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Champigny Guillaume Le whisky en France de 1960 à nos jours Mémoire de maîtrise sous la direction de M. Jacques Marseille Université de Paris I – Panthéon – Sorbonne Session Juin 2005

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Champigny Guillaume

Le whisky en France de 1960 à nos jours

Mémoire de maîtrise sous la direction de M. Jacques Marseille

Université de Paris I – Panthéon – Sorbonne

Session Juin 2005

A tous ceux pour qui un whisky avec des glaçons

n’est qu’un mythe.

2

Mes chaleureux remerciements à :

Marlène Léon et Jean-Marc Bélier de la Maison du Whisky,

Séverin Barrioz de la Fédération Française des Spiritueux,

Sébastien Dathané du Centre International des eaux-de-vie et boissons spiritueuses,

Jean-Claude Martin retraité du monde des alcools,

pour l’intérêt qu’ils ont montré à mon travail et toute l’aide qu’ils m’ont apporté

durant cette année.

3

IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN

4

Dans un rayon de toute grande surface de nos jours, on trouve un mur de

whisky. Des bouteilles d’alcool s’empilent jusqu’au plafond et le nombre de

marques est tellement important que l’œil du consommateur s’y perd, cet alcool

occupant jusqu'à la moitié du rayon des apéritifs à lui tout seul. Pour un

consommateur averti, toutes ces marques sont différentes et il sait faire son choix.

Les étiquettes et les mots « malt » ou « blend » font partie de son vocabulaire. Mais

qu’en est –il pour tous les consommateurs néophytes ? Devant ce choix pléthorique,

ils ne peuvent se décider, se laissant influencer par le seul facteur qu’ils

comprennent : le prix. Mais celui-ci n’est pas toujours synonyme de qualité.

L’étude des produits de consommation courante peut se révéler très

intéressante pour l’histoire en général et, plus particulièrement, pour l’histoire

économique. Ces produits contribuent à notre histoire, connaissent une évolution qui

leur est spécifique, et en les étudiant, nous aident à comprendre la société de

consommation actuelle. Il ne faut donc pas les négliger. Chacun d’entre eux a sa

problématique propre et son évolution à travers l’histoire. Certains sont des produits

très anciens (les fruits et légumes), d’autres plus récents (les couches-culottes). Le

whisky est un produit qui a connu à partir de 1960 un essor très important. Il est

intéressant de l’étudier pour comprendre les facteurs de cette réussite. Le but de

cette maîtrise n’est pas de faire l’éloge du whisky, mais de comprendre le

développement qu’il a connu durant ces quarante dernières années.

Le whisky est produit principalement dans trois pays. : l’Ecosse, l’Irlande et

les Etats-Unis. Chacun de ces pays produit un alcool différent avec ses propres

caractéristiques gustatives et odorantes. L’Ecosse et l’Irlande se battent depuis des

siècles pour la paternité de ce spiritueux. Ce serait Saint Patrick qui aurait amené

l’art de la distillation en Irlande au Vème siècle de notre ère mais aucune trace écrite

ne le prouve1. La première trace écrite au sujet du whisky se trouve en Ecosse en

14942. En Irlande la première trace concerne Bushmills qui obtient la première

licence officielle de distillation en 1608. La fabrication du whisky arrive aux Etats-

Unis en même temps que les premiers colons. Durant le XIXème siècle, c’est

l’Irlande qui domine la production mondiale. Mais le phylloxéra à la fin du XIXème

1 Bénitah (Thierry), Le Whisky, Paris, Flammarion, 2003, p.7 2 MacLean (Charles), Malt la noblesse du whisky, Paris, Hachette, 1998, p.18.

5

siècle va détruire son principal adversaire, les brandys (notamment le Cognac). Ce

sont les Ecossais qui vont en profiter le plus. La guerre d’indépendance irlandaise

qui débuta en 1916 et la prohibition américaine vont avoir raison des whiskies

irlandais. Ce sont les écossais qui, à partir 1932 (fin de la prohibition), vont imposer

leurs whiskies sur le marché mondial et ce, durant tout le reste du XXème siècle.

Chacun des trois grands producteurs a son propre type de whisky.

L’Ecosse avec le Scotch Whisky. Ce terme fut employé la première

fois au milieu du XIXème siècle. La définition légale de scotch fut entérinée en 1909

par une commission royale en réponse « qu’est ce que le whisky ? ». En 1988, le

Scotch Whisky Act donna une définition détaillée de cette appellation. Un « scotch »

désigne un whisky élaboré à partir d’un mélange d’eau, de malt et éventuellement

d’autres céréales transformées en un moût fermenté par addition de levures. Ce

whisky doit être produit et distillé en Ecosse, à un degré alcoolique par volume ne

dépassant par 94,8%. Enfin, il doit vieillir en Ecosse dans des fûts en bois pendant

un minimum de 3 ans, avant d’être mis en bouteille à une force alcoolique d’au

minimum 40%.

L’Irlande avec l’Irish Whiskey. Elle dispose d’une réglementation

analogue. Ces deux réglementations ont été rendues officielles au niveau européen

par la réglementation n°1576/89.

Les Etats-Unis d’Amérique avec l’American Whiskey. Il s’agit d’un

terme générique désignant tous les produits de ce type. Les différentes qualités

furent légalement définies en 1909. Il est à noter que le grand public confond le

Bourbon et l’American Whiskey, alors que celui-ci n’est que l’une des catégories de

ce dernier

Le « e » de whiskey ne reflète aucune signification particulière. Il s’agit

d’une simple convention. La première définition légale du whisky écossais faisait

d’ailleurs référence à un whiskey distillé en en Ecosse. Au fil du temps,

l’appellation whiskey a été assimilée à l’Irlande et aux Etats-Unis et le terme whisky

à l’Ecosse3.

Au delà de la distinction géographique, on peut distinguer deux types de

whiskies différents : les whiskies de malt et les whiskies d’assemblage (blends).

3 Bénitah (Thierry), Le Whisky, op.cit, p.49.

6

- Les whiskies de malt sont élaborés à partir de 100% d’orge maltée. On peut

distinguer le single malt qui est un whisky issu d’une seule distillerie et le pur malt

qui est un assemblage de plusieurs single malt issus de distilleries différentes. Mais

jusque dans les années 1990, le terme pur malt désignait les deux produits.

- Les blends sont des whiskies issus d’un assemblage de whisky de grain (il

s’agit d’un alcool obtenu par distillation d’un mélange de céréales contenant peu

d’orge malté) et de whisky de malt. Généralement le whisky de grain représente au

minimum 51% de l’assemblage. Lorsque les whiskies de malt en représentent plus

de 40%, nous pouvons parler de blend de luxe.

La France est un pays de renommée mondiale pour sa production d’alcool,

que ce soit du vin (Saint-Émilion, Château-Yquem, Clos Vougeot…) ou encore des

eaux de vie (Cognac, Armagnac…). Mais, en 1998 en France, le whisky devient le

spiritueux le plus consommé en valeur et le second en volume derrière les anisés.

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, c’est un alcool inconnu et d’une

consommation confidentielle. A partir de 1960 et de l’ouverture des frontières, il va

connaître un essor phénoménal.

On peut donc se demander comment le whisky est devenu en 40 ans le

premier alcool français ? Quels ont été les facteurs de son succès ? Quelle a été

l’évolution du prix d’une bouteille de whisky ?

Pour répondre à ces questions, nous allons étudier l’évolution du whisky à

travers trois périodes. D’abord les décennies 1960 et 1970 qui voient la suppression

des contingentements et l’arrivée massive du whisky en France. Celui-ci va pouvoir

bénéficier de l’essor de la grande distribution pour accroître son développement. Le

whisky va être un véritable symbole social durant ces années. Ensuite la décennie

1980 va voir une véritable explosion du marché au travers d’une démocratisation du

produit, mais aussi grâce à l’apparition de très nombreuses marques qui vont rendre

ce marché très désordonné. L’utilisation de la publicité va permettre aux grandes

marques de se créer des images pour fidéliser les consommateurs. Enfin, la décennie

1990 est marquée par une réglementation européenne qui va remettre de l’ordre sur

le marché français, la loi Evin, et une concentration des entreprises d’alcool au

niveau mondial.

7

Nous allons également étudier les prix d’une bouteille de whisky à l’aide de

la méthode de Jean Fourastié pendant ces trois périodes. Cette méthode permet

d’étudier les prix réels et non les prix courants. Le prix réel s’exprime en salaire

horaire, c'est-à-dire combien d’heure il faut travailler au salaire minimum en France

pour pouvoir acheter un bien. Le prix courant est le prix payé par le consommateur à

une date donnée. Grâce à cette méthode, Jean Fourastié a montré que les prix

courants augmentent sur le long terme alors que les prix réels baissent.

Pour réaliser cette maîtrise, de nombreuses sources ont été utilisées.

Les Annuaires statistiques du commerce extérieur de l’Insee mesurent les

importations et les exportations de whisky en France. Jusqu’en 1968, il n’y a qu’une

seule catégorie pour le whisky. De 1968 à 1993 il y a une distinction entre le

« whisky bourbon » et les « autres whisky ». En 1994, deux nouvelles catégories

apparaissent, il s’agit du « whisky pur malt » et du « whisky blend ». Enfin, à partir

de 1995, le terme « écossais » est rajouté au « whisky blend » et au « whisky malt ».

Une nouvelle catégorie est créée, « whisky écossais » autre que « blend » et « malt ».

Cette classification est aussi divisée en deux catégories à chaque fois. Jusqu’en 1968,

on distingue « les whiskies en bouteille de 5 litres ou moins » et « les whiskies

présentés autrement ». A partir de 1968, les deux catégories sont les whiskies en

« récipient d’une contenance égale ou inférieure à 2 litres » et en « contenance

supérieure à 2 litres ». On distingue ainsi le whisky importé conditionné en bouteille

et en vrac. L’unité dans laquelle sont exprimés tous les chiffres de l’Insee pour les

boissons alcoolisées est le litre d’alcool pur (l/Ap). Un litre de whisky dans les

importations ne correspond pas à un litre de whisky dans le commerce mais à un peu

plus de trois bouteilles et demie de 70cl à 40°. Ces tableaux sont très utiles mais ont

de nombreuses limites. L’ouverture du marché au niveau européen avec notamment

le traité du Maastricht en 1991 rend les chiffres peu fiables sur les années qui

suivent. On peut seulement savoir ce qui reste sur le marché français pour être

consommé. Mais elle n’est pas immédiate. Certaines sociétés se constituaient

d’importants stocks lorsque le prix du vrac était bas. Exemple : en 1995, La

8

Martiniquaise estime posséder un stock équivalent à 30 millions de cols qu’ils ont

achetés quelques années auparavant4.

Deux catalogues de prix ont permis d’étudier l’évolution des prix d’une

bouteille de whisky.

Celui de la Maison du Whisky, boutique spécialisée située à Paris, dont le

catalogue va de 1973 à nos jours. Il est utile pour les deux premières décennies,

mais il est malheureusement lacunaire et ne peut servir à connaître l’évolution réelle

du prix pour le consommateur. C’est un magasin qui a pour vocation de vendre des

whiskies spéciaux que l’on ne trouve pas en grande surface. Les prix qu’ils

fournissent pour des blends standards ne reflètent pas la réalité du marché.

Celui réalisé par La Revue vinicole internationale de 1982 à 1995. Durant

cette période, ce magazine a effectué son relevé « dans 30 poins de vente (10

hypermarchés - 20 supermarchés) implantés dans les départements d’Ile de France.

De manière à obtenir la meilleure représentativité possible, les magasins ont été

choisis statistiquement en fonction de leur surface, de leur chiffre d’affaires et du

poids des enseignes auxquelles ils appartiennent » 5 . Ce catalogue comprend

quasiment tous les alcools et va s’étoffer au fur et à mesure. A partir de 1988, les

prix des villes de Marseille, Bordeaux, Lyon et Lille vont aussi apparaître. Ce relevé

est très complet mais trop limité dans le temps pour notre étude.

Les revues professionnelles furent une source importante. La Revue Vinicole

Internationale étudie les whiskies à partir de 1975, mais le premier article sur le

marché français paraît en 1982. Points de Vente s’intéresse aux whiskies à partir du

début des années 1980, et des articles consacrés uniquement aux whiskies

apparaissent à partir de 1988. Enfin LSA (Libre Service Actualité) publie son

premier article sur le sujet en 1990. Toutes ces publications nous donnent une idée

de la consommation en France et dans le monde. Il est impossible de connaître

précisément la consommation française, car on ne connaît pas les ventes des CHR

(cafés, hôtels et restaurants). On estime leur part du marché entre 20 et 30%.

4 Lybrecht (Marie-Line), « Whiskies : Dans la spirale des prix… et des promotions », La Revue Vinicole Internationale, mai 1995, p.34. 5 Roussel (Martine), « Store-Check », La Revue Vinicole Internationale, juin 1982, p.32.

9

Les sources orales ont été très utiles, deux entretiens m’ont été accordés par :

- Jean-Marc Bélier, responsable de la boutique de la Maison du Whisky

depuis 1995.

- Jean-Claude Martin. Il entre chez Saint-Raphaël en 1960, il est directeur

commercial adjoint jusqu’en 1979 puis directeur administratif jusqu’en 1989. Il

préside la Chambre Syndicale des Importateurs de Whisky, Gin et autres spiritueux

étrangers de 1988 à 1989. Puis il quitte Saint-Raphaël pour rentrer dans la structure

syndicale et devient directeur de la Chambre Syndicale des Importateurs de Whisky,

Gin et autres spiritueux étrangers, puis de la Fédération des Importateurs qui

regroupait cette chambre syndicale, le syndicat des importateurs de vins de liqueurs

et le Comité du Commerce Communautaire des vins et spiritueux jusqu’en 1995.

10

II

LLEE DDEEBBUUTT DDEE LL’’EESSSSOORR DDUU

WWHHIISSKKYY 11996600--11998800

11

Durant les années 1960-1970, le whisky a connu sa première phase de

développement sur le marché français. La fin des contingentements et l’ouverture du

Marché Commun ont permis l’arrivée du produit. Puis avec le développement des

supermarchés et des hypermarchés, celui-ci devint plus accessible grâce un prix plus

attractif. L’image que véhiculait le whisky fut un facteur très important qui explique

sa réussite durant cette période.

A) Un produit plus accessible

Avant 1960, le whisky était un produit importé en petites quantités car

soumis à des contingentements. Cela en faisait un produit particulièrement rare et

cher. Seules deux ou trois sociétés importaient du whisky et pratiquaient des prix

élevés. Ce marché très réduit mais intéressant suscita des convoitises.

On voit apparaître l’une des premières références au whisky dans un article

du journal Le Monde en 19586. Il s’agit de la mise en accusation d’un importateur

accusé du délit de tromperie sur la marchandise pour avoir vendu des bouteilles de

whisky en provenance de Hollande sur lesquelles était apposées des étiquettes

portant la mention : « Scotch whisky, O. William, distiller, Glasgow ». Nous y

trouvons une précision sur les prix qu’il pratiquait : « Il vendait 1800 francs ces

bouteilles qu’il achetait 600 et que les détaillants portaient à 3500 ». Il s’agit

d’anciens Francs, ce qui représente en prix réel 24h de travail7 pour un manœuvre.

Comparativement, une bouteille de Champagne Brut Impérial Moët et Chandon

nécessitait en 1959 un peu plus de 9h de travail pour le même manœuvre et valait

1350 francs8. Le champagne était un produit de luxe et le whisky était encore plus

cher. Il est évidemment ici impossible de savoir de quelle sorte de whisky il

s’agissait.

Avant 1960 « le whisky était un produit rare. Et relativement cher. Le

consommateur typique faisait partie d’une classe plutôt aisée, et le whisky

consommé entre hommes dans le secret douillet d’un bar fumoir d’où les femmes

étaient implicitement bannies appartenait encore à un rituel social »9.

6 Non signé, « Whisky pour gogos… », Le monde, 23 décembre 1958, p.7. 7 Institut national de la statistique et des études économiques, Séries longues sur les salaires, Paris, INSEE, 2000. 8 Fourastié (Jean), Bazil (Béatrice), Pourquoi les prix baissent, Paris, hachette, 1984, p.255. 9 Nugue (Christian), Les cinglés du whisky, Paris, Hermé, 1989, p.18.

12

1) Internationalisation de l’économie

A la fin des années 1950 un changement de la politique extérieure apparaît

avec l’ouverture des frontières, la fin des taxes douanières et des contingentements.

Ces modifications sont dues à deux phénomènes : la crise politique et financière que

connaît la France à la fin de la IVème République et la création du Marché Commun.

Ces changements de politique vont permettre l’entrée du whisky en plus grande

quantité sur le marché et commencer ainsi à le rendre plus accessible.

a) Le plan de Gaulle-Rueff

A l’arrivée au pouvoir du Général De Gaulle, suite à la crise politique et

financière de la IVème République, deux types de mesures sont prises : des mesures

d’urgence destinées à faire face à la crise de trésorerie intérieure et extérieure de

l’Etat, ainsi qu’un ensemble de mesures proposé par un comité d’experts présidé par

Jacques Rueff et qui seront mises en œuvre à la fin de l’année 1958.

Les mesures d’urgence prises permirent à l’Etat de parer au plus pressé (par

exemple : amnistie pour les capitaux placés à l’étranger en autorisant leur

rapatriement sans aucune contre partie fiscale) et ainsi de mettre en œuvre un

programme beaucoup plus vaste, le plan de Gaulle-Rueff.

Un comité d’expert présidé par Jacques Rueff devait élaborer un plan destiné

à préparer l’économie française à l’ouverture de ses frontières. Cette notion était

révolutionnaire pour l’époque. Le Général De Gaulle écrira plus tard « … la

libération des échanges. C’est là une révolution ! ». 10 Effectivement, la majeure

partie de l’opinion était hostile à l’ouverture des frontières, contraire à la tradition

française, et le patronat comme les syndicats craignaient qu’elle ne conduise à un

déferlement de produits étrangers. Avec pour conséquences un déséquilibre des

échanges extérieurs, de nouvelles dévaluations et surtout une diminution de la

production entraînant une montée du chômage.11 Les mesures mises en œuvre à la

fin de l’année 1958 peuvent être classées en quatre catégories : réduire l’inflation, 10 Vesperini (Jean-Pierre), L’économie de la France sous la Vème République, Paris, Economica, p.11. 11 ibidem, p.8.

13

favoriser l’expansion de l’économie, rétablir la compétitivité et mettrent en place le

processus d’ouverture des frontières. Ces quatre catégories de mesures sont

évidemment liées entre elles puisqu’elles convergent toutes vers un même objectif :

l’ouverture de l’économie française sur l‘extérieur.

Deux données sont donc essentielles : l’ouverture des frontières dans le cadre

de ce plan et la création du marché commun12.

b) La Communauté Economique Européenne

Au sortir de la guerre, il y a en France un certain protectionnisme déguisé. La

préférence pour les produits nationaux ou coloniaux a été renforcée. Certains signes

d’ouverture apparaissent puisque la France participe au libéralisme mondial qui se

met en place après la Seconde Guerre Mondiale. Elle adhère en 1948 au GATT

(General Agreement on Tariffs and Trade) qui proclame la nécessité d’une

diminution générale des droits de douane dans le monde et l’établissement de

relations commerciales entre les pays développés. La France contribue aux accords

de Bretton Woods en juillet 1944 qui mettent au point le nouveau système monétaire

international.

La France participe à la construction européenne. Le 19 Avril 1951, à

l’initiative de Robert Schumann et de Jean Monnet, est instituée une communauté

européenne du charbon et de l’acier (CECA). Elle met en place un marché commun

pour ces deux produits et concerne six pays (la République Fédérale Allemande,

l’Italie, le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas et la France). Cette intégration

économique se confirme avec la signature le 25 Mars 1957 du traité de Rome qui

entraîne la création de la Communauté Economique Européenne (CEE). Elle est

caractérisée par une libre circulation des marchandises et des capitaux.

L’instauration du libre échange entre les six pays membres de la CEE ne

s’accompagne en outre d’aucun protectionnisme renforcé à l’égard du reste du

monde.

12 Grenard (Fabrice), Histoire économique et sociale de la France de 1850 à nos jours…, Ellipses, 2003, p. 237.

14

Ce cadre international reste très théorique en France jusqu’en 1958 car les

tensions inflationnistes obligent à plusieurs reprises le rétablissement d’un strict

contrôle du commerce extérieur.

c) L’ouverture du marché

Importations de whisky 1958-1966

0

500 000

1 000 000

1 500 000

2 000 000

2 500 000

3 000 000

3 500 000

4 000 000

4 500 000

1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966

l/Ap

La mise en place du plan de Gaulle-Rueff entraîne le 1ier janvier 1959 la

première étape de l’ouverture de l’économie prévue par le traité de Rome. Elle

consiste à abaisser les doits de douane de 10% et à élargir les contingents à l’égard

des pays du Marché Commun. D’autre part, la France décide une libéralisation de

40%, puis de 90% de ses importations à l’égard des pays de l’OECE (Organisation

Européenne de la Coopération Economique). Elle décide également une

libéralisation de 50% de ses importations à l’égard des pays de la zone dollar13.

Le Monde note en 1959 : « les importations françaises de whisky anglais

vont doubler en valeur cette année, conformément à l’accord commercial franco-

britannique récemment conclu. Elles pourront atteindre 300 000 livres sterling : la

balance des échanges de boissons avec la Grande-Bretagne restera néanmoins

13 Vesperini (Jean-Pierre), op.cit., p. 11.

15

favorable pour la France qui exportera 11,5 milliards de boissons diverses vers le

Royaume-Uni »14. L’ouverture du marché commence.

Les derniers contingentements sont supprimés en 1965, les derniers droits de

douane sont abolis le 1ier juillet 1968 (la procédure ayant été accélérée par deux fois

en 1961 et 1962)15. On remarque une augmentation progressive des importations du

whisky16 qui bénéficient des premières levées des contingentements en 1958. Elles

passent de 350 500 l/Ap en 1958 à 865 000 l/Ap en 1960 17 , date d’un nouvel

élargissement, puis à 2 819 000 l/Ap en 1962 lorsque les derniers contingentements

sur le whisky sont supprimés18.

2) Plusieurs circuits de distribution

A partir de 1960, le produit devient plus accessible et il y a une demande

potentielle. La raison de cette demande est avant tout sociologique comme nous le

verrons plus tard. La libéralisation des échanges donne le droit à tout le monde

d’importer du whisky, et de nombreuses sociétés vont s’engouffrer dans cette brèche

pour pouvoir diversifier leurs activités.

a) Une « distribution capillaire »

Avant 1960, les importations de whisky étaient très limitées. Seules quelques

sociétés pouvaient en importer et le vendre. Elles avaient le monopole du marché et

donc des prix.

Grâce à l’ouverture, d’autres sociétés vont s’engager sur ce marché. Les

premières d’entre elles vont être des entreprises qui commercialisaient déjà de

l’alcool à cette époque, telles que St Raphaël, Dubonnet, Pernod, Ricard,

Martini…Ces sociétés très spécialisées, qui ne vendaient que leurs propres produits

(Pernod vendait du Pernod, Ricard du Ricard…), décidèrent de se diversifier en

vendant du whisky. 14Non signé, « Les importations de whisky vont doubler en 1959 », Le monde, 24 avril 1959, p.8. 15Fernandez (Alexandre), L’économie française depuis 1945, Hachette, 2001, p.103. 16 Direction générale des douanes et droits indirects, Statistiques du commerce extérieur. Commentaires annuels, Ministère des finances et des affaires économiques, 1960-1966. 17 Non signé, « Le whisky entre deux eaux », Le Monde, 2 juillet 1969, p.28. 18 Piot (Olivier), « Dans le Nord, une distillerie du siècle dernier est sauvée par le tourisme industriel », Le monde, 13 mai 1998.

16

Deux politiques vont s’affronter pour pouvoir en importer et le vendre.

Certaines sociétés vont se mettre en rapport avec des distilleries, des compagnies

anglaises ou écossaises, pour obtenir un contrat de représentation et ainsi vendre

leurs produits en France. C’est par exemple ce qu’a fait St Raphaël avec le Whisky

Long John. Il existait une autre politique qui consistait à prendre le contrôle de

distributeurs ou de fabricants19.

Pour pouvoir vendre du whisky, il faut le distribuer et, en 1960, les grandes

surfaces n’existaient pas encore. Ces sociétés vont s’appuyer sur la couverture

nationale de leurs forces de vente, c'est-à-dire sur des fichiers de plusieurs dizaines

de milliers de clients à travers toute la France. Les représentants de ces compagnies

les démarchaient un par un pour leur vendre l’unique produit qu’ils distribuaient. Il

s’agissait d’une « distribution capillaire » qui couvrait les cafés, les restaurants, les

épiceries fines….Ce type de distribution rend les nouveaux produits disponibles

progressivement sur tout le territoire français, et non pas d’un seul coup partout en

France comme c’est le cas aujourd’hui. Avec la politique de diversification, ces

représentants durent aller vendre du whisky partout en France à des gens qui n’en

avaient jamais vu. Jean-Claude Martin rapporte que lors d’une visite à l’un de ses

représentants dans le Poitou, il l’a accompagné dans un bar. Pour vendre 3 bouteilles

de Long John, il a dû en offrir une de St Raphaël car le gérant refusait d’acheter du

whisky, ne connaissant pas et ne voyant pas qui pourrait en boire. En faisant ainsi, le

produit était disponible pour les clients. Si après plusieurs semaines la

consommation avait été suffisante, le gérant repassait commande.

Durant ces premières années, le marché français, bien que couvert de façon

capillaire, a vu ses importations commencer à croître. On passe de 2 700 000 l/Ap

(environ 10 millions et demi de cols) en 1962 à 4 000 000 l/Ap (environ 14 millions

et demi de cols) en 196520. Un exemple du développement du whisky en France et

de l’enjeu économique qu’il représentait fut le lancement d’opérations publicitaires

telles que les fontaines à whisky21. Il s’agissait de la mise en place de « Tregnum »,

une bouteille de 2,25 litres (équivalente à 3 bouteilles). Elle était disposée sur un

petit meuble en bois avec un fond en tissu écossais portant le nom de la marque en

haut. Saint Raphaël fut le premier à le faire. Ils commencèrent par en mettre 50 dans 19 Cf. Entretien Jean-Claude Martin du 2 mars 2005. 20 Direction générale des douanes et droits indirects, Statistiques du commerce extérieur. Commentaires annuels, op.cit. 21 Cf. Entretien Jean-Claude Martin du 2 mars 2005.

17

toute la France. Ils les installèrent dans des lieux stratégiques, tel qu’un café à côté

de chez Maxim’s à Paris. La publicité directe étant à l’époque interdite, promouvoir

leur produit dans les cafés était un excellent moyen de promotion indirecte. Le

produit était ainsi rendu visible sur les lieux de consommation.

Un autre exemple de politique de distribution est J & B qui arrive en France

en 1961 et qui est diffusé par Moët-Henessy. Distributeur de champagne (Moët et

Chandon), ils décidèrent d’appliquer la même politique de développement que pour

celui-ci. Elle consiste à viser la clientèle haut de gamme et à laisser le produit

descendre dans la pyramide sociale. Pour ce faire, il est nécessaire que le produit

soit consommé par des « locomotives qui jouent le rôle de public relation »22. Ils

ont dans un premier temps référencé le J & B dans les endroits à la mode, les night-

clubs, les bars américains ou les boîtes de nuit fréquentés par les « vedettes », mais

aussi les restaurant de luxe et tous les établissement où se retrouve le tout Paris.

