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CANAUX CALCIQUES ET FONCTION CARDIOVASCULAIRE Notions de canal ionique Les courants ioniques, qui traversent les membranes biolo- giques et génèrent l’activité électrique des cellules, s’écoulent de manière passive à travers des pores aqueux. Ces “canaux ” s’ouvrent (ou se ferment) en réponse à un stimulus physiolo- gique spécifique qui peut être le potentiel de membrane, la fixation d’un ligand chimique (neurotransmetteur, hormone) sur un site récepteur, la fixation d’un messager intracellulaire ou encore l’étirement de la membrane plasmique (1). Les canaux ioniques permettent un passage sélectif d’ions, selon leur gradient de concentration. En plus de leur sélectivité – qui détermine leur type (canaux sodiques, calciques, potas- siques et chlore en ce qui concerne les canaux activés par le potentiel) – et de leur mode d’activation, les canaux ioniques sont caractérisés par leur comportement cinétique, qui dépend du potentiel et du temps, et par leur conductance intrinsèque (1). Ces propriétés sont autant d’éléments importants de la signalisation ionique et électrique transmembranaire. Les canaux calciques du système cardiovasculaire – de type L et de type T – appartiennent à la famille des canaux activés par le voltage. Ils sont fermés au potentiel de membrane de repos (potentiel diastolique pour les cellules cardiaques par exemple) et s’ouvrent sous l’effet de la dépolarisation mem- branaire. Canaux calciques cardiovasculaires Diversité : types L et T. C’est sur le tissu cardiaque que l’on a mis en évidence, il y a trente ans, l’existence des canaux L (1). Pourtant, la multiplicité des canaux calciques, soupçonnée dès 1975 sur les œufs de poisson, est devenue évidente au cours de la décennie suivante (1-4). La technique du patch-clamp a permis d’en caractériser plusieurs types, en particulier sur les neurones (types L, T, N, P, Q, R : tableau I), distingués par leurs propriétés électrophysiolo- D O S S I E R La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 8 - octobre 1998 163 Électrophysiologie comparée des canaux calciques L et T du système cardiovasculaire : données actuelles S. Richard*, J. Nargeot* RÉSUMÉ. Dans les myocytes du cœur et des vaisseaux, l’entrée d'ions calcium (Ca 2+ ) est assurée principalement par les canaux calciques vol - tage-dépendants, dont il existe deux grandes classes : les canaux de type L, qui jouent un rôle essentiel reconnu dans l’initiation du couplage excitation-contraction (E-C), et les canaux de type T, plus énigmatiques, qui pourraient être impliqués dans le contrôle d’activités électriques automatiques et de processus trophiques liés au développement ou au remodelage cellulaire. L’importance physiologique des canaux cal - ciques, la variété de leurs voies de régulation et la richesse de leurs sites pharmacologiques en font des cibles thérapeutiques de choix lors des dysfonctionnements liés à l’homéostasie calcique. Cet exposé a pour objet de proposer un “cliché” des connaissances et concepts actuels. Les avancées récentes concernant la physiologie, la pharmacologie naissante et l’élucidation de la structure moléculaire des canaux T sont également présentées. Mots-clés : Courants calciques - Calcium - Cœur - Vaisseaux - Fonction - Régulation - Pharmacologie - Structure. CNRS, UPR 1142, Institut de Génétique humaine, Montpellier. Tableau I. Classification des canaux calciques et correspon- dance gène-type fonctionnel avec la localisation chromosomique (5, 6). Classification Classification Localisation Localisation génétique fonctionnelle chromosomique tissulaire α 1A P/Q 19p13.1-.2 neurones α 1B N 9q34 neurones α 1C L 12p13.3 cœur, ubiquitaire α 1D L 3p14.3 neuroendocrine, autre ? α 1S L 1q31-q32 muscle, autre ? α 1E R ? 1q25-q31 neurones α 1F L? Xp11 rétine α 1G T 17q22 cerveau, cœur ? α 1Η Τ 16p13.3 cœur, cerveau ?

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Page 1: Électrophysiologie comparée des canaux calciques …D O S S I E R La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n 8 - octobre 1998 163 Électrophysiologie comparée des canaux calciques

CANAUX CALCIQUES ET FONCTION CARDIOVASCULAIRE

Notions de canal ionique Les courants ioniques, qui traversent les membranes biolo-giques et génèrent l’activité électrique des cellules, s’écoulentde manière passive à travers des pores aqueux. Ces “canaux ”s’ouvrent (ou se ferment) en réponse à un stimulus physiolo-gique spécifique qui peut être le potentiel de membrane, lafixation d’un ligand chimique (neurotransmetteur, hormone)sur un site récepteur, la fixation d’un messager intracellulaireou encore l’étirement de la membrane plasmique (1). Lescanaux ioniques permettent un passage sélectif d’ions, selonleur gradient de concentration. En plus de leur sélectivité –qui détermine leur type (canaux sodiques, calciques, potas-siques et chlore en ce qui concerne les canaux activés par lepotentiel) – et de leur mode d’activation, les canaux ioniquessont caractérisés par leur comportement cinétique, qui dépenddu potentiel et du temps, et par leur conductance intrinsèque(1). Ces propriétés sont autant d’éléments importants de lasignalisation ionique et électrique transmembranaire. Lescanaux calciques du système cardiovasculaire – de type L etde type T – appartiennent à la famille des canaux activés parle voltage. Ils sont fermés au potentiel de membrane de repos(potentiel diastolique pour les cellules cardiaques parexemple) et s’ouvrent sous l’effet de la dépolarisation mem-branaire.

