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LE PRIEURE DE MIMIZAN ET SON EGLISE Chapitre 1 : HISTOIRE DU LIEU CULTUEL DE MIMIZAN 1 COMMENTAIRE GENERAL SUR L'HISTORIQUE DE LA CONSTRUCTION L'histoire médiévale de Mimizan est mal connue en raison de la pauvreté des sources écrites et archéologiques. Un des seuls témoignages de cette période est le clocherporche de l'ancien prieuré bénédictin. Le parti architectural et les sculptures de cet édifice démontrent l'importance que devait revêtir la ville de Mimizan à cette époque. A travers l'histoire de ce lieu cultuel, il est donc possible d'entr'apercevoir cet " âge d'or ". Malheureusement, les campagnes de démolition du XIXe siècle nous empêchent là aussi de retracer précisément l'évolution de ce lieu. Cependant, en utilisant les légendes, les archives et les documents archéologiques, nous allons essayer d'apporter quelques renseignements sur la chronologie des différentes étapes de la vie du monument. 2 DU Ve SIECLE AU Xe SIECLE D'après une légende racontée dans le bréviaire de Lescar imprimé en 1541, l'église actuelle de Mimizan aurait été construite à l'emplacement d'un édifice religieux datant du VIe siècle. Cette première construction aurait été édifiée en hommage à SaintGalactoire sur le lieu même où il fut martyrisé par les Visigoths. A l'heure actuelle, les données archéologiques ne nous permettent pas de vérifier la véracité de cette légende. Certes, un niveau archéologique a récemment été découvert sous le chevet de l'église. Il s'agit des restes d'une construction de tradition antique " soignée et présentant un minimum d'ornementation architecturale ". Malheureusement, les vestiges associés à cette bâtisse, telles des tuiles à rebord et des fragments d'architectures, ne nous permettent pas d'attribuer une chronologie précise à ce sol d'occupation (antiquité tardive ou haut moyenâge). La fonction de cet édifice nous échappe également. S'agissaitil d'une villa, d'un monument cultuel ou public ? Fautil voir dans ces restes les traces du bâtiment consacré à Saint Galactoire ou alors aton eu une réappropriation d'un culte païen par les chrétiens ? Autant de questions auxquelles nous n'avons pas encore de réponses. 3 DU Xe SIECLE AU XIIIe SIECLE

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Page 1: LE PRIEURE DE MIMIZAN  ET SON EGLISE

LE PRIEURE DE MIMIZAN ET SON EGLISEChapitre 1 : HISTOIRE DU LIEU CULTUEL DEMIMIZAN

1 ­ COMMENTAIRE GENERAL SUR L'HISTORIQUE DE LACONSTRUCTION

L'histoire médiévale de Mimizan est mal connue en raison de la pauvreté dessources écrites et archéologiques. Un des seuls témoignages de cette périodeest le clocher­porche de l'ancien prieuré bénédictin. Le parti architectural etles sculptures de cet édifice démontrent l'importance que devait revêtir la villede Mimizan à cette époque. A travers l'histoire de ce lieu cultuel, il est doncpossible d'entr'apercevoir cet " âge d'or ". Malheureusement, les campagnesde démolition du XIXe siècle nous empêchent là aussi de retracerprécisément l'évolution de ce lieu. Cependant, en utilisant les légendes, lesarchives et les documents archéologiques, nous allons essayer d'apporterquelques renseignements sur la chronologie des différentes étapes de la vie dumonument.

2 ­ DU Ve SIECLE AU Xe SIECLE

D'après une légende racontée dans le bréviaire de Lescar imprimé en 1541,l'église actuelle de Mimizan aurait été construite à l'emplacement d'un édificereligieux datant du VIe siècle. Cette première construction aurait été édifiéeen hommage à Saint­Galactoire sur le lieu même où il fut martyrisé par lesVisigoths.

A l'heure actuelle, les données archéologiques ne nous permettent pas devérifier la véracité de cette légende. Certes, un niveau archéologique arécemment été découvert sous le chevet de l'église. Il s'agit des restes d'uneconstruction de tradition antique " soignée et présentant un minimumd'ornementation architecturale ". Malheureusement, les vestiges associés àcette bâtisse, telles des tuiles à rebord et des fragments d'architectures, nenous permettent pas d'attribuer une chronologie précise à ce sol d'occupation(antiquité tardive ou haut moyen­âge). La fonction de cet édifice nouséchappe également. S'agissait­il d'une villa, d'un monument cultuel ou public? Faut­il voir dans ces restes les traces du bâtiment consacré à Saint­Galactoire ou alors a­t­on eu une réappropriation d'un culte païen par leschrétiens ? Autant de questions auxquelles nous n'avons pas encore deréponses.

3 ­ DU Xe SIECLE AU XIIIe SIECLE

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Les différentes études menées sur l'architecture et l'art de l'édifice s'accordentpour les dater de la fin du XIIe siècle au début du XIIIe siècle. Pourtant, destextes et des documents archéologiques sembleraient attester de la présenced'une église romane. Par conséquent, l'église gothique est­elle le résultat d'ununique projet ou le résultat d'un agrandissement d'une église romane primitive? Afin d'essayer de répondre à cette question, nous allons regarder et critiquerles sources écrites et archéologiques dont nous disposons. Nous proposeronsensuite une chronologie de la construction de l'église.

3.1 ­ Sources écrites

Suite aux invasions arabes et normandes du IXe et Xe siècles, les structuresreligieuses de la Gascogne avaient complètement disparu. Afin de remédier àcette carence, le duc de Gascogne Guillaume Sanche (†997) aurait alorsdécidé de relever l'abbaye de Saint­Sever après sa victoire définitive sur lesNormands à Taller en 982. Afin d'assurer l'épanouissement de cette abbaye, illa dota de nombreux biens. Or, parmi les quelques donations faites dans lediocèse de Bordeaux, on trouve l'église Notre­Dame de Mimizan. A partir decette date, l'église de Mimizan devient donc un prieuré dépendant de l'abbayemère de Saint­Sever. Les successeurs du Duc Guillaume Sanche, Bernard(†1010) et Sanche Guillaume (†1032), confirmèrent cette donation en 1009puis en 1012. Lors de cette dernière confirmation, le duc dota égalementNotre­Dame de Mimizan d'une franchise que possédait un clerc nommé Fort.Il est donc possible que la création de la sauveté de Mimizan remonte à cettedate. Ce privilège aurait permis au prieuré de Mimizan de s'accroître durant leXIe siècle, au point de devenir l'un des principaux édifices religieux de larégion, si l'on en croit la mappemonde de l'Apocalypse du Moine Béatus deLiebana.

Sur la base de ces différentes sources écrites, il semblerait qu'un vocabledédié à Sainte­Marie existait à Mimizan à la fin du Xe siècle. Cependant, lesdocuments dont sont issus cette hypothèse doivent être interprétés avecprécaution. En effet, il a été démontré que la charte de fondation et dedotation de Guillaume Sanche et les confirmations par ses fils sont des fauxrédigés au cours du XIe siècle. En outre, le terme d'ecclesia noté dans l'actede donation ne porte pas de signification précise à la fin du Xe siècle.

3.2 ­ Sources archéologiques

Du point de vue archéologique, différents éléments attesteraient également dela présence d'une église romane. Ces arguments reposent tout d'abord sur deséléments décoratifs de style roman trouvés au XIXe dans les décombres duchevet (briques à rebords, oves, billettes et sculptures). En outre, le partiarchitectural de ce chevet, constitué par une abside flanquée de deuxabsidioles et d'un clocher monumental sur la croisée du transept, s'inscriraitplus dans une tradition romane. Enfin, du point de vue du mode deconstruction, il est possible que le chevet fut construit en garluche et enpierres coquillières contrairement au reste de l'édifice essentiellementmaçonné en brique. Or, cette disparité des matériaux pourrait signaler uneantériorité du chevet par rapport au reste de l'édifice.

Ces traces archéologiques conforteraient l'hypothèse d'une église romane dontont aurait plus ou moins entièrement modifié la partie occidentale à la fin duXIIe siècle. Cependant, de récents sondages archéologiques ne vont pas dans

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ce sens. En effet, les fondations du chevet sont séparées du bâtiment detradition antique par un important dépôt de sable éolien stérile. Celadémontrerait que le chœur de l'église n'a pas succédé à une constructiondatant de la fin du Xe siècle. De plus, il n'existe pas une nette différence dansles techniques de construction des fondations entre le chevet et le reste del'édifice. Ces deux arguments tendraient donc à montrer l'existence d'ununique projet de construction pour cette église.

3.3 ­ Essai de chronologie de la construction de l'édifice

Ces nombreuses contradictions d'ordre historique et archéologiquetémoignent en réalité des lacunes de notre documentation concernant laconstruction du prieuré de Mimizan. Il nous est donc actuellement impossiblede répondre définitivement à la question de l'existence d'une église romane àMimizan.