Durant les années suivantes, ils vont placer leurs scotchs dans le sillage de Moët et

Chandon, notamment lors des manifestations auxquelles ils participent, par exemple

le Grand Prix de Formule 1 de Monaco de 1979 ou au club Moët des 24 heures du

Mans. A ces occasions, ils offrent du whisky en même temps que du champagne.23

Compte tenu de la législation, c’étaient les seules opérations de promotion qu’ils

pouvaient faire. En 1978 ils vendaient 3 millions de bouteilles mais reconnaissaient

qu’il leur était nécessaire de modifier leur mode de distribution pour assurer leur

développement.

b) L’apparition des grandes surfaces

La distribution du whisky se faisait surtout au travers de cafés et de quelques

épiceries fines. L’apparition des supermarchés puis des hypermarchés au début des

années 1960 va profondément modifier la distribution et rendre le produit encore

plus accessible. Certaines marques comme J & B vont refuser que leurs whiskies

soient diffusés en grandes surfaces durant les décennies 1960 et 1970.

22 Brousse (Norbert), « J & B ou la stratégie de l’élite », La Revue Vinicole Internationale, juin-juillet 1979, p.44. 23 ibidem.

18

Au sortir de la guerre, les structures commerciales sont héritées du XIXème

siècle et se réduisent à un paysage dans lequel une multitude de petits commerces

(85%) coexistent avec quelques grands magasins (15%)24. La période 1945-1952

correspond pour les commerçants à une période de prospérité car les difficultés de

ravitaillement alimentent des tensions inflationnistes qui soutiennent leur activité.

Mais la situation change au milieu des années cinquante. Les raisons du

déclin du petit commerce sont principalement économiques. Bien que les

commerçants aient le souci de vendre des produits de qualité, leur politique de prix

chers a finalement raison de leur existence. La faiblesse des quantités écoulées ne

leur permet pas de pratiquer des prix attractifs. La diversité des produits proposés est

par ailleurs insuffisante. Le petit commerce traverse une période de transition au

cours de laquelle il devient progressivement évident qu’ils constituent un goulet

d’étranglement. Cette période de déclin va voir les petits commerçants passer de

1 252 000 en 1954 à 913 00 en 1975 25 . Elle est marquée par des événements

importants : 1952 qui marque la fin des restrictions massives de l’après-guerre,

1957 avec la création des premiers supermarchés mais surtout 1963 avec la création

du premier hypermarché dans la région parisienne.

Le premier supermarché au monde est créé en 1930 sur l’île de Long Island

près de New-York26. C’est un magasin rudimentaire qui pratique des prix 15 à 20%

moins chers que les autres magasins. En 1932, il y en a 300 et en 1936, plus de 1600

à travers tout les Etats-Unis. En France le précurseur de cette méthode sera Edouard

Leclerc. Dés 1949, à Landerneau dans le Finistère, il ouvre un petit point de vente

qui pratique des prix de gros. Le premier supermarché français ouvre en 1957 à

Paris. En 1963, on recense au moins un supermarché par département.

Le magazine Entreprise donne une définition du mot supermarché en 1960 :

« Il s’agit d’un magasin d’alimentation en libre service où l’on propose tous les

produits de la consommation courante, dont la surface de vente doit être au

minimum de 400 mètres carrées »27. Ces magasins proposaient déjà une rupture

avec l’ancien système d’achat puisqu’on y trouve du libre-service. C’est une

24 Parodi (Maurice), L’économie et la société française au second XX siècle, Armand Colin, 1995, p.224. 25 ibidem, p.225 26 Lhermie (Christian), Bernard (Daniel), Carrefour ou l’invention de l’hypermarché, Paris, Vuibert, 2003, p.7. 27 Courage (Sylvain), La vérité sur Carrefour, l'épicier planétaire aux 2 millions de clients par jour, Assouline, 1999, p.19.

19

nouvelle approche de la consommation fondée sur l’autonomie et l’impulsion.

Auparavant les consommateurs devaient s’en remettre impérativement à un vendeur.

Or, l’interposition d’un tiers pouvait avoir un effet de frein sur l’achat. Mais vont

apparaître des magasins encore plus grands dans le paysage français, ce seront les

hypermarchés.

Le premier hypermarché est ouvert le 15 juin 1963 par la société Carrefour à

Sainte-Geneviève des Bois dans l'Essonne. Le magasin fait plus de 2600 m2 et

compte 400 places de parking, une pompe à essence et de grands chariots à roulettes.

C'est la première fois qu'un magasin propose un aussi large assortiment sous le

même toit : des produits frais, de l'épicerie, du bazar, du textile et de

l'électroménager. Le succès est immédiat : plus de 5000 clients se précipitent dans le

magasin dés le premier samedi d'ouverture. En 1964 il réalise 100 millions de francs

de chiffres d’affaires alors que tout le monde avait dit que ce projet était voué à

l’échec.

C’est une révolution dans la distribution française. Ce système est importé

des Etats-Unis. Les dirigeants fondateurs de Carrefour (Marcel Fournier, Denis et

Jacques Defforey) ont assisté à un séminaire de Bernard Trujillo, le « messie » de la

grande distribution à Dayton, dans l’Ohio. Tous les fondateurs des hypermarchés y

participeront et en retiendront quatre grands principes : le parking, le libre-service,

les prix bas, le spectacle 28 . Ce sont ces principes qui vont être appliqués par

Carrefour, Auchan, Euromarché, Mammouth… et qui vont aboutir à une explosion

du nombre d’hypermarchés en France. En 1973, on en recense plus de 200. Mais

devant la résistance du petit commerce, la loi Royer est adoptée en 1973 pour freiner

la création de ces grandes surfaces. Désormais, la création de tout magasin dont la

surface excède 1200 m² devra obtenir l’approbation d’une Commission

Départementale d’Urbanisme Commercial (CDUC). Mais c’est trop tard, la grande

distribution est implantée et va continuer à se développer.

Les supermarchés et les hypermarchés vont donc rendre les produits plus

disponibles et à un meilleur prix. Parmi ceux-ci, le whisky va être plus accessible et

va faire l’objet de batailles de prix. Ils vont même se servir de celui-ci comme

produit d’appel.

28 ibidem, p.16.

20

3) L’évolution du marché

Entre 1962 et 1979, les importations de whisky passent de 2 753 000 l/Ap à

14 400 000l/Ap29. L’augmentation du marché est très importante.

a) Le problème des taxes sur le whisky

L’augmentation du marché du whisky va entraîner des mesures

protectionnistes en France pour préserver les alcools nationaux. Contrairement aux

dires des Anglais, ce protectionnisme va être assez faible. En 1962, une nouvelle loi

instaurant des mesures de financement pour les alcools nationaux va créer une

surtaxe pour le whisky et la vodka : « Le financement de l’arrachage des pommiers

à cidre est donc assuré par une majoration de 50 NF de la surtaxe sur les apéritifs

autres que ceux à base de vin et par une taxe de 300 NF par hectolitre d’alcool pur

sur toutes les boissons alcooliques provenant de la distillation de céréales (gin,

whisky, vodka) »30. On voit ainsi la volonté de financer des produits français grâce à

de l’alcool étranger. En 1965, la taxe que supporte une bouteille de whisky de 43°

est de 7,03F par litre31, mais on ne connaît pas le prix d’une bouteille d’un autre

alcool. On sait qu’une bouteille de whisky valait approximativement 30Fr à

l’époque 32 , les taxes représentant donc presque le tiers du prix de la bouteille.

Durant toute cette période, les Anglais vont se plaindre de l’attitude de la France. En

1977 les taxes sont encore augmentées : « Le « droit de consommation » imposé par

les autorités françaises va être accru de 11% en ce qui concerne le scotch. Déjà le

whisky écossais se voyait frappé en France du « droit de fabrication » qui, non

seulement, n’est pas imposé au cognac mais qui ne touche pas non plus des alcools

tels que le rhum de la Guadeloupe et de la Martinique »33. Tout ceci prend fin en

29 Direction générale des douanes et droits indirects, Statistiques du commerce extérieur. Commentaires des résultats de l'année..., Ministère de l'économie et des finances, 1967-1996. 30 Ballet (André), « Le whisky, la vodka et les apéritifs a base d’alcool sont surtaxés », Le Monde, 22 décembre 1962, p.6 31 Non signé, « Champagne et whisky a gogo », Le Monde, 1 avril 1965, p.20. 32 Cf. Entretien Jean-Claude Martin. 33 Non signé, « Les producteurs de whisky écossais reprochent aux autorités françaises des pratiques discriminatoires », Le Monde, 29 janvier 1977, p.34.

21

1980 lorsqu’une loi est votée « assimilant le whisky au cognac et donc lui octroyant

une économie de 16%, soit 12fr par bouteille »34.

La sur taxation du whisky n’a pas eu vraiment de conséquences sur

l’évolution de la consommation.

b) Evolution de la consommation

Les contingentements disparaissent, et ce principalement au profit du whisky

venant de Grande-Bretagne. En 1959, Le Monde relate la visite à Paris d’un vice-

amiral américain originaire du Kentucky. Celui-ci en profite pour critiquer ces

français qui « vendent chaque année aux Etats-Unis entre 12 et 14 milliards de

francs de cognac, vins, champagnes liqueurs, apéritifs, mais (…) n’achètent que

douze mille bouteilles de « bourbon » petite moitié d’un contingentement d’alcools

américains limité à 18 millions de francs »35. L’amiral américain se plaint que dans

le même temps la France achète pour 1,2 milliard de Scotch.

Suite à cette anecdote, le leader des distillateurs américains n’hésite pas à

demander au gouvernement français « d’élargir les contingents d’importations du

« bourbon » dont la vente devrait approcher (…) les cent mille bouteilles par an »36.

Le whiskey américain va renforcer sa position puisque les importations en

provenance des Etats-Unis passent de 14 000 l/Ap en 1960 à 184 575 l/Ap en 1969.

Ce mouvement se retrouve à l’échelon européen. « En cinq ans, entre 1960 et 1964,

les ventes de bourbon aux pays du vieux continent progressent de 275%, atteignant

800 000 litres, ce que confirme le ministère américain du commerce indiquant que le

bourbon est en train de gagner sa place dans les bars d’Europe »37 . Néanmoins

malgré cette augmentation, la France n’est pas le premier importateur de bourbon en

Europe, elle se place derrière l’Allemagne et la Grande-Bretagne38. Et le whisky

américain n’est pas en mesure de concurrencer les whiskies écossais en France.

34 Malaud (Philippe), « Whisky à gogo », Le Monde, 25 novembre 1980, p.46 35 G.M., « Un amiral américain porte à Paris la guerre des whiskies », Le Monde, 11 novembre 1959, p.9 36 ibidem. 37 Non signé, « L’Europe et le bourbon », Le Monde, 26 août 1965, p.10. 38 ibidem.

22

En 1969, il ne représente que 2,8% des importations totales de whisky et en

1979, à peine 2% 39 . Les whiskies américains n’ont pas profité pleinement de

l’augmentation de la consommation de whisky en France puisque sa part dans la

consommation a diminué.

C’est le Scotch Whisky qui en profitera puisque en 1979 celui-ci représente

plus de 97% des importations totales de whisky. Sa prédominance sur le marché

français ne sera jamais détrônée.

Importations de whisky 1962-1979

0

2 000 000

4 000 000

6 000 000

8 000 000

10 000 000

12 000 000

14 000 000

16 000 000

18 000 000

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

l/Ap

L’augmentation des importations de whisky en France est fulgurante. La

France est en 1962 le « troisième importateur mondial de whisky écossais, derrière

les États-Unis et l’Australie »40 , et elle devient l’année suivante le second pays

importateur de whisky41. Cette hiérarchie va considérablement évoluer au cours des

39 Brousse (Norbert), « Whisky : Le dernier des géants », La Revue Vinicole internationale, mars 1981, p.59. 40 Non signé, « Il y a whisky et whisky », Le Monde, 2-3 décembre 1962, p.6. 41 Non signé, « La France est devenue le plus gros importateur de whisky écossais », Le Monde, 17 janvier 1964, p.18.

23

deux décennies pour finalement se stabiliser. En 1979, la France est le troisième

importateur de Scotch whisky derrière le Etats-Unis et le Japon42.

L’évolution du marché du scotch durant les années 1960 et 1970 est très

simple. Avec l’ouverture du marché, arrivent en France les grandes marques

traditionnelles écossaises, dans la foulée de Johnny Walker. Les whiskies standards

sont venus pour s’implanter sur le marché. Jusqu'à la fin de la décennie ils ont

conservé un quasi monopole. Cependant les classes aisées, qui étaient à l’origine du

développement de la consommation du whisky, ont frémi devant la banalisation du

produit. Ceux que l’on appelle les leaders d’opinion ont alors recherché de

nouveaux produits plus sophistiqués. Le début des années 1970 va être marqué par

l’apparition des whiskies de luxe. C’est le point de départ du succès de Chivas,

Johnny Walker Black Label ou encore Ballantines 12 ans d’âge. Va suivre en 1975

l’apparition des premiers singles malt avec Glenfiddich. Mais les whiskies de luxe

sont minoritaires. En 1977 le marché est découpé entre 6 grandes marques qui

représentent plus de 60% de la consommation (Johnny Walker Red Label, Label 5,

Long John, Black and White, Haig et Ballantine’s)43. Même si les années 1970 sont

marquées par l’érosion de la part des grandes marques, ce sont les années 1980 qui

leur causeront le plus de problèmes.

La part du whisky dans la consommation française de spiritueux est difficile

à connaître. Le Monde nous dit en 1962 que « cette boisson ne représente que 3% de

la consommation française de spiritueux » 44 . En 1979, on trouve deux chiffres

différents. Soit le whisky est le 2ème alcool le plus consommé (10 à 15%) derrière les

anisés qui représentent plus de 40% de la consommation totale45 ; soit selon La

Revue vinicole internationale, les whiskies sont en 4ème position derrière les anisés,

les vins doux naturels et les apéritifs à base de vin46. Même s’il est impossible de

savoir quel est le chiffre exact, ces chiffres montrent bien l’importance qu’a prise le

whisky sur le marché français en 20 ans.

42 Brousse (Norbert), op.cit, p.69. 43 ibidem, p.68. 44 Non signé, « Il y a whisky et whisky », Le Monde, op.cit, p.6. 45 Centre d'études et de recherches sur la vigne et le vin, Eaux-de-vie et spiritueux: Colloque de Bordeaux-Cognac, octobre 1982, CNRS, 1985, p.276. 46 Brousse Norbert, op.cit, p.47.

24

c) Evolution des prix

Pour que le marché puisse s’épanouir, l’arrivée massive de whisky ne

suffisait pas à elle seule. Il fallait aussi qu’il y ait une évolution très importante des

prix. Comme nous l’avons vu, une bouteille de whisky était vendue 3 500 ancien

Francs en 195947, mais on sait aussi qu’une bouteille de Long John était vendue 30fr

au début des années 1960. Si on raisonne en salaire horaire, la première valait 24

salaires horaires alors que la deuxième n’en valait que 19. Son prix réel a donc

baissé mais il reste un produit de luxe. Nous n’avons malheureusement aucun prix

d’une bouteille de whisky durant les années 1960, par contre nous l’avons en 1973

et en 1977.

En 1973, une bouteille d’un whisky blend (exemple : Johnny Walker Red

Label) valait 32,90fr, un blend de luxe ou de 12 ans d’age (exemple : Chivas Regal)

valait 69fr, un pur malt (exemple : Cardhu 12 ans) valait 69fr48. Cela représentait

respectivement 7,2 salaires horaires pour le premier, 15,2 salaires horaires pour les 2

autres. Malgré cette baisse des prix, cela reste tout de même un produit relativement

cher. En 1977 les même whiskies valaient respectivement 5,6, 9,3 et 11,3 salaires

horaires. Les prix ont encore globalement baissé. On voit apparaître en 1973 une

partition entre les blends standards et les whiskies de luxe. Mais en 1977 cet écart a

diminué et reste le même entre les blends standards et les purs malts. Le whisky voit

son prix réel baisser et devient accessible à un plus grand nombre.

La baisse du prix d’une bouteille de whisky est aussi un élément important

de son essor. La possibilité pour un consommateur au salaire minimum de s’acheter

une bouteille rend ce nombre d’acheteurs potentiels très important, même si une

partie de la population qui avait commencé à consommer le whisky va s’en

détourner ou se réorienter vers des whiskies de luxe. La consommation de whisky va

augmenter avec sa popularisation et avec la baisse de son prix.

L’ouverture du marché a certes permis de créer l’offre et la baisse des prix a

rendu le produit disponible à un plus grand nombre, mais la demande est apparue

d’elle-même et on peut se demander quelle a été la raison de son succès.

47 Non signé, « Whisky pour gogos… », Le monde, op.cit. 48 Catalogue de prix de la Maison du Whisky.

25

B) Les raisons du succès du whisky

Il convient de s’interroger sur la nature du buveur de whisky. Il y a très peu

d’informations sur ce sujet, néanmoins quelques études ont été réalisées à l’époque

et nous permettent d’en avoir une idée. S’intéresser aux facteurs de son

développement est également nécessaire.

1) Le whisky : un symbole social

Avant la levée des contingents, les consommateurs de whisky étaient,

comme nous l’avons vu précédemment, une « élite », mais cela va évoluer. Le

whisky va descendre petit à petit dans la pyramide sociale. En 1969, Le Monde

écrit : « Les Français videront quinze millions de bouteilles de whisky de toutes

marques, ce qui promet quelques « cuites » chez les cadres et professions libérales

qui d’après des sociologues spécialisés, composent la majeure partie des 18% de nos

compatriotes portés sur l’alcool de grain »49 . La consommation de whisky reste

donc durant les années 1960 une consommation des classes aisées.

La seconde étude a été réalisée par la Scotch Whisky Association 50et la

Chambre Syndicale des Importateurs de Vins et Spiritueux pour savoir qui

consommait du whisky et pourquoi51.

La principale motivation des consommateurs de whisky, c’est qu’il permet

de se situer socialement. C’est aussi faire preuve de personnalité et, particulièrement

chez les hommes, de maturité. De là découlent de nombreuses images, d’évocations

et de motivations « secondaires ». Elles peuvent être classées en trois catégories :

- Pour 26% des amateurs, le whisky a une fonction symbolique : il permet de

s’identifier à un groupe social considéré comme « modèle » par l’aisance et le

dynamisme de son style de vie. Ces consommateurs appartiennent aux couches

sociales les moins favorisées qui connaissent mal les marques et les caractéristiques

du produit. Ils avouent « boire DU whisky » et encore peu fréquemment.

49 Non signé, « Le whisky entre deux eaux », op.cit., p.28. 50 La Scotch Whisky Association (SWA) est un syndicat chargé de défendre les intérêts du scotch en Grande-Bretagne et à travers le monde. 51 Non signé, « Whisky : Pourquoi les consommateurs l’achètent ? », La Revue vinicole internationale, mars 1978, p.52-54.

26

- Pour 46% des amateurs, le produit révèle l’appartenance au groupe

social « modèle ». Le whisky sert de référence, fait office de signe de

reconnaissance. Mais il est de bon ton de mettre en avant ses caractéristiques et ses

qualités pour justifier, voire pour masquer son rôle essentiellement social. Ils

avouent « boire UN whisky » ou « UN scotch »

- Le dernier groupe - 28% - est celui des « connaisseurs ». A l’inverse des

autres, ceux là sont conscients du rôle social de cette boisson et de la nécessité de la

dépasser. Il ne s’agit pour eux que d’un produit de consommation, pouvant ainsi

faire l’objet de critiques ou de connaissances précises. Les « connaisseurs » sont

jeunes, appartiennent aux catégories socio-économiques les plus aisées et vivent en

milieu urbain. Ils se réfèrent à une marque de whisky et sont fidèles à celles qu’ils

apprécient.

Néanmoins, 61% des Français ne boivent pas de whisky. La moitié connaît

tout au plus son existence. Ce sont généralement des personnes âgées, peu aisées et

vivant loin des villes. C’est un alcool que l’on retrouve essentiellement en milieu

urbain. 27% des non consommateurs ont eu l’occasion d’y goûter, mais n’ont

éprouvé ni le besoin ni l’envie de s’y attacher. Quant aux autres, ils ressentent la

signification sociale de la boisson, mais sont arrêtés par son goût.

Le whisky est le plus souvent consommé pour ce qu’il symbolise plutôt que

pour ses qualités propres. Il intervient comme un véritable symbole social, ce qui est

d’une très grande importance aux yeux des consommateurs. Celui-ci est négligé par

la première catégorie de consommateurs mais est primordial pour les seconds car

justifie à lui seul sa consommation. Le goût n’intervient que pour déterminer le

choix entre non consommation et consommation.

Selon la catégorie à laquelle appartient le consommateur, la hiérarchie des

qualités est perçue différemment. Pour le premier groupe, il n’y en a pas. Pour le

deuxième, la différence de qualité apparaît grâce aux écarts de prix. Enfin pour les

connaisseurs, ils savent qu’elle dépend de l’âge, de la composition et de l’origine.

Les consommateurs qui parlent de qualité s’expriment en terme de marques.

La notoriété de celles-ci est capitale car elle motive l’achat de la seconde catégorie

qui est la plus grosse consommatrice de whisky. Celle-ci ayant plus tendance à boire

son whisky allongé puisqu’elle le boit pour l’image et non pour le goût, rien

d’étonnant alors que le whisky soit bu en Long drink. Le connaisseur aura tendance

à le boire sec.

27

On remarque que le whisky est consommé par une petite part de la

population puisque seulement 39% en consomment et que la plupart ne le font que

pour l’image qu’il représente.

2) D’où vient ce symbole social ?

Si le whisky est bu pour le symbole qu’il représente, il est relativement

anonyme. Mais quel est ce symbole social, quelle image représente t’il et d’où vient

il ? On pourrait penser que c’est la publicité qui l’a créé, mais celle-ci fut interdite

jusque dans les années 1980 pour tous les alcools de la Vème catégorie52 (dont faisait

partie le whisky).

Le whisky consommé en France est principalement écossais (à plus de 90%),

néanmoins c’est l’image américaine de cet alcool qui va dominer. Il s’éloigne de ses

racines, il n’est plus la boisson populaire des Highlands mais devient la marque

d’une certaine appartenance sociale de même qu’un moyen d’expression, d’une

identité existentialiste et fortement masculine. Le caractère anglo-saxon joue un rôle

important. C’est le mode de vie américain qu’il représente alors que les connaisseurs

rejettent ce stéréotype moderniste au profit de l’origine écossaise, symbole de bien-

être traditionnel. En 1969, Richard Teacher, distillateur, estimait que « l’avènement

du whisky en France coïncide avec une certaine attitude psychologique de la

clientèle »53. Claude Sarraute qui a vécu cette époque le confirme : « Moi, quand on

me dit whisky, ça fait tilt dans ma tête : je braque un voleur de bétail dans un saloon

du Far West. Il faut vraiment que je me fende d'un grand écart à m'en péter le cortex

pour penser à un pub écossais fréquenté par des joueurs de cornemuse en kilt.

Scotch ou bourbon, un whisky, ça se prononce comme ça s'écrit. Avec l'accent de

Humphrey Bogart. Et ça a la couleur de doigts jaunis par la nicotine. On peut en

distiller tant qu'on voudra dans les Highlands, nous, celui qu'on boit sort des

alambics de Hollywood. Il en coule tellement sur nos écrans de télé qu'il faut les

balayer à l'essuie-glace si on ne veut pas se paumer dans un western ou un policier.

Surtout s'agissant d'un vieux film en noir et blanc. »54

52 Les alcools sont classés en V catégories, cf. annexe. 53 Non signé, « Le whisky entre deux eaux », op.cit. 54 Sarraute (Claude), « L’œil de Claude Sarraute », Le Monde, 21 mai 1994.

28

Ce symbole a été créé par la présence de troupes américaines sur le sol

européen durant les années d’après guerre. « Les G.I. parcouraient l’Europe (…)

paraissant disposer d’inépuisables réserves de whisky dans (leurs) bagages. Le goût

pour le whisky, jusqu’alors relativement confiné aux îles britanniques, se répandit

ainsi en Europe » 55 . Mais plus que les soldats, c’est l’ensemble de la culture

américaine à travers ses symboles et ses habitudes de vie qui va permettre la

création des premières représentations du whisky dans l’imaginaire français et ainsi

favoriser sa popularisation. L’histoire du whisky est donc proche de celle du coca-

cola ou encore du chewing-gum. Tout ce qui vient des Etats-Unis est à la mode, du

jazz dansé dans les caves de Saint-Germain aux romanciers que l’on commence à

découvrir.

Les principaux symboles de mode de vie américain vont passer à travers le

cinéma et la littérature. Les films offrent « un terrain idéal pour qui veut

appréhender les habitudes culturelles, les comportements, les représentations.»56 .

Ceux-ci retranscrivent une image de la société plus ou moins réaliste mais qui

permet de voir ce qu’elle est. Marc Ferro dit que « les films sont devenus

dépositaires (…) des inconscients collectifs, où se fixent la sensibilité, les

aspirations et les rêves des sociétés en situation historique et sociologique

déterminée »57.

Le 7ème art est un élément précieux d’information pour comprendre l’image

du whisky, d’autant plus que celui-ci est un moyen de communication populaire. Le

cinéma américain va intégrer le whisky dans ses films durant près de trente ans, de

1940 à 1970. Il accède pour la première fois à la célébrité dans les comédies de W.C.

Fields. Il s’est imposé grâce à un rôle unique, celui de l’ivrogne aussi attachant

qu’odieux et qui, grâce à une langue bien pendue, démonte tous les arrogants. Le

titre de l’un de ses plus célèbres films - Passez Muscade (Never Give a Sucker an

Even Break) 1941 -, aurait pu également constituer sa devise. A l’occasion de l’une

de ses répliques, il fait dire à son personnage : « Mon cher, j’étais jadis amoureux

d’une superbe blonde. C’est elle qui m’a poussé à boire et c’est la seule chose dont

je lui sois redevable ». En quarante-trois films réalisés sur une période de plus de

55 Darwen (James), Whisky, Le guide, Marigny-le-Chatel, Hermé, 1995, p.9. 56 Steudler (François), « Représentations de l’alcool et de l’alcoolisme dans le cinéma français », Bulletin du Haut Comité d’Etude et d’Information sur l’alcoolisme (H.C.E.I.A), n° 2, Paris, 1985, p.141. 57 Ferro (Marc), Analyse de film, analyse de sociétés, Paris, 1975, p.5.

29

trente ans, Fields a incarné diverses professions sans jamais varier son personnage :

prenez un bouffon shakespearien, rajoutez une généreuse quantité d’alcool et

secouez vigoureusement 58 . La recette faisait également merveille avec son

impertinente partenaire, Mae West.

La littérature a aussi joué un rôle très important dans la création de cette

image, de très nombreux auteurs et réalisateurs évoquant le whisky dans leurs

œuvres (Hemingway, Faulkner, Fitzgerald). Il est impossible de les étudier tous.

Nous nous intéresserons plus particulièrement aux films, aux romans policiers ainsi

qu’aux westerns. Une étude du cinéma français est aussi importante car il a repris,

adapté ou transformé cette image du whisky. De même la bande dessinée a été

marquée par cet alcool.

a) Le whisky et le « polar »

L’un des plus grands symboles du whisky est certainement le détective ou le

policier que l’on retrouve dans les romans et les films policiers de l’après guerre.

C’est lui que l’on retrouve accoudé à une table ou à un comptoir, un verre de whisky

à la main, le regard perdu dans le vide,

réfléchissant aux méandres de l’enquête

sur laquelle il se trouve. « C’est une chose

injuste pour l’Irlande et l’Ecosse, patries

culturelles de l’uisge beatha 59 , mais

Humphrey Bogart, dans le rôle de Philippe

Marlowe, a certainement fait davantage

pour l’image du whisky que tous les

écrivains et poètes d’Outre-manche »60.