Canaux calciques cardiovasculaires� Diversité : types L et T. C’est sur le tissu cardiaque quel’on a mis en évidence, il y a trente ans, l’existence des canauxL ( 1 ) . Pourtant, la multiplicité des canaux calciques, soupçonnée dès 1975 sur les œufs de poisson, est devenueévidente au cours de la décennie suivante (1-4). La techniquedu patch-clamp a permis d’en caractériser plusieurs types, en particulier sur les neurones (types L, T, N, P, Q, R :tableau I), distingués par leurs propriétés électrophysiolo-

D O S S I E R

La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 8 - octobre 1998 163

Électrophysiologie comparée des canaux calciques L et Tdu système cardiovasculaire : données actuelles� S. Richard*, J. Nargeot*

RÉSUMÉ. Dans les myocytes du cœur et des vaisseaux, l’entrée d'ions calcium (Ca2+) est assurée principalement par les canaux calciques vol -tage-dépendants, dont il existe deux grandes classes : les canaux de type L, qui jouent un rôle essentiel reconnu dans l’initiation du couplageexcitation-contraction (E-C), et les canaux de type T, plus énigmatiques, qui pourraient être impliqués dans le contrôle d’activités électriquesautomatiques et de processus trophiques liés au développement ou au remodelage cellulaire. L’importance physiologique des canaux cal -ciques, la variété de leurs voies de régulation et la richesse de leurs sites pharmacologiques en font des cibles thérapeutiques de choix lorsdes dysfonctionnements liés à l’homéostasie calcique. Cet exposé a pour objet de proposer un “cliché” des connaissances et concepts actuels.Les avancées récentes concernant la physiologie, la pharmacologie naissante et l’élucidation de la structure moléculaire des canaux T sontégalement présentées.

Mots-clés : Courants calciques - Calcium - Cœur - Vaisseaux - Fonction - Régulation - Pharmacologie - Structure.

CNRS, UPR 1142, Institut de Génétique humaine, Montpellier.

Tableau I. Classification des canaux calciques et correspon-dance gène-type fonctionnel avec la localisation chromosomique(5, 6).Classification Classification Localisation Localisationgénétique fonctionnelle chromosomique tissulaire

α1A P/Q 19p13.1-.2 neuronesα1B N 9q34 neuronesα1C L 12p13.3 cœur,

ubiquitaireα1D L 3p14.3 neuroendocrine,

autre ?α1S L 1q31-q32 muscle, autre ?α1E R ? 1q25-q31 neuronesα1F L ? Xp11 rétineα1G T 17q22 cerveau, cœur ?α1Η Τ 16p13.3 cœur, cerveau ?

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giques et pharmacologiques. Les gènes correspondant à cescanaux ont été clonés, et leur localisation chromosomiquedéterminée (5, 6). Au niveau cardiovasculaire, seuls lescanaux de type L et de type T sont présents (2-4, 6). Il existedes variants musculaire (α1S) et neuroendocrine (α1D) descanaux L avec des isoformes générées par épissage alternatif,(6). La structure moléculaire de deux types de canal T détec-tés dans le cerveau et le cœur (α1G et α1H) vient tout justed’être élucidée (7, 8). Il existe probablement une véritablefamille de canaux T avec des différences fonctionnelles.

� Rôles physiologiquesDes canaux L– Dans le cœur. Les canaux L, dits “sensibles aux dihydropy-ridines (DHPs)”, sont ubiquitaires, mais ils sont largementmajoritaires dans le cœur (tableaux I et II). Ils ont deux rôlesessentiels. Premièrement, un rôle électrogène : le courantentrant d’ions Ca2+ contribue au maintien du plateau du poten-tiel d’action (PA) cardiaque. Il participe également à la phasediastolique tardive du PA sinusal. Deuxièmement, les ionsCa2+ sont utilisés en tant que signaux chimiques pour déclen-cher une libération massive de Ca2+ stocké dans le réticulumsarcoplasmique (RS), ce qui provoque l’activation des pro-téines contractiles suite à l’élévation du Ca2+ libre intracellu-laire. Malgré cet effet d’amplification du RS, il existe une cor-rélation certaine entre l’amplitude du courant L et la contrac-tion. Ce phénomène confère donc aux canaux L une impor-tance primordiale dans le contrôle de la contraction. Sur leplan pharmacologique tout agent qui module l’amplitude ducourant calcique L a des effets inotropes attendus.

– Dans les vaisseaux. Les canaux L sont impliqués dans ledéveloppement et le maintien du tonus contractile.L’ouverture des canaux cardiaques et vasculaires procède demodalités différentes. Au niveau cardiaque, elle est initiée parla dépolarisation engendrée par le courant sodique rapide res-ponsable de la phase de montée du PA. Une contraction rapi-de, de type phasique, fait suite à l’entrée de Ca2+. Au niveaudes cellules artérielles, moins polarisées au repos que les cel-lules cardiaques, les canaux calciques sont recrutés lors d’une

dépolarisation membranaire beaucoup plus lente qui est indui-te, par exemple, par des forces mécaniques ou par l’activationde cascades de messagers intracellulaires lors de la fixationd’un neurotransmetteur ou d’une hormone sur leur récepteurmembranaire. Les variations de tension qui en résultent sontde type tonique, c’est-à-dire lentes et maintenues. L’ouverturede canaux potassiques – activée par le Ca2+, le potentiel oul’ATP – provoque en retour une hyperpolarisation et la ferme-ture (désactivation) des canaux calciques. C’est le principe dumode d’action de certains agents vasodilatateurs (levcroma-kalim, diazoxide, pinacidil). Les veines ont un comportementintermédiaire plus proche de celui du cœur.

Des canaux T– Dans le cœur. La présence des courants T est beaucoup plusaléatoire que celle des courants L (tableau II). Dans le ven-tricule adulte, cette variabilité dépend de l’espèce considérée(tableau III). Les courants T sont présents dans le tissu ven-triculaire de cobaye, par exemple, et totalement absents chezle rat et chez l’homme. Ils ont aussi une amplitude beaucoupplus faible que les courants L, ce qui suggère qu’ils n’ont pasde rôle majeur dans la signalisation liée au couplage E-C. Enrevanche, les courants T sont exprimés dans les cellules ven-triculaires de rat néonatal, disparaissant par la suite au coursdu développement. Ils peuvent cependant être réexprimésdans les myocytes adultes en culture primaire vraisemblable-ment en relation avec la dédifférenciation (10).

Dans le cœur adulte, les courants T sont surtout distribuésdans les cellules de l’oreillette, du nœud sino-atrial du sinusvenosus et du tissu conducteur (tableau II). Ils semblent jouerun rôle électrogène au niveau de la phase de dépolarisationdiastolique précoce du PA sinusal. Il est à noter qu’ils n’ont, àce jour, jamais été mis en évidence dans le tissu cardiaquehumain adulte, vraisemblablement à cause de l’accès limitéaux tissus susceptibles de l’exprimer. Pourtant, on notera queles isoformes α1G et surtout α1H sont représentées dans letissu cardiaque humain (7, 8).