Cependant, un acte de 1136 pourrait apporter un éclaircissement à ce délicatproblème. Cet acte concerne la donation par Guillaume X de la dîme de deuxnasses sur l'étang de Mimizan à l'abbaye de St­Sever. Or, ce don s'est fait surl'autel de Sainte­Marie de Mimizan ce qui prouve qu'une partie de l'égliseexistait au début du XIIe siècle.

En tenant compte de cette date, des données archéologiques et des tendancesstylistiques, B. Bizot propose une hypothèse que nous sommes enclins àsuivre. D'après cet auteur, les fondations de l'église auraient été jetées dans lapremière moitié du XIIe siècle. La construction aurait débuté par le chevetpour ensuite progresser vers l'ouest. En raison de l'ambition du partiarchitectural, la construction de l'édifice se serait étalée dans le temps pour seterminer un peu après 1200. Le programme architectural et artistique auraitalors changé en cours de route afin de s'adapter aux tendances stylistiques del'époque. Ainsi, en cours de chantier, les architectes auraient abandonné lestyle roman afin d'opter pour un nouveau programme plus moderne (voûtesd'ogive dans la nef et le clocher­porche ; choix d'un clocher­porche ;sculptures avec influences gothiques…). Le clocher­Porche aurait été ladernière partie construite, peut­être vers les années 1210­1220.

4 ­ DU XIIIe SIECLE AU XXe SIECLE

Le rôle important que devait tenir le prieuré de Mimizan au cours des XIIe etXIIIe siècles dans le nord des Landes allait petit à petit s'estomper. Il fautprobablement voir dans cette chute la convergence de plusieurs facteurs tell'ensablement, la diminution du nombre de pélerins ou encore la disparitiondes roi­ducs en Aquitaine. Petite histoire de cette " âge noir " :

4.1 ­ De l'abandon à la ruine : XVIIe au XVIIIe siècle

Vers 1650, les moines bénédictins vont quitter le prieuré de Mimizan. Lescauses de ce départ nous sont obscures. Auraient­ils été appelés par l'abbayede Saint­Sever qui manquait de religieux ? Auraient­ils fui devant l'avancéedu sable qui ensevelissait les cultures et les habitations ? En tout cas, suite àcet abandon, l'église va tomber en décrépitude car les curés n'arrivent pasobtenir de l'argent pour effectuer les réparations. En 1671, on réduit le

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nombre d'autels pour n'en garder que trois. En 1731, le curé Bouty s'inquiètede l'état de vétusté du toit du clocher­Porche. Il sera remplacé vers 1740 parune toiture à deux pans à faible pente. En 1734, un orage ébranle le clocherde la croisée du transept. En 1770, ce clocher sera renversé par un nouvelouragan. Les lézardes sont de plus en plus nombreuses au niveau du chevet etle curé Loste nous dit en 1778 que sa " ruine est inévitable et sans remède ".En effet, douze ans plus tard, le clocher de la croisée s'effondre et entraînedans sa chute le transept et le chœur.

Parallèlement à cette phase de délabrement de l'église, une autre menace seprésente : le sable. En effet, en 1778, la dune a déjà recouvert le jardin ducuré et n'est plus qu'à 9 mètres du clocher Porche et à 12 mètres du Presbitère.Les dunes arrêtent également les eaux qui transforment les prés en marécage.Cette menace va cependant être enrayée à partir de 1783 grâce aux efforts deshabitants pour fixer la dune.

4.2 ­ De la ruine à la restauration : XIXe et XXe siècles

Suite à l'effondrement du chevet, des travaux de restauration vont être menés.Entre 1805 et 1818, le gros œuvre va être effectué afin de parer au plusurgent. La nef va alors être fermée par un mur de refend au niveau de laquatrième travée orientale. La toiture va également être restaurée et des autelsprovisoires seront installés. Ensuite, vers 1825, les travaux vont s'attacher àparfaire l'intérieur en construisant une sacristie, des fonts baptismaux et troisautels en stuc.

Malgré ces travaux, l'église continue de vieillir. En 1846, les deux clochessont fêlées puis en 1852 c'est l'ensemble du clocher­Porche qui montre desfaiblesses. Il sera alors entièrement restauré de 1852 à 1856 depuis les mursjusqu'à la charpente en passant par certaines moulures du tympan.

Malgré ces réfections, l'état de l'église alarme encore la municipalité en 1866.En outre, l'édifice est devenu trop petit pour la paroisse de Mimizan. Unprojet de restauration et d'agrandissement est alors envisagé mais sera refuséen raison du prix excessif des travaux. On se contentera doncd'une réparationrapide de la toiture et d'un renforcement des murs par des contreforts. Cestravaux ne sont pas suffisants et l'église continue de se dégrader si bien qu'unrapport de 1887 préconise la construction d'une nouvelle église . En 1897, leconseil municipal ordonne la démolition de la nef qui sera effectuée deux ansplus tard. Le clocher va échapper de justesse à la démolition car en 1902, sadestruction est demandée. Heureusement, il va être sauvé par la décision desmonuments historiques qui classent le portail en 1903. Suite à cet événement,le portail sera restauré en 1907.

La réelle restauration du clocher­porche va commencer en 1981. En 1986, lestravaux menés sur le bâtiment seront terminés. C'est à ce moment­là que lebâtiment est classé Monument Historique, car auparavant, seul le portailpossédait ce titre (donné en 1903). Après 1996, les restaurations s'attaquentaux sculptures et aux peintures du portail et devraient se finir courant 2001.Très récemment (année 2000), l'UNESCO a décidé d'inscrire le clocher­Porche de Mimizan au patrimoine mondial de l'humanité.

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CHAPITRE 2 : ARCHITECTURE

I ­ COMMENTAIRE GENERAL SUR L'EDIFICE

Construit selon le plan d'une croix latine, l'édifice avait des proportionsimportantes. Il devait mesurer 44,60 mètres de long pour une largeur de 21mètres au niveau du transept. La hauteur sous voûte de la nef devait avoisinerles 12 mètres.

La destruction du chœur en 1790, de la nef en 1899 et l'arasement plus oumoins total des fondations en 1900 rendent délicate la description du plan etde l'élévation de l'édifice notamment pour le chevet. Des sondagesarchéologiques et des descriptions antérieures à la démolition permettentcependant de reconstituer les grands traits de l'église médiévale.

1.1 ­ Clocher porche

La partie occidentale de l'édifice est actuellement la seule qui est conservée.Elle possède un clocher porche, entièrement construit en briques, de formeapproximativement carrée (6,90 m x 6,38 m). Les angles nord­ouest et sud­ouest sont contrebutés par des contreforts à deux ressauts situés dans leprolongement des murs. Les façades ouest, nord et sud sont ouvertes par unarc brisé en briques à double ressauts. Le mur oriental est percé par un portailsculpté qui permet l'accès à la nef. La partie basse du clocher possède unevoûte d'ogive dont les nervures reposent sur des corbeaux sculptés. Entrecette voûte et le toit, il existe une salle haute ouverte par de petites fenêtresrectangulaires. On accède à cette pièce par une tourelle d'escalier aménagéedans l'angle nord­ouest de l'église.

1.11 ­ Mur ouest:

L'arcade ouest mesure environ 7 mètres de hauteur pour une largeur d'environ3 mètres 60. L'arcade est constituée d'un soubassement sur lequel repose unpied­droit aménagé dans le mur. Il existe un " pseudo­chapiteau " formé detrois briques en saillie à partir duquel part l'arc brisé.

1.12 ­ Murs nord et sud:

Ces deux baies sont les plus larges puisque leur ouverture mesure 5 mètres.Elles possèdent des colonnes géminées qui sont situées de part et d'autre desretombées des arcs brisés. Ces colonnes reposent sur le même soubassementqui supporte les colonnes du portail oriental. Elles sont couronnées par deschapiteaux sculptés à demi engagés dans le mur. Comme pour leurssoubassements, les abaques des chapiteaux sont situés à la même hauteur queles abaques des chapiteaux du portail.

1.13 ­ Mur est

L'ébrasement de la baie du mur oriental comporte trois colonnes et quatre

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colonnettes alternativement distribuées en fonction de leur rôle structurel. Eneffet, les colonnes soutiennent les trois voussures proprement dites tandis queles colonnettes sont situées aux retombées des cordons qui séparent lesvoussures. Le mur oriental est parcouru par un soubassement et une corniche.Ce soubassement, que l'on retrouve au niveau des arcades nord et sud,supporte les colonnes et les colonnettes du portail. La corniche, quant à elle,est située dans le prolongement des abaques des chapiteaux du portail et,indirectement, avec ceux des chapiteaux des arcades nord et sud. De chaquecôté du portail, cette corniche permet d'accueillir deux statues en rond­de­bosse d'apôtres qui sont semblables à celles de la galerie supérieure. En effet,au dessus du portail proprement dit, on trouve une galerie composée d'unestatue du christ en gloire et de dix de ses apôtres. Elles reposent sur undeuxième ressaut aménagé dans la totalité du mur. Entre cette galerie et l'arcformeret de la voûte, le mur a été décoré de peintures murales.