Certains auteurs et des personnages

de films sont incontournables pour étudier

le whisky dans les années de l’après-guerre

jusque dans les années 1970.

58 Chase (Jefferson), « Le whisky fait son cinéma à Hollywood », Whisky Magazine, n° 2, mai/juin 2004, p.17. 59 « Eaux-de-vie » en celte. 60 Benitah (Thierry), L’ABCdaire du whisky, Paris, Flammarion, p.82.

30

La Série Noire a énormément fait pour celui-ci à travers les romans qu’elle a

publiés. L’histoire de ces publications commence à Paris durant l’été 1944. Marcel

Duhamel, traducteur de Steinbeck et d'Hemingway (entre autres) et agent pour

Gallimard, se voit confier trois livres par

Marcel Achard : This man is dangerous et

Poison Ivy de Peter Cheyney, ainsi que No

orchids for miss Blandish de James Hadley

Chase. Un an plus tard, en septembre 1945

les deux premiers titres de la Série Noire

voient le jour, La Môme vert-de-gris (titre

français de Poison Ivy) et Cet homme est

dangereux, les deux polars de Cheyney

rapidement suivis par un troisième Pas

d’orchidée pour Miss Blandish de James

Hadley Chase. La « Série Noire » ne publie

que six titres en trois ans. La France de

l'après-guerre se passionne pour ces

romans écrits à l’américaine d'un genre

nouveau, bruts de décoffrage et pour les films noirs qu'ils inspirent en provenance de

Hollywood ou réalisés en France. En 1948, sous l'impulsion de Claude Gallimard,

Marcel Duhamel se retrouve enfin à la tête d'une vraie collection : livres cartonnés

jaune et noir, recouverts de la mythique jaquette noire et blanche, tirages renforcés

(20 puis 30000 exemplaires), cadence infernale (deux romans par mois, autant dire

beaucoup pour l'époque) et surtout traduction d'auteurs de tout premier plan.

Dés 1945, Raymond Queneau avait été l'un des premiers à souligner

l'originalité de cette nouvelle littérature américaine (bien que les deux auteurs

auxquels il fasse allusion, Cheyney et Chase, soient anglais) : « L'attention de

l'auteur et du lecteur n'est plus portée sur l'intrigue, mais sur les personnages qui

dessinent cette énigme [...]. La brutalité et l'érotisme ont remplacé les savantes

déductions. Le détective ne ramasse plus de cendres de cigarette, mais écrase le nez

des témoins à coups de talon. Les bandits sont parfaitement immondes, sadiques et

lâches, et toutes les femmes ont des jambes splendides ; elles sont perfides et

traîtresses et non moins cruelles que les messieurs. » Le nouveau roman policier

popularisé par la « Série Noire » parle la langue de la rue et des truands, et dessine

31

les contours d'un univers où action rime avec gnon, pognon, politiciens marrons ou...

Bourbon- glaçons61.

Dans les années 50, la « Série Noire » devient une véritable institution. Les

deux premiers auteurs (Cheney et Chase) vont vite être rejoints par des auteurs

américains, Raymond Chandler (La dame du lac 1948), français comme Simonin

qui vendra plus de 200 000 Touche pas au Grisbi publié en 1953. Il y a un gros

décalage entre leur publication en France et les publications dans leur pays d’origine.

La plupart des romans de Cheyney ainsi que Pas d’orchidée pour Miss Blandish ont

été publiés avant la guerre.

Pour comprendre le whisky en France, il faut étudier les personnages de

Cheyney. Il a créé plusieurs personnages, Slim Callaghan, Nicky Bellamy, mais le

plus connu d’entre eux est Lemmy Caution, un spécial du F.B.I. Il n’est pas du tout

un héros à la Sherlock Holmes, plutôt un anti-héros qui, sous ses airs très calmes,

sait jouer les durs quand il faut mais qui la plupart du temps a l’air passablement

perdu. Il interpelle même fréquemment le lecteur en quête de son approbation : « Si

vous avez fait attention à ce que je viens de vous raconter, c’est peut être même une

idée qui vous est venue à vous aussi »62. C’est un personnage désabusé, sans grand

espoir dans l’avenir et qui s’attend à tout de la part de ses semblables. Il a un esprit

très vif, il arrive à démêler en quelques secondes les situations les plus complexes63.

Il évolue dans un univers sombre et très pessimiste dans lequel l’alcool est le seul

réconfort et où le whisky occupe une place de choix. L’enquête qu’il mène fait

couler des flots de whisky et pratiquement pas de sang.

Même s’il est parfois indiqué qu’il prend « Encore quatre doigts d’un vieux

Kentucky, pour les nerfs » 64 , ou encore qu’il s’ « envoie un petit coup de

Bourbon »65, le whisky reste relativement anonyme. Il n’est jamais mentionné de

marque. Ce n’est pas le produit qui est valorisé mais les effets qu’il peut avoir sur

son consommateur et surtout l’image qu’il en donne. Quel que soit le moment de la

journée où on rencontre Lemmy Caution, celui-ci n’en est jamais à son premier

whisky. On remarque d’ailleurs l’emploi de l’adverbe « encore » qui laisse supposer

que le whisky a été précédé d’un autre. Les autres ingrédients essentiels de

61 Site Internet des éditions Gallimard. Histoire de la « Série Noire » 62 Cheney (Peter), La Môme Vert-de-gris, Le livre de poche, Paris, 1964, p.38 63 Nugue (Christian), op.cit. p.124. 64 Ibidem 65 Cheney (Peter), op.cit., p.11.

32

l’existence des personnages de Cheney sont les cigarettes et « les petites pépées »,

consommées comme le whisky à un rythme effréné.

Les « petites pépées » sont de superbes femmes qui sont toujours trop « bien

profilées » pour ne pas embarquer le héros dans des « coups fourrés ». Celui-ci va

jouer sur de soi-disant citations philosophique (qu’il prétend être de Confucius) pour

se conforter dans ce réflexe de survie au sujet des femmes. Ces « chouettes mômes »

l’attirent forcément, car « ma vieille maman m’a toujours dit que dans la vie un type

avait besoin de trois choses : bien manger, bien dormir et l’amour d’une chouette

môme »66. En conséquence, à la fin de chaque roman, il a une femme dans les bras.

Le plus impressionnant dans les livres de Cheney, c’est que même si le héros boit

beaucoup, ça ne l’empêche pas d’attirer les femmes et d’avoir du succès auprès

d’elles. Lemmy Caution n’est jamais ivre au point d’en oublier son affaire.

Consommer du whisky devient donc un moyen d’imiter les héros de série noire et de

faire partie de cette grande famille d’hommes durs, forts, séducteurs et en même

temps fatalistes.

Le whisky devient donc un moyen de s’identifier à ce héros, en consommer

permet de se rapprocher de l’image qu’il transmet. Peu importe la marque ou

l’origine de ce qu’il boit du moment que c’est du whisky. On retrouve cette image

dans le cinéma hollywoodien. A l’époque les Français étaient aussi friands de

littérature policière que de films américains et Hollywood produisit de nombreux

films dans lesquels on trouvait du whisky. La série de films L’introuvable (The Thin

Man) de 1934 à 1947 proposa une vision plus réaliste de l’alcool. Adaptés d’un

roman de Dashiell Hammet, ces 6 films policiers mettant en scène Nick et Nora

Charles, un couple de détectives associés joué par William Powell et Mirna Loy,

comptent parmi les plus drôles jamais produis par Hollywood. Une des scènes

représente Nick Charles en ex-détective expliquant à la clientèle d’un bar bondé

comment confectionner le Manhattan parfait, à la suite de quoi sa femme Nora

arrive et commande six martinis pour rattraper le retard pris sur son « poivrot de

mari ». Nick et Nora boivent du matin au soir et la nuit durant. Ce qui leur laisse

toutefois le temps de résoudre des énigmes policières plus ou moins

incompréhensibles tout en se divertissant avec élégance. Un exemple de dialogue

extrait de ces films :

66 Cheney (Peter), La Mome Vert-de-gris, op.cit., p.253.

33

Nick : « Je nous ai débarrassé de tous ces journalistes. » Nora : « Que leur as-tu dit ? » Nick : « Que nous étions à cours de Scotch. » Nora : « Quelle idée épouvantable. »67

La chose la plus frappante avec cette série c’est que la femme boit elle aussi,

elle qui en temps général ne boit jamais, et qu’elle se retrouve dans cette série aussi

imbibée que son mari. C’est peut être parce qu’elle y remplit la même fonction de

détective que son mari. Néanmoins c’est une des rares exceptions de femme

consommant du whisky. L’autre est Marilyn Monroe qui cache une bouteille de

whisky dans sa jarretière dans Certains l’aiment chaud (Some like it Hot, 1959).

Le détective privé dur à cuir que l’on a vu dans les romans de Cheney a aussi

été retranscrit à Hollywood, bien avant que les Français ne le fassent. L’archétype

du film noir, Le Faucon Maltais (The Maltese Faucon) en 1941, réunissait le talent

de trois des « picoleurs » les plus enthousiastes d’Hollywood : l’écrivain Dashiell

Hammett, le réalisateur John Huston et l’acteur Humphrey Bogart. Sam Spade

(Humphrey Bogart), le héros de ce film, ne recule pas devant la brutalité amorale

mais est empreint d’une certaine droiture, entouré de sombres personnages qui

s’efforcent tous de prendre le dessus en conservant un atout par derrière. Une des

scènes particulièrement mémorables est celle au cours de laquelle Sydney

Greenstreet relate pour Humphrey Bogart l’histoire du faucon, une soi-disant œuvre

d’art du XVIème siècle de valeur inestimable, tout en attendant que les gouttes de

somnifère versées dans le whisky du privé fassent leur effet. Greenstreet dit

alors : « Je me méfie d’un homme qui dit « stop ». S’il doit faire attention à ne pas

boire trop, c’est parce qu’on ne peut pas avoir confiance en lui quand il le fait »68.

67 Chase (Jefferson), op.cit., p.18-19 68 Chase (Jefferson), op.cit., p.20.

34

Humphrey Bogart dans Casablanca

On retrouve le whisky dans Casablanca de Michael Curtis en 1943. Dans ce

film mythique, Humphrey Bogart boit son whisky dans le Rick’s Café, lieu de

rendez-vous de toute la ville et de toutes les forces ennemies. L’image du whisky

reste celle de l’alcool associée aux aventuriers prenant des risques et fréquentant

principalement le monde de la nuit69. Le film a commencé à être tourné alors que le

scénario n’était pas fini. Le whisky a joué un rôle important hors champ, Howard

Chock, le co-scénariste le rappelle en ces termes : « Bogey avait l’habitude de

m’inviter dans sa loge avec sa phrase rituelle « Détends-toi et prends un verre ».

Pendant que nous bavardions, un génie sortait parfois de la bouteille de whisky. Je le

quittais alors pour travailler l’idée et j’aboutissais à une scène ». Il est plausible

qu’ait résulté de ces séances l’image la plus célèbre de l’histoire du grand écran,

celle où Rick, accoudé au piano, un verre à la main, languit son amour perdu, Ingrid

Bergman.

Les derniers mots que Humphrey Bogart aurait prononcés sur son lit de mort

auraient été : « Je n’aurais jamais dû laisser tomber le scotch pour me mettre au

martini »70.

69 Darwen (James), op.cit., p.14 70 Chase (Jefferson), op.cit., p.20.

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Hollywood doit son premier film dramatique mettant en scène l’alcool à Bill

Wilder. Celui-ci narre sans sentimentalisme dans Le Poison (The Lost Weekend,

1945) le récit d’un écrivain raté (Ray Milland) plongé dans les excès d’une cuite

terrifiante. Le film débute et s’achève sur un plan montrant une bouteille de whisky

accrochée à une ficelle à l’extérieur d’une fenêtre de l’appartement de Milland.

Celui-ci explique : « Ce que vous ne comprenez pas, c’est que je dois savoir qu’elle

est à côté. Que je peux la prendre si j’en ai besoin. Je ne supporte pas d’en être

complètement séparé. C’est le diable. C’est ce qui vous rend fou. »

Ray Milland dans The Lost week-end

Milland interprète le rôle d’un dément qui touchera le fond de la déchéance

sociale et physique au cours d’un week-end de soûlographie. Avec ces scènes de bar

filmées à travers la perspective déformée d’une bouteille de whisky, Le Poison

domine de loin les autres incursions d’Hollywood dans ce domaine71. Jean Tullard,

dans son guide des films, précise qu’un groupement de distilleries offrit à la

Paramount 5 millions de dollars pour détruire le film72, le whisky y ayant une image

trop négative.

Comme l’écrit Patrick Mahé, l’auteur de série noire américaine trouve

toujours dans le whisky « son inspiration crépusculaire d’où sortiront les silhouettes

71 Darwen (James), op.cit., p.17 72 Darwen (James), La grande histoire du whisky, Paris, Flammarion, 1992, p.14.

36

des incorruptibles de la prohibition, Eliot Ness, (…) Humphrey Bogart, pilier de

saloon dans le huit clos de Key Largo, Mitchum et Jane Russell, perdus dans l’enfer

de Macao »73. Avec la littérature et le cinéma, le whisky trouve un formidable allié

pour sa promotion. Grâce aux acteurs hollywoodiens, il trouve des ambassadeurs

que le monde entier va voir. Humphrey Bogart regrettait d’avoir abandonné le

whisky, de même Erroll Flynn, buveur invétéré, ne cessait jamais d’affirmer qu’il

aimait dans l’ordre deux choses « le whisky âgé et les femmes jeunes »74. James

Darwen décrit toute cette imagerie autour du whisky et son impact sur le spectateur :

« Cruauté inconsciente, les films américains montraient sans cesse des héros

sarcastiques de Chandler ou de Hammett, incarnés par un Bogart ou un Cagney,

vidant un verre de ce nectar doré en regardant de la fenêtre de leur bureau encombré

tomber des rafales de pluie. Ce verre était le refuge opportun devant l’agressivité du

monde extérieur. Et il semblait alors miroiter des couleurs vives sur l’écran noir et

blanc. Au moment même où le célèbre détective privé levait son verre, les

spectateurs des salles obscures sentaient leurs mains trembler et leurs gorges se

dessécher : en déglutissant, ils ne pouvaient alors que rêver de whisky »75.

Il s’agit donc d’une représentation du whisky comme la boisson de

l’aventurier, de l’homme fort et courageux, adepte du monde de la nuit, mais aussi

de l’homme intelligent à la manière des héros de Cheney. Cette vision du whisky

n’est pas propre aux films policiers, on la retrouve aussi dans les « westerns ».

b) La double vision du whisky dans le western

Boire du whisky dans un western n’est pas forcément aussi bien vu que dans

un polar. On va trouver le whisky dans deux types de films. Tout d’abord dans les

westerns plutôt comiques où celui qui boit trop est la risée des autres. Et dans des

westerns beaucoup plus sérieux où le whisky est associé à deux consommateurs

différents.

Nombre de westerns vont exploiter la veine bouffonne du whisky. Dans Cat

Ballou, sorti en 1965, Lee Marvin qui joue un bandit à gage est trop ivre pour tirer

73 Mahé (Patrick), La magie du whisky, Paris, Ed. du Chêne, 1997, p.7. 74 Darwen (James), Whisky le guide, op.cit., p.27. 75 Darwen (James), La grande histoire du whisky, op.cit., p.12.

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droit ou même tenir en selle. La même année, le film Sur la piste de la grande

caravane (The Halleleujah Trail), de John Sturges, reprenait l’idée de base de La

chevauchée fantastique, cette fois-ci avec un chariot bâché chargé d’une cargaison

de whisky et traversant une dangereuse contrée infestée d’Indiens. Mais le cliché

absolu allait devenir la scène du « pro » de la gâchette avalant un remontant au

saloon pour se donner du courage pour un duel76.

John Sturges dans Cat Ballou Dans Règlement de compte à OK Corral de John Sturges en 1957 77 , le

whisky est associé à un homme dur et sans attache et non aux hommes de loi. Le

shérif Thorpe, interprété par Burt Lancaster, ne boit presque que du café, c’est un

homme droit, qui a une vie de famille bien tranquille. Le seul shérif buvant du

whisky est celui qui a trop peur pour arrêter les brigands, la bouteille d’alcool sur

son bureau constituant la marque de sa lâcheté. « Le whisky est parfois l’ennemi

désigné du héros » 78 . Doc Hollyday est un homme humilié lorsqu’il refuse le

combat, son adversaire lui jette alors un verre de whisky à la figure. Le whisky est

l’instrument de la destruction du personnage incarné par Kirk Douglas (même si

celui-ci est censé lui servir de remontant). On retrouve la même idée dans Rio

Bravo79, le shérif (Dean Martin) est incapable d’arrêter qui que ce soit depuis qu’il

76 Chase (Jefferson), op.cit., p.18. 77 Sturges (John), Règlement de compte à OK Corral, USA, 1957 78 Benitah (Thierry), L’ABCdaire du whisky, op.cit. 79 Hawks (Howard), Rio Bravo, USA, 1959.

38

boit sans cesse du whisky (il est même prêt à aller chercher une pièce au fond d’un

crachoir pour s’offrir un verre et est surnommé « poivrot » par tout le monde, y

compris les Mexicains, signe de déchéance totale). Ce n’est que lorsqu’il arrête de

boire et prouve sa capacité en abattant son adversaire qu’il retrouve son honneur, sa

réhabilitation ayant lieu là où il a connu l’enfer, le saloon.

Lorsque le whisky n’est plus associé aux hommes de loi, il perd son coté

négatif et redevient l’alcool de l’homme courageux et aventureux. Lorsque Doc

Hollyday (Kirk Douglas) doit aller au combat alors qu’il est malade ( atteint de la

tuberculose) et qu’il ne sait pas s’il aura la force de tenir debout, il ingurgite un

whisky, celui-ci constituant un fortifiant très important. Le whisky retrouve son

image de remontant qu’il avait dans les films policiers. Les protagonistes de Rio

Bravo en boivent après un combat pour reprendre leurs esprits et savourer leur

victoire.

L’une des images les plus fréquentes du western est l’arrivée en ville du

cow-boy, qui se dirige toujours vers le saloon afin de commander un whisky et

trouver le réconfort d’une table et peut être d’une partie de poker. Celui-ci est

toujours consommé au saloon. Il se boit en public, dans les bars, au comptoir ou

autour d’une table, entouré des autres membres du saloon. Le whisky est un facteur

de socialisation très important puisqu’il permet de lier connaissance avec les autres

cow-boys du bar quand ceux-ci ne répondent pas par un silence de mort. C’est un

facteur de convivialité puisque, comme dans Rio Bravo, après la fusillade de O.K.

Corral, Burt Lancaster et Kirk Douglas boivent ensemble un whisky parce qu’ils

sont encore vivants. Il est un véritable symbole de socialisation dans les westerns.

C’est une image qui existait déjà dans les romans policiers, mais qui cette fois est

exclusive. Deux amis qui se retrouvent vont obligatoirement discuter autour d’un

whisky au saloon de la ville, lieu de rencontre de tous les hommes puisque les

femmes (à part les danseuses et les prostituées) en sont bannies.

Elles sont automatiquement exclues des saloons, endroit réservé aux hommes

dans lequel une femme de bonne vertu ne saurait y trouver une place. Le shérif

Thorpe n’hésite pas à déclarer à une joueuse de poker professionnelle dans un

saloon : « Vous êtes dans une salle de jeu au milieu d’hommes. Vous cessez d’être

une femme ». Donc les seules femmes qui pénètrent dans les saloons sont celles qui

ont rejeté le mode de vie d’une femme normale, ont adopté le mode de vie des

39

hommes et sont devenues des joueuses professionnelles (c’est aussi le cas dans Rio

Bravo).

Néanmoins, la vision du whisky dans les westerns n’est pas aussi positive

que dans les films policiers. Dans les westerns, un homme complètement ivre est un

incapable alors que dans les romans de Cheney par exemple, même si son héros a

trop bu, il reste maître de lui-même et agit encore comme quelqu’un de censé.

Mais au delà de la déchéance de l’homme ivre incapable d’affronter son

adversaire en homme véhiculée dans les westerns, c’est la qualité du whisky qui est

mise en cause. Celui-ci y est fréquemment montré comme un alcool de mauvaise

qualité. Dans Règlement de compte à O.K Corral, des clients du saloon crient au

barman : « Contente toi de nous servir ton whisky dégueulasse ». Plus tard, ils lui

demandent de servir « autre chose que cette lavasse ». Le maire, lorsqu’il organise

une cérémonie, ne propose pas de boire du whisky mais une sorte de vin cuit ou de

punch. Le whisky est le symbole d’un statut social, réservé à l’homme de la rue, les

notables n’en boivent pas. Ainsi, les riches propriétaires sudistes des Cavaliers

consomment du cognac. Dans Règlement de compte à O.K Corral, lorsque les cow-

boys font irruption à la soirée du maire, ils remplacent l’alcool proposé par du

whisky. John Wayne dans Rio Bravo, boit, quant à lui, le whisky sortant d’une

bouteille réservée aux invités spéciaux qui n’est pas aussi mauvais que celui

consommé par le reste de la clientèle du saloon.

La mauvaise qualité de cet alcool correspond à une réalité historique. Le rôle

du whisky plonge ses racines dans l’histoire américaine de l’après-guerre de

Sécession. La progression du chemin de fer à travers l’Ouest américain submergea

la « frontière » sous un déluge d’alcool où le whisky était la boisson principale,

sinon exclusive. En 1876, les taxes sur les alcools représentaient déjà la moitié des

revenus du gouvernement fédéral alors que la bière n’allait parvenir à Dodge City

qu’environ trois ans après. Il y avait très peu de distilleries officielles. Il n’était pas

vieilli et sortait tout juste de l’alambic. Le quotidien du Far West ressemblait sans

doute moins à un John Wayne foudroyant un méchant à un demi kilomètre de là

après avoir éclusé quelques verres d’un brut d’alambic qu’à un Lee Marvin tombant

ivre mort du haut de son cheval80.

80 Chase (Jefferson), op.cit., p.18

40

Cette image du whisky, aussi négative soit-elle, eut un impact positif sur le

spectateur durant les années 1950-1960. La volonté de ressembler à un homme

courageux et aussi emblématique que John Wayne était très forte. Sa consommation

de whisky était une manière de se rapprocher de ce héros.

Néanmoins, il n’y a pas qu’à travers le cinéma américain que le whisky est

présent. On le retrouve dans de nombreuses œuvres cinématographiques françaises.

Et il est intéressant de se demander si l’image que l’on y trouve est la même que

celle des films américains ou bien si elle a été adaptée à la société française.

c) Le whisky et le cinéma français

Les romans de Cheney vont être tellement appréciés qu’ils vont être adaptés

au cinéma. Ses principaux personnages vont apparaître dans des films. Le plus

connu est Eddie Constantine interprétant Lemmy Caution. Grâce à ce rôle, celui-ci

va connaître une carrière éphémère mais fulgurante. Il connaît la gloire avec son

premier film La Môme vert-de-gris (1952), de Bernard Borderie. Le succès va être

tel qu’Eddie Constantine va devenir pour le public français et même européen

l’incarnation de Lemmy Caution. Bernard Borderie définit ses films ainsi : « J’ai fait

cinq Lemmy Caution. Le personnage m’était sympathique, il avait de l’humour,

c’était un peu l’Hopalong Cassidy du policier ». Il ajoute que son but avec ses

adaptations de Cheney était de « faire battre le cœur, donner des émotions et mettre

les sens en éveil à tout point de vue »81. Il visa donc le second degré et réussit à

styliser l’univers de Cheney. On y retrouve des jolies femmes, des fumes cigarettes,

des bars enfumés et des whiskies triples. Les films se déroulaient dans un décor

magique où l’on retrouvait tous les éléments de la Série Noire. Lemmy Caution

apparaît avec cette touche d’angoisse et de désinvolture qui eu immédiatement les

faveurs du public.

Lemmy Caution apparut dans sept films dont cinq réalisés par Bernard

Broderie : La môme vert-de-gris (1952), Les femmes s’en balancent (1953),

Comment qu’elle est (1960), Lemmy pour les dames (1961), A toi de faire mignonne

(1963). Le héros de Cet homme est dangereux (de Jean Sacha, 1953) ressemble

comme un frère à celui de Borderie. Par contre, dans Alphaville (1965) de Jean-Luc

81 Guerif (François), « Peter Cheney et le cinéma », Les amis du crime, n° 9, p.35-36.

41

Godard, Eddie Constantine n’a plus de Lemmy Caution que le nom et la

profession82.

Eddie Constantine en Lemmy Caution Le whisky occupe une place omniprésente dans ces films au même titre que

les femmes. Dans Lemmy pour les dames, les premières images sont celles où il est

poursuivi par des femmes dans la rue. Il entre dans son hôtel pour leur échapper,

attrape la bouteille de whisky et le verre que lui amène un serveur et dit « Le

premier blesse », en boit un, « le second tue » en boit un deuxième, puis « le

troisième soigne »83 mais n’a malheureusement pas le temps de le boire car deux

vieilles dames viennent le déranger pour avoir un autographe. Dés qu’il arrive

quelque part, la première chose qu’il cherche est une bouteille de whisky. On le voit

boire durant tout le film, et il ne sirote pas vraiment son whisky mais le descend

d’un coup. Le film se déroule dans le sud de la France et le seul moment où il ne

peut en boire c’est lorsqu’il va dans un petit café où il n’y a que du pastis.

Le succès de Lemmy Caution engendra l’adaptation d’un rival, Sim

Callaghan, un autre personnage de Cheyney. Incarné pas Tony Wright dans

quelques films, A toi de jouer Callaghan (1954), Plus de whisky pour Callaghan

(1955)…films qui n’avaient plus rien à voir de près ou de loin avec l’univers de

Peter Cheyney. Mais au delà de ces mauvaises adaptation, une fois les Lemmy

Caution de la série noire épuisés, il fallut bien trouver des ersatz pour continuer à

82 ibidem 83 Broderie (Bernard), Lemmy pour les dames, France, 1962

42

utiliser le filon Constantine. Ces films, qui n’étaient pas tous s forcément de qualité

inférieure, créèrent néanmoins une certaine confusion.

Constantine tourna beaucoup de films durant les années 1950 et fit ainsi une

promotion très forte pour le whisky. Tout cet imaginaire donnera naissance à une

chanson intitulée Cigarettes et whisky et petites pépées interprétée par Eddie

Constantine à la fin des années 1950. C’est une reprise d’une chanson américaine

intitulée Cigarettes, whisky and wild Woman de Tim Spencer datant de 1947. Il

suffit de lire les paroles pour comprendre l’état d’esprit de l’époque. On y retrouve

les femmes, les cigarettes et le whisky, ainsi que l’alchimie qui fait interagir ces

trois éléments.

1. Je sais que le tabac, c'est mauvais pour la voix... On dit que l'alcool c'est pas bon pour le foie... Quant aux petites pépées, c'est fatal pour le cœur... Les trois à la fois... y a pourtant rien de meilleur... {Refrain:} Cigarettes et whisky et petites pépées Nous laissent groggy et nous rendent tous cinglés Cigarettes et whisky et petites pépées C'est ça la vie, mais c'est bon de les aimer... 2. J'ai d'abord fumé pour faire comme les copains, J'ai pris une beauté pour faire mon petit malin... J'ai bu dans son verre, elle a bu dans le mien... Puis j'ai bu tout seul... quand j'ai eu du chagrin... {au Refrain} 3. Les femmes et le tabac, je l'ai souvent constaté, A peine allumé, ça s'envole en fumée, Mais j'y ai pris goût, vite un whisky mon gars, Une blonde à mes lèvres et l'autre dans mes bras. {au Refrain} 4. Quand mon ange gardien, en se croisant les ailes, Me dira tu viens, là-haut y a du soleil Un dernier mégot, le verre du condamné, Un baiser de Margot et vive l'éternité. Cigarettes et whisky et petites pépées Nous laissent groggy et nous rendent tous cinglés Cigarettes et whisky et petites pépées Bye bye la vie... y a plus rien à regretter.