– Dans les vaisseaux. Les courants de type T sont exprimésdans des vaisseaux ayant une activité électrique automatiquecomme celle des veines (tableau II) et liée à un rôle électro-gène. Mais ils sont aussi exprimés dans des artères qui negénèrent pas de PA (tableaux II et IV). Ils pourraient partici-per au tonus de base des petites artères dites “de résistance”,avec un rôle potentiel dans l’hypertension artérielle, mais celareste à démontrer. Enfin, alors qu’ils sont exprimés de maniè-

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Tableau II. Distribution comparée des courants L et T dansdivers tissus cardiovasculaires (modèles animaux) (4, 8).Localisation Type L Type T

Cœurventricule +++ -/+atrium +++ ++conducteur ++ +nœud sino-atrial +++ +

Veines azygos ++ +saphène ++ +porte ++ +

Artèresaorte ++ +/-coronaire +++ +/-mésentérique +++ +/-artérioles rénales +++ ++

Tableau III. Variabilité des courants T dans le ventricule demodèles animaux et chez l’homme.Myocytes ventriculaires fraîchement isolés en culture primaire

Adultescobaye ++ ?rat - ++homme - ?

Néonatalsrat ++ ++

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re aléatoire dans les myocytes fraîchement isolés à partir degros troncs artériels, les canaux T sont, au contraire, trèsexprimés dans les cultures primaires et les lignées cellulaires(tableau IV). C’est le cas des myocytes coronaires humainsqui, fraîchement isolés, sont en phénotype contractile et n’ex-priment que les courants L (11). Les courants T n’apparaissentqu’après plusieurs jours en culture. Leur expression est asso-ciée à un changement phénotypique des cellules qui se dédif-férencient et prolifèrent. Le canal T est exprimé spécifique-ment lors de la transition G1/S du cycle cellulaire qui précèdela réplication du matériel génétique nécessaire à la future cel-lule fille avant la division cellulaire (12). Un rôle dans l’acti-vation de gènes est possible ; il pourrait intervenir dans desconditions normales au cours du développement et anormalesau cours de la pathologie (12).

PROPRIÉTÉS FONCTIONNELLES COMPARÉES DES CANAUXL ET T

Patch-clamp et canaux calciques� Historique et apports. Les canaux L et T ont des proprié-tés biophysiques, pharmacologiques et de régulation fort dif-férentes. Il existe également des différences notables entrecanaux L cardiaques et vasculaires qui justifient des étudesphénoménologiques précises. Si la compréhension modernede la diversité, de la structure et de la fonction des canaux cal-ciques a été permise grâce à une approche multidisciplinaire,c’est l’électrophysiologie qui a donné naissance au concept de

canal “calcique”, cela dès les années 50 (1). La technique du“voltage-imposé” a, au cours de la décennie suivante, permisd’esquisser les bases fonctionnelles et la pharmacologie de cequi allait devenir, au cours des années 80, le canal de type L.Le développement concomitant des techniques du patch-clamp (développées par les Drs Neher et Sackmann, prixNobel de médecine en 1991) et de la cellule isolée grâce à desenzymes, a ensuite permis une éclosion de connaissances etde concepts nouveaux (découverte des canaux T en particu-lier). Il est devenu possible de mesurer les courants ioniquesd’une cellule – et même d’un canal – unique, ce qui a renduaccessible à l’investigation électrophysiologique la plupartdes tissus qui ne l’étaient pas auparavant. Il est ainsi devenupossible d’étudier les canaux ioniques de cellules cardiaqueset vasculaires autrefois impossibles à étudier en voltage-clamp. Les études ont même pu être étendues à certains tissusdu système cardiovasculaire humain prélevés au cours de lachirurgie.

� Principe et intérêt. Le principe du patch-clamp est le sui-vant : une micropipette de verre de faible diamètre (1 à 2 µmà la pointe) est descendue par micromanipulation au contact dela membrane d’une cellule. Une cohésion forte entre la pointede cette pipette et la membrane cellulaire (résistance électriquede l’ordre du GΩ) est assurée grâce à une aspiration appliquéeà l’intérieur de la pipette. La pipette, remplie d’une solutionsaline conductrice, permet d’enregistrer soit le courant micro-scopique (environ 10-12 ampères) qui s’écoule à travers un seulcanal piégé sous la petite portion de membrane à l’extrémitéde la pipette (configuration canal unique, figure 1), soit lecourant électrique macroscopique (10-9 ampères) qui corres-pond à l’activité des milliers de canaux de toute la cellule(configuration cellule entière, figure 1), ce qui est possiblelorsque la portion de membrane sous la pointe de la pipette estdéchirée par une aspiration plus forte. Cette ouverture met encommunication le milieu intracellulaire et le milieu intra-pipette, permettant un accès électrique à l’intérieur de la cellu-le. Le contrôle de la composition des milieux intra- et extra-cellulaires permet d’isoler le courant calcique des autres cou-

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Tableau IV. Variabilité des courants T dans le ventricule dedivers modèles animaux.Myocytes atériels fraîchement isolés en culture primaire

(phénotype (phénotypecontractile) synthétique)

Aorte adulterat - ++lignée de rat ++homme - ++

Aorte néonatalerat - ++lignée humaine ++

Coronaire adultecobaye ++ ?homme - ++

Artériole rénale adulterat ++ ?

En résumé. Les courants calciques ont un rôle électro g é -n i q u e et sont utilisés comme signaux chimiques transmem -b r a n a i res dans le cœur et des vaisseaux. Les canaux Lcontribuent au maintien de la dépolarisation membranaireet initient la contraction des myocytes. Les courants Tseraient associés à l’automatisme des cellules du ry t h m e .Ils pourraient aussi constituer un signal particulier pourdes processus liés à l’activité proliférative ou trophique desm y o c y t e s .

Figure 1. Principe général et configurations principales du voltage-imposé en patch-clamp.

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rants. Le patch-clamp est devenu incontournable pour lesétudes réalisées en potentiel imposé, technique qui permet defixer le potentiel de la membrane et d’étudier les propriétésélectrophysiologiques des canaux ioniques. Cette méthodolo-gie est très utilisée pour étudier la régulation des canauxioniques et le mécanisme d’action des molécules pharmacolo-giques. Les paramètres électrophysiologiques qui gouvernentle fonctionnement des canaux calciques sont importants àprendre en compte pour mesurer et comprendre le mode d’ac-tion des molécules qui se lient spécifiquement sur le récepteur-canal et les effets qui en résultent.

