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1 Les toits dans le Haut-Maine a réfection de la toiture d'une maison paysanne, d'un hangar ou autres annexes entraîne le plus souvent de regrettables erreurs d'interprétation qui peuvent très facilement être évitées en observant attentivement certains détails avant démontage. Nous ne traiterons ici que de la couverture proprement dite, c'est à dire l'ensemble des chevrons, coyaux, liteaux et matériaux de couverture. La charpente sera traitée à part dans une autre fiche à venir. Les lucarnes de toit et les bardeaux ont déjà fait l'objet d'une étude disponible à la délégation. ____________ Quel matériau employer ?____________ Ardoises, tuiles, ou bardeaux ? D'abord, bien observer les toits environnants, la dominante et l'époque de la maison. L'ardoise s'est imposée peu à peu depuis le XIXe dans la vallée du Loir transportée par voie d'eau puis par chemin de fer depuis l'Anjou. Toutefois, il est encore courant de la trouver aujourd’hui mélangée avec la tuile de pays qui l'a précédée, surtout sur les maisons les plus modestes et les plus anciennes. Ce mélange n'est pas gênant quand il demeure discret, et peut même contribuer à un peu plus de chaleur esthétique. Uniformiser à tout prix peut quelquefois s'avérer triste et regrettable. Cependant, il faut éviter à tout prix le toit de tuiles neuves, même plates, dans un tel environnement. Combien de lotissements nouveaux, ou de pavillons neufs isolés couverts de tuiles industrielles clinquantes sont construits d'une façon affligeante dans ces cantons du sud et qui ne tiennent aucunement compte de la dominante d'ardoise de ses villages ! L Mener à bien sa restauration Sarthe (72)

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LLeess ttooiittss ddaannss llee HHaauutt--MMaaiinnee

a réfection de la toiture d'une maison paysanne, d'un hangar ou autres annexes entraîne le plus

souvent de regrettables erreurs d'interprétation qui peuvent très facilement être évitées en observant attentivement certains détails avant démontage. Nous ne traiterons ici que de la couverture proprement dite, c'est à dire l'ensemble des chevrons, coyaux, liteaux et matériaux de couverture. La charpente sera traitée à part dans une autre fiche à venir. Les lucarnes de toit et les bardeaux ont déjà fait l'objet d'une étude disponible à la délégation.

________________________ QQuueell mmaattéérriiaauu eemmppllooyyeerr ??________________________

AArrddooiisseess,, ttuuiilleess,, oouu bbaarrddeeaauuxx ??

D'abord, bien observer les toits environnants, la dominante et l'époque de la maison.

L'ardoise s'est imposée peu à peu depuis le XIXe dans la

vallée du Loir transportée par voie d'eau puis par chemin de fer depuis l'Anjou. Toutefois, il est encore courant de la trouver aujourd’hui mélangée avec la tuile de pays qui l'a précédée, surtout sur les

maisons les plus modestes et les plus anciennes. Ce mélange n'est pas gênant quand il demeure discret, et peut même contribuer à un peu plus de chaleur esthétique. Uniformiser à tout prix peut quelquefois s'avérer triste et regrettable. Cependant, il faut éviter à tout prix le toit de tuiles neuves, même plates, dans un tel environnement. Combien de lotissements nouveaux, ou de pavillons neufs isolés couverts de tuiles industrielles clinquantes sont construits d'une façon affligeante dans ces cantons du sud et qui ne tiennent aucunement compte de la dominante d'ardoise de ses villages !

L

MMeenneerr àà bbiieenn ssaa rreessttaauurraattiioonn Sarthe (72)