43

Selon Jean-Claude Martin, cette chanson a plus fait pour populariser le

whisky que tout le reste. Il reste représenté de la même manière, il n’est pas

forcément considéré comme quelque chose de bon pour la santé, mais comme un

symbole d’une manière de vivre.

Au delà de ces films, on trouve aussi une vision propre du whisky dans le

cinéma français. Il va y être consommé par les fils de bonnes familles.

Le whisky dans le cinéma de type américain c’est l’alcool du peuple, celui

des hommes de la rue. Dans les films français, il est consommé par les classes aisées

qui sont les seules à pouvoir s’en offrir à cette époque. Les enfants de bonne famille

vont se tourner vers cet alcool qui représente une forme d’opposition à leurs parents,

ceux-ci consommant d’autres alcools. On peut s’intéresser notamment aux Tontons

Flingueusr (1963). Lors de la « surprise-partie » qu’organise sa nièce, Lino Ventura

boit un scotch avec du perrier, symbole d’une consommation de whisky de l’époque,

puisque celui-ci ne se boit pas pur. Après avoir rejoint la cuisine, où il beurre les

sandwiches, une jeune femme arrive et alors qu’elle est déjà ivre réclame du scotch.

Lino Ventura et ses amis étant à cours de whisky doivent se rabattre sur un alcool

« maison » (« le vitriol »), un alcool pour adulte 84 . On retrouve de nombreux

symboles dans ce film. Le whisky ne se boit pas pur, il est pour les jeunes, les

adultes boivent un autre alcool. Et on voit des jeunes femmes en consommer, ce qui

est un fait assez rare puisque celles-ci en temps général ne boivent pas dans les films.

Il s’agit d’une seule femme dans ce film et non de tous les invités. On retrouve cette

consommation dans Les tricheurs (1958) où on assiste à des « soûleries » au cours

desquelles les fils de bonne famille font dégénérer les soirées en scènes de

violence85.

La consommation de whisky par la femme garde la même image dans le

cinéma français que dans le cinéma américain. A part dans Les Tontons flingueurs,

celui-ci est rarement consommé à l’excès par les femmes, sauf quand il s’agit d’une

femme de mauvaise vie. Ainsi dans Lola de Jacques Demy (1961), le whisky, qui

est apporté par les soldats américains postés en Europe après la guerre, est

consommé par une femme, mais c’est une chanteuse de cabaret. On retrouve l’image

de la femme buvant du whisky parce qu’elle évolue dans un monde masculin. De

84 Lautner ‘Georges), Les tonton flingueurs, France, 1963. 85Steudler (François), op.cit.

44

plus dans ce film on reconnaît du scotch à la bouteille de Johnny Walker. Le Scotch

devient donc le complice d’un moment de bonheur entre Lola et le marin américain

qui lui sert d’amant de passage86.

Alan Scott et Anouk Aimé dans Lola

On retrouve l’opposition entre le pastis que tout le monde accepte dans

l’auberge de La cuisine au beurre (Gilles Grangier, 1963) et le scotch que préfère un

participant incarné par Fernandel qui déclare : « Il se sera fait naturaliser ». Mais

cette connotation étrangère, qui le faisait rechercher par une certaine intelligentsia

ou au contraire par des marginaux de toutes sortes (gangsters, personnages louches,

habitués des boites de nuit), a en partie disparu au cours des années 1960 au profit

d’une certaine banalisation puisqu’on le retrouve dans les surprises parties de la

nouvelle vague87.

86 Darwen James, op.cit., p.13. 87 Steudler (François), op.cit.

45

d) Le whisky et la bande dessinée

La bande dessinée, que l’on pensait réservée aux enfants, nous montre aussi

les représentations sociales de l’époque. Elle est avant tout une œuvre

populaire : « La bande dessinée cumule de nombreux atouts : en particulier (…) de

permettre l’objectivation d’une image collective ».88 Par exemple, dans Tintin au

Congo (1931), on retrouve une image du colonialisme des années 1930 avec le blanc

qui apporte le savoir en Afrique. On peut voir l’évolution de l’image du whisky à

travers les Blake et Mortimer, les albums de Tintin et la consommation du Capitaine

Haddock ou encore Lucky Luke.

Ce dernier créé par Morris apparaît pour la première fois dans L’Almanach

de Spirou publié en 1946. Son créateur, était un passionné de westerns et de

l’Amérique. Il y séjourna de nombreuses fois. Les albums de Lucky Luke revisitent

l’histoire des westerns mettant en scène avec humour les plus grandes figures de

l’Ouest comme les Dalton, Calamity Jane ou le juge Roy Bean. Lucky Luke boit

généralement une bière et fume, même si par la suite on le voit plutôt consommer du

coca. Le whisky est souvent présent dans les albums. Dans Le Juge, Roy Bean qui

est un faux juge et qui recrée la cour dans son saloon, déclare durant une

fusillade : « Il faut être fou pour tirer sur mon whisky ! C’est puissamment explosif

ces choses-là… ! »89 . On voit aussi dans certains albums un alambic derrière le

saloon, symbole d’une réalité historique. On retrouve cette image du whisky que

l’on avait dans les westerns, un alcool de mauvaise qualité.

88 Boissonat (V.), « Représentation sociale de l’alcool dans la bande dessinée. A propos de 150 albums pour jeunes », Bulletin du H.C.E.I.A, n° 53, Lyon, 1988, p.45. 89 Morris, Le Juge, Marcinelle-Charleroi, Paris, Montréal, Dupuis, 1972, p.19.

46

90

Mais c’est au travers de Tintin que l’on retrouve le mieux cette évolution du

whisky. Les albums de Tintin sont publiés entre 1930 et 1976 et sont une source

d’information très importante sur sa consommation et son image durant cette

période. La première référence au whisky apparaît dans L’île Noire (1938). L’action

se déroule en partie en Ecosse. On y trouve une référence à l’alcool national

écossais au travers d’un wagon citerne de Loch Lomond. Cette distillerie, bien

antérieure à Tintin, fut fermée en 1817, une nouvelle fut créée en 1965 à l’autre

extrémité du Loch. Hergé a peut être inventé le nom ou s’est inspiré de l’ancienne

distillerie qui avait fermé… Néanmoins il faudra attendre le dernier album des

aventures de Tintin, Tintin et les Picaros (1976) pour voir la marque réapparaître.

Tintin dans L'île Noire91

90 Morris, Lucky Luke contre Phil Defer, Dupuis, 1949, p.3. 91 Hergé, L’île Noire, Paris, Casterman, 1996, p.33.

47

Entre temps un nouveau personnage va apparaître qui va devenir le symbole

de l’aventurier consommateur de whisky. Il s’agit du capitaine Haddock. Tout

commence avec Le crabe aux pinces d’or (1941) où il apparaît pour la première fois.

Le capitaine Haddock est alors totalement imbibé de whisky, ce qui permet à son

second de commander à sa place. Il se montre capable d’absorber, sans rien manger,

des quantités phénoménales d’alcool92. Ce caractère excessif va disparaître, mais le

capitaine reste un solide buveur.

93

Le whisky fait partie intégrante de sa vie et on le retrouve toujours même si

il ne boit pas que ça. La seule chose qu’il ne supporte pas c’est l’eau94. Le whisky

reste sa boisson privilégiée et on aurait du mal à imaginer « le capitaine Haddock

s’administrant une lampée de (cognac) « 4 étoiles » en lâchant une bordée de

jurons »95. On le retrouve dans toutes ses aventures, il en fait une consommation

quotidienne96, est très frustré d’en être privé97, allant même jusqu'à en emporter sur

la Lune malgré l’interdiction formelle98. Dans Tintin au Tibet, le fait que le yéti lui

vole et lui vide sa bouteille de whisky le rend furieux.

92 Hergé, Le Crabe aux pinces d’or, Paris, Casterman, 1989, p.14. 93 ibidem. 94 ibidem, p.62. 95 Nughe (Christian), op.cit., p.108. 96 Hergé, L’étoile mystérieuse, Paris, Casterman, 1993. 97 Hergé, Le trésor de Rackham le Rouge, Paris, Casterman, 1993. 98 Hergé, On a marche sur la lune, Paris, Casterman, 1992.

48

99

Les effets de l’alcool sont indéniables sur le capitaine même s’il a tendance à

les nier. Il en boit par plaisir, mais aussi pour surmonter sa peur dans Le crabe aux

pinces d’or. Dans Tintin au Tibet, après en avoir bu, il a un regain de force qui ne

dure pas. Cela va l’endormir et il va rentrer dans un arbre.

100

Pour fêter un événement, dans L’étoile mystérieuse, celui-ci retrouve un

autre capitaine de navire et commande « une bouteille de whisky et trois verres », il

commence par mettre un fond d’eau dans son verre, puis une « larme » de whisky

qui remplit son verre à ras bord. Tintin dans cet album va boire le seul whisky de

toutes ses aventures, car il rentre glacé d’un vol de reconnaissance.

101

99 Hergé, Tintin au Tibet, Paris, Caterman, 1991, p.26. 100 ibidem, p.16 101 Hergé, L’étoile mystérieuse, op.cit., p.30.

49

Haddock n’est pas un alcoolique. Certes, il en consomme une grande

quantité tout au long de ses aventures, mais est très rarement ivre. Le whisky lui

provoque des sautes d’humeur et une quantité de jurons impressionnants (plus de

deux cents référencés 102 ). Il a pourtant des responsabilités dans une association

antialcoolique103 mais les abandonne très rapidement. Malgré tout cela, le capitaine

Haddock reste un personnage très attachant. Le whisky est l’alcool de l’aventurier,

du marin qui parcourt les mers du monde, même si au cours des aventures, celui-ci

devient de moins en moins enclin à l’aventure, préférant son château de Moulinsart.

Mais toute cette vision du whisky va changer avec la parution en 1976 du

dernier album de Tintin : Tintin et les Picaros. Le whisky récupère son identité

puisque que l’on retrouve Loch Lomond à travers une publicité télévisée : « Si vous

êtes déprimés, si le temps vous semble long, un seul remède… LOCH

LOMOND »104. La jeune femme de la publicité est représentée dans le costume

typique écossais. La vision de l’Ecosse n’a pas évolué en quarante ans. Elle reste

très traditionnelle. Mais ce qui change réellement dans cet album est le rapport à

l’alcool. Il est ici considéré négativement, le capitaine Haddock ne peut plus en

avaler une seule goutte à cause de pilules inventées par le professeur Tournesol.

105

De plus à cause de l’alcool, les picaros ne peuvent pas faire la révolution car

ils sont tout le temps saouls. Dés qu’ils sont sobres, ils peuvent renverser le pouvoir

et faire la révolution. On constate une double évolution dans cet album. Le produit

redevient indentifiable et est rattaché à l’Ecosse. Mais on remarque aussi que pour la

première fois, de par ses effets, l’alcool est vraiment vécu de manière négative.

102 Algoud (Albert), Le haddock illustré, Casterman, 1991 103 Hergé, L’étoile mystérieuse, op.cit., p.20. 104 Hergé, Tintin et les Picaros, Paris, Casterman, 1993, p.8. 105 Hergé, Tintin et les Picaros, op.cit., p.1.

50

Malgré une absence quasi-totale de communication, le whisky a vu sa

consommation augmenter au cours des années 1960-1970. Il y a eu une véritable

volonté de ressembler à ces héros de cinéma comme Humphrey Bogart ou Eddie

Constantine. Aucun alcool n’a disposé d’une telle publicité et d’une telle image.

Néanmoins, comme Tintin, le cinéma va s’en détourner peu à peu. Les années 1970

vont voir un véritable changement d’orientation notamment avec le cinéma

américain. Easy Rider (1969) est emblématique de ce changement. Peter Fonda et

Dennis Hopper y jouent le rôle de hippies fumeurs de joints qui traversent les Etats-

Unis à moto pour revendre de la cocaïne volée. Ils rencontrent en cours de route

Jack Nicholson, avocat sudiste abruti par l’alcool, qu’ils prennent en stop, celui-ci

symbolisant l’ancienne génération. Après le Summer of love californien et pendant

que la guerre du Viêt-Nam faisait rage, les drogues convenaient mieux à l’état

d’esprit. Le whisky allait alors occuper une place de second plan dans la hiérarchie

des stupéfiants privilégiés par la jeune génération. Cette désaffection va continuer

avec les années 1980, E.T. un des plus gros succès du box-office ne boit pas de

whisky106.

Le whisky, devenu l’alcool mythique de toute cette période, a réussi à

accrocher le consommateur. Malgré le changement de direction du cinéma et de la

littérature, le consommateur lui est resté fidèle et il va se démocratiser d’une

manière fulgurante durant les années 1980.

Chase (Jefferson), « Le whisky fait son cinéma à Hollywood », op.cit., p.20-21.

51

IIII

LL’’EEXXPPLLOOSSIIOONN DDUU MMAARRCCHHEE

LLEESS AANNNNEEEESS 8800

52

Le whisky a connu un essor incroyable dans les années 1980. Certains

pensaient qu’en 1980 le marché était arrivé à maturité, mais ils se trompaient. La

consommation va continuer à augmenter même si le marché connaît des

modifications. Cette consommation va susciter des convoitises. De nombreuses

marques vont apparaître au point qu’il ne sera plus possible de s’y retrouver. La

guerre des prix va être lancée pour réussir à se maintenir sur un marché de plus en

plus encombré. De plus, à partir de 1980, les publicités sur le whisky vont apparaître

et se développer en France, suite à la suppression par la communauté européenne de

la réglementation sur la publicité des alcools.

A) La libéralisation du produit entraîne une modification

de l’offre et de la demande

Le whisky a vu son prix réel baisser au cours des années 1960 et 1970. Cette

baisse va continuer, malgré l’augmentation du prix en francs constants. Le

consommateur va évoluer, puisqu’il va devenir possible pour un plus grand nombre

d’entre eux de s’acheter une bouteille. La marché va se diversifier aussi bien du côté

des acheteurs (la pyramide des consommateurs s’élargit) que du côté des marques.

1) Le marché écossais connaît des transformations qui vont affecter

le marché français

Tout au long des années 1980 la consommation va augmenter, les

importations passant de 14,2 millions de litres d’alcool pur en 1980 à 26 millions en

1990. L’augmentation est moins forte que pour la période précédente, mais cela se

traduit réellement par une explosion du marché, car pour la période précédente les

importations partaient presque de zéro. Au niveau de la consommation, celle-ci est

passée approximativement de 50 millions de cols en 1980107 à un peu plus de 100

millions de cols en 1989108.

107 Brousse (Norbert) « Whisky : Le dernier des géants », op.cit., p.49. 108 Romec (Claude), « Whiskies : une nouvelle donne mondiale », Points de vente, décembre 1989, n° 375, p.86.

53

a) La production écossaise

Pour comprendre une partie de l’évolution du marché français, il faut

s’intéresser à l’évolution de la production de whisky en Ecosse. Le Scotch

représente plus de 80% de la consommation française durant cette période et les

variations de la production et des stocks ont eu des conséquences sur le marché

français.

De 1960 à 1978, la consommation de scotch dans le monde est en

augmentation de 10% par an109. Les Etats-Unis, le Japon, la France et les autres

pays européens en consommèrent de grandes quantités. En 1978, la consommation

de scotch dans le monde est de 1,1 milliard de cols. Cette consommation était

tellement importante qu’en 1978, les producteurs écossais se demandèrent si les

stocks seraient suffisants. Pour pouvoir être vendu, il doit avoir vieilli au moins 3

ans dans un fût, mais la pratique générale est de vendre des scotchs plus vieux. Pour

ce faire, il est nécessaire d’avoir des stocks en quantité suffisante pour anticiper la

consommation.

A partir de cette année là, on assiste à une lente dégradation de la

commercialisation. Même si durant les années 1979 et 1980, les ventes continuèrent

à dépasser le milliard de cols, 1981 et 1982 marquent le pas, et en 1983 à peine plus

de 900 millions de bouteilles sont exportées 110 . Les raisons de la baisse de la

consommation de whisky dans le monde sont assez simples. Les principaux marchés

mondiaux (les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Japon) connaissent un déclin car

les nouvelles générations se tournent vers les alcools blancs (vodka, gin ou rhum).

Certains pays comme la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Australie111

continuent de voir leurs importations de whisky augmenter, mais ils constituent des

exceptions.

109 Lecouty (Chantal), « Les stocks actuels seront-ils suffisants ? », La Revue vinicole internationale, octobre/novembre 1978, p.47. 110 Brousse (Norbert), « Whisky à gogo », La Revue vinicole internationale, avril 1984, p.43. 111 Bramy (Jean-Marc), « Whisky : cap sur les cent millions de bouteilles », La Revue vinicole internationale, avril 1986, p.39.

54

Comparaison de la production des stocks et ventes

de scotch de 1978 à 1988 (en hl/Ap)112

Année Production Stocks Ventes

1978 4 592 990 29 322 400 3 228 850

1979 4 590 090 30 346 600 3 149 570

1980 4 158 700 30 835 100 3 000 760

1981 2 679 810 29 336 400 2 919 494

1982 2 476 700 28 304 600 2 962 181

1983 2 390 810 27 436 200 2 723 238

1984 2 534 480 26 220 000 2 774 631

1985 2 605 800 25 982 000 2 721 401

1986 2 659 470 24 530 000 2 816 404

1987 2 896 930 24 383 200 2 861 074

1988 3 299 380 24 270 000 2 911 416

En raison de la baisse des exportations et du ralentissement du marché

anglais, la production écossaise est ralentie. Elle est divisée par deux entre 1979 et

1983. Elle passe de 4 590 090hl/Ap à 2 390 810hl/AP par an. Cette opération de

baisser la production avait déjà été utilisée par le passé. En 1975 et 1976, les

distilleries écossaises avaient réduit leurs activités, mais cette réduction avait été

moins brutale que celle de 1980 et 1981. Conséquence, la DCL (Distillation

Company Limited), le plus important producteur de scotch, décide en 1984 de

fermer 10 de ses 34 distilleries de malt. Ces unités fonctionnaient déjà au ralenti

depuis quatre ans113.

Depuis de nombreuses années, la production de scotch avait été largement

excédentaire par rapport aux ventes. Par exemple, en 1970, alors que la

commercialisation n’excédait pas 2 millions d’hectolitres d’alcool pur, plus de 3,7

millions d’hectolitres d’alcool pur sortaient des alambics. En 1974, année record de

production, celle-ci s’élevait au double du volume de vente114. Et comme on peut le

voir dans le tableau ci-dessus, la production est restée supérieure à la 112 Brousse (Norbert), Aubril (Sylvain), « Scotch, les écossais ferment les vannes », La Revue vinicole internationale, avril 1989, p.44. 113 Brousse (Norbert), Bramy (Jean-Marc), « Le whisky essuie un grain », Revue vinicole internationale, avril 1985, p.40. 114 Brousse (Norbert), « Whisky à gogo », op.cit., p.45.

55

commercialisation jusqu’en 1981, année où a eu lieu un ajustement de la production

avec la consommation. Mais n’en demeure pas moins un sérieux problème, la

quantité de whisky en stock. La baisse de la production n’a fait qu’écorner les

réserves de whisky sans pour autant les entamer. En 1983, après 3 années de baisse

de production, les stocks correspondent à environ dix années de consommation.

La conséquence de cet énorme stock va être la création de ce qui a été appelé

à l’époque « The whisky lake » et va avoir des répercussions sur les prix. Le

stockage du whisky coûte très cher car pendant qu’il vieillit, il ne rapporte

évidemment pas d’argent. En 1986, le whisky en cours de vieillissement est « le

principal poste d’investissement des firmes, et la plupart d’entre elles se plaignent

de sur stockage… »115. Les sociétés vont, jusqu’en 1987, avoir pour but d’éliminer

une partie de leurs stocks. Le vrac est bradé, ils utilisent les circuits de ventes

parallèles, tous les moyens sont bons116. Les stocks vont passer de 10 années en

1983 à 8,5 années en 1987. En 1988, la situation semble s’être améliorée. Il y a une

pénurie de whiskies jeunes (3 ans d’âge notamment) et les sociétés veulent renouer

avec les bénéfices. Les prix montent en flèche cette année là. Les blends en vrac

passent de 9 F le litre (degré de fût, 63 à 65°) en juin 1987 à 12 F en décembre 1987

puis 17 F en février 1988. Une augmentation de 90% en huit mois. Et le même

phénomène est constaté pour le pur malt 12 ans en vrac : 22 F en juin 1987, 26 F en

décembre 1987, 34 F en février 1988, soit une hausse de plus de 50% en huit

mois117. La production ne put être relancée car les entreprises n’avaient plus les

moyens financiers de le faire.

On peut se demander si cette hausse ne s’est pas faite volontairement car les

stocks sont toujours présents et la consommation de whisky n’a pas augmenté dans

le monde. Il semble que les grands groupes aient décidé d’assécher le marché du

vrac afin de faire revenir le whisky à un prix plus rentable. Et de cette manière ils

favorisent leurs propres marques dans le monde. En France les importations de vrac

vont chuter, après avoir progressé durant 20 ans. Elles passent de 10 300 000 l/Ap

en 1988 à 6 700 000 l/Ap en 1989, et cette baisse va continuer en 1990 et en 1991.

115 Aubril (sylvain), « Whisky, les Highlands en folie », La Revue Vinicole Internationale, avril 1987, p.40. 116 Aubril (Sylvain), « Whisky, dernières nouvelles du champs de bataille », La Revue Vinicole Internationale, avril 1988, p.38. 117 ibidem.

56

b) Le marché parallèle

Le marché français du whisky connaît de nombreux problèmes, notamment

le marché parallèle qui tire les prix vers le bas pour le plus grand bonheur des

consommateurs.

Le marché parallèle consistait à acheter du whisky dans des pays étrangers et

à le revendre en France. Jean-Claude Martin explique ce phénomène ainsi. Les

grandes marques de whisky écossais avaient signé des contrats d’exclusivité avec

des importateurs français. Certains négociants en France, estimant qu’ils pouvaient

améliorer leurs marges, mirent en place un « agent de marque » à l’étranger (par

exemple en Hollande), où il n’y avait pas de contrat d’exclusivité. Cet agent

commandait du whisky qui était normalement destiné à son marché local. Ensuite il

recevait la marchandise et envoyait par télex ses prix à 50 hypermarchés mais n’était

pas forcement en mesure de leur fournir la marchandise. Quand un agent français

exclusif voulait vendre du whisky, il lui était demandé de s’aligner sur le prix du

whisky qui avait transité par la Hollande. Un importateur parallèle a donné son point

de vue dans un entretien avec La Revue Vinicole Internationale ce qui nous permet

de comprendre encore mieux les raisons de ce marché parallèle. Il estime que s’il ne

l’avait pas fait, le prix d’une bouteille de whisky serait le double de ce qu’il est en

1980 et qu’une de ses bouteilles coûte de 2 à 5 francs de moins que la même

bouteille passée par un importateur exclusif. De plus celui-ci reconnaît

s’approvisionner en Hollande comme l’a dit Jean-Claude Martin mais aussi en

Grande-Bretagne directement. Il dit que « certaines distilleries n’hésitent pas à

balancer du whisky en parallèle sur la France si leur agent est trop cher pour le

contraindre à baisser ses prix»118. L’importateur parallèle reconnaît néanmoins que

ce marché n’a pas que des avantages, les principaux inconvénients étant qu’il est

incapable d’assurer l’approvisionnement et qu’il lui arrive d’avoir parfois des

marques inconnues qui lui sont difficile à écouler.

Le principe des importateurs exclusifs ne respectait pas la libre concurrence.

Le marché parallèle n’a donc pas été arrêté par Bruxelles. Ce type de marché semble

positif car il permet de créer une concurrence accrue sur les prix. L’inconvénient est

que les importateurs exclusifs avaient pour mission de promouvoir la marque sur le

territoire français. Si une marque était très populaire, c’était grâce à la société qui

118 Cf. entretien Jean-Claude Martin.

57

l’importait puisque la publicité directe a été interdite jusque dans les années 1980. Il

aurait donc été normal que celle-ci puisse récupérer l’argent qu’elle avait investi

dans la promotion de la marque et non qu’un importateur parallèle puisse en profiter

alors qu’il ne participait nullement à cette promotion. Mais les Anglais ont

encouragé le marché parallèle lors du « whisky lake » et n’ont donc pas aidé leurs

partenaires français.

Il est très difficile de chiffrer les ventes du marché parallèle. On peut estimer

que plus une marque est connue, plus elle en est victime, car la demande est très

forte. La seule estimation qui nous est donnée est que : « pour certaines marques, et

non des moindres, comme Chivas ou Haig, les volumes importés en France par

l’intermédiaire du marché parallèle représentent jusqu'à 20% du volume total écoulé

sur le marché »119. Ce problème va se résoudre petit à petit dans les années 1980. La

fin du « whisky lake » va entraîner une restructuration des entreprises qui vont

fusionner. Le marché parallèle va donc petit à petit disparaître.

A la fin des années 1980, l’industrie du scotch whisky a assaini sa situation

financière ainsi que les circuits de distribution. En remontant les prix du vrac, elle

favorise les grandes marques et met un frein au marché parallèle.

2) Une modification profonde du marché français avec l’apparition

de nouveaux produits

a) L’état du marché français

En 1980, on peut lire « Le whisky a atteint sa vitesse de croisière : une

bouteille par an et par habitant, c’est ce qu’importe la France. »120. Les années 1980

vont être une période faste mais difficile pour le whisky. La consommation va

atteindre les 100 millions de cols à la fin de la décennie. Tout le monde va vouloir

avoir sa part, entraînant une certaine confusion pour le consommateur.

En 1980, on peut segmenter le marché en trois morceaux121 :

- Les whiskies bas de gamme, les premiers prix. Ils sont importés en vrac

bien souvent, ou même élaborés en France (à partir de malt d’Ecosse ou d’alcool de

119 Brousse (Norbert), « Whisky : Le dernier des géants », op.cit., p.68. 120 ibidem, p.61. 121 ibidem, p.68.

58

grain français). Dans cette catégorie se trouvent également des whiskies à 30°. Les

volumes de whisky de bas de gamme écoulés sur le marché français seraient

pratiquement équivalents aux volumes des ventes des grandes marques. Leurs parts

atteindraient 40 à 45% des ventes de whisky en France, environ 20 à 22 millions de

bouteilles.

- Les whiskies standards représentés par les grandes marques écossaises dont

la part de marché se situerait aux environs de 45%, environ 25 millions de bouteilles.

- Les whiskies haut de gamme (blends de 12 ans d’age ou pur malt) dont la

part de marché dépasserait les 10%, soit environ 6 millions de bouteilles.

Cette segmentation, théorique, ne résiste pas vraiment à la réalité du marché

car l’engouement suscité par celui-ci a entraîné une prolifération de marques. Elle a

eu pour conséquence de favoriser la concurrence sauvage, qui se traduit par une

bataille incessante au niveau du prix. Le marché est devenu très désordonné et il est

très difficile pour le consommateur de s’y retrouver.

b) Les whiskies premiers prix et les whiskies à bas degré

L’évolution du marché du whisky en France correspond à l’explosion du

nombre de marques référencées en grande surface. Le marché est anarchique, on

trouve 300 marques référencées en 1982122, 350 en 1983123 et plus de 400 marques

en 1984 124 . En 1983, le rayon spécialisé du moindre supermarché de province

compte une quinzaine de référence. Et dans les hypermarchés, l’éventail est encore

plus large puisqu’il dépasse la trentaine de référence125. C’est un nombre important

à l’époque et l’on comprend les difficultés du consommateur pour choisir.