États fonctionnels élémentaires des canaux calciquesOn distingue trois états de base des canaux calciques : un étatfermé (F), non conducteur, qui prédomine au potentiel demembrane de repos ; un état ouvert (O), conducteur, activéde manière transitoire par la dépolarisation membranaire ; unétat inactivé (I), non conducteur, recruté par une dépolarisa-tion plus soutenue. Il existe un équilibre dynamique entre cha-cun de ces trois états F, O et I (figure 2). Cet équilibre peutêtre déplacé lors de la fixation préférentielle d’un ligand surun état particulier du canal plutôt que sur un autre. L’affinité

d’une molécule peut donc être modulée par l’état conforma-tionnel du récepteur-canal (exemple : effets voltage-dépen-dants des DHPs) et le ligand peut stabiliser le canal dans cetétat.

Pour déterminer la gamme des potentiels capables d’ouvrir lescanaux calciques, l’expérimentateur applique à la cellule, viala pipette de patch, des dépolarisations d’amplitudes connues.Il mesure ensuite l’amplitude des courants recueillis pourchaque dépolarisation. La relation courant/potentiel ainsiétablie permet de déterminer la valeur du potentiel seuild’activation et la valeur pour laquelle le courant atteint uneamplitude maximale (tous les canaux activables sont conduc-teurs). Cette relation permet de déterminer une courbe dite“d’activation à l’état stable” (figure 3).

L’état F et l’état I, bien qu’étant tous deux non conducteurs,sont différents. L’état O est inaccessible à partir de l’état I(réfractaire). Le canal doit nécessairement transiter par l’étatfermé pour s’ouvrir. Cette transition (I � F) nécessite d’hy-perpolariser la membrane pendant une période de temps suf-fisamment longue. Dans un contexte de physiologie, il estimportant de déterminer à partir de quels potentiels de reposles canaux calciques peuvent s’ouvrir. En faisant varier lepotentiel diastolique avant une dépolarisation test (fixée, quiactive le maximum de canaux), on détermine la fraction deces canaux qui est inactivée pour chaque dépolarisationconditionnante (figure 3). On observe une diminution du cou-rant qui correspond donc à la fraction des canaux inactivés.On détermine ainsi la courbe d’inactivation voltage-dépen-dante à l’état stable, dite encore “de disponibilité du canal àl’ouverture” (figure 3), qui fournit de précieuses indicationspour le physiologiste. À noter qu’une fraction importante (~50 %) des canaux T et L est inactivée pour des dépolarisationsconditionnantes qui sont insuffisantes pour induire l’ouvertu-re. Ceci reflète un passage direct (F � I). À noter égalementle croisement des deux courbes – d’activation et de disponibi-lité – qui détermine une fenêtre de potentiels. Dans cettefenêtre, le voltage est insuffisant pour inactiver tous les

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Figure 2. Schéma des états fonctionnels élémentaires des canauxcalciques et les diverses transitions possibles.

Figure 3. Courbes de conductance (symbolesvides) et de disponibilité à l’ouverture (symbolespleins) du canal T (carrés) et du canal L (ronds)déterminées sur des myocytes d’aorte de ratadulte (culture primaire). Les transitions entreles états F et I, F et O du canal sont superposées(en haut) pour chaque courbe. Les protocoles destimulation sont représentés.

désactivation

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canaux, et suffisant pour ouvrir une fraction significative decanaux activables. Cette fraction de canaux génère donc uncourant permanent dit “de fenêtre”. Lorsque le potentiel demembrane de repos d’une cellule est inclus dans la fenêtre, ily a possibilité pour un influx basal maintenu de Ca2+ qui peutavoir un rôle physiologique majeur.

Propriétés électrophysiologiques des canaux L et TCe sont les propriétés électrophysiologiques et des critèrespharmacologiques qui ont permis de démontrer l’existencedes canaux de type T. Si l’on compare les courants T et L, ilsse distinguent par leurs propriétés cinétiques (figure 4) etélectrophysiologiques (tableau V).

Dans ce tableau, aucune distinction entre les propriétés descourants cardiaques et vasculaires n’a été faite. Il est cepen-dant intéressant de noter que, malgré une homologie structu-rale des canaux qui les génèrent (variants issus d’un mêmegène), les courants de type L du cœur et des vaisseaux ont despropriétés très différentes sur le plan cinétique. Par exemple,les courants des artères coronaires sont beaucoup plus soute-nus que les courants cardiaques chez l’homme (11). En l’étatactuel des connaissances, il n’existe pas d’évidence pour desdifférences entre les canaux T cardiaques et vasculaires.

Principales régulations des canaux L et TCanaux L. Les canaux calciques de type L sont modulés par

une très grande variété d’agents et de mécanismes (9). Nousavons choisi de focaliser sur les aspects les mieux connus etqui concernent le mode d’action d’agents thérapeutiquesinotropes et chronotropes.Tout d’abord, l’activité du canal calcique de type L dépendétroitement du rythme cardiaque. Une accélération de la fré-quence de dépolarisations répétitives provoque une augmen-tation de l’amplitude, et surtout un ralentissement importantde l’inactivation du courant L, ce qui conduit à une entréeaccrue de Ca2+ pendant chaque dépolarisation (13). C’est l’in-tervalle de temps diastolique entre deux stimulations succes-sives qui module le mode de fonctionnement du canal. Cetterégulation est favorisée par la stimulation bêta-adrénergique,et semble jouer un rôle important dans les mécanismesd’adaptation du cœur à l’exercice et au stress. Elle est altéréelors de l’insuffisance sévère (13). Elle est aussi altérée par desmédicaments comme les antagonistes calciques et les agentsbêtabloquants qui, à ce niveau, contribueraient à diminuer lasurcharge calcique intracellulaire. Cette dépendance vis-à-visde la fréquence cardiaque ne semble pas exister au niveau descellules vasculaires. De nombreux transmetteurs et hormones modulent l’activitédes canaux calciques. Ces régulations induisent une modula-tion (diminution ou augmentation) du courant macroscopiquequi peut s’exercer soit par une voie membranaire rapide (pro-téines G, par exemple sur les neurones), soit par une voieintracellulaire plus lente (cascades de seconds messagersintracellulaires : AMPc, GMPc, Ca2+). Les seconds messagersont pour cibles diverses protéines kinases capables, par phos-phorylation, d’accroître ou de diminuer l’activité basale ducanal. La régulation physiologique majeure du canal L car-diaque est assurée par la stimulation bêta-adrénerg i q u e .L’activation de l’adénylate cyclase, couplée à la protéine Greliée aux récepteurs bêta-adrénergiques (β1, β2), stimule laproduction d’AMPc qui active la protéine kinase A impliquéedans la phosphorylation du canal. L’effet principal est uneaugmentation de la probabilité d’ouverture des canaux (9). Laphosphorylation module les propriétés électriques du canal.Par exemple, elle rend le canal plus sensible au voltage enabaissant son seuil d’ouverture de - 40 mV à - 50 mV.

