culturelles et médiatiques, mais qu'il représente aussi un bouleversement dans les

relations entre les communautés de fans et ces mêmes marques. Car cet outil n'implique pas

uniquement de créer un univers fictionnel infini, mais aussi de faire participer son public à son

prolongement. Il s'agit de co-création de contenus, entre un public d'amateurs passionnés et des

équipes de professionnels, souvent fiers de leurs créations et peu désireux de les partager.

A cela s'ajoute le fait qu'aujourd'hui le public passe d'un média à un autre avec une grande facilité,

notamment les plus jeunes. Cela implique donc que des métiers et des secteurs d'activités se

rassemblent pour travailler ensemble à des projets d'envergures sur plusieurs médias. La question de

ce bouleversement dans le cloisonnement des activités professionnelles pourrait être un sujet à part

entière d'enquête, mais il ne nous concernera pas directement ici. Il est cependant important de

l'introduire afin que le lecteur puisse mesurer la complexité d'un projet transmédia.

Henry Jenkins le définissait de cette manière :

« Une audience est immergée dans un univers à travers une multitude de points

d'entrée, donnant ainsi une expérience complète et coordonnée d'une histoire.»3

2 David PEYRON, « Quand les oeuvres deviennent des mondes » Une réflexion sur la culture de genre contemporaine à partir du concept de convergence culturelle », Réseaux, 2008, vol. 2, no 148-149, pp. 335-368.

3 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Collin., Paris, 2013, p.30.

7

Il s'agit donc en premier lieu d'immersion du public dans un univers fictionnel, on doit lui offrir une

réalité alternative intéressante, en même temps ancrée dans notre réalité, et en même temps

fictionnelle. Nous reviendrons sur ce point en premier partie, mais il est important de le garder à

l'esprit. Il y a également une dimension de multitude. En effet, le propre du transmédia est de

pouvoir décliner une histoire sur plusieurs médias. Mais le public doit pouvoir comprendre cette

histoire et les messages qu’elle véhicule, même s'il n'y entre pas par le média central. Autrement dit,

et pour donner un exemple, si nous jouons à un jeu vidéo Marvel, nous devons pouvoir comprendre

les grandes mythologies qui forgent cet univers. Enfin l'auteur met en avant la complétude d'une

telle histoire. Cela ne nous semble pas juste puisque le propre d'un univers fictionnel transmédia est

justement de ne pas être achevé, de pouvoir être décliné à l'infini. En revanche, la coordination de

l'histoire entre les différents médias est primordiale. Chaque nouvelle histoire doit être cohérente

avec les autres.

Dans cette définition, Henry Jenkins oublie une caractéristique très importante du transmédia, qui

est la participation de son public. En effet, pour immerger le public et pour que l'univers fictionnel

puisse être prolongeable, sa participation est indispensable. Afin qu’une telle stratégie apporte une

valeur ajoutée à tout autre dispositif de communication, la co-création de contenu y est centrale. Un

projet transmédia ne peut exister sans son public, sans ses fans, que nous définirons un peu plus loin

dans cette introduction.

Si nous devons ici tenter une métaphore pour définir ce qu’est le transmédia, nous parlerons d’une

toile d’araignée. Chaque fil représente un média, un mini-récit développé indépendamment des

autres. La somme de tous ces fils formant l’univers fictionnel, qui peut alors continuer à grandir au

gré de nouveaux récits rajoutés par les auteurs ou même le public. Au centre de cette toile, nous

retrouvons un récit principal, source de l’univers fictionnel, celui vers lequel tous les autres fils

tendent. La fonction des autres fils est de rajouter de la force et de la complexité au centre de la

toile. Ce sont les petits fils qui permettent de rajouter de la profondeur et de la grandeur à la toile

qui vient se former dans le temps. Une personne prise dans cette toile ressentira chaque remous,

chaque changement des fils qui lui apporteront de nouvelles informations, une connaissance plus

approfondie de l’univers fictionnel. Plus que tout, cette personne pourra participer à étendre

l’univers puisqu’elle sera en mesure de rajouter des fils, telle une araignée construisant une nouvelle

toile sur une ancienne. Car dans une stratégie transmédia, il n’y a pas qu’une seule araignée pour

construire cette immense toile, mais plusieurs qui permettent de rajouter de la force à l’ensemble.

Il semble alors difficile d'adapter cet outil de communication aux marques, étant donné que les

univers fictionnels n'étaient jusqu'alors développé que par des industries culturelles. Pourtant, le

transmédia storytelling peut constituer un outil au service des marques, un outil qui leur permettrait

de se démarquer de la concurrence. Avec les nouveautés technologiques en matière de réalité

8

virtuelle, ce dispositif évoluera sûrement encore, immergeant de plus en plus les personnes dans ces

univers, leur donnant la possibilité de participer et d'incarner en virtuel des personnages qu'ils ne

peuvent faire vivre dans la vie quotidienne. Mais les marques sont encore loin d'une telle chose, et

doivent déjà se familiariser avec le concept de base si elles veulent attirer et garder leurs

consommateurs.

Le transmédia storytelling pose très clairement la question des relations entre une marque et son

public à l'heure où il leur est de plus en plus difficile de les contrôler. Ce sujet semble donc pertinent

dans le cadre d'un mémoire de recherche en communication numérique, et suit la logique de nos

recherches précédentes sur les relations entre les communautés de fans sur internet et les industries

culturelles4. Avec internet, les marques ne peuvent plus ignorer leurs publics, ni ne plus leur

répondre sans en subir de lourdes conséquences5. Les publics se rassemblent de plus en plus en

communautés « virtuelles », usant de leurs pouvoirs de premier consommateur et fan pour

influencer les industries culturelles. On peut donc imaginer que les marques peuvent subir le même

sort. D'ailleurs, combien de scandales ont éclaté ces dernières années dans les médias concernant

telle ou telle entreprise qui n'avait pas un comportement citoyen responsable ?

L'image des marques est devenue aujourd'hui plus importante que les produits qu'elle vend ou que

les services qu'elle peut rendre. Cette dernière peut se définir par ce que la marque montre de ses

valeurs, mais surtout par la vision du monde qu'elle offre à ses consommateurs6. Nous ne sommes

plus dans une ère de performance pour les marques, mais dans une ère d'identité, dans ce qu'elles

peuvent communiquer d'elles à leurs clients. Les valeurs d'une marque sont prépondérantes à ses

services, et la manière dont elles communiquent peuvent changer les relations qu'elles entretiennent

avec leur public. C'est de cela que nous traiterons dans ce mémoire :

De quelle manière le transmédia storytelling bouleverse-t-il les relations entre les

marques et leurs publics, pour les rassembler dans des communautés soudées

autour des codes de l’univers fictionnel ?

Le transmédia storytelling implique donc l'existence (ou l'apparition) de communautés de fans. Nous

entendons ce mot dans son sens large, c'est-à-dire, des groupes d'individus qui se rassemblent et

4 Mégane Forestier, Les relations entre les communautés de fans de séries télévisées sur internet et les industries culturelles : étude de cas de communautés de fans de Supernatural, Université Lumière Lyon II, Lyon, 2015.

5 Benoît Heilbrunn, « Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque », Revue française de gestion 2003/4 (no 145), p. 131-144

6 Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, op. cit.

9

partagent des centres d'intérêts. Le terme de fan n'est pas ici à penser uniquement sous son

appellation de « fan d'une œuvre culturelle ou d'une vedette », mais aussi dans le sens d'un « fan

d'une marque ». Si les définitions de cette notion sont nombreuses, nous en retiendrons deux :

«[Les fans constituent] le segment le plus actif du public des médias : ils refusent

d'accepter tel quel ce qui leur est donné et revendiquent le droit à être un participant

à part entière. »7

« Les fans acquièrent avec l’objet de leur passion un sentiment d’affinité et de

proximité qui ne saurait se comparer à la sincérité ponctuelle et surfaite de l’auditeur

d’un jour. »8

L’auteur pose ici trois caractéristiques principales des fans. Tout d'abord leur désir de participer au

prolongement de leur objet de passion. Ensuite, le fait qu'ils sont capables de prendre du recul et

d'avoir un esprit critique pour se réapproprier les codes de cet objet. Et enfin, leur expertise, leur

affinité et le sentiment de proximité qu'ils ont avec lui. En somme, les fans permettent à une marque

ou une œuvre culturelle d'exister et de se développer. De par le fait qu'ils en sont les premiers

consommateurs, les entreprises doivent prendre en compte ces caractéristiques pour les toucher, et

surtout pour les fidéliser. Car plus important encore, les fans sont les premiers acheteurs, ceux qui

permettent à une œuvre ou une marque de durer. Sourds aux critiques et moqueries d’autres

personnes, ils se font presque un devoir de contribuer à l’amélioration et à la notoriété de leur objet

de passion.

Le transmédia storytelling permet, selon nous, la constitution de ces communautés de fans. Nous

partirons donc, pour répondre à notre problématique énoncée plus haut, de trois hypothèses. Dans

un premier temps, nous montrerons que le transmédia storytelling permet une participation plus

aboutie de son public grâce à une immersion complète dans un univers fictionnel et à l'utilisation

d'une dimension ludique. Le jeu y aura une grande place puisqu’il est ce par quoi les fans peuvent se

réapproprier les codes de l’univers fictionnel mais plus que tout, le jeu permet une immersion encore

plus poussée dans le dit univers, comme nous l’expliquait Vincent Berry :

« On parle communément d’immersion comme d’une plongée dans l’eau, pour

évoquer ainsi l’idée d’une expérience forte, absorbante, monopolisant toute

l’attention de l’utilisateur ou du consommateur. » 9

7 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.166 8 Ibid, p.166

10

Selon nous, c’est grâce à ces expériences d’immersion qu’un projet transmédia permet de capter

l’attention de son public. Or, avant d’espérer fidéliser un public, il faut commencer par attirer son

attention. Vincent Berry explique très bien ici que grâce aux jeux, et notamment aux jeux vidéo, une

personne devient captive de l’univers. Bien sûr, l’immersion et la captation du public dans le cadre

d’un projet transmédia, comme nous le verrons, n’est pas chose aisée, et les stratégies pullulent. Plus

encore, la question de la participation du public est complexe, puisque chaque marque aura en tête

une définition bien précise de ce terme. Nous parlons cependant ici de co-création de contenus, ce

qui suggère que les marques ne peuvent plus contrôler totalement leur public, leur laissant pour ainsi

dire une certaine liberté. Il est alors difficile de jauger cette liberté d’autant plus lorsqu’on sait que

les fans aiment à détourner et parodier leurs œuvres favorites.

Notre seconde hypothèse traitera des stratégies de communication mises en place lors d’un projet

transmédia. Nous supposons qu’un tel dispositif permet une meilleure connaissance de son public

et une proximité plus aboutie. Selon nous, le transmédia, grâce à l’utilisation de nouvelles

technologies telles que les réseaux sociaux ou les événements transversaux IRL (In Real Life)10, peut

rapprocher une marque de son public, créant ainsi une relation sur la durée. Il s’agit ici de montrer

que le marketing expérientiel et relationnel est une méthode approuvée pour accroître sa notoriété.

Cependant, nous ne saurions encourager de telles stratégies sans penser au public. Car si le

marketing relationnel permet bien de mettre en place une relation durable entre une marque et son

public, il faut pouvoir entretenir cette relation et la mettre en place dans le cadre d’un dispositif de

mise en récit. Nous montrerons donc au travers de cette hypothèse que si les marques ayant de

telles dispositifs parviennent souvent à entretenir une relation avec leur public, le dispositif

transmédia est parfois mis de côté au profit d’une communication plus habituelle. Car la difficulté de

tels dispositifs est bien de devoir communiquer à tous temps grâce à une mise en récit. Plus encore,

une telle relation de proximité, alliée à la participation du public induit également une co-

construction de l’identité de la marque.

Enfin, nous montrerons que le transmédia storytelling permet la construction de communautés de

fans soudés autour des codes de l’univers fictionnel. L'immersion y aura ici une place

prépondérante, mais le type de communication de la marque également, de même que la manière

dont elle a investi chaque média avec son univers fictionnel. Plus que tout, cette hypothèse vise à

démonter qu’une marque adoptant un dispositif transmédia peut s’assurer de la fidélité d’une

9 Vincent Berry, Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéos, communautés et apprentissage,

http://www.omnsh.org/ressources/548/immersion-dans-un-monde-virtuel-jeux-video-communautes-et-

apprentissages, consulté le 15 avril 2016 10 Dans la vie réelle.

11

communauté de fans. Ils seront alors à même de vouloir partager leur passion avec leur proche, et

deviendrons ainsi ambassadeur de la marque. Pour mieux comprendre alors les relations entre les

marques et leur public, il nous faudra étudier le fonctionnement de telles communautés. Nous le

répétons une fois de plus : un projet transmédia ne peut exister sans son public. En ce sens, il est

utile de rappeler que pour construire de telles communautés, il faut pouvoir connaître son public.

Notre seconde hypothèse vise à montrer que ces dispositifs de mise en récit permettent cela. Grâce à

cela, les marques sont alors à même, en utilisant les bons outils de la bonne manière, de faire

apparaître des communautés de fans.

Nous parlons bien ici de marque, qu’il s’agisse d’une œuvre culturelle ou d’une marque de

consommation courante. Car nous considérons que les œuvres culturelles sont des marques, comme

Jean-Noël Kapfer les définit :

« La marque exprime une valeur, un savoir-faire, une expertise, une histoire,

un engagement, une caution, qui contribuent à aider le consommateur dans son

choix. »11

Grâce à leurs univers fictionnels, elles transmettent des codes et des messages, une vision du monde

en sommes. Chaque œuvre culturelle a par ailleurs sa propre histoire et démontre un certain savoir-

faire que ce soit en matière de techniques cinématographiques, scénaristiques, littéraires ou en

terme de service de qualité. Elles sont uniques autant dans leur vision du monde que dans leur

manière de la communiquer. De plus, les œuvres culturelles permettent un engagement de la part

des publics, autour de communautés de fans, depuis plusieurs siècles déjà.

C’est pourquoi la plupart de nos analyses seront celles d’œuvres culturelles. Ajoutons à cela que la

plupart des marques habituelles que nous connaissons sont encore peu nombreuses à mettre en

place un dispositif transmédia complet. Afin de ne pas privilégier un type d’œuvre au détriment

d’une autre, nous avons choisi d’étudier plusieurs types, chacun reflétant certains aspects importants

d’un projet transmédia. Le dernier opus de la saga Star Wars, Le Retour de la Force sorti en décembre

2015, nous apportera des réponses quant à la mise en place de nouveaux codes pour un univers déjà

mondialement acclamé et connu. De plus, il nous offrira la possibilité de comparer deux anciennes

trilogies à la nouvelle actuellement en production, et ainsi de recueillir des avis de fans. Ainsi, nous

analyserons ici le dispositif transmédia complet de cette œuvre, en oubliant volontairement celui de

la saga. Tout d’abord car l’étude du dispositif de la saga, soit 7 films et plus de 30 d’histoires, serait

11 Jean-Noël Kapfer, Glossaire Marque, http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Marque-238333.htm, consulté le 3 mars 2016

12

bien trop long pour une enquête de cette envergure. Ensuite car le dispositif du dernier opus étant

récent, nous faiclite l’accès à tous les contenus.

Hero Corp, série française réalisée par Simon Astier (frère du concepteur de la série Kaamelott), nous

permettra de voir comment un dispositif transmédia peut s’adapter à la sérialité, et surtout ce qu’il

offre en plus comme expérience, comment il parvient à capter l’attention du public lors d’inter-

saisons. Ici par contre, nous analyserons le dispositif entier de la série, initiée à partir de la saison 3.

Le Projet Blair Witch nous servira de référence pour mettre en avant que le succès d’une œuvre tient

avant tout de sa campagne marketing, mais surtout que sa continuité peut soit la servir, soit la faire

oublier par les foules. S’agissant là encore d’une œuvre cinématographique, nous analyserons le

dispositif initié pour la campagne de promotion du film. Cela sera également complété par un

visionnage des deux films et une comparaison montrant ainsi toute l’importance de la cohérence afin

de construire une communauté de fans soudées autour des codes de l’univers fictionnel.

Nous avons enfin voulu étudier deux autres œuvres utilisant les ARG (Alternative Reality Game) pour

immerger son public dans une expérience inoubliable : la campagne de promotion du film The

Amazing Spiderman, nouvel opus de la société de production Marvel. Son dispositif transmédia de

promotion est intéressant pour montrer la difficulté d’immerger son public mais surtout de mêler la

réalité et la fiction. Le jeu (ou fiction totale) Alt-Minds, par Eric Viennot et Orange nous permettra de

mieux comprendre la difficulté d’inter-connexion de chaque média dans un projet de ce type, mais

surtout la difficulté de ciblage du public.

Enfin, nous étudierons le dispositif d'Oasis, marque de boisson, qui nous permettra de prouver la

possibilité, pour n'importe quelle marque, d'adapter des stratégies de communication natives des

industries culturelles pour forger leurs propres communautés de fans.

Ces analyses sémiologiques seront complétées par des entretiens individuels menés auprès de fans

d'Hero Corp et de Star Wars. Cela nous permettra de mieux comprendre les attentes des différents

publics, mais surtout de déterminer si la mise en place d’une stratégie transmédia est bien perçue.

Nous traiterons chacune de nos hypothèses séparément, nous intéressant dans un premier temps

aux enjeux de la participation du public dans un dispositif transmédia. Nous commencerons par

montrer que l’immersion dans un univers fictionnel passe par ses personnages, mais aussi par le

choix des médias qui véhiculeront les récits. Le jeu aura aussi une place prépondérante dans

l’immersion et la captation du public, lui offrant la possibilité de prolonger l’univers tout en

récompensant sa participation par des cadeaux symboliques ou réels. Enfin, nous montrerons que le

propre d’un dispositif transmédia est de brouiller les frontières entre la réalité et la fiction,

notamment grâce aux ARG et autres événements transversaux liés à l’univers fictionnel, mais aussi

grâce au détournement de certains codes médiatiques.

13

Dans une seconde partie nous étudierons les différentes stratégies de communication mises en place

par les marques afin de se rapprocher de leur public. C’est ici que nous montrerons l’importance des

réseaux sociaux pour construire et entretenir des communautés de fans attachées aux codes de

l’univers fictionnel. Nous mettrons en avant certaines stratégies de mise en scène des personnages

mais aussi des manières de communiquer opposées. En effet, certaines marques joueront la

transparence pour se rapprocher de leur public, dévoilant ainsi tout de l’univers, tandis que d’autres

préféreront jouer la carte du mystère, incitant ainsi leur public à découvrir l’univers par eux-mêmes.

C’est également dans cette partie que nous introduirons la mise en récit de la communication des

marques, impliquant ainsi l’importance de la cohérence de l’univers au travers de son prolongement

sur plusieurs médias, mais aussi des difficultés liées à la technologie et à l’innovation qu’entraîne

tous projets de ce type. Enfin nous nous attacherons à décrypter les différents discours de promotion

accompagnant chaque dispositif transmédia. Ce dernier point aura toute son importance puisque

nous montrerons que le succès d’un tel dispositif tient avant tout à sa bonne compréhension par le

public, que ce soit au travers des codes qu’il développe, mais aussi grâce aux discours

d’accompagnements des marques.

Enfin, dans une troisième partie nous évoquerons plus en longueur la question des communautés de

fans. Il s’agira ici de montrer que leur construction est d’abord portée par un désir individuel

exacerbé par la somme des individus qui affichent leur passion et souhaitent la partager. Nous

montrerons également qu’un dispositif transmédia permet un engagement plus poussé des fans,

alors prompts à défendre leur objet de passion envers et contre tout, mais surtout désireux de

s’approprier ses codes. Ce dernier point sera notamment développé au travers d’une partie

concernant les fan-fictions, récits écrits par les fans imaginant ce que pourrait être leur univers

préféré, et sur les différents points de vue émergeant au sein des communautés de fans.

14

I Construire un univers fictionnel étendu et permettre la co-création de

contenu pour séduire son public

Si le propre du transmédia est de développer des univers fictionnels éclatés sur plusieurs médias, sa

principale difficulté est sans aucun doute de devoir capter l’attention de son public dans un monde

où l’image règne et où il existe de nombreuses stratégies pour attirer sa cible. Cette première partie

nous permettra d’aborder cette question. Au travers d’analyses de différents dispositifs très

différents les uns des autres, nous montrerons qu’un projet transmédia doit son succès à sa capacité

d’immerger son public dans les codes de l’univers. Cela passera par plusieurs stratégies, toutes usant

du jeu récompensé et du « brouillage » des frontières entre réalité et fiction.

1. Immerger son public dans un dispositif éclaté sur plusieurs médias

L’immersion dans un univers fictionnel passe avant tout par ses personnages. Cette première sous-

partie abordera cette question et montrera combien la construction de personnages ancrés dans une

certaine réalité permet une captation et une immersion plus poussée dans l’univers fictionnel. Nous

montrerons également combien se focaliser et connaître son public est important pour choisir ses

personnages, mais aussi les médias qu’un dispositif transmédia utilisera.

1.1 De l’importance des personnages pour capter l’attention du public

Le transmédia tire d’abord sa force du storytelling. Venu de l’Antiquité Grecque, cela consiste à

mettre en récit des messages, des valeurs, des idées. A l’époque, les philosophes et grands orateurs

grecs avaient compris que pour que leurs auditeurs retiennent mieux leurs idées, il valait mieux leur

raconter des histoires. C’est ainsi que le mythe de la caverne est parvenu jusqu’à nous, raconté par

Platon. Cette mise en récit d’une idée complexe a permis à bon nombre de personnes de

comprendre l’un des fondements de la philosophie grec : la difficulté de percevoir la réalité et de

transmettre ses connaissances. Plus tard, Aristote, dans différents traités, expliquera comment

construire une histoire qui persuade. Car, comme le rappelle Jeanne Bordeau :

« La mise en récit fait disparaître les concepts abstraits au profit de la venue du sens

qui provoque la parole même si au départ elle est en fragments. Elle est concrète, elle

est évocatrice et va vite trouver son « fil d'or ». »12

En somme, l’auteure nous explique ici que le storytelling permet de mieux comprendre un message

car ce dernier devient concret dans un récit. Elle va plus loin en mettant en avant ce qui fait un bon 12 Jeanne BORDEAU, Storytelling et contenu de marque : La puissance du langage à l’ère du

numérique, Ellipses., Paris, 2012, p 108

15

récit. Tout d’abord, un mythe doit fonder l’histoire. Les entretiens réalisés avec les fans de Star Wars

lui donneront raison. Un des fans insiste notamment sur le fait que la force de cette franchise réside

dans les mythologies dont elle s’inspire :

« Difficile d'analyser le pourquoi d'un ressenti outre les références sur les mythes

récurrents qui ont façonné nos sociétés. »13

Le mythe est donc important, puisqu’il permet aux lecteurs/spectacteurs/auditeurs de s’identifier à

l’histoire, de mieux la comprendre. A cela il faut ajouter un ou des archétypes, permettant à chacun

de mieux s’identifier à l’histoire, de la comprendre au-delà de leur culture générale. Pour donner un

exemple, nous pouvons parler d’une représentation du héros. Combattif, prêt à tout pour finir sa

quête, il fait passer son devoir avant le reste et ne tue jamais sans une très bonne raison hautement

morale. Voilà donc une représentation archétype de ce qu’est un héros dans les contes. Enfin, Jeanne

Bordeau ajoute à cela l’inconscient collectif. L’histoire doit toucher par l’émotionnel mais aussi par le

rationnel. Elle doit exister pour une raison : expliquer l’Homme et son fondement, les différents rites

de passages qui font de lui ce qu’il est. Si l’on reprend la saga Star Wars, chaque film raconte un

passage important dans la vie du héros, Anakin Skywalker : devenir un homme libre (sujet du premier

film) et se mettre au service des autres (lorsque le héros devient un Jedi, dans le second film) et

trouver sa place dans l’univers (objet du troisième film).

Mais l’auteure oublie l’un des fondements de toutes les histoires : les personnages. Car c’est par eux

qu’on rentre dans un univers fictionnel, si petit et incomplet soit-il. Si nous évoquons plusieurs films,

séries ou livres, vous souviendrez-vous tout d’abord de l’ambiance générale ou du nom d’un des

personnages principaux ? Nous avons demandé aux fans avec lesquelles nous avons eu des

entretiens comment ils s’étaient attachés à leur univers favoris, et tous sans exception nous ont dit

que c’était grâce aux personnages :

« Mais Star Wars, comme le Seigneur des Anneaux ou Matrix, nous permet de nous

identifier à des personnages multiples aux enjeux profonds, tout en nous dépaysant

complètement. »14

« On fait partie de la série car on s’y identifie, les personnages nous ressemblent, ils

sont remplis de défauts et d'humanité, ce sont des anti-héros qui font des actes

héroïques. »15

13 Annexes V, Retranscriptions d’entretien avec des fans de Star Wars, Entretien n°2, p. LIII, réalisé en avril 2016 14 Op. cit, p. LIII-LIV

16

Ces dires confirment donc ce que Sarah Sepulchre avait initié dans son livre sur les séries16 : les

personnages sont au premier plan quand il s’agit d’immerger un spectateur dans une histoire. C’est

pourquoi, quand on souhaite mettre en place un dispositif transmédia, il faut se concentrer sur les

personnages avant tout autre chose. En somme, il faut les caractériser aussi bien que s’ils étaient des

personnes réelles (nous reviendrons sur leur réalité un peu plus loin), dotées d’une psychologie,

d’une personnalité, de passions et de haines. Un personnage mal construit peut empêcher à un

certain public de reconnaître la force d’un univers fictionnel, comme nous le disait un fan de Star

Wars lorsqu’il nous parlait de la prélogie :

« Je lui reproche … Anakin Skywalker, bon après ça peut être aussi logique parce que

ça reste un ado mais, le voir en mode kikoo lol se rouler dans l’herbe avec Padmée,

t’es là ‘’ mec tu vas tuer des enfants dans 1 film ! Tu vas tuer des enfants de sang

froid ! Dans le même film tu vas détruire tout un peuple parce qu’ils ont tué ta mère !

Non tu te roules pas l’herbe quoi ! ‘’ »17.

On remarque ici que la cohérence du personnage principal d’un film à un autre est aussi important

que sa psychologie et sa personnalité. En soit, si ce fan aime beaucoup ce personnage, il n’a pas

supporté le voir profiter de la vie en souriant alors que le film suivant il était Dark Vador, le tyran très

connu de la saga. Il a perçu, dans cette histoire, un décalage entre ce qu’il a connu avec les films

précédents, et cette nouvelle caractérisation d’Anakin Skywalker.

Les personnages sont tellement importants dans une stratégie transmédia que certaines marques,

comme Oasis, en ont fait la force de leur stratégie. Oasis est une marque de boisson du groupe Volvic

qui a initiée sa stratégie transmédia en mettant en avant des personnages symbolisant les différents

goûts de sa boisson. Elle les met en scène dans des publicités, sur les réseaux sociaux et dans des

web-séries. En effet, si l’on regarde le site de la marque, on retrouve des « cartes d’identités » de ses

personnages-fruits :

15 Annexes IV, Retranscriptions d’entretien avec des fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXIX, réalisé en mai

2016 16 Sarah SEPULCHRE, Décoder les séries télévisées, De Boeck., Bruxelle, 2011. 17 Annexes V, Retranscriptions d’entretien avec les fans de Star Wars, Entretien n°1, p.XLV, réalisé en avril 2016

17

Sur cette fiche, on peut trouver le caractère du personnage, véritable héros doté d’une force

surhumaine. Même ce qu’il aime et n’aime pas rappelle l’archétype du héros : il veut « sauver les

fruits de la noyade ! » et n’aime pas « Poiro le pleutre ». Evidemment, ces fiches d’identités ne

sauraient suffire à faire aimer un personnage. Leur mise en scène est là pour ça. A chaque média

investi par la marque, les personnages sont mis en avant. Sur les réseaux sociaux, ils sont

régulièrement mis en scène par des visuels détournant les tendances actuelles (nous y reviendrons

dans une future partie). La web-série L’Effet Papayon permet également une mise en scène de ces

personnages.

Série animée de 4 épisodes, elle raconte les aventures des personnages d’Oasis. L’épisode

commence par la fin, où l’on voit les fruits face à une situation dramatique. On peut alors avoir peur

pour eux et, curieux, vouloir savoir comment ils en sont arrivés là. Puis, un flash-back nous ramène

quelques temps en arrière, permettant de planter le décor. Chaque nouvelle scène est très comique,

et on commence à comprendre comment les fruits se sont mis dans cette situation. Finalement, on

rit de leur malheur. Mais le plus intéressant, outre le fait de développer une web-série, c’est qu’à

chaque nouvel épisode, on apprend à connaître un peu mieux les personnages de la marque. Si

certains sont mis en avant dans quelques épisodes, on se rend très vite compte qu’ils sont en réalité

les « super-héros » de la marque, les personnages principaux. Ils sont en effet mis en avant sur le site

internent au moyen d’un encart « Super-fruits », tandis que les autres fruits de la marque semblent

être des acolytes, et donc moins importants.

18

Car pour tout univers fictionnel, il faut des personnages principaux, mais aussi des personnages

secondaires. Sarah Sepulchre faisait une grande distinction entre ces deux catégories18. Les

personnages principaux permettent aux spectateurs de s’immerger dans l’univers car ils

s’identifieront à l’un d’eux. Ce sont des personnages centraux qui doivent être développés dans toute

leur profondeur. Les personnages secondaires, moins importants, permettent de donner un peu plus

d’épaisseur à l’univers et aux personnages principaux. Ils peuvent être récurrents, c’est-à-dire

présents à chaque nouvel épisode, ou occasionnels, apparaissant de temps en temps. Généralement,

ils évoluent peu à la différence des personnages principaux qui se doivent de changer petit à petit

afin de rendre l’univers plus attractif. Si l’auteure parle ici de séries télévisées, cela fonctionne de la

même façon quel que soit le support sur lequel sera développé l’univers.

Oasis ne fait pas évoluer ses personnages d’un média à un autre ou d’un épisode à un autre, mais elle

utilise tous les archétypes que les jeunes, cœur de cible de la marque, connaissent. Et cela est tout

aussi important que leur évolution. Pour s’identifier à un personnage, il faut pouvoir se reconnaître

au moins en partie en lui, mais surtout reconnaître un « type » de personnes qu’on est ou aimerait

être. Si chaque univers développe ses propres idéologies et idées ou « vision du monde », les

archétypes doivent demeurer. A ce propos, les fans d’Hero Corp que nous avons interrogé nous ont

tous dit que ce qui faisait qu’ils aimaient les personnages de la série étaient le fait qu’ils étaient

comme eux. En somme, il s’agissait de personnes du quotidien, avec certes des superpouvoirs, mais

leur psychologie et leur personnalité restaient proches de personnes réelles. Ainsi, les spectateurs

n’ont pas l’impression que ces personnages sont inaccessibles, ils ont des faiblesses et des qualités

que tout être humain peut avoir.

Ainsi les personnages, première « vitrine » de l’univers fictionnel doivent être développés avec

attention afin que les spectateurs puissent s’identifier à eux et ainsi s’immerger dans l’univers. Mais

plus encore, ils doivent être en accord avec l’univers développé car ce sont eux qui lui donnent de

l’épaisseur. Si l’on reprend l’exemple d’Oasis, qu’iraient faire des personnages sérieux dans cet

univers si drôle ? La cohérence entre les personnages et l’univers dans lequel ils évoluent à autant

d’importance que les médias qui le développeront.

1.2 Savoir utiliser les médias adéquat pour construire un univers fictionnel cohérent

Outre les personnages, les médias ont une importance capitale dans un projet transmedia. Si l’on

reprend la métaphore de la toile d’araignée que nous avons exposée en introduction, chaque fil est

interdépendant des autres, et en même temps, on doit pouvoir comprendre l’univers quel que soit le

18 Sarah SEPULCHRE, Décoder les séries télévisées, op. cit.

19

média par lequel on le découvre. Toute la difficulté est là : savoir utiliser chaque média

correctement. Il ne s’agit pas non plus d’utiliser un média sans que cela apporte de la valeur ajoutée

à l’univers. Il faut que chaque nouveau récit permettent d’agrandir la toile, de rajouter des fils qui

inciteront le public à s’engager :

« Ce qui se trouve ainsi particulier à la sérialité c'est de trouver le juste équilibre entre

la fragmentation de l'histoire en plusieurs volets sémiotiquement autonomes et la

dissémination de ces volets à travers des configurations médiatiques

interconnectées. »19

Un projet transmédia est sériel par définition puisqu’il développe un univers sur plusieurs médias,

mais surtout parce qu’il développe plusieurs mini-récits interdépendants les uns des autre. Cette

fragmentation n’est pas sans danger puisqu’elle peut mettre en péril la cohérence de l’univers et en

même temps perdre un certain public. Car chaque public n’utilise pas les mêmes médias. Là où Oasis

a su développer un univers cohérent c’est parce qu’il utilise des médias où les jeunes s’investissent :

les réseaux sociaux, les blogs, YouTube, la télévision, les applications mobiles interactives. La marque

a su investir les médias des jeunes, et trouve donc son public. Il est alors plus simple pour Oasis de

capter son attention et de le faire adhérer à son univers.

Puisque le but est bien entendu d’être visible, d’engager et de pousser son public à agir, il faut savoir

utiliser l’interactivité que chaque média offre. Le transmédia permet, comme nous le supposons, de

se rapprocher de son public, de construire avec lui une relation durable. Cela passe par l’interactivité

et la co-création de contenu. Mais avant d’espérer interagir avec son public, il faut savoir où il est.

Ainsi, une bonne connaissance de sa cible est indispensable avant même de penser à développer un

projet. Mais plus que tout, les médias investis doivent aussi se justifier en fonction des codes de

l’univers, et même de son genre. Star Wars est une saga de science-fiction, et à ce titre la technologie

y est très présente. Quoi de plus naturel alors que d’investir les nouvelles technologies en masse ? Le

travail réalisé par la production de la franchise en terme de transmédia est à la hauteur des

espérances du public : applications en réalité augmentée et virtuelle20, site internet avec « visite »

virtuelle d’une planète21, vidéo à 360° immersive22, jeux vidéo sur les dernières consoles de salon,

19 Jeanne LEVAISSIERE, « Produire du transmédia pour la fiction française : un défi entre nécessité, adaptation des

modes de production et nouvelles écritures fictionnelles », CELSA, Paris, 2014, p38. 20 Annexes II objet du corpus : Star Wars, Ecran d’accueil de l’application officielle de Star Wars, p. IX 21 Annexes II objet du corpus : Star Wars, Capture d’écran de la page d’accueil du site internet dédié au 7ème

opus, p. XI. 22 Annexes II objet du corpus : Star Wars, Capture d’écran de la vidéo à 360° postée sur Facebook, p. X

20

etc. Si le dispositif de Star Wars investi en masse les dernières technologies, c’est bien parce que cela

correspond à son univers.

La cible ne doit pas être oubliée pour autant. Nos entretiens avec les fans d’Hero Corp nous ont

montré que la technologie pouvait perdre même les fans les plus désireux de s’investir :

« Je pense à ceux notamment qui n'ont pas eu l'occasion de suivre toute la série, de

ne pas savoir trop ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux, et de l'existence de

l'application, je pense qu'ils peuvent être très vite perdus. Je pense que s’il y avait des

éléments important, il aurait peut-être fallu les mettre dans la série principale à la

télévision. »23

Ce fan expose clairement que si le dispositif transmédia de la série est une très bonne chose pour

ceux qui veulent en savoir plus, l’utilisation de technologies comme les applications mobiles n’est pas

adéquate puisque tous n’y ont pas accès. En somme, il dit que ce média n’était peut-être pas adapté

au cœur de cible de la série. L’inter-connectivité de chaque média, de prime abord si stimulante et

innovante, peut donc cacher un piège potentiel : perdre le spectateur. C’est ce que Christian Briceno

évoquait lors du Forum Blanc de 201424. Il faut que le contenu, les plateformes et l’auditoire soient

cohérents. C’est ce qu’il a appelé les piliers d’un projet transmédia. Si on néglige un seul d’entre eux,

la cohérence n’est plus, et on risque de perdre son public.

Encore plus intéressant est la suggestion de ce fan qui souhaiterait mettre tout ce qui est important

dans le média principal, soit la télévision. Mais qu’est-ce qui peut être jugé comme important dans

un projet transmédia ? Quelle est l’arc narratif principal d’un projet transmédia ? Puisque chaque

média, chaque nouveau récit est dépendant des autres, et en même temps peut et doit se

comprendre à lui seul, il est difficile de choisir un arc narratif principal qui saura porter toute

l’histoire. Prenons l’exemple de la web-série La Voie de Klaus, faisant parti du dispositif d’Hero Corp.

Développée en même temps que la saison 4, elle se concentre sur Klaus, un des personnages

principaux de la série. Avant la diffusion de nouveaux épisodes de la saison 4, un épisode de la série

était disponible sur l’application et la plateforme de France 4. Ainsi, on rendait ce récit plus

disponible puisque ceux qui ne pouvaient avoir l’application pour différentes raisons, pouvaient y

avoir accès sur le site internet de la chaîne diffusant la série.

23 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXVI, réalisé en

mai 2016

24 Anonyme, Le transmédia en 2014 : Constats et réflexions sur l'industrie

21

Mais l’intrigue est plus importante que la disponibilité de la web-série. Lors de la saison 4, Klaus

n’apparaît que par intermittence, loin de tous les autres personnages. On ne comprend ni où il est, ni

pourquoi, ni ce qu’il y fait. Si son costume et le décor nous permettent de deviner qu’il est dans un

temple bouddhiste en quête d’une chose importante pour lui, nous n’en savons pas plus et il est très

déroutant de ne pas comprendre les enjeux liés à ce personnage. C’est en regardant la web-série que

l’on peut tout comprendre : Klaus est dans un temple car il se prépare mentalement à arrêter John,

son meilleur ami mais aussi personnage principal de la série et grand super-héros. Pour cela, il devra

le tuer, comme nous le verrons à la fin de la saison 4. Sans cette action, le monde est perdu.

Ainsi, cette web-série semble bien appartenir à l’arc narratif principal de la saison 4, alors même

qu’une seule partie de son intrigue apparaît dans la diffusion télévisuelle. Voilà une chose que l’on

pourrait juger importante voire même capitale pour l’univers fictionnel de la série. L’interconnexion

entre cette web-série et la série en elle-même est telle qu’on ne peut comprendre l’une sans avoir vu

l’autre, quel que soit le sens dans lequel on prend les choses. Le dispositif transmédia d’Hero Corp

rend chaque média dépendant d’un autre. Si bien sûr la série se suffit à elle-même pour comprendre

et s’immerger dans l’univers fictionnel, chaque saison apporte son lot de questions restées sans

réponses.

C’est l’un des principes moteurs des séries : le cliffhanger. Cette technique consiste à finir chaque

épisode et donc chaque saison par un suspens, encourageant ainsi le public à attendre la suite. Le

dispositif transmédia d’Hero Corp joue de ce climax pour développer des mini-récits qui font office de

suite à la série principale. Si La Voie de Klaus fait bien plus que cela, puisqu’elle développe l’arc

narratif de la saison 4, elle permet aussi de répondre à la question « Qu’est-il arrivé à Klaus ? »

résultant du cliffhanger de la fin de la saison 3. Les autres web-séries et applications développées

permettent de faire le pont entre les différentes saisons, coupant ainsi les ellipses temporelles

induites par la série.

Les séries sont propices au développement de projets transmédia puisqu’elles peuvent s’étendre à

l’infini, offrant ainsi des univers riches tant au niveau de l’intrigue qu’au niveau des personnages. La

sérialité est justement, selon Mélanie Bourdaa25 l’un des fondamentaux d’un projet transmédia

réussi. Hero Corp a su s’emparer de cette particularité pour développer un dispositif transmédia où

chaque nouveau récit devient dépendant d’une saison mais aussi de l’évolution des personnages au

moment de l’intrigue. Malheureusement, comme nous l’ont dit les fans, cela est à double tranchant :

25 Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques immersives », URL:

http://www.inaglobal.fr/numerique/article/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et-logiques-

immersives, consulté le 14 octobre 2015.

22

si ce dispositif permet effectivement de répondre aux questions que la série télévisées laisse en

suspens, il perd aussi une partie du public, qui ne peut avoir accès aux supports.

Ainsi, nous avons vu dans cette partie l’importance de développer des personnages principaux et

secondaires aux personnalités et psychologies multiples, offrant ainsi un premier pas vers

l’immersion dans l’univers fictionnel grâce à l’identification aux personnages, porteurs de l’intrigue et

des codes de l’univers. Mais pour les rendre visible et accessibles, il faut savoir utiliser les bons

médias. En plus de devoir être interdépendants tout en apportant une valeur ajoutée à l’univers

développé, chaque support doit pouvoir se comprendre seul. C’est là toute la difficulté d’un projet

transmédia, en plus de devoir accorder chaque média avec l’univers mais aussi avec son public. Cela

n’est qu’un premier pas vers l’immersion, car le propre d’un projet de ce type est aussi de permettre

à son public d’apporter de nouveaux contenus.

2. La co-création de contenu par le jeu : quand les marques ne contrôlent plus

leur public

Cette seconde sous-partie se focalisera sur la dimension ludique que tout projet transmédia permet

de mettre en œuvre. Cela permet au public de mieux connaître l’univers en question, de s’y

immerger encore plus. Ainsi, les marques parviennent à « captiver » l’attention de leur public mais le

récompensent également par des jeux et concours qui demandent leur participation.

2.1 Mieux connaître l’univers fictionnel en participant à son prolongement

Henry Jenkins dans Culture de la Convergence26 nous expliquait qu’il fallait co-créer le contenu d’un

projet transmédia. Cela ne signifie pas que plusieurs collaborateurs doivent travailler ensemble afin

de créer un univers fictionnel très vaste, voire même infini. La co-création d’un contenu engage le

public, qui se saisit alors des codes de l’univers fictionnel. Il y a évidemment beaucoup de moyens

possibles pour qu’un fan se réapproprie ces codes, notamment au travers des fan-fictions, mais nous

reviendrons sur ce point plus tard. En réalité, la plupart des projets transmédia que nous avons

analysé utilisent tous le jeu pour encourager la participation du public.

S’il existe différents types de jeu, nous nous intéresserons ici au jeu vidéo puisqu’ils offrent une

immersion dans l’univers fictionnel bien plus poussée qu’un simple jeu de société par exemple. Pour

être appelé « jeu vidéo », plusieurs caractéristiques doivent être respectées :

26 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Collin., Paris, 2013.

23

• L’existence d’un avatar : un joueur incarne un personnage, qui agit à sa place dans l’univers

fictionnel construit pour le jeu ;

• Un monde persistant : un jeu continue d’évoluer même lorsque le joueur en est absent. En

somme, il est indépendant du joueur et a sa propre existence ;

• L’existence de communautés : que l’on parle de guildes, de groupes d’entre-aide ou même

de forum, un jeu vidéo doit permettre la création de groupes rassemblant les joueurs ;

• L’incarnation d’un camp : le joueur, au travers de son personnage ou avatar doit incarner un

camp au sein de l’histoire du jeu ;

• Utilisation d’un mythe : comme pour un univers fictionnel, un jeu doit s’appuyer sur un

mythe fondateur, des codes déjà préétablis, qu’il peut évidemment transformer un peu, mais

en respectant le mythe de départ.27

Comme nous le montre ces caractéristiques, un jeu vidéo permet avant tout à une personne de

s’immerger dans un monde fictionnel grâce à un personnage. Grâce à ce média, l’immersion est

d’autant plus forte que le joueur n’est pas seul. Il peut rencontrer au gré de ses aventures d’autres

personnages et donc par extension d’autres joueurs. Il prend part également dans l’histoire du jeu et

est donc en quelques sortes décisionnaires. Bien sûr, tout cela dépend du type de jeu que l’on étudie,

tous n’offrent pas une aussi grande liberté. Nous prendrons ici deux exemples : l’application officielle

Star Wars et Fruit of the Year 2010 d’Oasis.