Il y a deux explications à ce phénomène. Tout d’abord les whiskies premiers

prix, et ensuite les whiskies à bas degré.

A chaque phase du développement des whiskies durant les années 1960 et

1970 (les whiskies standards, puis les whiskies de luxe et enfin les pure malts), les

whiskies leaders ont drainé dans leur sillage la création d’une pléiade¨de marques à

bas prix : « Tout le monde a voulu se mettre à vendre du whisky. Le marché est

aujourd’hui victime de l’avidité des distributeurs et d’un manque flagrant de

122 ibidem. 123 Philippe (Guillaume), « L’irrésistible ascension du scotch », La Revue Vinicole Internationale, Mars 1983 p.50. 124 Brousse (Norbert), « Whisky à gogo », op.cit., p.43. 125 Philippe (Guillaume), « L’irrésistible ascension du scotch », op.cit., p.54.

59

réglementation » 126 . Celui-ci a en effet permis cette situation, car si le terme

de « scotch » est protégé comme toutes les appellations - et garantit l’origine

écossaise du malt et de l’alcool de grain entrant dans sa composition - rien n’interdit

l’élaboration du whisky ailleurs qu’en Ecosse. Il y a eu une augmentation très

importante des importations du whisky en vrac127. Certains vont profiter de ce flou

législatif pour mettre sur le marché des whiskies français mais sans forcément

permettre leur identification par le consommateur. Selon une étude de la Scotch

Whisky Association réalisée en 1984, 32% des personnes interrogées ont identifié le

whisky français, 25% se sont trompés pensant qu’il s’agissait d’un scotch et les

autres ne savaient pas128. Ce qui montre bien la difficulté d’identifier le contenu de

la bouteille.

Part du vrac dans les importation de whisky 1980-1990

0

5

10

15

20

25

30

35

40

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

Année

%

La part du vrac va passer de 19% des importations totales en 1979 à près de

35% en 1983. Face à cette augmentation des whiskies premiers prix, les réactions

sont diverses. Du côté des importateurs des whiskies standards, on estime que c’est

l’image même du produit qui est mise en cause. Du côté des importateurs et des 126 ibidem 127 Direction générale des douanes et droits indirects, Statistiques du commerce extérieur. Commentaires des résultats de l'année..., Ministère de l'économie et des finances, 1967-1996. Op.cit. 128 Brousse (Norbert) « Whisky à gogo », op.cit., p.67.

60

distributeurs qui en vendent, il s’agit pour eux de toucher un plus grand nombre de

clients même si le consommateur se perd dans toutes ces marques. Ces whiskies

vont connaître un ralentissement à partir du milieu de la période, les taxes jouant

une grande responsabilité dans ce ralentissement. Il est plus difficile de supporter

30f de taxes pour une bouteille vendue 40fr que pour une bouteille vendue

60fr129(création de la taxe Bérégovoy en 1983 sous la forme d’une vignette sur les

bouteilles). Il convient de préciser que de nombreuses grandes sociétés ont lancé

des whiskies à bas prix parallèlement à leurs whiskies de marque. Jean-Claude

Martin reconnaît que, à côté de Long John, ils avaient créé un whisky premier prix

avec des étiquettes différentes pour chaque grande surface.

Les whiskies à bas prix vont se retrouver en grande difficulté à la fin des

années 1980. Le prix du vrac va augmenter très fortement. Les Ecossais vont arrêter

de vendre à perte car ils veulent assainir la situation, c’est la fin du « whisky lake ».

Les Whiskies « light » titrant à 30° apparaissent à la fin de l’année 1983 pour

répondre à une demande du consommateur (il existe à l’époque une demande pour

les produits « light » qu’il s’agisse de cigarettes ou de bière). Seuls 25% des

consommateurs boivent leur whisky sec, tous les autres l’allongent130. Ils y mettent

soit des glaçons, soit de l’eau de Seltz (une sorte d’eau gazeuse). Mais en France

l’utilisation de l’Eau de Seltz n’était pas nécessaire car le Perrier était disponible

partout. Le quart Perrier permit une démocratisation du whisky.

129 Brousse (Norbert), Bramy (Jean-Marc), « Le whisky essuie un grain », op.cit., p.56. 130 ibidem, p.67.

61

Les modes de consommation du whisky en France en 1984

secallongé d'eau gazeuse ou autres ingrédientsallongé d'eau plate ou sodaavec des glaçons

Des distributeurs vont alors créer un nouveau produit correspondant à ces modes de

consommation. Il s’agit de scotches titrant seulement 30° vendus en premier prix

(comme le Gold River ou encore le Golden Pipe qui existe en 5 ans et en malt).

C’est La Martiniquaise qui se lance la première dans ce créneau avec Gold River 12

ans et qui veut ainsi profiter d’un double courant porteur : le dynamisme du segment

12 ans et la demande des consommateurs pour des produits « light ». Les

consommateurs n’ont pas besoin de diluer autant ces whiskies, ce qui représente un

avantage à leurs yeux. Les sociétés qui les commercialisent diminuent plus le degré

d’alcool et dégagent ainsi une plus grosse marge. Elles profitent aussi du faible prix

du vrac. Le plus gros succès des whiskies « light » est sans nul doute Gold River qui

occupe près des ¾ du marché des « light » et est classé à la 9ème place sur le marché

français en 1989 avec 3,6 millions de cols.131

131 Autret (Anne), « Whisky : l’allégresse des grandes marques », La Revue Vinicole Internationale, avril 1990, p.48.

62

Après de nombreuses années pour obtenir une réglementation au niveau

européen, la Scotch Whisky Association va obtenir gain de cause. Une nouvelle

réglementation va être mise en place en 1990 par la Communauté Européenne

mettant fin aux whiskies français ainsi qu’aux whiskies « light »

c) Trop de marques de whiskies

Le whisky a beaucoup intéressé les supermarchés et les hypermarchés car il

permettait des marges intéressantes dans les années 1960 et 1970. L’apparition d’un

trop grand nombre de marques dans les années 1980 va réduire considérablement

ces marges.

Les tensions vont monter entre les fournisseurs et les distributeurs car il y a

400 marques de whisky en 1987 et on compte jusqu'à 80 références dans un

hypermarché. Le désordre qui règne dans toutes ces marques rend la situation

encore plus difficile. Ce sont les distributeurs qui choisissent quelles marques mettre

en rayon, et jusqu’au milieu des années 1980, ils leur était impossible de se séparer

de certaines grandes marques comme Ballantine’s ou encore Johnny Walker. Mais

la situation évolue et en 1987, même les marques standards vont devoir se plier aux

exigences de la grande distribution ou bien disparaître des rayons. La grande

distribution peut se permettre de qu’elle veut pour cause d’atomisation du marché.

De plus, le risque de voir partir le consommateur vers un autre point de vente est

quasiment nul. Un seul critère compte, le prix. L’infidélité des consommateurs aux

grandes marques est un atout de plus pour la grande distribution. « Dés que les prix

baissent, les volumes augmentent, quelle que soit la marque » 132 . Jean-Claude

Martin rapporte qu’il va y avoir une période où ce seront les distributeurs qui feront

le marché. Si un fournisseur refuse de baisser ses prix, il est sorti du linéaire car dix

autres marques attendent derrière prêtes à prendre sa place.

Cette énorme rotation permet de jouer sur les prix, mais le consommateur ne

peut plus s’y retrouver car les marques changent tout le temps.

d) Le marché du haut de gamme

Malgré cette diversification qui tire le marché vers le bas, il existe un marché

de haut de gamme qui représente 10% de la consommation totale en 1980133. Ce

132 Aubril (Sylvain), « Whisky, les Highlands en folie », op.cit., p.49. 133 Brousse (Norbert), « Whisky : Le dernier des géants », op.cit., p.68.

63

marché comprend les whiskies blends de plus de 12 ans (tels que Johnnie Walker

Black Label, Ballantine’s 12 ans…) mais aussi les purs malts (Glenturner,

Glenfiddich…). Ce marché va se développer et en 1986, la part du haut de gamme

dans la consommation totale de whisky en France est de 20,7% avec un avantage

pour les blends de plus de 12 ans. Ceux-ci représentent 14% de la consommation

totale française soit 9,3 millions de bouteilles. Cette tendance se confirme en 1987

puisque la part du haut de gamme occupe 21,2% du marché. La même année, les

purs malts atteignent les 5 millions de cols134. On peut expliquer cette domination

des blends de luxe par le fait que le consommateur achète un produit de luxe où il

est sûr de retrouver le même goût bouteille après bouteille. Pour les purs malts, les

choses peuvent varier, le risque est donc beaucoup plus grand et les consommateurs

recherchent généralement la sécurité dans la consommation. Les blends de luxe sont

créés par des marques qui ont des blends standards, il est donc aussi probable et

logique que les consommateurs, lorsque leurs revenus augmentent, passent aux

blends haut de gamme de la même marque que le whisky qu’ils consommaient

jusque là.

Cette tendance vers le haut de gamme va se confirmer jusqu'à la fin de la

décennie avec un avantage certain pour les blends de luxe. Néanmoins, les

problèmes de production écossaise vont entraîner une baisse des réserves de 12 ans

d’âge et pénalisé plus fortement le marché des blends de luxe. L’arrivée de plus en

plus massive d’un plus grand nombre de purs malts ainsi que l’évolution du

consommateur va modifier le marché.

e) La chute des prix.

Les prix courants comme les prix réels vont connaître une évolution en dents

de scie sur l’ensemble de la période.

134 Romec (Claude), « Whiskies et Bourbon », Points de Vente, n° 338, 15 février 1988, p.80.

64

Prix courant d'un blend standard 1982-1990

0,00

10,00

20,00

30,00

40,00

50,00

60,00

70,00

80,00

90,00

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990

Années

Prix

en

Fran

c

Ballantine's Label 5 J and B

On retrouve ici les deux grandes tendances de la période, avec une

augmentation de près de 10fr entre 1982 et 1984 (la bouteille de J&B passe de 61fr à

71fr). Cette augmentation continue jusqu’en 1986 malgré une chute du prix du vrac

et une volonté de la part des Ecossais de limiter leur stock. Il s’agit ici de blends

standards. Tous les whiskies sont touchés par la chute des prix durant les années

1987 et 1988. Comme on peut le voir, une bouteille vaut le même prix courant en

1988 qu’en 1984135.

135 Cf. relevé de prix de La Revue Vinicole Internationale en annexe.

65

Prix courant d'une bouteille de blends de luxe et d'un pur malt

0,00

20,00

40,00

60,00

80,00

100,00

120,00

140,00

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990Années

Prix

en

Fran

cs c

oura

nt

Chivas Regal Glenfiddich

Le prix courant d’une bouteille de blend de luxe (Chivas Regal) va connaître

à peu près la même évolution que les blends standards. Il va fortement

augmenter entre 1982 et 1984, va continuer sur une pente ascendante jusqu’en 1986.

Il va connaître une période de baisse jusqu’en 1988 avant de recommencer à

augmenter. La aussi, le prix courant en 1988 est le même qu’en 1984.

Une bouteille de pur malt (Glenfiddich) ne va pas connaître la même

évolution. Elle va elle aussi augmenter entre 1982 et 1984, mais va ensuite garder

quasiment le même prix courant entre 1984 et 1990 soit environ 110fr. Cela peut

s’expliquer par le fait qu’il s’agit d’un produit de luxe qui se positionne par son prix

et qui ne subit donc pas forcément le marché.

66

Les prix réels vont connaître la même évolution que pendant la période

précédente où ils avaient très fortement baissé.

Prix réel d'une bouteille de whisky

0,00

1,00

2,00

3,00

4,00

5,00

6,00

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990

Année

Sala

ire h

orai

re

Ballantine's J&B Label 5 Chivas Regal Glenffidich

Le prix réel d’une bouteille de whisky baisse durant la période puisqu’une

bouteille de Ballantine’s valait 3,19 salaires horaires en 1982 et vaut 2,64 salaires

horaires en 1990. Mais cette baisse ne fut pas régulière tout au long de la période.

En 1984, le prix réel d’une bouteille augmenta pour tous les whiskies.

L’augmentation du prix était plus importante que l’ augmentation du salaire horaire.

On remarque qu’il est devenu accessible à un très grand nombre de personnes

puisque pour pouvoir acheter un whisky d’une grande marque comme J&B, qui

67

s’est toujours positionné sur le haut du marché des blends standards, il faut 3

salaires horaires en 1990. Il est également intéressant d’étudier l’évolution du prix

réel d’une bouteille de Chivas. Même si son prix réel passe de 5,71 salaires horaires

en 1982 à 4,80 salaires horaires en 1988, celui-ci augmente sur la fin de la période.

Il s’agit d’un repositionnement sur le marché du luxe. Pour pouvoir continuer à

promouvoir et à vendre ce genre de whisky, il faut pouvoir continuer à lui donner

l’image d’un produit cher et donc non accessible à tous. Il est nécessaire de vendre

cher pour pouvoir vendre ce genre de produit car cela donne une impression de

rareté.

La part de marché des grandes marques s’est trouvé entaillée au fur et à

mesure des années. Johnny Walker, qui a dominé le marché, va être détrôné par

Ballantine’s en 1989. Mais c’est surtout la montée en puissance des whiskies

« light » avec Gold River et des whiskies bas de gamme qui va marquer cette

période. Certains ont estimé que tous ces whiskies ne feraient que détériorer le

marché, ce qui ne les empêchera pas de le promouvoir auprès d’un plus grand

nombre. Il est indéniable que ces whiskies ont permit au marché de s’accroître et

d’atteindre les 100 millions de cols à la fin de la période. La seule solution qu’ont eu

les grandes marques pour résister était la publicité qui fut enfin autorisée et qui leur

permit de se créer une image pour fidéliser le consommateur. Il va aussi y avoir une

véritable guerre des prix pour pouvoir rester référencé. On peut se demander si tous

ces whiskies à bas prix n’ont pas miné le marché et ne l’ont pas détérioré. Une

nouvelle réglementation européenne va être mise en place en 1990 mais n’est il pas

trop tard pour mettre de l’ordre dans un marché aussi atomisé ?

68

B) La communication du whisky Les années 1980 voient le whisky se démocratiser. C’est un marché surchargé au

niveau des marques et dans lequel le consommateur parvient difficilement à se

retrouver. Les grandes marques, qui avaient dominé la période précédente, voient

leur part de marché diminuer. Une modification de la loi va leur permettre de faire

de la publicité et donc d’essayer de fidéliser le consommateur. Cette démocratisation

va permettre de conquérir de nouvelles couches de consommateurs.

1) Le whisky est autorisé à faire de la publicité

Jusqu’au début des années 1980, la publicité était interdite pour les alcools

de la Vème catégorie dont faisait partie le whisky selon l’article L. 17 du Code des

débits de boissons et des mesures contre l’alcoolisme de 1960 :

« Il est interdit d'effectuer une publicité, sous quelque forme qu'elle se présente, en faveur des boissons dont la fabrication et la vente sont prohibées, ainsi que les boissons du cinquième groupe. Il est également interdit d'effectuer une publicité sous quelque forme qu'elle se présente, en faveur des boissons alcooliques sur les stades, terrains de sports ou privés, dans les lieux où sont installées des piscines et dans les salles où se déroulent habituellement des manifestations sportives ainsi que dans les locaux occupés par des associations de jeunesse ou d'éducation populaire. »

Il ne s’agissait pas d’une mesure discriminatoire concernant uniquement le

whisky comme le pensaient les Ecossais mais d’une mesure qui touchait bon

nombre d’alcools forts. Ces alcools étaient considérés comme trop forts et donc

dangereux comme le relate ce jeux de mots que rapporte Mr Martin, «Pernod est

l’alcool qui perd nos fils»136.

a) Des publicités alibis

136 Cf. entretien M. Jean-Claude Martin

69

Face à l’interdiction des pouvoirs publics, les entreprises vendeuses d’alcool

avaient trouvé plusieurs parades pour faire quand même de la publicité. Ils

pouvaient par exemple émettre des messages radiophoniques du Luxembourg ou

encore de Monte-Carlo. Une autre solution était de créer des publicités alibis. Il

s’agit d’une publicité pour une liqueur portant le même nom que le whisky concerné.

Les liqueurs font partie du IVème groupe et pour elles la publicité était limitée mais

pas interdite. La loi était ainsi contournée. Jean-Claude Martin raconte qu’ils ont été

nombreux à faire des liqueurs de whisky. Pour ce faire, ils prenaient du whisky

qu’ils mélangeaient avec de l’eau, du sucre et des aromatisations (essentiellement du

miel et des fleurs). Pour justifier l’existence d’un tel produit, ils en fabriquaient

quelques centaines voire quelques milliers de bouteilles. Ils prenaient le même

flacon que le produit original, modifiaient à peine l’étiquette et vendaient ainsi du

« Long John liqueur de whisky »137. Un autre exemple concerne Label 5 pour lequel

nous avons les publicités. Il s’agit d’un whisky créé par La Martiniquaise en 1969.

Il y avait à l’origine 5 sous-marques, mais en 1973, Label 5 s’impose comme unique

marque. Celle-ci est créée de toutes pièces, ce qui ne l’empêchera pas de réussir à

s’imposer petit à petit sur le marché français. Le flacon est carré et s’inspire de celui

de Johnnie Walker. Au début des années 1980, la marque vendait déjà 4 millions de

bouteilles essentiellement en grande surface et c’était la 3ème marque française138.

137 ibidem. 138 Brousse (Norbert), « Whisky : le dernier des géants », op.cit., p.62.

70

Publicité pour la liqueur d’Ecosse Label 5 de 1978139

On pourrait penser qu’il s’agit d’une liqueur et donc d’un alcool sucré qui

vise les consommateurs non attirés par le whisky. Mais il n’en est rien, « le

consommateur doit la chercher longuement »140. C’est un produit non disponible,

qui a certainement existé mais qui n’a pas été distribué. Selon Monsieur Martin, ce

genre de publicité avait néanmoins un impact limité et le succès de Label 5

s’explique beaucoup plus par sa politique de prix en grande surface.

La modification de la réglementation française va tout bouleverser.

b) La publicité autorisée par la CEE

Jusqu’au 10 Juillet 1980, les choses étaient claires : les boissons étaient

classées en cinq catégories ayant chacune son propre régime, mais la Cour

Européenne de Justice va modifier cette législation. On peut lire dans La Revue

Vinicole Internationale un extrait du jugement : « La République Française, en

réglementant d’une manière discriminatoire la publicité des boissons alcooliques et

en maintenant ainsi des obstacles à la liberté des échanges intra-communautaires, a

manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 30 du traité »141. Un

exemple de cette législation discriminatoire est que la publicité pour le rhum était

autorisée tout en interdisant celle en faveur du whisky.

Il fallut alors attendre l’interprétation que le droit interne français allait faire

de cet article. Six mois plus tard, en janvier 1981, la cour d’appel de Paris refusait

de condamner une marque de Porto. Pour la Cour de Rouen (2 avril 1981 - Affaire

boisson du 5ème groupe), les articles du Code des débits de boissons et des mesures

contre l’alcoolisme s’appliquant à la publicité n’existent plus car « la réglementation

de cette publicité se trouve ainsi en opposition avec l’ordre juridique créé par le

traité et ne peuvent s’appliquer aux ressortissants français, le traité ayant une

autorité supérieure à la loi qui édicte cette réglementation »142. Enfin un arrêt en

date du 24 avril 1981 de la cour d’appel de Grenoble reconnaît l’interdiction faite à 139 Barthélémy, « Label 5 : Les confessions de Jean Cayard », La Revue Vinicole Internationale, mai 1982, p.63. 140 Non signé, « Label 5 : Une liqueur très difficile a trouver », La Revue Vinicole internationale, juin-juillet 1978, p.59. 141 Beauchamp (Marc), « Whisky : en attendant la loi on inculpe », La Revue Vinicole Internationale, juin 1982, p.23. 142 ibidem.

71

la France de dévaloriser les produits importés depuis d’autres Etats membres par

rapport aux produits nationaux et met en cause l’article L17 du Code des débits de

boissons et des mesures contre l’alcoolisme, qui serait contraire à l’article 3F du

Traité de Rome interdisant à un Etat de « fausser la concurrence dans le Marché

Commun »143.

Le gouvernement s’était pourtant engagé dès le 10 décembre 1979 auprès de

la Commission des Communautés à soumettre au Parlement un projet de loi tendant

à uniformiser, en la limitant, la publicité des boissons alcooliques. Le 24 mai 1980,

Jacques Barrot, alors Ministre de la Santé du gouvernement Barre, déposait devant

l’Assemblée Nationale un projet de loi suivi d’un rapport présenté aux députés le 11

mai 1981. Mais le changement de gouvernement retarda ce projet de loi. La France

se retrouvait sans législation. Les grandes marques d’alcools profitèrent de ce vide

juridique pour faire de la publicité

Celle-ci va permettre aux grandes marques de se différencier et de se créer

une image face à toutes celles qui apparaissent et qui rendent le marché illisible pour

le consommateur. Selon Annie Negrin, chef de produit chez Simon Frère

(distributeur de Johnnie Walker) « les grandes marques ne sont pas gênantes, aux

contraire, dans la mesure où elles favorisent le dynamisme du marché. Mais les

petites, oui. D’une part, elles deviennent des marques de remplissage, d’autre part

elles détruisent complètement le goût du whisky chez les gens » 144 . Cela rend

nécessaire une information plus complète des marques qui en ont les moyens, on

pourrait même penser à une publicité collective, mais celle-ci ne sera jamais réalisée.

Johnnie Walker, l’un des leaders du marché, va être une des premières

marques à communiquer. En 1981, elle lance une campagne de publicité dans la

presse. Elle va ouvrir le chemin aux autres marques. Elles profitent du vide juridique

existant mais se demandent quelles vont être les conséquences car la CEE a cassé la

loi française mais celle-ci est toujours en vigueur.

D’autres marques vont profiter de ce vide et de la brèche ouverte par Johnnie

Walker. La publicité va connaître une évolution tout au long de la période. Tout

d’abord ce sont celles issues de la presse professionnelle 145qui vont être reprises,

143 Ibidem. 144 Non signé, « Johnnie s’en va-t-en guerre », La Revue Vinicole Internationale, octobre 1981, p.58. 145 La publicité dans la presse professionnelle n’était pas interdite. On en retrouve durant toutes les années 1970 dans La Revue Vinicole Internationale. Il s’agit essentiellement de publicités visant à promouvoir le distributeur et le produit.

72

adaptées et diffusées pour le grand public. Par exemple, William Lawson’s publie

une annonce en 1981 où l’on voit simultanément le « Rare Blended » William

Lawson’s et le Glen Deveron « single malt » 8 ans d’âge. Dans cette annonce, on

retrouve deux marques du même distributeur ce qui explique cette double publicité.

Publicité William Lawson’s et Glen Deveron 1981

Un autre trait caractéristique de la publicité durant le début des années 1980

est l’importation directe de publicités réalisées à l’étranger (principalement au

Royaume-Uni) qui n’étaient pas destinées au marché français. L’autorisation de

faire de la publicité est très soudaine, et personne n’avait auparavant préparé de

campagne de communication appropriée.

Certaines vont être adaptées comme cette publicité pour J&B qui paraît

durant les années 1981-1982. Le texte originel de l’annonce grand public anglaise

était : « Le roi de la nuit est un grand blond » avec pour visuel une scène de night-

club et en premier plan la bouteille. Mais le whisky se consomme aussi chez soi et

vis-à-vis du grand public, whisky et boîte de nuit ne vont pas forcément ensemble.

73

Le texte a donc été modifié et donne : « Le whisky blond » accompagné du texte :

« La blondeur naturelle de J&B reflète et rehausse l’élégance de son style et la

pureté de son goût ». Signé : George Shortull, Master Blender. On y voit en premier

plan deux bouteilles et un verre, et en arrière plan le signe J&B. Cette annonce a été

modifiée pour pouvoir toucher un maximum de personnes. On y donne des

précisions sur la qualité du whisky et il n’est nullement question d’imaginaire.

Publicité J&B

Le marché du luxe va aussi s’intéresser à la publicité, il s’agit avant tout de

conserver une image de haut de gamme. Ces marques ne représentent qu’un faible

volume dans le marché total. Chivas par exemple vend 1,8 million de bouteilles et

Glenfiddich 550 000 bouteilles en 1981 146 . Chivas va ressentir le besoin de

communiquer pour maintenir son volume de vente mais aussi pour conserver son

image. Ils vont importer des annonces de Grande-Bretagne mais sans les modifier.

Ce ne sont pas des annonces mettant uniquement en avant la bouteille mais aussi

146 Brousse (Norbert), « Whisky : le dernier des géants », op.cit., p.63.

74

tout ce qu’elle représente. On peut y voir, d’un coté une bouteille avec pour

texte : « Chivas Regal, né en 1801, 12 ans d’âge » et de l’autre la mise en évidence

du packaging original et argenté avec pour texte : « Rassurez-vous ! Un bienfait

n’est jamais perdu ». Le contenu est important mais le contenant aussi.

Publicité Chivas

On peut lire dans La Revue Vinicole Internationale que « Les annonces

créatives de Chivas parues aux Etats-Unis ou en Angleterre ne marchent pas en

France (…) les Français n’ont pas le même sens de la répartie que les Anglais »147.

Malgré ces réticences à l’époque où les premières annonces ont été publiées, Chivas

va continuer avec ce genre de campagne durant toute la période. Il va rester une

marque importante du marché de luxe français.

Glenfiddich communique par des publicités très élitistes. En 1982, il réalise

une publicité dans laquelle il dit ne s’adresser qu’ « aux deux ou trois véritables

amateurs de whisky » qui lisent l’annonce148. Dans la suivante datée de 1984, on

voit juste une bouteille avec un paysage écossais et un texte. Cette publicité ne

concerne aussi qu’une minorité de personnes : « Le seul pur malt des Hautes Terres

d’Ecosse à être mis en bouteille à l’endroit même où il est né. Une distinction

naturelle qui ne s’adresse qu’aux véritables amateurs de whisky ». Le fait le plus

marquant dans cette annonce est la présence de la phrase « Sachez apprécier et 147 Barthélémy, « Publicité : Les whiskies entrent dans la danse », La Revue Vinicole Internationale, janvier 1982, p.56. 148 ibidem.

75

consommer avec modération ». Ce n’était pas du tout obligatoire à l’époque et il est

le premier à le faire avant que la loi ne conseille puis n’oblige la présence de cette

indication.

Publicité Glenfiddich

Toutes ces publicités sur le whisky ont été réalisées alors que la loi française

l’interdisait. Toutes ces marques vont donc se retrouver devant le tribunal en

1982149 pour avoir enfreint l’article L17 du Code des débits de boissons et des

mesures conte l’alcoolisme 150 . La question est alors de savoir quel droit doit

s’appliquer. La plainte avait été déposée par le Comité national de défense contre

l’alcoolisme et, au vu des jugements précédents, il y avait peu de chances que celles-

ci soient condamnées. Il peut y avoir plusieurs hypothèses à cette plainte : rappeler à

tout le monde les lois en vigueur, faire pression sur le gouvernement ou encore

freiner les investissements publicitaires. Ces marques ne seront pas condamnées.

149 Les marques concernés sont : Chivas Regal, Long John, J&B, Clan Campbell, Jack Daniel’s, Johnnie Walker, Glenfiddich, Four Roses et William Lawson’s. 150 Beauchamp Marc, « Whisky : en attendant la loi on inculpe », op.cit.