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La tuile plate de pays, bourguignonne d'origine, est devenue la marque de l'identité mancelle par excellence, en harmonie parfaite avec les enduits de chaux grasse et sable cénomanien (le "Maine Roux" si bien nommé). Elle s'est imposée au XVIIIe en remplacement du bardeau de bois (voir fiche n°3*). Légèrement incurvée dans ses deux sens, elle offre au coucher du soleil un spectacle roux incomparable. Les toits ressemblent alors à de la terre fraîchement labourée. Le dilemme devient cruel quand il s'agit de restaurer une vieille toiture de tuiles. Tuiles anciennes ou tuiles neuves ? Si on opte pour la vieille tuile, la loi du marché s'impose alors. On déshabille Pierre pour habiller Paul, favorisant ainsi le peu scrupuleux commerce de la tuile ancienne devenue hors de prix. Or une tuile, même bien cuite et solide, n'a qu'une durée de vie limitée. Sa porosité la rend vulnérable au gel. Dans tous les cas, il faut essayer de garder au maximum les tuiles anciennes récupérées sévèrement sonnées et sélectionnées pour privilégier les parties les plus visibles, souvent au sud, mais

poser des tuiles neuves sur les parties les plus cachées, souvent au nord. Les régions de France où domine cette tuile sont nombreuses : Bourgogne, Centre, Ouest, Bassin parisien, plaine de Caen, Pays d’Auge, Périgord et Quercy, etc. Il existe donc encore de bons fabricants de tuiles plates qui respectent la cambrure nécessaire de ce matériau aussi bien dans la longueur que dans la largeur (aération, effet d'ombre). NB : Il est toujours possible de récupérer la tuile ancienne sur les bâtiments annexes, sur des toitures minoritaires ou peu vues, et de la remplacer par du bardeau de bois (voir ci-dessous et la fiche n°3 : les bardeaux).

Le bardeau de chêne et de châtaignier a pratiquement disparu de notre département, supplanté par la fabrication semi-industrielle de la tuile plate à partir de la fin du XVIIIe. Il reste cependant quelques vestiges de couverture et de bardage vertical en bois autour de la forêt de Bercé et de Vibraye et aux confins du Perche. Nous avons consacré une fiche détaillée à ce sujet. Saluons son remarquable retour dans la restauration des monuments historiques (clochers, tours, pignons du Vieux Mans, etc.). Nous ne pouvons qu'encourager nos lecteurs à fabriquer ce matériau pour un prix de

revient peu élevé (voir fiche n° 3 : les bardeaux).

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____________________________ LLeess cchheevvrroonnss ddee rriivvee ____________________________

Traditionnellement en rive, et jusqu’à une époque assez récente, les chevrons ne débordent pas à l’aplomb du pignon. Ils sont placés en retrait par rapport au nu de l’enduit, et ce d’autant plus profondément que l’on remonte dans le temps. Par exemple, sur des bâtiments des XVIe et XVIIe siècles, ce retrait est carrément de 4 ou 5 cm, voire beaucoup plus parfois. Puis, vers le début du XIXe, le retrait s’est réduit à une épaisseur d'enduit, celui-ci venant s’arrondir doucement à la "base" du chevron. Vers la fin du XIXe et début XXe, le chevron de rive affleure l’enduit de chaux grasse du pignon.

NB : Dans le Fertois, Perche et Saosnois, ce retrait très important est presque systématiquement comblé par une maçonnerie de pierre et chaux grasse enfouissant le chevron de rive et bloquant ainsi les tuiles de rive. L'enduit du pignon remonte ainsi sans interruption jusqu'aux tuiles. On y observe également "la ruellée", sorte de boudin de chaux qui court tout le long de la rive.

Enfin, ce n’est qu’à la fin du XIXe et au début du XXe que l’on a franchement osé un débordement de 10, 20 ou 30 cm de la toiture en rive censé protéger l’enduit ou le bardage du pignon. C'est l'effet de mode qui se manifeste par exemple sur les villas de bord de mer de la « Belle Epoque », sur certaines "buvettes" et autres "maisons de vigne" de nos campagnes. Mais nous sortons là des principes souvent constatés dans la construction de pays : efficacité et économie. Une tempête comme celle de Noël 1999 a confirmé combien une rive à l'aplomb de pignon résiste mieux qu'un débord inutile. C'est le chevron qui doit être protégé par la toiture et non pas la maçonnerie par le chevron !

Chevron très rentrant

Chevron presqu’à fleur

Chevron recouvert (Perche)

Chevron franchement débordant (début XXe)

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Sachons résister à la pose des tuiles de

rive à rabat (et même du bardeli d'ardoises) qui empêchent le chevron de rive de respirer et d'évacuer son humidité. Nous n’évoquerons même pas son esthétique très discutable !