L’application Star Wars est sortie quelques temps avant le 7ème opus, et en ce sens, elle fait

totalement parti du dispositif transmédia de la franchise. Comme nous l’avions précisé plus haut, la

marque utilise constamment les dernières technologies afin de mieux immerger son public dans

l’univers fictionnel. Cette application n’échappe pas à cette règle, et pour cause, à elle seule, elle

permet aux joueurs de co-créer du contenu, même si ce dernier est quelques peu prédéfini par la

marque. En effet, on retrouve dans cette application des mini-jeux immersifs : la visite d’une nouvelle

planète où se déroulera l’action principale du prochain film au moyen de la CardBoard de Google28, la

possibilité de s’entraîner au sabre laser, la création de musique sur les thèmes de la saga,

l’incarnation de Rebelles ou de Soldats de l’Empire29, la météo d’autres planètes de la saga, etc. En

27 Vincent Berry, Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communauté et apprentissage,

http://www.omnsh.org/ressources/548/immersion-dans-un-monde-virtuel-jeux-video-communautes-et-

apprentissages, consulté le 15 avril 2016. 28 La CardBoard de Google est une paire de lunettes permettant d’avoir accès à la réalité virtuelle. 29 Les Rebelles sont en quelques sortes les gentils de la saga, tandis que les Soldats sont les méchants.

24

bref, cette application rassemble à elle seule la réalité virtuelle et la réalité augmentée30, et permet à

ses joueurs de s’immerger dans l’univers fictionnel de la saga, tout en posant les bases d’une

nouvelle trilogie, initiée par le 7ème opus.

Cette application contient toutes les caractéristiques d’un jeu vidéo que nous avons donné plus tôt,

mais elle mélange également cela avec la réalité augmentée. Par exemple, les joueurs ont la

possibilité de se prendre en photo dans les décors du film pour ensuite partager cela avec le reste de

la communauté. En réalité, tout ce que les joueurs font peut être partagé avec la communauté,

qu’elle soit celle du jeu ou sur les réseaux sociaux. En somme, la marque autorise ses fans à créer de

nouveaux contenus tout en participant à l’univers fictionnel. Ils peuvent prendre part à l’histoire, non

pas en la co-créant et en la changeant, mais en en faisant parti grâce à leurs photos, musiques, etc.

Fruit of The Year 2010 d’Oasis est encore différent. Il ne s’agit pas d’un jeu vidéo au sens strict du

terme, mais d’un événement. Le but est d’élire le fruit de l’année 2010. Chaque personnage-fruit de

la marque est candidat à cette élection, et les électeurs ne sont autres que les fans de la marque. Il

s’agit ici de déterminer, grâce au public, quel personnage-fruit représentera la marque. Cela n’est pas

anodin puisque ce fruit deviendra « Fruisident » mais aussi ambassadeur de la marque. Il sera à

l’affiche d’un film qui lui sera entièrement consacré. Evidemment, la marque n’a pas sorti de dessin

animé, mais une publicité à la gloire de ce fruit.

La campagne se déroule en trois étapes. Lors de la première, les participants doivent voter, sur

Facebook, pour leur fruit préféré. Les cinq meilleurs fruits sont alors incarnés par les participants

dans différents petits jeux : La Chuuute31 où le but est de faire monter le fruit le plus haut possible en

évitant les obstacles grâce à des marchepieds, le grand Plouf dans un jacuzzi, etc. A chaque fois qu’un

joueur utilise son fruit préféré, ce dernier marque des points. Enfin, la finale oppose les deux fruits

ayant marqués le plus de points. Durant cette période, des acteurs déguisés en fruits se joignent à la

foule dans les rues32 pour convaincre les gens. Les fans élisent le meilleur fruit sur Facebook encore

une fois. Leur vote permet de faire monter un candidat, dans le but de lui faire atteindre la lune. Le

premier à l’atteindre est le gagnant.

Suite à cette campagne, « Ramon ta Fraise » fut élu « Fruit of the Year 2010 ». Incarné par un acteur,

le personnage s’est présenté à son public sur les Champs Elysées, dans une limousine. Une vidéo33 de

30 Annexes III objet du corpus : Star Wars, Utilisation de la réalité virtuelle dans l’application officielle Star Wars,

p. X 31 Annexes I objet du corpus Oasis, La Chuuute une des applications d’Oasis, page I 32 Annexes I objet du corpus Oasis, Les fruits d’Oasis se joignent à la foule dans la rue pour Fruit of The Year,p.

VI 33 https://www.youtube.com/watch?v=KaRm-w9SAkE&feature=youtu.be, consulté le 12 janvier 2016

25

cet événement fut mise en ligne sur la chaîne YouTube de la marque. On peut voir cette fraise

entourée d’une foule de fans, et faisant des saluts de la main à son public. Une journaliste relate cet

événement comme s’il s’agissait d’un grand jour très important.

Cette campagne nous montre que le public peut participer au prolongement de l’univers fictionnel

en participant grâce à un système de jeu ingénieux. Mêlant le réel et le virtuel, Oasis a su

récompenser ses fans en leur offrant la possibilité de participer à un événement majeur qui aura une

incidence sur l’avenir de la marque, puisqu’aujourd’hui Ramon ta Fraise est un des fruits les plus

présents dans les publicités de la marque.

Par ces deux exemples nous avons vu qu’un dispositif transmédia permet la co-création de contenus

grâce à la mise en place de jeux. Si chaque marque est libre de décider le type de jeu qu’elle mettra

en place, le plus important est la liberté qu’elle doit accorder à son public. Il doit devenir

décisionnaire, acteur de l’univers fictionnel. Les jeux permettent à chacun une meilleure immersion

dans l’univers fictionnel. Dans notre premier exemple, les joueurs apprennent à connaître les

nouveaux codes qui forgeront la trilogie de la franchise. Notre second exemple permet une meilleure

caractérisation des personnages, incarnés en prime par les participants à la campagne. Ainsi, grâce

aux jeux, ces marques ont fait deux choses en unes : faire participer leur public au prolongement de

l’univers fictionnel tout en leur permettant de mieux le connaître.

2.2 Encourager la participation de son public par des récompenses

Le jeu semble donc être au centre des dispositifs transmédia. Il a en effet cette capacité à immerger

totalement une personne dans un univers fictionnel, par le simple fait que celui-ci devient acteur34.

Les jeux sont en fait, d’après Dominique Boullier, le seul média capable de combiner la fidélité et

l’alerte. La première est fondée sur des habitudes devenues automatisme. La seconde est fondée sur

l’intensité, le fait qu’un individu peut rester alerte face à un événement et ne pas en détourner son

attention. Selon l’auteur le jeu est en quelques sortes le « Saint-Graal » de l’attention et de la

captation du public :

« C’est par l’activité que se construit et se perçoit le monde, et dès lors l’attention

peut être à la fois intensive et durable, car dans l’action, on sait que l’attention est

34 Dominique BOULLIER, « Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion », Réseaux, 2009,

no 154, pp. 231‑246.

26

nécessairement intermittente, mais elle reste cependant tournée à l’intérieur de

l’univers lui-même, tout en variant de point de focalisation au sein de cet univers.»35

Il est important de noter ici que la captation ne se fait pas pour la marque mais bien pour l’univers

fictionnel qu’elle développe. Le but d’un jeu vidéo n’est pas de faire adhérer à une marque, mais de

faire adhérer à un univers. En ce sens, les marques qui utilisent des stratégies transmédia fidélisent

leur public à leur univers. Mais ces univers sont d’abord construits pour diffuser un message, une

certaine vision du monde de la marque. Ainsi, quand une personne adhère à un univers fictionnel

d’une marque précise, il adhère également à sa vision du monde :

« Les marques sont les vecteurs d'un « univers » : elles ouvrent la voie à un récit fictif,

un monde scénarisé et développé par les agences de « marketing expérientiel », dont

l'ambition n'est plus de répondre à des besoins ni même de les créer, mais de faire

converger des « visions du monde. »36

Grâce au jeu les marques captent donc l’attention de leur public, les détournant de leur chemin

originel37 par un habile système où le spectateur devient acteur et co-créateur de l’image de marque.

Mais plus que tout, le jeu permet une immersion, tout comme le web. Ce nouveau média, rappelle

Dominique Boullier38, est traversé par des publics habitués au phénomène du zapping. Pourtant, le

web à cette capacité à nous « capter » voire même nous « captiver » car il rassemble plusieurs

médias en un : télévision, jeux vidéo, cinéma, etc. En bref, il rassemble en un seul support tous les

médias immersifs, ce qui lui donne une force de captation dépassant largement celle du cinéma,

pourtant déjà si intense de par son dispositif : nous sommes assis dans le noir, sur un fauteuil

confortablement et le seul point de lumière n’est autre que l’écran, nous obligeant ainsi à tourner

notre attention vers lui. Le web rassemble en réalité les quatre types d’immersions39 :

• L’immersion perceptive : des images nous viennent sans arrêt devant les yeux, accentuée par

la luminosité des écrans ;

• L’immersion narrative : des histoires se construisent sur le web, grâce aux vidéos, jeux vidéo

en ligne et autres narrations ;

35 Ibid, p.241 36 Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La

Découverte., Paris, 2007, p.42 37 Franck COCHOY, La captation des publics : c’est pour mieux te séduire mon client…, Presses universitaires du

Mirail., Toulouse, 2004. 38 Dominique BOULLIER, « Le web immersif », Quaderni, 2008, pp. 67‑80. 39 Ibid.

27

• L’immersion sociale : les communautés ont envahi le web, permettant de rassembler des

personnes ayant les mêmes centres d’intérêt, quel que soit leur localisation dans le monde ;

• L’immersion désirante : le web est en perpétuel mouvement, il s’y passe toujours quelque

chose, et même si certaines informations ne nous intéressent pas, nous les captons quand

même, et sommes curieux de les découvrir.

Le web offre ainsi une immersion complète. Il n’est alors pas étonnant de découvrir que tous les

dispositifs transmédia existants utilisent ce média pour capter l’attention de leur public. L’immersion

désirante est particulièrement intéressante puisqu’elle ajoute la dimension des récompenses.

Lorsqu’on joue par exemple à un jeu en ligne, on est heureux de voir son niveau augmenter, de

trouver un objet rare, de gagner un combat, etc. Cela ne fait qu’accroître le désir de continuer, de

revenir sur le jeu. Les marques ont utilisé cela pour encourager leur public à participer. Si les

systèmes de récompenses sont nombreux et variés, tous ont le même but : capter l’attention du

public pour le pousser à participer.

En ce sens, il n’est nullement besoin de développer des jeux vidéo aux narrations et architectures

complexes puisqu’un simple concours suffit. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, ces derniers

abondent offrant ainsi aux communautés de fans l’occasion de participer tout en tentant de gagner

un objet de leur marque favorite. Si chaque concours est différent tant par son système de jeu que

par ses récompenses, tous apportent à la marque une certaine notoriété et peut même lui permettre

de communiquer sur son univers fictionnel. Nous analyserons ici deux concours différents.

Le premier est celui lancé par Hero Corp en inter-saison 3 et 4, à l’approche de Noël. La date en elle-

même n’est pas anodine, puisque c’est à cette période de l’année que les gens ont l’habitude de

recevoir des présents. Ensuite, le fait ce que soit un concours en inter-saison nous laisse penser qu’il

est fait pour animer la communauté à une période où il n’y a rien de nouveau puisque la nouvelle

saison n’est pas encore diffusée. Ce jeu est très simple, et est annoncé par un message sur Facebook,

relayé également sur Twitter :

Message de la modération d’Hero Corp sur Facebook annonçant un concours

28

La question engage automatiquement une participation des fans. Mais cette dernière peut se faire

simplement au travers d’un message écrit ou d’une photo. Presque toutes les participations mettent

en avant l’humour et le côté décalé de la série. Ainsi, au travers de ce concours Hero Corp s’assure de

deux choses. En premier lieu que les fans sont prêts à communiquer sur leur passion. Leur demander

de faire quelque chose pour que la saison 4 puisse sortir est en réalité un moyen de proposer aux

fans de promouvoir la série. Dans un second temps, la marque s’assure que les fans ont bien compris

les codes de l’univers fictionnel de la série. Et pour cause, la gagnante est sans aucun doute celle qui

a produit la vidéo la plus décalée et la plus drôle de toutes les autres participations.

Oasis développera un autre genre de concours, mêlant quant à lui le jeu vidéo et le web. Face à une

question simple : « Contre qui Mangue Debol combat-il dans le jeu Fruit Fighter d'Oasis ? »40,

l’internaute n’a d’autres choix, s’il désire participer, que de suivre le lien. On se retrouve alors plongé

dans un jeu vidéo où l’on peut choisir de combattre avec Mangue Debol ou Ramon ta Fraise. La

question nous incitant à prendre le premier personnage, nous cliquons dessus. Nous avons alors trois

rounds pour gagner notre combat face à Chuck Noyauris, le pendant de Chuck Norris. La récompense

n’est autre que de gagner le jeu Street Fighter V, récemment sorti. Ainsi, Oasis offre à sa

communauté de fans une plongée dans son univers fictionnel par le simple fait d’incarner un de ses

personnages-fruits dans un jeu vidéo. C’est une immersion plus poussée que le concours proposée

par Hero Corp mais tout aussi symbolique : la participation au prolongement de l’univers fictionnel

est récompensée. Les marques s’assurent ainsi de capter, et même de captiver l’attention de leur

public et, grâce au partage de ce jeu sur les profils réseaux sociaux des fans, une communication

virale basée sur l’immersion dans l’univers fictionnel.

Par des systèmes différents de jeux et de concours, les marques offrent à leur public une immersion

un peu plus poussée dans leur univers fictionnel. Que ces jeux soient récompensés ou non, le but est

le même : capter l’attention de leur public. En réutilisant les caractéristiques des jeux vidéo dans un

dispositif transmédia, une marque parvient ainsi à instiller à ses fans le désir de continuer à découvrir

l’univers, et de s’y plonger.

3. Brouiller les frontières entre la réalité et la fiction pour mieux immerger son

public

Cette dernière sous-partie nous montrera toute la force d’un projet transmédia lorsqu’il s’agit de

brouiller les frontières entre la réalité et la fiction. Grâce à l’utilisation de différentes technologies,

40 Annexes I objet du corpus : Oasis, Concours Fruit Fighter d’Oasis, page I

29

mais aussi en détournant l’utilisation habituelle des médias, un dispositif transmédia semble

permettre une meilleure immersion en ancrant l’univers fictionnel dans notre réalité quotidienne.

3.1 ARG et événements dans la réalité au service d’une immersion prolongée

Mais la technologie à elle seule ne saurait faire d’un dispositif de communication habituelle un projet

transmédia. Le plus important est en réalité la convergence de ces médias :

« Elle implique à la fois un changement de la manière dont sont produits les médias

et un changement de la façon dont ils sont consommés. »41

Henry Jenkins nous explique ici que pour qu’un projet transmédia fonctionne, il faut imaginer une

nouvelle manière de consommer les médias. En somme, si l’on doit utiliser les mêmes médias que

n’importe quel autre dispositif de communication, un projet transmédia se doit de « détourner » les

codes des dits médias pour permettre une meilleure création de contenus et une immersion

prolongée. Plus encore, il faut pousser son public à les utiliser différemment.

C’est ce qu’a fait Eric Viennot avec sa fiction totale Alt-Minds. Sorti en 2012, ce jeu est un ARG ou

Alternative Reality Game42. Il part d’une enquête : 5 scientifiques ont disparu et la société qui les

employait demande l’aide des internautes, en partenariat avec les enquêteurs officiels, pour les

retrouver. Jusque-là, on pourrait croire avoir à faire à un jeu vidéo comme les autres. Sauf qu’il n’est

pas disponible sur console ou sur une seule plateforme. En réalité le dispositif met en cohérence des

médias différents : des sites internet, des journaux, des applications mobiles, des SMS, les réseaux

sociaux, la géolocalisation, etc. Très concrètement, pour pouvoir résoudre l’énigme, chaque joueur

doit faire une veille sur tous les médias et collecter des indices. Mais on peut commencer l’histoire

depuis n’importe quel média. On appelle cela des points d’entrée ou Rabbit Hole43 (la référence à

Alice aux Pays des Merveilles est ici explicite). L’un des principes des ARG est d’offrir justement

plusieurs points d’entrée possibles, assurant ainsi à la marque qui le développe une captation plus

large d’un public. Cela tient également une grande place dans un projet transmédia, puisque le public

doit pouvoir comprendre un univers fictionnel quelques soit le média par lequel il le découvre.

Le jeu annonce 30 flux d’informations par jour, et donc 30 potentiels nouveaux indices. Plus encore,

le jeu est pensé en temps réel, c’est-à-dire qu’à chaque minute, quelque chose de nouveau peut se

passer. Il ne durera que 8 semaines, durant lesquelles les joueurs auront pour mission de retrouver

les scientifiques disparus.

41 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.36 42 Jeu en réalité alternative. 43 Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques immersives », op. cit.

30

Mais si ce temps réel peut être très immersif, il engage un nouveau problème : le temps que chaque

personne peut consacrer au jeu. Eric Viennot l’avouait lui-même dans un de ses interviews44, c’est le

paramètre le plus compliqué à gérer puisque Alt-Minds rassemblait plusieurs types de joueurs, du

casual gamers45 au hard gamers46. Rassembler sous la même bannière des profils si disparates n’est

pas facile. Même si le jeu offre la possibilité de rattraper le temps réel en rejouant des scènes, le

challenge n’est pas le même puisque les réponses à ces énigmes ont déjà été trouvées par d’autres. Il

est donc important de toujours garder à l’esprit le temps d’investissement qu’un projet transmédia

pourra demander au public, et celui que chacun est prêt à investir.

Néanmoins, Alt-Minds est particulier puisqu’il brouille les frontières entre la réalité et la fiction. En

effet, il bouleverse les codes des médias utilisés pour faire de l’histoire quelque chose de réel, qui

s’est vraiment déroulé. L’immersion en est d’autant plus importante que les joueurs en viennent à se

prendre pour de réels enquêteurs puisque les réponses qu’ils trouvent ont une incidence sur la suite

du jeu. De plus, grâce à des événements IRL47, les joueurs peuvent rencontrer des personnages du

jeu, se voir confier des enveloppes contenant des indices, se rendre dans des lieux importants pour

l’histoire, etc. C’est ce qui fait d’Alt-Minds une fiction totale, capable d’investir des lieux de notre vie

quotidienne pour le bien de l’histoire. Mieux encore, les joueurs pouvaient recevoir un SMS ou un

appel d’un des personnages à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. On offre ainsi une

immersion prolongée dans l’univers fictionnel, en brouillant les frontières entre la réalité à la fiction.

Cette fiction totale suit donc les conseils d’Henry Jenkins en investissant différemment chaque

média. Pour cause, même les journaux se sont emparés du phénomène en faisant des articles sur le

transhumanisme, principal sujet de recherche de l’entreprise phare du jeu. En même temps de

plonger les joueurs dans un univers fictionnel donné, Alt-Minds leur offrait aussi la possibilité de

découvrir un courant scientifique tout ce qu’il y a de plus réels. Les joueurs également investissait

chaque média de manière différente : là où avant ils lisaient les journaux pour s’informer sur un fait

particulier, maintenant ils les lisent pour en apprendre plus sur l’univers fictionnel du jeu. Il en est de

même avec les événements IRL où, au lieu de se rendre quelques parts pour visiter, on s’y rendait

pour trouver un indice.

Mais encore une fois, si beaucoup peuvent se prêter au jeu, il ne faut pas oublier son public pour

autant, et c’est sans doute une méconnaissance de ce dernier qui a entraîné un succès plutôt mitigé

44 http://leblogdocumentaire.fr/alt-minds-retour-dexperience-avec-eric-viennot/, consulté le 10 juin

2016 45 Joueur occasionnel 46 Joueur expérimenté. 47 In Real Life

31

au jeu. Ses difficultés tiennent notamment dans l’utilisation du temps réel. Si ce dernier est un

moteur de plus pour immerger un public, il est aussi un frein pour une partie qui ne souhaite pas trop

s’investir. De la même manière, l’utilisation des SMS ou appels et des lieux réels peut être un frein

supplémentaire. Dans le premier cas, il s’agit de demander à des gens leurs numéros de téléphone

privé, ce qui peut entraîner une certaine méfiance. Dans le second cas, on demande en plus un

investissement financier puisque les joueurs devront se déplacer pour avoir accès à certains indices.

Si ces deux choses ne sont pas obligatoires pour avancer dans le jeu, elles permettent de faciliter la

progression. Il est donc utile de rappeler que pour tous dispositifs transmédia, des freins peuvent

entraîner une méfiance du public et au final une utilisation partielle du dispositif.

Ajoutons à cela un flux d’information important, obligeant un investissement de chaque instant, et

nous pouvons obtenir une « infobésité » qui poussera certaines personnes à abandonner le jeu et

donc le dispositif.

Pour autant, l’investissement de la réalité par un dispositif transmédia permet une immersion

prolongée, comme nous l’avait démontré le jeu « Fruit of the Year 2010 » d’Oasis. Néanmoins,

certaines franchises choisissent d’organiser des événements transversaux non pas en rapport avec

l’univers fictionnel mais avec les codes qu’il développe. Hero Corp fait cela grâce à des matchs

d’impro. Il est ici question d’un affrontement entre deux équipes, l’une d’entre elles étant composée

d’acteurs de la série. Les joueurs s’affrontent sur un thème et doivent improviser des situations

comiques. L’équipe la plus drôle et respectant le plus le thème remporte la manche. Ces événements

se déroulent à travers toute la France et sont une occasion, pour les fans, de rencontrer et de

discuter avec l’équipe de la série. Mais nous reviendrons sur ce point en seconde partie.

Il est important de noter ici la nature de cet événement, ainsi que des autres organisés par l’équipe

de la série. Si les matchs d’impro sont réguliers et courants, nous relevons également des séances de

dédicaces, mais aussi des apéritifs48. Encore une fois, ce dernier événement met en avant les codes

de l’univers fictionnel. En effet, lors de la première saison, les personnages se retrouvent de temps

en temps dans le café du village où ils peuvent discuter de leurs missions. Les acteurs d’Hero Corp

invitent donc les fans à faire partie, dans un cadre différent, de cet univers. Quant aux matchs

d’impro ils relèvent le genre de la série : la comédie et l’absurde. Si ces événements ne sont pas

directement liés à l’univers fictionnel, ils participent de son prolongement, ou plutôt du

prolongement de ses codes et de ce qu’il souhaite communiquer :

48 Annexes II objet du corpus : Hero Corp, Tweet annonçant un apéritif avec l’équipe de la série, p. VIII

32

« Je pense aussi que c’est l’univers de la série qui permet ça, elle met en scène des

gens assez proches de nous, de notre quotidien. 49»

Ce fan le dit lui-même, le fait que l’univers fictionnel mette en scène des personnages du quotidien,

que l’on pourrait retrouver dans notre vie de tous les jours, encourage les événements de ce type et

les font voir comme s’ils étaient normaux et allant de soi.

Ainsi les ARG et événements transversaux permettent une meilleure immersion dans l’univers

fictionnel, captant l’attention du public avec plus de force puisque cela engage une participation plus

poussée. Néanmoins, ce genre de dispositif a son inconvénient dans le sens où cela peut exclure une

partie des personnes n’ayant pas l’envie ou les moyens de s’investir avec autant de force. Par

ailleurs, ils sont inhérents à un dispositif transmédia et d’autant plus importants qu’ils brouillent les

frontières entre la réalité et la fiction.

3.2 Le détournement des codes médiatiques pour mieux brouiller les frontières

Ce brouillage des frontières est fondamental lorsqu’on parle de transmédia puisqu’il est garant de

l’immersion. Ainsi, le transmédia est appelé Deep Media par Frank Rose50 parce que ce dispositif

permet de créer une expérience immersive et participative. Car la clé d’un projet transmédia est bien

là : permettre au public de participer au prolongement de l’univers fictionnel. Mais avant cela, il faut

pouvoir capter son attention. Nos deux premières parties ont fait l’objet de ce sujet. Maintenant,

nous parlons d’immersion. Si les stratégies sont diverses et variées pour ce faire, la clé de voûte de

tout cela est bien le brouillage des frontières entre la réalité et la fiction. « Fruit of the Year 2010 »

d’Oasis entamait déjà cela puisque les personnages-fruits de la marque se sont rendus bon nombre

de fois auprès du public. La caractérisation même des personnages et leur mise en scène poussait le

public à les penser comme réels. Alt-Minds faisait la même chose en invitant les joueurs à se déplacer

et à recevoir des SMS sur leur téléphone.

Pour aller plus loin, certaines franchises proposent aussi à leur public de s’immerger dans leur

univers narratif tout en leur offrant la possibilité de le prolonger. Pour cela, les industries narratives

détournent souvent les codes médiatiques. C’est le cas de la campagne de promotion du film

49 Annexes IV, Retranscription des entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXIX, réalisé

en mai 2016 50 Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques

immersives », http://www.inaglobal.fr/numerique/article/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et-

logiques-immersives, consulté le 14 octobre 2015

33

Amazing Spider Man. Marvel, la société de production de ce film, a utilisé le transmédia pour

promouvoir un nouvel opus tout droit sorti de son univers fictionnel aux ramifications complexes.

Le dispositif de promotion détournera tout du long les codes médiatiques connus par le public

familial. La campagne commence par l’annonce d’un personnage, le Capitaine Stacey, dans une

chaîne de télévision nationale. Il demande aux gens de l’aider à capturer Spider Man. Cette vidéo est

construite comme un reportage sorti d’un journal télévisé : bandeau avec le nom du personnage et

sa fonction, sous-bandeau avec les nouvelles qui défilent, micro-trottoir et questions du journaliste.

La campagne est entièrement construite de cette manière : un site internet où les internautes

peuvent déposer leurs photos du super-héros (il s’agira en fait de photos de fans déguisés et se

mettant en scène dans des lieux différents), le site internet d’Oscorp Industrie où une rubrique

enjoint les fans à postuler pour devenir stagiaire, un blog qui donne les dernières nouvelles de la trac

du super-héros, etc. Tout ceci sera ponctué par des vidéos détournant les codes des journaux

télévisés. Ainsi, la franchise Marvel parvient à rendre plus que réel son personnage de Spider Man

mais aussi les autres personnages qui évolueront tout au long du film.

Il faut par contre se rappeler les moyens financiers d’une telle franchise, à même de mettre à

disposition plusieurs millions d’euros pour développer des sites internet et des vidéos qui

soutiendront l’objectif visé. Mais il n’est nullement besoin de déployer tant de moyens pour faire

qu’une stratégie transmédia brouille les frontières entre la réalité et la fiction. Le Projet Blair Witch

en est l’exemple même. Film d’horreur américain sorti en 1999, la campagne de promotion et le film

en lui-même bouleverseront tous les codes du film d’horreur dans un but précis : faire adhérer à

l’histoire, la rendre le plus réel possible. Tout commence avec le synopsis :

« En octobre 1994, trois jeunes cinéastes, Heather Donahue, Joshua Leonard et

Michael Williams, disparaissent en randonnée dans la foret de Black Hill au cours d'un

reportage sur la sorcellerie. Un an plus tard, on a retrouvé le film de leur enquête. Le

Projet Blair Witch suit l'itinéraire éprouvant des trois cinéastes à travers la forêt de

Black Hills et rend compte des événements terrifiants qui s'y sont déroules. A ce jour,

les trois cinéastes sont toujours portés disparus 51»

Comme nous le montre ce résumé, le film est présenté comme un documentaire. On nous parle ici

d’un « film » qui retrace la péripétie de 3 étudiants partis faire un reportage sur la sorcière de Blair.

Le synopsis en lui-même brouille donc les frontières entre la réalité et la fiction.

51 Source Allocine : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=20268.html, consulté le 10 mai 2016

34

La bande-annonce52 jouera le même rôle. Dès les premières secondes, on sent le côté artisanal du

film: un fond gris foncé, la date de sortie du film en plein milieu de l’écran semble bouger un peu,

comme s’il s’agissait d’un simple carton posé devant la caméra. On distingue également des petits

points blanc sur tout l’écran, synonyme souvent de vieux films en noir et blanc. Durant 37 secondes,

le spectateur est plongé dans l’univers du film : champs lexical de la magie, fond sonore angoissant,

étudiante apeurée.

Mais le dispositif ne s’arrête pas là puisqu’ils ont également développé un site internet53 entièrement

dédié au film. Véritable plaque tournante du projet, le site internet débute par un petit plan sur une

des actrices, montrant sa maison où elle travaille sur le projet de la sorcière de Blair. Ensuite, un

menu blanc auréolé d’une lumière apparaît sur un fond noir :

• Mythology : nous trouvons ici toute une série de faits reprochés à la sorcière de Blair. Ils remontent

jusqu’à la fin du XVIIIème siècle et relatent des disparitions, morts mystérieuses ou apparitions

surnaturelles de la sorcière. Les liens nous mènent vers des images, des peintures, des photos ou des

sons censés attestés de la véracité de ces propos.

• Filmmakers : loin d’être une biographie des auteurs, on nous présente ici des photos des acteurs,

ensemble, en cours, en train de travailler. Bref, on les expose dans leur vie quotidienne comme on

aurait pu le faire sur les réseaux sociaux, à ceci près qu’ils n’existaient pas encore à l’époque.

• The Aftermath : c’est l’onglet qui brouille le plus les frontières entre la réalité et la fiction. On peut

y trouver des photos de la police en plein travail de recherche pour retrouver les étudiants, des

interviews des parents, un reportage sur des chaînes de télévisions, des coupures de presse, etc.

• Legacy : on retrouve ici des preuves de la véracité du « film » : photos des étudiants avant leur

disparition, dans la forêt, des sons ambiants de la forêt, le journal intime d’un des acteurs, etc. En

somme, tout est fait pour montrer que ce film n’en est pas un.

Le site internet assoie donc la stratégie de la production du film. Tous ces éléments réunis laissent

planer le doute, le spectateur pense alors qu’il ira voir un documentaire et non pas un film romancé.

Ce dernier ne fera qu’accentuer cette impression. Tourné en caméra porté et avec ce qui semble être

un simple micro, et un traitement minimaliste de l’image, on sera porté par les péripéties des 3

étudiants, vivant de près tout ce qu’ils ont pu voir. En somme, le film nous plongera encore plus dans

l’intrigue de par un point de vue interne.

Le Projet Blair Witch ne coûtera que 65 000$, campagne marketing comprise. Au total, il remportera

118 millions de dollars lors de son premier été aux Etats-Unis. C’est sans conteste un succès

cinématographique du non pas à la qualité du film, mais bien à son dispositif transmédia. Pour cause,

52 Source Allocine : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=20268.html, consulté le 10 mai 2016 53 http:/www.blairwitch.com/, consulté le 11 mai 2016

35

dès le lancement de cette campagne, les internautes se sont emparés du phénomène et ont tenté de

trouver des indices sur internet afin de retrouver les étudiants disparus54.

Ainsi, nous avons vu ici que brouiller les frontières entre la réalité et la fiction permet une meilleure

immersion dans l’univers fictionnel. Si les ARG et les événements IRL y participent, le détournement

des codes médiatiques fait également une différence dans l’expérience qu’un dispositif transmedia

peut offrir.

Cette première partie nous a montré qu’un projet transmédia devait son succès à plusieurs choses.

Les personnages sont centraux dans ces stratégies puisqu’ils permettent au public de s’identifier à

l’univers et de le découvrir. Sans eux, l’attractivité serait moins importante. Il faut, pour qu’ils

captent l’attention du public, qu’ils soient développés comme des personnages de série, évoluant au

gré de leurs aventures. L’immersion dans l’univers fictionnel sera d’autant plus importante que ces

personnages seront caractérisés. Si à eux seuls ils ne peuvent faire tout le travail de captation, leur

mise en scène sera un second palier dans la recherche d’une immersion poussée. Pour cela, chaque

média doit être utilisé avec réflexion en tenant compte des codes de l’univers développé, mais aussi

de la finalité de chaque média. Interdépendants les uns des autres, ils ne doivent pas perdre le public

mais leur permettre de s’immerger dans l’univers fictionnel développé. Pour cela, la plupart des

marques développent des stratégies ludiques souvent récompensées. Le jeu est une part importante

d’un projet transmédia puisqu’il permet de faire deux choses : permettre au public de participer au

prolongement de l’univers et l’immerger dans ce dernier. Les ARG sont une sorte de « Saint-Graal »

du jeu puisqu’ils brouillent les frontières entre la réalité et la fiction, permettant aux joueurs

d’incarner un personnage sorti de l’univers fictionnel dans sa vie quotidienne. Utilisant tous les

médias dont il peut avoir besoin, il détourne les codes médiatiques habituels pour faire adhérer les

joueurs à l’univers narratif. Ce brouillage des frontières est aussi un des piliers d’un projet

transmédia puisqu’il l’ancre dans notre réalité et le rend d’autant plus attractif. Néanmoins, il n’est

nullement besoin de faire appel à toutes les ressources technologiques que compte notre monde. Il

faut s’accorder avec son public, mais surtout avec les codes de l’univers développé. Parfois, comme

nous l’a montré l’analyse du dispositif du Projet Blair Witch, un dispositif simple peut servir l’univers

fictionnel avec tout autant d’efficacité qu’un dispositif bardé de technologies.

54 Source : http://www.transmedialab.org/the-blog/case-study/the-blair-witch-project-une-reference-

transmedia/, consulté le 10 mai 2016

36

II Des stratégies de communication différentes pour se rapprocher de son

public

Si la captation du public est primordiale pour qu’un projet transmédia fonctionne, sa finalité est bien

de permettre de construire une relation durable avec son public. S’inspirant du marketing

expérientiel et relationnel, le transmédia, comme nous le verrons tout au long de cette partie, peut

permettre à une marque de se rapprocher de son public, et surtout de co-construire avec lui son

identité et son image. Bien plus qu’une stratégie de communication visant à convertir les

consommateurs, le transmédia permet de les engager et de les fidéliser.

1. De l’importance des réseaux sociaux pour construire une communication de

proximité

Les réseaux sociaux sont aujourd’hui au centre de bon nombre de stratégies de communication. Le

transmédia n’échappe pas à cette règle. Ces outils permettent en effet de mieux brouiller les

frontières entre la réalité et la fiction en permettant une mise en scène des personnages de l’univers

fictionnel. De la même manière, nous montrerons qu’ils peuvent permettre de construire une

relation durable avec son public, même si pour autant ils ne se sentent pas plus proche de la marque

initiant l’univers fictionnel.

1.1 La mise en scène des personnages au service d’une communication de proximité

Nous l’avions longuement développé en première partie, les personnages sont centraux lorsqu’il

s’agit d’immerger un public dans un univers fictionnel. Ils permettent à chaque spectateur de

s’identifier à l’un d’eux et donc, par extension, d’adhérer à l’univers fictionnel. Pour cela, il faut les

mettre en scène. Si n’importe quel média peut faire cela, les réseaux sociaux permettent de rendre

réel certains personnages, ou tout du moins de leur donner la parole. Ainsi, ce ne sera plus la marque

qui parlera, mais bien les personnages qu’elle aura créés, jouant ainsi un rôle de médiateur entre la

marque et son public. Les réseaux sociaux font entièrement parti de ce marketing relationnel et

expérientiel. Leur but est bien de créer et de fidéliser une communauté autour des valeurs d’une

marque :

37

« Le community manager doit publier un ensemble de valeurs auxquelles se résume

la marque, relayer ses valeurs sur les médias sociaux […] et mettre en avant tout ce

qui dans la communauté reflète ces valeurs. »55

En ce sens, ils sont un outil quasiment indispensable dans un projet transmédia puisqu’ils offrent une

proximité avec le public. Mieux encore, ils permettent de fidéliser à des valeurs de marque. Or, un

projet transmédia fidélise à des codes d’un univers fictionnel. Puisque nous parlons ici de stratégie de

marque, ces « codes » ne sont autres que la vision du monde de la marque en question. Et donc par

extension, ses valeurs. Combiné aux réseaux sociaux, un projet transmédia peut s’ancrer encore plus

dans notre réalité et notre quotidien, si on sait utiliser la puissance de viralité de cet outil. Un banal

exemple nous vient à l’esprit. Il y a peu, un professeur d’histoire, afin d’intéresser ses élèves à la

Première Guerre Mondiale a créé le compte Twitter d’un poilu. Ce dernier racontait alors ses

journées dans les tranchées56. On suivait ses aventures avec émotion et parfois peur, ne sachant quel

sera le destin de cet homme. En plus de cela, il a son propre profil Facebook ainsi qu’un blog

contenant des articles plus poussés, toujours en rapport avec la guerre.

Le succès de ce dispositif transmédia, qui n’a que très peu coûté à ce professeur est sans attente :

1514 abonnés Twitter et 292 sur Facebook. En laissant son personnage parler de la guerre, ce

professeur rend attractif, pour de jeunes élèves, une période de l’histoire pourtant lourde et difficile

à aborder. Mieux encore, il permet à ses élèves d’apprendre en lisant une histoire romancée. Cette

personne a-t-elle existée durant la guerre ? Nous ne le savons pas, mais cette stratégie la rend réelle,

et à aucun moment nous ne nous posons la question de sa possible réalité puisque tout est fait pour

nous y faire croire.

Ce sujet nous permet également d’aborder, une fois de plus, la question du budget se rapportant à

un projet transmédia. Les réseaux sociaux permettent de travailler presque gratuitement puisque la

création et l’animation de comptes est gratuite. En investissant du temps, il est donc possible de faire

adhérer à un univers fictionnel et par là même de transmettre des messages. Le but de ce professeur

est clair : intéresser ses élèves à son enseignement. Plutôt que de déployer des moyens colossaux, il

a préféré investir les médias qu’utilisent ses élèves57. En mettant en scène son personnage, il recrée

55 Mathieu CHEREAU, Community Management, comment les marques se transforment au contact de leurs

communautés, DUNOD., Paris, 2015, p.33. 56Source :http://www.huffingtonpost.fr/2016/03/14/college-twitter-histoire-prof-premiere-guerre-

mondiale_n_9459350.html, consulté le 8 juin 2016 57 Nous revoyons ici l’importance d’aller vers son public, là où nous sommes sûrs de pouvoir le trouver, et non

pas l’obliger à venir vers nous.

38

l’univers de la guerre et parvient sans doute plus facilement à en faire comprendre les enjeux et les

traumatismes à de jeunes personnes.

C’est ce que nous pouvons appeler un tour de force réussi, et ce que tout projet transmédia devrait

promouvoir. Les réseaux sociaux peuvent permettre de tisser une relation de proximité avec son

public, d’autant plus forte qu’elle s’établit sur la durée et la confusion entre ce qui est réel et ce qui

ne l’est pas :

« Les formes d’expression promotionnelles vont toutefois bien au-delà de la création

d’un site officiel, d’un compte Facebook et Twitter ou d’un jeu iPhone et s’expriment

le plus souvent autour de la création de vrais « faux » sites Internet, de vraies «

fausses » affiches publicitaires, de la création de chaîne de TV ou d’œuvres

audiovisuelles, des Advergames et d’opérations avec les blogueurs. 58»

Ce premier exemple met le public dans la confusion puisque nous ne savons pas si le poilu est réel ou

non. D’autres stratégies, font la même chose, malgré leurs différences. Le groupe de musique rock

Gorillaz est un autre exemple. Ce groupe a créé un univers fictionnel transmédia. A l’origine, deux

personnes sont fondatrices du groupe. Pourtant, ce n’est pas moins de 12 personnages qui évoluent

dans cet univers de dessin animé. Car loin de représenter chacun un personnage, les fondateurs du

groupe ont décidé de les animer. Le fait qu’ils soient des dessins ne les rend pas moins réels, puisque

le public non-initié de ce groupe peut alors penser que chaque personnage représente un membre

du groupe ou une personne qui gravite autour comme le producteur ou le manager.

A cela s’ajoute la caractérisation de ces personnages. Quatre sont très bien développés et il s’agira de

ceux que l’on verra le plus souvent dans les clips. Car chaque clip sera en réalité un mini-récit animé,

à l’instar de Journey to Plastic Beach qui raconte l’histoire de Murdoc à la recherche des autres

personnages et de l’esprit de Plastic Beach.

Ce clip n’est pourtant qu’une partie visible de la campagne de promotion initiée par le groupe pour la

sortie de son nouvel album et l’imminence de sa tournée mondiale. A cette occasion, ils ont créé les

profils Twitter de leurs personnages principaux et leur ont donné la parole. Chacun à sa manière va

promouvoir l’univers fictionnel du groupe mais aussi son nouvel album. En revanche, une fois la

campagne terminée, depuis maintenant quatre ans, les personnages ne vivront plus sur les réseaux

sociaux. On voit ici la limité de cette stratégie. Au lieu de continuer à faire vivre les personnages sur

leurs comptes réseaux sociaux, comme il le faisait avec ses clips dès le début, Gorillaz a choisi

58 Hélène LAURICHESSE, « Un marketing générateur de contenus pour l’univers transmédia », Terminal, 2013,

no 112, pp. 67‑76, p.70.

39

d’arrêter là sa relation avec ses fans. Pourtant, le but premier des réseaux sociaux est bien de créer

une relation de proximité sur la durée :

« Par ailleurs, la relation qui se construit entre le consommateur et la marque, une

fois l’expérience réalisée, est au cœur de la stratégie de communication. Le marketing

relationnel qui repose sur un objectif de satisfaction dans la durée plutôt que sur une

transaction ponctuelle en est le reflet. 59»

Afin qu’une stratégie transmédia liée aux réseaux sociaux puisse avoir du poids sur la durée, et non à

une période de vie donnée de l’univers fictionnel, il faut savoir faire vivre la communauté. Oasis y

parvient très bien. Si la marque n’a pas créée les profils de ses personnages-fruits sur les réseaux, elle

leur donne régulièrement la parole.

En réalité, le community manager joue ici le rôle de porte-parole des fruits. Régulièrement, nous

trouvons sur leurs pages Facebook et Twitter des photos de ces personnages dans diverses

situations, parfois sorties de la vie quotidienne, parfois sorties d’événements. Pour être plus précis,

ces personnages sont traités comme des stars ou des people, et l’image véhiculée d’eux les rend

d’autant plus attachant qu’elle montre leur déboire de stars : maquillage raté, répétitions pour un

film (en réalité une publicité), etc. La marque rend ses personnages réels en les mettant en scène au

travers des réseaux sociaux. Combiné aux jeux et applications où les joueurs peuvent incarner l’un

d’eux, on se retrouve face à une relation de proximité initiée pour durer indéfiniment. Au contraire

de Gorillaz, Oasis a fait des réseaux sociaux la plaque tournante de sa relation avec son public. La

marque utilise cet outil non pas pour promouvoir un nouveau produit à un moment T mais pour

relayer tout son dispositif transmédia.

Gorillaz préfère utiliser cet outil ponctuellement, pour la promotion d’un nouvel album. S’il s’était agi

de développer un projet transmédia sur une période donnée, cela aurait pu avoir du sens.

Malheureusement, le groupe avait initié son univers fictionnel bien avant cette campagne. On

remarque alors une rupture puisque les personnages prennent vie sur les réseaux sociaux

brutalement et « meurent » quelques temps après. Cela rend le dispositif quelques peu incohérent.

Or, la cohérence est la clé de voûte d’un univers transmédia, comme nous le verrons plus loin.

Ainsi, à travers ces trois exemples, nous voyons que les réseaux sociaux peuvent avoir une grande

importance dans une stratégie transmédia, notamment en permettant à une marque et à son public

de construire une relation de proximité sur la durée. Les personnages deviennent alors porte-parole

des marques et communiquent ses valeurs en même temps que les codes de l’univers fictionnel

qu’elle développe.

59 Ibid, p.68

40

1.2 Entre transparence et communication énigmatique : trouver sa stratégie pour se

rapprocher de son public

Les réseaux sociaux sont donc un outil de communication quasi obligatoire pour les marques

souhaitant mettre en œuvre une stratégie transmédia. Car en construisant de telles communautés,

elles s’assurent également la fidélité de leur public. Or :

« Le fidèle est plus à même de suivre régulièrement une émission, de remarquer la

publicité, d'acheter des produits.60 »

En construisant une relation de proximité sur la durée, les marques s’assurent de transformer un

simple consommateur en fan. Son rôle sera celui d’un ambassadeur, mais nous reviendrons là-dessus

plus tard. Pour autant, les stratégies mises en place sur les réseaux sociaux sont toutes très

différentes les unes des autres. Si Oasis a fait le choix de donner la parole à ses personnages, il n’en

va pas ainsi pour toutes les marques développant des stratégies transmédia.