Malgré leur grande homologie structurale, les canaux cal-ciques cardiaques et vasculaires ont des modalités de régula-tion souvent différentes, voire antinomiques. Par exemple, lecourant calcique de type L des artères est insensible à la phos-phorylation AMPc-dépendante, ce qui est cohérent avec leseffets vasorelaxants de l’AMPc. L’ exemple du NO, qui acti-ve une voie GMPc-kinase, est également intéressant. Chezl’homme, le NO a un puissant effet agoniste sur le courantcalcique cardiaque, tandis qu’il a un effet inhibiteur sur lecourant calcique des cellules de l’artère coronaire (11, 14). Ces deux exemples illustrent très clairement com-ment, en dépit de liens de parenté étroits sur le plan de lastructure, les canaux L cardiaques et vasculaires sont fort dif-férents sur le plan fonctionnel. Il est fondamental de prendreen compte ces différences dans la définition de stratégies thérapeutiques.

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Tableau V. P ropriétés électrophysiologiques générales des courants T et L.Propriétés Type T Type Lélectrophysiologiques

Seuil d’activation > - 70 mV - 40 mVActivable à partir de potentielsdiastoliques < - 50 mV < - 10 mVCourant de fenêtre - 70 mV - 30 mVcompris entre et - 50 mV et - 10 mVCinétique d’activation lente rapideCinétique d’inactivation rapide lenteCinétique de désactivation lente rapidePerméabilité Ca2+ = Ba2+ Ca2+ < Ba2+

Conductance élémentaire 7-8 pS 22-25 pS

Figure 4. Décours typique d’un courant T transitoire (à gauche) etd’un courant L soutenu (à droite) enregistrés sur un myocyte coro -naire humain en culture primaire.

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Canaux T. Les connaissances concernant les voies de régula-tion des canaux T des mammifères par des messagers intra-cellulaires sont fragmentaires et, par conséquent, les implica-tions physiologiques sont assez mal connues. On peut citerdes régulations possibles par la kinase C et des protéines G ( 2 ) .

Structure des canaux L et TBien que l’objectif de cet article ne soit pas de détailler lastructure et les relations structure-fonction des canaux cal-ciques (5), on ne saurait occulter les avancées importantes deces dernières années. Les concepts nés des investigationsélectrophysiologiques ont en effet été étayés par les avancéesplus récentes de deux autres disciplines : la biochimie struc-turale et la biologie moléculaire. Dès les années 80, la natu-re multiprotéique du canal calcique de type L était établiegrâce à l’utilisation de ligands spécifiques tels que les DHPs.On a pu ainsi déterminer la structure des canaux L constituésde quatre sous-unités (α1, α2-δ, β et γ). La composante cen-trale est la sous-unité α1 transmembranaire (figure 5). Elleforme le pore et possède les sites récepteurs aux antagonistescalciques. Elle est nécessaire et suffisante pour permettre l’in-flux ionique. Cependant, son activité est amplifiée par lacoexpression des autres sous-unités. En particulier, la sous-unité β cytosoluble est considérée comme un régulateur endo-gène de l’activité canalaire.

La protéine α1C cardiaque est homologue à 95 % à l’isoformeα1C vasculaire. Les petites différences entre ces deux iso-formes résultent d’une régulation génique importante : l’épis-sage différentiel. Il apparaît dans la structure du gène codantpour l’isoforme α1C plusieurs régions (six au total) pour les-quelles il existe différentes séquences possibles pouvant s’in-terchanger et générer ainsi des variants d’α1C. Ces protéinesvariantes présentent donc une différence pour de très petitesrégions (dix à trente acides aminés). Il est intéressant de noterque le variant vasculaire d’α1C (région IVS3) est présent dans

le tissu cardiaque embryonnaire. Les différentes isoformesd’α1C peuvent avoir des pharmacologies différentes.

On a longtemps soupçonné que les propriétés assez diffé-rentes des canaux T et des canaux L sont sous-tendues par desstructures différentes. Le clonage, très attendu depuis plu-sieurs années, des canaux T confirme ce fait. Deux isoformes,α1G et α1H, viennent d’être clonées dans le cerveau et le cœur(7, 8, 15). Par ailleurs, aucune sous-unité β classique nesemble associée à la sous-unité principale (figure 5).

Les études structure-fonction ont permis de cartographier lesprincipales propriétés des canaux L (figure 6). Les régionsd’α1C impliquées dans l’activation, l’inactivation, le pore etles sites de fixation aux trois grandes classes d’antagonistescalciques sont localisées. À noter que le site de liaison auxbenzothiazépines (ex. : diltiazem) se superpose en partie avecle site aux DHPs puisqu’il est retrouvé en IVS6 (5). Le siteaux phénylalkylamines (ex. : vérapamil) est retrouvé sur unerégion intracellulaire d’α1C, proche de l’embouchure du pore(prolongement du segment S6). Ces données indiquent queces molécules bloquent le canal par son extrémité intracellu-

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Figure 5. Arrangement moléculaire des canaux L et T.

Figure 6. Cartographie molé -culaire des principaux sitesfonctionnels des canaux L(α1C) (3). La zone d’interac -tion avec la sous-unité β estmontrée ainsi que le site derégulation par la A kinaseanchoring protein impliquéedans la phosphorylation protéine kinase A dépendantedu canal.

D H P : d i hydropyridine. PA A : p h é-ny l a l kylamine. BTZ : b e n zo t h i a z é-pine.

Domaines

Sélectivité

Sites DHP

Sites dephosphorylation

Site

Partie sensibleau voltage

Site BTZ

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laire. Une autre conclusion importante de ces études est queles sites de fixation spécifique – à haute affinité – pour lestrois grandes familles d’antagonistes calciques sont toussitués à proximité du pore du canal. Il devient aujourd’huipossible d’optimiser le développement chimique de ces molé-cules en confrontant leur structure à l’environnement molécu-laire du récepteur que constitue le pore du canal de type L.Des études similaires sur les canaux T sont maintenant ren-dues possibles à partir des clones, ce qui devrait permettrel’essor de la pharmacologie des canaux T et peut-être demieux cerner leur(s) rôle(s) fonctionnel(s).