1.2 ­ La nef

La nef comportait un vaisseau central formé de quatre travéesapproximativement carrées (6 m x 6 m). Elle était bordée par deuxcollatéraux constitués de quatre travées de plan rectangulaire. Les mursgouttereaux possédaient des contreforts plats à ressauts qui étaient situés dansle prolongement de chaque travée. Le clocher porche et la tourelle d'escaliercontribuaient également à renforcer l'édifice. L'ensemble de la nef étaitconstruit en brique. Le premier étage de l'élévation était formé par un série dequatre grandes arcades qui s'ouvraient sur les collatéraux. Au dessus de cetétage, il existait un mur aveugle.

1.21 ­ Le vaisseau central

Les piliers des grandes arcades ont tous une forme identique basée sur unnoyau carré auquel sont adossés des dosserets à ressauts. Cette dispositionpermet de recevoir chaque élément structurel de l'élévation (arcs doubleaux,nervures ogivales ou arcs des grandes arcades). En guise de chapiteaux, lespiliers ne possédaient qu'une moulure faite de trois briques en saillie. Les arcsdes grandes arcades étaient brisés et possédaient soit un profil simple (plat)soit plus complexe (méplat contourné de deux tores entre deux moulures). Lanef était couverte par une voûte d'ogive assez plate en brique. Le profil desnervures était formé par un gros tore entouré par trois tores plus petits. La clefde voûte était plate et dépourvue d'ornementation.

1.22 ­ Les collateraux

Les murs gouttereaux des collatéraux étaient percés par quatre fenêtres ce quicréait un éclairage indirect de la nef. Le voûtement des collatéraux étaitdifférent de celui adopté pour la nef puisqu'il fait appel à des berceaux briséstransversaux. Ce type de voûtement contrebutait efficacement le vaisseaucentral de la nef et permettait par là même de diminuer la taille descontreforts extérieurs. Pour améliorer le contrebutement, la hauteur desvoûtes des collatéraux était légèrement inférieure à celle de la nef (11, 65 mcontre 12,15m).

1.3 ­ Le chevet

Le transept devait être formé par trois vaisseaux d'une seule travée de plan

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carré. Les quatre piliers de la croisée du transept soutenaient un clochermonumental. Les deux croisillons devaient être un peu plus large que la nef sibien que le transept devait faire saillie par rapport au reste de l'édifice.Cependant, les proportions exactes de ce transept sont encore mal connues etl'existence de portails à leurs extrémités n'a pas pu encore être démontrée.

Le Chœur possédait une abside centrale située dans l'axe de l'église. Onestime que sa longueur devait approcher les 12 mètres pour une largeuridentique à celle du vaisseau central de la nef, soit 6 mètres. Cette abside étaitflanquée par des absidioles qui s'ouvraient sur la nef. Le nombre exact de cesabsidioles n'est pas encore résolu et dépend en partie de l'étendue du transeptque l'on considère. Pour E. Goyheneche, il aurait existé quatre absidiolestandis que pour B. Bizot, il n'y en aurait eu que deux. Il est probable quel'abside, et peut être aussi les absidioles, aient été précédées d'une travéedroite.

L'absence de documentation historique et archéologique nous empêche deconnaître la forme de l'élévation du chevet. Du point de vue du mode deconstruction, il se pourrait que la garluche et les pierres coquillières ne furentplus employées que dans le reste de l'édifice construit quasi exclusivement enbrique.

2 ­ CONSIDERATIONS STYLISTIQUES

La présence d'un clocher­porche sur la face occidentale de la nef s'inscrit dansune longue tradition carolingienne qui sera largement reprise à l'époqueromane et gothique. De même, le chœur échelonné de l'église de Mimizanreprend le modèle utilisé par la majorité des maîtres d'œuvre bénédictins. ILest issu de l'église de Cluny II construite au XIe siècle.

En revanche, le mode de voûtement de la nef est beaucoup plus original. Eneffet, ce modèle basé par des berceaux transversaux dans les collatérauxcontrebutant le vaisseau central voûté d'Ogive ne possède pas d'équivalentdans les Landes. Ce parti s'apparente à celui qui fut adopté par de nombreuxarchitectes romans du Poitou. Mais il est surtout très proche du parti qui avaitété choisi, à la fin du XIIe siècle, pour édifier la nef de la collégiale de Saint­Seurin de Bordeaux.

La voûte d'ogive du clocher porche de Mimizan est archaïque. Les nervurestoriques sont grosses et la clé de voûte ne porte pas de décor particulier. Sil'on recoupe cette impression avec le portail sculpté qu'il abrite, on peut faireremonter la construction du clocher porche au début du XIIIe siècle.

Contrairement aux édifices gothiques du Gers, l'emploi de la brique pour laconstruction monumentale dans les Landes est rare. En outre, ce matériauapparaît tardivement dans ce département puisque les premiers exemplesconnus datent du XIVe siècle (Eglise de Villeneuve­de­Marsan, Façade deSainte­Quitterie d'Aire­sur­l'Adour). L'église de Mimizan serait donc lepremier édifice landais employant la brique comme élément fondamental deconstruction.

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Chapitre III : La sculpture du clocher porche

Le mur oriental du clocher­Porche est percé par une baie qui donnait l'accès àla nef. Cette ouverture est encadrée par un ensemble sculpté formé d'unportail et d'une galerie. Une telle œuvre ne s'arrête pas à son aspectesthétique. En effet, à travers elle, il est possible d'approcher l'Hommemédiéval et son environnement car :

" Le moyen âge a conçu l'art comme un enseignement. Tout ce qu'il était utileà l'homme de connaître : l'histoire du monde depuis sa création, les dogmesde la religion, les exemples des saints, la hiérarchie des vertus, la variété dessciences, des arts et des métiers, lui étaient enseignés par les vitraux del'église ou par les statues du porche. La cathédrale eût mérité d'être appelée dece nom touchant, qui fut donné par les imprimeurs du XVe siècle à un despremiers livres : "la Bible des pauvres ". Les simples, les ignorants, tous ceuxque l'on appelait "la sainte plèbe de Dieu ", apprenaient par les yeux presquetout ce qu'ils savaient de leur foi "E. Mâle (1931)

1 ­ ICONOGRAPHIE ET DESCRIPTION DU PORTAIL

1.1 ­Commentaire général sur le portail

Le premier niveau du portail est constitué par des colonnettes qui jalonnentl'ébrasement de la baie. Les abaques de leurs chapiteaux sculptés forment unecorniche sur laquelle repose le deuxième niveau du portail. Il est constituéd'un tympan orné d'une scène de l'adoration des mages et de trois voussuresreprésentant respectivement la parabole des vierges sages et folles, desprophètes, et un cycle du zodiaque doublé des travaux des mois. Des cordonsdécoratifs sont intercalés entre les archivoltes.

1.2 ­ Les colonnettes et les chapiteaux de l'ébrasement.

L'ébrasement de la baie donnant sur la nef possède un ensemble de 14piédroits reposant sur un soubassement. Elles sont distribuées alternativementen fonction de leur rôle structurel. En effet, les colonnes soutiennent les troisvoussures proprement dites tandis que les colonnettes sont situées auxretombées des cordons qui séparent les voussures.

Les chapiteaux ne sont pas historiés. Dans la partie droite de l'ébrasement, lescorbeilles sont ornées de palmettes tandis qu'à gauche elles possèdent descrochets bourgeonnants entre lesquels se distinguent de petites fleurs avecleur tige. Les abaques forment une corniche continue qui parcourt l'ensembledu mur oriental. Ils sont ornés d'un feuillage stylisé.

1.3 ­ LE TYMPAN : L'adoration des Mages

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1.3.1 ­ Commentaire général sur le tympan :

La forme de ce tympan est très originale car il est en forme de croissant. Cettesolution, qui ne possède pas d'équivalant en France, fut probablement adoptéepour augmenter la hauteur du passage en son milieu. En contrepartie, cetteforme introduit une contrainte pour le sculpteur puisque les deux extrémitésdu croissant sont réduites et fermées tandis que la zone centrale est large etouverte. Une bordure de feuilles tréflées délimite la zone centrale du tympan.

La scène qui orne le tympan est inspirée de l'évangile de Matthieu (2,1­12) :

" 1Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que desmages venus d'Orient se présentèrent à Jérusalem 2et demandèrent : " Où estle roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre se leveret sommes venus lui rendre hommage. " 3Informé, le roi Hérode s'émut, ettout Jérusalem avec lui. 4Il assembla tous les grands prêtres avec les scribesdu peuple, et s'enquit auprès d'eux du lieu où devait naître le Christ. 5" ABethléem de Judée, lui répondirent­ils ; car c'est ce qui est écrit par leprophète : " 6Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n'es nullement le moindre desclans de Juda ; car de toi sortira un chef qui sera pasteur et mon peupleIsraël. " 7Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par euxla date de l'apparition de l'astre, et les dirigea sur Bethléem en disant : "Allez vous renseigner exactement sur l'enfant ; 8et quand vous l'aurez trouvé,avisez­moi, afin que j'aille, moi aussi, lui rendre hommage. " 9Sur cesparoles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l'astre, qu'ils avaient vu àson lever, les devançait jusqu'à ce qu'il vînt s'arrêter au­dessus de l'endroitoù était l'enfant. 10La vue de l'astre les remplit d'une très grande joie.11Entrant alors dans le logis, ils virent l'enfant avec Marie sa mère, et,tombant à genoux, se prosternèrent devant lui ; puis, ouvrant leur cassettes,ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12Après quoi,un songe les ayant avertis de ne point retourner chez Hérode, ils prirent uneautre route pour rentrer dans leur pays. "

1.3.2 ­ Les chevaux des rois mages

La place réduite a contraint le sculpteur à superposer les trois chevaux et àcréer une impression de perspective par le biais de la position des têtes.Malgré le choix de cette composition, le sculpteur a été obligé de fairedéborder la tête du dernier cheval sur le bandeau végétal. Ces chevaux sont entiers, leur crinière est rassemblée en mèches et leur queuetombe jusqu'au sol. Leur harnachement est constitué d'une bride, d'une selled'arme reposant sur une couverture. On peut supposer qu'ils sont attachés àl'arbre qui leur fait face.