Pourtant, il serait logique de penser que dans ces cas-là, le storytelling seul est de mise. En somme, il

faudrait qu’un dispositif transmédia communique sur son propre dispositif et cela par la mise en

récit. Pourtant, rares sont les marques qui choisissent cette stratégie. Le community manager d’Hero

Corp par exemple n’utilise jamais la mise en récit ou les personnages pour véhiculer des messages.

Malgré tout, leur stratégie est claire : être proche du public. Pour cela, il fait preuve d’une

transparence à toutes épreuves. Dans un premier temps, nous sommes frappés par le tutoiement de

tous les fans par le community manager, qui le tutoient également61. Cela peut se comprendre

aisément puisque la plupart des fans de cette série sont encore jeune. Mieux encore, tous les fans

semblent au courant que le community manager s’appelle Nicolas Blin et qu’il était tout d’abord un

fan avant de faire partie de l’équipe. Cela ne fait qu’accroître le sentiment de proximité, puisque les

fans ont alors l’impression de discuter avec un des leurs et non pas avec un membre de la

production.

A cela s’ajoute l’humour inhérent à tous les messages de la modération. Même lors de ses réponses

aux fans, très nombreuses, le modérateur semble toujours accorder une importance capitale à

ajouter un peu de comédie. Cela cadre très bien avec le genre comique de la série et si la modération

60 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.84 61 Annexes II objet du corpus : Hero Corp, Exemple d’interaction montrant la complicité entre les fans et la

modération sur les réseaux sociaux, p. VIII

41

n’utilise pas le storytelling pour communiquer sur les réseaux sociaux, elle reste très proche des

codes de son univers fictionnel.

Deux choses attirent également notre attention. La première est le fait que le modérateur ait

annoncé clairement qu’il devait quitter son poste car il n’a plus le temps de s’en occuper. Cela rejoint

notre première impression selon laquelle il serait un simple fan un peu plus informé que les autres et

auquel la production a accordé sa confiance. Ainsi, loin d’être une machine bien huilée, le dispositif

d’Hero Corp semble tenir en partie sur le bénévolat de ses membres.

Le second exemple confirme la volonté d’être transparent et très proche de son public. Il s’agit d’un

événement survenu sur Twitter. Le modérateur a mis la photo d’un téléphone et donné le numéro en

précisant qu’il s’agissait de celui de l’Agence Hero Corp62. Ainsi par ce simple message, il sous-entend

que les fans peuvent discuter avec l’Agence mise en récit par la série par ce biais. Il s’agit d’une

tentative de mise en récit, mais qui n’a pas poussée jusqu’au bout. En effet, les fans que nous avons

interrogé nous ont dit, pour certains, avoir essayé ce numéro pour faire des blagues. Le modérateur a

répondu bien évidemment toujours de manière aussi comique. En revanche, il s’adressait en son

propre nom aux personnes et n’incarnait aucun personnage de la série, ou l’entité bien connue

qu’est l’Agence. Quoi qu’il en soit, ce numéro a eu un grand succès puisque plusieurs messages sur

Twitter informaient les fans que la messagerie était saturée.

Ainsi, en jouant sur la transparence, l’équipe d’Hero Corp s’assure une certaine proximité avec ses

fans :

« Mais effectivement oui, les réseaux sociaux permettent, en discutant avec les cm et

les acteurs de s’en sentir un peu plus proche. Il y a certains acteurs qui sont très actifs

et très accessibles sur Twitter, comme le cm, et avec qui tu peux facilement discuter.

Donc oui, ça participe à cette proximité entre la communauté de fans et l'équipe de la

série. 63»

Ce fan parle bien ici de « discuter » et non de simplement aimer une page et de regarder les

messages qui y sont postés. Pour lui, les réseaux sociaux permettent de se rapprocher de l’équipe de

la série. Ils entretiennent donc la relation durable grâce à cet outil.

A contrario, Star Wars adoptera une communication plus mystérieuse. En réalité, chaque média est

l’occasion de découvrir un peu plus l’univers fictionnel. Si cela rentre tout à fait dans un dispositif

transmédia, c’est la mise en forme des messages qui diffère. En effet, à aucun moment sur les

réseaux sociaux nous remarquons une mise en récit des messages. La modération se tient d’ailleurs

62 Annexes II objet du corpus : Hero Corp, Téléphone de l’Agence Hero Corp mis en ligne sur Twitter, page II 63 Annexes IV, Retranscription d’entretiens avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°1, p.XVIII, réalisé en mai 2016

42

loin de tous commentaires, puisque nous n’avons relevé qu’une seule intervention de sa part, malgré

le grand nombre de commentaires plutôt mauvais des fans.

Bien sûr, cela est hautement stratégique, et entretient un rapport très étroit avec les nouveaux codes

de l’univers étendu annoncé par la production :

« Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de

l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte

par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou

jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples ‘’légendes’’. 64»

Opter ainsi pour l’absence complète de modération est un moyen de laisser les fans découvrir

l’univers. Ceux qui le critiquent et ne reçoivent pas de réponse de la modération n’auront alors pas

d’autres choix que d’aller voir le nouvel opus pour se faire un avis définitif.

Pour autant, la production ne laisse pas ses fans sans ressources et profite des réseaux sociaux pour

communiquer de nouveaux codes. On retrouve ainsi une vidéo immersive à 360° sur Facebook65.

Dans cette vidéo, on peut se déplacer sur un engin motorisé et découvrir une nouvelle planète, sur

laquelle se déroulera l’action principale du prochain film. Suite à cette vidéo, des milliers de

commentaires la critiqueront. Les fans discuteront entre eux des nouveaux codes de l’univers

fictionnel de la saga, sans être censurés ou dérangés par la modération. Ce contenu inédit parviendra

même à conquérir des fans66 :

Commentaire d’un fan de Star Wars sur Facebook suite à la vidéo immersive à 360°

On a donc ici une preuve de plus que les réseaux sociaux peuvent permettre de fidéliser un public,

d’autant plus si on les associe à une stratégie transmédia. Pour autant, ce contenu de marque n’a

rien d’extraordinaire puisqu’il ne permet pas vraiment de découvrir l’univers fictionnel du film. Il en

64 http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/08/le-tourisme-spatial-virtuel-la-nouvelle-fantaisie-de-star-wars-vii-le-reveil-dela-force_4827034_4408996.html, consulté le 15 novembre 2015 65 Voir la vidéo sur : https://www.facebook.com/StarWars/videos/1030579940326940/,consulté le 15

novembre 2015 66 « Merci beaucoup d’avoir partagé cela avec nous. C’était vraiment super parce que mes enfants qui ont 3 et

5 ans ont eu une chance de participer à cette expérience et sont maintenant des fans de Star Wars […] »

43

sera ainsi de tous les messages sur les médias sociaux. Même le Twitter Awakens où l’équipe du film

répond aux questions des fans en direct ne laisse que très peu d’indices quant au contenu du

prochain opus. Tous les participants se contenteront de dire que pour juger du film que ce soit sa

musique, ses acteurs ou même ses décors, il faut aller le voir.

Ainsi sur les réseaux sociaux, Star Wars ne fait que jeter quelques indices concernant les nouveaux

codes de la saga, incitant ses fans à aller voir le film lors de sa sortie. Loin d’utiliser la force de son

dispositif transmédia, la franchise ne tisse pas vraiment de liens avec sa communauté. L’absence de

modération ne fait qu’accentuer le mystère qui entoure ce nouveau film. Il s’agit bien sûr d’une

stratégie volontaire, mais qui empêche de construire une relation durable avec la communauté, tout

du moins grâce à ces médias.

Ainsi si les réseaux sociaux ont effectivement une grande force puisqu’ils permettent de fidéliser une

communauté grâce au brand content ou contenu de marque, chacune les utilise selon une stratégie

différente. Certains opteront pour un storytelling, cachant la marque derrière des personnages et des

mises en scènes. D’autres opteront au contraire pour une transparence totale qui ne fera

qu’accentuer le sentiment de proximité avec son public, tandis que certains resteront mystérieux

jusqu’au bout. Mais dans ce dernier cas, cela permet aussi à chaque fan de dire ce qu’il pense sans

avoir peur d’être censuré. Si cette dernière stratégie nous paraît difficile pour construire une relation

durable, il est à noter que les réseaux sociaux seuls ne peuvent suffire pour construire une

communauté fidèle, puisque le dispositif transmédia en son entier y participe tout autant.

2. De la difficulté de mettre en récit sa communication pour attirer son public

Tout projet de communication entraînant certaines difficultés, cette partie sera entièrement

consacrée aux problèmes que peuvent rencontrer les marques qui mettent en place un dispositif

transmédia. Nous aborderons ici la question de la cohérence d’un univers fictionnel au travers des

codes qu’il communique mais aussi de par l’utilisation de certains médias. Car le choix des médias

entraîne, comme nous le verrons, une possible perte d’une partie du public.

2.1 Construire une communication aussi cohérente que l’univers fictionnel

Ainsi la relation avec le public ne se construit pas seulement sur la base des réseaux sociaux, mais

aussi grâce au dispositif transmédia en son entier. L’immersion y participe en premier lieu car, nous

l’avons montré en première partie, elle permet de capter l’attention de son public. Mais pour

construire une relation durable, immerger un public dans un univers fictionnel ne suffit pas. Il faut

avant tout que le public croie à cet univers.

44

C’est ici que la cohérence rentre en jeu. Si les dispositifs transmédia éclatent des univers sur

plusieurs médias, leur difficulté est bien de faire en sorte que chaque média soit cohérent avec les

autres. Si chaque nouveau récit doit apporter une valeur ajoutée, ils ne doivent pas contre dire les

précédents. Cela ne se déroule pas que dans l’intrigue, la narration. En réalité, nous avons pu

constater que chaque code de l’univers fictionnel de base doit être respecté scrupuleusement.

Nous avons vu en fin de première partie la manière dont Le Projet Blair Witch avait communiqué sur

son film pour en faire un « documentaire ». Ils avaient bouleversé les codes du genre de l’horreur

pour faire adhérer leur public à l’histoire. Ce film avait eu un réel succès et durant plusieurs

semaines, les internautes se sont emparés du phénomène pour chercher des indices relatifs à la

sorcière de Blair. En somme, la production du film était parvenue à instaurer une relation durable

alors même que les réseaux sociaux n’existaient pas. Ce point est intéressant puisque nous

rappelions au-dessus que ces médias ont leur importance quand il s’agit de se rapprocher de son

public. Il semblerait que cela soit possible, ou l’était, sans eux.

Mais concernant Le Projet Blair Witch, le plus intéressant est sa suite. La mise en place d’un projet

transmédia induit de fait une sérialité67, et donc la volonté de faire durer dans le temps chaque

projet. C’est donc naturellement que ce film a eu une suite, étant donné le succès du premier opus.

Néanmoins, nous avons relevé un manque de cohérence avec le premier. Le synopsis en lui-même ne

laisse rien découvrir du film, comme il en avait été le cas du premier :

« Quelques temps après la disparition de trois étudiants en cinéma, un groupe de

jeunes "touristes" revient sur les lieux de l'affaire afin de se frotter avec la légende de

la sorcière de Blair...68 »

Ici on remarque que l’on souhaite toujours induire le spectateur en erreur : la suite n’est pas

annoncée comme étant un documentaire ni comme étant un film. Pourtant, la bande-annonce69

nous montrera que l’histoire est bien romancée. En effet, loin d’être aussi amatrice que la première,

elle développe une qualité nouvelle, propre aux films de grande société de production. L’image est

nette, on ne voit pas de caméra portée, ce qui induit un film raconté d’un point de vue extérieur. Si

cette première vidéo laisse planer le doute, certaines paroles de la voix off sous-entendront que le

premier opus était en réalité bien un film mais que le second sera la réalité :

67 Christy DENA, Transmedia practice : theorising the practice of expressing a fictional world across

distinct media and environments, Thèse de doctorat, 2009. 68 Source : Allociné, http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=26271.html, consulté le 10 mai 2016 69 Voir sur : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18652076&cfilm=26271.html, consulté le 10 mai

2016

45

« Oubliez tout ce que vous avez entendu, oubliez tout ce que vous avez vu, car cette

fois-ci la réalité dépassera la fiction ».

En somme on continue à instiller le doute chez le spectateur, mais sans tenir compte de la campagne

précédente. C’est comme si on devait oublier le mythe du premier pour se plonger dans le second

volet. Et le film en lui-même confirmera cela : utilisation quasi inexistante de la caméra portée,

moyens importants pour les effets spéciaux, distanciation par le biais d’une focalisation externe, etc.

En somme, ce second volet vient bouleverser les codes du premier. Force est donc de constater que

l’absence de cohérence est ici encore plus perturbante que la campagne de brouillage des frontières

initiée par le premier opus. Ceci aura une conséquence directe sur le succès du film : pour 15 millions

de dollars de budget, dépassant ainsi largement les prétentions du premier film, ce dernier ne

remportera que 30 millions de dollars sur le sol américain70. Ainsi, le manque de cohérence entre ces

deux films appartenant à la même franchise a eu raison de leur succès. En bouleversant tout ce que

la première campagne avait permis de mettre en place, la production du film n’a pas su tenir compte

de la manière dont les spectateurs s’étaient attachés à l’univers fictionnel développé. Ce premier

exemple nous montre que la narration et l’énonciation ont une importance capitale dans un projet

transmédia. Si l’on change de focalisation et de codes d’un opus à un autre, c’est toute la sérialité du

projet qui est mis en doute. Le premier Projet Blair Witch nous faisait croire que les faits étaient réels

de par son apparent amateurisme, tandis que le second, grâce aux moyens développés par la

production, annihile tout le travail de brouillage de la franchise.

Mais cette cohérence ce travail au sein même de chaque dispositif, en utilisant chaque média à

l’aune des autres, comme le rappelait David Peyron :

« Les liens entre supports et l’influence intertextuelle des uns sur les autres sont

aujourd’hui une donnée incontournable de la culture de masse et plus

particulièrement de la culture de genre qui est à l’origine de cette tendance et en

reste donc l’exemple le plus probant. 71»

Il faut ainsi se mettre à la place du public à tout moment pour anticiper ses questionnements mais

surtout lui offrir ce qu’il veut, en accord avec l’univers fictionnel développé. Pour autant, la

cohérence ne signifie pas qu’il faut que chaque média soit trop dépendant d’un autre, comme

l’expliquait Simon Astier, créateur d’Hero Corp :

70 Source : Allociné, http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=26271.html, consulté le 10 mai 2016 71 David PEYRON, « « Quand les oeuvres deviennent des mondes » Une réflexion sur la culture de genre

contemporaine à partir du concept de convergence culturelle », Réseaux, 2008, vol. 2, no 148‑149, pp. 335‑

368.

46

« Une grosse part de ce qui est laissé en suspens va être expliquée sur Internet. Mais

si tu vois tout, que tu lis tout, forcément tu profiteras encore plus des petits détails,

des petits indices. Quand tu verras la saison 3, il y a des trucs qui vont te venir avant

les autres, c’est sûr. Mais non, rendre tout dépendant les uns des autres, c’est un peu

casse-gueule.72 »

Ici, le réalisateur explique que chaque mini-récit doit aussi pouvoir garder son indépendance, pour

que chaque type de public puisse y avoir accès sans être forcé de consulter les autres. En somme, si

chaque média est interdépendant, c’est bien pour servir l’univers fictionnel en son entier mais aussi

le public visé. Or, comme nous l’avions vu avec Alt Minds, chaque œuvre ou marque implique de

toucher des profils différents. Afin de pouvoir s’attacher un public particulier, ici les fans, il faut

savoir doser la dépendance et la cohérence. Hero Corp a très bien su le faire avec son dispositif

transmédia. Si Le Projet Blair Witch bouleversait les codes du film d’horreur, la série quant à elle,

bouleverse les codes du film de super-héros, mais reste fidèle à ses médias de prédilections.

Son succès est d’abord initié par une convention connue du monde des fans, le Comic Con :

« Il faut se servir du Comic Con pour lancer les choses, mais pas forcément la série. Il

faut que ce soit le Comic Con, qui est un rendez-vous assez historique avec les fans,

pour relancer le truc et en faire un bel événement, et que ça reparte de là. 73»

On voit ici l’importance que peuvent avoir les événements IRL pour lancer un projet transmédia. Plus

encore, cela permet de toucher chaque personne différemment, de personnaliser une

communication de masse grâce à ces événements où chaque acteur du projet peut rencontrer les

potentiels fans. Le choix du Comic Con n’est bien sûr pas un hasard puisque à l’origine ce type

d’événement servait des franchises développant des histoires de super-héros.

Plus encore, la cohérence doit aussi se retrouver sur le choix des supports, comme nous le disait

David Peyron plus tôt. Si nous avions expliqué que Star Wars avait choisi d’investir tous les médias

technologiques et porteurs d’avenir, c’était bien parce que cela rentrait dans la ligne éditoriale de

son genre, la science-fiction, mais plus encore car cela servait l’univers fictionnel. Pour Hero Corp, il

s’agira de la même chose. Les comics et bande-dessinées sont en effet fortement utilisées pour les

super-héros. Il est donc logique de retrouver la série en BD. Pour autant, si elles font parties du

dispositif transmédia de l’œuvre, elles restent indépendantes puisqu’on peut comprendre l’univers

72 Propos recueillis : http://www.madmoizelle.com/hero-corp-bd-simon-astier-158259, consulté le 15

avril 2016 73 Simon Astier dans son interview pour le Dailymars, http://www.dailymars.net/simon-astier-herocorp-

saison-3-tournage/, consulté le 15 avril 2016

47

sans pour autant les avoir lues. Elles se rapportent en fait à une période antérieure à la série,

développant les origines de l’univers fictionnel.

Dans le même ordre d’idée, les applications développées permettent au public de participer au

prolongement de l’œuvre sans pour autant mettre en danger le reste des supports. Leur choix est

d’autant plus justifiable qu’il s’agissait, dans la première, de remplir une mission pour retrouver les

super-héros disparus. N’est-ce pas là aussi cohérent avec le genre et l’univers fictionnel qui veut que

chaque personnage ait une mission à remplir pour le bien de la communauté ?

Enfin, nous avions développé plus haut la diégèse de la web-série La Voie de Klaus. Voici un parfait

exemple de cohérence et d’interdépendance puisque la saison 4 de la série ne peut se comprendre

sans la web-série. Nous n’avions dénoté dans ces deux supports aucune incohérence, et au contraire,

le visionnage de l’une nous permettait de comprendre plus globalement la seconde, et vice versa.

Ainsi, la cohérence d’un dispositif transmédia passe autant par sa narration que par son énonciation.

Plus que tout, le choix des supports et la manière dont on les investit peut jouer un grand rôle dans le

succès d’un tel projet. Si l’interdépendance de chaque média peut être un frein, de prime abord, par

la difficulté de mise en place que cela sous-tend, c’est bien cela qui fera la force d’un bon dispositif

transmédia puisque le public, pour connaître l’univers en son entier, devra consulter chaque média.

2.2 Innover tout en restant compréhensible et accessible

Pour autant, cette interdépendance et une utilisation trop complexe de chaque média peut desservir

le projet en son entier. Car la cohérence est bien la clé de la fidélisation d’un public :

« Pour cela, il faut que la marque retrouve une identité forte et cohérente qui parle

aussi bien aux consommateurs qu'aux collaborateurs de l'entreprise […] et condense

dans un récit cohérent tous les éléments constitutifs de l'entreprise : son histoire, la

nature des produits qu'elle fabrique, la qualité du service à la clientèle, les relations

de travail, le rapport à l'environnement,... 74»

Christian Salmon explique ici que l’identité de la marque doit se comprendre par les récits

développés. Si nous ne sommes pas d’accord avec son affirmation selon laquelle les membres de

l’entreprise doivent aussi croire à l’image que la marque développe, l’essence du message est claire :

l’accessibilité de cette identité pour le public. Car selon nous, les employés d’une marque passent en

second plan. Après tout, sommes-nous sûrs que les employés d’Oasis partagent sa vision du monde ?

74 Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, op. cit, p.34

48

Sommes-nous certains que les boissons de cette marque sont bien uniquement constitués de fruits

et d’eau de source, comme elle nous le dit ?

Ainsi le public doit être le premier à comprendre mais encore plus à adhérer aux messages de la

marque. Pour cela il doit tout d’abord comprendre cette vision du monde. Mais tous les publics ne

sont pas concernés. La marque doit d’abord toucher son cœur de cible : adolescents dans le cas

d’Oasis, les fans dans le cas de bien d’œuvres cinématographiques et télévisuelles. En effet, à part Le

Projet Blair Witch, nous n’avons trouvé aucune œuvre fictionnelle qui ne développait un dispositif

transmédia complet dès sa sortie. Amazing Spider Man fait partie de l’univers fictionnel Marvel, qui

comprend beaucoup d’autres films sur les super-héros. Hero Corp a initié son dispositif à la saison 3.

Il semblerait donc que pour des œuvres fictionnels, construire ce genre de stratégie se fait une fois la

communauté de fans construite. Il est donc tout à fait naturel que le public qu’ils souhaitent toucher

en priorité soit les fans.

Pour autant, leur univers fictionnel doit rester compréhensible pour un public de non-initié s’il espère

avoir du succès. Après tout, pourquoi nous intéresserions-nous à un dispositif transmédia si nous ne

comprenons pas l’univers fictionnel qu’il développe et éclate ?

Gorillaz est un parfait exemple d’un dispositif transmédia tourné vers ses fans, et uniquement vers

eux, rendant le dispositif hermétique aux autres. Suite à l’analyse de ce dispositif, nous nous sommes

retrouvés assez dubitatifs. Pour des personnes lambda ne connaissant rien du groupe (son histoire,

sa musique, sa culture, son mythe fondateur, etc.), son dispositif nous est resté complètement

opaque. Qui sont ces personnages animés qui déroulent des histoires complexes dans les clips ? En

visionnant ces derniers, si nous comprenions que les personnages cherchaient à chaque fois quelque

chose, nous ne comprenions ni leur utilité ni l’identité de leur quête. L’histoire développée dans

chaque clip du groupe est en effet un conte, partant d’une situation initiale, déroulant des péripéties

et se terminant plus ou moins bien. Néanmoins, le sens de cette quête nous est totalement

inaccessible, car nous ne connaissons ni l’univers développé par ce groupe, ni sa musique.

De la même manière, les différents mini-jeux que nous avons trouvé sur le site internet75 du groupe

nous sont restés inaccessibles jusqu’à la fin. Nous ne comprenions pas comment ils fonctionnaient ni

pourquoi nous devions y jouer. En somme, nous n’étions pas le public cible du groupe. Nous

supposons donc que ce dispositif était fait pour les fans avant tout. Il ne servait pas à attirer un

nouveau public, mais bien à immerger un public déjà fidèle dans un univers fictionnel. Grâce à ce

dispositif, le groupe s’assure de continuer à capter l’attention de son public entre deux albums, deux

concerts ou deux tournées mondiales.

75 http://gorillaz.com/, consulté le 18 mai 2016

49

Pour autant, même les fans peuvent se retrouver sans réponse face à certains dispositifs. S’ils sont

toujours heureux de pouvoir participer au prolongement d’une œuvre, ils peuvent être déçus de la

manière dont ils y sont plongés. C’est ce que nous ont rapporté les fans d’Hero Corp que nous avons

interrogé concernant les deux applications.

La première était en réalité une enquête, mais elle est passée presque inaperçue. Lorsque nous leur

avons expliqué que l’application n’était en fait qu’une partie des médias utilisés et que l’enquête se

déroulait aussi sur différents sites internet et au travers de plusieurs publications sur les réseaux

sociaux, les fans nous ont dit ne pas être au courant :

« Nous : Est-ce que tu savais aussi, par rapport à ce dispositif, que le but était de

retrouver les personnages grâce à des indices disséminés sur plusieurs sites dont

Allociné, avant même la sortie des épisodes ?

Lui : Ça ne me dit rien, non je ne crois pas que j'ai suivi ça. 76»

Pourtant, juste avant, il nous disait avoir suivi cette enquête au travers des réseaux sociaux, mais

s’être concentré plus tard sur l’application car elle se suffisait à elle-même. Ce point-là nous semblait

contradictoire étant donné les informations que nous avions. Nous avons donc interrogé le

community manager d’Hero Corp. Ce dernier nous a expliqué qu’effectivement l’enquête était

pensée pour se dérouler sur plusieurs médias. Malheureusement, les fans ont très vite trouvé les

réponses. Ici, on remarque que l’engouement des fans a dépassé les espérances de la production,

mais surtout que les auteurs n’avaient pas prévu que les fans connaîtrait si bien l’univers et qu’ils

pourraient anticiper sa suite aussi vite.

La réception de la seconde application est encore différente. Celle-ci était construite comme « Le

Livre dont vous êtes le héros ». On découvrait une histoire, chapitre après chapitre, censée expliquer

ce qu’il se passait pour certains personnages entre la saison 3 et 4. A chaque nouvelle action, les

joueurs avaient plusieurs possibilités de réponses. Il ne perdait jamais, mais selon leur choix,

l’histoire prenait une nouvelle tournure, avançait plus vite, ou au contraire ralentissait. Cela leur

permettait donc d’être acteurs de la série, même si c’était sur un support connexe.

Malheureusement, la complexité d’une telle application a vite perdue bien des fans. Ceux que nous

avons interrogé nous ont tous dit ne pas être allé jusqu’au bout de l’histoire. Selon eux, l’application

semblait avoir été écrite dans l’urgence, ce qui rendait certaines parties de l’intrigue incohérentes

par rapport à l’ensemble de l’univers fictionnel. De la même manière, le nombre trop important

76 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXVI, réalisé en mai

2016

50

d’informations avait tendance à égarer le lecteur qui ne savait alors plu ce qu’il avait fait la veille et

ce qu’il comptait faire après :

« Mais on était très vite perdu là-dedans, je pense. L’idée, du livre dont tu es le héros

était très bien, tu avais plein de fois possible, histoire à lire, mais pour le coup moi j'ai

lâché l'affaire alors que je pense qu'il y avait des éléments intéressants dans l'histoire.

Si tu as envie de tout savoir sur la série, et de ne pas être perdu, c'est un peu

dommage. Mais pour le coup, je crois que ça avait été fait dans l'urgence, c'est

Sébastien Lalanne qui avait fait ça. Et je pense que s'il avait eu un petit peu plus de

temps ça aurait pu être bien mieux. Mais quand même pour quelque chose qui a été

fait dans l'urgence c'était pas mal. 77»

Malgré tout, les fans sont prompts à pardonner car selon eux, le fait qu’elle ait été développée en si

peu de temps ne permettait pas d’en faire un aussi important support que la première application.

De la même manière, ils sont heureux que l’équipe de la série ait pu se faire plaisir en développant

cette histoire. En somme, les fans sont prêts à passer outre les défauts d’une telle application car ils

sont déjà attachés à l’univers fictionnel en question et qu’une erreur de ce type ne saurait les faire

fuir.

Ces deux exemples nous montrent que de tels dispositifs sont avant tout pensés pour des fans et que

les non-initiés ne peuvent comprendre leur importance. Pourtant, si l’on parle de marque de grande

consommation, comme Oasis, la communauté de fans était inexistante avant la mise en place du

dispositif transmédia. Leur public cible étant les jeunes, ils devaient mettre en place un univers

fictionnel accessible, attirant et compréhensible pour ce type de profils. C’est donc tout

naturellement qu’ils ont investi des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram et

Snapchat. Les jeunes y sont très présents, notamment sur le dernier. De la même manière, les

applications qu’ils ont développées offrent un contenu attrayant pour un tel public.

La Chuuute s’inspire de Doodle Jump, un jeu qui avait eu beaucoup de succès chez les adolescents.

Fruitbox78, où le joueur peut choisir les personnages pour composer une musique et une

chorégraphie appropriée, rappelle les karaokés et Just Dance, un jeu de console où il s’agissait de

reproduire une chorégraphie. Enfin, Be Fruit où les joueurs peuvent prendre des photos avec les

personnages et les partager sur les médias sociaux joue sur la volonté de se mettre en scène sur

77 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXVI, réalisé en mai

2016 78 Annexes I objet du corpus : Oasis, Application FruitBox d’Oasis, p. V

51

internet. Enfin, la web-série L’Effet Papayon réside de l’engouement des nouvelles générations pour

les séries mais aussi pour le web.

Leur dispositif transmedia est donc accessible pour leur cible. Même s’il paraît complexe du fait du

nombre important de supports qu’il développe, il est très facile à comprendre puisque des profanes

comme nous avons pu le saisir très rapidement.

Nous avons vu dans cette partie que pour qu’un dispositif transmédia puisse permettre d’établir une

relation durable avec le public d’une marque, il faut qu’il soit cohérent tant dans sa narration que

dans son énonciation ou dans les supports qu’il utilise. Plus que tout, ces derniers doivent être

choisis en fonction du public ciblé tout comme leur contenu. Si certains dispositifs restent opaques

pour les non-initiés, c’est bien parce qu’ils développent une vision du monde qui n’est

compréhensible que par les fans. Et alors même, la manière dont ces supports sont investis peut

mettre en péril l’attention des fans s’ils deviennent trop complexes. Il faut donc savoir jauger la

complexité des dispositifs que l’on met en place.

3. Entre promotion et immersion dans les codes de l’univers fictionnel

Cette dernière partie sera consacrée au discours d’accompagnement et de promotion de dispositifs

transmédia. Car si une telle stratégie de communication semble bien permettre de construire une

relation durable avec son public, il n’en reste pas moins que ce dernier doit être au courant de

l’existence du dispositif. Nous verrons ici les différentes stratégies mises en place par les marques

que nous avons étudié.

3.1 Communiquer sur les codes de l’univers fictionnel pour attirer son public

Si le dispositif transmédia d’une marque est accessible et compréhensible pour ses cibles, reste

maintenant à comprendre en quoi cela permet de tisser une relation durable avec son public. Benoît

Heilbrunn expliquait ceci dans un article. Aujourd’hui, le but d’une marque n’est plus de faire

acheter, mais bien de créer du lien et surtout du sens :

« On considère la marque comme une machine narrative dont la fonction est de

produire et de transmettre du sens.79»

Ce sens est en réalité une piste pour que les consommateurs puissent saisir l’identité de la marque.

Cela s’accompagne de valeurs humaines, puisqu’on ne peut saisir une identité si elle n’est pas

79 Benoît HEILBRUNN, « Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque », Revue française de

gestion, 2003, vol. 4, no 145, pp. 131‑144, p.134.

52

empreinte de valeurs que les consommateurs ne sauraient saisir. C’est cela que Benoît Heilbrunn

met en avant : le travail d’une marque est de se faire aimer grâce à la mise en place d’un récit.

Cela permettra par extension de fidéliser son public. Or, toujours selon cet auteur, pour qu’il y ait

fidélité, il doit y avoir promesse et la marque doit tout faire pour la tenir. Afin d’attirer un public, la

mise en récit passe donc par cette promesse. Grâce à la narration, la marque démontrera à son

public qu’elle tiendra cette promesse. Alors seulement les consommateurs pourront être fidèles.

Si l’on va plus loin, on se rend alors compte que le public a alors bien plus de pouvoirs puisqu’il est

détenteur de la relation. Si la marque décide quelle image elle voudra communiquer, c’est le

consommateur qui la développera un peu plus en y participant. Ainsi, tout projet transmédia

s’accompagne d’une co-création de contenus et par extension de la co-construction de l’identité de

la marque. Au travers du récit initié par la marque, chaque personne peut y participer en prolongeant

cet univers et ce de plusieurs manières. Il peut s’agit d’un simple partage du contenu de marque, de

commentaires sur ses créations et même de création de contenus inédits. C’est ce que nous avions

vu lors du concours initié par Hero Corp. Les fans avaient participé au prolongement de l’univers

fictionnel en envoyant des textes, photos et vidéos de leur propre création.

En faisant cela les consommateurs permettent à la marque d’ajuster son image et son identité. On

peut ainsi parler de feed-back : si la marque initie un récit, c’est au consommateur de le continuer en

le dotant des valeurs qu’il pense être celles de sa marque favorite. Cette question de la

réappropriation sera traitée dans une troisième partie. Mais ce qu’il est intéressant de remarquer ici

est que si les consommateurs ont un certains pouvoirs de décision et de création, les codes de

l’univers fictionnel sont d’abord créés par la marque.

Afin qu’ils puissent co-construire l’identité et l’image d’une marque, il faut avant tout que cette

dernière établisse certaines règles. C’est ce que nous appelons les « codes de l’univers fictionnel ». Ils

sont toujours choisis en fonction de l’image que la marque souhaite communiquer. Si nous avons vu

que ces codes ne sont pas créés depuis le néant mais correspondent bien à une réappropriation de

codes médiatiques ou de genres, il n’en reste pas moins que pour se faire comprendre chaque

marque communique des codes différents en fonction de son image.

Nous prendrons ici l’exemple d’Oasis. Comme nous l’avions dit plus tôt, cette marque de boisson a

pour cœur de cible les jeunes enfants et adolescents. Sa ligne éditoriale est simple et elle nous le

rappelle à chacune de ses publicités : profiter de la vie, rire de tout et rester naturel. Difficile de

communiquer sur un optimisme et un enthousiasme à toute épreuve … Son dispositif transmédia fait

pourtant cela très bien.

Si parfois la marque reste dans une communication institutionnelle très basique en affichant

simplement les valeurs qu’elle défend (boissons sans sucres ajoutés, protection de l’environnement,

53

etc) sur Facebook ou sur son site80, tous ses récits sont pourtant émaillés de ce message. Son site

internet en est le reflet. Si l’on regarde son design, on se retrouve avec tous les codes d’un hôtel

paradisiaque. Le menu est affiché sur des panneaux en bois, le fond du site laisse voir des palmiers et

une mer d’un bleu limpide, et son cadre semble fait en bois de bungalows. La marque communique

ici des valeurs naturelles mais surtout qui font penser à l’été. Elle construit un site qui va à l’encontre

de toutes les tendances design du moment : flat design, one page et couleurs sobres.

Le hasard n’est pour rien là-dedans puisque la plupart de ses publicités se déroulent sur une plage ou

dans un paysage paradisiaque. La source d’eau naturelle semble même y avoir une place

prépondérante puisque ses publicités se finissent toutes avec les fruits plongeant à l’eau. Ici le

message est clair : nos boissons sont uniquement faites de fruits et d’eau pure. En somme les

publicités confirment ce que la marque affiche sur ses descriptions officielles.

Elles communiquent également une certaine joie de vivre. S’il arrive parfois malheur à ses

personnages-fruits, la situation finit toujours par s’arranger. Dans les publicités, le cadre même

dénote un optimisme et un « amour de la vie » : jeunes jouant ensemble, personnages en train de

danser ou de draguer, etc. Oasis va même plus loin en détournant les tendances sur les réseaux

sociaux, et notamment sur Twitter. Le community manager de la marque se sert en effet des tops

tweets81 et des événements importants pour attirer son public. Pour exemple le détournement d’un

hashtag :

Tweet d’Oasis concernant un hashtag très populaire le jour de la publication

Ici la marque communique sur la nostalgie, mais toujours dans un esprit enfantin censé toucher son

cœur de cible. Il en ira de même pour toutes ses communications sur les réseaux sociaux. Chacune

80 Annexes I objet du corpus : Oasis, Présentation de la marque Oasis sur les réseaux sociaux, page II 81 Il s’agit de hashtags les plus populaires sur le réseau social, c’est-à-dire ceux qui sont le plus utilisés par les

utilisateurs du site. Ils changent sans arrêt, obligeant ainsi une sorte de veille à tout instant.

54

nous fera rire ou nous rappellera des souvenirs. Pour aller encore plus loin, elle détourne également

les titres de films familiaux à l’instar de La Planète des Singes : l’Affrontement qu’elle transforme en

La Planète des Raisinges : l’Affrontemangue82.

Elle utilise le champ lexical du fruit pour faire siens tous les événements et tendances du web. Cela

lui permet d’attirer les personnes qui ne connaîtraient pas encore la marque puisqu’en utilisant des

hashtags en top tweet elle gagne une visibilité importante sur les réseaux sociaux. En même temps,

elle fidélise certains consommateurs en leur permettant de participer car ce champ lexical est

facilement utilisable. La preuve en est que certains fans remplissent leurs commentaires de mots

comportant des fruits :

Commentaire d’un fan d’Oasis sur Facebook concernant un concours

En somme la marque rend accessible ses codes et valeurs afin que le public puisse s’en emparer

facilement. Par ce simple fait, elle s’assure une relation durable avec ses fans puisqu’ils peuvent

participer au prolongement de l’univers fictionnel :

« Les marques seraient donc susceptibles de susciter des comportements de nature

tribale et répondent à un ensemble de désirs qui outrepassent les attentes

traditionnelles des consommateurs à l’égard des marques.83 »

Oasis offre à ses fans de nouvelles choses, elle leur donne une place que peu de marques accordent

en temps normal. En leur permettant de s’emparer de ses codes, elle leur offre la possibilité de co-

construire son identité. Même si ses codes sont établis par Oasis, le public est libre de les détourner

lui aussi. L’application Be Fruit en est un parfait exemple puisque le joueur peut prendre des photos

de lui et y ajouter certains fruits84. Le choix est laissé libre quant au contenu de ces photos, même si

les valeurs communiquées par la marque sous-entendent des photos plutôt joyeuses ou qui

détournent des situations quotidiennes. Cela à un double objectif : offrir aux consommateurs la

possibilité de s’afficher sur les réseaux et en même temps communiquer sur ses valeurs et attirer de

nouveaux consommateurs.

82 Annexes I objet du corpus : Oasis, Affiche du film La Planète des Raisinges : l’Affrontemangue, page III 83 Benoît HEILBRUNN, « Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque », op. cit, p.143 84 Annexes I objet du corpus : Oasis, Présentation de l’application Be Fruit d’Oasis, page III

55

Dans tous les cas, l’idée d’une construction de communauté y est prépondérante. En somme, Oasis

prend pour elle l’adage « le monde attire le monde ». Plus la marque aura de fans, plus ses

communications auront d’impacts et gagneront en visibilité puisque chaque fan peut toucher ses

proches en partageant simplement les publications de la marque sur les médias sociaux.

Cela est encore une force du transmedia qu’Henry Jenkins résume très bien :

« Une des clés du transmédia est que l’engagement crée une relation avec les fans,

souvent à travers la mise en place d’opportunités pour les fans de participer au

développement de l’histoire. Celles-ci peuvent prendre les formes suivantes :

collecter et échanger des informations disséminées sur diverses plateformes

médiatiques, élaborer des aspects de l’histoire par des votes, ajouter leurs propres

contenus de fans, ou un engagement interactif dans un jeu en ligne. 85»

3.2 Le discours d’accompagnement des dispositifs transmédias pour mieux lier chaque

média

En plus de la possibilité laissée aux fans de s’emparer de ces contenus de marque pour prolonger

l’univers fictionnel, chacune accompagne son dispositif d’un discours différent. Cela a pour but de

fidéliser le public à ce même dispositif, de le pousser à participer. Myriam Bahaud expliquait que

chaque projet transmédia devait être vu comme une franchise ou un licensing dont l’objectif est de

faire de chaque film un événement capital86. Bien sûr toutes les marques développant un dispositif

transmédia ne sont pas des industries culturelles, mais elles parviennent tout de même à faire d’un

nouveau produit un événement, comme Oasis lorsqu’elle sort un nouveau goût pour ses boissons. A

ces moments-là, ses communications s’accélèrent, on découvre un nouveau personnage et de

nouvelles publicités appelées film.

On remarque ici que le transmédia permet à la marque de parler de son nouveau produit sur tous les

médias qu’elle a investi. Cela sous-tend une promotion de son propre dispositif. En réalité, toutes les

marques le font puisque pour que le public vienne à utiliser chaque média de son dispositif, il faut

qu’il en ait connaissance. Pour cela, le suspens semble être une arme redoutable :

« Tout comme les feuilletons utilisaient le suspense et les énigmes pour faire revenir

les téléspectateurs devant leur écran la semaine suivante, le transmédia utilise des

85 Henry JENKINS, « La licorne origami contre-attaque », Terminal, 2013, no 112, pp. 11‑28, p.16 86 Myriam BAHUAUD, « Transmedia storytelling : quand l’histoire se conçoit et se construit comme une licence »,

Terminal, 2013, no 112, pp. 77‑88.

56

extensions auxiliaires pour développer des univers fictionnels, renforcer le passé des

personnages, et explorer des points de vue alternatifs.87 »

Si chaque nouveau support permet d’étendre encore et toujours plus l’univers fictionnel de base, ils

servent également à fidéliser le public puisque ce dernier n’aura d’autres choix, pour connaître

l’univers en son entier, que de consulter ces contenus. Evidemment, leur simple existence ne suffit

pas et les marques se doivent de communiquer dessus. Les stratégies mises en place sont alors très

différentes et nous en étudierons deux : celle de Star Wars pour promouvoir le dispositif de son

dernier opus, et celle d’Hero Corp.

Le dernier film de la franchise Star Wars fut un réel événement pour plusieurs raisons. En premier

lieu car sa sortie fut annoncée plusieurs années avant. La saga étant terminée depuis près de 10 ans,

les fans furent surpris de cette annonce et en même temps enchantés. Par la suite, le rachat des

droits par Disney a fait trembler les communautés de fans et un débat houleux a commencé. En

somme, le simple choix de faire un nouveau film est devenu un événement important.

Mais la franchise ne s’arrête pas là car dès l’annonce du nouvel opus, il a fallu entretenir cet

engouement et cette curiosité. Sa stratégie marketing a alors commencé au travers d’un dispositif

transmédia entièrement dédié à ce nouveau film, alors que la saga engageait déjà ce type de création

de contenus de par son rayonnement international. Ainsi, la production est parvenue à faire du

transmédia promotionnel. Star Wars a opté pour une stratégie de captation de l’attention, et même

de captivité puisqu’elle inonde sans cesse les fans d’informations au travers de médias différents. Les

deux applications mobiles mettent particulièrement l'accent sur cette immédiateté. Le support n'y

est pas pour rien, puisque diffuser des actualités liées à la saga sur des téléphones portables est une

assurance pour être lu instantanément. Bien évidemment, les fans n'ont pas besoin en soi de ces

supports pour rechercher les informations qu'ils souhaitent, mais le discours accompagnant les

applications vend leurs actualités. En effet, sur les descriptions de ces applications, on retrouve

toujours l'expression « informations exclusives ». Cela signifie donc que seuls les utilisateurs de ces

applications peuvent être au courant des dernières actualités autour de la saga.

Les nombreux teasers et vidéos promotionnelles postés sur le site internet et les réseaux sociaux

s'ajoutent à cela. En effet, les teasers s'accélèrent dans le temps. Le premier, posté début novembre

2014, soit plus d'un an avant la sortie du film, est espacé de plusieurs mois avant le prochain spot de

promotion audiovisuel. Mais un peu plus d'un mois avant la sortie du film, nous pouvons compter

près d'un teaser par semaine. A cela s’ajoute la sortie du jeu vidéo Star Wars Battlefront. Au sein

87 Henry JENKINS, « La licorne origami contre-attaque », op. cit, p.15.

57

même de ce média, les actualités fourmillent : découverte d’une nouvelle planète où se jouera

l’action principale du film, déblocage de nouveaux contenus après la sortie du film, etc.

Au sein même de chaque média, les fans peuvent découvrir de nouvelles choses. Les teasers servent

à poser les bases de ce nouvel univers fictionnel et font découvrir, petit à petit, de nouvelles choses :

engins motorisés, nouveaux personnages, nouvelles planètes, nouveaux méchants, etc. Les

applications même sont une nouvelle source d’informations pour les fans car avec la réalité virtuelle,

ils peuvent explorer la fameuse nouvelle planète.