RÔLE DES CANAUX L ET T DANS LA PATHOLOGIE CARDIO-VASCULAIRE

Canaux LPeu de données montrent des effets précis de la pathologie surl’expression ou les propriétés fonctionnelles élémentaires descanaux calciques de type L. On notera que les effets de l’hy-pertrophie (au stade compensé) varient globalement entreaucun changement et une augmentation de la densité descanaux (3). En revanche, au cours de l’insuffisance cardiaquesévère, la densité des canaux L semble abaissée significative-ment (3). L’utilisation de médicaments qui régulent négative-ment l’activité des canaux L, et qui conduisent donc à deseffets inotropes négatifs, vise à minimiser la surcharge cal-cique intracellulaire et la consommation énergétique du myo-carde pour préserver sa survie. Les données concernant une altération des voies de modula-tion des canaux L au cours de l’insuffisance cardiaque sévèresont beaucoup plus précises. Par exemple, il est clairementétabli que la stimulation de l’activité des canaux L par lescatécholamines est altérée, en partie suite à une diminution dela densité des récepteurs bêta-adrénergiques membranaires.La modulation de l’activité des canaux par la fréquence de sti-mulation – impliquée dans la relation force-fréquence – estaussi largement altérée (3, 13). Il semble que cette modifica-tion fonctionnelle aille aussi dans le sens de minimiser lademande énergétique, le myocarde déterminant un fonction-nement en mode économique et non en mode performant. Auniveau vasculaire, il y a peu de données – par ailleurs contra-dictoires – concernant une augmentation de la densité descanaux L au cours de l’hypertension artérielle.Canaux TDes données expérimentales à partir de plusieurs modèles ani-maux suggèrent que l’expression des canaux type T est asso-ciée à la période de croissance (rôle trophique ?) lors du déve-

loppement de processus hypertrophiques (3). L’endothéline,puissant vasoconstricteur qui induit une hypertrophie car-diaque, augmente la synthèse d’ADN et de protéines et pour-rait élever la densité des canaux T dans les myocytes ventri-culaires de rat néonatal en culture. Une expression accrue descanaux calciques de type T a aussi été décrite dans les myo-cytes de l’oreillette de rat adulte dans le cas de tumeursatriales favorisant la sécrétion de l’hormone de croissance.Une augmentation de la densité des canaux T ainsi qu’unemodification des cinétiques d’activation et d’inactivation ontaussi été observées dans le myocarde de hamsters atteints decardiomyopathie congénitale, ce qui pourrait contribuer à lasurcharge calcique à l’origine d’arythmies dans cette forme decardiomyopathie génétique. Mais, dans tous les cas, les méca-nismes qui régulent l’expression de ce canal restent inconnus.À noter qu’aucun canal de type T n’a pu être mis en évidencesur des myocytes humains isolés à partir de ventricules eninsuffisance sévère (cœurs ischémiques ou dilatés).

Le canal T semble jouer un rôle important en relation avecl’activité proliférative et l’activité synthétique des myocytesvasculaires. Étant donné la présence de type T dans les cel-lules prolifératives, les inhibiteurs des canaux T pourraientréduire la prolifération anormale des cellules musculaireslisses observées lors d’une lésion vasculaire (16).

PHARMACOLOGIE COMPARÉE DES CANAUX L ET T

Des cibles pharmacologiques incontournablesQu’elles impliquent une dysrégulation des canaux calciques(expression, régulation) ou non, les pathologies cardiovascu-laires sont souvent associées à une élévation de la concentra-tion du Ca2+ intracellulaire (ischémie, hypertension, insuffi-sance cardiaque). Les canaux calciques constituent donc une

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En résumé. Les courants calciques T et L ont des proprié -tés électrophysiologiques, structurales et de régulationtrès différentes. Ces propriétés permettent de les distin -guer facilement et suggèrent des rôles physiologiques dif -férents. Le canal L semble beaucoup plus sensible auxvoies de régulation métaboliques.

En résumé. La densité et les voies majeures de régulationdes canaux L sont altérées au cours de l’insuffisance car -diaque. L’expression ou la réexpression des canaux T estsouvent associée à un remodelage des cellules cardiaqueset vasculaires. On peut citer les phénomènes hypertro -phiques et la prolifération des cellules vasculaires quiimpliquent l’acquisition de phénotypes cellulaire sproches de ceux des stades précoces du développement.

Tableau VI. Principaux agents modulateurs utilisés en thérapeu-tique.Agents Visée Type T Type Lthérapeutiques

Ouvreurs de canaux vasculaire ? inhibitionpotassiquesBêtabloqueurs cardiaque pas d’effet inhibitionBêta-agonistes cardiaque pas d’effet augmentation Antagonistes vasculaire inhibition inhibition calciques et cardiaque selon agent

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cible pharmacologique d’intérêt pour le thérapeute. Ils possè-dent, en effet, des propriétés remarquables pour le pharmaco-logue (tableau VI). Ces propriétés incluent la régulation parde nombreux neurotransmetteurs et hormones, constituantautant de voies pharmacologiques possibles, et la présence denombreux sites spécifiques (sur le canal lui-même) qui, lors-qu’ils sont occupés, peuvent rendre le canal non activable parle voltage (ex. : antagonistes calciques). Ils sont également lacible indirecte de molécules ayant pour effet premier d’ouvrirdes canaux potassiques, et donc d’hyperpolariser la membra-ne pour induire leur fermeture. Jusqu’à maintenant, lescanaux L étaient les cibles thérapeutiques privilégiées.

Modulation indirecte des canaux L via l’AMPcTous les agents pharmacologiques ciblant la phosphorylationAMPc-dépendante du canal L ont des effets inotropes. Cesagents peuvent interférer avec cette voie à plusieurs niveaux.On distingue ainsi :– les agonistes/antagonistes du récepteur bêta-adrénergiquequi agissent à l’entrée du système. Les bêtabloqueurs sont lesplus utilisés en thérapeutique, notamment pour traiter l’insuf-fisance cardiaque ;– d’autres transmetteurs ou hormones qui empruntent cettevoie ;– les inhibiteurs de phosphodiestérase, qui empêchent ladégradation de l’AMPc ;– les inhibiteurs des phosphatases, qui empêchent la déphos-phorylation du canal. Il est intéressant de noter que l’acétyl-choline, qui inhibe le courant calcique uniquement lorsquecelui-ci a été augmenté au préalable par les bêta-agonistes,peut être considéré comme un antagoniste naturel de la sti-mulation sympathique au niveau cardiaque. L’acétylcholineactive les récepteurs muscariniques (M2) couplés à la sous-unité inhibitrice de la protéine G (Gi) : il en résulte une dimi-nution de l’activité de l’adénylate cyclase.