76

Les investissements vont continuer en 1982. Suite à sa première campagne, William

Lawson’s lance une seconde campagne de 3,5 à 4 millions de francs où ils feront

bien plus que montrer le produit151.

S’apercevant qu’une loi n’arrivait toujours pas, les distributeurs continuèrent

à communiquer librement. On va donc voir la création de symboles pour un grand

nombre de marques de whisky dont certains existent encore de nos jours.

Tout d’abord Clan Campbell avec « l’esprit de clan ». En 1984 est décidé le

lancement d’un 12 ans d’âge car, devant la diversification du marché, il est

impossible de s’imposer avec seulement un 5 ans d’âge. Pernod-Ricard, qui

distribue le produit, décide de créer un 12 ans. Il possède une vraie origine écossaise.

Il est produit par le Duc d’Argyll, chef du clan et premier personnage d’Ecosse. La

communication de cette marque s’est donc axée avec les années autour de cette idée

de clan typiquement écossais. Le Clan Campbell 12 ans d’âge était en fait réservé

jusque là à l’usage du clan. Le duc accepta de le commercialiser pour célébrer le

4ème centenaire de l’alliance franco-écossaise passée à l’époque entre son ancêtre le

Comte d’Argyll et le roi Henri IV. En 1986 une campagne de publicité est réalisée

pour promouvoir le 12 ans d’âge152.

151 Barthélémy, « Publicité : Les whiskies entrent dans la danse », op.cit., p.57. 152 Barthélémy, « Clan Campbell : Un duc pour star », La Revue Vinicole Internationale », février 1986, p.62.

77

Publicité Clan Campbell

Trois annonces illustrant la « noblesse d’un clan » sont créées. La bouteille

est en premier plan, et en arrière plan, il y soit un faucon, soit un arc et des flèches,

soit des fleurets et un masque d’escrime. Le texte ajoute « Quand un chef de clan

s’engage, on peut le croire. Il est aussi loyal en paroles qu’envers son whisky ». Et

c’est signé par le duc en personne : « Ian Campbell, XII duc d’Argyll ».

Cette campagne joue sur l’Ecosse et la tradition pour légitimer l’existence du

produit. Elle peut le faire car cette origine écossaise est tout à fait réelle. Certaines

marques vont aussi jouer sur ce thème sans pour autant avoir la moindre légitimité

historique.

La campagne publicitaire de Glen Turner réalisée en 1984 est très

intéressante. Glen Turner est une marque créée par La Martiniquaise en 1980. Il

s’agit d’un pur malt de 12 ans d’âge à bas prix. Par exemple, celui-ci vaut en 1984

66,03F et Johnnie Walker Red Label 66,80F, alors qu’une bouteille de Chivas vaut

78

108,76F153. Comme on le constate sur la publicité, la bouteille et l’étiquette sont

quasiment les mêmes que pour du Chivas. On retrouve l’inspiration d’une grande

marque tout comme cette société l’avait fait avec Label 5 et sa bouteille carrée

inspirée de Johnnie Walker. Comme ce whisky a été créé de toutes pièces en France,

il ne peut pas prendre ses références dans la tradition écossaise. Celui-ci vend 2

millions de bouteilles en 1984 et couvre 50% du marché des purs malts154. Mais ce

succès étant uniquement basé sur le facteur prix, La Martiniquaise décida de créer

« Le Whisky Star ».

Publicité Glen Turner

On lit sur la partie gauche « Glen Turner, le Whisky Star, raconte

Hollywood » et, sur l’autre partie, un texte décrivant brièvement le côté mythique de

Marilyn Monroe. Ce texte s’achève sur le fait que ce whisky est aussi une « star »

par son originalité. La même affiche a été faite avec Clark Gable. Le mot « star »

devient ici le support du whisky et de l’annonce qui raconte l’histoire. Mais c’est en

fait le contraire puisque toutes ces phrases sur les stars ne sont là que pour attirer

l’attention sur Glen Turner qui lui est un inconnu. Il s’agit ici de créer une image à

153 Barthélémy, « Glen Turner : Les stars de la galaxie hollywoodienne », La Revue Vinicole Internationale, janvier 1984, p.46 154 ibidem.

79

ce whisky pour qu’il reste sur le marché, n’ayant qu’une existence française

contrairement aux whiskies écossais.

Durant toute cette période, les grandes marques purent faire de la publicité

librement, des annonces furent aussi réalisées pour le cinéma et la radio. Mais tout

cela changea en 1987 lorsque fut adopté un projet de loi sur la publicité des boissons

alcoolisées.

c) La loi Barzach

Après des années de vide juridique, la loi Barzach entre en application le 30

juillet 1987. Les publicités sur les alcools étaient de nouveaux réglementées. Mais il

leur restait encore de grandes libertés. Les marques de whiskies vont axer leur

communication sur le côté « noir », c’est à dire la fête et le soir, mais cela va aussi

s’accompagner d’une sophistication des annonces.

Cette loi va imposer des limites pour la publicité sur les alcools. Les articles

L. 17 et L. 18 du Code des débits de boissons et des mesures contre l’alcoolisme

sont modifiés par la Loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 art. 97 II (JORF 31 juillet

1987) :

L. 17 « Est interdite la diffusion de messages publicitaires en faveur de boissons contenant plus de un degré d'alcool : - par les organismes et services de télévision publics ou privés dont les émissions sont diffusées par voie hertzienne terrestre ou par satellite ou distribuées par câbles » L. 18 « Toute publicité en faveur des boissons contenant plus de un degré d'alcool doit comporter un conseil de modération concernant la consommation de ces produits alcooliques. Elle ne peut présenter les boissons comme dotées ou dénuées d'effets physiologiques ou psychologiques. Elle ne doit comporter aucune incitation dirigée vers les mineurs ni n’évoquer d'aucune façon la sexualité, le sport, le travail, les machines et véhicules à moteur. Elle ne doit pas avoir recours à des personnalités connues pour une activité n'ayant pas de rapport avec la production ou la distribution de boissons alcooliques. »155

155 http://www.legifrance.gouv.fr

80

Dans l’article L.17, ce qui change est l’interdiction totale de la publicité à la

télévision aussi bien pour les chaînes publiques que privés. La publicité dans les

publications destinées à la jeunesse est toujours interdite, ainsi que la publicité sur

les lieux sportifs (stade, piscine, événement sportif…).

L’article L.18 est complètement modifié. Il est désormais obligatoire de

marquer un conseil concernant la modération sur la consommation des boissons

alcoolisées. Ce message est limité par de nombreuses règles. L’alcool ne doit plus

être présenté comme ayant des effets positifs sur les comportements sociaux, il ne

doit plus évoquer la sexualité, le sport, le travail et les machines à moteurs. Le coté

« machiste » de l’alcool est supprimé. Enfin il est interdit d’utiliser une personnalité

(sauf si elle est liée au monde de l’alcool) pour promouvoir une boisson alcoolisée.

Devant cette nouvelle réglementation, les annonceurs durent s’adapter. Deux

tendances vont apparaître allant parfois de pair : une sophistication et un attrait pour

la nuit.

Certaines marques jusque là habitués à des annonces assez simples vont se

tourner vers des idées plus développées. C’est le cas de Label 5 créé par La

Martiniquaise et qui en 1986 change de bouteille 156 . Ayant acquis sa propre

notoriété (Label 5 fait partie des quatre premières marques de whisky en France en

1988), il n’était plus nécessaire de garder une bouteille carrée à la Johnnie Walker.

Désormais, c’est une bouteille plus large et plus travaillée. Pour le consommateur,

ce changement de format va lui donner l’impression plus ou moins consciente qu’il

s’agit d’un nouveau Label 5. Le nouveau packaging va impliquer la création d’une

nouvelle image. Fini le coté folklorique avec les 5 écossais qui représentaient Label

5 depuis le début des années 1980. Le nouveau visuel met en scène une femme

habillée d’écossais noir et blanc avec un côté mystérieux157.

156 Non signé, « Label 5 en toute modernité… », La Revue Vinicole Internationale, septembre 1986, p.65. 157 Barthélémy, « Whisky : sophistiquez-moi », La Revue Vinicole Internationale, janvier 1989, p.42.

81

Publicité Label 5

La mise en scène est très importante, il s’agit à chaque fois d’une double

page avec d’un côté, le mannequin dont on ne voit qu’un aspect : un béret florentin

surplombant une expression très théâtrale, une paire de jambes sortant d’une jupe

écossaise aux bords larges, un ruban écossais dans des cheveux couleur whisky, un

nœud papillon écossais rehaussant un visage en clair obscur. Et de l’autre côté, la

bouteille en majesté jouant ou trinquant avec les glaçons selon le cas. En légende

côté femme, « le classique est souvent noir » et côté flacon « Le noir est souvent

classique ». Le noir étant porteur d’élégance et de raffinement, cette campagne a

pour but de rehausser l’image de Label 5.

Une autre marque qui va changer d’orientation publicitaire et va tenter un

renouvellement est Cutty Sark. Jusqu’en 1988, les annonces montraient toujours le

clipper symbole de la marque avec des bulles humoristiques rehaussées par les

couleurs vert et jaune du produit. L’objectif de ce changement de campagne est

d’accéder aux 18-25 ans en créant une nouvelle image. C’est ainsi que naquirent

quatre publicités « style de vie » destinées aux jeunes.

82

Publicités Cutty Sark

On voit un homme nu dans sa baignoire mais conservant son chapeau, avec

comme phrase « Cutty Sark, Le scotch qui a horreur des ronds de jambes sur

canapé. ». Ou encore une belle blonde accoudée au bar dont le whisky ne supporte

pas « les airs pinces monseigneur », une autre « qui met le kilt au placard avec la

naphtaline » et enfin, un jeune plein d’avenir « qui préfère un établi en désordre à

l’ordre établi ». Le tout sur fond or et jaune, couleur de la marque. Cutty Sark, qui

vendait en 1988 un million de bouteilles par an, va grâce à cette campagne connaître

une progression d’environ 30%158.

Ce genre de campagne montre une volonté de faire des annonces plus

sophistiquées mais aussi plus ciblées. La campagne de Cutty Stark vise une

population jeune. Les publicités très simples ne vont plus apparaître, il s’agit

désormais d’attirer un consommateur spécifique et non plus tous les consommateurs

158 Barthélémy, « Whisky : sophistiquez-moi », op.cit., p.43.

83

en même temps. Le début de la période a vu la création de symboles propres à

chaque marque. La fin de la période voit des changements s’opérer pour certaines

marques avec la création de symboles très précis mais éphémères et visant des

classes de consommateurs en particulier.

Un autre concept qui va être très utilisé, et qui à la fin des années 1980 va

être épuisé, est celui de la nuit. Cette tendance avait été commencée avec J&B

comme on l’a vu précédemment, et ils vont continuer dans cette voie. Ce concept va

bien leur réussir puisqu’ils vont passer de 1 million de cols au début de la décennie à

7 millions de cols en 1989159. Les slogans utilisés vont progresser tout au long de la

campagne. Cela commence par « Une lumière dans la nuit », puis vient « Le monde

appartient à ceux qui se couchent tard », « Ne rentrez pas chez vous ce soir »…

Publicités J&B

159 ibidem.

84

On pourrait penser qu’en 10 ans le concept a été épuisé, mais c’est surtout le

fait qu’il est utilisé par d’autres marques qui va rendre ces campagnes assez

inefficaces. Il ne s’agit pas vraiment d’un plagiat puisque la nuit comme la rue

appartiennent à tout le monde et que le whisky est souvent consommé le

soir. .Johnny Walker et Black & White vont aussi se servir de ce thème. Seulement,

à force de trop vouloir communiquer sur ce concept, il a été vidé de tout son sens.

Le véritable succès de J&B ne se trouve pas uniquement autour de ces 10 années de

publicité sur le même thème mais plutôt sur le fait qu’en commercialisant son

whisky, le distributeur (Moët-Henessy puis la Sovedi) s’est d’abord intéressé aux

discothèques, puis aux bars, et aux CHR (cafés, hôtels, restaurants) en général avant

et pendant son introduction dans la grande distribution. C’est ce modèle de

communication qui a permis le succès de J&B.

La publicité des années 1980 a vu l’évolution de nombreuses images sur le

whisky. Au début de la période, les publicités sont très simples et épurées. Il s’agit

de vendre la bouteille. Puis va apparaître la volonté de créer une image spécifique

aux produits. Par exemple montrer le clipper de Cutty Stark plutôt que la bouteille.

Puis avec la loi Barzach, mais aussi de part l’évolution des concepts, la publicité va

se sophistiquer pour viser des segments de consommateurs très précis. La publicité a

peu utilisé les stéréotypes de la période précédente. La culture attachée aux whiskies

des années 1960 et 1970 s’est atténuée dans l’imaginaire collectif.

Le message « Sachez apprécier et consommer avec modération » va

apparaître sur toutes les publicités à partir de 1987.

85

2) L’évolution du consommateur L’explosion du nombre de marques de whisky va complexifier le marché

pour le consommateur, mais celui-ci va évoluer. La baisse des prix va permettre à un

plus grand nombre d’y accéder et il va se développer dans de nombreuses régions où

il était absent. Le whisky continue donc bien à descendre la pyramide sociale.

a) Une évolution des habitudes de consommation

Nous avons très peu de chiffres sur l’évolution du profil du consommateur

de whisky. Les seuls connus concernent la différence entre 1977 et 1982.

Néanmoins l’évolution est très importante.

Tableaux sur les profils des consommateurs en 1982160

Le principal changement concerne les consommateurs « assumés », ils

passent de 29% à 43% au profit principalement des consommateurs « positionnés

sociaux » qui sont passés de 45% à 28%. Le changement montre que désormais les

consommateurs assument leur consommation de whisky, ils ne le consomment plus

uniquement pour l’image. Ils ont évolué, ont appris à connaître des marques et ont

160 Philippe (Guillaume), « L’irrésistible ascension du scotch », op.cit., p.64.

86

changé de catégorie. Les consommateurs « socialement attirés » eux sont passés de

26% à 29%. Comme il s’agit de consommateurs plutôt ruraux ou semi urbains, on

en déduit que le whisky commence à s’implanter en dehors de la région parisienne

et des grandes villes comme on va le voir par la suite.

b) L’évolution géographique La baisse du prix de la bouteille durant la période précédente rendit le

produit plus accessible dans les années 1980. Il allait conquérir de nouveaux

consommateurs. Le whisky n’a pas encore pénétré toutes les couches

socioprofessionnelles de la population. Boissons des catégories aisées à l’origine, il

s’est bien sûr démocratisé avec la baisse de son prix réel. Mais lorsque l’on descend

dans l’échelle sociale, le marché n’est pas encore saturé. La consommation, qui

était au début principalement urbaine, va se répartir petit à petit à travers toute la

France. La distribution capillaire ainsi que l’ouverture de supermarchés et des

hypermarchés rendirent le produit de plus en plus accessible

Carte de la répartition des ventes de whisky en 1982161 et 1988162

161 Philippe (Guillaume), « L’irrésistible ascension du scotch », op.cit., p.64 162 Brousse (Norbert), Aubril (Sylvain), « Scotch, les écossais ferment les vannes », op.cit., p.55.

87

Au début des années 1980, la consommation de whisky en France était

dominée par la région parisienne. Elle représentait à elle seule 34% de la

consommation totale, suivie par le Midi avec 12% et le Nord avec 11%. Les autres

régions représentent toutes moins de 10% en 1982. Le développement du whisky fut

très important durant la période, aussi bien au niveau de la gamme qu’au niveau du

consommateur. En 1988, la Région Parisienne ne représente plus que 24,5% de la

consommation totale. Elle reste la région la plus importante mais a vu sa part

considérablement diminuer au profit de toutes les autres régions. La région Nord a

vu sa part progresser pour atteindre 15,2%. Le Sud-est voit sa part de marché

stagner puisqu’elle n’est passée qu’à 12,7%. Une région a franchi la barre des 10%

de part de marché, il s’agit du Centre Ouest, les autres régions vont stagner. Le

principal événement est l’augmentation de la région Nord qui commence à

s’affirmer elle aussi comme une région très consommatrice de whisky juste derrière

l’Ile de France. Les campagnes commencent à consommer du whisky puisque l’on

voit le Centre Ouest dépasser la barre des 10%. De plus, aucune région n’a vu sa

part de marché diminuer (hors Ile-de-France), ce qui signifie que l’augmentation de

la consommation de toutes les régions est plus importante que celle de la Région

Parisienne. Le whisky, malgré de nombreux problèmes dans d’autres pays, reste un

alcool à la mode en France.

Les années 1980 se caractérisent donc par une libéralisation du marché, une

chute des prix, le produit est de plus en plus accessible. Les marques à bas degré ou

à bas prix minent le marché. Les grandes marques vont réussir à garder leur

suprématie en grande partie grâce à la publicité bien que leurs parts de marché

soient entaillées pour ces nouvelles marques.

88

IIIIII

LLEESS AANNNNEEEESS 11999900,,

SSAATTUURRAATTIIOONN DDUU MMAARRCCHHEE ??

89

Les années 1990 vont voir se produire de profonds bouleversements. Le

marché va continuer son essor à travers une augmentation de la consommation mais

le marché anarchique des années 1980 va petit à petit disparaître. En premier lieu,

une réglementation européenne va remettre de l’ordre dans le marché du whisky.

Ensuite, grâce aux concentrations des entreprises d’alcool, de nombreuses marques

vont disparaître. Les malts vont exploser et connaître ainsi une très grande

expansion. La guerre des prix va continuer. Les promotions vont devenir très

importantes et d’autant plus nécessaires pour promouvoir le produit, qu’après la loi

Barzach de 1987, la loi Evin en 1991 va limiter d’avantage les champs possibles

pour la publicité. Le consommateur va évoluer, il va vieillir, les jeunes vont préférer

se tourner vers les alcools blancs. Néanmoins, on va assister à l’aboutissement de la

démocratisation, puisqu’en 1997, le whisky dépasse les anisés en valeur163.

A) Une réorganisation du marché

Le marché des années 1980 se caractérisait par son anarchie : plus de 400

marques de whiskies, les whiskies à bas degré, les whiskies premiers prix, les

whiskies purs malts à bas prix et à bas degré… impossible pour le consommateur de

savoir exactement à quoi correspondait le produit qu’il achetait. En 1989, devant

l’insistance de la Scotch Whisky Association et de nombreux autres organismes, une

réglementation européenne est créée qui régissait tous les alcools produits en Europe,

dont le whisky. Mais celle-ci va néanmoins connaître des limites.

1) Une nouvelle réglementation qui ne résout pas tout les problèmes

a) La réglementation européenne n° 1576/89

Un règlement européen est créé pour régir les alcools. Il s’agit du règlement

n° 1576/89 du conseil du 29 mai 1989, qui rentre en application le 15 décembre

1989. Ce règlement fut bien plus sévère que prévu car, au lieu de réglementer

163 Galinier (Pascal), « Cet été, le whisky a gagné la bataille des comptoirs », Le Monde, 28 août 1997, p.1.

90

l’appellation Scotch, il réglementa le mot Whisky. La définition du whisky selon

l’article 1 est la suivante :

Le whisky ou whiskey est la boisson spiritueuse obtenue par distillation d’un mout de céréales -saccharifié pas le diastase du malt qu’il contient, avec ou sans enzymes naturelles, -fermenté sous l’action de la levure, -distillé à moins de 94,8%vol, de telle sorte que le produit de la distillation ait un arôme et un goût provenant des matières premières utilisées, et vieilli pendant au moins trois ans dans des fûts en bois d’une capacité inférieure ou égale à 700 litres.

Selon l’article 3 :

Le titre alcoométrique volumique minimal doit être de 40% pour le whisky/whiskey.

Selon l’article 5, il est précisé qu’il existe une dénomination géographique

spécifique.

Whisky Scotch Whisky Irish Whisky Whisky Español

(Ces dénominations peuvent être complétées par les mentions « malt » ou « grain »)

Whiskey Irish whiskey Uisce Beatha Eireannach/Irish Whiskey

(Ces dénominations peuvent être complétées par la mention « Pot Still »)

Il n’y a pas d’appellation « Whisky Français » mais il y a une appellation

« Whisky Español » dans les dénominations géographiques. Si on fabrique ou on

embouteille un alcool en France en respectant la réglementation en vigueur, rien

n’empêche de l’appeler « Whisky ».

Les deux principales mesures de cette réglementation sont tout d’abord le

fait qu’un whisky doit titrer au moins 40° d’alcool. Selon Jean-Claude Martin « Il

s’agit enfin de la formalisation d’un usage admis tacitement par tout le monde, sans

que cela soit inscrit dans les textes. Or dans les années 70, certains importateurs se

sont aperçus que cette absence de réglementation précise leur laissait la possibilité

de commercialiser des whiskies à bas degré, sans pour autant enfreindre la

91

législation nationale ». Ce fut le cas en France où ce marché atteint près de 8

millions de bouteilles en 1988164. Il explique que « 40° correspond à une teneur en

alcool optimale où s’épanouit le mieux les qualités gustatives du produit ». De plus

« La mise en application du règlement européen ne pose pas de problème sur le plan

technique en ce domaine, puisque pour passer de 30° à 40°, il suffit d’ajouter moins

d’eau aux whiskies à haut degré importés d’Ecosse ».

La deuxième mesure de cette réglementation est le fait qu’un whisky doit

vieillir au minimum trois ans avant d’être mis sur le marché. Le problème posé par

ce règlement est le délai qu’il faut pour constituer des stocks. « Cela touche la

France ou d’autres pays, qui contrairement à l’Ecosse, n’observaient pas jusqu'à

présent cette règle du vieillissement pour leurs propres whiskies. (…) il est

impossible pour se conformer au règlement européen, de justifier, dés le 15

décembre prochain, du vieillissement de ces alcools »165.

b) Les limites de la réglementation

Les whiskies à 30° (ou whiskies français) étant obligés de disparaître, les

sociétés en produisant trouvèrent une parade à ce problème dans la loi européenne

grâce a l’article 5.

Les boissons spiritueuses que ne répondent pas aux spécifications arrêtées pour les produits définis à l’article 1ier paragraphe 4 ne peuvent pas recevoir les dénominations qui y sont retenues. Elles doivent être dénommées « boissons spiritueuses » ou « spiritueux ».

Le changement d’appellation devient obligatoire à partir du 15 décembre

1991166. Les sociétés vont mettre sur le marché des spiritueux au whisky sur lequel

ils marquent « Whisky Spirit » et en dessous en tout petit Spiritueux au whisky

comme on peut le voir sur la photo ci-dessous. Et le contenu de la bouteille est à 30°.

164 Romec (Claude), « Whiskies : Une nouvelle donne mondiale », op.cit., p.88 165 ibidem 166 Demazure (Stéphane), « Whiskies : Et Vint la loi Evin », La Revue Vinicole Internationale, avril 1992, p.65.

92

Bouteille de whisky sur lesquelles on peut lire « Whisky Spirit » en gros et « spiritueux au whisky » en caractère tout petit.167

Selon la Revue Vinicole Internationale les spiritueux au whisky totalisent en

1992 16% des ventes totales, ils représentent un peu plus de 16,3 millions de

bouteilles dont 7,5 millions sont encore cataloguées en whiskies français,

probablement l’écoulement des derniers stocks168. Les whiskies à bas degré existent

toujours, ils ont juste changé de nom. Ces spiritueux sont en majeure partie

composés de distillat d’origine agricole et selon les cas de 2 à 6% de whisky. Les

spiritueux au whisky (dont le taux d’alcool dépasse rarement 30° et peut descendre à

24°) peuvent être à l’origine de certaines confusions chez le consommateur. Ils sont

vendus à très bas prix (on peut en trouver aux alentours de 30F).

La réglementation européenne n’a donc pas résolu tous les problèmes que

connaissait le whisky durant les années 1980 car, même si le marché du vrac à été

assaini, les whiskies à bas degré eux existent toujours mais sous d’autres noms. 167 ibidem 168 ibidem

93

2) La concentration du marché

La concentration des entreprises est le fait marquant des années 1990. Ce

phénomène a lieu aussi dans le monde des spiritueux. Il va y avoir de nombreuses

fusions/acquisitions tout au long de la période, même si elles ont commencé durant

la deuxième moitié des années 1980. Cette concentration qui a lieu au niveau

international va avoir pour conséquence majeure la réorganisation des portefeuilles

de marques, car l’intérêt de faire cohabiter deux marques identiques n’est pas

toujours évident.

Ce rapprochement de sociétés avait commencé en France très tôt. On peut

notamment penser au rapprochement entre Pernod et Ricard en 1975 qui donna

naissance à Pernod-Ricard. Malgré ce rapprochement, Ricard et Pernod existent

encore tout les deux.

Il est difficile d’énumérer tous les achats des grands groupes. Nous allons

donc nous intéresser aux principales fusions/acquisitions de la décennie, et

principalement à celles qui concernent le whisky.

La première OPA (offre publique d’achat) est celle de Guinness sur United

Distillers (ex DCL (Distiller Company)) en 1986. United Distillers possédait le plus

gros portefeuille de marques de whisky (Haig et Johnnie Walker entre autre). Cette

fusion va donner lieu à un énorme scandale financier dans la City car les dirigeants

de Guinness avaient manipulé les cours de la Bourse pour payer le moins cher

possible Distillers169. Ils sont condamnés en 1990 à de lourdes peines de prison,

mais l’OPA n’est pas remise en cause. La deuxième acquisition est celle d’Irish

Distillers par Pernod-Ricard en 1987, mais elle ne permettra pas pour autant une

ouverture internationale conséquente à Pernod-Ricard170.

169 Dhombres (Dominique), « Les suites judiciaires de l'OPA de 1986 Le procès Guinness s'achève sur de sévères peines de prison », Le Monde, 30 août 1990. 170 Bienfaits (Emmanuelle), Vins, bières et spiritueux en Europe, Eurostaf, 1996, p.167.

94

Classement Mondial (en volume) 1991

SEAGRAM 1 GUINNESS 2 GRANDMET 3 ALLIED LYONS 4 SUNTORY 5 LVMH 6 PERNOD RICARD 7 MARTINI ROSSI 8 REMY COINTREAU 9

AMERICAN BRANDS 10

Les années 1990 vont être marquées par des changements importants et le

classement des dix plus grands groupes de spiritueux va être très fortement remis en

cause. Allied Lyons lance une OPA en 1994 sur Pedro Domecq, la première

entreprise espagnole dans le domaine des boissons alcoolisées 171 et va donner

naissance à Allied-Domecq. En mai 1997, la fusion de Grand Metropolitan-IDV et

de Guinness-United Distillers est annoncée172. LVMH va essayer de l’empêcher car

cela le déséquilibre dans son alliance avec Guinness datant de 1986, d’autant plus

que Bernard Arnaud espérait récupérer la branche spiritueux de Guinness. LVMH

finit par se rallier au projet en octobre173. Cette fusion donne naissance au n°1 des

spiritueux dont l’offre en matière de scotch est pléthorique avec J & B de GrandMet

(5eme marque mondiale), Johnny Walker Red et Johnny Walker Black de Guinness

(4ème et 18ème). La vodka Smirnoff de GrandMet, 2ème marque mondiale,

complètera le gin Gordon de Guinness (6ème). Guinness n'avait pas de liqueur,

GrandMet lui en offre deux (Baileys et Malibu). GrandMet n'avait ni champagne ni

cognac, ce qui constituait un sérieux handicap pour son développement en Asie.