Ainsi, Star Wars assure un dispositif transmédia éclaté sur plusieurs mois, offrant des contenus

exclusifs et toujours porteurs de potentiels indices que les fans curieux pourront décortiquer afin de

mieux connaître l’univers de la saga. Si nous avions vu plus tôt que la franchise reste éloignée de son

public par l’utilisation qu’elle a des réseaux sociaux, elle leur offre en réalité des contenus exclusifs

qui obligent les fans à rester sans cesse vigilants pour se tenir informés. Ainsi, elle développe leur

expérience de l’univers fictionnel et grâce à cela, s’attache leur fidélité. Mais à aucun moment on ne

parle de dispositif transmédia ou promotionnel. On présente ces contenus au public comme étant

nouveaux et accessibles sur presque tous les médias qu’ils connaissent.

La production d’Hero Corp quant à elle opte pour une transparence, suivant ainsi sa ligne éditoriale

sur les réseaux sociaux. Nous avons en effet remarqué plusieurs messages sur les réseaux sociaux

avec les termes « transmédia » et « cliffhanger ». La modération de la série emploie ces termes

lorsqu’elle partage des articles parlant du dispositif88. C’est comme cela qu’elle fera la promotion de

son dispositif. Cette transparence des termes a pour effet d’impliquer un peu plus les fans et ainsi le

sentiment de proximité en est décuplé. Les fans d’Hero Corp que nous avons interrogé connaissent

tous les définitions de ces termes, tandis que pour les fans de Star Wars, le terme de transmédia ne

reste accessible qu’aux initiés du cinéma ayant approfondis cette question par leurs études ou leur

métier.

Les réseaux sociaux offrent en effet à la production un très bon moyen de promouvoir son dispositif

transmédia. Nous avons remarqué beaucoup de messages rappelant la sortie d’une application ou

d’une bande-dessinée. En comparant la date de ces messages avec la sortie de nouvelles saisons,

nous avons remarqué qu’ils apparaissaient tous en intersaison. Et pour cause, chaque contenu

transmédia apparaît quelques semaines avant la diffusion d’une nouvelle saison.

Cela n’est pas anodin puisque une série implique forcément des temps morts. Afin de capter

l’attention de ses fans même lorsque le média principal n’offre pas de nouveaux contenus, la

production a décidé de sortir des contenus exclusifs grâce à son dispositif transmédia. Ce dernier est

88 Annexes II objet du corpus : Hero Corp, Exemple d’articles contenant le terme « transmédia » sur les réseaux

sociaux de la série Hero Corp, page VI

58

en réalité une « excuse » permettant de capter sans coupure l’attention de son public. Le terme de

durée du projet prend ici toute son importance : plutôt que d’attendre une nouvelle saison pour

capter ponctuellement l’attention de son public, la production se servira des intersaisons pour lui

offrir une expérience différente et en même temps de nouveaux contenus. Et même lorsque ce

dispositif n’est pas encore disponible puisqu’il ne sort que quelques semaines avant une nouvelle

saison, laissant de longs mois sans contenus potentiels, les médias sociaux permettent de diffuser

des actualités autour de la série : photos de tournages, sorties des dvd, jeux et concours, séances de

dédicaces, etc. Pas un jour ne passe sans que la modération d’Hero Corp poste un message

engageant de nouveaux le public.

Ainsi, nous avons vu ici que toutes les marques se doivent de communiquer sur leur dispositif

transmédia afin de s’assurer de son utilisation par son public. Ces deux franchises, malgré

l’apparente différence de leurs stratégies, ont choisi de ne pas perdre leur public en communiquant

sans cesse de nouvelles informations. Leur dispositif transmédia devient ainsi une « excuse » pour

faire de la sortie d’un nouvel opus ou d’une nouvelle saison un événement incontournable.

Si le transmédia bouleverse les relations entre un public et sa marque, c’est aussi pour pouvoir

construire avec lui une relation durable et s’en rapprocher. Si chacune engage des stratégies

différentes, la mise en scène de personnages semble être un moyen sûr pour capter l’attention de sa

cible. La cohérence est aussi d’une importance capitale car sans cela la réalité d’un tel univers est

remise en question. Cela implique également que chaque dispositif soit pensé en fonction du public

cible, puisque cette cohérence ne peut prendre effet que pour lui. A chaque nouvelle

communication, les marques doivent s’assurer que l’identité et l’image qu’elle communique est bien

celle mise en place par leur dispositif transmédia.

Plus que tout, un dispositif de ce type permet de mettre en place des stratégies de communication

de fidélisation puisque le public construit lui aussi l’identité et l’image de la marque. Chaque média,

et notamment les réseaux sociaux, vont participer à se rapprocher de son public et à l’engager. Il ne

s’agit donc plus de convertir un public afin qu’il consomme, mais bien de l’engager sur la durée. Nos

analyses ont montré que les dispositifs transmédia font d’une nouveauté banale (nouveau film,

nouvelle saison, nouveau produit) un événement capital. Grâce à l’éclatement de la communication

sur plusieurs médias, les marques s’assurent de « captiver » l’attention de leur public. Néanmoins, il

reste encore à prouver qu’un tel dispositif permet la construction de communautés de fans qui

défendront avec force les codes de l’univers fictionnel et donc par extension la marque.

59

III La construction de communautés de fans soudés autour des codes de

l’univers fictionnel

Les fans ont une importance capitale pour le succès d’une marque, car ce sont eux qui vont la faire

découvrir à leurs proches, eux qui achèteront ses produits et qui la défendront envers et contre tous.

Dans cette partie, nous montrerons comment de telles communautés fonctionnent, offrant ainsi des

outils d’analyses pour les marques désireuses de construire un dispositif transmédia. A travers

plusieurs exemples, nous étudierons le comportement des fans, leur engagement et leur

appropriation des codes de l’univers fictionnel.

1. Faire partie d’une communauté de fans : un sentiment individuel poussé par le

collectif

Cette première partie permettra au lecteur de mieux connaître les fans en tant qu’individu, mais

aussi en tant que communautés. Nous montrerons ici que si chaque fan aime différemment son objet

de passion, ils souhaitent presque tous partager leur passion. C’est ainsi qu’ils se font ambassadeurs

de la marque par différents moyens que nous verrons au travers de plusieurs exemples.

1.1 Le partage de sa passion au travers des technologies et de son discours

Tenter de définir ce qu’est un fan n’est pas facile, même si nous en avons tracé quelques lignes en

introductions. En réalité, ce sentiment semble appartenir à chaque personne. Certaines personnes se

diront fan parce qu’elles connaissent une œuvre sur le bout des doigts, tandis que d’autres

penseront que le manque de recul et un comportement presque obsessionnel est une priorité pour

être fan. Les définitions pullulent donc, mais nous resterons sur celle que nous avons donnée au

départ de cette enquête. Un fan est donc avant tout une personne qui aime quelque chose

profondément et surtout, il est le premier fidèle d’une telle œuvre.

Ce sentiment d’amour est bien sûr très personnel. Une passion ne se développe pas en communauté,

mais d’abord individuellement. C’est par la suite que le collectif vient prendre le pas sur l’individu. La

communauté prend alors une grande place dans la vie d’un fan, puisqu’elle permet en quelques

sortes de légitimer son sentiment89. Ainsi, il se sent accepté par d’autres personnes qui partagent sa

passion, et le poussent même à continuer :

89 Philippe LE GUERN, Les cultes médiatiques, culture fan et œuvres cultes, PUR., Rennes, 2002.

60

« Donc forcément ça entretient le truc, quand tu as en face de toi des gens qui te font

des références, qui peuvent te sortir des épisodes passés. Ça entretient, ça donne

envie de continuer. 90»

Les communautés de fans ont ce pouvoir de captiver l’attention de leurs membres parce qu’elles leur

permettent de partager leur passion. Loin de se substituer aux rendez-vous habituels des fans IRL, les

communautés sur internet leur permettent d’effectuer une veille informationnelle sur leur objet de

passion. C’est une transmission de passion d’autant plus importante que les fans aiment partager ce

qu’ils aiment, comme nous le disait celui-ci :

« D'une part parce que c'est toujours agréable de regarder un film, une série à

plusieurs, enfin moi j'aime bien. C'est toujours sympa d'avoir des intérêts communs

avec les gens avec qui tu es proche. Et d'autre part parce que ce sont des séries qui

m'ont apportées tellement que j'aime tellement, qui me font tellement rire,

tellement pleuré par exemple, et toutes les émotions que tu connais, donc forcément

tu as envie que ça apporte aussi aux gens que tu aimes. Donc oui tu as envie que les

gens que tu apprécies partagent ça avec toi, et que ça leur apporte autant que ce que

ça t'a rapporté à toi.91 »

On voit bien ici que ce fan désire partager sa passion avec ses proches. Malheureusement, on ne

peut forcer les autres à aimer quelque chose. Puisque les fans, comme le soulignait Le Guern, sont

souvent rejetés par leurs proches, du fait de leur passion parfois obsessionnelle, ils n’ont d’autres

choix que de se tourner vers ceux qui partagent leurs sentiments et se rassemblent donc en

communautés de fans :

« Les études de fans ont souligné quant à elles l’impérieuse nécessité qu’il y avait

pour l’aficionado de partager la singularité de sa passion (émotions, informations,

objets, etc.) au sein de communautés de fans. 92»

C’est par ce collectif que les fans peuvent prolonger l’œuvre et la faire vivre par leurs discussions. Au

sein de ces communautés, des savoir-faire se transmettent, permettant à ceux qui s’y connaissent

90 Annexes IV, Retranscription d’entretiens avec les fans d’Hero Corps, Entretien n°1, p. XIII, réalisé en mai 2016 91 Annexes IV, Retranscription d’entretiens avec les fans d’Hero Corps, Entretien n°1, p. XXIII, réalisé en mai

2016 92 Clément COMBES, « La consommation de séries à l’épreuve d’internet. Entre pratique individuelle et activité

collective », Réseaux, 2011, vol. 1, no 165, pp. 137‑163, p.140

61

moins de découvrir de nouvelles choses. C’est un moyen pour eux de réaffirmer leur passion et de

faire en sorte que l’œuvre ne tombe pas dans l’oubli :

« Les fans sont ceux qui font vivre les œuvres après leur sortie et permettent qu'elles

ne sombrent pas dans l'oubli ou deviennent juste des classiques du passé réservés

aux seuls cinéphiles. 93»

Le sentiment de partage devient alors très important et les communautés de fans permettent à

chacun de continuer à faire vivre l’œuvre, en dehors de sa diffusion. Le transmédia impliquant

forcément une sérialité, ces communautés prennent d’autant plus d’importance qu’elles vont

permettre de prolonger l’œuvre originelle durant ses temps morts :

« Ces productions sont autant de pratiques par lesquelles les sériphiles prolongent,

enrichissent et complètent selon leurs envies leurs fictions favorites. Elles s’appuient

sur les prises offertes par les récits originaux, profitent des interstices qui se créent en

leur sein ainsi qu’entre les différentes séries.94 »

Nous avions vu que sur les réseaux sociaux, le community manager d’Hero Corp animait beaucoup la

communauté en intersaisons afin d’éviter que la série soit oubliée. C’est pour cela que selon nous les

réseaux sociaux sont d’une importance capitale puisqu’ils permettront d’engager un sentiment de

collectivité. De plus, ces outils facilitent le partage de messages de la production ou d’autres fans.

Grâce à leur pouvoir de viralité, les réseaux sociaux permettent donc de construire des

communautés de fans quasi dépendantes de la modération qui pourra choisir ce qu’elle souhaite

partager avec eux et ainsi imposer une ligne éditoriale que les fans devront respecter pour pouvoir

appartenir à ces communautés.

Comprenant ceci, des marques comme Oasis encouragent les fans à partager leur prolongement des

codes de l’univers fictionnel. C’est ainsi que dans l’application Be Fruit, les joueurs peuvent partager

leurs photos sur les réseaux sociaux. Concernant la Chuuute, ils peuvent partager leur score. Mais

certaines marques vont encore plus loin en créant des médias sociaux sur lesquels on ne peut

accéder qu’en téléchargeant une application.

C’est ce qu’a fait Star Wars avec son application officielle. Mettant en avant le fait qu’elle permettrait

aux fans de se tenir au courant des dernières actualités de la saga, la production a attiré ainsi

93 Annexes V, Retranscriptions d’entretien réalisés avec les fans de Star Wars, Entretien n°2, p. LX, réalisé en

mars 2016 94 Clément COMBES, « La consommation de séries à l’épreuve d’internet. Entre pratique individuelle et activité

collective », op. cit, p.149

62

l’attention de son public. Par la suite, comme nous l’avions expliqué en seconde partie, elle s’est fait

un devoir d’animer cette communauté en inondant les fans d’informations exclusives. Mais elle ne

s’arrête pas là puisque les mini-jeux que contiennent l’application ne permettent le partage, pour

certains, qu’entre détenteurs de cette application. Ajoutons à cela le jeu vidéo Star Wars :

Battlefront qui a permis la création de nombreux forums au sein des quels les joueurs pouvaient

s’entre-aider. En somme la production a souhaité créer plusieurs communautés de fans car leurs

profils étaient tous différents : les joueurs de l’application et ceux du jeu vidéo n’ont pas les même

attentes ou le même temps à accorder à ces dispositifs. En soit, il s’agit de construire plein de

communautés, et pour être expert de la saga, il faudra alors investir chacun de ces outils et sans

doute devoir discuter avec les autres personnes de chaque communauté.

Hero Corp a tenté de faire la même chose avec ses applications en intersaison. Si ici le partage n’était

pas autorisé ou expressément encouragé, les fans sur les forums ont en revanche tenus de longues

conversations concernant cette enquête. Ils sont allés jusqu’à offrir aux autres les contenus exclusifs

de cet outil comme les fiches des super-héros. Ils ont ainsi permis à ceux qui n’y avaient pas accès

pour diverses raisons, de pouvoir voir ce contenu exclusif.

Ces analyses nous démontrent plusieurs choses. Tout d’abord que les marques doivent encourager la

construction des communautés de fans afin de capter l’attention de leur public à longueur de temps.

Les inonder d’informations ne suffit pas, il faut leur permettre également de partager leur passion

sur la toile. Pour cela, les médias sociaux semblent être des outils idéaux. Néanmoins, il ne faut pas

oublier que dans tous les cas, ces communautés se construiront d’elles-mêmes puisque les fans

aiment partager leur passion avec les autres. Cette notion de partage est alors très importante

puisqu’elle sous-tend ici le désir d’afficher pleinement sa passion devant les autres. Après tout, sur

les réseaux sociaux, nos amis ne sont pas tout le temps fans des mêmes choses que nous. Partager

les messages de la modération ou ses propres créations est un moyen de s’affirmer, face aux autres,

comme fan d’une œuvre particulière.

1.2 Afficher sa passion grâce à la collection de produits dérivés

Si le partage fait bien parti du sentiment d’appartenance à une communauté, la collection d’objets

est aussi importante. Si cela ne fait évidemment par parti d’un dispositif transmédia, il est important

de noter que les fans sont aussi des collectionneurs. Comme nous l’avions dit plus haut, les fans sont

très actifs, et étant les plus fidèles, ils achètent les produits d’une marque. Lorsqu’on parle d’œuvres

culturelles, il s’agit de produits dérivés :

63

« Personnellement, quand je suis fan d'une série, j'aime bien tout avoir des livres,

DVD, tout ce qui raconte des histoires parce que j'étais trop frustré de ne pas tout

savoir. 95»

Ce fan nous montre ici qu’il souhaite collectionner tout ce qui se rapporte à sa série préférée car il a

besoin de tout savoir. Les produits dérivés d’Hero Corp participent de son dispositif transmédia. En

effet, les bandes-dessinées nous permettent d’en apprendre plus sur les origines de la série, les DVD

nous offrent la possibilité de revoir la série et d’avoir accès à des contenus exclusifs tels que des

scènes coupées ou le bêtisier. Mais les produits dérivés ne participent pas tout le temps directement

de ce type de dispositif.

Pourtant, ils ont une grande importance pour les fans puisqu’ils leur permettent d’afficher fièrement

leur appartenance à une communauté :

« Nous sommes de grands enfants et les produits dérivés, en dehors de leur beauté

esthétique, est une façon communautaire de faire partie de ce fameux clan de fans.

On ne joue plus avec mais on aime les exposer. C'est aussi une façon de vivre aux

cotés de cet univers sans pour autant voir les films.96 »

Ce fan explique que l’achat d’objets liés à son œuvre favorite lui permet de se souvenir de l’univers

fictionnel en question. En somme, en plus de pouvoir afficher sa passion, ces objets lui rappellent

également que cet univers existe réellement. Si pour lui ils ne sont pas des jouets, pour certains fans

ils peuvent permettre de prolonger l’œuvre originelle. En effet, dans Culture de la Convergence97,

Henry Jenkins nous racontait l’histoire d’un fan de Star Wars ayant tourné un court-métrage en

utilisant notamment les objets de la saga qu’il avait collectionnés. Son court-métrage était une sorte

de parodie et de satyre de l’univers fictionnel qui a eu énormément de succès au sein de la

communauté de fans. Si bien que LucasFilm, société de production de la saga, l’a engagé au sein de

son équipe.

Ainsi, bien plus qu’un moyen d’afficher sa passion, les produits dérivés peuvent aussi permettre aux

fans de prolonger leur univers favoris grâce à des œuvres de leur propre création. Star Wars étant

une saga à renommée internationale, ses produits dérivés sont nombreux et variés. La production les

95 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXVI, réalisé en

mai 2016 96 Annexes V, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans de Star Wars, Entretien n°2, p. LIV, réalisé en

mars 2016 97 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, chapitre IV : "Quand les créativités

des fans rencontre l'industrie des médias", op. cit.

64

met régulièrement en avant. Sur le site internet dédié au dernier opus, on peut ainsi retrouver toute

une galerie de fonds d’écran pour ordinateur. Sur l’application officielle, il est proposé aux joueurs de

télécharger leurs créations pour en faire des fonds d’écran sur leur smartphone.

Hero Corp également mettra en avant ses produits dérivés en communiquant sur la sortie de DVD et

BD sur les réseaux sociaux. Certains concours permettront même aux fans de les gagner. Mais la

série ayant moins de moyens et de rayonnement que Star Wars, ses produits dérivés ne sont pas

aussi nombreux. Pourtant, lors de sa campagne de crowdfounding pour financer la saison 598, les

récompenses seront souvent des produits dérivés : costumes de personnages, fond d’écran, photos

dédicacées, etc. En revanche, il est intéressant de noter que ces objets ne sont pas produits en série,

mais sont en fait les réels objets qui ont servi au tournage. Puisque la série s’arrête à la saison 5, la

production a décidé d’offrir à ses fans les objets qu’ont portés les acteurs. Ceci paraît tout à fait

logique étant donné la proximité que l’équipe de la série a tenté d’instaurer avec son public, mais

aussi le fait que ses moyens financiers ne lui permettent pas d’offrir autant de produits dérivés que

d’autres franchises. Grâce à cette campagne de crowdfounding, la production semble vouloir faire un

« vide grenier » où elle se débarrasserait, au profit des fans, de tous les objets ayant servi à tourner

l’œuvre.

Tous ces produits dérivés paraissent normaux pour des œuvres culturelles. Il peut alors sembler

difficile, pour une marque de consommation ou de service, d’en faire également mais surtout de les

mettre en avant. Un dispositif transmédia pourrait faciliter leur mise en place, comme nous le

montre Oasis.

La marque a en effet ouvert un site de vente en ligne99. Ici les internautes peuvent acheter des tee-

shirts de la marque. Ce site est mis en avant sur la page Facebook de la marque. On peut le retrouver

dans un onglet spécial et les avis de leurs acheteurs sont postés sur la partie gauche de la page. Ce

site est bien sûr adressé aux fans de la marque, pas à de simples consommateurs puisqu’on ne

trouve son existence uniquement que sur leurs réseaux sociaux. Cela démontre que pour la marque,

la communauté de fans peut leur rapporter plus de profits grâce à ces objets dérivés.

Le choix de vendre uniquement des vêtements n’est pas non plus anodin. Portés au quotidien, les

personnes affichent ainsi leur engagement pour la marque et l’invitent même dans leur vie de tous

les jours. En plus de cela, de tels produits peuvent se faire remarquer par d’autres personnes, alors

curieuses de savoir où leurs proches auraient achetés de tels tee-shirts. Oasis joue donc ici sur le

pouvoir d’influence des fans pour toucher un public plus large.

98 Cette campagne sera traitée plus longuement dans une prochaine partie. 99 http://www.oasisbefruit.com/, consulté le 6 février 2016

65

L’analyse du site en lui-même est intéressante. Sa baseline est différente de celle de la marque (Be

Fruit). Si son logo reprend la forme circulaire de celui de la marque100, il n'y a pas de « Be Fruit »

(soyez fruit) mais « Portez du fruit ». Ce discours est intéressant dans le sens où il encourage les

consommateurs à afficher leur engagement auprès de la marque. De plus, sur le logo on parle de «

Fruit Store », donc traduit littéralement d'un magasin de fruit. Cela est en cohérence avec le discours

sur le reste de son dispositif, qui est de proposer une boisson avec uniquement du fruit et de l'eau de

source. Bien sûr, il ne s'agit pas ici de proposer des fruits à manger, mais plutôt de proposer de

porter le message de la marque et sa responsabilité environnementale.

Concernant les produits vendus, on retrouve deux collections. La première reprend des citations

célèbres de personnages de la marque, utilisant ainsi le champ lexical du fruit. Elle fait également le

lien avec certains médias du dispositif transmédia de la marque avec des tee-shirts L’ Effet Papayon

par exemple. En somme, la marque vend ici les codes de son univers fictionnel. La seconde collection

se concentre quant à elle sur les personnages de la marque. On les retrouve seuls ou ensemble,

surmontés parfois d’une citation ou d’un mot illustrant un partenariat (Moi, Moche et Citron qui

rappelle le dessin animé Moi, Moche et Méchant). Il est également à noter que certains personnages

ont à leur effigie plus de tee-shirts que certains, à l’instar de Ramon Ta Fraise. Cela induit donc que

certains fruits ont plus d’importance au sein de l’univers fictionnel ou qu’ils ont plus de succès auprès

du public.

Cependant, le nombre important de commentaires clients sur la page Facebook de la marque

démontre le succès d’une telle stratégie. Les fans se réjouissent de pouvoir acheter des tee-shirts

reprenant les codes de leur univers fictionnel favoris. La marque s’assure donc leur fidélité et leur

engagement, bien plus loin que ne saurait le faire une stratégie de communication normale. Elle tient

compte de sa communauté de fans et leur offre la possibilité d’afficher, aux yeux de tous, leur

appartenance à la communauté. Par ce geste qui n’est pas bien sûr sans arrières pensées marketing,

Oasis semble vouloir prendre autant de valeurs et de rayonnement qu’une saga telle que Star Wars.

Ainsi, nous avons vu ici que si chaque fan a des sentiments différents vis-à-vis de sa passion, ils se

rassemblent tous en communautés car ils aiment partager leur passion. Les marques sachant cela,

jouent de ce besoin de partager et proposent à leurs fans de se rassembler en communauté grâce à

certains outils comme les médias sociaux. Grâce à cela, elles s’assurent que l’univers fictionnel

restera au centre de l’attention des fans et qu’il pourra continuer à vivre au travers de l’animation de

ces communautés. Les marques vont encore plus loin en mettant à disposition de leur fans des

produits dérivés qui permettent de prolonger l’univers fictionnel en question. Par ailleurs, ces objets

100 Annexes I objet du corpus : Oasis, Logo et baseline du site e-commerce d’Oasis, p. V

66

que les fans aiment tant collectionner leur offrent la possibilité aussi de montrer aux yeux de tous

qu’ils font partie d’une communauté. Ainsi, chaque marque peut toucher un public plus large.

2. L’engagement des fans pour la survie et la pérennisation de l’univers fictionnel

Cette seconde partie nous plongera un peu plus dans les communautés de fans. Nous testerons ici

l’engagement de telles personnes au sein des communautés, mais aussi en tant qu’individus. Il

apparaîtra au lecteur que les fans souhaitent plus que tout sauver leur marque favorite et font tout

ce qu’ils peuvent pour rester souder dans des communautés aux valeurs fortes.

2.1 Allez plus loin dans la participation : faire des dons

Les fans ont aussi cette particularité de défendre leur œuvre favorite envers et contre tout. Dans

certains cas, comme nous le verrons plus tard, ils investissent même de leur argent pour que l’œuvre

originelle puisse continuer à vivre. Dans la culture cinématographique et télévisuelle française,

aucune série n’a autant été soutenue par sa communauté de fans qu’Hero Corp. Ils ont en effet

permis de relancer la série101 deux ans après sa disparition sur les écrans. Les fans disent eux même

que cette communauté est très soudée :

« Et c'est une communauté qui est vraiment soudée, c'est plein de bienveillance et de

gentillesse. Et avec les acteurs aussi d'ailleurs, quand tu les vois aux événements tu

sais qu'ils sont touchés par ça. 102»

L’engagement de cette communauté est tel que l’équipe de la série décide de faire appel à elle pour

financer en partie le tournage de la saison 5. Evidemment, cela ne fait en aucun cas partie de son

dispositif transmédia, mais son analyse est intéressante pour montrer qu’une œuvre culturelle peut

fédérer autour de ses codes beaucoup de personnes qui seront alors prêtes à investir dedans.

Afin de pouvoir financer la dernière saison de la série, Simon Astier, son créateur, décide de lancer

une campagne de crowdfounding. Ce choix est intéressant et rentre tout à fait dans les valeurs

défendues par le réalisateur et sa série : le partage, la transparence et la proximité. Une campagne

de crowdfounding engage le public. S’il n’est pas d’accord avec le projet, il peut ne pas investir. La

communication autour de cette campagne est très intéressante à analyser puisqu’elle démontrera

que l’équipe de la série souhaite réellement intégrer ses fans au processus de création, comme le

déclarait Simon Astier dans une interview : 101 Nous traiterons de ce sujet dans la sous-partie qui suivra. 102 Annexes IV, Retranscription d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XIV, réalisé en

mai 2016

67

« C’est un mouvement combiné : eux [les fans] sans nous, sans CALT, sans diffuseur,

ça ne repart pas. On est une très grande équipe. 103»

Avant de lancer l'événement, l'équipe joue encore une fois sur la curiosité de la communauté en

diffusant un message codé sur Facebook104, dix jours avant que Simon Astier annonce le début de la

campagne par vidéo. On capte ainsi l'attention de la communauté par ce message énigmatique.

Cette publication vise également à inscrire la campagne dans l’univers fictionnel de la franchise.

L'événement est clairement annoncé sur Facebook par Simon Astier dans une vidéo. Il explique les

raisons de cette campagne de crowdfunding. Il utilise donc une communication transparente,

indiquant qu'ils auraient pu tourner la dernière saison d'Hero Corp sans les fans, mais qu'ils

souhaitent finir en beauté, avec une image et des effets spéciaux de qualité. Ainsi, cette campagne

ne sert pas à sauver la série, mais à lui permettre de faire la fin que le réalisateur désire,

s'affranchissant ainsi des dictas de la chaîne (il le met en avant dans sa vidéo). La campagne se

déroule sur la plate-forme Ulule105. La page dédiée au projet met tout d'abord en avant les raisons du

projet, expliquant en détail ce que Simon Astier communiquait déjà dans sa vidéo. Elle y rajoute un

paragraphe sur les récompenses :

« C'est pourquoi nous avons pensé à ce grand vide-grenier, qui prend la forme d'une

immersion au sein de l'Agence. Pour vous permettre de repartir avec des lots

exclusifs, créés pour l'occasion, pour vous tenir au courant de l'avancement de la

production, pour vous donner accès aux véritables costumes ayant servi sur les

saisons précédentes, pour vous rencontrer une dernière fois lors de séances

exceptionnelles, après la diffusion télé et célébrer tous ensemble cette page qui se

tourne. »

Ce discours montre plusieurs choses. Tout d'abord, les récompenses concernent l'univers fictionnel

de la série. En effet, pour chaque don fait, les fans reçoivent un objet appartenant à la série. Les plus

gros lots sont récompensés par des costumes, uniques puisque utilisés par les acteurs eux-mêmes

lors des tournages. Le plus gros lot est une journée passée avec l'équipe de la série lors du tournage

de la saison 5. C'est en effet l'équipe qui fixe les sommes qui peuvent être données grâce à ce « vide-

grenier ». Nous avons donc, par cette campagne et les récompenses qui y sont affiliées, une

immersion dans l'univers de la série. Cela est accentué par les noms donnés aux lots. En effet, chaque

103 Interview de Simon Astier, http://www.dailymars.net/simon-astier-herocorp-saison-3-tournage/,

consulté le 15 avril 2016 104 Voir Annexes, Message codé lançant la campagne de crowdfounding diffusé sur Facebook, page IV 105 https://fr.ulule.com/hero-corp/, consulté le 22 février 2016

68

lot est affilié à une classe. Nous retrouvons ces dernières dans la série, lorsqu'on parle de super-

héros de classe 150, 45106, etc. Plus la classe est petite, plus le super-héros est puissant. Il en va de

même pour les récompenses : moins la classe est élevée, plus le don fait est important et l'objet

unique.

Enfin, ce message montre la volonté de rencontrer les fans, de garder cette proximité et de marquer

la fin d'un projet en rencontrant la communauté. De plus, on sent dans ce message la volonté de

rendre hommage à l’engagement des fans. Il y a donc encore une fois une communication de

proximité important de la part de la production, accentué par un autre message :

« Alors même si vous ne pouvez, ou ne souhaitez pas, participer financièrement, nous

savons que nous pouvons compter sur vous pour partager cette page, parler de la

campagne autour de vous et nous aider à atteindre nos objectifs, pour pouvoir vous

proposer la meilleure conclusion possible et aller au bout de cette aventure

ensemble.»

Le succès de cette campagne est sans conteste puisque en quelques heures, l’équipe de la série

parviendra à remporter les 60 000€ qu’elle désirait. En quelques mois, ce sera plus de 230 000€ qui

seront récoltés. Par cet exemple, nous pouvons ainsi assurer que les fans sont prêts à s’engager si on

leur en laisse l’occasion. Bien sûr, les récompenses poussent le public à investir, mais la proximité

avec l’équipe et l’amour des fans pour leur objet de passion est aussi un vecteur de succès :

« Je pense que même sans récompenses j'aurais peut-être quand même participé

parce que vraiment j'adore la série et je voulais qu’elle continue, ils le méritaient

vraiment Il faut qu'ils puissent faire ça comme ils l'entendent et comme ils le veulent

avec le plus de moyens possibles. Après j'aurais peut-être pas participé autant s'il n'y

avait pas eu de cadeau à la clé derrière. 107»

La communication initiée par l’équipe et la grande transparence dont ils auront fait preuve aidera

également cette campagne à avoir tant de succès, puisque les fans comprennent bien que les enjeux

de cette campagne n’étaient pas de pouvoir tourner la série, mais bien d’en faire un événement

capital. Les fans n’ont pas investi pour sauver une série, mais pour permettre à l’équipe de la série de

laisser libre cours à leur créativité. Cette citation de fan nous montre que les enjeux étaient bien

compris.

106 Voir Annexes, Récompenses pour la campagne de crowdfounding d’Hero Corp, page V 107 Annexes IV, Retranscription d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XV, réalisé en

mai 2016

69

Bien sûr, les campagnes de crowdfounding ne peuvent fonctionner qu’en mettant en avant un

univers fictionnel, et les industries culturelles sont tout à fait à même de le faire. En effet, pourquoi

une marque comme Oasis ferait une campagne de crowdfounding ? Il serait inconvenant de penser

qu’une telle marque aux moyens si importants ait besoin de l’aide de ses fans. Nous pensions la

même chose pour Star Wars, qui nous a démontré le contraire. La franchise a en effet organisée une

campagne de crowdfounding, mais pour l’UNICEF. En se servant de sa notoriété et de son univers

fictionnel, elle a permis à l’association de récolter beaucoup de fonds.

Par cette action, Star Wars s’assurait plusieurs choses. Tout d’abord, aider une association n’est pas

un geste purement altruiste puisque cela lui permet de communiquer une bonne image, celle d’une

franchise qui se soucis de son prochain et souhaite l’aider. En somme, elle met en pratique l’une des

idéologies développée dans son univers : aider son prochain et le guider. En second lieu, elle

récompense les fans participant à ce genre de campagne par des récompenses : rencontre avec les

acteurs et places pour l’avant-première à Los Angeles. Cette campagne permet enfin de souder un

peu plus la communauté de fans autour de valeurs humanitaires, tentant ainsi d’endiguer les

questions soulevées par le changement de production et de réalisation mais aussi par l’oubli

volontaire des mythes fondateurs de la saga.

De plus, la participation de l’équipe du film tend à encourager les fans. En effet, J.J. Abrams, le

réalisateur du nouvel opus, a appelé personnellement les fans à faire des dons, les acteurs de la série

ont tourné des vidéos eux aussi pour encourager les gens à donner. Ainsi, c’est toute une équipe qui

permet de souder la communauté autour de cette campagne, en plus des récompenses.

Par ces deux exemples, nous pouvons supposer que pour engager un peu plus les fans dans leur

univers fictionnel, les marques peuvent mettre en place des campagnes de don, même si ces

dernières ne seront pas initiées en leur nom. Le crowdfounding peut-être un très bon outil pour

souder des communautés de fans autour des codes d’un univers fictionnel et permettre à la marque

de communiquer sur des valeurs humaines. On peut ainsi imaginer qu’Oasis pourrait faire une

campagne de dons en faveur de la recherche contre l’obésité et la malnutrition. En faisant cela, elle

pourrait mettre en avant sa communication institutionnelle initiée par son univers fictionnel : nos

boissons ne sont pas nocives pour la santé puisqu’elles ne contiennent que des fruits et de l’eau de

source. La campagne de dons lui fournirait en somme une excuse pour justifier sa communication.

2.2 Partager les codes de l’univers fictionnel : Compotes, HeroCopains et famille Star Wars

Il arrive aussi que les fans n’aient pas besoin de campagnes de dons pour montrer leur engagement

auprès d’une marque. Parfois, la communauté peut se réunir afin de « sauver » son objet de passion.

70

Il en a été ainsi après l’arrêt d’Hero Corp à la fin de la saison 2, suite à un nombre trop important de

téléchargements illégaux.

Les fans ont lancé une campagne « Pinage, pour une saison 3 d'Hero Corp ». Ils ont commencé par

faire signer une pétition qui a rassemblé plus de 15 000 signatures. Ils ont communiqué des dossiers

de presse, diffusés sur le site internet spécialement conçu pour l'occasion. Le nom même de cette

campagne n'est pas anodin. En effet, le terme « Pinage » est utilisé par Klaus, personnage principal,

lorsque les super-héros partent se battre contre les super-vilains. C'est un terme repris par la

communauté de fans depuis les débuts de la série, un terme qu'ils ont fait leur et qu'ils ont su se

réapproprier pour cette campagne de communication.

Par la suite, les fans se sont rassemblés le 21 et 25 septembre 2010 dans de grandes villes de France.

Ils ont investi des points de vente de dvd, des places connues et ont tourné des vidéos qu'ils ont

ensuite diffusés sur Youtube et Dailymotion. Les décors de ces vidéos ne sont pas choisis au hasard

quand on sait que ce sont les téléchargements illégaux qui ont signé la perte d'Hero Corp. Le fait de

filmer dans la FNAC en mettant en avant des dvd montre que les fans savent pourquoi la série a été

arrêtée et comment ils comptent la relancer : en achetant les dvd et en la promouvant autour d'eux.

De plus, les fans se déguisent en super-héros et réutilisent des codes de la série : des noms de super-

héros absurdes (Captain Sommeil par exemple qui dort tout le temps), des termes de rassemblement

criés devant la caméra comme Pinage, mais aussi des bandeaux comme sur les bandes-dessinées et

la musique officielle de la série (chose illégale, rappelons-le).

Ces vidéos sont vues en moyenne 5000 fois, ce qui est important quand on sait que leur production

est totalement amatrice et que la série, française, n'est pas connue par le grand public. Ils utilisent

également les réseaux sociaux pour promouvoir leurs actions. En effet, Facebook leur a servi à

diffuser la pétition, mais aussi à donner les dates et heures des rassemblements dans les villes. Ils y

diffusent les vidéos et ont même fait une vidéo teaser pour annoncer leur mouvement et encourager

le public à y participer. Le site internet crée pour l'occasion, et aujourd'hui fermé, permet aux fans de

rassembler ces informations sur un même support et de gagner en notoriété.

En effet, suite à ce rassemblement de plus 500 fans à travers la France, la chaîne France 4 décide de

diffuser les deux premières saisons de la série lors d'un marathon de deux soirées. Grâce à cela, elle

remporte 14 % des parts de marché. En 2011, elle annonce donc réfléchir à la possibilité de relancer

la série, ce qui sera officiellement annoncé à la rentrée 2012108.

Cet événement nous montre à quel point une communauté de fans peut s’engager pour la survie

d’un univers fictionnel. Evidemment, le transmédia n’y est pour rien ici puisque le dispositif de la

108 Source : http://www.telerama.fr/series-tv/hero-corp-la-s-rie-qui-revient-de-loin,93002.php, consulté

le 15 octobre 2015

71

série sera lancé plus tard, pour la saison 3. Néanmoins, il est intéressant de noter que parfois les fans

peuvent avoir une certaine influence sur l’avenir d’une œuvre culturelle, ce que confirment ceux que

nous avons interrogé :

« C'est un peu prétentieux de dire ça, mais les fans c'est ce qui permet de faire vivre

l’oeuvre. Tous les Hérocopains et les Hérocopines qui ont fait la campagne “Pinage”,

c'est grâce à eux, entre autres, grâce à eux et elles, que la série a pu continuer. 109»

Tous, sans exception, voient dans les fans le seul public capable de faire vivre une œuvre puisqu’il est

fidèle. A cela s’ajoute le fait qu’ils ne sont plus isolés puisque avec internet, ils ont pu se rassembler

en réelles communautés fortes de plusieurs milliers de membres. L’étude de ces communautés dans

de précédents travaux nous avait montré qu’elles mettaient tout en œuvre pour établir un consensus

quant aux codes que ses membres devaient respectés110. Nous parlons ici des codes de l’univers

fictionnel et non d’un certain règlement interne au groupe. Car l’enjeu lorsqu’on souhaite faire partie

d’un groupe est bien d’y être accepté. En ce sens, il faut respecter les valeurs qu’il défend :

« Pour autant qu'un groupe exerce un pouvoir d'attraction sur un individu et que cet

individu désire être accepté comme un membre du groupe, il sera motivé, qu'il en

soit conscient ou non, à adopter les perspectives de ce groupe.111 »

Ainsi lorsqu’on parle de communautés de fans de marque, que ces dernières soient une œuvre

culturelle ou une marque de grande consommation, ses membres doivent respecter certains codes.

Si en plus cette marque a mis en place un dispositif transmédia, c’est bien les codes de l’univers

fictionnel que chaque personne devra faire siens. Comme nous l’expliquions dans une précédente

partie, ces codes sont avant tout construits par la marque pour refléter les valeurs qu’elle souhaite

défendre. Nous parlons bien sûr de valeur humaine, à l’instar d’Oasis qui montre dans son dispositif

transmédia combien consommer sa boisson permet d’apprécier la vie et de s’amuser.

La théorie de Lazersfeld selon laquelle les individus s’influencent alors les uns les autres lorsqu’ils

font partie d’un groupe peut alors être adaptée aux communautés de fans puisqu’ils forgent

ensemble un consensus évitant au groupe d’éclater :

109 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXII, réalisé en

mai 2016 110 Mégane FORESTIER, Les relations entre les communautés de fan de séries télévisées sur internet et les

industries culturelles : étude de cas de communautés de fans de Supernatural, Lyon, Unversité Lumière Lyon

II, 2015. 111 Paul LAZARSFELD et Elihu KATZ, Influence personnelle, Armand Collin., Paris, 2008, p.62

72

« Les opinions de l'individu [sont] considérablement affectées par les opinions de

ceux dont il partage la compagnie ou à la compagnie de qui il aspire.112 »

Ainsi pour faire partie d’une communauté de fans c’est bien plus de simples codes qu’il faut

comprendre et s’approprier. Il s’agit ici de faire sien un mode de pensée, une vision du monde. Cela

nous renvoie une fois de plus aux travaux de Christian Salmon113 que nous avions développé en

introduction. Le sentiment d’appartenance à une communauté passe donc par le partage de valeurs

humaines. Cela nous sera confirmé par bon nombre de fans :

« Être un Héroscopain je sais pas, c'est à la fois être fan d'une série qui nous

rassemble, et se soutenir sur d'autres trucs comme ça. Comme je disais, tu te fais des

potes, des Hérocopains, des Hérocopines grâce à cette série. Même s'ils connaissent

la série mille fois mieux que toi ou mille fois moins bien que toi, même s'ils ont vu que

la moitié des saisons, ça reste une communauté à laquelle tu as envie de faire partie,

d'être. Et ils sont tous plus agréables les uns que les autres.114»

Ce fan nous montre ici que son sentiment d’appartenance passe par le fait qu’il ait pu rencontrer

d’autres personnes partageant ses valeurs humaines. En somme, si l’on parle ici d’Hero Corp, ses fans

partagent sa vision du monde : une joie de vivre et un certain militantisme qu’il soit politique ou non.

Il est d’ailleurs intéressant de noter le nom que se donnent ces fans : « Hérocopains ». Nous avons

remarqué lors de nos autres analyses, que toutes les communautés de fans avaient un surnom :

Compotes pour Oasis et famille Star Wars. Ce dernier terme est d’autant plus fort qu’il montre

réellement que les communautés de fans se soutiennent et que chaque membre se sent proche des

autres. Bien sûr, cela sera quelque peu atténué lorsqu’on abordera, en dernière partie, les

différentes « guerres » qui résident au sein de ces communautés.

Mais le sentiment d’appartenance semble être fortement lié à celui de lien que l’on partage avec les

autres membres. A ce propos, certains fans que nous avons interrogé, se disent ne pas se sentir faire

partie d’une communauté car ils ne partagent pas ce lien :

112 Ibid, p.63 113 Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, op. cit. 114 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°1, p. XX, réalisé en

mai 2016

73

« Je pense que tu peux te sentir d’une communauté ou d’une famille Star Wars que si

t’en discutes avec beaucoup de gens. Ceux qui sont sur les forums eux c’est une vraie

communauté. 115»

« Je pense qu’il faut vraiment être actif sur le groupe Facebook pour se sentir faire

partie d’une communauté, et je n'ai pas rencontré non plus tant de fans que ça.116»

Le sentiment de rencontre est ici important, même si ce dernier passe par un média numérique tel

qu’internet. En réalité, pour sentir appartenir à une communauté, l’important est aussi de connaître

les autres membres. Le degré de participation est également important :

« C’est faire partie de la communauté, c’est tous ceux et toutes celles qui ont

participé activement aux campagnes, qui ont été aux avant-premières, qui sont à fond

dans la série. 117»

Ainsi, chaque personne peut se sentir faire partie d’une communauté s’il estime participer

suffisamment et connaître ses membres. Il ne s’agit plus d’être expert de la série, mais bien expert

de sa communauté.

Nous aurons vu ici que les communautés de fans jouent un rôle très important pour les marques

puisqu’en plus d’avoir de l’influence sur ce que peut devenir un univers fictionnel, ils lui permettent

de ne pas tomber dans l’oubli. Chaque membre apportera sa participation pour co-construire cet

univers, même s’il s’agit d’une contribution financière. La simple présence de ces communautés,

soudées autour des codes de l’univers fictionnel, permettent à une marque d’être pérenne. Si en plus

de cela les marques mettent en place des univers fictionnels forts, montrant sa vision du monde,

c’est toute une communauté partageant ces valeurs humaines qui l’accompagneront et la

soutiendront. Nous voyons ici toute l’importance de telles communautés, tant d’un point de vue

marketing pur, que concernant la notoriété d’une marque car les fans sont plus à même de vouloir

partager leur passion aux autres.

115 Annexes V, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans de Star Wars, Entretien n°1, p. XLIX, réalisé en

mars 2016 116 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXVII, réalisé

en mai 2016 117 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°4, p. XL, réalisé en

mai 2016

74

3. Méta-discours et réappropriation des codes de l’univers fictionnel : co-création

de contenus et éclatement des communautés de fans

Cette dernière partie mettra en avant les points faibles des communautés de fans. En effet, s’ils

connaissent très bien leur univers fictionnel favoris, ils savent aussi en détourner les codes. Par

ailleurs, le fait que cette « amour » soit avant tout un sentiment personnel engage des points de vue

divergents. Ainsi, si les communautés de fans sont soudées, cette partie montrera qu’il existe en leur

sein des sortes de « guerre » entre membres.