Dans tous les cas, la solution passe par le choix de chevrons de chêne (attention à la bonne section !) qui résisteront d'eux mêmes aux intempéries pourvu qu'ils restent en retrait à l’abris du toit comme il est dit ci-dessus.

NB : rappelons que les chevrons de rives et tous les chevrons intérieurs de la couverture sont normalement bloqués en butée dans des encoches pratiquées dans la sablière appelée « pas ». La sablière est située nettement en arrière du parement du mur gouttereau.

La tuile à rabat est à proscrire : elle est lourde visuellement et contreproductive

Noter le chevron encastré dans un « pas »

________________________________ LLeess ccooyyaauuxx __________________________________

Ils existent un peu partout dans le département, mais cependant assez peu en Saosnois, Fertois, Perche et Vendômois. Les coyaux servent à prolonger la toiture à l'égout de 20 à 25 cm afin de protéger la base des murs gouttereaux lors des pluies (absence traditionnelle de gouttières). Dans les « rénovations » modernes, ces éléments sont les plus malmenés... quand ils ne sont pas carrément supprimés. La cambrure du toit à l'égout, si élégante, disparaissant du même coup. Les chevrons filants sont alors supportés par l’arête de la sablière laquelle supporte alors presque tout le poids du toit, créant des désordres souvent constatés.

Ci-contre, belle juxtaposition de coyaux à « queue de renard » et de coyaux simples.

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Les coyaux des XVIe, XVIIe et même quelquefois XVIIIe sont dits à « queues de renard ». Ce sont des planches fendues et joliment découpées, plus ou moins épaisses - entre 35 et 70 mm selon les cas - et clouées sur chant à l’aide de clous forgés sur un flan des chevrons. NB : même quand les toitures ont été reprises au XIXe, il n'est pas rare de retrouver quelques uns de ces vénérables coyaux encore en place. Ils sont précieux, car ils pourront servir de modèle dans le cas d'une restauration.

A partir du XVIIIe, ce sont des bouts de perches fendues de 80 ou 90 cm aplanis en sifflet et cloués à plat sur le dessus du chevron qui s'imposent. Depuis quelques décennies, c’est un chevron débité en sifflet qui remplace le bout de perche. L'église de Saint-Denis-des-Coudrais réunit encore ces deux types de coyaux. Voir photo ci-dessus p 4.

Traditionnellement, on taille le bout du coyau de la façon la plus discrète possible : une coupe perpendiculaire au bord de la chanlatte et une autre parallèle au sol.

NB : dans le Perche, Perche vendômois, Fertois, Saosnois et dans le quart nord-est du département de la Sarthe en général, il n’est pas rare de constater une absence totale de coyaux. Le chevron « filant » est alors coupé au bout à l’équerre par rapport à la pente du toit. C’est lui qui déborde à l'égout et forme le balet. On peut aussi bien le tailler comme un coyau comme ci-dessus pour en adoucir la coupe.

__________________________________ LLeess aarrêêttiieerrss ____________________________________ La jonction de deux pentes de toiture (XVIIIe et XIXe) s'appelle un arêtier. Trois façons de les traiter dominent : 1-Tuiles taillées au plus près et réunies par un boudin de chaux (Perche, Saosnois...). 2-Tuiles plus grossièrement taillées et arrête recouverte d'un rang de tuiles plates scellées à la chaux (Connerré, Perche Gouët…). 3-Ardoises "biaises ", finement ajustées sur deux, trois ou quatre rangs, même sur un toit de tuiles. Effet soigné garanti. NB : pour les arêtiers de bardeaux, le bois étant facile à tailler, c’est la technique de l’arêtier à recouvrement alterné qui est retenu. Voir par exemple le "Puits qui parle" de Trôo (41), ou le clocher de Saint-Georges-de-la-Couée (72).