1.3.3 ­ Les trois rois mages

Les trois mages (Gaspar, Melchior et Balthazar) sont représentés en costumeroyal avec une longue robe et une couronne. Contrairement à d'autresreprésentations, ils sont assez peu différenciés puisque leur l'âge, leur race etleurs habits sont identiques. Néanmoins, leurs présents sont distincts, bienqu'il soit difficile de connaître précisément leur nature. Le mage du milieu sedistingue également par son absence de barbe.La position de leur corps suit une composition fréquemment utilisée au cours

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du XIIe et XIIIe siècles : les mages avancent vers la Vierge, le premier estagenouillé pour faire son offrande et le deuxième se retourne vers letroisième. On peut noter que leurs bottes sont munies d'éperons pointus.

1.3.4 ­ Etoile à 12 branches

Cette étoile représente très certainement l'astre qui a guidé les rois mages versl'enfant jésus et sa mère.

1.3.5 ­ Arbres

La symbolique de ces deux arbres n'est pas claire. Une premièreinterprétation les a rapprochés de l'arbre de vie décrit dans la Genèse. Dans cecas, ils annonceraient la venue de Jésus Christ et sa mort sur la croix. J.Lacoste, de son côté, voit dans ces arbres une référence à l'arbre de vie de laJérusalem Nouvelle. Ils sont alors une source de nourriture et de guérison.

1.3.6 ­ La Vierge

La mère du christ est représentée selon le type de "la Vierge en Majesté ". Eneffet, la vierge est couronnée et elle est assise sur un trône avec son enfant surses genoux. Sa main gauche retient l'enfant tandis que celle de droite devaittenir un objet actuellement disparu (un fleuron ?). Le sculpteur a choisi de représenter la Vierge de vue faciale avec un corpsdroit, presque rigide. Ce choix fait ressortir une attitude hiératique quicontraste avec le naturalisme des autres personnages qui sont vus souvent deprofil et courbés. Cette impression " d'absence de la scène " est assez prochede celle du Christ en gloire de la galerie supérieure.

1.3.7 ­ Enfant Jésus

L'enfant Jésus est également couronné. La position de la main droite duchrist, pouce, index et majeur tendus et les deux derniers repliés, estcaractéristique du signe de bénédiction. Ce geste devait s'adresser aux mages.Sa main gauche, quant à elle, tient un livre qui symbolise probablement labible, c'est­à­dire la parole de Dieu.

1.3.8 ­ Saint Joseph

Ce personnage a été identifié comme le père du Christ en raison de son bâtonde pèlerin et de son bonnet côtelé pointu. Il est assis et il repose sa tête sur lepommeau de sa canne. Il semble donc endormi ou en songe. On peutsupposer qu'il reçoit l'ordre de fuir en Egypte afin d'éviter les menacesd'Erode qui veut tuer l'enfant Dieu qui vient de naître.

1.3.9 ­ Femme voilée

Cette femme voilée est assise. Sa main droite est appuyée contre son cœurtandis que son autre main semble tendue, la paume tournée vers nous. Sonidentité est problématique. Il pourrait s'agir de l'une des deux sages femmesqui ont aidé Marie à enfanter. Dans cette scène, elle symboliserait le miraclede la virginité de la Vierge. Cependant, la position des mains de cepersonnage est intriguante. J. Lacoste a vu dans cette femme une allusion aumiracle de Salomé. En effet, d'après les évangiles apocryphes, cette femme

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aurait vu sa main se dessécher lorsqu'elle douta de la virginité de Marie. Maissa main fut immédiatement guérie lorsqu'elle l'approcha du christ. D'autresauteurs ont également identifié cette femme comme la mère de Marie, Sainte­Anne. Cette hypothèse parait cependant moins vraisemblable.

1.3.10 Une coupe sous un arc polylobé

Cette coupe pourrait rappeler le bain de l'enfant Jésus et évoquer par ce biaisle baptême. En effet, dans l'iconographie médiévale, la baignoire prendsouvent l'aspect d'un calice eucharistique. Dans ce cas, l'arc pourrait donc êtreassimilé à un baptistère

1.4 ­Cordon intérieur:

1.4.1 ­ Commentaire général sur le cordon intérieur :

Ce cordon permet de séparer le tympan de la voussure intérieure. Il est ornéde motifs végétaux et de trois représentations figuratives. Deux d'entre ellessont situées aux extrémités (personnages monstrueux) et une autre est placéesur la clé (belier).

1.4.2 ­ Motif végétal

Le feuillage qui orne la presque totalité du cordon intérieur est en fait formépar la répétition d'un seul motif végétal. Ce motif est constitué de cinqfeuilles treflées réunies par un cordage.

1.4.3 ­ Les monstres anthropomorphes

Les deux personnages situés aux retombées du cordon intérieur sontagenouillés. Malgré leurs allures humaines, ces deux figures donnent uneimpression monstrueuse. Cette monstruosité est donnée par les grandesoreilles de celui de droite et l'attitude de celui de gauche qui est en train dedévorer quelque chose.

1.4.4 ­ Le bélier

Cette représentation animale est située sur la clé du cordon, juste en dessousdu palais du divin époux qui orne la voussure intérieure. Il porte sur ses reinsune croix grecque. Si l'on rapproche le bélier de l'agneau, il symbolise alors lesauveur et rappelle son sacrifice, son œuvre rédemptrice et son baptême parSaint Jean­Baptiste.

" 29Le lendemain, voyant Jésus venir à lui, il (Jean­Baptiste) dit : " Voicil'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. " Evangile selon Saint­Jean(1,29)

1.5 ­ VOUSSURE INTERIEURE : Les vierges folles, les vierges sages.

1.5.1 ­ Commentaire général sur le cordon intérieur :

La voussure intérieure est ornée d'une scène issue de la parabole de Matthieu

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: les vierges sages et les vierges folles.

" 1Alors il en sera du Royaume des Cieux comme des dix vierges qui s'enallèrent, munies de leurs lampes, à la rencontre de l'époux. 2Or cinq d'entreelles étaient sottes et cinq étaient sensées. 3Les sottes, en effet, prirent leurslampes, mais sans se munir d'huile ; 4tandis que les sensées, en même tempsque leur lampes, prirent de l'huile dans les fioles. 5Comme l'époux se faisaitattendre, elles s'assoupirent toutes et s'endormirent. 6Mais à minuit un criretentit : " Voici l'époux ! Sortez à sa rencontre ! " 7Alors toutes ces viergesse réveillèrent et apprêtèrent leurs lampes. 8Et les sottes de dires aux sensées: " Donnez­nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent. " 9Mais celles­cileur répondirent : " Il n'y en aurait sans doute pas assez pour nous et pourvous ; allez plutôt chez les marchands et achetez­en pour vous. " 10Ellesétaient parties en acheter quand arriva l'époux : celles qui étaient prêtesentrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte se referma.11Finalement les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : Seigneur,Seigneur, ouvre­nous ! 12Mais il répondit : " En vérité je vous le dis, je nevous connais pas. " 13Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure. "Evangile selon Saint Matthieu (25, 1­13)

La dernière phrase de la parabole de Matthieu a été interprétée par les Pèresde l'Eglise comme un rapport symbolique avec le Jugement dernier. Ainsi, lesvierges aux lampes allumées correspondent aux élus et celles prisent audépourvu sont les damnés.

A Mimizan, le sculpteur a disposé les vierges sages sur les claveaux degauche, les vierges folles sur ceux de droite et le palais de l'époux sur leclaveau central. On peut noter qu'il a introduit, consciemment ou non, unedistorsion par rapport au texte sacré, puisqu'il a représenté 12 vierges au lieude 10. Cette anomalie est peut­être à mettre en relation avec l'archivolte duzodiaque. En effet, les 6 mois où la durée du jour augmente pourraientcorrespondre aux 6 vierges aux lampes allumées et les 6 mois où la durée dujour diminue aux vierges aux lampes éteintes.

1.5.2 ­ Les vierges sages et Folles.