3.1 Les fan-fictions ou la réappropriation de l’univers fictionnel

Pour autant, les fans ne restent pas tout le temps dans les sentiers tracés par les marques. Si la vision

du monde partagée est globalement la même pour tous, chaque univers fictionnel est

automatiquement accompagné par une réappropriation de ses codes. Il en va de même pour tous les

messages qu’une marque peut communiquer, comme le montrait Stuart Hall118. Selon lui, chaque

message diffusé par un média entraîne automatiquement un décodage de la part du public. Si bien

sûr ce dernier n’est pas totalement libre dans son interprétation, elle est guidée par sa relation avec

le diffuseur du message.

C’est là que nous retrouvons une fois de plus la notion de vision du monde développée par les

univers fictionnels. Si les codes de ces derniers sont clairs et accessibles et que la vision du monde

qu’ils communiquent est partagée par son public, alors le décodage du message se déroule sans

accros. Le public d’une telle marque adopte alors le sens commun, toujours selon l’auteur, c’est-à-

dire qu’il le comprend très bien.

Pour autant, les univers fictionnels même bien construits ne sont pas à l’abri de réappropriation du

message, ce que nommerait Stuart Hall la négociation. Nous retrouvons cela dans les fan-fictions, ces

récits de fans qui imaginent leurs personnages favoris dans des situations différentes.

Plus qu’une réappropriation des messages diffusés par la marque, c’est aussi un moyen de prolonger

l’univers fictionnel comme nous l’expliquait ce fan :

« Ça permet de s’imaginer une vie du personnage parce que mine de rien quand une

œuvre est finie t’as envie d’en apprendre plus sur certains persos, même sa couleur

préférée ou n’importe quoi, ce qui lui est arrivé dans telle situation, je sais pas. C’est

vrai que les fan-fics ça permet ça aussi, d’étendre encore plus l’univers. 119»

118 Stuart HALL, « Encoding, Decoding », in The Cultural Studies Reader, Londres, Routledge, pp. 90‑103. 119 Annexes V, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans de Star Wars, Entretien n°1, p. LIII, réalisé en

mars 2016

75

Pour ce fan, les récits de ses semblables ont autant d’importance que les œuvres originelles. Il

explique clairement que les fan-fiction lui permettent aussi d’imaginer les personnages une fois

l’œuvre terminée. Et même sans cela, les fans pensent qu’il est normal d’écrire de tels récits :

« C’est mieux parce que c’est vraiment l’intérêt d’être fan d’une série. Si tu es

passionné par une série et que tu ne peux pas en faire quelque chose, construire des

choses autour, je trouve que l’intérêt est vraiment limité.120 »

Le fait que de telles pratiques soient interdites par la loi française n’impressionne pas les fans pour

qui écrire des fan-fictions semble être plus un hommage à la série qu’une volonté de lui nuire. Pour

eux, écrire des fan-fictions est un autre moyen de participer au prolongement de l’univers fictionnel,

même si cela n’est pas expressément autorisé par la marque. Il s’agit d’une sorte de « braconnage »

de l’univers de base121. Les fans ne pensent pas que cet univers appartienne à une seule personne,

son créateur, mais bien qu’il appartient à tout le monde :

« D'autant plus qu'on ne parle pas de se faire de la tune dessus et de faire du plagiat,

on parle de rendre hommage à la série en essayant d'écrire modestement des choses

qui y ressemblent122. »

Si le transmédia invite fortement le public à participer au prolongement de l’œuvre au travers de

différentes actions que nous avons analysé jusqu’à présent, les fan-fictions ne font pourtant pas

partie de cette autorisation. Pour autant, elles existent en grand nombre. Avec l’avènement

d’internet, elles se sont décuplées et s’offrent au public sur diverses plateformes. La plus connue,

fanfiction.net en compte des dizaines de milliers.

Nos conclusions de précédents travaux montraient à quel point ces écrits étaient importants pour les

fans, mais aussi pour leurs lecteurs. Car dans chacun de ces récits, ce sont les codes de l’univers

fictionnel qui sont analysés et retravaillés par les fans. En écrivant de tels récits, ils mettent en avant

leur propre interprétation des messages de la marque et de ses valeurs, en même temps qu’ils

contribuent à prolonger l’univers.

Ainsi, il ne faut pas voir cette activité comme étant illégale, mais bien comme permettant à la

marque de réajuster son message. Les fan-fictions peuvent ainsi constituer un formidable outil

120 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXXI, réalisé en

mai 2016 121 Philippe LE GUERN, Les cultes médiatiques, culture fan et œuvres cultes, op. cit. 122 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°1, p. XXII, réalisé en

mai 2016

76

d’analyse pour les créateurs d’univers fictionnels, et même un moyen de glaner de nouvelles idées

créatrices. Dans tous les cas, les interdire est une pure perte de temps puisque les fans s’arrogent ce

droit et n’y renonceront pas.

Les fans que nous avons interrogés ne savaient pas qu’une telle pratique était proscrite par la loi, et

pourtant ils ont été nombreux à nous dire avoir lu de très bonnes fan-fictions et avoir le désir d’en

écrire eux-mêmes. De leur point de vue, cette pratique permet à la série de s’ouvrir aux autres et de

se faire connaître. Plusieurs d’entre eux nous ont dit qu’on pouvait même mesurer la notoriété d’une

œuvre culturelle en fonction du nombre de ses fan-fictions. Selon eux, ces récits sont un moyen sûr,

pour les créateurs, de savoir si son œuvre a été bien accueillie par les autres.

Plus que tout, cela permettrait aussi à certains de s’entraîner et se découvrir des talents d’artistes.

Pour eux, en commençant à écrire des histoires sur un univers déjà construit, certains fans peuvent

tester leur popularité auprès des autres et recueillir leurs avis dans le but de s’améliorer :

« […] ça permet à des personnes qui ont envie de se lancer dans la création, et qui ont

peut-être pas les idées au départ, d’avoir les bases d’une création, de faire quelque

chose et de se dire que ça plaît aux gens et qu’on va pouvoir créer quelque chose de

complètement différent. Disons que ça peut donner confiance en soi pour ceux qui

ont envie de se lancer dans une création plus poussée. Ou alors sinon ça peut être

juste un truc sympa entre fan pour se dire « voilà moi je verrai bien que ça se passe

comme ça»123.

Quoiqu’il en soit, les fan-fictions sont quasiment incontournables lorsqu’on parle d’univers

transmédia. Quel que soit la marque porteuse de tels dispositifs, il semblerait que les fans accordent

bien plus d’importances aux aventures qu’ils imaginent pour les personnages qu’à ce qui porte de

tels univers. C’est ainsi que l’on a retrouvé des fan-fictions sur le groupe de musique Gorillaz. Si nous

n’en avons pas trouvé concernant Oasis, il reste cependant fort probable que certains fans se soient

déjà essayés à l’exercice, même s’ils ne l’ont pas diffusé sur internet.

Car ce média leur offre une visibilité importante, qui obligerait presque les industries culturelles à

tenir compte de ces créations. Si avant cela les fans écrivaient des fan-fictions, elles ne se

transmettaient qu’entre membres de clubs, alors fermés. Aujourd’hui, n’importe qui peut découvrir

ces fan-fictions sur internet, ce qui les rend d’autant plus importante.

Ainsi, les fan-fictions sont une extension logique de tous dispositifs transmédia, et loin de les

interdire, il faut en tenir compte pour ajuster les messages et les codes de son univers fictionnel. Loin

123 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n41, p. XLIII, réalisé en

mai 2016

77

d’être poussés par une possible contrepartie financière, les fans voient dans ces activités un

hommage rendu à leur passion et pensent ainsi faire vivre l’œuvre même après qu’elle soit terminée.

3.2 Les guerres de « chapelle » au sein des communautés de fans

Cependant, les communautés de fans sont loin d’être tranquilles et sans critiques. Au sein de tels

groupes, souvent nombreux de plusieurs millions de fans, il existe forcément des divergences

d’opinions. Car même si le message est parfaitement bien diffusé, le fait même qu’il s’agisse d’un

univers fictionnel développant des personnages différents encourage des interprétations

divergentes.

Nous avons ainsi remarqué que plus l’univers est étendu et large, plus les dissensions semblent

importantes. Nos précédents travaux sur la série Supernatural124 avait démontré que certains

membres ne s’accordaient pas avec le consensus général sur une saison particulière de la série. Selon

la majorité de la communauté, cette saison précise n’était pas bonne car elle ne respectait pas les

codes de l’univers jusque-là développé. Certains personnages semblaient avoir un comportement

allant à l’encontre de leur caractérisation, l’intrigue ne semblait pas se dérouler comme tous l’aurait

imaginé.

Car il ne faut pas oublier que les fans sont des experts de leur objet de passion. Ils sont en effet

capables de décoder chaque action des personnages et la plus petite intrigue à l’aune de ce qu’ils

savent de l’univers. Mais outre ce fait, nous rappellerons que les publics s’immergent dans un univers

grâce aux personnages. Ils s’identifient à eux parce que dans un certain sens ils leur ressemblent ou

souhaiterait être comme eux. Par ce simple fait, leur interprétation de l’univers fictionnel est

différente puisqu’ils adoptent le point de vue d’un personnage en particulier.

A cela s’ajoute tous les mythes qui fondent un univers, faisant chacun appel à des valeurs humaines

que certains fans ne peuvent défendre. Même si d’une manière globale, pour adhérer à un univers, il

faut adhérer aux valeurs humaines qu’il développe, il n’est nullement besoin qu’on soit d’accord avec

tout.

Et lorsqu’on parle d’œuvres fictionnelles, la critique est d’autant plus importante que chaque

personne y mettra un peu de son identité afin de s’y plonger125. Ceci est très bien expliqué par un fan

de Star Wars :

124 Mégane FORESTIER, Les relations entre les communautés de fan de séries télévisées sur internet et les

industries culturelles : étude de cas de communautés de fans de Supernatural, op. cit. 125 Philippe LE GUERN, Les cultes médiatiques, culture fan et œuvres cultes, op. cit.

78

« Mais Star Wars ratisse tellement large, qu'il est difficile de trouver une

communauté soudée. Les façons d'aimer cette saga sont multiples. Et les fans se

déchirent régulièrement sur les forums. Comme je le disais, le fait d'aimer la prélogie

peut m'éloigner des fans hardcores de la trilogie, persuadés de détenir la vérité, ceux-

là mêmes qui vont aduler l'épisode 7 et se réjouir de voir un Star Wars par an

pendant les 20 prochaines années. De mon côté, je peux paraître hautain envers ceux

qui aiment cet épisode 7. Star Wars a toujours été le terreau à une guerre de

chapelles. 126»

Les fans de cette saga que nous avons interrogés sont tous contre le dernier opus. Ce choix nous a

été dicté afin de montrer en quoi les communautés de fans renferment des déchirements. Pour ce

fan, il est logique que la franchise engage tant de sentiments contradictoires de la part des fans car

chacun l’aimera à sa manière. C’est bien là le paradoxe du fan : avant de faire partie d’une

communauté, il doit d’abord se forger sa propre opinion sur l’univers fictionnel.

C’est là que l’on remarque les limites du concept d’intelligence collective d’abord inventé par Pierre

Lévy127 puis repris par Henry Jenkins :

« Ce qui fait la cohérence d'une intelligence collective, ce n'est pas la détention d'un

savoir, phénomène relativement statique, mais le processus social d'acquisition de ce

savoir-un processus dynamique et participatif qui permet de mettre à l'épreuve et de

réaffirmer les liens sociaux du groupe.128 »

Si toutes les communautés restent soudées par un consensus, l’intelligence collective ne peut être

pleinement opérationnelle car chaque personne est guidée par ses sentiments. L’intelligence

collective postule qu’on ne peut pas tout savoir sur tout. Pour Pierre Lévy qui l’applique au champ

politique et démocratique, il s’agirait que chaque citoyen, de par son savoir, apporte de nouvelles

connaissances aux autres. Ainsi, on pourrait parvenir à des décisions collectives de bon sens, dictées

par un savoir individuel rendu collectif.

Appliqué au monde des fans, cette théorie suppose que chaque fan apportera sa propre

connaissance de l’univers fictionnel aux autres et qu’ainsi un consensus sur les codes et les valeurs

que doivent défendre la communauté se construira. Malheureusement, on oublie ici que chaque

individu est aussi dicté par ses sentiments. Cette théorie est donc très bonne lorsqu’il s’agit de

126 Annexes V, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans de Star Wars, Entretien n°2, p. LVIII, réalisé en

mars 2016 127 Pierre LEVY, L’intelligence collective : pour une anthropologie du cyberespace, La Découverte., Paris, 1994. 128 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.69

79

résoudre une énigme. Elle est particulièrement utilisée pour les ARG qui demandent alors beaucoup

de temps et d’investissement de la part de chaque joueur. L’entre-aide permet alors à beaucoup de

fans de finir le jeu.

Eric Viennot soulevait ce point concernant Alt-Minds129. Les joueurs se sont entre-aidés pour

résoudre l’énigme, chacun apportant une expertise bien particulière. C’est ainsi que certains joueurs

se sont concentrés sur la recherche de certains indices, tandis que d’autres décryptait le passé des

personnages.

Il en va de même avec n’importe quel univers fictionnel. Dans le cas de Star Wars, l’univers étendu

existant depuis plus de 30 ans, il est normal que tous les fans ne puissent tout connaître de l’œuvre.

C’est pourquoi chacun à sa propre interprétation à l’aune de ses connaissances comme le disait ce

fan :

« Si les références étaient multiples pour Lucas, la seule référence pour JJ Abrams

n'est rien d'autre que Star Wars lui-même. En résulte donc un fan film, qui recycle

sans comprendre un univers. Il n'apporte rien, ne propose rien, aucun(e)

planète/vaisseaux/monstres réellement inédits, et n'apporte aucune évolution à des

personnages monolithiques. 130»

Car ce 7ème opus semble avoir secoué la communauté de fans de Star Wars. A tel point que les

« anciens » fans, ayant connus les anciennes trilogies taxent de faux-fans ceux qui aiment le dernier

film :

« Si tu veux ces gens-là n’ont vu que Star Wars 7, ils ont vu que la filmographie

d’Abrams, ils n’ont jamais regardé les films Star Wars, ils ne savent pas ce qu’il se

passe, ils ne connaissent rien au niveau de la mythologie et c’est ça que j’aime

pas131. »

Il semblerait donc que la connaissance de l’univers ait aussi une importance capitale quand on veut

se dire fan. Selon les mêmes fans, il peut être acceptable d’avoir des avis qui divergent, mais pas de

ne pas connaître l’univers. C’est pourquoi ces fans ne semblent pas en vouloir à ceux qui préfèrent

une trilogie à une autre. Pour eux, ce sont des vrais fans, qui ont vu tous les films et ont cherché à

mieux connaître cet univers. En revanche, ceux du 7ème opus, d’après eux, ne semblent rien connaître 129 http://leblogdocumentaire.fr/alt-minds-retour-dexperience-avec-eric-viennot/, consulté le 5 juin 2016 130 Annexes V, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans de Star Wars, Entretien n°2, p. LVIII, réalisé en

mars 2016 131 Annexes V, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans de Star Wars, Entretien n°1, p. XLVIII, réalisé

en mars 2016

80

de l’univers de la saga. Ainsi, on ne leur en veut pas d’aimer ce dernier opus, mais bien d’oublier les

précédentes trilogies, et ainsi tous les mythes ayant fondés l’univers, ses codes et ses valeurs. Ils

n’ont pas la même vision du monde et pour cela, ils se déchirent dans des « guerres de chapelle ».

Ainsi, nous avons vu dans cette partie que si les communautés de fans sont en apparence soudées, il

existe en leur sein des divergences d’opinion. Bien que le consensus règne en maître, nous avons

montré que plus l’univers est étendu, plus il y a de dangers de soulever des interprétations

différentes. Néanmoins, les communautés de fans sont d’une importance capitale pour toute

marque qui souhaite mettre en place un univers fictionnel puisqu’ils constituent le segment le plus

actif du public, celui qui participera bien plus que ce que les marques pouvaient espérer. Faisant leur

l’univers en question, les fans pourront même écrire des fan-fictions, ce qui permettra de faire vivre

l’univers durant certains temps morts. Les communautés de fans permettent aux univers fictionnels

de ne pas tomber dans l’oubli, et sans elles, il est certain que bien des marques n’auraient jamais

existé ou n’aurait pas eu un tel succès. Leur engagement est tel qu’elles peuvent parfois permettre

de sauver une série comme Hero Corp, à deux reprises. C’est pourquoi il faut tenir compte de l’avis

de ses fans, et s’il n’est nullement utile de réajuster son univers en fonction de chacun, leur influence

doit être comprise et rappelée car ils sont, pour reprendre notre métaphore, l’araignée qui tisse la

toile de l’univers fictionnel. En partageant la vision du monde diffusée par un dispositif transmédia,

ils défendent les valeurs défendues par la marque et par là même la marque elle-même.

81

Conclusions et recommandations professionnelles

Les dispositifs transmédia semblent bien permettre une participation du public plus aboutie grâce à

l’immersion dans un univers fictionnel complexe. Afin de mieux les immerger, les personnages ont

une place centrale dans de tels dispositifs. Ils permettent en effet à chaque personne de s’identifier à

eux et par là même de pouvoir rentrer dans l’univers fictionnel. A cela s’ajoute le nombre important

de médias qu’utilisent des dispositifs transmédia. Captant l’attention de leur public, l’utilisation de

tous ces outils entraîne une quasi absence de temps morts dans de tels projets.

Cependant utiliser autant de média ne va pas sans conséquences. En effet, il faut faire montre de

cohérence d’un média à un autre afin de diffuser les mêmes codes de l’univers fictionnel et cela de la

même manière ou presque. L’interconnexion de chaque média engage ainsi des difficultés dont il

faut tenir compte. Si le transmédia implique un média principal pour pouvoir rassembler le plus

d’informations sur l’univers fictionnel, les autres médias doivent compléter ces informations sans

pour autant les rendre indispensable pour comprendre l’univers dans son ensemble. C’est en cela

que réside la difficulté de mise en place de tels dispositifs et de cela dépendra également l’immersion

du public.

C’est pourquoi la plupart des marques choisissent de mettre en place des jeux pour permettre au

public de participer et de prolonger l’univers. Grâce à cela, les marques s’assurent de capter

l’attention du public tout en leur permettant de s’immerger dans l’univers. Le jeu semble être au

centre des dispositifs transmédia, quel que soit la forme qu’ils peuvent prendre. Du plus petit

concours aux ARG, ils permettent d’ancrer et de prolonger l’univers fictionnel dans notre réalité.

Grâce à cela, ces dispositifs viennent brouiller les frontières entre la réalité et la fiction, assurant ainsi

une immersion plus poussée.

Ainsi, un dispositif transmédia permet bien une meilleure participation du public grâce aux différents

médias qu’il utilise, et notamment le jeu, quel que soit le média sur lequel il est présent. En cela, le

transmédia bouleverse les relations entre les marques et leurs publics puisque ces derniers gagnent

en pouvoir et en influence en prolongeant l’univers fictionnel et par extension en co-construisant

l’identité de la marque.

Les médias utilisés ont également une importance capitale pour rapprocher le public et sa marque.

Puisque le transmédia est poussé par le marketing relationnel et expérientiel, son objectif est bien de

construire une relation durable et pérenne avec le public de la marque qui le met en place. Grâce aux

médias sociaux, les marques semblent pouvoir captiver l’attention de leur public mais en plus

permettre la construction de communautés de fans. Cependant, nous avons vu que les réseaux

sociaux ne sont pas tout le temps utilisés de manière transmédiatique. Rare sont les marques qui

82

profitent de ces outils et de leur pouvoir de brouillage des frontières pour ancrer un peu plus leur

univers dans notre réalité.

C’est ainsi qu’on retrouve une communication via ce média plutôt traditionnelle, alors même que les

personnages pourraient prendre vie via ces médias. Pour autant, ces derniers peuvent avoir un fort

pouvoir d’attraction et donner l’impression au public que la marque se rapproche de son public. Mais

pour aboutir à un tel résultat, le community manager doit devenir central. Prenant la parole à la

place des personnages, il doit animer la communauté de manière à lui transmettre les codes de

l’univers fictionnel. Cependant, il doit lui laisser quelques libertés afin que chaque personne puisse

participer au prolongement de l’univers.

Mais l’utilisation des médias sociaux ne peut suffire pour rapprocher une marque et son public.

Lorsqu’on parle de transmédia, il paraît évident que chaque média participe de cette proximité. Ils

doivent être choisis avec soin afin que la cible de la marque puisse connaître son univers fictionnel.

En somme, la marque doit rendre son univers accessible d’un point de vue technologique mais aussi

narratif. Les codes qu’elles construiront doivent être pensés en fonction du cœur de cible de la

marque, car ces codes devront transmettre l’identité de la marque et donc sa vision du monde.

Grâce aux dispositifs transmédia, les marques s’assurent une meilleure compréhension et

assimilation de cette vision du monde. Plus que tout, elles les partagent avec son public, et s’assurent

que ce dernier puisse se l’approprier et le faire sien. Les messages en sont donc mieux compris et

mieux réceptionnés. En cela nous pouvons dire qu’une marque ayant opté pour un dispositif

transmédia se rapproche de son public puisqu’elle lui permet de co-construire son identité en

participant au prolongement de son univers fictionnel.

Toutefois, nous devons ajouter une nuance à cette hypothèse, car si la mise en récit permet

effectivement une meilleure captation de l’attention et une meilleure compréhension de l’identité de

la marque, il arrive parfois, comme nous l’avons vu avec Star Wars, que le sentiment de proximité se

construise plus en fonction des codes de l’univers que de la marque elle-même. Ainsi, si les fans

d’Hero Corp se sentent proches de l’équipe de la série c’est bien parce que l’univers quelle développe

le permet, mettant en scène des personnages de notre vie quotidienne. Les héros de Star Wars

paraissent plus inaccessibles, et l’absence de dialogue avec l’équipe rajoute à ce sentiment. Ainsi, un

dispositif transmédia ne participe pas seul du sentiment de proximité entre un public et sa marque,

la communication globale de la marque y joue également un grand rôle.

Nous nuancerons également notre dernière hypothèse. Selon nous, un dispositif transmédia permet

la construction de communautés de fans rassemblés autour des codes de l’univers fictionnel. Force

est de constater que dans le cas d’œuvres fictionnelles, ces communautés se forment d’elles-mêmes,

bien avant l’apparition d’un tel dispositif. Cependant, il semblerait que la mise en place d’un univers

complexe soit une constante pour la construction de ces communautés.

83

Si nous parlons de marque de consommation ou de service, un dispositif transmédia permet bien la

construction de telles communautés, comme nous l’avons démontré avec Oasis. Mais nous

souhaitons surtout mettre en avant ici l’importance de ces groupes.

Fidèles et premiers spectateurs, les fans désirent partager et afficher leur passion. En cela, ils

peuvent être de véritables influenceurs et ramener plus de public et de consommateurs potentiels à

chaque marque. Les fans s’engagent au travers de multiples actions (campagnes de dons, partage

des informations sur les réseaux sociaux, achats de produits dérivés) et en cela permettent à

l’univers de se prolonger. Ils co-construisent également l’identité de la marque au travers de

participations parfois illégales comme les fan-fictions.

Grâce à cela, les fans s’approprient d’autant mieux les codes de l’univers fictionnel et par là même

l’identité de la marque. En se rassemblant dans des communautés, ils gagnent également en pouvoir

et en influence et permettent aux marques de gagner en visibilité. Les liens existant entre chaque

membre de la communauté peuvent être ainsi plus forts et plus stables, permettant la construction

d’une relation pérenne avec la marque.

Cependant, il est important de noter que les communautés ne sont pas parfaites. Si le consensus y

semble important, il existe cependant des divergences d’opinion puisque chaque fan aimera l’univers

fictionnel de manière différente. Loin d’être un défaut majeur, ces débats permettent également de

faire vivre la communauté et n’initient pas vraiment de « bad buzz » pour la marque puisque ces

opinions restent généralement cantonnées aux seules communautés, le grand public n’en ayant pas

conscience.

Enfin, d’après nos analyses, il semblerait que les produits dérivés soient un prolongement logique de

la mise en place d’un dispositif transmédia. Cela nous donne une preuve de plus que de tels

dispositifs permettent la construction de communautés de fans. En effet, premier acheteurs et

collectionneurs, les fans sont le public qui souhaite avoir, dans son quotidien, des produits

représentant son univers fictionnel favoris. Puisque ces objets sont souvent l’apanage des industries

culturelles, il est logique de penser que seule une mise en récit et la création d’univers fictionnels

permettent de les mettre en place. Ainsi, les produits dérivés ne sont pas à négliger car ils participent

du prolongement de l’univers fictionnel et permettent aussi de faire parler de la marque.

Pour toutes les marques qui souhaiteraient mettre en place de tels dispositifs, voici nos

recommandations. Si la construction d’un univers fictionnel doit être soignée, ce dernier doit avant

tout être pensé pour le public et non pour la marque. Il faut ainsi mettre en place des personnages

auxquels le public peut s’identifier. Surtout, il faut pouvoir lui rendre accessible un tel dispositif, et

s’assurer ainsi que les médias que l’on choisit pour sa diffusion sont bien ceux où l’on pourra trouver

son cœur de cible. Cela est d’autant plus difficile puisqu’un projet de ce type doit aussi permettre à la

marque de diffuser sa vision du monde. Les personnages et les médias doivent donc répondre à une

84

double problématique : être accessibles et compréhensibles par le public, et s’accorder avec les

valeurs défendues par la marque. En plus de cela, l’univers fictionnel doit être ancré dans notre

réalité. Pour cela, les mythes fondateurs sont centraux, mais l’univers en son entier et l’utilisation des

médias y participent également. Il faut pour cela détourner l’utilisation habituelle des médias afin de

brouiller les frontières entre la réalité et la fiction. Tous ces conseils ont pour but une meilleure

immersion dans l’univers fictionnel.

Afin de pouvoir construire une relation durable avec son public, la manière dont les médias sont

investis est aussi importante. Nous pensons que les réseaux sociaux sont aujourd’hui capitaux pour

permettre une relation pérenne. Mais plus que tout, c’est la liberté accordée au public qui permettra

la mise en place d’une relation durable. Un projet transmédia par définition doit permettre la

participation du public au prolongement de l’univers. Il co-construit l’identité de la marque. Ainsi, il

ne faut pas vouloir tout contrôler, mais plutôt donner des pistes et des outils adéquats pour que

chaque personne puisse s’emparer des codes de l’univers et se les approprier. Ainsi, il faut entretenir

cette relation en animant la communauté au travers de différents outils : réseaux sociaux, jeux et

concours, application, web-série, etc. Le but étant de captiver l’attention du public de manière à ce

qu’il n’oublie pas la marque.

Il faut également permettre au public de parfois se réapproprier les codes de l’univers fictionnel, sans

pour autant les suivre à la lettre. Car pour les fans, il s’agira de rendre hommage et non de détourner

l’œuvre ou l’identité de la marque. Nous pensons qu’il faut voir de telles actions, comme les fan-

fictions ou les parodies, comme des feed-back permettant d’ajuster les messages véhiculés par le

dispositif.

Enfin, la construction d’un dispositif transmédia oblige à connaître son public profondément. Voilà

pourquoi, toutes les marques ne peuvent mettre cela en place. De par sa complexité et la faiblesse

du contrôle exercé sur le public, un projet transmédia doit être pensé en amont, et chacune de ses

facettes doit être mûrement réfléchie. C’est pourquoi nous conseillons aux marques de ne pas se

précipiter et de s’assurer tout d’abord que le public ciblé est bien celui qui constituera son cœur de

cible.

Grâce à notre enquête nous sommes maintenant en mesure d’assurer que le transmédia bouleverse

bien les relations entre une marque et son public. S’il paraît bien être le « Saint-Graal » tant

recherché par les professionnels du marketing puisqu’il permet la mise en place d’une relation

durable et proche entre un public et une marque, il ne vient pas sans conséquences. Car la mise en

place d’un tel dispositif est complexe et d’autant plus problématique qu’il fait appel à tous les médias

que nous connaissons. Cela demande une grande connaissance des médias et du public, mais

également du fonctionnement des communautés de fans. Plus que tout, cela engage plusieurs

personnes devant travailler ensemble alors même qu’elles ne viennent pas du même milieu. Car si

85

une personne seule et non-initiée à la communication comme un professeur d’histoire, peut mettre

en place un tel dispositif, sa création, dans le cadre d’une communication de marque, oblige le

soutien de toute une équipe, désireuse de communiquer la même vision du monde et les mêmes

valeurs humaines. Il nous faudrait donc traiter cette question, de même que celle du budget car plus

les technologies s’améliorent, avec l’arrivée de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée, plus les

projets transmédia doivent faire appel à un niveau d’expertise élevé. De plus, nous pouvons nous

demander si de telles stratégies, par leur augmentation d’utilisation seront toujours pérennes dans

quelques dizaines d’années. Car le public finira par s’habituer à ces dispositifs, et leur niveau

d’attention baissera. En somme, l’évolution technologique aura un impact sur la mise en place de

projets transmédia, et cette question mériterait une enquête à part entière.

86

Bibliographie

Ouvrages scientifiques

BORDEAU Jeanne, Storytelling et contenu de marque : La puissance du langage à l’ère du numérique, Ellipses., Paris, 2012.

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Articles scientifiques

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Webographie

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I

Annexes

Annexes ............................................................................................................................................. I

Annexes I objet du corpus : Oasis ..................................................................................................... III

La Chuuute une des applications d’Oasis ........................................................................................III

Concours Fruit Fighter d’Oasis ........................................................................................................III

Présentation de la marque Oasis sur les réseaux sociaux ............................................................... IV

Affiche du film La Planète des Raisinges : l’Affrontemangue .......................................................... IV

Présentation de l’application Be Fruit d’Oasis................................................................................. V

Application FruitBox d’Oasis ........................................................................................................... V

Logo et baseline du site e-commerce d’Oasis ................................................................................ VI

Les fruits d’Oasis se joignent à la foule dans la rue pour Fruit of The Year ..................................... VI

Annexex II objet du corpus : Hero Corp ............................................................................................ VI

Exemple d’articles contenant le terme « transmédia » sur les réseaux sociaux de la série Hero Corp

..................................................................................................................................................... VI

Téléphone de l’Agence Hero Corp mis en ligne sur Twitter ........................................................... VII

.................................................................................................................................................... VII

Message codé lançant la campagne de crowdfounding diffusé sur Facebook ............................... VII

Récompenses pour la campagne de crowdfounding d’Hero Corp ................................................ VIII

Tweet annonçant un apéritif avec l’équipe de la série ................................................................. VIII

Exemple d’interaction montrant la complicité entre les fans et la modération sur les réseaux

sociaux ........................................................................................................................................ VIII

Guide d’entretien pour les entretiens avec les fans d’Hero Corp ....................................................IX

Entretien n°1 d’un fan d’Hero Corp ................................................................................................IX

Entretien n°2 d’un fan d’Hero Corp ................................................................................................IX

Entretien n°4 d’un fan d’Hero Corp ................................................................................................IX

Annexes III objet du corpus : Star Wars ............................................................................................. X

Ecran d’accueil de l’application officielle de Star Wars ................................................................... X

II

Utilisation de la réalité virtuelle dans l’application officielle Star Wars ........................................... X

Capture d’écran de la vidéo à 360° postée sur Facebook ................................................................XI

Capture d’écran de la page d’accueil du site internet dédié au 7ème opus .......................................XI

Guide d’entretien pour les entretiens avec les fans de Star Wars ...................................................XI

Annexes IV : Retranscriptions d’entretiens avec les fans d’Hero Corp ............................................ XII

Entretien n°1.................................................................................................................................XII

Entretien n°2.............................................................................................................................. XXIII

Entretien n°4............................................................................................................................ XXXIII

Entretien n°1 d’un fan de Star Wars ........................................................................................... XLIII

Entretien n°2 d’un fan de Star Wars ............................................................................................. LIII

III

Annexes I objet du corpus : Oasis

La Chuuute une des applications d’Oasis

Concours Fruit Fighter d’Oasis

IV

Présentation de la marque Oasis sur les réseaux sociaux

Affiche du film La Planète des Raisinges : l’Affrontemangue

V

Présentation de l’application Be Fruit d’Oasis

Application FruitBox d’Oasis

VI

Logo et baseline du site e-commerce d’Oasis

Les fruits d’Oasis se joignent à la foule dans la rue pour Fruit of The Year

Annexex II objet du corpus : Hero Corp

Exemple d’articles contenant le terme « transmédia » sur les réseaux sociaux de

la série Hero Corp

VII

Téléphone de l’Agence Hero Corp mis en ligne sur Twitter

Message codé lançant la campagne de crowdfounding diffusé sur Facebook

VIII

Récompenses pour la campagne de crowdfounding d’Hero Corp

Tweet annonçant un apéritif avec l’équipe de la série

Exemple d’interaction montrant la complicité entre les fans et la modération sur

les réseaux sociaux

IX

Guide d’entretien pour les entretiens avec les fans d’Hero Corp

Comment as-tu connu Hero Corp ?

Peux-tu me parler de ton expérience de la série et de tous les médias qu’elle utilise ?

Comment vois-tu les interventions de la modération sur les réseaux sociaux ? Que penses-tu des

événements organisés autour de la série ?

Que t’inspire le terme de « transmédia » et de « cliffhanger » ?

As-tu participé à la campagne de dons pour financer la saison 5 ? Pourquoi ?

Que t’inspire le terme d’Herocopain ? As-tu l’impression de faire partie d’une communauté de fans ?

Que penses-tu des téléchargements illégaux ?

Savais-tu que les fan-fictions sont interdites par la loi ? Qu’en penses-tu ?

Pour toi, est-ce qu’il y a des devoirs et des droits de fans ?

Entretien n°1 d’un fan d’Hero Corp

Entretien n°2 d’un fan d’Hero Corp

Entretien n°4 d’un fan d’Hero Corp

X

Annexes III objet du corpus : Star Wars

Ecran d’accueil de l’application officielle de Star Wars

Utilisation de la réalité virtuelle dans l’application officielle Star Wars

XI

Capture d’écran de la vidéo à 360° postée sur Facebook

Capture d’écran de la page d’accueil du site internet dédié au 7ème opus

Guide d’entretien pour les entretiens avec les fans de Star Wars

Comment as-tu connu Star Wars ?

XII

Peux-tu me parler de ton expérience de la saga et de tous les médias qu’elle utilise ?

Qu’est-ce qui fait que tu préfères telle trilogie à telle autre ?

Est-ce que tu te sens faire partie d’une communauté de fans ? Pourquoi ?

Qu’est-ce que t’inspire le terme « transmédia » ?

Pour toi, est-ce que le fait que cet univers n’est pas vraiment de fin et qu’il soit prolongeable à l’infini

est une bonne chose ? Pourquoi ?

Savais-tu que les fan-fictions sont interdites par la loi ? Qu’en penses-tu ?

Pour toi, est-ce qu’il y a des devoirs et des droits de fans ?

Annexes IV : Retranscriptions d’entretiens avec les fans d’Hero Corp

Entretien n°1

Moi : Comment tu as connu Hero Corp ?

Lui : Je pense que euh… J'étais fan de Kaamelott depuis quelques temps déjà. J'ai dû entendre parler

d’Hero Corp en me renseignant sur Kaamelott etc, en me renseignant sur les acteurs de la série. Et

puis je savais que le petit frère du grand avait fait une série à lui, mais je n’y connaissais pas grand-

chose. J'ai dû essayer d'en apprendre plus. Ça doit venir d'Internet, quelque chose comme ça.

Moi : Tu l'as suivie dès le début ou tu as commencé un peu plus tard ?

Lui : Moi j'ai eu, je ne sais pas on va dire, la chance de la découvrir après que les 2 saisons soient

sorties, ça fait assez longtemps, mais avant la troisième quand même. Donc j’ai dû moins attendre

que les fans de la première heure, mais un petit peu quand même. Donc quand je l'ai découverte, les

deux premières saisons étaient déjà finies, mais on était dans l'attente de la suite.

Moi : Justement par rapport à cette attente, est-ce que tu as été au courant que les fans ont fait

une campagne « Pinage » pour relancer la saison, et est-ce que tu y as participé ?

Lui : Non, moi pas, déjà je pense que je suis arrivé après ça. J'ai découvert la série après que les

campagnes ont été lancées. Et puis j'étais pas du tout là-dedans, mais ouais j'ai su ça plus tard. Et je

remercie tous ceux et toutes celles qui ont participé à ça, et qui ont permis de relancer la série. Mais

moi je n'en étais pas non, malheureusement.

Moi : Par rapport à ton expérience de la série, quel média tu utilises ? Est-ce que tu regardes juste

la série, est-ce que tu regardes l'application, les réseaux sociaux ?

Lui : Alors j'ai commencé à regarder la série, et je pense que je me suis mis à Twitter pour pouvoir

avoir euh avoir, des informations, parce que j'ai vu qu'il y avait une communauté assez importante et

active. Donc il me semble que je me suis mis sur Twitter juste pour ça à la base. Donc les réseaux

sociaux oui pas mal, c'est ce qui m'a permis de discuter de plus en plus avec d'autres fans, les

XIII

Hérocopains et Hérocopines. Sinon depuis la saison 3, je suis aussi les applications mobiles et les

web-séries. Après la saison 4 j'avais presque tout fait dans l'application. Peut-être pas jusqu'au bout,

tu sais il y avait une histoire, le livre dont vous êtes le héro, c'est un truc que tu peux, c'est super dur

de le faire en entier. Il y a plus de 1000 histoires annexes, c'est super dur d'aller jusqu'au bout, mais

j'avais essayé de le faire le plus possible. Et, sinon quel autre support, j'ai lu aussi les BD. Je suis allée

à deux trois événements aussi.

Moi : Quels genres d'événements ?

Lui : Je suis allé à l'avant-première de la saison 3, je ne sais plus si c'était au Grand Rex, je sais que la

saison 4 était au Grand Rex, peut-être que la saison 3 aussi. J'ai fait les deux avant-premières, et

j’étais aussi au comic-con. Au grand événement je ne sais plus comment ils appelaient ça, le master

class peut-être, le moment où il y a tous les acteurs sur scène pour présenter la saison 3. On savait

que la saison 3 allait arrivée, donc on était tous là pour découvrir les premières images et pour

découvrir l'annonce de la saison 3. On était très très nombreux, ils disaient qu'on était plus de 10 000

personnes, c'était assez impressionnant.

Moi : Comment tu as vécu ces événements ?

Lui : Très bien (rire). Enfin c'est génial, tu sais c’est… Il y a un sacré paquet de fans de la série, il doit y

en avoir beaucoup pour réussir à relancer la série par des pétitions, des événements, etc. Mais quand

tu rentres dans cette salle et que tu vois autant de monde, et que tu vois qu'il y a même pas assez de

chaises pour asseoir tous les gens, que tu entends 10 000 personnes qui crient “Pinage” en même

temps, c'est incroyable, c'est impressionnant. On chantait ensemble et tout alors qu'on ne se

connaissait pas, c'était vraiment génial. Les réseaux sociaux aident beaucoup aussi à ça, parce que tu

discutes de plus en plus avec des gens, et après tu les rencontres sur des événements comme ça.

Moi : Donc pour toi l'aspect communauté est assez important ?

Lui : Oui, sur cette série, enfin j'imagine que sur plein d'autres trucs qui rassemblent les gens, mais

sur cette série, sur Hero Corp c'est le 1er ou je m'en suis rendu compte, en tout cas le 1er où j'ai fait

partie d'une communauté de fans. C'était pas le cas avant, en fait un peu sur Kaamelott mais plus sur

internet, sur un forum des trucs comme ça. Mais là ouais c'est la première fois que j'allais à des

événements. Parce que Kaamelott je suis arrivé c'était déjà fini aussi, donc je ne suis jamais allé à des

événements Kaamelott.

Moi : Est-ce que le fait de rencontrer d'autres fans de la série ça te permet d'être encore plus fan

d’Hero Corp?

Lui : Oui je pense que ça fait partie du truc, enfin pour Hero Corp comme pour d'autres, je pense que

quand tu es en contact avec d'autres, enfin Hero Corp je connais assez bien, mais il y a toujours

d'autres personnes qui connaissent mieux que toi. Donc forcément ça entretient le truc, quand tu as

en face de toi des gens qui te font des références, qui peuvent te sortir des épisodes passés. Ça

XIV

entretient, ça donne envie de continuer. Et c'est une communauté qui est vraiment soudée, c'est

plein de bienveillance et de gentillesse. Et avec les acteurs aussi d'ailleurs, quand tu les vois aux

événements tu sais qu'ils sont touchés par ça. Ils sont adorables, et quand tu discutes avec eux, enfin

quand tu discutes un peu avec eux, tu te rends compte qu'ils le sont vraiment. Ils sont touchés par les

fans je pense, par cette communauté qui est vraiment fidèle à eux.

Moi : Donc tu as eu l'occasion de discuter avec les acteurs ?

Lui : Oui, la dernière fois que j'ai eu plus l'occasion de discuter avec eux, c'était pour un événement

de don du sang. Ils organisent des dons du sang avec les acteurs, pour inciter les gens à donner,

parce que tu donnes ton sang et en même temps tu peux rencontrer les acteurs. Donc ça c'est très

différent des conventions où on est chacun dans notre monde, les acteurs d’un côté pour signer des

autographes et prendre des photos, et de l'autre côté les fans qui viennent les voir. Là c'est vraiment

différent parce que tu es avec eux, tu es leur égal tu es avec eux comme avec des gens des vraies, pas

des acteurs, des vrais gens (rire). J'ai pu discuter avec eux, et tu te rends compte ouais qu’ils sont

vraiment adorables. J’ai discuté avec Sébastien Lalanne, Charles Clément, et ils sont vraiment cool.

Moi : Donc au final, c'est pas des idoles, c'est des gens comme toi et moi, et du coup tu as

l'impression d'être encore plus proche de l'équipe ?

Lui : Bien sûr dès que tu les rencontres, tu passes le cap de … En plus ce sont des acteurs que j'aime

que j'adore que j'admire, et moi je suis là que pour les regarder, mais quand tu arrives dans un

événement comme ça où tu leur tapes la bise et ou tu discutes avec eux comme avec n'importe qui

ça désacralise un peu le truc mais c'est génial oui bien sûr. C'est un peu différent je pense de plein

d'autres grandes stars que tu ne peux pas côtoyer comme ça de près. Je vais encore faire le parallèle

avec Kaamelott, je suis fan de Kaamelott, et je pense que c'est difficile dans des conventions où, il y a

beaucoup plus de fans, de se retrouver avec lui. C'est des gens qui sont encore, je pense que c'est

une question de célébrités, ils ont des milliers de fans, mais ils peuvent encore se permettre de faire

des événements comme ça en petit comité.

Moi : Donc le fait qu'il y ait une communauté qui ne soit pas trop importante comme celle de

Kaamelott ou une autre série comme Game of Thrones par exemple tu penses que ça permet une

meilleure proximité ?

Lui : Oui je pense que ça aide. En même temps je dis ça, mais je me suis rendu compte qu'on était

vraiment très très nombreux. On est très nombreux mais en même temps, enfin Kaamelott t’en

parles autour de toi tout le monde connaît sans avoir jamais vu un épisode, mais Héro Corp c'est

encore différent je pense que c'est encore très peu connu du grand public. Et en même temps je

pense aussi que c'est une question d'implication des acteurs. Les événements qu'ils ont décidés de

faire comme les dons du sang, ils l'ont fait en sachant très bien qu'il avait des milliers de fans, mais ils

XV

l'ont fait quand même. On peut leur accorder ça, ils sont vraiment géniaux ils s'impliquent, et c’est

une bonne cause aussi.

Moi : Par rapport à ces événements transversaux, est-ce que tu as participé à la campagne de dons

qui a été faite pour la cinquième saison ?