Guinness lui apporte la distribution des cognacs et champagnes de Moët

Hennessy. Le nouveau groupe aura la puissance nécessaire pour imposer sa

distribution 174 . Ce nouveau groupe prend le nom de Diageo et détient 20% du

171 Bole-Richard (Michel), « Pour 6,4 milliards de francs Allied Lyons lance une OPA sur le xérès de Pedro Domecq », Le Monde, 29 mars 1994. 172 Galinier (Pascal) Leparmentier (Arnaud), « Les britanniques Guinness et GrandMet ont annoncé leur fusion », Le Monde, 13 mai 1997. 173 Galinier (Pascal), « Bernard Arnault se rallie au projet de fusion Guinness-GrandMet », Le Monde, 14 octobre 1997. 174 Leparmentier (Arnaud), « D'autres regroupements auront lieu dans les spiritueux », Le Monde, 14 mai 1997.

95

marché mondial des alcools175. Néanmoins pour que la fusion soit valable, Diageo a

été obligé de céder certains alcools. Les autorités de la concurrence aux Etats-Unis

et en Europe avait demandé la cession du Whisky Dewar’s et du Gin Bombay.

Ceux-ci furent achetés par en 1998 par Bacardi-Martini176 (groupe issu de la fusion

de Bacardi et de Martini & Rossi en 1992).

En 2000 Seagram, alors n°3 mondial du marché des spiritueux, vend tous ces

alcools à cause de sa fusion avec Vivendi177, celui-ci ayant décidé de vendre son

activité historique. Pernod-Ricard et Diageo vont s’allier contre Bacardi-Martini et

l’américain Brown Foreman178. L’alliance franco-anglaise va remporter les alcools

de Seagram pour 8,15 milliards de dollars. Diageo, qui finance 60% du rachat, se

taille la part du lion en reprenant les marques les plus en vogue de Seagram telles

que le rhum Captain Morgan et le whisky canadien Crown Royal, ce qui lui permet

de conforter sa place de n°1 mondial. Pernod-Ricard accède ainsi enfin au club des

grands acteurs mondiaux. Le groupe français, qui finance le reste de l’acquisition

(40%), reprend le whisky Chivas Regal (3,2 millions de caisses vendues en 1999) et

le gin Seagram (3,8 millions de caisses) ainsi que le cognac Martell. Grâce à cette

acquisition, Pernod-Ricard porte son volume de 27 millions à plus de 35 millions de

caisses et devient ainsi le n°3 mondial179. Il obtient enfin une envergure mondiale

avec des alcools de toutes les catégories.

Classement Mondial (en volume) 2003 DIAGEO 1 ALLIED-DOMECQ 2 PERNOD-RICARD 3 BACARDI-MARTINI 4

La concentration des entreprises des spiritueux ne s’arrête pas là, elle va

continuer. En 2005, Pernod-Ricard lance une offre public d’achat sur le n°2 mondial

Allied-Domecq dont l’issue n’est toujours pas connue. 175 Galinier (Pascal), « Grâce à leur fusion Guinness et GrandMet tiennent 20 % du marché mondial des alcools », Le Monde, 18 décembre 1997. 176 Non signé, « Diageo annonce la vente des marques de whisky Dewar's et de gin Bombay au groupe Bacardi-Martini », Le Monde, 31 mars 1998. 177 Galinier (Pascal), « La concentration en trompe-l'oeil du secteur des alcools », Le Monde, 25 septembre 2000. 178 Non signé, « Pernod Ricard et Diageo espèrent emporter les alcools de Seagram », Le Monde, 19 décembre 2000. 179 Galinier (Pascal), « Pernod Ricard et le britannique Diageo vont se partager les alcools de Seagram », Le Monde, 26 décembre 2000.

96

Cette concentration du marché va l’épurer de nombreuses marques

indésirables. Le marché se concentrant dans les mains de quelques grandes

entreprises, celles-ci vont tenir à protéger leur société en essayant de mettre de

l’ordre sur le marché, notamment en matière de whisky à bas prix. Néanmoins, très

peu de marques vont vraiment disparaître, quelques une vont seulement être retirées

de certains marchés et mis en avant sur d’autres. VAT 69 a disparu du marché

français lors du rachat des alcools de Seagram par Diageo mais est toujours présent

sur le marché nord-américain.

3) Evolution du marché

Le marché des années 1990 va être entièrement réorganisé. Les whiskies

français ou spiritueux au whisky vont décroître à cause d’une réglementation sur les

étiquettes. Les blends de plus de 12 ans vont décliner au profit des malts qui vont

connaître un essor important, notamment grâce aux lancements des Classics Malts.

Leur volume va rester assez faible comparé aux blends standards qui vont rester les

stars du marché. La consommation générale va continuer à augmenter comme le

montre les soldes des importations/exportations de whisky.

Soldes des importations/exportations de whisky en France de 1990 à 2000

0 5 000 000

10 000 000 15 000 000 20 000 000 25 000 000 30 000 000 35 000 000 40 000 000

45 000 000 50 000 000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Année

l/Ap

97

Le solde va augmenter tout au long de la période sauf en 1997. La

consommation n’a pas baissé en 1997180 car il y avait des stocks importants qui

permettaient de compenser la baisse des importations.

Le scotch va voir sa part de marché tomber de 88,5% en 1988181 à 74,5% en

1993182, pour finalement remonter à 84,7% en 1999183. Les whiskies irlandais et les

bourbons n’arrivent pas à détrôner le scotch.

a) Les « spiritueux aux whiskies » et les whiskies premiers prix

Comme nous l’avons déjà vu, ceux-ci sont la conversion des « whiskies

français » suite à la nouvelle législation européenne. Ils ont connu un essor

important durant les années 1980, celui-ci va continuer de manière relativement

importante durant la première moitié des années 1990.

Les whiskies français représentaient 7% du marché en volume en 1988184.

Malgré le changement de réglementation, les consommateurs vont en acheter de

plus en plus. Entre 1990 et 1991, les ventes augmentent de 24% et atteignent

13 260 000 cols. Cette progression va continuer jusqu’en 1993 pour culminer à

21,34 millions de litres185.

Les spiritueux aux whiskies vont connaître de très gros problèmes juridiques.

Jean Claude Martin dit dans la Revue Vinicole Internationale d’avril 1992, quelques

mois après le changement d’appellation, que « lorsque ces (spiritueux aux whiskies)

sont annoncés en publicité ou présentés en bout de gondole ou en rayon en tant que

whiskies, ce qu’il ne sont pas, il y a là une usurpation de dénomination de vente,

c'est-à-dire une fraude » 186 . La Fédération des importateurs de whisky avec la

Scotch Whisky Association et la répression de fraudes vont les combattre et en avril

180 Non signé, « Whisky : Du grain, de l’eau, du marketing », La Revue Vinicole Internationale, mai 1998, p.63. 181 Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, Le Marché français des produits alimentaires, AGRA-alimentation, 1989. 182 Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, Le Marché français des produits alimentaires, AGRA-alimentation, 1994. 183 Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, Le Marché français des produits alimentaires, RIA, Paris, 2000. 184 Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, Le Marché français des produits alimentaires, op.cit., 1989 185 Lybrecht (Marie-Line), « Whiskies : Dans la spirale des prix… et des promotions », La Revue Vinicole Internationale, mai 1995, p.48. 186 Demazure (Stéphane), « Whiskies : Et Vint la loi Evin », op.cit., 1992, p.65.

98

1994 obtenir plusieurs condamnations et mener encore une dizaine d’actions en

justice contre eux187.

Ces spiritueux aux whiskies vont prendre fin en décembre 1994 grâce à un

nouvel étiquetage imposé par Bruxelles. Le nouveau règlement n° 2675/94 du 7

novembre 1994 précise qu’ « il s’agit de protéger la renommée et le niveau qualitatif

des spiritueux ayant droit à une dénomination traditionnelle ou géographique »188. Il

peut être fait uniquement référence au whisky dans une liste énumérant tous les

composants alcooliques, suivis, pour chacun, de sa part dans le mélange et précédé

des termes « spiritueux issu d’un mélange ». L’ensemble doit figurer en caractères

uniformes. Leur dimension ne peut excéder la moitié de celle des caractères de la

dénomination. Donc le mot whisky apparaîtra en petit caractères, comme les autres

composants, et dans l’ordre des proportions utilisées, ce qui fait que le whisky ne

serait même pas mentionné en premier. Cela signifie également que les bouteilles

que l’on a vu précédemment marquées « Whisky Spirit » seront interdites mais que

celles qui marqueront « Spiritueux à base de whisky » dans un caractère au

maximum deux fois moins gros que le nom de la marque pourront continuer à

commercialiser leurs spiritueux.

Selon Michel Boulaire, vice président du Syndicat des importateurs de

whiskies « le premier gagnant est le consommateur. Une étude réalisée à la sortie

des magasins nous a démontré que, dans trois cas sur quatre, il était persuadé d’avoir

acheté un vrai whisky à bas prix. Une confusion malsaine était ainsi entretenue. Et

c’était un comble que la France, où est née la notion d’appellation d’origine

contrôlée, soit le pays le plus laxiste de toute la communauté vis-à-vis du whisky,

reconnu comme une AOC européenne » 189 . Les termes anglo-saxons sont

néanmoins toujours autorisés, comme par exemple « Jack Willow’s Select

Blended », mais il est en revanche interdit de faire référence à toute notion

géographie comme l’Ecosse par exemple.

Les écossais espéraient ainsi mettre la main sur un marché qui leur échappait

et qui représentait plus de 15 millions de bouteilles. Mais les grandes marques ne

vont pas forcément le récupérer.

187 Lybrecht (Marie-Line), « Whisky : Batailles pour un îlot de croissance », La Revue Vinicole Internationale, avril 1994, p.56. 188 Aubril (Sylvain), « Les vrais-faux whiskies interdits ? », LSA, 1ier décembre 1994, n° 1422, p.58. 189 ibidem.

99

Le prix du vrac était très élevé, mais en 1994, il s’effondre, ce qui va

permettre l’essor des marques de distributeurs (MDD). Celles-ci existaient depuis

les années 1970, mais la politique de la grande distribution va devenir encore plus

agressive, des malts, des bourbons et des canadiens vont apparaître en MDD. « Les

producteurs de whisky, en proie à des problèmes de surproduction et alléchés par le

poids du 3ème marché mondial, ont été nombreux l’année dernière, à déployer leurs

efforts commerciaux sur le territoire national pour proposer des produits aux GMS

(grandes et moyennes surfaces) »190 comme en témoigne Richard Skyes de Burn

Stewart (une société écossaise de production de whisky) « on nous demande de

fournir des premiers prix à 6 F la bouteille, ce que nous refusons de faire. Nous

savons bien pourtant que d’autres le feront »191. On va donc voir arriver en linéaire

des scotch whiskies à 45 F, comme Old Mud lancé par Leclerc à 45/50 F192. Ceux-ci

sont 20 F moins chers que les blends standards.

Une grande partie des spiritueux aux whiskies va disparaître, car le

consommateur ne pouvant plus être induit en erreur, la part de cet alcool dans la

consommation totale de whisky va chuter. En 1999, les spiritueux aux whiskies ne

représentaient déjà plus que 5,3% du marché en volume 193 . Les MDD peuvent

afficher Scotch Whisky sur la bouteille car elles respectent la réglementation

européenne (vieilli plus de 3 ans en fut et embouteillé en Ecosse) et vont ainsi venir

battre les grandes marques sur le terrain des prix.

b) Le marché du haut de gamme se modifie, les malts prennent leur essor.

Le marché du haut de gamme se compose de deux catégories de whisky : les

blends âgés de plus de 12 ans et les malts. Durant les années 1980, ce sont les

premiers qui dominaient le marché, mais la situation va s’inverser durant les années

1990.

En 1987, les blends de plus de 12 ans représentaient 9,3 millions de

bouteilles et les malts 5 millions194. Les blends âgés vont subir, eux aussi, la crise

écossaise qui va frapper à la fin des années 1980. Les faibles prix du vrac avaient 190 Lybrecht, Marie-Line, « Whiskies : Dans la spirale des prix… et des promotions », op.cit., p.32. 191 ibidem, p.34. 192 ibidem. 193 Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, Le Marché français des produits alimentaires, RIA, Paris, 2000. 194 Romec (Claude), « Whiskies et Bourbon », op.cit., p.80

100

attiré de nombreuses sociétés désireuses de faire des blends de 12 ans à bas prix.

Devant la hausse des prix du vrac, ils ont dû abandonner, faisant ainsi disparaître de

nombreuses marques ou bien les reconvertissant en 8 ans d’âge et faisant ainsi

diminuer la part de marché des blends de 12 ans. L’autre raison est écossaise : après

avoir fait baisser les exportations de vrac, ils ont voulu revaloriser les blends âgés au

travers des marques et ont augmenté les prix195.

Ce marché est dominé par trois marques, Chivas Regal, Ballantine’s Gold

Seal et Johnny Walker Black Label. Elles représentent en 1991 respectivement 33%,

12% et 10% de part de marché soit plus de 50% de ce marché196. En 1997 elles

représentent 50%, 18% et 11% des volumes soit un peu moins de 80% du marché.

La part de ces trois marques s’est fortement accrue au cours de la décennie, elles

dominent ce marché. Néanmoins, les ventes de blends de luxe vont chuter. En 1992,

3,9 millions de bouteilles étaient vendues197 , en 1997 seulement 1,9 million de

bouteilles 198 . Cette baisse des ventes peut s’expliquer par un transfert de la

consommation vers les malts.

Les purs malts ou single malts sont arrivés sur le marché français au milieu

des années 1970. Le premier malt à être lancé sur le marché français est Glenfiddich.

David Grant, dirigeant de Glenfiddich dans les années 1970, dans un entretien

accordé à La Revue Vinicole Internationale en 1978, dit que si les purs malts ont pu

s’introduire sur le marché français, c’est tout d’abord grâce à Chivas qui a ouvert le

premier le créneau du luxe pour les whiskies. Il explique cette réussite par le fait que

le whisky, qui fut considéré comme une boisson de luxe dans les années 1960,

s’était banalisé et qu’une proportion croissante des consommateurs souhaitait boire

« quelque chose de plus »199. Glenfiddich vendait à l’époque peu de whisky à cause

du prix très élevé (71fr en 1977) Les malts vont s’implanter petit à petit. La

démocratisation va avoir lieu notamment grâce aux malts premier prix, même si

ceux-ci vont connaître des difficultés pour s’approvisionner. Les marques écossaises

vont arriver les unes après les autres sur le marché français. D’abord dans les

magasins spécialisés puis en grande surface. Par exemple Les « classics malts »

195 Leray (Guy), « Whisky : Une belle capacité de résistance », Points de vente, 28 octobre 1992, n° 435, p.38 196 ibidem 197 ibidem, p.34 198 Non signé, « Whisky : Du grain, de l’eau, du marketing », op.cit., p.71 199 Lecouty Le brun (Chantal), « Le « one-malt » show de Glenfiddich », La Revue Vinicole Internationale, mai 1978, p.65.

101

arrivent dans les boutiques spécialisées en 1988. Il s’agit de six whiskies qui sont

des single malts, représentatifs des six régions d’Ecosse qui produisent du whisky.

En novembre 1995 ceux-ci sont introduits dans la grande distribution et pendant un

mois, la Maison du Whisky n’en a pas vendu une seule bouteille. Jean-Marc Bélier

raconte, qu’à l’époque, une bouteille de Lagavulin valait près de 300fr en magasin

spécialisé et qu’en grande distribution on la trouvait à 220-230 Francs200. Ces six

whiskies ont développé l’image des single malts grâce à un présentoir sur lequel

elles étaient posées et qui mettaient le produit en valeur. Ce présentoir se trouvait

dans les boutiques spécialisées, mais on va retrouver en grande surface un meuble

spécifique qui les présentait avec une carte d’Ecosse pour situer les distilleries201.

Les Classic Malts, de gauche à droite, Dalwhinnie 15 ans (Highlands), Talisker 10 ans (Ile de Skye ), Cragganmore 12 ans (Speyside), Oban 14 ans (Highlands),

Lagavulin 16 ans (Islay), Glenkinchie 10 ans (Lowlands).

Le consommateur va devenir de plus en plus connaisseur en matière de

whisky et va chercher des choses de plus en plus complexes. Longtemps en GMS, il

n’y a eu que très peu de whisky d’âge différent. Mais avec l’évolution du marché,

l’offre va se diversifier au delà des classic malts. Un Glenfiddich 15 ans et un autre

de 18 ans vont apparaître et en 2000, la marque décide de marquer l’âge (12 ans) de

son Spécial Réserve qui avait ouvert le marché. L’âge est un critère de qualité et le

consommateur pense généralement que plus un whisky est vieux, meilleur il est202.

200 Cf. entretien Jean-Marc Bellier. 201 Non signé, « Les marques nombreuses à ordonner », Point de Vente, 10 juin 1998, n° 729, p.36. 202 Le Roux, Sandrine, « Whisky : Les malts ont la cote », LSA, 8 juin 2001, n° 1727, p.60.

102

Les leaders du marché en 2000203 sont Aberlour, Glenfiddich et Glen Turner. Ce

dernier a dominé le marché pendant de nombreuses années, il s’agit d’un whisky de

malt à bas prix, mais il a vu sa part de marché diminuer devant l’offre importante de

la concurrence et surtout des MDD.

En 1990, les whiskies de malts représentaient 6% de la consommation

totale 204 soit 5 millions de cols. En 1999, elle représentait 9% de la

consommation205 soit 7,4 millions de cols. Les malts restent minoritaires sur le

marché global du whisky mais c’est un segment intéressant. C’est une source de

profit importante car les marges dégagées sont plus importantes que sur les blends

standards.

c) Les blends standards : les moteurs du marché

Les blends vont continuer à être le moteur du marché. Même si ils ont vu

leur part de marché diminuer à cause des MDD, des whiskies à bas prix, ou encore

des spiritueux aux whiskies, ils dominent encore le marché.

En 1992, le marché du blend standard pouvait être divisé en deux sous-

familles : les moins de 60-65 F d’une part, les plus de 75 F d’autres part206. Dans la

première moitié, on trouve des marques comme Grant’s (prix moyen 64,50 F), Clan

Campbell (65,70 F), Label 5 (64 F), et White Horse (66 F) ; dans la seconde, Johnny

Walker Red Label (77,50 F), Ballantine’s (76,20 F) ou encore J&B (81,40 F). C’est

la première catégorie qui tire le marché vers le haut, preuve que ce sont des marques

achetées d’abord pour leur prix. Et cela va rester vrai tout au long de la période. En

2000, les marques les plus vendues sont William Peel et Label 5207, qui se situent

dans les marques les moins chères.

Malgré la forte concurrence que vont rencontrer les blends standards, ceux ci

vont réussir à se maintenir grâce à des changements de format. La période va être

marquée par l’apparition de bouteilles d’un litre. Ce format avec été lancé par La

Martiniquaise avec le Label 5 qui existe en litre depuis 1972208 et fut suivie par

203 ibidem. 204 Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, op.cit., 1989. 205 Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, op.cit., 2000. 206 Leray (Guy), « Whisky : Une belle capacité de résistance », op.cit., p.36 207Agence générale de renseignements agricoles et alimentaires, op.cit., 2000. 208 Lybrecht (Marie ev-Line), « Whisky : Tous sur la brèche », Revue Vinicole Internationale, mars 1996, p.34.

103

William Peel. Laurent Fel, Chef de groupe chez St Raphaël-Grant voit de nombreux

avantages à ce format : « Le litre permet de gagner des parts de marché alors qu’il

en prend très peu sur les 70 centilitres. Il permet aussi de gagner des parts de linéaire

supplémentaires. De plus, vendu au grand public proportionnellement au même prix

que le 70 cl, alors que nous le vendons moins cher au litre à la grande distribution, il

est une source de marge importante pour elle »209.Mais d’autres ne se servent du

litre que pour des occasions ponctuelles.

Ce sont les grands formats qui sont à l’origine de l’essor du whisky à la fin

de la période. En 2000, les bouteilles de 1 litre représentent 34% des ventes. La

banalisation de ce format est telle que, pour séduire les gros consommateurs, l’offre

en 150 cl apparaît à son tour car le marché du whisky dispose de très gros acheteurs.

15 % des consommateurs de whisky consomment 62 % des volumes vendus. Ils

achètent 25,6 bouteilles par an contre une moyenne de 6,4 pour l’ensemble des

consommateurs de whisky. Néanmoins dans cette course effrénée au format, une

limite semble être atteinte, car les bouteilles de 2 litres ne rentrent pas dans tous les

rayons et la bouteille devient lourde et chère210.

Les blends standards continuent à dominer le marché, même si les deux

principales marques que sont William Peel et Label 5 sont des produits uniquement

français. La domination du marché par des grandes marques internationales comme

Ballantine’s ou encore Johnnie Walker semble bel et bien révolue. Le whisky est un

produit consommé essentiellement pour son prix.

d) Evolution des prix

Le prix d’une bouteille de whisky a évolué tout au long de la période, il est

malheureusement impossible d’aller plus loin que 1995 car aucun chiffre ne permet

de continuer le relevé de prix effectué par La Revue Vinicole Internationale. Les

relevés de la Maison du Whisky ne permettent pas non plus de continuer l’étude car

c’est une boutique ayant pour vocation de vendre des whiskies spécifiques et non

des blends standards. Ses prix ne reflètent donc pas ceux du marché.

209 ibidem. 210 Thouanel-Lorant (Patricia), « Grands formats et malts dopent les whiskies », LSA, 27 Septembre 2001, n° 1738, p.6.

104

Les prix courants vont augmenter jusqu’en 1995.

Prix courant whisky blend standards

0,00 10,00 20,00 30,00 40,00 50,00 60,00 70,00 80,00 90,00

100,00

1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

Ballantine's J&B Label 5

Comme on peut le voir sur le graphique, il existe deux catégories de prix :

Ballantine’s et J&B d’au côté, Label 5 plus bas d’un autre côté. On voit ici les deux

catégories de prix pour les blends standards. Même si la tranche de prix évolue

(Label 5 dépasse la barre des 70 Fr. en 1994), celui-ci reste un peu plus de 10fr

moins cher que J&B et quasiment 20fr moins cher que Ballantine’s. Label 5 est

moins cher que certains de ses concurrents et va le rester. C’est grâce à son prix

qu’il va devenir le 1er whisky du marché français.

105

Prix d'un whisky haut de gamme

0,00 20,00

40,00 60,00 80,00

100,00 120,00

140,00 160,00

1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

Chivas Regal Glenffidich

Tout comme les blends standard, les whiskies de luxe vont augmenter tout au long

de la période. Ils suivent l’évolution du marché mais ils doivent aussi garder leur

statut. Le facteur prix de ces marques est très important. Celui-ci justifie en grande

part leur achat. Glenfiddich reste moins cher que Chivas. Mais certains malts sont

plus chers comme Macallan (182fr en novembre 1994).

106

Prix réel

0,00

1,00

2,00

3,00

4,00

5,00

6,00

1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

Sala

ire h

orai

re

Ballantine's J&B Label 5 Chivas Regal Glenffidich

Comme on peut le voir sur le graphique, les prix réels ne baissent plus, ils

stagnent. Label 5 par exemple passe de 2,42 salaires horaires en 1989 à 2,33 en 1991

pour passer ensuite à 2,50 en 1995. Malgré une très légère augmentation, celui-ci

reste un whisky à bas prix. Ballantine’s et J&B connaissent la même évolution. Ce

sont les whiskies haut de gamme qui augmentent le plus. Glenfiddich passe de 4,23

à 4,60 salaires horaires de 1990 à 1995 et Chivas de 4,92 à 5,09 durant la même

période. Ces produits augmentent pour conserver leur image de produit haut de

gamme. Le whisky a vu son prix réel considérablement baisser au cours des

périodes précédentes mais, durant les années 1990, les sociétés vont augmenter leur

prix parallèlement à la hausse du niveau de vie.

Durant les années 1990, le marché s’est modifié, d’une part à cause de la

réglementation européenne n° 1576/89 et d’autre part à cause de la concentration

des entreprises. Ces deux facteurs vont entraîner un remodelage du marché avec la

disparition des spiritueux aux whiskies et la concentration des marques dans les

portefeuilles de 3 ou 4 grands groupes. Certaines vont disparaître du marché français

et on ne va plus trouver dans les rayons des supermarchés que les grandes marques

de whiskies. On est désormais très loin des 400 marques qui ont existé durant les

années 1980.

107

B) La loi Evin et l’éducation du consommateur

Les années 1990 vont voir une profonde modification des images

publicitaires des marques de whiskies à cause de la loi Evin. Le consommateur de

whiskies va évoluer, il va être de plus en plus informé sur ce qu’il boit. La littérature

spécialisée va se développer jusqu’à aboutir à la création de Whisky Magazine en

France.

1) La loi Evin, une modification de la publicité

La loi Evin a fait couler beaucoup d’encre. Cette loi est mise en place pour

lutter contre le tabagisme et l’alcoolisme. Il est ici uniquement question d’étudier les

effets de la loi Evin sur la publicité du whisky. En 1990, ce texte est la réponse au

constant de la mort prématurée de 110 000 personnes cette même année pour cause

de consommation excessive de tabac et/ou d’alcool. Les effets néfastes du tabagisme

et de l’alcoolisme représentaient de véritables « fléaux sociaux »211.

Différentes loi avaient déjà été votées depuis les années 1950. Par exemple,

la loi du 15 avril 1954, inscrite dans le code de la santé publique, dans laquelle les

alcooliques sont considérés malades et non délinquants. La loi du 9 juillet 1976

(« Loi Veil ») relative à la lutte contre le tabagisme réglementait la publicité sur le

tabac.

La loi Evin est votée le 10 Juin 1991, et entre en vigueur le 1ier Janvier 1993.

Elle est toujours en application même si elle a été modifiée à de nombreuses reprises.

a) Les modifications législatives apportées par la loi Evin

La loi Evin remplace la loi Barzach de 1987. Nous allons nous intéresser

uniquement aux articles L.17 et L.18 du Code des débits de boissons et des mesures

contre l’alcoolisme. Ils réglementent la publicité des boissons alcoolisées.

Article L.17 du 10 Janvier 1991 :

211 Berger (Guy), La loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme : rapport d’évaluation, Paris, La Documentation française, 2000, p.42.

108

La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement : 1° Dans la presse écrite à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse, définies au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ; 2° Par voie de radiodiffusion sonore pour les catégories de radios et dans les tranches horaires déterminées par décret en Conseil d'Etat ; 3° Sous forme d'affiches et d'enseignes dans les zones de production, sous forme d'affichettes et d'objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ; 4° Sous forme d'envoi par les producteurs, les fabricants, les importateurs, les négociants, les concessionnaires ou les entrepositaires, de messages, de circulaires commerciales, de catalogues et de brochures, dés lors que ces documents ne comportent que les mentions prévues à l'article L. 18 et les conditions de vente des produits qu'ils proposent ; 5° Par inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations normales de livraison des boissons, dès lors que cette inscription ne comporte que la désignation des produits ainsi que le nom et l'adresse du fabricant, des agents ou dépositaires, à l'exclusion de toute autre indication ; 6° En faveur des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l'intérieur de celles-ci, dans des conditions définies par décret ; 7° En faveur des musées, universités, confréries ou stages d'initiation oenologique à caractère traditionnel ainsi qu'en faveur de présentations, de dégustations, dans des conditions définies par décret. Toute opération de parrainage est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.

La publicité en faveur des boissons alcoolisées n’est pas interdite. Elle est

seulement limitée par de très nombreuses contraintes. Elle reste interdite dans les

publications pour la jeunesse. A la radio, celle-ci est limitée à des tranches horaires

précises (le mercredi entre 0H et 7H et les autres jours entre 0H et 17H212). Il est

autorisé de mettre des affiches dans les lieux de production mais ce décret ne peut

pas entrer en application car il est impossible de définir les lieux de production pour

les alcools étrangers notamment. Les affichettes sont autorisées dans les commerces

dotés d’une licence de débit de boissons alcooliques 213 . La publicité sur les

véhicules livrant de l’alcool n’est autorisée qu’à condition qu’il n’y est que le nom

de la marque, l’adresse du fabriquant et rien d’autre. Enfin le parrainage est interdit.