Modulation dire c te des canaux L par les antago n i s tes calciques� Principales classes. Les inhibiteurs calciques ont un rôlebien établi dans le traitement d’une large gamme de patholo-gies cardiovasculaires allant de l’angine de poitrine à l’athé-rosclérose et à l’hypertension. Outre leur effet vasodilatateuret inotrope négatif cardiaque, ils ralentissent le rythme sinusal

et la conduction atrioventriculaire. Les inhibiteurs calciquesincluent des classes chimiques hétérogènes et se fixent sur dessites récepteurs distincts (tableau VII). Les groupes princi-paux sont les DHPs, les benzothiazépines (BTZ), les phény-lalkylamines (PAA), dont les principaux chefs de file sont res-pectivement la nifédipine, le diltiazem et le vérapamil. Cesagents, dont on n’a pu jusqu’à ce jour mettre en évidenced’équivalents endogènes, sont tous des ligands synthétiquesqui agissent en empêchant l’ouverture des canaux. Ils ont, auniveau moléculaire, des modes d’action différents (tableauVII).

� Notion de sélectivité tissulaire. Il existe une sélectivité tis-sulaire – entre cœur et vaisseaux – des inhibiteurs calciques.Cette sélectivité trouve son fondement dans la manière dont lepotentiel de membrane de repos cellulaire contrôle l’affinitédes molécules pour leur site récepteur. Par exemple, le diltia-zem et le vérapamil peuvent inhiber la conduction atrioventri-culaire et être utilisés plus spécifiquement dans le traitementdes tachycardies supra-ventriculaires. Les DHPs ont un profilnettement vasculaire.

Les PAA et, à un degré moindre, les BTZ, qui ont un tropis-me cardiaque et vasculaire relativement équilibré, ont un effetinhibiteur très dépendant de la fréquence d’activation du canalcalcique, ce qui détermine leur profil cardiaque. Ceci est cer-tainement favorisé par une meilleure affinité de la moléculepour le canal lorsque celui-ci est en conformation “étatouvert” (O). Par contraste, les DHPs ont une meilleure affini-té pour l’état “inactivé” (I) favorisé par la dépolarisationmembranaire. Il s’ensuit que l’effet des DHPs est très “volta-ge-dépendant” (figure 7).

En d’autres termes, les DHPs ont un effet beaucoup plus puis-sant sur des tissus dépolarisés, où la probabilité de trouver lecanal à l’état inactivé est beaucoup plus forte, que dans un tissupolarisé (où l’état fermé prédomine). Les DHPs piègent lecanal à l’état inactivé et empêchent son ouverture ultérieure.On comprend ainsi leur effet vasodilatateur, plus puissant quecelui des deux autres classes, sur les muscles vasculaires,beaucoup moins polarisés que le muscle cardiaque. Les DHPssont capables de relaxer les muscles lisses vasculaires à des

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Tableau VII. Principales classes d’antagonistes calciques, leurspécificité et leur mode d’action.Antagonistes Type T Type L Action surcalciques le type L

Dihydropyridines + +++ voltage-dépendante

Phénylalkylamines + ++ fréquence-(neuronal) dépendante

Benzothiazépines + ++ fréquence-(neuronal) dépendante

Mibéfradil +++ ++ voltage-et fréquence-dépendante

Figure 7. Effet voltage-dépendant de l’isradipine (0,1 µM) sur le courant transitant via les canaux calciques d’un myocyte coro -naire humain. Noter l’inhibition beaucoup plus dépendante auxpotentiels diastoliques plus dépolarisés.

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concentrations qui n’ont que peu d’effet sur le cœur. Parailleurs, il est aussi possible que, bien que les canaux cal-ciques de type L cardiaque et vasculaire soient très sem-blables, des différences dans la nature et la stochiométrie desous-unités annexes (comme la sous-unité β) régulatrices del’activité basale du pore (sous-unité α1) contribuent aussi à lasélectivité tissulaire. Cette forte sélectivité des DHPs pour lemuscle lisse vasculaire est un élément essentiel dans le traite-ment des pathologies cardiovasculaires. � Des molécules caméléons : un intérêt potentiel ? Il estintéressant que de noter certaines DHPs ont des effets molé-culaires caméléons : elles ont des effets agonistes et antago-nistes. Ces effets mixtes trouvent leur origine au niveau desstéréo-isomères optiques de la molécule. Par exemple, le (-)Bay K 8644 est un agoniste pur. À l’ inverse, le (+)-Bay K8644 est un antagoniste pur. Cependant, le niveau du potentielde membrane de la cellule est un facteur qui peut déterminerle sens de l’effet. Les agonistes ne sont pas utilisables en thé-rapeutique, puisque l’effet inotrope positif cardiaque seraitassocié à un effet vasoconstricteur. Pourtant, la synthèse demolécules présentant une activité agoniste sur des cellulespolarisées (de type cardiaque) et une activité antagoniste surdes cellules dépolarisées (de type vaisseau) pourrait présenterun certain intérêt.� Mibéfradil : le premier antagoniste sélectif des canauxT. Les antagonistes des canaux utilisés en thérapeutique car-diovasculaire sont des inhibiteurs des canaux L. Ils peuventavoir une action sur le canal T mais pour des concentrationsplus élevées, suggérant des effets classés – a priori – commenon spécifiques. Cependant, un inhibiteur sélectif (17, 18)(seulement dans le contexte cardiovasculaire) a été dévelop-pé. Il s’agit du mibéfradil, qui présente des propriétés antihy-pertensives et antiangineuses. Sur le plan moléculaire, le pointnouveau qui mérite d’être mis en exergue concerne la présen-ce d’un site pharmacologique spécifique à haute affinité pourcette molécule “anticalcique” sur le canal T. Ce site est égale-ment présent sur les canaux L, mais l’affinité de la moléculeest nettement moins bonne (figure 8). Il est évident que lacompréhension des bases moléculaires qui sous-tendent l’in-version de la sélectivité L classique versus T (commune à tousles autres antagonistes calciques), dans le cas du mibéfradil,présente un intérêt essentiel pour la compréhension de lastructure et de la pharmacologie des canaux calciques.