Lui : Oui j'ai participé, j'ai craqué pour avoir accès à une avant-première. Non ce n'était pas une

avant-première il y avait un rang, un palier ou tu pouvais avoir accès à certaines choses avec les

acteurs. C'était un ou deux paliers en dessous de la journée sur le tournage. C'est un événement où il

va y avoir la diffusion de quelques épisodes de la saison 5 et un débrief avec les acteurs il me semble.

Moi : Est-ce que tu as participé simplement pour aider la série à se finir, où est-ce que tu as

participé parce qu'il y avait des récompenses derrière ?

Lui : Un peu des deux. Je pense que même sans récompenses j'aurais peut-être quand même

participé parce que vraiment j'adore la série et je voulais qu’elle continue, ils le méritaient vraiment Il

faut qu'ils puissent faire ça comme ils l'entendent et comme ils le veulent avec le plus de moyens

possibles. Après j'aurais peut-être pas participé autan s'il n'y avait pas eu de cadeau à la clé derrière.

Mais j'aurais donné un petit peu s'il n'y avait pas eu de cadeaux, sauf que là j'ai donné beaucoup

parce qu'il y avait aussi un gros cadeau derrière.

Moi : Cette campagne tu en as entendu parler par rapport à quoi ?

Lui : A mon avis c'est sur Twitter, ça devait être le CM d’Hero Corp qui l’a relayé, et les autres fans.

J'en suis quelqu'un quand même.

Moi : Par rapport au livre interactif qui a été fait entre la saison 3 et la saison 4, tu l'a suivi du

début à la fin, tu as fait tout ce que tu as pu ?

Lui : Quasiment, mais non je n'ai pas tout fait. Au début je le suivais vraiment, parce qu'ils ne

sortaient qu’un nouveau chapitre par (hésitation) par je ne sais plus quoi. Au bout d'un moment je

n'ai plus eu le temps de suivre, j'ai fait une pause. J'ai repris plus tard à mon rythme je crois. J'ai pas

tout lu, il doit me manquer quelques trucs, mais j'ai les grandes lignes. Parce qu'il y avait vraiment

des infos importantes dans ce livre interactif.

Moi : Par rapport à ces infos là, ça t'a permis d'apprendre un petit peu plus ce qui allait se passer

dans la saison 4 ?

Lui : Oui, finalement ça te prépare à certains événements. Attention spoiler pour ceux qui liront, dans

la saison 4 on apprend de Doug que Vallur est mort, il le dit à Marie. Et ça on ne le savait pas du tout

à la saison 3 on ne le savait pas du tout au début de la saison 4. Mais, dans le livre interactif il me

semble qu'on l’apprend. Donc il y avait des petites infos comme ça qui étaient spoilées dans le livre

interactif.

Moi : Donc ce sont des informations exclusives ?

XVI

Lui : Exactement, si tu suivais l'application. C'est comme avec les web-séries, il y avait un épisode

diffusé sur la plateforme. Ça permettait de suivre la série en même temps, et c'est pareil tu avais des

infos en plus, qui te permettaient de mieux suivre la série, c'était hyper intéressant.

Moi : C'est web-séries là tu les as suivi vraiment au fil de la sortie des épisodes ?

Lui : Oui pour le coup je faisais vraiment attention à les suivre dans le bon ordre, parce qu'il y avait

des références. Par exemple, attention spoiler, dans la web série il y a pleins d'épisodes qui incluent

de The Lord et Mégane qui sont dans un grenier entre eux. Et un moment dans la saison 4, Mégane

arrive. Et si tu n'as pas suivi la web-série ou si tu l’as regardé après la saison 4, tu as ces infos là en

retard. C'est pas grave ça se comprend aussi, c'est aussi intéressant à regarder après et marrant. Ce

sont des choses qui te permettent de mieux comprendre la série. Si tu n'as pas vu la web-série et que

tu vois Megan débarquer avec son petit produit en disant il y a ça qui a été injecté dans The Lord et il

a perdu ses pouvoirs, tu comprends pas trop. Mais si tu l'as vu tu comprends très bien parce que tu

as des infos qui sont hyper intéressantes, et en plus la web-série était hilarante, moi j'ai adoré.

Moi : Est-ce que tu avais aussi fait sur l'application l'enquête qui avait été mise en place entre la

saison 2 et la saison 3 ? Il s'agissait de retrouver les survivants du naufrage.

Lui : Je me souviens qu'il y avait un texte à trou. Ça fait longtemps mais il me semble que moi j'avais

attendu la fin, j'avais essayé de trouver tout seul parce que je n'aime pas qu'on me donne les

réponses. Si je ne trouve pas ce n'est pas grave je passe pour un con, une fois de temps en temps ça

change. Je pense que les fans avaient trouvé très rapidement la réponse à l'énigme, mais moi

justement j'avais essayé de me détacher de ça, de trouver la réponse par moi-même.

Moi : Donc tu n'as absolument pas profité de cette communauté de fans pour t'aider ?

Lui : Je ne pense pas, j'aime bien me mettre des challenges à la con comme ça, et je voulais vraiment

trouver tout seul. Mais je ne me souviens plus très bien, je pense que j'ai dû en discuter avec

d'autres, et ils m'ont donné quelques infos mais c'est tout.

Moi : Est-ce que tu te souviens qu’il y avait eu des messages de l'agence, et il y avait même

plusieurs indices disséminer sur plusieurs sites dont Allociné ?

Lui : Ah bon ? C'est que je n'ai pas vraiment dû la suivre parce que je ne m'en souviens pas. Mais je

trouve l'idée d'utiliser des médias interactifs très bien. Mais j'ai eu des retours d'autres personnes qui

m'ont dit que c'était pas forcément accessible, simple pour tout le monde. Et donc il y avait des fans

qui n'avaient accès qu’à la télé, donc qu’aux épisodes tv, et qui était donc déçu de ne pas avoir accès

aux infos qui étaient dans les web-séries. Après c'est des trucs qui sont bonus, c'est-à-dire que tu n'es

pas obligé de les suivre pour comprendre la série.

Moi : Donc tu penses que le fait d'utiliser ce genre de chose ce n'est pas forcément accessible à

ceux qui n'ont pas les moyens technologiques ?

XVII

Lui : Ouais, enfin je ne sais pas. Il y avait des choses diffusées sur internet, mais pour les applications

mobiles oui effectivement il faut pouvoir les avoir. Mais après la communauté de fans partage

beaucoup. Par exemple moi quand il y avait de nouvelles choses sur l'application par exemple les

cartes de super-héros, je faisais des captures d'écran et je les partageais sur le forum où je suis pour

que ceux qui ne l'ont pas puisse suivre. Mais effectivement ce n'était pas accessible à tout le monde,

il y en avait qui n'avait pas les téléphones mobiles pour supporter l'application donc certains se sont

plaints. Je comprends leur désarroi, mais effectivement moi j'ai adoré, je trouve que c'est du plus, du

bonus. Ils ont eu raison de le faire s'ils en avaient envie, et j'aurai trouvé ça dommage s’ils s’en

étaient privés. C'était sympa, ils ont utilisé la technologie de leur époque, et je trouve ça génial. Mais

je comprends que ça déçoivent ceux qui n'y ont pas eu accès. Il aurait peut-être fallu que les cm

partage plus sur les réseaux sociaux, que dès qu'il y avait quelque chose de nouveau sur l'application

mobile, ils partagent sur les réseaux sociaux.

Moi : Concernant les réseaux sociaux, comment tu vois les interventions des modérateurs sur

Facebook et Twitter ?

Lui : Sur Facebook je ne les vois pas, car je ne vais quasiment jamais sur Facebook. En revanche sur

Twitter, c'est sympa. Enfin d’après mes souvenirs, car ça fait un moment que je ne les ai pas vu les

modérateurs d’Hero Corp. C'est un petit peu calme en ce moment vu que le tournage n'a pas encore

repris. Mais ils font du bon boulot, c'est super sympa. Sur la saison 4 par exemple, on a accès au

journal de bord d’Hero Corp, si on a payé suffisamment puisque c'était un cadeau du crowdfunding.

Moi : Est-ce que tu savais qu’un des anciens modérateur sur Twitter avec diffuser son numéro de

téléphone ?

Lui : Pour quoi faire ?

Moi : Pour que les gens puisse l'appeler ou lui envoyer des messages.

Lui : Je ne sais plus. J'ai souvenir d'un numéro de téléphone avec écrit Hero Corp, quelque chose

comme ça. Je me souviens effectivement d'un numéro de téléphone diffusé par le CM d’Hero Corp.

Moi je lui avais envoyé des répliques d’Héro Corp, et il m'avait répondu en me renvoyant des

répliques de la série. Mais je ne l'ai jamais utilisé pour poser des questions, donc je ne sais pas si

c'était un numéro pour envoyer des conneries ou si tu pouvais demander des informations.

Moi : Mais toi tu as quand même utilisé ce numéro pour rigoler ?

Lui : J'ai utilisé ce numéro, mais je ne sais plus d'où je le sors. Ça fait quand même bien longtemps,

plus d'un an il me semble. Mais oui je l'avais utilisé pour envoyer des conneries.

Moi : Est-ce que avec ce genre d'intervention de la modération sur Twitter, tu as l'impression

d'être encore un peu plus proche de l'équipe ?

Lui : Bin de l'équipe je sais pas. Pour le coup le modérateur il me semble je crois que c'est un ancien

fan. Le CM actuel c’est Nicolas Blin, je crois, je ne me souviens plus de son vrai nom et de son nom de

XVIII

modérateur. Mais il me semble pour le coup que c'était un ancien fan, même si maintenant il bosse

pour eux. Donc il fait plus partie du monde des fans que de l'équipe. Même s’il travaille avec et pour

eux j'ai plus l'impression de discuter avec un fan qu’avec un membre de l'équipe. Mais effectivement

oui, les réseaux sociaux permettent, en discutant avec les cm et les acteurs de s’en sentir un peu plus

proche. Il y a certains acteurs qui sont très actifs et très accessibles sur Twitter, comme le cm, et avec

qui tu peux facilement discuter. Donc oui, ça participe à cette proximité entre la communauté de

fans et l'équipe de la série.

Moi : Tu me parles beaucoup de l'équipe de la série, des acteurs, par contre tu ne me parles pas de

Simon Astier. Est-ce que tu as l'impression qu'il est moins accessible ?

Lui : Oui, j'ai un petit peu cette impression là parce que par exemple sur Twitter, je le vois beaucoup

moins que d'autres personnes. Je l'ai rencontré lors de grands événements mais par exemple, pour le

don du sang il n'était pas là. Il y a des moments où il n'est pas là, je pense qu'il est plus occupé que

les autres. Donc, il m'a l'air moins accessible que certains, mais plus accessible que d'autres. Ça ne

veut pas dire qu'il ne veut pas discuter avec les fans, il a l'air très adorable et très sympathique. Ça se

voit quand tu parles avec lui, il aime bien rigoler. Quand il interagit avec les fans c'est super amical

c'est super sympa c'est super drôle. Donc non je ne pense pas qu'il soit moins accessible que les

autres, mais il est peut-être moins porté sur les réseaux sociaux, sur les rencontres avec les fans,

Mais je n'ai pas non plus envie de dire qu'il n'est pas accessible alors qu'il l’est. Oui, de mon point de

vue. Cette réponse est très très longue, je pense que je ne la terminerai pas aujourd'hui. Tu me

prends au dépourvu, je ne sais pas quoi dire sur Simon Astier. Je sais qu'il a l'air adorable, j'aimerais

bien être son pote à ce type-là, et il me fait beaucoup rire. Vraiment, j'adore son jeu, j'adore son

humour. Est-ce qu'il est moins accessible que les autres ? J'en sais rien !

Moi : Donc pour toi, le fait qu'il ne soit pas trop sur les réseaux sociaux, c'est soit parce qu'il n'est

pas très porté là-dessus, soit parce qu'il a beaucoup de travail ?

Lui : Ouais sûrement ouais ! En tout cas, moi c'est celui que je vois le plus travailler avec les autres. Je

le vois travailler sur des sketchs avec golden moustache. Donc je pense qu'il a beaucoup de boulot, et

puis Hero Corp ça doit lui demander beaucoup de temps aussi. Mais s'il le faut, c'est juste une affinité

avec les outils. Je parle de Twitter, mais si il faut il est très présent sur Facebook ça, je n'en sais rien.

Je ne suis pas suffisamment sur Facebook pour savoir.

Moi : Qu'est-ce que t'inspire le terme de transmédia ?

Lui : Ça m'inspire que j'ai dû l'entendre pour la première fois pour Hero Corp à mon avis. Quand ils

ont annoncé que pour la saison 3, ils voulaient faire du transmedia, qu’ils voulaient utiliser tous les

outils qu'ils avaient à leur disposition. C'est une série que tu peux retrouver en BD, sur le web, en

application mobile. Après, je ne suis pas fan d'autant de série, pas au point d’Hero Corp, mais j'ai

XIX

l'impression que c'est celle qui utilise le plus (hésitation) tous les médias. En tout cas, c'est la seule

que je vois l'utiliser, la seule dont je suis fan et qui utilise tout ça.

Moi : Qu'est-ce que le terme de cliffhanger t'inspire ?

Lui : Je pense que c'est le mot préféré de Simon Astier. (rire).Je ne sais pas si je le connaissais avant,

peut-être ouais, mais en tout cas il a été démocratisé avec lui. Je ne suis pas sûr de savoir l'écrire, à

chaque fois, je suis obligé de regarder. C'est un des mots qui me donne le plus de difficultés au

monde. (rire). En tout cas, c'est un terme que j'associe à Simon Astier. Il est fan de ça, il en fait à

chaque fin de ses saisons. C'est à la fois jouissif et en même temps extrêmement frustrant.

Moi : Frustrant pour toi en tant que fan parce que …

Lui : Parce que tu n'en peux plus d'attendre la suite. Surtout entre la saison 2 et la saison 3, encore

moi je suis arrivé tard comme je te le disais tout à l'heure, donc j'ai eu beaucoup moins longtemps à

attendre que certains. Mais je n'imagine même pas l'horreur de ceux qui ont fini la saison 2 en

même temps qu'elle était diffusée. Quand ils ont appris qu'il n'y avait pas de suite, ils devaient être

désespérés, alors que la fin de la saison 2 est très frustrante. Donc oui quand tu es fan tu as très

envie de voir la suite.

Moi : Donc peut-être que le fait qu'il ait fait du transmedia ça permet de mieux attendre la suite ?

Lui : C'est vrai ça permet de patienter, ça te donne du contenu, un os à ronger en attendant que la

suite arrive. Un très bel os attention. Oui ça permet de patienter. Après, on prend plaisir à revoir la

série et les saisons passées. Je vais une énième fois faire le parallèle avec Kaamelott. Pour Kaamelott

aussi, qui est terminée depuis très longtemps, on regarde la série avec plaisir. Et Kaamelott aussi

travail sur d'autres support. Hero Corp c'est pareil, il y a les comics. Il y en a deux pour le moment, le

troisième est en route, il y a les web-séries, les applications mobiles.

Moi : Donc toi par exemple, une fois qu'une saison est terminée, tu vas voir ce qui a été fait sur les

autres supports et en parallèle, tu vas revoir ce qui avait déjà été fait ?

Lui : Ah oui c'est clair. Par exemple on attend la saison 5, mais leur transmédia il est souvent juste

avant que sorte la nouvelle saison. Donc ça permet de patienter juste les derniers mois avant la

sortie de la nouvelle saison. Mais là pour la saison 5, on a rien pour le moment, enfin il n'y a pas de

contenu qui soit créé, il n'y a pas la BD, peut-être qu'elle sortira quelques mois avant la saison 5.Mais

il n'y a pas de nouvelles applications etc, je pense que s'il y a une application elle arrivera juste avant

la saison 5, quelques mois quelques semaines avant. Donc oui je regarde la série, je regarde les DVD.

C'est hyper intéressant parce qu'il y a beaucoup de bonus dans les DVD. Tu regardes des épisodes

avec les commentaires audio, tu regardes les making off, les bêtisiers, tout ce qui est dispo dans les

DVD. Donc, tu patientes comme tu peux.

Moi : Justement, tu sais que la saison 5 et la dernière. Comment tu le vis ?

XX

Lui : Je le vis (hésitation) mal. C’est beaucoup de suspense, parce que tu ne sais jamais à quoi

t'attendre avec Simon Astier. Je veux dire que quand la saison 3 est sortie, elle n'avait rien à voir avec

la 1 et la 2. La saison 4 n'a rien à voir avec la 1, la 2 et la 3. Donc avec la saison 5 tu ne sais pas du tout

à quoi t'attendre. Donc oui je ne sais pas du tout à quoi m'attendre pour la saison 5. Je sais à peu

près qui va être le méchant parce que c'est annoncé à la fin de la saison 4, mais je ne sais pas

comment ça va se goupiller. Je ne sais pas s’iil va y avoir de nouveaux acteurs, si enfin est-ce que des

nouveaux acteurs ont été annoncés. Je ne sais pas s'il y en a qui disparaîtront, s'il y en a qui

reviendront. J'espère qu'il y aura le retour d'anciens personnages, The Lord. Parce qu'il y en a qui me

manquent beaucoup. Mais je ne sais pas du tout à quoi m'attendre, mais du coup j'ai hâte, j'ai hâte

de savoir ce que nous réserve Simon Astier.

Moi : Mais une fois la série terminée tu feras quoi ?

Lui : Je pense que je continuerai de l'apprécier et de la voir et revoir avec plaisir jusqu'à ce que je la

connaisse par coeur. Je pense que c'est une série que j'aimerais encore longtemps, parce que je suis

fan. Je pense que ça va être la 712ème fois que je vais faire le parallèle avec Kaamelott. Kaamelott

est une série que j'adore, mais qui est finie depuis très très longtemps et je n'ai rien à me mettre

sous la dent à par les BD, et je continue de l'apprécier et de l'aimer. C'est aussi une série qui est

alimentée par des fans qui ne désespèrent pas de voir la suite et qu'isls aiment autant. Donc je

continuerai d'apprécier la série, et je continuerai de suivre ce que fera Simon Astier, parce que vu le

talent du gars, je suis très intéressé par ce qu'il fera ensuite. Comme aujourd'hui où je regarde ce

qu'il fait en parallèle, je continuerai à le suivre.

Moi : Donc tu ne t'arrêtes pas à l'univers de la série, la satire des super-héros tu suis la famille

Astier ?

Lui : Oui, c'est une famille talentueuse. Ils me font mourir de rire, je les admire beaucoup. Donc oui,

je regarde ce qu'ils font à côté, je les ai vu dans d'autres trucs, et je regarde quasiment tout ce à quoi

ils touchent. De toute façon tu as pas envie de lâcher ça, même quand ce sera fini je pense qu'ils

resteront copains, qu’ils resteront liés par ça. C'est super bisounours ce que je raconte, mais c'est vrai

les fans d’Hero Corp c’est des bisounours.

Moi : Le terme de Hérocopain est donc très important pour toi ?

Lui : Très important je sais pas, mais en tout cas il est chou.

Moi : Et sa signification pour toi, c'est quoi être un Hérocopain ?

Lui : C'est quoi être un Hérocopain ? Crier “Pinage” plus fort que son voisin, enfin je sais pas.

(rire)Être un Héroscopain je sais pas, c'est à la fois être fan d'une série qui nous rassemble, et se

soutenir sur d'autres trucs comme ça. Comme je disais, tu te fais des potes, des Hérocopains, des

Hérocopines grâce à cette série. Même s'ils connaissent la série mille fois mieux que toi ou 1000 fois

XXI

moins bien que toi, même s'ils ont vu que la moitié des saisons, ça reste une communauté à laquelle

tu as envie de faire partie, d'être. Et ils sont tous plus agréables les uns que les autres.

Moi : Donc toi tu t'es fait des potes par rapport à la série que ce soit sur le forum où les réseaux

sociaux ?

Lui : Des potes (hésitations) non je ne crois pas que je me suis encore fait des potes, IRL comme on

dit. Je ne me suis pas encore lié d'amitié avec, même s'il y en a deux ou trois que j'aime beaucoup,

plus que deux ou trois d’ailleurs, et avec qui je parle tous les jours sur Twitter par exemple. Mais il y

en a que j'ai rencontré dans les événements Héro Corp, d'autres dans des événements qui n'avaient

rien à voir avec Hero Corp. Par exemple je me suis retrouvé en manif avec des Hérocopains, parce

qu'on s'est retrouvé sur des sujets en commun. On n'est pas encore les meilleurs amis du monde

mais oui, il y a des relations qui se créent grâce à Hero Corp à la base.

Moi : Pour toi c'est quoi le devoir d'un fan, ou les devoirs d’un fan?

Lui : Les devoirs d'un fan? Aucun. Tu n'a aucun engagement aucun critère à respecter quand tu es

fan. Il n'y a rien à faire pour avoir un badge fan. Il n'y a pas de faux fans ou de vrais fans, tous ceux et

celles qui veulent se dire fan de telle ou telle série, de tel ou tel quoi que ce soit, peuvent le faire. Il

n'y a pas d'impératif à respecter.

Moi : Et du coup, les droits d'un fan ?

Lui : Alors ça c'est différent (longue hésitation, réflexion).

Moi : Que ce soit par rapport à n’importe quoi : la propriété intellectuelle, les fans-fictions, etc.

Lui : Les fanfictions, c'est très intéressant. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'auteurs qui

interdisent à leurs fans d'écrire des fanfictions sur leurs oeuvres. Je dis peut-être des conneries.

Moi : Il y en a quelques-uns, mais en France la loi les interdits. Elle interdit les fanfictions.

Lui : Je ne savais pas ça (étonné) ! Attends je suis à deux doigts d'en référer à qui de droit ! Alors, si la

loi l'interdit c'est bien con, il y a beaucoup de hors-la-loi en France. On a pas le droit d'écrire des

fanfictions ! On a pas le droit de les écrire, on a pas le droit de les vendre etc?

Moi : De les diffuser.

Lui : Même gratuitement.

Moi : Oui, même gratuitement.

Lui : Ah c’est la merde pour beaucoup ça (rire).

Moi : Du coup tu me dis “c’est con”. Pourquoi ?

Lui : C’est con parce que, je ne sais pas pour plein de raisons. Déjà parce que c'est quelque chose qui

fait vivre l'oeuvre, enfin je pense. Permettre à des fans d'écrire des fanfictions, c'est permettre

d'ajouter des contenus à une oeuvre qui en a déjà beaucoup. Oui ça permet de faire vivre l'oeuvre. Si

tu peux continuer à la faire vivre même quand l'auteur ne le fait plus, ça fait du contenu. Moi si je lis

des fanfictions d’Hero Corp, j'en lis pas assez, j'ai l'impression de regarder, de lire du Hero Corp. Tu

XXII

m'as demandée tout à l'heure ce que je faisais entre deux saisons, et bien je pourrais faire ça, je

pourrais lire des fanfictions, et avoir l'impression de regarder encore du Hero Corp. Donc c'est

quelque chose qui permet de faire vivre la série, et de deux (hésitation) oui je pense que c'est un

droit. C'est un peu prétentieux de dire ça, mais les fans c'est ce qui permet de faire vivre l’oeuvre.

Tous les Hérocopains et les Hérocopines qui ont fait la campagne “Pinage”, c'est grâce à eux, entre

autres, grâce à eux et elle, que la série a pu continuer. Et Simon Astier et toute l'équipe les

remercient très souvent, parce qu'ils savent que c'est grâce aux fans que la série est là, donc ce serait

absurde de leur interdire de s'amuser avec les personnages et avec l'univers. D'autant plus qu'on ne

parle pas de se faire de la tune dessus et de faire du plagiat, on parle de rendre hommage à la série

en essayant d'écrire modestement des choses qui y ressemblent.

Moi : Comme on parle de choses illégales, tu dois savoir que la série a été arrêtée en grande partie

à cause des téléchargements illégaux. J'ai cru comprendre que toi tu avais acheté les DVD, mais

qu'est-ce que tu penses de ces gens qui téléchargent illégalement ?

Lui : Je le confesse, et j'espère que cet entretien est anonyme, j'ai téléchargé illégalement Hero Corp.

J'en suis navré, et j'espère que Simon Astier me pardonnera, mais je pense, il me semble qu'il a dit

ouvertement qu'il comprenait les gens qui téléchargeaient illégalement. Moi au début c'est comme

ça que j'ai connu la série, je n'ai pas acheté les DVD et je ne pense pas que j'aurai connu la série si je

n'avais pas téléchargé illégalement. Donc le téléchargement ça permet de découvrir un petit peu les

oeuvres. J'ai ensuite acheté les DVD parce que, d'une part j'avais envie d'avoir ses contenus-là ces

DVD, les bonus, et d'autre part parce que ça a permis à l'équipe, enfin à la prod surtout de toucher

beaucoup. Je pense que ça permet à l'équipe de se rémunérer un petit peu quand même. Et puis je

les ai achetés parce que j'en avais les moyens, je ne pense pas que tout le monde ait les moyens

d'acheter les DVD de toutes les saisons. Donc le téléchargement illégal c'est nécessaire, c'est

nécessaire dans la situation actuelle. Aujourd'hui, on a pas le choix. Il faudrait mettre en place

d'autres choses, je ne sais pas encore quoi j'y ai pas beaucoup réfléchi, des genres de Netflix. Et

encore Netflix ce n'est pas abordable pour tout le monde. Donc le téléchargement illégal c'est ce qui

m'a permis de découvrir Hero Corp et des milliers d'autres séries. Si je n'avais pas eu ça je ne pense

pas que je l'aurai découverte. Et Simon Astier lui-même disait que le téléchargement illégal c'est ce

qui a tué la série à la saison 2, mais c'est aussi ce qui l'a sauvée, enfin je pense. Je dis peut-être des

conneries mais il me semble. Surtout qu’ Hero Corp était pas diffusé sur une grande chaîne, sur M6,

c'était diffusé sur Comédie. Donc comment tu veux faire connaître une série si elle n'est pas diffusée

à la télévision. Les gens n'achètent pas des DVD parce que la couverture leur revient.

Moi : Est-ce que justement ce ne serait pas aux fans de faire découvrir la série aux autres

personnes ? Est-ce que toi tu l'as fait par exemple ?

XXIII

Lui : Je ne sais pas si, enfin oui je l'ai fait découvrir à des gens. Mais encore une fois je ne pense pas

que ce soit un devoir. Quand tu es fan tu n'as aucun devoir. Mais après, c'est très bien que les fans le

fassent, c'est un moyen d'aider à la pérennité de la série. Mais non je ne pense pas que ce soit un

devoir, faites-le si vous le pouvez. De toute façon les fans le font naturellement, donc il n'y a pas de

devoirs imposés, quand tu aimes quelque chose tu veux le faire partager autour de toi. Moi j'ai envie

que mes potes aiment la même chose que moi, que ma famille aime la même chose que moi, donc

oui j'ai envie de leur faire découvrir.

Moi : Pourquoi ?

Lui : D'une part parce que c'est toujours agréable de regarder un film, une série à plusieurs, enfin moi

j'aime bien. C'est toujours sympa d'avoir des intérêts communs avec les gens avec qui tu es proche.

Et d'autre part parce que ce sont des séries qui m'ont apportées tellement que j'aime tellement, qui

me font tellement rire, tellement pleuré par exemple, et toutes les émotions que tu connais, donc

forcément tu as envie que ça apporte aussi aux gens que tu aimes. Donc oui tu as envie que les gens

que tu apprécies partagent ça avec toi, et que ça leur apporte autant que ce que ça t'a rapporté à toi.

Moi : Est-ce qu'on peut dire que d'une certaine manière Hero Corp a changé ta vie ?

Lui : Très honnêtement je ne pense pas, je ne dois pas être suffisamment fan pour ça. Ça ne change

pas mon quotidien, à part que je place des répliques de temps en temps, mais ponctuellement oui.

Tout à l'heure on parlait des événements, de la communauté. Si on peut dire que ça a changé ma vie

si on fait une association d'idées, si on pense que grâce à Hero Corp je suis allé sur Twitter, grâce à

Twitter j'ai rencontré des gens et des combats de lutte qui me plaisent, parce que je suis “militant”.

Mais c'est un peu capilotracté. (rire)Mais la série en elle-même, je ne pense pas qu'elle ait changé ma

vie. Elle apporte elle a apporté beaucoup de choses, c'est une série que j'aime beaucoup et il y a

beaucoup de choses importantes dedans, mais personnellement ça n'a pas changé ma vie. Je pense

que ça a changé la vie de beaucoup de gens, mais pas la mienne.

Moi : Est-ce que tu as d’autres choses à dire ?

Lui : Si on veut continuer en mode bisounours, oui j'ai envie de remercier Simon Astier et toute

l'équipe, l'équipe technique et les acteurs, parce qu'ils font un travail génial, et je les adore, je les

aime profondément. Et je voudrais aussi remercier toute la communauté de fans, parce qu'ils y sont

pour beaucoup dans mon appréciation de la série, et ils sont tous géniaux et toutes géniales.

Entretien n°2

Moi : Comment tu as connu Hero Corp ?

XXIV

Lui : J'ai connu Hero Corp parce qu'un ami m'en avait parlé, qui était fan de Kaamelott, et les gens en

général qui sont fan de Kaamelot connaissent aussi Hero Corp et vice-versa. Et donc il m'a donné

envie de voir la série. En 2012 je crois.

Moi : Donc tu n'as pas suivi la série dès le début ?

Lui : Oui voilà, j'ai regardé les deux premières saisons une fois qu'elles aient été diffusées à la télé et

qu'elles soient sorties en DVD.

Moi : Est-ce que tu as été au courant que les fans d’Hero Corp on fait une campagne qu'ils ont

appelé « Pinage » pour relancer la série ?

Lui : Oui, ils ont fait plusieurs campagnes et des manifs même. Oui j'ai appris ça sur les réseaux

sociaux.

Moi : Parce que tu as suivi Hero Corp sur les réseaux sociaux dès le départ ?

Lui : Oui, j'ai d'abord regardé la série et comme je suis devenu vite accro au truc, il me semble que je

me suis inscrit dans un groupe Facebook Hero Corp où on est 10 000 je crois et du coup j’ai dû

l’apprendre là-dessus oui.

Moi : Est-ce que tu as participé à cette campagne ?

Lui : Non, parce que je crois que c'était des campagnes surtout centrées en région parisienne, et je

ne vis pas dans le coin. Je ne sais même pas ce qui a été fait exactement, je sais qu'il y a des choses

qui ont été faites pour relancer la série, mais je n'ai pas suivi ça de près.

Moi : Est-ce que tu peux me parler de ce groupe Facebook ?

Lui : Je me suis inscrit après avoir regardé la série, on est dix mille. Les admin c’est Nicolas Blin et

Alexandra. Il me semble qu'à la base Nicolas était un simple fan, mais qu'après il est devenu

community manager pour Calt, la production de la série. On parle beaucoup de la série. Après je ne

suis pas le plus actif du groupe, je ne poste pas en masse, mais on parle exclusivement de la série. Et

éventuellement des pièces de théâtre que peuvent faire les comédiens ou des choses comme ça.

Moi : Concernant le forum grâce auquel je t'ai contacté, pourquoi y être allé dessus ?

Lui : La pour le coup c'est surtout parce que c'est Kaamelott. Pourquoi ? Très bonne question. Je

pense que c'est parce que j'ai tellement adoré cette série que j'ai voulu échanger autour. Et puis un

forum dans l'idée, ça me plaisait beaucoup. Et puis il y a 5 ans, les réseaux sociaux je n'y étais pas.

Moi : Donc c'était vraiment pour partager avec les autres fans ?

Lui : Oui c'était pour partager, échanger avec d'autres fans. Et aussi pour les rencontrer, parce que

quand tu as une passion, tu aimes rencontrer les gens qui la connaissent aussi. C'est à ça que sert

Internet, pour moi.

Moi : Donc pour toi, Internet ça permet vraiment de partager ta passion avec les autres fans. Mais

est-ce que ça te permet aussi d’en apprendre un peu plus sur la série ?

XXV

Lui : Oui bien sûr, parce qu'on s'amuse à faire des hypothèses, des théories sur la série, à essayer

d'expliquer certaines choses, de débattre sur certaines choses, donc oui forcément t’en apprends

plus.

Moi : Quel genre de débat ? Des débats houleux comme je ne suis pas d'accord avec ce qu'ils ont

fait dans cette saison ou dans cet épisode ?

Lui : Non des débats sur ce qui peut se passer dans la série, comme qu'est-ce qu'il va arriver à tel

personnage, ou des hypothèses sur ce qui peut arriver autour de certains personnages, ou même des

débats sur la compréhension de l’histoire, des incohérences, ce qu'on a pas compris.

Moi : Donc il y a des gens sur le forum qui en savait un petit peu plus que toi sur la série, et quand

tu as des questions sur des choses que tu n'as pas comprises il sont là pour t'aider ?

Lui : Je ne pense pas qu'ils en connaissent plus que moi sur la série. On fait des hypothèses sur ce

qu'il peut se passer, mais ils ont vu comme moi tous les épisodes, donc non je ne pense pas qu'ils en

sachent plus.

Moi : Donc il n'y a pas vraiment de statut hiérarchique ?

Lui : Non voilà. Ben oui il y a des admin, mais ils ne connaissent pas plus, ils n'ont pas de lien

privilégié avec le réalisateur de la série.

Moi : Est-ce que tu pourrais me parler de l'expérience que tu as de la série ? De l'utilisation que tu

as de tous les médias qui ont été mis en place comme la BD les applications les web-séries ?

Lui : Oui j'ai effectivement utilisé les deux applications et j'ai les deux BD chez moi. Le contenu de la

première application est effectivement original. Il y avait une carte interactive qui m'a bien plu, avec

les épisodes de la websérie qui venaient au fur et à mesure, avec des cartes des personnages. C'était

vraiment une très bonne idée de revenir avec ça.

Moi : Donc du coup pour la première application il y avait tout un dispositif d'enquête autour ?

Lui : Non enfin, c'était vendu comme ça mais c'était pas vraiment ça. Si, oui au début il y avait des

petites énigmes et il fallait donner la réponse sur Facebook etc, mais c'était pas non plus une grosse

enquête. Je crois qu'au début il y avait une petite énigme, mais il n'y avait vraiment rien à gagner,

c'était plus pour le fun. Et ensuite il y a eu des épisodes de manière hebdomadaire. C'était fait de

façon attractive, on va dire.

Moi : C’est-à-dire attractive ?

Lui : C'était pas juste une appli avec la liste des épisodes qui allaient arrivés, tu avais une carte

interactive sur laquelle il y avait des zones. Tu pouvais choisir les zones, et visionner les épisodes en

fonction d’elles. C'était le fond qui était rendu attractif, en fait je pouvais avoir la même chose, mais

avec une présentation nulle. Il y avait aussi les infos bonus, sur les personnages, sous forme de cartes

que tu pouvais collectionner.

XXVI

Moi : Est-ce que tu savais aussi, par rapport à ce dispositif, que le but était de te retrouver les

personnages grâce à des indices disséminés sur plusieurs sites dont Allociné, avant même la sortie

des épisodes ?

Lui : Ça ne me dit rien, non je ne crois pas que j'ai suivi ça.

Moi : Est-ce que tu peux me parler de ton expérience avec la deuxième application, le livre

interactif?

Lui : Elle m'avait pas emballé la deuxième application. Je pense qu'après la première application et la

saison trois, ils ont voulu être à la hauteur, parce que ça avait bien plus à tout le monde la première.

Mais on était très vite perdu là-dedans, je pense. L’idée, du livre dont tu es le héros était très bien, tu

avais plein de fois possible, histoire à lire, mais pour le coup moi j'ai lâché l'affaire alors que je pense

qu'il y avait des éléments intéressants dans l'histoire. Si tu as envie de tout savoir sur la série, et de

ne pas être perdu, c'est un peu dommage. Mais pour le coup, je crois que ça avait été fait dans

l'urgence, c'est Sébastien Lalanne qui avait fait ça. Et je pense que s'il avait eu un petit peu plus de

temps ça aurait pu être bien mieux. Mais quand même pour quelque chose qui a été fait dans

l'urgence c'était pas mal.

Moi : Même si cette application ne t'a pas trop plus, est-ce que tu as quand même réussi à avoir

des informations sur ce qui allait se passer dans la saison 4 ?

Lui : Oui j'en ai eu, après moi je n'ai pas fait toutes les possibilités, je pense que c'est que j'ai dû rater

certaines choses comme des dialogues par exemple. Je pense à ceux notamment qui n'ont pas eu

l'occasion de suivre toute la série, de ne pas savoir trop ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux, et de

l'existence de l'application, je pense qu'ils peuvent être très vite être perdus. Je pense que si il y avait

des éléments important, il aurait peut-être fallu les mettre dans la série principale à la télévision.

Moi : Est-ce que tu suivais l'application selon la sortie de chaque chapitre au fur et à mesure, ou

est-ce que tu faisais cela selon tes disponibilités ?

Lui : J’étais plutôt cadré sur la sortie des chapitres.

Moi : Est-ce que tu peux aussi me parler des BD ?

Lui : Contrairement aux appli, elles ne sont pas nécessaires pour suivre la série. Les dessins sont

magnifiques, et ce que ça raconte c'est très intéressant aussi. Personnellement, quand je suis fan

d'une série, j'aime bien tout avoir des livres, DVD, tout ce qui raconte des histoires parce que j'étais

trop frustré de ne pas tout savoir.

Moi : Les web-séries aussi tu les as suivies pareil que l'application ?

Lui : Oui complètement, et pour moi, c’est pas pareil que la BD, les web-séries elles sont assez

essentielles pour suivre la série. Donc je ne sais pas si c'est une bonne idée de les avoir mis sur l'appli

à part comme ça.

Moi : Tu aurais préféré que ce soit diffusé plus largement ?

XXVII

Lui : c’est ça. Je ne sais pas s'il y a eu assez de pub autour de ça, il y a peut-être des personnes qui ont

juste regardé les quatre saisons sans avoir vu les web-séries. Et ça c'est vraiment dommage, parce

que je pense qu'ils ont raté plein d’infos intéressantes, et ce sont des épisodes qui sont là qui ont été

fait même pas pour les fans, mais pour l’histoire c’est important. Elles sont vraiment essentielles à

l'histoire, pour moi ce n'est pas que du bonus.

Moi : Donc pour toi si on a pas vu les web-séries on ne peut pas comprendre la série ?

Lui: On peut, mais il y a des passages qui sont plus flous. Ça permet de répondre à certaines

questions. Je pense par exemple à l’épisode 0 de la saison 3 qui fait partie de la web-série, mais pour

moi je pense qu’il aurait été plus judicieux de le mettre avec la série principale. Tu as aussi un

épisode qui fait la transition, dans la web-série La Voie de Klaus, tu as un épisode qui fait le lien entre

les deux saisons, et je pense qu’il est vraiment important celui-là parce qu’on revoit même des

extraits de cet épisode dans la série principale, donc on peut vite être perdu.

Moi : Tu me parlais aussi des réseaux sociaux, à quoi ça te sert Facebook et Twitter ?

Lui : Ça me permet de savoir, d’être au courant de tout ce qu’il se passe autour de la série, savoir

qu’il y a eu un crowdfunding qui a été mis en place pour finance la saison 5. Il y a aussi des matchs

d’impro avec les équipes de la série, et aussi de rencontrer d’autres fans.

Moi : Donc cette rencontre avec les autres fans pour toi elle est importante ?

Lui : Oui elle compte !

Moi : Est-ce que tu as l’impression de faire partie d’une communauté ?

Lui : Moi je fais partie d'une communauté sur le forum On En A Gros, mais moins ce qu'ils appellent

les Hérocopains et les Hérocopines. Moi je m’en sens peut-être moins en faire partie. Je pense qu’il

faut vraiment être actif sur le groupe facebook pour se sentir faire partie d’une communauté, et je

n'ai pas rencontré non plus tant de fans que ça. Et je suis déjà bien actif sur d'autres communautés

comme le forum de Kaamelott, celle des fans de Oldelaf aussi.

Moi : Donc tu ne te sens pas être un Hérocopain ?

Lui : Non je ne pense pas que je me définirai comme ça, mais je connais certains Hérocopains et

Hérocopines et c’est sympa d’échanger avec eux autour de la série. Après, on apprend à se connaître

sur la série, et après on peut échanger sur d'autres points.

Moi : Mais pour toi c’est primordial de rencontrer les personnes pour se sentir faire partie d’une

communauté ?

Lui : oui. On les rencontre d’abord sur les réseaux sociaux, et après peut-être en vrai. Mais je n'ai pas

besoin de le rencontrer en vrai pour faire partie d'une communauté. Mais en général, on se

rencontre en vrai de toute façon.

Moi : Tu me parlais de la campagne de crowdfunding, est-ce que tu y as participé ?

XXVIII

Lui : J'ai participé suffisamment pour avoir le débriefing de la saison 5. Je crois que c'était 150 €. Mais

s'il n'y avait pas eu de récompenses j'aurais participé peut-être, mais beaucoup moins.

Moi : Donc tu as participé plus parce qu'il y avait des récompenses. Je ne sais pas si tu as vu la

vidéo où Simon Astier expliquait pourquoi il avait fait cette campagne mais est-ce que pour toi

c'était important qu'il fasse ce qu'ils avaient envie avec la dernière saison ?

Lui : Bien sûr, mais je pense qu'il y avait tout intérêt à proposer des récompenses. C'est comme ça

que le crowdfunding fonctionne, c'est du gagnant-gagnant. Je pense que c'était tout dans leurs

intérêts de faire ça, même avec la motivation des fans, pour avoir suffisamment de ressources pour

faire ce qu'ils voulaient.

Moi : Tu m'a aussi parler des matchs d'impro, est-ce que tu as aussi participé à ces événements

transversaux ?

Lui : Oui j’ai assisté à un match d’impro, et je vais assister à un autre match d’impro. C’est une équipe

de comédiens et de comédiennes d’Hero Corp qui mène un match contre une autre équipe

d’improvisateur. Ce sont des thèmes qui sont choisis par un maître de cérémonie, et il y a des

contraintes autour de ces thèmes. Il y a un sujet à respecter, c’est soit avec des équipes mixtes soit

avec des équipes séparées, en un temps imparti, et les deux équipes doivent improviser quelque

chose de drôle sur un des thèmes imposés. Et à la fin de chaque match, le public vote pour l'équipe

dont il a préféré la performance.

Moi : Est-ce qu'à la fin du match il y a la possibilité de discuter avec les acteurs ?

Lui : Oui. Après ça dépend de leur envie, s’ils sont disponibles ou pas. Sur le match d’impro à Dijon je

me suis barré après le match, mais pour celui de Strasbourg je les ai attendus avec d'autres une

petite heure. J’ai discuté avec eux très brièvement, mais c’était sympa. Il y en a certain que j'avais

déjà rencontré parce qu'il y a eu des séances de dédicaces. Oui, et là j'avais eu un petit peu plus de

temps, pas beaucoup plus, pour leur parler, et ils sont très gentils.

Moi : Tu les trouves accessible ?

Lui : Oui plutôt, après pendant les séances de dédicace tu n'as pas trop le temps de discuter avec

eux, mais oui ils sont plutôt proches du public.

Moi : Donc est-ce que tu dirais d’eux que ce sont des gens comme toi et moi et pas vraiment des

grandes idoles ?

Lui : Oui, après ils savent qu'ils ont de la notoriété, je pense qu’ils font la part des choses, ils savent

qu'on est pas leurs amis non plus. Mais ils discutent avec nous, et ils nous invitent dans leur salon

quand ils sont entre eux, donc ils sont vraiment proches. Et je pense que c'est peut-être le fait de ne

pas avoir une immense notoriété qui encourage cela, la proximité.

Moi : Donc pour toi le nombre de fans peut être un frein à la proximité avec la communauté ?

XXIX

Lui : Oui et non parce qu'on est quand même nombreux. Je crois qu'on était plus de 13000 personnes

à être venu au Comicon avant la saison 4, ce qui est énorme. Mais la série n’est pas ultra médiatisée,

pas dans la tv, la radio, etc, donc les comédiens eux-mêmes ne sont pas autant médiatisés que des

acteurs de cinéma, donc ils peuvent se permettre d’être proches du public parce qu’ils savent qu’il

n’y aura pas d’incidents. On ne va pas leur arracher les vêtements. Ils ont un bon public qui les suit,

mais ils n’ont pas besoin de garde du corps. Je pense aussi que c’est l’univers de la série qui permet

ça, elle met en scène des gens assez proches de nous, de notre quotidien.