Pour nous aider à reconnaître les vierges folles des vierges sages, le sculpteura positionné la lampe debout ou renversée. Hormis cet attributiconographique, on est frappé par la grande diversité qui existe dans cessculptures. En effet, l'artiste a joué sur la composition (seule, binôme), lespositions (corps, mains, drapés), les formes (vêtements, végétaux, coiffures)et les expressions (sereine, désespoir, coquetterie) de chacune des femmesafin de les distinguer.Deux vierges sont particulièrement remarquables. La première est située surle troisième claveau gauche. Cette statue constitue certainement l'une des plusbelles œuvres du portail et démontre les qualités artistiques du sculpteur. Eneffet, la composition est parfaitement équilibrée et le drapé est à la foisréaliste et harmonieux. L'autre sculpture remarquable orne l'extrémité droitede la voussure. Malgré sa forte dégradation, le réalisme de l'expressionpersiste. Le pathos de la scène est accentué par le regard de cette femme quiest orienté vers le spectateur et l'invite ainsi à partager sa douleur.

1.5.3 ­ Le Palais

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L'organisation architecturale du palais est liée à l'iconographie générale del'archivolte. L'aile gauche qui est orientée vers les vierges sages est ajourée etpossède une riche décoration (colonne cannelée, colonne torsadée, coupole).Cette partie dégage donc un aspect merveilleux qui invite les " élus " àpénétrer dans la Jérusalem Céleste. Cette invitation est matérialisée par laporte ouverte ce qui a d'ailleurs contraint le sculpteur à décaler vers la gauchela tour d'angle. En revanche, l'aile destinée aux vierges folles semble plushostile. L'ensemble est massif, la porte est solidement verrouillée et unappareillage en pierre orne la tour d'angle. Du point de vue de l'organisation du bâtiment, le sculpteur a juxtaposé desmodules sans se soucier de la symétrie de l'ensemble. Au contraire, on amême l'impression qu'il a volontairement créé un déséquilibre afin de faireressortir une impression de complexité et de diversité.

1.5.4 ­ L'Epoux

L'époux est nimbé et symbolise le Sauveur. Il est assis sur un siège qui estsitué dans une pièce munie d'une coupole. Il donne la bénédiction aux viergessages de sa main droite tandis que son autre main repose sur un livre.

1.6 ­ Cordon médial :

1.6.1 ­ Commentaire général sur le cordon intérieur :

Ce cordon sépare la voussure intérieure (vierges folles et vierges sages) de lavoussure médiane (les prophètes). Il est orné de motifs végétaux et de deuxreprésentations figuratives. Ces sculptures sont situées aux deux extrémitésde l'arc.

1.6.2 ­ Motif végétal

Comme pour les autres cordons végétaux du tympan, la décoration florale estformée par la répétition d'un seul motif végétal. Ce motif est constitué d'unefleur centrale (3 pétales et un pistil stylisé) de laquelle part de chaque côtéune feuille à 5 lobes. Le motif de la clé est cependant original. Il est formé de cinq tiges liées dontles trois tiges centrales sont munies d'une feuille trilobée et dont les deuxtiges latérales sont enroulées.

1.6.3 ­ Personnages

Seul le petit personnage agenouillé de gauche est encore visible. Il effectueune grimace en s'étirant la bouche à l'aide de ses deux index. Sur son dos estdisposé un " linteau " qui donne au personnage l'impression de supporter lepoids du cordon.

1.7 ­ Voussure médiane : LES PROPHETES

1.7.1 ­ Commentaire général sur la voussure médiane :

La voussure médiane est ornée de douze personnages qui ont été interprétéscomme des prophètes en raison des phylactères qu'ils portent: ces rouleaux

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mi­ouverts rappelant qu'ils n'eurent qu'une vérité mi­révélée. Les prophètesbibliques sont les porte­parole de Dieu qui les a choisis pour révéler sesvolontés et ses desseins.

A l'exception de trois personnages (David, Elie et la Sibylle), les sculpturesne sont pas identifiables précisément. Il est probable que cette absenced'attribut iconographique ait été comblée par des mots, actuellement disparus,sur les phylactères. Malgré cette réserve, il est probable que le sculpteur sesoit assez peut soucié de les différencier car, dans l'esprit médiéval, ils étaientconsidérés comme l'ombre des apôtres.

Différents éléments iconographiques pourraient suggérer le thème biblique de" l'arbre de Jessé ". Cette parabole biblique symbolise l'arbre généalogique duChrist à partir de Jessé, père du roi de David, car Jésus se désignait comme"le rejeton et la postérité de David ". Jean (22,16). Ce rapprochementiconographique est tout d'abord sous­entendu par les prophètes maiségalement par la présence d'un roi en qualité d'ancêtres du Christ (David) etd'une Sibylle. En outre un décor végétal parcourt l'ensemble de l'archivolte etsemble porter certains des douze personnages.

Si la majorité des personnages ne peut pas être distinguéeiconographiquement, en revanche l'artiste ne les a pas représentés de façonsemblable. Ainsi, comme pour les vierges de la voussure intérieure, il existeune grande diversité entre les sculptures. Cette diversité repose sur la positiondes corps (debout, assis, jambe croisée) et des mains, sur l'orientation descorps (face, ¾, profil) ainsi que sur la disposition et la forme des drapés et descoiffures.

1.7.2 ­ David

Huitième fils de Jessé, David a vécu entre 1000 et 960 avant J.­C. Il asuccédé à Saül, le premier des rois d'Israël. Il va renforcer le pouvoir du jeuneroyaume et lui donner une capitale : Jerusalem. L'art chrétien va trèslargement puiser dans les nombreux aspects glorieux de ce personnage. AMimizan, le sculpteur a choisi de représenter David en tant que roi musicien.En effet, David a composé des psaumes à la gloire de Dieu qu'il chantait ens'accompagnant de sa harpe. Le sculpteur s'est donc inspiré du modèletraditionnel en le représentant âgé, barbu, couronné et portant son instrumentde musique.

1.7.3 ­ Elie

Ce prophète a vécu vers 864 avant J.­C et va consacrer sa vie à repousser lescultes des dieux étrangers qui sont à ses yeux des faux dieux. Cette missiondivine obligera Elie à fuir dans le désert à de nombreuses reprises au cours desa vie. Ces séjours au désert vont inspirer les artistes chrétiens puisqu'ils yvoient une préfiguration de la vie des ermites. C'est cette image qui a étéchoisie à Mimizan. Il est en effet pauvrement vêtu, comme à l'occasion deson intervention devant le roi d'Israël Achab : " C'était un homme avec unetoison et un pagne de peau autour des reins. " Deuxième livre des rois (1,8)

1.7.4 ­ Sibylle

Né en Asie Mineure durant l'antiquité, le mythe des Sibylles est passé en

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Grèce puis à Rome. Ces femmes lisaient dans l'avenir et les pères de l'Egliseont alors vu dans leurs prophéties l'annonce du Messie. De nombreusessibylles ont été représentées dans l'art chrétien mais à Mimizan, aucun attributiconographique spécifique ne permet de l'identifier précisément.

1.7.5 ­ Prophète supporté par une chauve­souris

Un des prophètes est supporté par une chauve­souris. Nous ne savons pas s'ils'agit d'un attribut iconographique, d'une plaisanterie ou tout simplement d'unélément purement décoratif

1.8 ­ Cordon extérieur :

1.8.1 ­ Commentaire général sur le cordon extérieur :

Ce cordon sépare la voussure médiane (les prophètes) de la voussureextérieure (le zodiaque). Comme pour les deux autres cordons, il est orné demotifs végétaux et de deux représentations figuratives situées aux deuxretombées de l'arc. Ce cordon ne parcourt pas l'ensemble du tympan car ildémarre au milieu des claveaux inférieurs de la voussure du zodiaque.

1.8.2 ­ Motif végétal

La décoration florale repose sur la répétition d'un seul motif végétal. Ce motifest constitué de quatre feuilles trilobées nouées qui sont intercalées avec unefeuille trilobée à tige évasée.

1.8.3 ­ Personnages

Deux personnages sont situés aux retombées de l'arc. Du fait de leur position,on a l'impression qu'ils supportent le poids du cordon. Cette sensation estparticulièrement visible sur l'homme de droite car il est agenouillé et se sertde son bras droit pour faciliter son action.

1.9 ­ Voussure externe : LE ZODIAQUE :

1.9.1 ­ Commentaire général sur la voussure extérieure :

Le thème général qui orne la dernière voussure représente le cycle duzodiaque et les travaux des mois. Ce découpage astronomique et agraire apermis à l'Eglise de faire comprendre aux paysans les actions de Dieu sur lesHommes. Ainsi, depuis la création du monde, le temps est jalonné par cescycles naturels.