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____________________ LLeess ééggoouuttss,, ddoouubblliiss eett ffaaîîttaaggeess ____________________ Pour le doublis et la dernière rangée à l'égout en tuiles plates, éviter les coupes à

la machine : outre l'aspect peu esthétique qu'offre une coupe trop vive, il faut penser qu'avant l'existence des disques abrasifs on ne pouvait tailler une tuile qu’avec une paire de tenailles ou un grugeoir en la "grignotant" progressivement. Le doublis était en fait des tuiles récupérée et cassées aux deux-tiers et fixées à la chanlatte la tête en bas. Le bord cassé ou grignoté était dissimulé vers le haut sous les autres tuiles. Ces remarques ne concernent bien sûr pas l'ardoise ni le bardeau, matériaux faciles à tailler. Faîtages : Pour les toits de tuiles plates, faîtières de terre cuite demi-ronde, sans dispositifs de recouvrement, bord à bord avec un demi-centimètre d’écart entre chacune. Les pigeons et embarrures à la chaux hydraulique (HL pour une fois !) doivent rester discrets (éviter les crêtes trop vives). Voir dessin ci-dessous.

Pour les toits d'ardoises, le faîtage en lignolet s'impose (exclure le faîtage en zinc). Mais il est très courant et défendable sur les maisons paysannes couvertes d'ardoises de recourir à un faîtage de tuiles faîtières sur un rang de tuiles plates en terre cuite pour y faire adhérer pigeons et embarrures de chaux hydraulique.

Quelques mesures constantes : Le balet, ou débord du toit à l'égout, est d'environ 20 ou 25 cm. A l'égout, les tuiles, ardoises ou bardeaux et leur doublis débordent toujours de 5 ou 6 cm de la chanlatte afin de protéger celle-ci. En rive, le débord des tuiles ou ardoises n’est que d’environ 1,5 cm par rapport à l’aplomb du mur pignon afin d'éviter la prise au vent (les tendances modernes actuelles sont de 4 ou 5 cm !).

Rappel : en rive, la tuile de rive dite « à rabat », censée protéger le chevron est à proscrire totalement. Traditionnellement, c'est la demi-tuile de bois (bardeau de chêne ou de châtaignier) qui est utilisée. On peut avoir recours également à l'alternance de trois tuiles étroites et de deux tuiles larges. Mais éviter la demi-tuile de terre cuite sciée à la machine dans le sens de la hauteur : elle reste très fragile et cassante (opération récente seulement rendue possible grâce au disque abrasif (voir ci-dessus).

Ci-dessus, un lignolet d’ardoises face au vent dominant

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________________________ AAvveecc oouu ssaannss ggoouuttttiièèrreess ??________________________ Il resterait en effet à débattre sur l'opportunité ou non d'installer des gouttières sur les toitures des maisons de pays. Autrefois, aucune maison paysanne

n'en possédait. Ce luxe est arrivé tardivement au début du XXe siècle sous forme de gouttières nantaises d'abord sur les maisons bourgeoises quand on a pu fabriquer du zinc industriellement. Esthétiquement, un toit sans gouttières est toujours plus satisfaisant. Penser alors à un drainage autour de la maison et à un simple petit chéneau de zinc ou de cuivre au-dessus de la porte d'entrée afin d'éviter la désagréable douche les jours de pluie. Quand il est vraiment nécessaire de poser des gouttières (à l’arrière, par exemple, pour récupérer l'eau si précieuse), préférer des nantaises à lambourde, le doublis étant constitué de tuiles ou d’ardoises selon les cas, mais pas de zinc.

__________________________________ CCoonncclluussiioonn __________________________________ Dans tous les cas, d’abord ne pas se presser et bien observer les quelques maisons qui restent encore intactes autour de nous : elles répondront à de nombreuses questions si on observe bien ce qui reste en elles d’authentique. Nous ne répèterons jamais assez combien il est urgent d'observer, dessiner et photographier ce qui reste encore des pratiques artisanales traditionnelles jusqu’à l’infime détail, avant qu’il ne soit trop tard. C'est un devoir de mémoire indispensable que de reconnaître et transmettre avec justesse ces savoir faire qui ont fait leurs preuves pendant des siècles sans outillage ni matériaux sophistiqués.

Alain Rocheron, le 27-04-2014. Mise en page Aline Rocheron

Délégation MPF-72 24, Rue du Petit-Vignard 72190 SAINT-PAVACE, 0243818780 [email protected]