Moi : Donc pour toi, l'univers développé par la série permet aussi de se sentir un petit peu plus

proche ?

Lui : Oui, je pense que c'est vraiment son point fort, à proximité de la série avec le public. On fait

partie de la série car on s’y identifie, les personnages nous ressemblent, ils sont remplis de défauts et

d'humanité, ce sont des anti-héros qui font des actes héroïques.

Moi : Pour en revenir aux réseaux sociaux, comment tu vois les différentes interventions des

modérateurs ?

Lui : Nicolas sait plus de choses que nous, et avant nous, donc il nous informe de ce qu’il se passe et

ce qu’il a le droit de dire, donc il est assez présent pour animer les choses. Et Alexandra complète un

peu, en partageant ce qu’il aurait pu oublier.

Moi : Est-ce que tu te sens proche d’eux, comme si c'était des fans et pas simplement des membres

de l'équipe ?

Lui : Pour le coup Alexandra n’est pas membre de l’équipe, c’est une fan aussi. Mais je ne la connais

pas personnellement, mais pour moi ils sont plus proches des fans que de l’équipe à mon avis.

Moi : Qu’est-ce que t’inspire le terme de transmédia ?

Lui : Ca fait écho à la multiplicité des supports qu’il peut y avoir par rapport à cette série-là, c’est ce

qui fait l’unicité de la série. J’imagine que c’est l’utilisation de plusieurs médis pour développer un

univers, Hero Corp c’est exactement ça. Il y a quand même peu, je crois, de séries françaises où il y a

autant de supports, mis à part Kaamelott. Je trouve ça original et innovant, je trouve que c’est une

bonne initiative.

Moi : Et le terme de cliffhanger ?

Lui : C’est (hésitations) en général à la fin d’un épisode ou d’une saison le moment de (hésitations).

Les mots qui me viennent c’est fin, suspens, attente, rebondissement, dénouement.

Moi : Simon Astier, dans une de ses interventions avait dit que le cliffhanger était ce qu'il aimait le

plus, qu'il le faisait exprès. Si je te dis ça est-ce que du coup ça te fait peur pour la fin de la saison

5?

Lui : Moi déjà quand ils ont repris la saison 3, je ne pensais pas du tout que ça allait reprendre. C'est

vrai qu'à la fin de la saison 2 il y avait un gros cliffhanger, du coup en rester sur notre fin c'était assez

XXX

frustrant. Pour moi, si la saison 5 est la dernière et qu'il y a un gros cliffhanger, je trouverais ça

dommage. Mais c'est bien aussi qu'on ait pas toutes les réponses à toutes nos questions.

Moi : Est-ce que une fois la série terminée, tu continueras à la faire vivre de ton côté, par exemple

en relisant les BD, en reprenant les applications, etc?

Lui : Je ne pense pas que je repasserai du temps sur les applis, sur ce qui est déjà sorti, mais je pense

que je reregarderai les épisodes, probablement. Je me referai l’intégral de la série plusieurs fois.

Maintenant, une fois la série terminée je ne sais pas s’il va y avoir d'autres choses, d'autres BD,

d'autres matchs d'impro, mais s’ils continuent à le faire bien sûr que je resterai actif de ce côté-là. Sur

le forum On En A Gros, on fait des jeux autour d’Hero Corp, en discute de la série. Donc si ça

continue, peut-être que je continuerai d'intervenir.

Moi : Est-ce que tu continueras à suivre le travail des acteurs ?

Lui : Simon Astier oui, mais après tous les acteurs, je ne pense pas non. Ca dépend, ceux qui me

plaisent oui probablement.

Moi : Tu dois savoir que la série a été arrêtée en grande partie à cause des téléchargements

illégaux, est-ce que tu pourrais me donner ton avis sur ces téléchargements illégaux ?

Lui : C’est un débat vaste… Personnellement, je télécharge illégalement. Après tu as différents points

de vue : les réalisateurs, les diffuseurs, les fans, etc. Moi je suis pour le téléchargement illégal parce

que pour moi c’est l’accès à la culture, l’avenir. Et surtout, c’est pas une bonne idée de vouloir

l’arrêter, je pense que si on en est arrivé là c’est une forme de progrès. Il est là, donc il faut faire

avec. C'est un peu comme si tu me demandais pour ou contre la pluie. J’ai commencé la série en

streaming, donc illégalement.

Moi : Est-ce que tu as tu aurais commencé à regarder la série s'il n'y avait pas eu les

téléchargements?

Lui : Je pense pas non. Je n’achète que si je sais que ça va me plaire d’avance.

Moi : Pour toi, quels seraient les devoirs des fans?

Lui : (longue hésitation) Je ne sais pas s’il y a vraiment un devoir, on a pas d’impératif quand on est

fan… Là comme ça, je ne pourrai pas te dire.

Moi : Et au contraire, quels seraient les droits des fans ?

Lui : Il y a un droit que j’aimerai bien qu’on obtienne, c’est pouvoir utiliser les oeuvres comme on

veut. Ecrire des fanfictions, faire des parodies, faire des analyses. On le fait, mais …

Moi : Légalement, on a pas le droit, mais la décision dépend des auteurs.

Lui : Après on le fait quand même. Pour le coup, Alexandre Astier avait dit qu’il les autorisait.

Moi : Tu penses que c’est important que les fans aient le droit de continuer à prolonger l’oeuvre?

XXXI

Lui : C’est mieux parce que c’est vraiment l’intérêt d’être fan d’une série. Si tu es passionné par une

série et que tu ne peux pas en faire quelque chose, construire des choses autour, je trouve que

l’intérêt est vraiment limité.

Moi : Donc pour toi les fans, leur principal droit c’est de pouvoir se rapproprier l’oeuvre comme ils

le veulent ?

Lui : Oui j’aimerai bien, oui. Le droit de faire des Gifs aussi. On a une collection, on en a plein. Ça aussi

ça peut être un des droits possibles.

Moi : Est-ce que tu as des choses à rajouter par rapport à tout ce qu’on a dit ?

Lui : Je pense à la comparaison qu’on peut faire entre Kaamelott et Hero Corp. Il y a des fans qui ont

relevé des similitudes, notamment dans les dialogues, parfois au mot près. Et pourtant c’est pas les

mêmes auteurs, même s’ils sont de la même famille. Il y a eu très vite la volonté de comparer les

deux, j’ai déjà lu qu’Hero Corp était un sous-Kaamelott, c’est la série du petit frère, il y a plein de

choses qui ont été plagiées.

Moi : Et ça t’a dérangé ces comparaisons ?

Lui : Je reconnais qu’il y a des similitudes entre les deux, mais je pense qu’elles sont parfaitement

normales, et c’est complètement faux de dire que c’est un sous Kaamelott, déjà par rapport à

l’histoire. Et puis même Hero Corp il y a une histoire avec les fans, le public. Le fait que ce soit la

première série qui ait été relancée par les fans, déjà ça la différencie de Kaamelott. Parce que

Kaamelott c’est une diffusion tv, beaucoup plus de succès, plus médiatisée. Et c'est pas parce que

Hero Corp à n'a pas été diffusé sur M6 mais sur Comédie et Game One que ça en fait quelque chose

de moins construit. Les saisons changent, le rythme change, le format change, et on peut trouver ça

décousu, mais c'est justement ça qui la différencie de Kaamelot.

Moi : Pourquoi décousu ?

Lui : Quand je regarde une série américaine généralement les saisons ça va être tant d'épisodes de

tant de minutes, Hero Corp c'est une des rares série ou tu as un certain nombre d'épisodes qui se

suivent qui n’ont pas le même nombre de minutes, le même rythme. Il y a des plans plus longs dans

la saison 1, dans la saison 3 le rythme est plus rapide. En ça c’est décousu, c’est pas un reproche,

c’est un constat.

Moi : D’autres choses qui te viennent en tête.

Lui : Je trouve que l’histoire de cette série est vraiment particulière et que ça m’a permis de

rencontrer des gens. Je sais qu'il y a des fans qui se connaissent, qui se sont rencontrés grâce à la

série, et qui maintenant se voient en dehors.

Moi : Est-ce que tu penses qu’Hero Corp a changé ton quotidien, ou est-ce que ça le change pour

un certain temps ?

XXXII

Lui : Non pas Hero Corp. Kaamelott oui peut-être. Mais moi je suis un fan d’Oldelaf. Je suis gérant de

son groupe Twitter et Facebook, donc je suis un peu plus dans cette communauté-là.

Moi : Donc la série même quand y’a les épisodes et les applications, ça ne change pas ton

quotidien?

Lui : Non, non, ça n’a pas changé ma vie, si c’est ça la question. Après, la série m'a permis de

rencontrer des gens. J'ai un événement marquant, c'était pour l'avant-première de la saison 4 au

Grand Rex. J'ai vu les 5 premiers épisodes de la saison 4 avec tous les fans, c'était pas du tout la

même chose que quand tu regardes les épisodes chez toi et quand je les ai revu après ça m’a rappelé

ce qu’il s’était passé au Grand Rex. Quand on avait regardé les épisodes ensemble ça riait toutes les 5

minutes, ça gueulait, il y avait de l’ambiance, quand tu regardes tout seul, tu es moins emporté par

les autres. Tu ris moins, moi je ris plus intérieurement. Quand j’ai revu les épisodes à la tv, ça m’a

surtout rappelé bin tiens à ce moment-là ça riait.

Moi : Après l’avant-première vous avez pu échanger avec l’équipe ?

Lui : Bin pour le coup c’est une des séances où j’ai dû partir, donc moi non. C’est plus aux séances de

dédicaces où j’ai pu échanger avec eux.

Moi : Et tu n’as parlé que de la série avec eux ou d’autres choses ?

Lui : Plutôt de la série. Par exemple j’avais rencontré Arnaud Jouallet et Jeanne-Anne Walker. Je leur

avais dit comment j’avais connu la série, ce que j’aimais.

Moi : ça a été dur pour toi d’aller leur parler ?

Lui : J’y suis allé assez normalement. Je ne sais pas quels sont les critères qui font que je suis plus ou

moins intimidé. Par exemple Alexandre Astier, j'ai déjà eu l'occasion de le rencontrer et de lui serrer

la main. Je le vouvoie, alors que Simon Astier je le tutoie. C'était quelque chose de naturel pour moi,

c'était peut-être aussi dans leur attitude. Maintenant je suis assez habitué à rencontrer des artistes

donc c'est plus facile pour moi, mais je me souviens que la première fois je prenais des photos parce

que des copains étaient venus avec moi, et je me souviens que je tremblais parce que je n'avais pas

encore l'habitude.

Moi : Donc c’est venu par l’habitude et peut-être aussi par le comportement des acteurs ?

Lui : Oui oui. Après oui il y a quelques choses dans leur attitude, un côté chaleureux et sympathique

qui fait qu’ils te mettent à l’aise. Il y en a même qui viennent te parler directement.

Moi : Et Alexandre Astier te paraît moins chaleureux ?

Lui : Oui.

Moi : Et ça n’a rien à voir avec leur degré de célébrité.

Lui : En même temps Alexandre Astier est plus connu, donc je ne sais pas.

Moi : Tu as d’autres choses à me dire ?

Lui : Non, je crois que j’ai fait le tour.

XXXIII

Entretien n°4

Moi : Comment tu as connu Hero Corp ?

Lui : Etant grand fan de Kaamelott, c’est par le biais de Kaamelott. J’ai vu que le frangin Simon Astier

avait fait la série. Par curiosité j’ai cherché sur internet. Ça m’a plutôt plut donc j’ai commencé à

regarder la saison 1, puis la saison 2 et ça s’est arrêté à la saison 2. On a eu de mémoire 2 ans ou 3

ans sans suite.

Moi : Tu as donc suivi la série dès le départ en quelques sortes ?

Lui : Oui presque, parce qu’en fait, la saison 1 et la saison 2 étaient déjà bouclées quand j’ai attaqué.

Moi : Est-ce que tu as participé à la campagne Pinage pour relancer la série ?

Lui : J’ai participé en signant des pétitions sur internet, mais pas en étant présent physiquement.

Moi : Pourquoi ?

Lui : Parce que de mémoire c’était sur Paris ou des choses comme ça et à l’époque je ne bougeais pas

trop sur Paris. Maintenant de temps en temps j’y vais quand on fait des rencontres avec le forum On

En A gros, mais je suis plus un mec de la campagne. Aller sur Paris ça me pomme un petit peu.

Moi : Mais du coup tu as quand même signé ces pétitions pour aider à relancer la série ?

Lui : Carrément oui.

Moi : Est-ce que tu en as parlé autour de toi aussi ?

Lui : Oui un petit peu, mais il y avait personne dans ma famille qui regardait la série, à part mon frère.

Donc lui il a signé, c’était une pétition sur internet. Je pense qu’il y avait quand même quelque chose

à faire, et il a quand même fallut 2 ou 3 ans de mémoire pour que ça se décante, mais finalement

avec les fans derrière ça s’est fait.

Moi : Tu penses que la pétition a aidé un petit peu, mais c’est surtout les manifestations des fans

qui ont permis à la série de se relancer ?

Lui : Oui les manifestations et puis à chaque fois que Simon Astier faisait une convention, il y avait

tous les fans pour demander quand est-ce qu’il y avait la suite, donc (je m’excuse pour l’expression)

ça poussait un petit peu au cul pour montrer qu’il y avait quelque chose à faire.

Moi : Est-ce que tu peux me parler de la manière dont tu utilises tous les médias autour de la

série ?

Lui : Les applications, je n’ai pas téléchargé celle de la saison 3 parce que j’avais pas un portable

suffisamment costaud à l’époque pour l’installer. Par contre, là encore une fois, c’était sur le forum

On En A Gros, certaines personnes avaient l’application et elles retranscrivaient tout ce qu’il se

passait.

Moi : Tu regrettes de ne pas avoir eu le support technologie ?

XXXIV

Lui : Après j’ai vu les web-épisodes, donc je n’ai pas tellement regretté, mais disons que pour ceux

qui n’ont pas l’application (pour la saison 3 ou la saison 4), quand on démarrait les nouvelles saisons,

il manquait des éléments. C’était un petit peu perturbant au début. J’ai pu le constater notamment

sur la saison 4. Je trouve plus que sur la saison 3 c’était important d’avoir au moins l’application pour

suivre les web-épisodes avec Klaus qui s’entraîne pour ce qui va suivre au final de la saison 4, quand il

tue John. Sans ça j’aurai été complètement largué.

Moi : Donc pour toi les web-séries sont indispensables ?

Lui : oui. Mais je comprends la volonté de Simon Astier, c’est un petit peu comme Alexandre, tous les

deux sont des créateurs, ils ont envie de toucher à tout. Mais les applications, comme tout le monde

n’était pas intéressé par ça, c’est une fausse bonne idée. Ca a perdu un petit peu certaines

personnes, même si tout le monde s’est accroché aux saisons 3 et 4, c’est surtout les changements

de formats et les applications qui ont perdu un peu tout le monde. J’ai fait l’application de la saison

4, l’histoire interactive, et j’étais dedans au début et puis après, petit à petit, j’ai fini par décrocher.

On en pas mal discuté avec certaines personnes du forum et on avait tous trouvé que ça avait été

écrit assez vite et qu’il y avait des défauts d’écriture.

Moi : C’est-à-dire ?

Lui : je ne sais plus trop … Il me semble bien que moi, ce que ça m’avait fait c’est que ça se répétait

assez souvent. Il y avait des petits défauts, parfois on ne comprenait pas trop les actions qui se

passaient. On a eu beaucoup de mal à se mettre d’accord entre les membres à savoir si John Senior

était mort ou pas, s’il s’était fait tuer par John. C’est expliqué dans l’histoire interactive, mais vu

comment c’était écrit on arrivait pas à se mettre d’accord s’il était mort ou non. Du coup quand on a

attrapé la saison 4, on comprenait qu’il était mort, mais on se demandait à quel moment, puisqu’à la

fin de la saison 3 il y a un cliffhanger : il le serre à la gorge, mais on n’en sait pas plus. Donc quand on

arrive à la saison 4 on apprend qu’il l’a tué, mais si on avait pas l’application on était un petit peu

largué.

Moi : Donc du coup l’application tu l’as suivi au début chapitre par chapitre et petit à petit tu l’as

laissé tomber parce qu’il y avait trop de défauts ?

Lui : Voilà c’est ça. Parce que je pense que l’application a été rodée un petit peu trop vite pour coller

à la sortie de la saison 4. A mon avis, s’il y en a une autre pour la saison 5, vu le temps que ça a mis, je

pense et j’espère en même temps, que ce sera un petit peu mieux. Je pense qu’avec Simon et les

autres qui aidaient à l’écriture ils se cherchaient un petit peu là-dessus.

Moi : Donc pour toi ça s’est fait un peu trop dans l’urgence, ça aurait dû être un peu plus réfléchit ?

Lui : Oui je pense, après c’est que mon avis de fan, mais étant donné que je suis incapable de faire ce

qu’ils ont fait, j’essaie d’apporter une critique constructive. Ils essaient de rendre le truc plus vivant,

de récompenser les fans qui ont attendu pendant tout ce temps.

XXXV

Moi : Donc pour toi les applications c’est vraiment une récompense ?

Lui : Oui, oui, clairement, c’était un plus.

Moi : Pour permettre d’avoir un petit peu plus d’infos que les autres ?

Lui : Oui voilà. Pour ceux qui avaient la curiosité d’aller chercher les applications, c’était avoir des

infos un petit peu à l’avance. Finalement les applications pour moi c’était un os à ronger en

attendant que les saisons sortent.

Moi : Est-ce que tu regrettes que ce soit sorti que quelques semaines avant la nouvelle saison ? Est-

ce que t’aurais préféré que ce soit développé sur plusieurs mois ?

Lui : Non. En fait j’aurai préféré qu’elles soient développées plus en amont, mais il n’y avait pas

spécialement besoin de plusieurs mois, tout du moins sur le livre interactif de la saison 4. Mais si ça

avait été un petit plus développé, avant même de développer la série ou en même temps, je pense

qu’il y aurait eu quelque chose d’un petit peu mieux. Ça m’avait donné le sentiment que ça avait été

développé vraiment à la va vite.

Moi : Est-ce que tu peux aussi me parler des BD ?

Lui : J’ai bien aimé les deux. La première c’était sur les origines donc c’était sympa de savoir

comment on en était arrivé là. On en apprenait plus sur certains personnages, comme McCormack.

C’est un gros arriviste et un gros fumier. On apprend comment l’agence Hero Corp s’est montée,

pourquoi dans la saison 2 quand il parle avec The Lord il lui demande s’il a parlé et que ça

n’arrangerait personne, etc. Je ne vais pas te spoiler parce que c’est quand même un gros bout de

l’histoire du premier bouquin. Et puis dans le deuxième c’est 4 histoires séparées qui sont

sympathiques à lire puisque ça développer des personnages secondaires, Captain Sport Extrême,

Jean Micheng. Le troisième je ne sais plus, et le quatrième ça parle d’un futur hypothétique révélé à

John.

Moi : Avec les BD t’en apprends un petit plus sur les personnages ?

Lui : Oui voilà.

Moi : Tu comprends un petit peu mieux certaines de leurs actions dans les différentes saison ?

Lui : Tout à fait.

Moi : Est-ce que ça te permet aussi de « prédire » certaines de leurs actions ?

Lui : Non clairement pas, parce que ça apporte, ça étoffe suffisamment mais ça en révèle pas assez

pour pouvoir dire ce qu’il va se passer par la suite. Même avec le futur hypothétique révélé à John on

sait pas grand-chose. C’est juste une hypothèse parmi tant d’autres.

Moi : Est-ce que tu participé à la campagne de crowdfunding pour la saison 5 ?

Lui : Non. C’est un petit peu compliqué parce que j’étais intéressé pour le faire, mais c’était

obligatoirement deux places pour l’avant-première et j’étais pas sûr de trouver quelqu’un pour

m’accompagner, donc avoir une place sur les bras m’embêtait un petit peu. Donc non je n’y ais pas

XXXVI

participé, mais je vais racheter une place à un des membres d’ON En A Gros donc indirectement je

vais y participé en le remboursant. Ça aurait été une seule place, je n’aurai pas hésité. Et quand je me

suis réveillé et que je me suis dit que je trouverai quelqu’un pour m’y accompagner, c’était trop tard,

il n’y avait plus de places.

Moi : Tu aurais aimé y participé parce qu’il y avait le côté récompense derrière sinon tu n’y serais

pas allé ?

Lui : Oui quand même. Les récompenses étaient quand même assez sympas, il faut bien le

reconnaître, mais il fallait que j’ai une raison de mettre la somme qui est demandée, même la plus

basique était quand même assez élevée je trouve. Mais je peux comprendre aussi qu’ils aient une

absence de moyen puisque maintenant ils ne sont qu’avec France 4 et j’ai l’impression que France 4

ne leur ont pas donné trop de moyens.

Moi : Donc tu comprends leur volonté de demander aux fans de les aider pour pouvoir faire

vraiment tout ce qu’ils veulent ?

Lui : Oui et puis c’est quand même une série de fans vu qu’elle a redémarré grâce à eux donc on peut

espérer qu’ils donnent un petit peu d’argent pour continuer, pour avoir de meilleurs moyens. Parce

que s’ils ont fait ça, c’est qu’ils ont dû demander de plus gros budgets à France 4 et qu’ils ont dit non.

Moi : Donc c’était leur dernière chance de pouvoir faire une belle saison ?

Lui : Oui je pense et c’est pour ça aussi que la saison 5 c’est la dernière à mon avis. Parce qu’on peut

s’arrêter à la saison 5 sans problème, mais je pense aussi qu’ils continuent de ramer malgré tout pour

avoir des financements. Je pense qu’à mon avis France 4 doit être plutôt satisfait des audiences, mais

ils ont aussi mesuré avec les retombées de l’application, et si ça avait été que les audiences tv je ne

sais pas s’ils auraient fait la saison 5.

Moi : Tu seras déçu quand la saison 5 sera terminée ?

Lui : un peu oui. On est toujours déçu quand quelque chose se termine, mais si ça se termine en

beauté, tant mieux.

Moi : Tout à l’heure tu me parlais de cliffhanger. Ça t’inspire quoi ce terme ?

Lui : C’est le gros suspens, ce qu’il faut c’est qu’à la fin de n’importe quelle saison il y ait une accroche

pour donner envie de voir la suite, et il y a toujours eu ça dans Hero Corp. La première saison avec le

bombardement du village, la saison 2 avec John qui attaque son père et qui fait échouer le bateau, la

saison 3 avec John qui attaque son père et qui est du côté des H, et la saison 4 où on sait pas

vraiment ... Je ne sais plus ce qu’il se passe exactement. C’est l’espèce de cyborg, on sait pas trop

d’où il sort, ce qu’il s’est passé. Il y a toujours une accroche pour donner envie de savoir ce qu’il se

passe par la suite.

Moi : Ça te plaît ou ça te frustre ?

XXXVII

Lui : Ca me frustre autant que ça me plaît. J’aime bien ce petit côté « il faut que tu continues de

t’accrocher, il faut que tu regardes la saison 5 », mais en même temps ne pas avoir de réponses, c’est

emmerdant.

Moi : Ça te donne envie de continuer à regarder la série et en même temps il te tarde d’avoir les

réponses ?

Lui : Voilà. J’ai envie d’avoir les réponses mais j’aime bien ce petit suspens.

Moi : Sachant que ce terme-là de cliffhanger est le préféré de Simon Asiter et qu’il adore faire ça,

est-ce que la fin de la saison 5 ne te ferait pas un peu peur ?

Lui : Je pense que si parce qu’à mon avis la série va continuer en BD, ou en roman ou quelque chose

comme ça. Je pense qu’on aura pas de films comme pour Kaamelott, je ne pense pas, mais la série va

continuer un peu dans le même sens que Le Visiteur du Futur puisque maintenant ça continue en

roman. Il y aura peut-être une fin, mais ce sera encore à mon avis une fin ouverte.

Moi : Et justement le fait d’avoir des fins ouvertes tu trouves ça bien ?

Lui : Bin là j’aimerai bien une conclusion, mais si fin ouverte il y a, il doit y avoir quelque chose

derrière. Moi en tout cas je continuerai d’acheter pour savoir comment ça se finit, jusqu’à temps

qu’ils disent stop c’est fini c’est le dernier roman, la dernière saison, la dernière BD, c’est la fin d’Hero

Corp et ça se termine de telle manière, point barre.

Moi : Mais toi tu continueras à faire vivre la série de ton côté même une fois terminée ?

Lui : Oui j’ai les DVD, les blu-ray de temps en temps, de même que je continue à lire les BD. Ce sera

fini parce qu’il n’y aura plus de nouveaux produits qui sortiront mais je continuerai à regarder de

temps en temps.

Moi : Qu’est-ce que ça t’inspire le terme de transmedia ?

Lui : C’est comme je te disais, je pense que là-dessus ils se sont pas mal cherché, mais qu’il y a une

volonté d’utiliser tous les moyens à disposition pour pouvoir raconter une histoire. Finalement pas

que la cantonner à la tv, pas un seul média.

Moi : Et tu trouves ça bien pour récompenser les fans de leur fidélité mais tu trouves que c’est

dommage que certaines personnes n’y aient pas accès.

Lui : Oui voilà, mais après c’est leur choix, parce que les applications sont toujours gratuites.

Moi : Est-ce que tu es un peu sur les réseaux sociaux pour Hero Corp ?

Lui : Pour la saison 4 j’y étais tous les soirs mais uniquement pour commenter les épisodes sur

Twitter, pour faire vivre, pour avoir le plaisir de dire Hero Corp était en tête sur Twitter le jour de

l’épisode inédit. Tous les vendredis j’y allais pour ça.

Moi : Donc tu faisais du live tweet justement pour permettre à la série de gagner en visibilité ?

Lui : Oui complètement.

Moi : tu tweetais quoi ?

XXXVIII

Lui : Je parlais un petit peu avec tout le monde, on racontait ce qui venait de se passer. Mais moi les

live tweets, c’était pas vraiment en live. Je regardais l’épisode, j’étais à fond dedans et ensuite j’allais

raconter sur twitter. Hors de question que je fasse ça pendant l’épisode.

Moi : Parce que tu voulais pas le rater ?

Lui : Exactement, je ne voulais pas en rater un bout !

Moi : Est-ce que tu es aussi sur Facebook un petit peu ?

Lui : Non.

Moi : Sur Twitter tu faisais que tu live tweet ? Est-ce que t’as aussi suivi un peu les interventions du

modérateur ?

Lui : S’il y a eu des interventions c’est que ça a pas dû me marquer. Qu’est-ce que tu veux dire par

là ?

Moi : Est-ce qu’il te répondait, s’il répondait à certaines personnes ?

Lui : Il me semble que oui, j’ai vu que de temps en temps j’ai repris certaines choses, ou que c’était

retweeté.

Moi : Mais ça t’a pas marqué plus que ça ?

Lui : Bin oui, s’il m’a retweeté, c’est bien, c’est super, mais c’est pas non plus… Il y avait quelqu’un qui

gérait, c’était bien géré, mais comme il n’y avait pas de débordements, c’est peut-être pour ça aussi

que ça m’a pas marqué, tout s’est fait proprement. C’était dans la continuité on va dire.

Moi : Est-ce que tu as participé à des événements autour de la série comme les dédicaces, les

matchs d’impro, les apéros ou ce genre de choses ?

Lui : Absolument pas. Les matchs d’impro j’aimerai bien et les dédicaces pareil j’aimerai bien mais j’ai

pas pu parce que je pouvais pas me libérer, parce que j’ai pas fais le nécessaire. C’est peut-être un

peu de ma faute, mais aussi avant je ne bougeais pas trop sur Paris. Je voulais pas monter sur Paris

toute la journée si c’était pour me retrouver tout seul, mais maintenant je pense que je pourrai y

aller même si je suis tout seul. Mais je pense pas que je serai tout seul.

Moi : Donc toi tu as envie de partager ces moment-là, que ce soit les épisodes avec l’avant-

première ou les dédicaces avec tes amis ?

Lui : Oui voilà, c’est le truc de se retrouver, on l’avait fait pour la saison 4. On s’était retrouvé à

plusieurs au grand Rex.

Moi : Donc tu as assisté à l’avant-première au grand Rex ?

Lui : Oui j’ai oublié de le mentionner, j’ai assisté à l’avant-première de la saison 4.

Moi : Est-ce que tu peux me raconter comment ça s’est passé ? Ce que tu as pu ressentir ?

Lui : C’était assez sympa de se retrouver comme ça dans un cinéma, d’avoir la projection des

épisodes sur grand écran, en avant-première, avec toute l’équipe. Et puis il y a eu un happening, il y a

XXXIX

eu aussi une petite coupure qui était assez sympathique. On a pu voir les acteurs, c’est assez sympa

de les voir aussi proche de leur public.

Moi : Donc tu as pu discuter avec eux ?

Lui : On avait discuté un petit peu, très très rapidement avec François Frappier qui fait Kyle, mais

vraiment très rapidement, on avait échangé deux trois mots et c’est tout. En fait je suis assez

impressionné quand je vois des personnes. Quand j’ai vu les acteurs j’ai été assez impressionné,

notamment Sébasatien Lalanne qui joue Doug, mon préféré. Quand je l’ai vu arrivé à la saison 4 avec

sa moustache de mafieux mexicain il m’a presque un petit peu foutu la trouille.

Moi : Pourquoi ils t’ont impressionné ?

Lui : C’est toujours impressionnant de voir les acteurs, il y a un côté on les voit à la tv, on les suit sur

DVD, et puis là on les voit en vrai. Ca fait impressionnant, ça fait un choc.

Moi : Et tu as pensé quoi d’eux ? Tu les as trouvé proche de leur public tu me disais, c’est-à-dire ?

Lui : On a pu voir qu’ils… Ils ont fait une intro avant de démarrer la saison 4 avec Arnaud Joillet qui a

fait une chanson assez pourrie, mais c’était volontaire, pour remercier tout le monde. Après il y a eu

l’intro de Tété, il y a eu justement le happening, je sais plus combien d’épisodes il y a eu.

Moi : Dans leur attitude, le fait qu’ils remercient les fans ?

Lui : Oui voilà c’est ça et dans le fait justement de faire ce genre de choses qui montre qu’ils sont

assez proches.

Moi : Du coup est-ce que tu dirais que c’est pas vraiment des idoles mais des personnes comme toi

et moi, ça pourrait être tes potes ?

Lui : Oui je pense. Et puis après ça se voit dans les interviews. Ils ont l’air assez cool, notamment

Simon Astier.

Moi : Et si tu le comparais à son grand frère, Alexandre, est-ce que tu dirais qu’Alexandre est un

peu moins accessible ?

Lui : Bin je trouve, après je pense qu’il a de bonnes raisons, mais de temps en temps il me donne un

peu l’impression Alexandre Astier d’avoir la grosse tête. Mais il a aussi de bonnes raisons, avec tout

ce qu’il a fait. Simon Asiter a l’air un petit peu plus terre-à-terre.

Moi : C’est-à-dire ?

Lui : Bin plus accessible, mais après c’est peut-être l’impression que je m’en fais, c’est peut-être juste

qu’une attitude. C’est peut-être comme ça qu’il est en interview, mais il est peut-être super

sympathique en interview, et inversement pour Simon Astier. Il a l’air hyper sympa en interview mais

il est peut-être pas accessible une fois qu’on va lui parler. J’ai pas l’expérience ni pour l’un ni pour

l’autre donc je ne pourrai pas dire.

Moi : Est-ce que tu dirais que le fait qu’ils soient proches de leur public aide à souder la

communauté ?

XL

Lui : Oui complètement, que ce soit pour l’un ou pour l’autre. Ils donnent régulièrement des

interviews, même quand ils ont plus grand-chose à dire sur leur série, puisqu’ils donnent toujours

deux ou trois éléments, ils balancent ce qu’ils peuvent. Ca entretient un petit peu toujours l’actualité,

le lien. Ils font comprendre qu’ils continuent d’exister malgré tout.

Moi : Ça te donne encore plus envie de continuer à regarder la série ?

Lui : Oui complètement !

Moi : Est-ce que tu peux me dire si tu te sens être un Hérocopain et pourquoi ?

Lui : Question difficile….

Moi : Commençons simple. Pour toi c’est quoi être un Hérocopain ?

Lui : C’est faire partie de la communauté, c’est tous ceux et toutes celles qui ont participé activement

aux campagnes, qui ont été aux avant-premières, qui sont à fond dans la série. Ce que je suis un peu,

mais j’ai un petit peu plus de recul avec Hero Corp qu’avec Kaamelott. Je suis plus accro à Kaamelott

qu’à Hero Corp. J’aime beaucoup Hero Corp, mais Kaamelott reste en premier.

Moi : Tu te sentirais plus faire partie de la communauté de fans de Kaamelott que de celle d’Hero

Corp ?

Lui : Un peu plus oui. Disons que je suis d’abord de la communauté de Kaamelott avant d’être de

celle d’Hero Corp. Mais si je me retrouve dans une convention de fans d’Hero Corp je serai pas du

tout largué.

Moi : Pourquoi comparer Kammelott à Hero Corp alors que les univers sont si différents ?

Lui : Je ne les compare pas, je me sens juste plus fan de Kaamelott que d’Hero Corp. Mais du coup je

compare pas vraiment, au début oui, je les comparai. C’est aussi un petit peu le piège pour Simon

Astier. Déjà lui-même a joué dans Kaamelott, il y a eu pas mal d’autres acteurs qui ont joué dans

Kaamelott. Donc forcément on se dit qu’ils étaient comme ça dans Kaamelott et dans Hero Corp ils

jouent pas de la même façon, est-ce que c’est la direction d’acteur ou le texte qui font qu’ils sont un

peu mauvais. Mais c’était le début, donc je pense qu’ils se cherchaient, surtout sur la saison 1.

Puisque certaines personnes trouvent, même moi je trouve que certains acteurs dans Hero Corp

étaient moins bons que dans Kaamelott, au moins au début.

Moi : Et tu penses que c’était parce que ça venait de démarrer ?

Lui : Oui. Mais après je regrette qu’on soit plus au format de 20minutes. Parce que c’est un format

parfait. 20-25minutes c’était bien, il y avait le temps de poser une histoire, avec le côté comédie

dramatique. Pour moi la meilleure saison c’est la 2, je trouve que c’est la mieux maîtrisée. A partir du

moment où on arrive au bunker, je trouve que ça s’enchaîne un peu trop vite, même s’il se passe pas

grand-chose.

Moi : Tu trouves qu’ils ont pas le temps de poser les choses correctement ?

XLI

Lui : C’est surtout la saison 3 qui reste pour moi la moins bonne parce que déjà on l’a trop attendu

mais aussi parce qu’elle a eu un format un petit peu bâtard. Elle a eu un format des épisodes de 7

minutes et le format des épisodes de 35 minutes. Du coup le découpage pour la saison 3 est un petit

peu étrange vu qu’il fallait coller au cahier des charges de France 4, c’est-à-dire un épisode de 7

minutes. Du coup le découpage d’un épisode de 35 minutes est assez particulier à suivre.

Moi : La contrainte de la télévision est un peu dommage ?

Lui : Je pense que si la série avait continué sur le web ils auraient pu faire ce qu’ils voulaient et on

aurait jamais eu le format de 7 minutes. Peut-être que la série aurait fait comme Kaamelott, aller

plus loin dans son format, passer de 20 à 30 minutes ou 35 minutes mais pas l’inverse.

Moi : Est-ce que la série change ton quotidien, que ce soit en inter-saison avec les applications ou

pendant la diffusion des épisodes ?

Lui : Quand c’est la diffusion des épisodes, clairement oui, à moins que j’ai un gros gros truc, je me

pose devant la tv et j’en bouge pas. Quand j’ai prévu un gros gros truc je rattrape en streaming mais

c’est assez rare. Parce que c’est les inédits et puis il y en a pas beaucoup, j’essaie de suivre en direct à

la tv.

Moi : Est-ce que pour toi il y a des devoirs quand on est fan ?

Lui : Non je ne pense pas. A part peut-être d’essayer de continuer de faire vivre la série, si les

personnes veulent la connaître plutôt que de télécharger, on prête les dvd. Au moins essayer d’éviter

au maximum le téléchargement. Et encore que, c’est particulier, puisqu’elle s’est fait plus connaître

par le téléchargement que par la diffusion tv.

Moi : Justement par rapport au téléchargement, tu me disais que tu as commencé par internet, ce

qui veut dire que tu as fait du téléchargement ? Est-ce que tu serais allé voir la série si ça n’avait

pas existé ?

Lui : Il aurait fallu que je tombe au moins sur un épisode ou deux pour savoir de quoi ça parlait. Mais

j’avais l’intention de m’y mettre quand j’ai vu que ça passait sur Fance 4. Mais avec la contrainte des

horaires de diffusion, c’était en après-midi, il fallait que je sois à la tv à telle heure et on a plus

l’habitude depuis internet. On a un peu l’habitude de regarder les épisodes quand on a envie, à

l’heure où on en a envie. J’étais un petit peu… Je faisais pas attention aux horaires de diffusion, au

moins pour le début, et j’avais raté complètement la saison 1 et il me semble que pour la saison 2

c’était la même chose.

Moi : Donc pour toi le téléchargement ça peut se justifier pour permettre à des gens de découvrir

une série ?

Lui : Bin là pour le coup oui, finalement c’est le téléchargement qui l’a fait connaître donc c’est pas

une mauvaise chose mais c’est pas une bonne chose non plus. Disons que c’est entre les deux. Après

bon, je suis plus dans le deuxième cas que dans le premier cas. Dans le premier cas tu télécharges la

XLII

série au début et après tu achètes les dvd pour la faire vivre. Et dans le deuxième cas tu télécharges

la série et voilà quoi, tu sais qu’une fois tu l’as vu tu l’as reverra pas. C’est un peu plus mon cas sur

pas mal de séries car j’en télécharge beaucoup, quoique depuis Netflix je me suis pas mal freiné.

Moi : On parlait des devoirs, est-ce que pour toi les fans devraient avoir des droits ?

Lui : Non pour moi il y a pas de droits, je pense pas qu’il y ait de droits ni de devoirs de fans. Non le

seul vrai droit qu’on aurait c’est d’avoir une fin je dirai. Et c’est à peu près tout. Après on peut pas

dire « j’aimerai bien qu’il se passe telle ou telle chose et si ça se passe pas comme ça je serai déçu »

comme on a pu le voir sur certaines séries ou certains jeux vidéo où des fans gueulent tellement que

dans la création ça fait machine arrière et je pense que ça tue un petit peu la création justement.

Moi : Donc tu penses que les auteurs doivent vraiment garder en tête ce qu’ils veulent faire et ne

pas dire Amen à tout ce que les fans pourront dire ?

Lui : Oui voilà, au moins pour les créations originales. Si je regarde la saison 5 d’Hero Corp qui devrait

normalement être disponible pour la fin de l’année et que je m’aperçois que j’avais un petit peu tout

prévu, je pense que je serai un petit peu déçu. J’avais finis par me douter que John finirait par mourir,

mais j’avais pas pensé qu’il serait ressuscité par Maris. J’avais vu venir le truc et j’ai quand même été

surpris et ému, et après j’ai vu la résurrection et je me suis dit que c’était bien amené.

Moi : Est-ce que tu connais un petit peu tout ce qui est fan fiction ?

Lui : Oui j’en ai moins même écrit une, enfin une espèce de début. J’ai fait ça sur l’impulsion du

moment, mais j’ai jamais eu de suites.

Moi : Est-ce que tu savais que c’était illégal ?

Lui : Ah non je l’ignorais !

Moi : En France c’est illégal par rapport au droit de la Propriété Intellectuelle. J’imagine que tu

connais le point de vue de Simon et Alexandre, ils n’ont rien contre.

Lui : Oui mais là encore une fois c’est parce qu’ils sont créateurs avant tout. Ils ont envie de dire,

« bin écoutez si vous avez envie d’écrire des fan-fictions, faites-les, créez autour de l’univers ».

Moi : Est-ce que justement ce ne serait pas un droit pour les fans de pouvoir en écrire ?

Lui : Si justement ! Pour le coup oui tu me parles de droits de fans, ça devrait être un droit de pouvoir

faire une fan-fiction, ou même une web-série. Après de demander par exemple, une web-série sur

Hero Corp, qui soit les débuts ou qui soit centrée sur une école de super-héros, et pouvoir demander

à Simon Astier s’il est d’accord ou pas d’accord. Sans se soucier que France 4 puisse y mettre son nez

ou quoi que ce soit. Parce que ça permet après à certaines personnes de se lancer avec un support

qu’ils connaissent et après se lancer d’eux-mêmes.

Moi : Pourquoi tu avais commencé à écrire une fan-fiction ?

Lui : je ne sais pas, j’ai eu l’inspiration. Mais après c’est retombé et j’ai plus jamais remis le nez

dedans, j’ai pas de suite, j’ai pas de fin.

XLIII

Moi : Tu l’aurais diffusé sur internet si tu l’avais fini ?

Lui : Elle est disponible sur le forum On En A Gros.

Moi : Tu as eu des retours ?

Lui : Je ne crois pas non, il me semble qu’elle est complètement passée à l’os, il me semble bien.

Moi : Et pour toi du coup écrire des fan-fictions c’est quoi ? Lui rendre hommage, la faire vivre, se

l’approprier ?

Lui : Se l’approprier je ne sais pas parce que les univers sont assez vastes, mais ça permet à des

personnes qui ont envie de se lancer dans la création, et qui ont peut-être pas les idées au départ,

d’avoir les bases d’une création, de faire quelque chose et de se dire que ça plaît aux gens et qu’on

va pouvoir créer quelque chose de complètement différent. Disons que ça peut donner confiance en

soi pour ceux qui ont envie de se lancer dans une création plus poussée. Ou alors sinon ça peut être

juste un truc sympa entre fan pour se dire « voilà moi je verrai bien que ça se passe comme ça ».

Moi : Et donc ça peut amener à des débats ?

Lui : Ca peut amener à des trucs assez sympas, ça fait vivre la communauté, ça fait vivre la série. Mais

c’est vraiment le coup de l’illégalité qui me choc, je trouve ça complètement dommage. Parce que ça

peut tuer dans l’œuf certaines créations.

Moi : Donc tu penses que les fans-fictions comme les téléchargements illégaux, peuvent aider une

série à démarrer, à continuer ?

Lui : Oui complètement puisque le créateur peut voir que ça continue d’en parler et donc que s’il y a

encore un tel engouement, c’est qu’il y a quelque chose à faire. Mais il ne faudrait pas que ce soit « il

y a un engouement pour la série, donc je leur donne forcément quelques chose, même si c’est mal

fait, juste pour les satisfaire ».

Annexes V : Retranscriptions d’entretiens avec les fans de Star Wars

Entretien n°1 d’un fan de Star Wars

Moi : Comment tu as connu Star Wars ?

Elle : Je les ai connus petite parce que mon grand-père aimait la science-fiction, il n’aimait pas le

fantastique, et j’avais un oncle qui était très fan de Star Wars. Ils avaient les cassettes enregistrées à

la maison et comme j’ai toujours aimé le cinéma je bouffais les vidéos et un jour je suis tombée sur la

trilogie Star Wars.

Moi : Tu fais la différence entre le fantastique et la science-fiction ? Pour toi Star Wars mélange les

deux ?

XLIV

Elle : Non pour moi Star Wars c’est de la science-fiction, c’est du Space Opera, c’est vraiment loin du

fantastique. Je le définis par rapport à ce que mon grand-père m’avait dit. Star Wars comme c’est de

la science-fiction, on peut se dire que dans un futur très très très lointain ça peut arriver. Il n’y a rien

de magique, pour moi la Force c’est pas quelque chose de magique, ils le décrivent comme quelque

chose de naturel pas comme de la magie ou quoi.

Moi : Et toi tu as connu la première trilogie, donc la plus vieille ?

Elle : Oui c’est ça.

Moi : Et qu’est-ce qui t’a fait accrocher ?