En raison de la taille de cette archivolte, le sculpteur a introduit deux autresthèmes qui n'ont probablement aucune relation avec le cycle du zodiaque. Cesdeux scènes ornent les claveaux des extrémités de l'archivolte. Celui degauche représente une scène de lutte entre un chevalier et un lion tandis quecelui de droite montre un homme et son mulet

Le cycle du zodiaque commence à gauche de l'archivolte et se termine àdroite. Or si l'on suit cette lecture, on s'aperçoit que certains signes zodiacaux

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ne correspondent pas aux mois et à leur travaux :Les raisons exactes de ces anomalies nous échappent encore. Si l'on peutexclure la perturbation par le montage des claveaux, en revanche, il estpossible qu'une part de ces erreurs soit due à l'ignorance iconographique dusculpteur. Néanmoins, certaines des inversions observées se retrouvent enEspagne. Il est donc possible que le sculpteur ait introduit des modèleshispaniques dans un programme français.

Les sculptures des douze signes du zodiaque nous montrent une vision de lavie rurale autour de Mimizan au Moyen­Age. Si l'on prend en compte danscette approche les déformations stylistiques et culturelles introduites par lesculpteur, il est possible de dégager certains aspects ethnologiques du monderural médiéval.

­ Ainsi, ces différentes scènes nous montrent les habits des paysans enfonction des saisons (braies, chausses, robes longues, pelisson, chaperon,…). ­ Le sol était labouré à l'aide d'une charrue analogue à la charrue égyptiennedu temps des pharaons. C'est un instrument primitif, sans roue, léger et à unseul manche.­ Les céréales semées sont moissonnées en été à l'aide de la faucille et nond'une faux. Puis, elles sont battues au fléau moderne, semblable auxinstruments utilisés pendant plusieurs siècles dans nos campagnes.­ Le sol des Landes était favorable à la culture de la vigne et des chênes

1.9.2 ­ Janvier : Verseau

Pour illustrer le premier mois du calendrier chrétien, le sculpteur a représentéle dieu antique Janus. Ce personnage mythologique est le dieu de l'ancienneRome et dieu des Portes. Comme elles, il a une double face : l'une qui regardel'année qui commence et l'autre qui est tournée vers celle qui se termine. Leverseau est symbolisé par un personnage qui verse de l'eau sur la tête deJanus bifrons. Cette représentation évoque probablement les fortesprécipitations s'abattant en janvier sur les Landes.

1.9.3 ­ Février : Poissons

Sous un arc trilobé, un homme est assis. Le mois de février étant le plus froid,cette période n'est pas favorable aux travaux des champs. On reste donc àl'abri dans sa maison pour effectuer des petits travaux. Deux poissonssymbolisent le signe zodiacal.

1.9.4 ­ Mars : Taureau

Avec l'arrivée du temps plus clément, les travaux agricoles reprennent. Pourillustrer cela, le sculpteur a représenté un paysan, accompagné d'un enfant,taillant un arbre à l'aide d'une serpette. Cette scène est surmontée par untaureau

1.9.5 ­ Avril : Balance

Sur ce claveau on observe une femme qui se promène dans un espace arboréque l'on peut interpréter comme un jardin. Il semble qu'elle tient dans sa maingauche une fleur. Le signe de la balance est associé à ce personnage.

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1.9.6 ­ Mai : Lion

Le mois de mai est représenté par un cavalier. S'il ne fait nul doute que cepersonnage est seigneur, il est en revanche difficile de préciser son action carles éléments qu'il tient dans ses mains sont détériorés. Est­il en train dechasser, de faire la guerre, de visiter ses terres ? Un lion stylisé est représentéau sommet du claveau.

1.9.7 ­ Juin : Cancer

Malgré la forte dégradation de ce claveau, on peut observer un homme quimoissonne le seigle à l'aide d'une faucille. L'écrevisse, symbolisant le cancersurmonte ce personnage.

1.9.8 ­ Juillet : Scorpion

Pour orner le mois de juillet, le sculpteur a représenté un paysan armé d'unfléau tenu en l'air. Il est donc occupé à battre le blé qu'il a rangé à ses pieds. Asa droite, on observe des gerbes qui sont encore liées. A sa gauche, lesculpteur a placé un récipient servant peut­être à ramasser le grainfraîchement battu. Le signe du scorpion est symbolisé par une salamandre.

1.9.9 ­ Août : Vierge

Un paysan fauche son champ car le mois d'Août est la période où l'on fait laseconde coupe du foin. Deux sculptures sont associées à cette scène : unefemme et une étoile à six branches encadrée de deux entrelacs. Lareprésentation féminine symbolise le signe de la vierge tandis que l'étoile estprobablement là pour évoquer les fortes chaleurs du mois d'août.

1.9.10 ­ Septembre : Bélier

Septembre est le mois des vendanges. Le sculpteur a donc représenté unpaysan en train de fouler au pied le raisin dans une cuve. Parallèlement à cetteaction, il cueille le raisin qu'il met dans un panier. Le signe du Bélier estassocié à cette scène

1.9.11 ­ Octobre : Sagittaire

Ce claveau représente un homme brandissant un bâton et menant sontroupeau de porcs dans une chênaie afin qu'ils puissent se nourrir de glands.Un personnage mi­ homme mi­cheval et armé d'un arc bandé symbolise leSagittaire.

1.9.12 ­ Novembre : Chien chassant un lièvre

Le mois de Novembre nous montre une scène de labour. En effet, un homme,tenant dans sa main gauche un aiguillon, guide une charrue tirée par deuxbœufs. Sur ce claveau, le signe zodiacal est remplacé par une scène de chasse.En effet on observe un chien qui mord la croupe d'un gigantesque lièvre.

1.9.13 ­ Décembre : le capricorne

Les travaux des champs étant terminés, le sculpteur avait représenté un

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homme assis dans sa maison et attablé devant une table chargée de mets. Lesigne du capricorne était associé à cette scène. Malheureusement cette scèneest presque entièrement détruite aujourd'hui.

1.9.14 ­ Scène de lutte

Ce premier claveau est orné par deux scènes. La première représente unchevalier à pied qui combat en corps à corps contre un lion. L'équipement duguerrier est très minutieusement détaillé et démontre encore une fois l'adressedu sculpteur : cotte de maille, heaume conique à nasal, haubert, éperons,bouclier, épée. L'autre scène est située aux pieds du lutteur. Il s'agit d'unhomme étendu, le visage détourné du combat, les jambes croisées, les mainssur la poitrine et dont la tête repose sur la tête d'un autre personnage. Laquestion de la relation entre ce personnage couché et le chevalier se pose. Or,actuellement, aucune réponse n'a été apportée. D'ailleurs l'iconographie de ceclaveau nous échappe. S'agit­il d'une allusion au combat des vices et desvertus, du combat de Sanson, ou tout simplement du combat entre l'homme etl'animal ?

1.9.15 ­ Homme et Mulet

La sculpture décorant le claveau inférieur est à l'heure actuelle presqueentièrement détruite, empêchant ainsi sa lecture. Elle représentait un hommeaccompagné d'un mulet symbolisant peut­être le prophète Balaam et sonânesse.

1.10 ­ Arc extérieur :

1.10.1 ­ Commentaire général sur l'arc extérieur :

Cet arc décoratif délimite la bordure extérieure du portail. Sa surface estrecouverte par deux types d'entrelacs qui se réunissent au niveau de la clé.Aux retombées de l'arc, on observe deux personnages.

1.10.2 ­ Entrelacs

Dans la partie droite de l'arc, les entrelacs sont composés de trois rinceauxperlés et dont le rinceau central se dédouble pour laisser passer les deuxautres. En revanche, dans la partie gauche, les entrelacs ne possèdent quedeux rinceaux perlés qui sont alternativement ornés de feuilles d'acanthe.

1.10.3 ­ Personnages

Le personnage situé à la gauche de l'arc ne possède qu'une grosse têted'aspect monstrueuse. De ses grandes oreilles droites partent les deuxrinceaux. Le personnage de droite est plus ou moins caché par les entrelacs. Ilest assis, les pieds joints, et il tient dans ses mains les rinceaux.

2 ­ VERS UNE INTERPRETATION GLOBALE DU PORTAIL

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Les différentes scènes qui ornent le portail de Mimizan peuvent êtreinterprétées isolément :

­ Les mages : Glorification de la Parole de Dieu incarné au sein du collègeapostolique.­ Prophètes et le Baptême : Rédemption­ Vierges Sages et Folles et les travaux des mois : allusion au Jugementdernier

Néanmoins, pour J.Lacoste "Une pensée beaucoup plus forte existe, qui lesregroupe toutes et qui les convertit en supports tangibles d'une démonstration." Pour cet auteur, cette clé se trouverait dans le dernier chapitre del'Apocalypse de Jean traitant de la Jérusalem Future.