Par ailleurs, les effets très particuliers du mibéfradil sur lescanaux L ajoutent à l’originalité de cette molécule. L’effetinhibiteur sur le courant L est à la fois fortement voltage-dépendant (comme une DHP) et fréquence-dépendant(comme une PAA) (19). Ce profil original pourrait aussi, ensus des effets sélectifs du canal T, avoir un grand intérêt pourla mise en place de stratégies thérapeutiques à visée cardio-vasculaire. En particulier, la voltage-dépendance de l’actiondu mibéfradil sur le type L pourrait expliquer en partie l’effetvasorelaxant, l’absence d’effet inotrope négatif et la brady-cardie qui sont caractéristiques de cette molécule. À ceniveau, la part respective des effets T et des effets L reste àdéterminer précisément.

PERSPECTIVES

Les avancées récentes des connaissances dans le domaine descanaux calciques T et L garantissent une évolution intéressan-te des approches qui tendent à comprendre la pathophysiolo-gie cardiovasculaire et à optimiser les stratégies thérapeu-tiques de normalisation des dysrégulations du calcium intra-cellulaire. Le clonage du canal T de type T, qui vient de leverle voile sur son identité moléculaire, va permettre, en sus desétudes structure-fonction importantes pour la pharmacologie,de développer des outils moléculaires précieux (ex. : anti-corps spécifiques). Les avancées parallèles des connaissancesdes nombreux mécanismes de régulation intrinsèques (par lessous-unités auxiliaires) et extrinsèques (par les cascadesmétaboliques) devraient aussi enrichir la panoplie des agentspharmacologiquement actifs sur les canaux L. La découvertede différences subtiles, tissu-dépendantes, en particulier sur les cellules humaines, constituera une source d’informa-tions importantes pour des applications pharmacologiquesplus ciblées. �

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Figure 8. Courbes dose-réponse de l’inhibition des courants L et Tréalisées sur 7 cellules de cœur de rat néonatal à partir de concen -trations croissantes de mibéfradil (fréquence de stimulation de0,1Hz et potentiel de repos de -100 mV).

En résumé. Les canaux calciques sont des cibles pharma -cologiques privilégiées pour toute dysrégulation impli -quant l’homéostasie calcique, en particulier au niveauvasculaire. Jusqu'à maintenant, les stratégies thérapeu -tiques privilégiaient le canal L. Les données récentesconcernant la structure, la présence d’un site pharmaco -logique à haute affinité et une implication possible dansla pathologie cardiovasculaire positionnent le canal Tcomme une cible pharmacologique potentielle.

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R e m e rc i e m e n t s. Nous re m e rcions l’Association française contreles Myopathies, la Fondation de France (contrat 97003982 à SR)et la Fondation pour la Recherche médicale Languedoc-Roussillon(SR) pour le soutien financier apporté à nos recherches.

G A S T R O N O M I E

Les essais en ouvert d’Alex CortonLe 9 septembre 1898, Elisabeth vonHabsbourg, née Wittelsbach, séjournait à l’hô-tel Beau-Rivage, au bord du Léman. Elle ydîna de homard, de céteaux et de fraises. Puiselle partit le lendemain se faire poignarder àquelques mètres de là par Luigi Lucheni, unhalluciné prétendant ainsi accomplir un actesalvateur pour l’humanité. Le nigaud.L’établissement conserve, dans une vitrine,quelques souvenirs de l’inoubliable altesse.L’actuel propriétaire s’est considérablementdémené pour que, le jour du centenaire de sonarrivée à l’hôtel, une statue de bronze repré-sentative soit inaugurée, sur la pelouse bor-dant le bâtiment, les yeux fixés sur les fenêtresdu petit salon d’encoignure et de la chambrequ’occupait l’impératrice. L’intérêt historiquede tout cela est très relatif, mais c’est ainsi.Les personnes illustres rapportent toujours dessous. Les hôtels et restaurants retiennentvolontiers comme argument réputatif, com-mercialement porteur, la fréquentation anec-dotique d’un personnage marquant.

Par conséquent, je tiens absolument à préciser,pour la postérité, que j’ai personnellementmoi-même fait halte sous les marbres, lesstucs et les ors de l’hôtel Beau-Rivage. Jeconserverai longtemps en mémoire ce midid’août, sur la terrasse habilement ombrée, afinque les rayons du soleil genevois n’altèrentpas ce teint nacré qui constitue ma carnationnaturelle.Le menu était d’une simplicité élégante, gas-pacho de tomates au homard, filets de per-chette en duxelle, pois gourmands et haricots,sorbet vanille accompagné d’une tuile auxamandes arachnéenne. Un vin rouge vaudoisléger et frais nous laissa la tête libre pour d’ac-tives activités post-prandiales. Les choix deSissi étaient les bons.Cependant, les parrainages historiques sont àaborder avec méfiance. Qu’importe queNapoléon ait dormi dans tel lit, si le meubleest aujourd’hui le siège d’une colonie depuces. J’ai souvenance d’un repas pris dansune auberge proche de Mauléon, où le restau-rateur s’enorgueillissait du passage de RenéCoty. Le malheureux avait probablement ététraîné là, en guet-apens, par des élus locaux et

le bureau du comice agricole, dont probable-ment le mastroquet était le pourvoyeur habi-tuel. Toujours est-il que j’ai demandé l’addi-tion avant la fin du repas, contristé par lamédiocrité masquée sous les auspices du der-nier président de la Quatrième République.Tenterai-je un parallèle entre son épouse etcelle de François-Joseph ? Toutes deux, sou-cieuses de simplicité, furent bousculées par leprotocole et les voyages officiels. GermaineCoty, lorsqu’on vint lui annoncer la coopta-tion de son mari à la magistrature suprême,s’occupait à la confection d’une tarte auxpommes. Une photo d’agence de presse l’im-mortalise, ses larges hanches ceintes d’untablier poudreux de farine. Les tâches ména-gères ont leur noblesse. Si l’on s’y investissaitdavantage, on aurait moins la tête aux bêtises.

Alex Corton, gastrologue de garde

Hôtel Beau-Rivage,13, quai du Mont-Blanc,1201 Genève, SuisseTél. : (00) 41 22 716 66 66

ANNONCEURS : Éditions du Vidal®, p. 184.