Elle : A cause des personnages. Il y a une princesse qui se sauve toute seule quand même, c’est la

classe ultime ! A ce moment-là tu te dis que les filles c’est pas que fait pour être sauvé. Ensuite il y

avait Luke aussi, je suis tombée amoureuse de lui avant de tomber amoureuse de n’importe qui

d’autres. Et puis les planètes, les univers, toutes les créatures, les sabres lasers, les combats. C’était

parfait.

Moi : Pourtant c’est un univers assez masculin ?

Elle : Pas forcément. C’est un univers masculin chez les fans, mais comme c’était un truc de

chevaliers, il y a un méchant il faut le tuer. On l’a toujours destiné à un public masculin, mais je pense

que si plus de filles avaient connu ça à l’époque, elles l’auraient aimé autant.

Moi : Tu as juste regardé les films ou tu as fait autre chose ?

Lui : Quand j’étais petite mes cousins étaient aussi fans de Star Wars donc ils avaient des bouquins

sur les vaisseaux, les personnages et tout ça donc j’aimais bien les lire. Et plus tard comme mon oncle

était marin, dans des sous-marins, il s’achetait souvent, comme parfois il ne remontait pas en surface

pendant 6 mois, il s’achetait les romans Star Wars. Donc il y a quelques années il a voulu s’en

débarrasser donc je les ai récupérés. Et un jeu vidéo sur ma console de la pré-logie pas de la trilogie.

Moi : Le jeu vidéo c’était un remake de la prélogie ou tu apprenais des choses ?

Elle : On apprenait rien c’était des courses de podracer, tu sais dans la Menace Fantôme Anakin fait

une course et le jeu c’était sur des courses de ce genre.

Moi : Et dans les bouquins tu apprenais des choses en plus ?

XLV

Elle : Oui. De ce qu’il se passait après la trilogie, après que Dark Vador tue l’Empereur Palpatine, que

les rebelles aient gagné. Donc c’est tout ce qui se passe après, les autres peuples, les autres membres

de l’Empire parce que c’était pas juste l’Empereur Palpatine il y avait plein de généraux. Ce qui se

passe entre han et Leia évidemment, et puis aussi je voulais savoir Leia à propos de son père. Il fallait

que je sache tu vois ! Il apparaît des fois devant Leia en mode comme dans la Force, c’était trop cool !

Moi : Ca permet de répondre à certaines des questions que les films laissent passer ?

Elle : Oui. Surtout moi principalement ce que je me demandais c’était ce qui arrivait à tout le monde

après.

Moi : Et t’as pas suivi les autres choses par exemple sur internet ou les applications ?

Elle : Non j’ai jamais été sur un forum ou sur une appli. C’était pas ça qui m’intéressait, c’était

vraiment l’histoire pure et dure.

Moi : Qu’est-ce qui fait justement que tu vas préférer une trilogie par rapport à une autre ?

Elle : si on parle de la trilogie Star Wars et de la prélogie Star Wars, si je préfère la trilogie c’est

principalement par rapport aux personnages, aux planètes, à l’histoire, aux enjeux de l’histoire. Il y a

la nostalgie qui fait beaucoup parce que c’est la première chose que j’ai découverte. Et la prélogie je

l’aime aussi énormément mais je trouve qu’elle a quelques défauts. Pour moi la trilogie originelle est

parfaite, il n’y a rien à lui reprocher, rien du tout.

Moi : Qu’est-ce que tu reprocherais à la prélogie ?

Elle : Je lui reproche … Anakin Skywalker, bon après ça peut être aussi logique parce que ça reste un

ado mais, le voir en mode kikoo lol se rouler dans l’herbe avec Padmée, t’es là « mec tu vas tuer des

enfants dans 1 films ! Tu vas tuer des enfants de sang froid ! Dans le même film tu vas détruire tout

un peuple parce qu’ils ont tué ta mère ! Non tu te roules pas l’herbe quoi ! ». Les combats m’ont

moins plu et puis il y a des trucs de puristes qui m’ont moins plu aussi. Par exemple dans la trilogie

originelle l’Empereur Palpatine peut lancer des élcairs, c’est le Sith suprême, il démonte tout le

monde, il encule tout ce qui se passe. Là ils l’ont filé au comte Dooku, qui est un lieutenant si tu veux.

Et pour moi c’est un peu l’arme suprême du Sith, comme du Jedi. Ca a la limite Yoda aurait pu le faire

tu vois. Et ça ça m’a fait chier. C’est des petits détails de puriste qui m’ont emmerdée mais pas assez

pour que je déteste la trilogie parce qu’elle était quand même très bonne. Il y avait des personnages

XLVI

qui étaient très intéressants et ça permet de combler les choses que je voulais savoir. Par exemple

sur les parents de Luke comment ils ont pu se rencontrer.

Moi : D’accord. Alors tu n’as pas vu le dernier film. Est-ce que d’avance tu as des a priori ?

Elle : Complètement. Déjà je déteste le réalisateur, il a toujours fait de très mauvais films. Je trouve

que c’est … En fait pour moi Star Wars c’est un truc vraiment très profond, que j’aime vraiment

sincèrement. Et ce réalisateur là pour avoir vu pas mal de ses films, je trouve qu’à chaque fois il

s’occupe des projets parce qu’ils sont à la mode. Il fait ce que les gens attendent de lui mais sans

comprendre pourquoi il les fait, donc ça donne du mauvais et c’est limite insultant. Tu regardes les

Star Trek, tous les vrais fans de Star Trek avaient détesté. Moi je les avais trouvés inutile alors que

j’aime pas spécialement Star Trek. Et donc je sais d’avance que ce qu’il va en faire c’est mauvais. Et

comme tous mes copains sont fans de Star Wars ils m’ont raconté des passages. Quand j’ai su que

Eddy avait pleuré d’énervement au cinéma, Manon aussi à versé une larme d’énervement au cinéma,

même mon petit cousin de 15 ans qui n’est pas aussi puriste de Star Wars parce qu’il est plus

branché Seigneur des Anneaux, même lui il a trouvé nul à chier ! Et quand on m’a raconté pourquoi

ils ont trouvé ça nul à chier, ça m’a encore plus énervée.

Moi : Pourquoi ?

Elle : Parce que ça niquait la mythologie des personnages. Que Luke, le plus grand et puissant Jedi

aille s’enfuir à l’autre bout de la galaxie parce qu’un de ses élèves à mal fini c’est pas Luke. Que le

petit-fils de Dark Vador, bon ça peut très bien être un méchant parce que dans l’univers étendu le fils

de Leia et Han essaie de faire tuer sa sœur jumelle c’est un méchant. Mais là il est décrit comme un

ado attardé et c’est pas ça. Si tu veux reprendre la suite de Dark Vador, tu dois au moins être au

même niveau et là il l’est clairement pas. Rien qu’au niveau de la mythologie du sabre. Sabre c’est

pas une baguette magique comme dans Harry Potter si tu veux. Que là la nana elle arrive à trouver le

sabre parce qu’elle le sent, non c’est pas comme ça que ça fonctionne la Force. Un Jedi il doit

construire son propre sabre. Et il le trouve pas comme ça par magie. Même le Faucon Millenium

genre il faut avoir une expérience, tu peux pas le conduire en 5 minutes. Et j’étais contente qu’ils

mettent un black dans le film. Bon il y avait Lando Calrissian dans la trilogie et c’était un putain de

personnage aussi un gars compliqué qui n’était pas aussi sombre que ce qu’il paraissait. Ca c’était

cool. J’étais contente qu’il y ait de la diversité culturelle, mais apparemment c’est le comique de

service. Moi j’ai pas envie de voir un Eddy Murphy, j’ai envie de voir un personnage fort comme tous

ceux que j’ai vu dans Star Wars.

XLVII

Moi : Donc tu penses que rien qu’au niveau des personnages le niveau a baissé et que c’est devenu

trop simpliste ?

Elle : Ouais et pourtant j’étais pas contre parce que pour moi c’était cool, j’étais contente qu’ils

prennent des acteurs pas connus. Je trouvais ça méga intéressant de les faire découvrir. On découvre

de nouveaux personnages en même temps qu’on découvre de nouveau acteurs. Et même ce qu’ils

ont fait à Han Solo. Ils l’ont buté au bout de 15 minutes de films et de ce qu’on m’a dit… Leia et

Chewbacca. Leia c’est la femme de Han depuis 20 ans. Chewbacca c’est son meilleur ami depuis

encore plus longtemps. Pour moi il y a un lien entre eux. Ils passent à côté l’un de l’autre, ils se

serrent même pas dans les bras, alors que le meilleur ami de l’un et l’homme de l’autre il vient de

décéder. Non les gars putain ! C’est Han Solo qui est mort putain ! Tout le monde devrait être en

dépression, surtout sa femme et son meilleur pote, ils devraient au moins se regarder, dire un truc,

faire coucou, une certaine émotion. Y’a rien et ça ça m’a énormément déçue.

Moi : Donc si déjà de base tu as des a priori c’est parce que J.J. Abrams tu l’aimes pas et parce que

ce qu’on t’en a raconté pour toi, n’est pas satisfaisant ?

Elle : Non c’est parce que c’est des détails sur lesquels… J’aurai pu passer sur des détails parce qu’il y

a le purisme aussi et je sais reconnaître que je peux être de mauvaise foi là-dessus. Mais là c’est de

trop grosses choses… C’est comme si tu prenais un mythe et tu le détruisais complètement, comme

si ça n’existait pas. Et le truc c’est que aussi comme beaucoup de monde s’est mis à cracher sur la

prélogie, que moi je trouve très bonne même si elle a quelques défauts, ça fait comme ça existait

pas. Et ça c’est pas juste parce qu’elle est très bonne, il y avait des choses vraiment intéressantes. Il y

a des choses très intéressantes, à part les Midi-chloriens qui ne servent strictement à rien, mais il y

avait de très bonnes choses. Et ça faisait comme si on l’avait annulé. Et là ça t’a vraiment niqué toute

la mythologie et ça t’a flingué les persos. C’est comme quand tu passes du Silence des Agneaux à

Hannibal Lecteur tu vois que le personnage de Clarisse Starling change complètement, c’est plus la

même personne.

Moi : Est-ce que le fait que Lucas Film ne soit pas au commande mais que ce soit Disney ça a joué

aussi ?

Elle : Moi ça n’a pas joué tant des masses parce que je trouve que Disney on critique beaucoup, et

c’est vrai qu’ils ont fait pas mal de merde comme certains Marvel, Thor une grosse blague. Mais ils

ont quand même aussi fait de bonnes choses. Si tu regardes le film John Carter il était excellent,

c’était un très bon film. Et ils ont fait d’autres bons films, donc je me suis dit pourquoi pas. Et de

XLVIII

toutes façons Kathleen Kennedy restait aux commandes et comme c’est elle qui a toujours géré la

production de Star Wars ça me gênait pas. Georges Lucas était dépassé par certaines choses, il faut

reconnaître certaines choses. On l’aime et on le déteste à la fois, parce que quand il fait les choses

tout seul elles sont moins bonnes que quand il les fait avec quelqu’un. Le Star Wars préféré de tout le

monde c’est pas celui qu’il a réalisé, c’est pas Un Nouvel Espoir. En général le préféré de tout le

monde c’est L’Empire Contre-Attaque réalisé par Irvin Kershner. Et moi mon préféré c’est Le Retour

du Jedi qui a été réalisé par un autre type encore. Donc lui il est très bon, il a d’excellentes idées mais

il faut pas qu’il soit tout seul. Que là il y aurait eu Kathleen Kennedy qui aurait été là pour faire la

transition. Donc non le fait que ce soit Disney m’a pas plus traumatisé que ça.

Moi : Est-ce que tout le marketing qu’il y a eu autour a pu te dégoûter un peu ?

Elle : Oui parce que en fait ce qui m’a soulé, c’était pas par rapport au marketing, pas tant les objets

tout ça. C’est que quand t’es fan de Star Wars et que t’es ado, et que t’es une fille, tout le monde se

fout royalement de ta gueule, tout le monde ! Et toutes ces mêmes personnes qui se foutaient

royalement de ma gueule, maintenant sont à fond dans Star Wars, je connais Star Wars, etc. Et là tu

te souviens de toi quand t’étais ado et que t’as pris cher et là ça te fout les nerfs, vraiment ! Parce

que déjà bande de gros cons quoi. Vous n’en avez jamais rien eu à foutre, pour vous c’était des films

de gros puceaux, et maintenant c’est la nouvelle mode, c’est J. J. Abrams, que je déteste justement

parce que c’est un hipster. Tous les gens l’aiment parce que c’est un hipster. Je déteste ça.

Moi : Ce qui t’as énervé c’est le fait qu’il y ait des gens qui se disent fan de Star Wars alors qu’ils

viennent à peine de le connaître parce qu’il y a eu une campagne marketing énorme ?

Elle : Oui voilà. Mais le pire si encore ils avaient regardé la trilogie je dit pas tu vois. Mais ces gens qui

se disent fans… Ca me dérange pas qu’il y ait quelqu’un, par exemple moi j’ai découvert Lost il y a

que quelques mois et pourtant je me déclare déjà fan parce que j’ai adoré. Si tu veux ces gens-là

n’ont vu que Star Wars 7, ils ont vu que la filmographie d’Abrams, ils n’ont jamais regardé les films

Star Wars, ils ne savent pas ce qu’il se passe, ils ne connaissent rien au niveau de la mythologie et

c’est ça que j’aime pas. A la limite vraiment c’est moi adolescente qui est là en mode « putain bande

d’enculés ! Vous m’avez limite matraqué la gueule et maintenant c’est la nouvelle mode ! ».

Moi : C’est quoi pour toi être fan ?

Elle : Etre fan c’est pas tant collectionner les objets ni tout ça. Pour moi être fan de quelque chose

c’est vraiment que l’histoire te tienne à cœur, que tu l’aimes vraiment, que ça vienne dans tes films

XLIX

préférés. Que tu pourrais les bouffer en boucle, c’est pas forcément avoir les bouquins ou les

vaisseaux ou les figurines. Le principal c’est d’aimer ce que tu regardes, et si t’aimes je dit pas. Pour

moi c’est être fan ça.

Moi : Et y’aurai pour toi des anti-fans ? Des gens qui se disent fans mais qui selon toi ne le sont

absolument pas.

Elle : Oui ces gens-là qui ont commencé à aimer Star Wars 7 juste parce que le réalisateur c’était

Abrams, parce que c’était à la mode. Pour moi les anti-fans c’est ceux qui vont te dire aimer Star

Wars juste par mode. Parce que à la limite des gens qui aiment Star Wars 7 mais qui ne se

proclament pas en mode c’est mon film préféré je dis pas. C’est comme moi il y a un film que je vais

bien aimer ça veut pas forcément dire que j’en suis fan. Eux me dérangent pas, chacun ses goûts. Et

puis si t’as mauvais goût, c’est comme ça ! Mais ceux qui se disent, qui ont tous les goodies, qui se

baladent avec des objets dont ils ne comprennent même pas la signification, ça pour moi oui c’est

des anti-fans.

Moi : Est-ce que tu te sens faire parti d’une communauté de fans et même peut-être d’une famille

Star Wars ?

Elle : Je sais pas. Je pense que non pas à une grande échelle, mais à une petite. Avec mes amis parce

que … Comment dire… Je pense que tu peux te sentir d’une communauté ou d’une famille Star Wars

que si t’en discutes avec beaucoup de gens. Ceux qui sont sur les forums eux c’est une vraie

communauté. Moi limite je me sentirai plus la communauté de fans de Star Wars, ouai j’en fais

partie, mais une famille Star Wars je la considèrerai plus avec mes potes avec qui j’en parle tout le

temps.

Moi : Est-ce que tu considères que l’équipe, pas forcément du dernier, c’est un peu aussi comme ta

famille ? Est-ce que tu te sens proche de cette équipe ?

Elle : Oui et non dans la mesure où je me suis toujours dis merci. J’ai beau reprocher des trucs à

Lucas et à la prélogie, je pourrai jamais assez les remercier d’avoir fait ces films-là. Parce que c’est

vraiment mes films préférés. Pour moi la trilogie c’est vraiment… Tu me demandes mon top 3 de

films c’est Le Retour du Jedi, L’Empire Contre-Attaque et Un Nouvel Espoir, c’est clair et net. Le mot

est trop fort mais je sens de la reconnaissance vis-à-vis d’eux. C’est quelqu’un à qui j’aimerai rendre

la pareille.

Moi : Donc t’es contente qu’il ait crée cet univers là et qu’il vous l’ait donné ?

L

Elle : Ouais.

Moi : Qu’est-ce que t’inspire le terme de transmedia ?

Elle : Pour moi le transmedia ça a avoir avec la communication. Je dirai pas le marketing mais je dirai

plus la communication sur internet, sur le web tout ça non ?

Moi : Okay, c’est ta réponse.

Elle : Je me plante complètement c’est ça ?

Moi : Je t’expliquerai après. Est-ce que pour toi le fait que Star Wars soit un gros univers et qu’il

soit prolongeable à l’infini, qu’il n’y ait pas de fin, ça te conforte aussi dans l’idée de continuer,

d’être fan, parce que ça s’arrêtera jamais ?

Elle : Non c’est pas ça parce que je me dis qu’il y a des univers qui sont finis et je pourrai pas

m’arrêter d’être fan pour autant. Ce qui me fait peur c’est qu’il va y avoir plein de films là-dessus,

mais ce qui me rassure c’est que tu peux t’imaginer, parce que je marche beaucoup à l’imagination.

Et tu peux t’imaginer des tonnes et des tonnes d’histoires sur ce qui va se passer à côté. Tu sais que

leur vie s’arrêtera pas juste comme ça, qu’il va leur arriver encore plein de choses et des choses

épiques.

Moi : Il y a longtemps quand on a dit que Star Wars était fini, ça t’a pas chagriné ?

Elle : Non. Ca m’a fait de la peine un peu parce que j’aurai voulu avoir quelque chose en plus si c’était

bon, mais ça ne l’est pas. Ca ne m’a pas chagriné des masses parce que je me suis dit que ça n’allait

pas s’arrêter là. La vie des personnages, même si je la voyais pas, je savais qu’elle continuerai.

Comme si c’était des personnes vraiment réelles.

Moi : Par contre ça t’a fait peur quand on t’a annoncé la trilogie Disney et J.J. Abrams ?

Elle : Pas au Disney, mais avec Abrams oui j’ai lâché l’affaire. Parce qu’au début quand ils ont dit

Disney ça m’a faite un peu chier. Au début ils avaient des réalisateurs. … Je m’étais dit que ce qui

aurait été cool ce serait un réalisateur qu’on connaît pas comme ça il aurait pu se faire la main sur

Star Wars et ça nous ferait à tous découvrir un nouvel univers et pas des films de quelqu’un qui ont

déjà été fait donc on essaierait un petit peu de reconnaître sa patte parce que c’est quelque chose de

vraiment complexe. A un moment ils avaient proposé Matthew Vaughn que je trouve vraiment bon,

LI

c’est un excellent réalisateur même s’il n’a fait que 3 ou 4 films et aucun de ses films n’est mauvais.

Et après ils ont dit J.J. Abrams et là j’ai lâché l’affaire, j’ai dit c’est bon c’est fini quoi.

Moi : Donc toi vraiment tu refuses de voir le film ?

Elle : Complètement.

Moi : Tu le verras jamais ?

Elle : Jamais.

Moi : Même la suite ? Même si on te dit que c’est pas mal ?

Elle : Non la suite je la verrais si c’est pas Abrams qui est aux commandes. J’accepterai de la voir, pas

au cinéma, je paierai pas pour aller la voir, mais je la regarderai quand même.

Moi : Justement sur la question de « je paierai pas pour aller la voir », qu’est-ce que tu penses

d’une manière générale des téléchargements illégaux ?

Elle : Moi je suis pour parce que pour moi la culture… Ca me fait chier dans le sens où les gens qui ont

fait les films ils ne touchent pas vraiment ce qu’ils méritent, et d’un autre côté la culture devient

tellement chère, elle devrait être libre. Si c’était moins cher je dit pas, okay. Mais là si on avait pas le

téléchargement on aurait aucun accès à la culture parce que moi j’ai pas les moyens d’aller au

cinéma. Un DVD c’est quasiment 20€, j’ai pas les moyens ! Donc moi je suis pour, parce que je pense

que la culture devrait être libre à tout le monde.

Moi : Donc peut-être que si ton oncle n’avait pas eu les cassettes t’aurai jamais connu Star Wars ?

Elle : Oui. Après j’étais petite aussi, donc je pense que je les aurai vu parce qu’il y avait d’autres gens

qui les avaient. Mais je les aurai découverts un peu plus tard.

Moi : Mais t’aurai pas acheté dès le départ ?

Elle : Oui, je vais acheter quelque chose quand je suis sûre que je l’aime réellement et qu’il mérite

d’être acheté.

Moi : Quand t’es fan ?

LII

Elle : Voilà. Moi quand j’aime vraiment beaucoup, quand je trouve ça très bon. Il y a des films que je

trouve très bon mais dont je ne suis pas fan pour autant. C’est des films que j’aime bien regarder de

temps en temps mais pour moi il y a meilleur.

Moi : Et tu penses que le téléchargement permet à certaines séries ou certains films de se faire un

peu plus connaître ?

Elle : Oui parce que nous en France la plupart des séries qu’on regarde son américaines ou anglaises

et nous on les recevrait qu’un an plus tard, et c’est vrai que le téléchargement …. Je pense que les

séries qui font un gros buzz comme Game of Thrones ou Breaking Bad si elles marchent autant c’est

aussi parce qu’à l’étranger ça fonctionne beaucoup et on les aurait pas si on avait pas eu le

téléchargement. Donc oui je pense que ça aide. Je sais pas pour toutes, mais en tout cas je pense

qu’il y en a beaucoup pour qui ça aide. Walking Dead c’est pareil. Et y’a des séries que tu regardes,

comme Walking Dead par exemple, il y avait une saison à part et qui n’était que sur internet. Et

pareil pour une série de Joss Whedon, Docteur Horible, elle était disponible que sur internet.

Moi : Est-ce que pour toi il y aurait des devoirs quand on est fan ?

Elle : Non. A part dire merci au réalisateur et à l’équipe du film, je vois pas.

Moi : Et est-ce qu’il y aurait des droits ?

Elle : Non plus parce que pour moi c’est libre à tout le monde.

Moi : En France tout ce qui est fan-fiction est illégale.

Elle : Ah ouais ? On a pas le droit de faire des fan-fictions ?

Moi : Oui dans la loi c’est interdit, par rapport à la Porpriété Intellectuelle. Est-ce que justement ce

serait pas un des droits ?

Elle : J’y avais pas pensé du tout, mais oui ! Comme je suis beaucoup de mangas aussi, ça m’est

souvent arrivé de lire des fan-fics sur les mangas ou qu’on m’en écrive à moi personnellement. Et je

trouve ça normal parce que c’est quelque chose…

Moi : Pourquoi on écrit une fan-fiction d’après toi ?

LIII

Elle : Parce que des fois… Bin je sais que certaines personnes aiment se mettre dans l’histoire pour

savoir ce qui leur arriverait, ou qui aimerait savoir ce que ça donnerait pour quelqu’un d’autre de le

voir à l’histoire. Ca permet de s’imaginer une vie du personnage parce que mine de rien quand une

œuvre est finie t’as envie d’en apprendre plus sur certains persos, même sa couleur préférée ou

n’importe quoi, ce qui lui est arrivé dans telle situation, je sais pas. C’est vrai que les fan-fics ça

permet ça aussi, d’étendre encore plus l’univers.

Moi : Donc vraiment ça permet aux fans de participer comme ils le veulent en s’imaginant et ça

permet aussi de faire vivre l’œuvre ?

Elle : oui clairement parce que moi je vois beaucoup de mangas que je lis, sans les fan-fics ils

vivraient pas, ils seraient moins connus, ils seraient moins là.

Entretien n°2 d’un fan de Star Wars

Moi : Comment as-tu connu Star Wars ?

Lui : J'ai découvert Star Wars par mon père qui m'a montré les épisodes 4, 5 et 6 en VHS

enregistrées, je devais avoir 6 ou 7 ans. Je me souviens de la Bataille de Hoth au début de l'Empire

contre attaque, qui a radicalement changé ma vision du cinéma. Star Wars a un effet hypnotique sur

un enfant qui le découvre. On a du mal à quitter cet univers. A tel point que je me rappelle ma mère

reprocher (gentiment) à mon père de m'avoir entraîné là-dedans ! Et moi d'user les VHS jusqu'à l'os.

J'ai d'ailleurs eu la chance de découvrir la trilogie classique dans sa version d'origine, non

remastérisée. J'ai pu ensuite les découvrir en salle lors de la sortie des éditions spéciales en 1997. Et

j'ai ensuite pu donc découvrir la prélogie en salle dés 1999. Et comme mon père avec moi, c'est moi

qui ai eu l'honneur de transmettre cette passion à mon petit frère.

Moi : Pourquoi ça a changé ta vision du cinéma ?

Lui : En dehors de ma vision personnelle, SW a changé la vision du cinéma. Il y a ce dynamisme dans

le montage, cette façon de concevoir les effets spéciaux, cet émerveillement, ces musiques, ces

personnages, tout participe à créer un univers inédit, accessible et attachant. Aujourd'hui le cinéma

tente de créer des univers fantastiques au moins 6 fois par an. Mais jusqu'aux années 90, date à

laquelle je les ai découvert, cela était encore quasi-inexistant. Mais malgré cette mode de créer des

univers, SW continue d'être LA référence.

Moi : Pourquoi tu as du mal à quitter cet univers ?

Lui : Parce qu'il touche à quelque chose de profond. Difficile d'analyser le pourquoi d'un ressenti

outre les références sur les mythes récurrents qui ont façonné nos sociétés. Mais SW, comme le

LIV

Seigneur des Anneaux ou Matrix, nous permet de nous identifier à des personnages multiples aux

enjeux profonds, tout en nous dépaysant complètement. Il était également difficile de quitter un

univers tel que celui d'Avatar !

Moi : Pourquoi c’est important pour toi de transmettre ta passion ?

Lui : Le cinéma se découvre et se partage. C'est une passion d'ordre sociale pour moi. Les débats sont

primordiaux. C'est une satisfaction personnelle de faire découvrir un film, de faire vivre une

expérience à un proche en sachant qu'il ne l'oubliera jamais. Et j'imagine que je filmerai la réaction

de mon enfant lorsqu'il découvrira la révélation de Vador à Luke !

Moi : Quelle utilisation as-tu des médias utilisés par la saga pour prolonger l’univers ? Lui : Star

Wars est clairement une saga qui ne se contente pas des films et se savoure sur également d'autres

médias. En ce qui me concerne, je suis assez collectionneur. Les produits dérivés de Star Wars,

figurines et jouets, sont donc un de mes péchés mignons. Et la presse a eu un impact sur ma façon de

suivre à l'époque le tournage de la prélogie, grâce à mon abonnement au Lucasfilm Magazine, revue

de référence.

Moi : Pourquoi ce besoin de collectionner les produits dérivés ?

Lui : Nous sommes de grands enfants et les produits dérivés, en dehors de leur beauté esthétique,

est une façon communautaire de faire partie de ce fameux clan de fans. On ne joue plus avec mais on

aime les exposer. C'est aussi une façon de vivre aux cotés de cet univers sans pour autant voir les

films.

Moi : Parle-moi un peu plus de ton abonnement au LucasFilm Magazine (ce que tu y as découvert,

ce que ça a changé pour toi, pourquoi tu t’y es abonné, pourquoi tu ne l’es plus, etc)

Lui : C'était un moyen de suivre l'avancée des films, d'avoir des images de tournages, des interviews

inédits des créateurs. A l'époque je vouais une passion pour les effets spéciaux et je me délectais de

ces longs dossiers techniques. On y trouvait aussi des dossiers sur les opus précédents, de longs

making offs, des historiques de l'univers étendu, des produits dérivés etc...

J'ai ensuite cessé de me les procurer lorsque l'épisode 3 est sorti et que la saga était (du moins à

l'époque) terminée. Je ne voyais donc plus vraiment l'intérêt de continuer, et le magazine de toute

façon a cessé d'exister peu de temps après avant de réapparaître quelques années plus tard dans

une nouvelle formule.

Mais je me souviens également que je commençais à en avoir marre de l'absence de point de vue

critique de la part du magazine, entièrement dévoué à la promo des films, sans jamais essayer d'y

apporter un point de vue autre que « c'est génial et révolutionnaire ». La prélogie a ses défauts et se

doivent d'être soulignés.

S'il y a à boire et à manger dans cet univers dérivé, certains auteurs ont réussi à apporter leur

empreinte. De nombreux romans sont de qualité comme Les Ombres de l'Empire, également adapté

LV

en comics et jeu vidéo, qui se situe entre les épisodes 5 et 6. On peut aussi citer la fameuse trilogie

de La Croisade noire du Jedi fou, de Timothy Zahn, également adaptée en comics, qui fait figure de

réelle suite au Retour du Jedi. Et ce n'est pas l'épisode 7 qui nous fera oublier cet univers étendu !

De nombreux comics sont également géniaux, comme la série des Clone Wars ou la quête de Quinlan

Vos. Mais ils se comptent par dizaines et l'on peut remonter jusqu'aux années 70 à l'époque où

Marvel s'occupait d'imaginer ce qu'il pouvait bien se passer entre chaque épisode, dans un esprit

retro-pulp fort sympathique.

La série animée 2D Clone Wars de Genndy Tartakovsky, qui se situe entre les épisodes 2 et 3 est un

modèle du genre, même admirée par les détracteurs de la prélogie. Cette série a eu droit à un reboot

en 3D (inauguré par un long métrage assez foireux qui a eu droit à une sortie salle) moins réussi, mais

toujours plus réussi que la nouvelle série Star Wars Rebels. Faut dire qu'avec l'âge on ne suit plus

trop les séries animées, un peu trop infantiles, malgré leurs qualités.

Moi : Et ces séries animées sont importantes pour comprendre l’univers en son entier ?

Lui : Rien n'est « important » pour comprendre les films qui se suffisent à eux-mêmes. Mais ces séries

constituent un fan service qui peut être de qualité. Comme je le disais la série Clone Wars 2d propose

son lot de scènes cultes, expliquent quelques détails et font partie intégrante de la saga pour moi.

Tout l'univers SW est assez cohérent dans son ensemble et font la richesse de cet univers.

Quant aux jeux vidéos, Star Wars fait partie de ces rares films à avoir eu droit à de bonnes

adaptations vidéo-ludiques. Ce n'est pas un hasard vu que pendant longtemps George Lucas

possédait son propre studio de jeux vidéo avec LucasArts, une filiale de Lucasfilm. On ne compte ainsi

plus les jeux désormais cultes. De Rogue Squadron/Rogue Leader à Dark Force en passant par Jedi

Knight et SW Galactic Battleground sans oublier la série des Knights of the Old Republic ou Pouvoir de

la force. Sur toutes les consoles depuis les années 80, adaptations de péripéties issues des films ou

histoires inventées pouvant se situer 3000 ans avant, pendant, entre, ou après les films. FPS, MMO,

RPG, stratégie, arcade, pilotage, il y en a pour tous les goûts.

Moi : Ces jeux vidéo te permettent d’apprendre plus de choses sur l’univers ? Peut-être même de

développer des séquences, des personnages, de répondre à certaines questions laissées en suspens

dans les films ?

Lui : Les jeux vidéo ont le même rôle que les comics, romans et séries animées. Ils exploitent les

ellipses (Vador a-t-il eu un apprenti avant l'épisode 4 ? -jeu Le Pouvoir de la Force), les non-dits (La

bataille de Yavin se poursuit-elle sur Yavin 4? jeu Rebel Strike), font dans le fan service (jouer une

bataille aérienne sur Hoth, jeu Battlefront), et participent ainsi à la richesse de cet univers. Le jeu

KOTOR (Knights of the Old Repulic) est d'une richesse folle, au scénar soigné se situant 2000 ans

avant la saga filmique racontant la guerre qui opposa Siths et Jedis. Pour beaucoup de fans, c'est un

élément essentiel de SW.

LVI

Et pour finir il m'arrive parfois de suivre l'actualité ou de participer à des forums sur le site starwars-

universe.com. Ou de me renseigner régulièrement sur des restaurations des versions d'origine non

remastérisées. Ces versions étant rares, car boycottées par Lucas, elles n'ont pas été éditées depuis

2006 en bonus dans une édition dvd, aujourd'hui introuvable. De bien piètre qualité en comparaison

des standards actuels (issues des copies LaserDisc), on peut enfin trouver sur le net des versions HD

resplendissantes de ces versions grâce à des fans qui ont pu restaurer de manière presque

professionnelle des copies de ces films.

Moi : Quelle est pour toi la différence entre une version remasterisée et la version originale ?

Pourquoi en préférer une à l’autre ?

Lui : En 1977, Lucas remasterisa la trilogie classique afin de restaurer le son et l'image, jusque là tout

va bien mis à part le fait que la colorimétrie des films changea en apportant de nouvelles nuances de

couleurs. Certes il s'agit de pinaillage et ce détail passe inaperçu pour les non-initiés, il n'empêche

que ce sont des éléments essentiels à sauvegarder lorsque l'on restaure un film.

Mais le gros du problème réside dans le fait que Lucas a voulu assouvir certains souhaits qu'il n'avait

pu faire à l'époque, faute de moyens. Ainsi il changea la face du film avec l'apport d'images de

synthèse qui n'ont pas leur place dans des films des années 70/80 et changeant ainsi notre

perception de l'oeuvre. La bataille de Yavin est ainsi remodelée, effaçant le travail des techniciens de

l'époque, les villes sont plus grandes et plus vivantes, un Jabba numérique est incrusté etc... Il y

introduit des créatures de la prélogie afin de faire des liens, ce qui révèle plus du caprice que d'un

véritable souhait de créateur.

Le 1er SW doit son mérite à l'univers créé avec le peu de moyens dont disposait Lucas. Or aujourd'hui

le film semble être un blockbuster des années 90.

Sans oublier une certaine forme de censure en faisant tirer Greedo en 1er, plaçant ainsi Solo en

légitime défense, changeant ainsi la nature profonde du personnage dans le seul but d'une

bienpensance familiale.

Chacun peut préférer la version qu'il souhaite. Les versions remasterisées proposent des choses

intéressantes aussi. Mais encore faut-il avoir le choix sur la version à regarder, ce qui n'est pas encore

le cas vu que les versions originales ne sont pas commercialisées.

Moi : Parle-moi un peu de ces forums : de quoi tu parles avec les autres, est-ce qu’il y a des

tensions, des liens qui se créent ?

Lui : Personnellement je n'y vais plus trop, sauf pour parler des versions originales. Les tensions sont

régulières car chacun veut prouver qu'il est fan et n'apprécie guère le moindre reproche sur sa

perception de la saga. Et oui des liens se créent car il est marrant de croiser lors de conventions des

gens avec qui on a pris plaisir à discuter.

LVII

Moi : Qu’est-ce qui fait que tu préfères telle trilogie à telle autre ? (pourquoi le dernier opus est un

« anti Star Wars » ?)

Lui : Comme la plupart des fans, la trilogie classique est ma favorite. Les raisons sont multiples et

évidentes. La base, la nouveauté, un univers richissime avec peu de moyens, des persos

charismatiques, bref une perfection.

Personnellement je fais partie d'une communauté de fans assez mal perçue car je fais partie de ceux

qui adorent la prélogie. Les films de cette prélogie sont souvent détestés par toute une part de la

critique et des fans. Certains peuvent apprécier plus ou moins tel ou tel épisode mais en général c'est

toute une rage anti-Jar Jar Binks ou Midichloriens qui finissent d'achever ce pauvre George Lucas.

L'ayant découvert ado, il y a de base un très gros affect. Mais je suis également conscient de ses

défauts. En effet Lucas n'est pas un très bon metteur en scène, filme de manière académique, ne sait

pas vraiment diriger ses acteurs. Mais j'y vois aussi énormément de qualités qui me procurent un

plaisir que je ne trouve quasiment nulle part ailleurs. Une générosité sans limites, une innocence et

un amour pour cet univers et ces personnages. Et surtout un émerveillement de chaque instant, un

univers sans cesse inédit, qui surprend constamment et ne se repose jamais sur la facilité de

répondre à l'attente du fan. Au contraire le fan est régulièrement surpris, quitte à être mécontent de

certains choix.

A l'inverse justement de l'épisode 7 de JJ Abrams. Ce film a été aimé par toute une grande partie de

fans, justement car il correspondait à une vision prémâchée de Star Wars. En bon produit marketing,

il s'éloigne de l'esprit de la prélogie, se vend comme un film qui a enfin compris l'essence de Star

Wars, sous-entendant que Lucas était à côté de la plaque afin de caresser le fan dans le sens du poil.

Personnellement je n'y vois qu'un produit de studio, sans âme, calibré pour des fans aveugles ou

rageux.

Moi : Tu veux dire par là que le 7ème opus a été fait pour satisfaire les fans insatisfaits de la

prélogie ?

Lui : Le 7eme opus a été fait pour exploiter à outrance cet univers. Mais oui, dans son marketing,

dans sa com, tout était fait et dit pour rassurer les fans insatisfaits de la prélogie. Tout devait

ressembler à la trilogie, artisanal comme la trilogie, retrouver les persos de la trilogie, virer tout ce

qui se rapproche à Lucas. Décors, enjeux, créatures, planètes, tout doit ressembler à la trilogie.

On ne comprend rien aux enjeux politiques de ce 7eme film. Une scène avait pourtant été tournée

où la princesse Leia évoquait ces enjeux lors d'un discours au Sénat, mais la scène a été coupée, par

crainte de rappeler les discours au Sénat de la prélogie, jugés ennuyeux par les insatisfaits (les rageux

pour ma part).

La trilogie classique devait sa réussite à ses influences mythologiques, mythes et légendes,

fondement du schéma du jeune héro campbellien, mythes arthuriens, westerns, films de pirates ou

LVIII

de samouraïs, imagerie de la seconde guerre mondiale pour les batailles spatiales ou imagerie Nazie

pour l'Empire... la prélogie s'inspirait, elle, du péplum, des courses de chars aux arènes de

gladiateurs, de la politique au Sénat, chute de la république etc...

Si les références étaient multiples pour Lucas, la seule référence pour JJ Abrams n'est rien d'autre

que Star Wars lui-même. En résulte donc un fan film, qui recycle sans comprendre un univers. Il

n'apporte rien, ne propose rien, aucun(e) planète/vaisseaux/monstres réellement inédits, et

n'apporte aucune évolution à des personnages monolithiques.

Moi : Donc pour toi le 7ème opus n’a rien d’originale ? Et du coup ça le rend beaucoup moins

exceptionnel que les autres ?

Lui : Exactement. Mis à part l'épée laser et le droïde BB8, tout le reste sent le réchauffé, le référentiel

mal digéré, le fan service, le cynisme.

Moi : Est-ce que le fait qu’il y ait eu tout un matraquage marketing t’a aussi orienté dans ta façon

de voir le 7ème opus ?

Lui : Non car il est évident qu'il serait là. La prélogie subissait aussi un matraquage marketing, tout

comme Le Hobbit, ou les films de super héros. Si le film est bon, on passe outre le matraquage. En

revanche le parti pris haineux anti-Lucas oui a en plus de ma déception, apporté une certaine forme

de colère envers ce métrage.

Moi : Est-ce que tu te sens faire partie d’une communauté de fans ? Pourquoi ?

Lui : Oui la communauté de fans est belle et bien réelle. Personnellement Star Wars m'a même

permis de me faire un ou deux amis car c'est un bon moyen de lancer une discussion passionnée.

Mais Star Wars ratisse tellement large, qu'il est difficile de trouver une communauté soudée. Les

façons d'aimer cette saga sont multiples. Et les fans se déchirent régulièrement sur les forums.

Comme je le disais, le fait d'aimer la prélogie peut m'éloigner des fans hardcores de la trilogie,

persuadés de détenir la vérité, ceux-là mêmes qui vont aduler l'épisode 7 et se réjouir de voir un Star

Wars par an pendant les 20 prochaines années. De mon côté, je peux paraître hautain envers ceux

qui aiment cet épisode 7. Star Wars a toujours été le terreau à une guerre de chapelles.

Moi : Et pour toi il est normal qu’un univers aussi étendu soulève autant d’opinions parfois

radicalement différentes ?

Lui : Une œuvre qui fait autant de débats 40ans après est la preuve de sa vitalité et de son

intemporalité. Même si c'est énervant, on ne peut nier que SW déchaîne les passions.

Moi : Qu’est-ce que t’inspire le terme de « transmedia » ?

Lui : Un moyen de développer un univers. Star Wars n'aurait pas cette richesse sans les comics ou

séries télé. Certains persos qui ne sont que figurants dans les films sont devenus cultes grâce aux

comics, et les films ont déjà récupéré des personnages issus de comics pour faire plaisir aux fans.

LIX

On se souvient également du fameux Star Wars holiday spécial, une sorte d'épisode de Noël pour la

télé américaine en 1978, tellement honteux que Lucas a tout fait pour le faire disparaître. Mais parmi

les mini-histoires de cette émission se trouve un épisode animé qui proposait la première

représentation de Boba Fett, personnage culte de la saga, deux ans avant sa première apparition

dans l'épisode 5. Le transmédia a donc toujours été propre à Star Wars !

Moi : Pour toi, est-ce que le fait que cet univers n’ait pas vraiment de fin, et qu’il soit prolongeable

à l’infini, est une bonne chose ? Pourquoi ?

Lui : Prolongeable en tant qu'univers étendu oui cela est une bonne chose car c'est une source

inépuisable pour de nouveaux talents. Il y a encore de nombreuses histoires passionnantes à

raconter.

Moi : Pourquoi une source inépuisable pour de nouveaux talents ?

Lui : Car certains sont très doués et ont apporté des idées et des concepts inédit. La série Clone Wars

2d est reconnue pour le nombre fou d'idées novatrices comme un combat au sabre sous la pluie, le

genre d'images marquantes !

Mais au cinéma, toutes les meilleures choses ont une fin. Et pour moi cette saga s'arrête à la famille

Skywalker, père et fils. Et vu la tournure commerciale que cela prend, j'aurai préféré que cela se

limite aux 6 films préexistants. Mais qui sait ? Si d'autres réals talentueux arrivent à en tirer quelque

chose d'intéressant, j'en serai le premier satisfait !

Moi : Qu’est-ce que tu penses des téléchargements illégaux ?

Lui : Récemment j'ai voulu revoir l'épisode 7 pour une 2eme vision définitive en VO. Il est évident que

jamais je n'irai l'acheter en bluray...

Et je parlais plus haut des versions d'origines non remastérisées en qualité bluray, conçues par des

fans comparables à des contrebandiers. Certes leur acquisition est donc forcément illégale mais ils

permettent de sauvegarder l'histoire du 7eme art en proposant les versions historiques de ces films,

sans retouches modernes. Car oui une image de synthèse n'a pas sa place sur un film de 1977 et les

cinéphiles réclament encore que ces versions soient enfin restaurées et commercialisées.

Moi : L’écriture des fan-fictions en France est interdite par la loi de la Propriété intellectuelle. Le

savais-tu ? Qu’est-ce que tu penses du fait que ce soit interdit ?

Lui : Je ne le savais pas et cela est regrettable. Certains fans peuvent être de vrais créateurs. Il n'y a

qu'à voir certains fans-films vraiment réussis pour s'en apercevoir.

Moi : Est-ce que pour toi il y a des devoirs quand on est fan ?

Lui : Le devoir de transmettre les films que l'on aime. Après non il n'y a aucune exigence à avoir.

Chacun doit vivre sa passion comme il le souhaite.

Moi : Et est-ce qu’il y a des droits ?

LX

Lui On devrait avoir le droit de disposer de la version de notre choix. Car le succès de cette saga doit

tout au soutien de ses fans. Ils doivent donc être respectés.

Moi : Donc pour toi les fans sont indispensables pour qu’une œuvre puisse réussir ?

Lui : Les fans sont ceux qui font vivre les œuvres après leur sortie et permettent qu'elles ne sombrent

pas dans l'oubli ou deviennent juste des classiques du passé réservés aux seuls cinéphiles.

En revanche, le fan peut être nocif s'il devient le public visé. On ne doit pas seulement nous offrir ce

que l'on veut voir, mais l'on doit avant tout nous surprendre. Sinon les œuvres deviennent

prévisibles, comme ce SW7.