" 1Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle ­ le premier ciel, en effet, etla première terre ont disparu, et, de mer il n'y en a plus. 2 Et je vis la CitéSainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s'estfaite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux.3 J'entendis alorsune voix clamer, du trône : " Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Ilaura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple et lui, Dieu­avec­eux, seraleur Dieu " …Apocalypse (21,1­3)

… " 9 Alors, l'un des sept Anges aux sept coupes remplies des sept derniersfléaux s'en vint me dire : " Viens, que je te montre l'Epouse de l'Agneau. "10Il me transporta donc en esprit sur une grande montagne de grandehauteur, et me montra la Cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, dechez Dieu "…Apocalypse (21,9­10)

… "23 Elle (la ville) peut se passer de l'éclat du soleil et de celui de la Lune,car la gloire de Dieu l'a illuminée, et l'agneau lui tient lieu de flambeau.24Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre viendront luiporter leurs trésors. 25Les portes resteront ouvertes le jour et 26 l'on viendralui porter les trésors et le faste des nations. "…Apocalypse (21,23­26)

… "1 Puis l'Ange me montra le fleuve de Vie, limpide comme du cristal, quijaillissait du trône de Dieu et de l'Agneau. 2 Au milieu de la place, de part etd'autre du fleuve, il y a des arbres de Vie qui fructifient douze fois, une foischaque mois, et leurs feuilles peuvent guérir les paiens. "…Apocalypse (22,1­2)

… " 6 Puis il (l'ange) me dit : " Ces paroles sont certaines et vraies ; leSeigneur Dieu, qui inspire les prophètes, a dépêché son Ange pour montrer àses serviteurs ce qui doit arriver bientôt "…Apocalypse (22,6)

… " 16 Moi, jésus, j'ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélationsconcernant les églises. Je suis le rejeton de la race de David, l'étoile radieusedu matin. 17 L'esprit et l'épouse disent : " Viens ! " Que celui qui écoute dise: " Viens ! " Et que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme de désirreçoive l'eau de la vie, gratuitement " …Apocalypse (22,16­17)

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D'après l'interprétation de J. Lacoste, on aurait donc une évocationsymbolique de la Jérusalem nouvelle. Cette ville est à la fois cité céleste etcité messianique et par conséquent est une image de l'Eglise.

3 ­ LA GALERIE DES APOTRES

3.1 ­ Commentaire général sur la galerie des apôtres

En dessus du portail proprement dit, on trouve 12 statues d'apôtres entourantun christ au tétramorphe. Dix des apôtres sont situés sur le même ressaut dumur que le christ et deux d'entre eux sont placés en dessous, sur la cornichedu premier ressaut. Ces deux apôtres garnissent donc les écoinçons du portail.La raison précise de cette position à deux niveaux des apôtres n'est pas encorerésolue. Cet ensemble vient­il d'ailleurs d'un portail qui s'élevait sur le côtésud de l'église par exemple ? La Tour­porche n'était­elle pas prévue dans leprogramme original de l'église obligeant ainsi à descendre deux statues dontla place était désormais occupée par des murs ? Ou s'agit­il de la positiond'origine, trahissant alors une influence navarraise ?

Issu du mot grec Apostolos, apôtre signifie " envoyé " et correspond auxdisciples que le christ a envoyés dans le monde pour témoigner de sa grâce,de sa résurrection et de son Evangile . Le nouveau testament présente 12apôtres : André, Barthélemy, Jacques le Majeur, Jacques le Mineur, Jean,Judas Iscarioth, Judas Thaddée, Matthieu, Pierre, Philippe, Simon, Thomas.A cette liste sera ajouté Matthias qui remplacera le traitre Judas Iscarioth etplus tard, on a donné le nom d'apôtre à des saints qui ont poursuivil'évangélisation des nations comme Saint Paul, Saint Martin ou SaintBoniface.

Le nom de chaque saint est inscrit sur le mur et facilite ainsi leuridentification car certains personnages ne portent pas d'attributiconographique spécifique. Or, d'après ces indications, deux des apôtres citésdans le nouveau testament n'ont pas été représentés. Il manque en effet JudasThaddée et Jacques le mineur. Ils ont été remplacés par Saint­Paul et Barnabé

Comme pour les petits personnages sculptés du portail, l'artiste a introduitune grande diversité dans la composition des sculptures. Cette diversités'exprime par la taille des apôtres, par l'orientation et la morphologie des têtes(âge, cheveux, barbe, forme des yeux,…), par la position et l'action des mainsou encore par la disposition des drapés. Ces petites variations créent uneimpression de vie qui contraste avec la position figée du christ. En effet,comme pour la vierge du tympan, sa position strictement frontale lui donneune expression intemporelle.

Comme pour l'iconographie du tympan, il est possible qu'il existe une penséeplus globale derrière cette association des apôtres et du Christ. Pour E.Goyheneche, cette galerie serait également une vision apocalyptique :

" 4 Vingt­quatre sièges entourent le trône, sur lesquels sont assis vingt­quatreVieillards vêtus de robes blanches, avec des couronnes d'or sur leurs têtes. 5

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Du trône partent des éclairs, des voix et des tonnerres, et sept lampes de feubrûlent devant lui, les sept Esprits de Dieu. 6 Devant le trône, on dirait unemer transparente autant que du cristal. Au milieu du trône, autour de lui, setiennent quatre Vivants, constellés d'yeux par devant et par derrière. 7Lepremier vivant est comme un lion ; le deuxième Vivant est comme un jeunetaureau ; le troisième Vivant à comme un visage d'homme ; le quatrièmeVivant est comme un aigle en plein vol "…Apocalypse (4,4­7)

L'artiste de Mimizan aurait alors remplacé les vieillards par les apôtres,comme ce fut le cas à la même époque dans différentes églises.

3.2 ­ Thomas

Le nom araméen Thomas signifie " jumeau " et dans l'Evangile de Jean, ilporte le surnom de Didymos qui signifie " jumeau ". Les théologiensexpliquèrent ce surnom par le fait que Thomas aurait été le frère jumeau deJésus. Les artistes firent alors ressembler les visages de Thomas et du Christ.A deux reprises cet apôtre a fait preuve d'incrédulité. Il refusa en effet decroire à la résurrection de Jésus et l'Assomption de Marie. D'après unelégende, Thomas aurait été envoyé en Inde pour construire le palais du roiGundophorus. C'est pour cette raison qu'il est devenu le saint patron desbâtisseurs.

3.3 ­ Barnabé

S'appelant en réalité Joseph, le nom de Barnabé lui a été attribué par lesapôtres. Ce surnom signifie " Homme du réconfort " ou " Fils de laconsolation ". Né à Chypre, d'une famille de Lévites, il entre dans lacommunauté de Jérusalem. Il va introduire Paul dans cette mêmecommunauté et va accompagner cet apôtre à Antioche puis dans son premiervoyage de mission. Dans l'art chrétien il est souvent représenté l'évangile à lamain car il guérissait les malades en appliquant l'évangile de Matthieu sur lecorps des malades. On l'honorait comme saint patron des tisserands,protecteur de la grêle et de la mélancolie.

3.4 ­ Simon

Simon a été surnommé le " Zélote " en raison de son ancienne appartenance àune secte juive rigoriste. Après la Pentecôte, Jésus envoie Simon en missionen Egypte. Ensuite, il serait parti prêcher en Perse avec l'apôtre Jude Thaddée.A cette occasion, ils seront égorgés pour avoir renversé des idoles païennes.

3.5 ­Matthieu

Avant de devenir apôtre, Matthieu était receveur des impôts à Capharnaüm. Ilrédigea le premier des quatre évangiles et parti, selon la légende, évangéliserl'Ethiopie. Durant cette mission il triomphe de deux mages et de leur dragon.Matthieu est le patron des banquiers et des agents du fisc et son symboleévangélique est l'ange.

3.6 ­ Jacques le Majeur

Fils de Zébédée, frère aîné de l'apôtre Jean l'Evangéliste et cousin de Jésus.

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Avec Pierre et Jean, il est l'un des disciples privilégiés de Jésus qui assistèrentà sa transfiguration puis à son agonie sur le mont des oliviers. Il partit prêcheren Syrie puis revint à Jérusalem où il sera décapité, vers 44, sur les ordresd'Hérode Agrippa. La fin de sa vie étant très mal connue, de nombreuses légendes sont nées. Laplus célèbre en fait l'évangélisateur de l'Espagne où un tombeau lui estconsacré (à Saint­Jacques­de­Compostelle). Cette sépulture suscite l'intérêt detrès nombreux pélerins et, au début de l'an mil, ce pèlerinage devient l'un desplus importants de l'occident. La statue de Jacques à Mimizan est l'une desplus anciennes représentations de l'apôtre en tant que pèlerin (coquille, bâton,panetière). Ce choix peut s'expliquer par la situation de l'Eglise de Mimizansur le chemin côtier menant à Saint­Jacques­de­Compostelle.

3.7 ­ Pierre

Pierre et son frère Jean vivaient à Capharnaüm où ils exerçaient le métier depécheur. Jésus les appela et ils devinrent ses premiers disciples. Très prochede la vie du Christ, Pierre va jouer un très grand rôle dans la construction del'Eglise. Il devint le premier chef de la communauté chrétienne de Jérusalem,puis vers 44, il serait parti prêcher à Rome. Vers 64, Pierre sera crucifié latête en bas à l'occasion des répressions antichrétiennes menées par Néron.Sur la représentation de Pierre à Mimizan, on note la présence d'une clé danssa main. Ce symbole est un écho au texte de Matthieu concernant la remisedes clés du royaume des Cieux à Pierre par Jésus :

" 18Eh bien ! moi (Jésus) je te dis : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtiraimon Eglise, et les portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle. 19 Je tedonnerai les clés du Royaume des cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce seratenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenudans les cieux pour délié. "Evangile de Matthieu (16,18­19)

3.8 ­ Paul

Né à Tarse, en Asie Mineure, vers 10, il est naturalisé citoyen romain. Avantsa conversion, il persécuta les premiers chrétiens de Jérusalem. Puis, sur lechemin de Damas, Jésus lui apparut. Alors âgé de 25 ans, il se convertit auchristianisme et changea son nom de Saul en Paul par humilité car en latinPaulus signifie " petit ". Paul n'est pas à proprement parlé un apôtre car il n'a jamais connu Jésus.Néanmoins, il est considéré comme l'apôtre qui a évangélisé la Grèce etRome. Dans les années 60, il rencontre l'apôtre Pierre à Rome. Ils seront tousles deux arrêtés puis martyrisés par Néron. Etant un citoyen romain, Paul aurale privilège d'être décapité à l'épée. L'instrument de son supplice estreprésenté à Mimizan.

3.9 ­ Jean

Fils de la sœur de Marie Salomé et frère de l'apôtre Jacques le Majeur, ilexerçait le métier de pêcheur sur le lac de Génésareth. Avec Pierre et Jacques,il fait partie des disciples préférés de Jésus et cette particularité explique saposition dans la galerie de Mimizan puisqu'il est à la gauche du Christ. A ladispersion des apôtres, il reçoit l'ordre d'évangéliser l'Asie. Il s'installe alors àEphèse où Marie le suit. Il y écrira son évangile puis une Apocalypse. D'après

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une légende, Jean ne fut pas martyrisé. En effet, il aurait subi une assomptioncomparable à celle de la vierge. Son emblème est l'aigle et il est le patron deslibraires.

3.10­ Philippe

Philippe est originaire de Bethsaïde en Galilée. Le Nouveau Testament nousrenseigne assez peu sur la vie de l'apôtre et c'est surtout à travers la légendedorée que nous le connaissons. D'après celle­ci, Philippe serait parti enmission dans le sud de la Russie avant d'être arrêté et emmené devant lastatue de Mars pour être sacrifié. C'est alors qu'un dragon surgit. Cet animaltua le prêtre et deux soldats et, de son haleine empoisonnée, il rendit toutel'assistance malade. En contrepartie de la démolition de l'idole, Philippeguérit les malades et ressuscita le mort. Cependant, quelque temps plus tard,il sera capturé à nouveau. Il sera alors lapidé puis crucifié. Philippe est lepatron des chapeliers et des patissiers.

3.11 ­ Matthias

Après la mort de Judas Iscarioth, un tirage au sort fut organisé pour leremplacer et Matthias fut choisi. Le Nouveau Testament ne nous donne pasd'autres informations sur la vie de ce personnage. Cependant, diverseslégendes nous décrivent la fin de sa vie. Pour certaines, il est mortpaisiblement en Judée, pour d'autres il a été crucifié à Rome et encore pourd'autres il a été lapidé puis décapité à la hache à Trèves.

3.12 ­ André

Originaire de Betsaïde, André est le frère aîné de Pierre et comme lui estpêcheur sur le lac de Tibériade. C'est le premier apôtre à suivre le Christ ettient donc une place majeure parmi les saints d'Occident. D'après la légendedorée, il prêcha en Grèce, en Asie Mineure et en Russie. En 60, il futmartyrisé par pendaison sur une croix aux montants obliques.

3.13 ­ Barthélemy

De son vrai nom Nathanael, Barthélemy ne joue aucun rôle dans lesEvangiles et dans les Actes des apôtres. Après la mort du Christ, il partitévangéliser l'Arabie, la Mésopotamie et l'Inde. Il fut écorché vif puis crucifiéen Arménie. Ce supplice lui vaut d'être le saint patron de tous les corps demétier qui travaillent la peau et le cuir : bouchers, tanneurs,…

3.14 ­ Le Christ au tétramorphes

Le Christ est assis sur un trône inscrit dans une mandorle quadrilobée ornéede feuillage. Derrière sa tête couronnée, un nimbe crucifère à croixfleuronnée est sculpté. Sa main gauche tient le livre sacré tandis qu'il bénit desa main droite. Entre ses pieds est représenté un motif végétal symbolisantpeut­être l'arbre de vie. Dans les écoinçons sont représentés les emblèmes desquatre évangélistes : l'Homme (Saint Matthieu), l'aigle (Saint Jean), le lion(Saint Marc) et le bœuf (Saint Luc).Cette représentation du Christ aux tétramorphes est directement inspirée del'Apocalypse de Saint Jean :

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" 6 Devant le trône, on dirait une mer transparente autant que du cristal. Aumilieu du trône, autour de lui, se tiennent quatre Vivants, constellés d'yeuxpar devant et par derrière. 7Le premier vivant est comme un lion ; ledeuxième Vivant est comme un jeune taureau ; le troisième Vivant à commeun visage d'homme ; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol "…Apocalypse (4,6­7)

4 ­ CONSIDERATIONS STYLISTIQUES DE LA SCULPTUREDU CLOCHER PORCHE DE MIMIZAN

4.1 ­ Influences espagnoles

Cette approche stylistique du portail et de la galerie de Mimizan aparticulièrement bien été étudiée par J. Lacoste. Cet auteur voit tout d'abordune origine stylistique espagnole dans les statues de Mimizan et plusparticulièrement avec l'une des œuvres majeures de la fin du XIIe siècle : leporche de la gloire de la cathédrale de Saint­Jacques­de­Compostelle réalisépar le Maître Mathieu. Cette influence est visible dans la forme et le port desmanteaux (drapés volumineux, chute en cascade), dans l'aspect des plis(gras), dans la physionomie des têtes (structure rectangulaire) et des corps (unpeu lourds). Les bandeaux décoratifs montrent également de grandessimilitudes entre ces deux oeuvres.

Ces ressemblances témoignent donc de la connaissance approfondie dusculpteur de Mimizan pour le travail du maître espagnol. Il est donc fortprobable que le sculpteur de Mimizan ait participé au chantier de lacathédrale de Saint Jacques avant de venir travailler à Mimizan. Si cettehypothèse est juste, l'ensemble du portail de Mimizan pourrait dater du débutXIIIe car le portail de la gloire a été terminé peu après 1200.

Le Maître Mathieu n'a pas seulement influencé le sculpteur de Mimizan. Ilexiste ainsi en Espagne un ensemble d'édifices montrant des affinités avec leporche de Mimizan et datant du début XIIIe:

GALICE­ Portail occidental de la Cathédrale d'Orense ­ Portail de la cathédrale de Tuy

CASTILLE­ Portail occidental de la Cathédrale de Ciudad Rodrigo (Salamanque)­ Voussures de Santo Domingo de Soria (Burgos et Soria)­ Chapiteaux de la salle capitulaire de Burgo de Osma (Burgos ­ Soria)­ Portail d'Ahedo de Butron (Burgos et Soria)­ Portail de Cerezo de Riotiron (Burgos et Soria)­ Eglise de Butrera (Burgos et Soria)­ Relief de Villasana de Mena (Burgos et Soria)­ Santo Domingo de Silos : affinité très fortes et Maitre de Silos est proche deMathieu

NAVARRE

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­ Portail septentrional de San Miguel d'Estella­ Santiago de Puente la Reina ( Même artiste ?)

4.2 ­ Influences françaises

Différents éléments dans le portail de Mimizan démontrent que le sculpteur aégalement acquis un vocabulaire décoratif à l'esprit gothique. Ces élémentsgothiques sont visibles dans les cordons décoratifs situés entre les voussures,dans les chapiteaux, dans les végétations plaquées sur les fonds desarchivoltes et dans les petits personnages grimaçant des cordons décoratifs...

Or cet apprentissage ne s'est pas fait en Espagne mais en France. Sil'influence du Poitou et de la Saintonge se ressent dans la représentation del'archivolte du zodiaque, il semble que l'artiste de Mimizan ait acquis sonléger bagage gothique lors de la construction de l'église de Saint­Seurin deBordeaux. En effet, outre le même parti architectural entre les deux édifices,la sculpture est très similaire. Dans le portail sud de Saint­Seurin commencéau début XIIIe, on retrouve dans les personnages les mêmes caractèresphysiques, les mêmes types d'habillement et les mêmes types de gestes. Dupoint de vue des éléments décoratifs, on note également de grandessimilitudes dans les représentations architecturales et dans les motifsvégétaux,…

4.3 ­ Les différentes activités du sculpteur de Mimizan

D'après son analyse stylistique, J. Lacoste a essayé de reconstituer ladémarche du sculpteur de Mimizan durant son activité.

­ Formation dans l'atelier de Compostelle et rencontre de sculpteurs qui serépandirent en Castille et en Navarre. ­ Peut­être travail en Navarre ­ Va en France et parcourt la Saintonge­ Il travaille à Saint­Seurin et acquiert pendant ce chantier des élémentsdécoratifs gothiques­ Sculpte le portail de Mimizan et est peut­être également le maître d'oeuvre­ Retourne en Espagne où il réalise le portail de Santiago de Puente la Reina