212 Décret 92-1047 du 23 septembre 1992. 213 Décret 93-768 du 29 mars 1993.

109

Mais de nombreuses modifications vont apparaître : une liberté totale sur les

lieux d’affichage (amendement par loi DDOEF du 08.08.1994) et le rétablissement

de l’affichage publicitaire sur les stades et terrains de sport ainsi que dans les locaux

destinés aux associations de jeunesse et d’éducation populaire 214 . Cette liberté

d’affichage implique quand même les limitations de l’article L.18 du Code des

débits de boissons et des mesures contre l’alcoolisme.

Le 3° de l’article L.17 va être modifié comme suit par la loi du 8 août 1994 :

3° Sous forme d'affiches et d'enseignes ; sous forme d'affichettes et d'objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ;

La limitation aux lieux de production a disparu. Cette mesure n’avait jamais

pu être appliquée car elle était impartiale. Il était possible à un alcool étranger de

faire de la publicité partout en France, mais un alcool produit en France ne pouvait

le faire que sur son lieu de production.

L’article 4 du décret du 29 mars 1993 est annulé. Cet article autorisait, sur

les lieux de production et de fabrication de boissons alcoolisés, la vente et la

distribution gratuite d’objets marqués aux noms des producteurs et des fabricants,

alors que le législateur n’avait permis que la publicité sous la forme d’affichettes et

d’objets à l’intérieur de lieux de vente à caractère spécialisé 215 . Mais cette

disposition est rétablie par l’article 86 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 (DDOEF)

et elle est intégrée comme suit dans l’article L.17.

8° Sous forme d'offre, à titre gratuit ou onéreux, d'objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de l'alcool, marqués à leurs noms, par les producteurs et les fabricants de ces boissons, à l'occasion de la vente directe de leurs produits aux consommateurs et aux distributeurs ou à l'occasion de la visite touristique des lieux de fabrication.

L’article L.17 a donc posé de nombreuses limites sur la publicité en faveur des

boissons alcooliques, mais l’article L.18 est celui qui a imposé le plus de restrictions

en délimitant les thèmes pouvant être abordés dans la publicité.

Article L.18 du 10 Janvier 1991 : La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination,

214 Berger (Guy), La loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme…, op.cit., p.203. 215 ibidem

110

de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Cette publicité peut comporter en outre des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues. Le conditionnement ne peut être reproduit que s'il est conforme aux dispositions précédentes. Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l'exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel, doit être assortie d'un message de caractère sanitaire précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé.

Cet article va être immédiatement modifié par la loi n° 91-738 du 31 juillet

1991. La dernière phrase va être complétée et remplacée par :

Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l'exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l'objet d'envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d'un message de caractère sanitaire précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé.

Dans la loi Barzach de 1987, les publicités devaient comporter un conseil de

modération en matière de consommation de boissons alcoolisées. Désormais il s’agit

d’un message à caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour

la santé. On voit ici le changement de politique en matière de boissons alcoolisées

puisque l’abus de celles-ci est désormais considéré comme dangereux au regard de

la loi. La mention « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » va donc apparaître

sur les affiches.

La seconde modification qu’apporte cet article concerne les thèmes

publicitaires qui ne sont plus qu’au nombre de deux : le premier thème touche tout

ce qui est relatif aux procédés de fabrications, aux modalités de vente ou aux modes

de consommations, le deuxième thème concerne le terroir, les lieux de fabrication

ou les distinctions obtenues. Pour le Scotch il s’agit de l’Ecosse et de la distinction

entre un single malt ou un blend.

Les champs publicitaires autorisés par la loi Evin sont très limités. Les

thèmes abordés vont donc changer par rapport aux années 1980.

b) Leurs applications dans la publicité.

111

La loi Evin va porter un rude coup aux grandes marques car elles ne vont

plus pouvoir faire de la publicité librement et créer ainsi une image de leurs produits

les différenciant les uns des autres. La loi Barzach avait déjà limité un peu leurs

champs d’actions ; désormais deux sujets seulement pourront être abordés.

L’imaginaire va être omniprésent. La nouvelle loi énumère ce qui est autorisé mais

ne précise pas ce qui est interdit comme la loi précédente le faisait. De ce fait, tout

ce qui n’est pas autorisé par la loi Evin est considéré comme interdit.

En 1998, La Revue Vinicole Internationale recense 25 décisions de justice

suite à des poursuites engagées par l’ANPA (Agence Nationale pour la Prévention

de l’Alcoolisme). Elles sont essentiellement liées aux thèmes de communication

choisis. La bière « 1664 » s’est vue condamnée pour publicité illicite, en raison de la

signification trop suggestive de ses slogans : « Une mousse fine et onctueuse »,

« Harmonie subtile » et « Trois siècles d’amour et de bière ». Chivas s’est vu

condamné pour une publicité présentant deux livres aux reliures anciennes et une

paire de lunettes, le tout surmonté du slogan « Le présent n’est rien sans l’héritage

du passé ». Ceci n’entrait pas dans les critères de l’article L.18 et avait une

connotation attractive216.

Il va y avoir de nombreuses campagnes publicitaires mais toutes les marques

ne vont pas avoir besoin de changer d’image. Par exemple Clan Campbell va

continuer à utiliser l’esprit de clan.

216 Billard (Sarah), « Loi Evin : Les déboires avant l’évaluation », La Revue Vinicole Internationale, Mars 1998, p.29.

112

On retrouve cet esprit de clan symbolisé par le duc d’Argyll. L’Ecosse étant

le lieu de production, elle va être utilisée dans de très nombreuses campagnes. Ici il

s’agit d’un château en ruines qui fait penser aux vieux châteaux hantés de l’Ecosse.

Cette campagne publicitaire a commencé au début des années 1990 et elle est

toujours utilisée pour promouvoir Clan Campbell. Elle utilise de nouvelles images

mais conserve le même esprit.

L’Ecosse est un thème abordé aussi dans les publicités pour les malts. Il

s’agit d’un produit typiquement écossais, donc le terroir auquel il est attaché est très

important comme on peut le voir dans une publicité pour Aberlour en 1999.

113

Le slogan de cette affiche est « Parfum d’Ecosse », slogan laissant imaginer

qu’humer une bouteille d’Aberlour fera sentir un peu de l’Ecosse. L’image montre

un paysage écossais à la place de la bouteille, ce qui accentue cette impression. La

suite du slogan « De l’eau. De la tourbe. De l’orge. Du temps » mentionne en fait

les composants d’un single malt. L’eau, l’orge et la tourbe sont les ingrédients du

whisky et le temps correspond aux 10 ans, temps nécessaire à l’élaboration de ce

whisky. Cette idée d’un produit typiquement écossais est l’un des seuls sujets que la

loi Evin autorise et elle va donc être utilisée par toutes les marques mais surtout par

celles qui produisent des malts. Il s’agit de souligner la spécificité d’un produit

typiquement écossais. Un autre exemple nous est donné par une série de publicité de

Glenmorangie montrant à travers des petits dessins les principaux personnages qui

produisent du whisky. L’un d’entre eux dit : « L’expérience et la patience de

Duncan MacPherson, distillateur, l’amènent parfois à rejeter les deux tiers de la

distillation finale de Glenmorangie « le sens de l’économie des écossais est une

114

bonne chose, le bon whisky de malt en est une autre. » Et telle est la devise de

Duncan ». Cela peut sembler un véritable gaspillage mais c’est pour insister sur

l’excellence du produit.

Il n’y a pas que les écossais qui vont se servir des caractéristiques régionales

pour faire de la publicité. Jack Daniel’s, (un whiskey américain du Tennessee) va

aussi s’en servir. Ce n’est pas nouveau pour cette marque. Les annonces pour ce

whiskey sont les mêmes durant 20 ans, on les retrouve depuis le milieu des années

1980.

Sur cette affiche on voit une scène de la vie quotidienne à l’intérieur de la

distillerie à Lynchburg, lieu de production du Jack Daniel’s. Il s’agit ici de Terry

Holt qui doit pousser à la force des pieds un tonneau de chêne de 200 kilos rempli

de Jack Daniel’s pour aller le mettre dans le chais où il vieillira. Il est ensuite précisé

que si l’on croise quelqu’un à Lynchburg, il est préférable de le laisser dormir car

115

c’est qu’il a beaucoup travaillé pour Jack Daniel’s. Ce type d’annonce a été décliné

de nombreuses manières. Une autre annonce nous présente un homme assis à

l’arrière d’un Pick-up avec un sandwich provenant du Whitte Rabbit Saloon, lieu où

on ne sert pas d’alcool car c’est interdit dans le comté de Moore. Mais c’est pourtant

là qu’est installée la distillerie Jack Daniel’s. Ces publicités sont conçues pour attirer

un consommateur très spécifique. Il existe une clientèle qui consomme du bourbon

pour son caractère typiquement américain au même titre qu’il existe une clientèle

qui consomme du whisky pour son caractère typiquement écossais.

L’autre sujet autorisé par la loi Evin concerne les lieux de consommation.

Nous allons va voir plusieurs affiches reprenant ce thème mais visant des publics

différents.

En premier lieu, Johnnie Walker Red Label. La première marque française

pendant les années 1960 et 1970 a vu son hégémonie disparaître au profit d’autres

marques. A partir de 1993, apparaît cette campagne publicitaire pour tenter de

reconquérir les jeunes consommateurs.

116

Sur cette annonce « Momo, barman du « Purdey » est accoudé à son

comptoir sur lequel est disposée une bouteille de Johnnie Walker. Une autre affiche

représente « Nadège, barmaid au Barfly » dans la même situation. Il est fait

référence ici à de grandes boîtes de nuit (le Barfly se trouve sur les Champs-

Elysées), la marque espérant reconquérir les jeunes consommateurs et réussir a faire

consommer son produit en boîte de nuit. En visant ces lieux, Johnnie Walker tente

de conforter une certaines image de la marque : elle est consommée dans les lieux à

la mode.

Une autre campagne reprend à peu près la même idée mais en visant des

lieux encore plus chics. Il s’agit de la campagne pour Chivas de 1996 réalisée en

période de fêtes de fin d’année.

Sur l’affiche figure le slogan « On trouve du Chivas à l’hostellerie la Clé

d’or mais pas chez tonton » accompagné de deux images des lieux. Chivas conserve

l’image qu’il transmettait à travers ses publicités précédentes. Il reste un produit de

luxe que l’on ne consomme par n’importe où et destiné à une certaine classe sociale.

117

Certaines marques vont s’appuyer sur le mode de consommation, comme par

exemple Four Roses.

Cette annonce paraît en 1996 et utilise un jeu de mots sur le nom de la

marque. Ici, il s’agit d’une main gantée tenant quatre roses avec des épines et disant

« Le whisky qui se boit avec précaution ». La publicité établit un parallèle entre le

fait de prendre des roses sans gant et de consommer de l’alcool en grande quantité.

Une autre représente un vase avec quatre roses dedans, le vase est percé et l’eau

coule. Le slogan est « le whisky qui se boit sec ».

Malgré la mise en place de la loi Evin, les investissements publicitaires n’ont

pas baissé. Ceux-ci sont passés de 257 403 000 Fr. en 1991 à 262 364 000 Fr. en

1996 (dont 237 101 000 Fr. pour les whiskies en 1996)217. Pour les alcools et les

eaux de vie, seule la radio est touchée par la baisse des investissements.

217 Billard (Sarah), « Loi Evin : Les déboires avant l’évaluation », op.cit., p.31.

118

En alternative à la publicité, trop réglementé par la loi Evin, de nombreuses

marques vont avoir de plus en plus recours à la promotion. Elle peut se faire de deux

manières, soit en baissant les prix, soit en attachant au produit une prime directe ou

indirecte (des verres, un voyage…). Mais elle entraîne la vente à perte du produit

dans de nombreux cas. Une étude réalisée pour LSA montre que les promotions ont

peu d’influence sur les ventes218.

2) L’éducation du consommateur

Le consommateur des années 1990 va évoluer par rapport aux périodes

précédentes. Son éducation en matière de whisky avait commencé à se faire durant

les périodes précédentes notamment au travers de la presse. Mais celle-ci va se

développer grâce aux grandes surfaces et aux ouvrages sur le whisky qui vont

paraître. Le consommateur va aussi devenir plus fidèle aux marques.

a) A travers la presse

On retrouve dés la fin des années 1950 dans le journal Le Monde des articles

sur le whisky, mais ceux-ci sont d’ordre économique et concernent les importations

ou la quantité de whisky consommée en France. A partir des années 1970, paraissent

des articles présentant le whisky sous plusieurs aspects (fabrication, culturel…). La

raison de la présence de cet alcool dans ce journal est due à son lectorat composé de

nombreux cadres qui sont à l’époque les principaux consommateurs de whisky.

Le premier article qui éduque le consommateur paraît le 9 septembre 1971,

dans le cadre d’une série traitant de l’Ecosse. L’article de deux pages paraît en

première et en septième page 219 . Le whisky y est présenté comme un alcool

consommé par huit gentlemen de la société Teacher qui, quatre fois par semaine,

gouttent le whisky produit par celle-ci pour vérifier la qualité mais aussi pour le

plaisir : « les verres vidés pour le seul plaisir, parce que l’un vient d’avoir un fils,

qu’un autre a amélioré son handicap au golf,… » 220 . Il traite aussi de la

consommation écossaise, avec pour exemple la ville de Stornoway sur l’île de Lewis.

218 Aubril (Sylvain), « Les clients fidèles aux marques de whisky », LSA, 23 mars 1995, n° 1437, p.52 219 Denuzière (Maurice), « Pour une ballade écossaise », Le Monde, 9 septembre 1971, p.1 et 7. 220 ibidem

119

Celle-ci « compte 5000 habitants et quatorze pubs tous prospères, et chaque

consommateur vide gaillardement en moyenne (il faut tenir compte des enfants en

bas âge et des femmes qui préfèrent les jus de fruits) sa dizaine de bouteille de

whisky dans l’année ». On retrouve cette image d’un alcool masculin, rattaché à la

culture écossaise. Il est ensuite question des taxes que rapporte le whisky au trésor

britannique. Celui-ci « perçoit jusqu'à 2,20 livres de taxes pour une bouteille vendue

2,85 livres ». Il est aussi question des exportations et du fait que la France est le

quatrième importateur mondial. Enfin une longue digression est faite sur la manière

de faire du whisky avec de nombreux détails, comme la quantité d’eau nécessaire,

mais aussi la distinction entre un malt et un blend.

L’article suivant, publié le 16 octobre 1976 dans la rubrique « tourisme »221 ,

est intitulé « Toute l’Ecosse au fond d’un verre ». Dans cet article, l’élitisme en

matière de consommation de whisky est encore plus prôné. Il s’agit de ne boire que

des malts (single de préférence). Certains blends sont « honorables » mais les plus

consommés ne font qu’alimenter « l’alcoolisme domestique ou professionnel des

cadres dans le vent de l’histoire ; et à l’occasion colorer (eux-mêmes le sont au

caramel) l’eau pschitteuse ou plate dans laquelle on les noie. En ce sens, il y a une

justice ». L’auteur déplore donc la suprématie sur le marché des blends sur les malts

et nous fait découvrir le monde des single malts en présentant de nombreuses

marques et en montrant l’attachement de la région de production à son produit (on

trouve des single malts dans les pubs). Le whisky est ici consommé parce qu’il est

écossais.

Cette vision élitiste de la consommation de whiskies s’atténue un peu dans

un article du 12 mai 1984 de La Reynière222. On y trouve une plus grande volonté

d’éduquer le consommateur mais cela reste sur la consommation des single malt.

Les blends ne sont plus vus de manière aussi négative que dans l’article précédent.

Il écrit que, selon une étude de l’Insee, les « cadres » sont les plus gros buveurs de

whisky mais reconnaît que « rares sont les consommateurs qui font la différence

entre les whiskies (d’écosse), les whiskey (irlandais), si, du moins ignorant le rye

(canadien), ils ont goûté et réfuté le bourbon (américain) ». Il ajoute « le douze ans

d’âge du Chivas Regal leur paraît le fin du fin alors qu’ils ignorent qu’il s’agit là

221 Cellard (Jacques), « Toute l’Ecosse au fond d’un verre », Le Monde, 16 octobre 1976, p.20 222 La Reynière, « Chimie du whisky, C’est fait avec quoi ? », Le Monde loisirs, supplément au Monde, 12 mai 1984, p.XIII.

120

d’un blended ». Le whisky de malt est celui des connaisseurs, il en détaille les

différentes régions de production en Ecosse (Highlands, les îles…). L’auteur réalise

donc un cours sur les malts en France avec une préférence pour les malts d’Islay.

Mais on peut voir des limites à sa connaissance du sujet au travers d’une réponse

d’un lecteur qui lui écrit : « Je trouve l’idée d’un « singlemalt » « on the rocks »

aussi désagréable qu’un château Yquem frappé »223.

Enfin en 1994 paraît sur deux pages une véritable petite encyclopédie du

whisky. Il s’agit de quatre articles. On y retrouve des informations très précises sur

une dizaine de distilleries224, des informations gustatives sur de nombreux malts

données par un spécialiste écossais Charles MacLean225, la vision culturelle de cet

alcool par Claude Sarraute226 et enfin un peu d’histoire sur l’Ecosse et le whisky par

Phillip Hills 227 , président fondateur de la Scotch Malt Whisky Society 228 . On

retrouve cette volonté d’éduquer le consommateur sur les single malt et de leur faire

découvrir des whiskies brut de fût.

Tout au long de ces articles, on retrouve une volonté d’éduquer le

consommateur pour lui faire découvrir les single malt, les whiskies blended sont

relégués en arrière plan. Le Monde est un journal lu par des cadres et s’adresse donc

à un public particulier comme le montre sa façon d’aborder le whisky dans ses

colonnes.

b) Les lieux de vente

L’augmentation du nombre de marques référencées a rendu illisible le

linéaire des grandes surfaces pour de nombreux consommateurs. Les années 1990

voient l’essor d’un client de plus en plus intéressé par ce qu’il consomme et qui va

donc vouloir s’informer. Les grandes surfaces vont faire un effort pour améliorer la

lisibilité du produit. La chaîne de magasins Nicolas a aussi participé à cet effort à sa

manière.

223 Thomson (Thomas), « L’Ecossais pur », Le Monde Aujourd’hui, supplément au Monde, 10-11 juin 1984, p.XII. 224 De Beer (Patrice), « 1/4 eau, 1/4 orge, 1/4 tourbe, 1/4 Ecosse », Le Monde Temps libre, op.cit. 225 Non signé, « L’avis du goûteur », Le Monde temps libre, 21 mai 1994. 226 Sarraute (Claude), « L'œil de Claude Sarraute Whisky light », Le Monde Temps libre, op.cit. 227 De Beer (Patrice), Hills (Phillip), « Un Peu d'Histoire Divin et diabolique », Le Monde temps libre, 21 mai 1994. 228 Le Scotch Malt whisky Society est un club d’amateur de single malt qui fut crée en Ecosse il y a 20 ans et qui compte actuellement près de 20 000 membres a travers le monde.

121

L’augmentation du nombre de référencement en hypermarché est

impressionnante. En 1997, dans un hypermarché de plus de 6500 m2, on recense en

moyenne 120 références de whiskies et le linéaire, tous types de surfaces

confondues, a dépassé la barre des 10 mètres229. La volonté du consommateur de

connaître le produit amène une volonté de classification claire et l’arrivée d’outils

pédagogiques adaptés aux grandes surfaces pour que le client puisse s’y retrouver.

Auchan a augmenté la surface allouée au whisky et le nombre de référencements

(90). Cette extension se fait au profit des malts dont le nombre de marques

augmente considérablement en même temps que la demande et permet ainsi de faire

apparaître un segment haut de gamme. La société Food from Britains propose aux

chefs de rayons, aux directeurs de magasin et aux acheteurs de la grande distribution

une formation à l’univers des whiskies. Ce séminaire a pour but de les familiariser

avec le produit et montre la volonté de mieux le faire connaître. Du côté des

fournisseurs, CSA, filiale du groupe Pernod-Ricard, dispose de six malts d’origine

différente, rassemblés sous l’appellation « Classic Malts of Scotland ». CSA utilise

un présentoir spécifique pour les grandes surfaces avec une carte d’Ecosse

permettant de situer chacune des six distilleries et d’expliciter la spécificité de

chaque région. Cette ouverture se fait aussi au travers de « foire aux whiskies »

fonctionnant sur le même principe que les foires aux vins. On y trouve ainsi des

produits que l’on ne trouve pas en permanence dans ces magasins.

En 1996, les magasins Nicolas, qui étaient au nombre de 350, décidèrent

d’essayer de se démarquer des grandes surfaces en présentant 15 nouveaux whiskies

issus de petites distilleries230. Certains de ces whiskies inconnus en France incitèrent

les consommateurs à venir chez Nicolas. Tous les cavistes « ont suivi un plan de

formation qui leur a permis de déguster l’ensemble des produits ». Il s’agit de

comprendre le whisky comme le vin avec un langage simple puisque celui-ci a son

vocabulaire propre : tourbé, fumé, charnu, iodé… C’est pour cette raison qu’une

délimitation en deux catégories a été créée dans un souci louable de clarification :

les souples et les puissants.

Il y a donc un effort très net de la part des grandes surfaces mais aussi des

cavistes de la chaîne Nicolas de mieux comprendre le produit, pour répondre à la

229 Non signé, « Les marques nombreuses à ordonner », op.cit., p.36. 230 Lauriot-Prévost (Marie-Eudes), « « The pure malts by Nicolas », un train d’avance sur les hypermarchés », LSA, 21 novembre 1996, n° 1514, p.56.

122

demande du client de mieux le connaître, celui-ci s’intéressant de plus en plus aux

whiskies qu’il consomme.

c) La littérature spécialisée et les clubs d’amateurs de whisky

Comme on l’a vu au travers des articles du journal Le Monde, l’éducation

d’une partie des consommateurs se fait sur le haut de gamme. On va voir apparaître

dans les années 1980 et 1990 une littérature spécialisée sur le whisky ainsi que des

clubs d’amateurs permettant aux connaisseurs de se retrouver.

Pour avoir des informations sur le whisky durant les années 1970, il fallait

consulter le livre de Raymond Dumay, Le livre des alcools (1973) qui présente tous

les alcools que l’on trouve en France, avec un descriptif des procédés et des lieux de

fabrication de chacun. Un premier livre paraît sur le whisky en 1975 : Le livre du

whisky 231 écrit par Jacques Morlaine. Les années 1980 et 1990 vont voir une

prolifération des ouvrages sur le whisky, certains écrits par des auteurs français

(Thierry Benitah, Gilbert Delos…), d’autres traduits de l’anglais (Michael Jackson,

Dave Broom, James Darwen ou encore Charles MacLean). Tous ces ouvrages vont

permettre à l’amateur de whisky de se documenter et de mieux comprendre l’alcool

qu’il aime boire. Certains livres comme Le guide de l’amateur de Malt Whisky de

Michael Jackson ou encore le Whisky de Thierry Bénitah sont de véritables bibles

référençant des centaines de whiskies différents.

Au-delà de la littérature, vont apparaître des clubs d’amateurs de whisky :

tout d’abord outre-atlantique avec la Scotch Malt Whisky Society ayant des annexes

un peu partout à travers le monde et regroupant plus de 20000 amateurs. Des clubs

français vont également se créer, le premier étant l’ « Académie du pur malt » en

1973 232 . David Grant (président de la société Grant’s qui produit notamment

Glenfiddich) est venu saluer les premiers académiciens. Mais celui-ci n’existe plus.

En 1995, lors du changement de direction à la Maison du Whisky, Thierry Bénitah,

succédant à son père, décide de créer un club réunissant les amateurs de whisky :

« La Maison du Whisky souhaite redonner ses lettres de noblesse au whisky de

qualité et faire partager sa passion pour cette eau-de-vie et l'univers qui lui est

231 La Reynière, « Liberté et whisky », Le Monde, 6-7-8 Décembre 1975, p.29. 232 La Reynière, « Ah ! La bonne ferme !... », Le Monde, 13 Janvier 1973, p.17.

123

attaché »233. En 1997, un autre club est créé, il s’agit du Clan des Grands Malts. Ces

deux clubs ont créé une revue afin d’informer leurs membres. Ils organisent des

dégustations et des voyages à la découverte du whisky partout dans le monde.

En 2004, devant l’essor des malts en France, Whisky Magazine, créé en 1999

en Angleterre, est adapté et traduit pour une publication en France.

On constate qu’il y a encore une augmentation de la consommation ce qui

amène le marché à maturité. Il est désormais difficile de faire augmenter la

consommation. Celle-ci va plutôt changer. Avec l’essor des malts, on remarque une

volonté d’évoluer dans la consommation en s’intéressant à des produits plus

élaborés.

233 Site internet de la Maison du Whisky.

124

CCOONNCCLLUUSSIIOONN

125

126

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Corée du Sud 180,9 44,6 Allemagne 103,4 42,8

Grèce 103,1 33,9 Taiwan 81,3 18,7 Japon 75,2 22,6

Venezuela 54,9 24,5 Italie 50,1 20,8

234 Site internet de la Scotch Whisky Association

127

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PPoouurr dduurreerr eenn FFrraannccee,, llee wwhhiisskkyy aa bbeessooiinn ddee rrééuussssiirr àà ccoonnqquuéérriirr lleess jjeeuunneess

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AANNNNEEXXEESS

-- SSmmiicc hhoorraaiirree nneett

-- IImmppoorrttaattiioonnss eett eexxppoorrttaattiioonnss ddee wwhhiisskkyy

-- CCaattaalloogguuee ddee pprriixx ddee llaa RRVVII

-- CCaattaalloogguuee ddee pprriixx ddee llaa MMWW

-- CCllaassssiiffiiccaattiioonn ddeess aallccoooollss

128

Année Durée légale mensuelle SMIC Net SMIC Horaire1951 173,3 145,15 0,8381952 173,3 162,93 0,9401953 173,3 162,93 0,9401954 173,3 187,98 1,0851955 173,3 203,46 1,1741956 173,3 205,30 1,1851957 173,3 210,35 1,2141958 173,3 238,64 1,3771959 173,3 253,84 1,4651960 173,3 261,88 1,5111961 173,3 267,04 1,5411962 173,3 278,45 1,6071963 173,3 297,09 1,7141964 173,3 305,13 1,7611965 173,3 318,15 1,8361966 173,3 331,15 1,9111967 173,3 339,66 1,9601968 173,3 426,84 2,4631969 173,3 503,32 2,9041970 173,3 543,50 3,1361971 173,3 598,15 3,4521972 173,3 666,00 3,8431973 173,3 786,52 4,5381974 173,3 967,76 5,5841975 173,3 1150,86 6,6411976 173,3 1306,18 7,5371977 173,3 1464,19 8,4491978 173,3 1650,68 9,5251979 173,3 1817,14 10,4861980 173,3 2085,54 12,0341981 173,3 2478,98 14,3051982 169 2892,07 17,1131983 169 3216,92 19,0351984 169 3465,79 20,5081985 169 3676,51 21,7541986 169 3777,27 22,3511987 169 3894,77 23,0461988 169 3977,60 23,5361989 169 4093,46 24,2221990 169 4269,83 25,2651991 169 4495,61 26,6011992 169 4637,06 27,4381993 169 4697,52 27,7961994 169 4745,76 28,0811995 169 4875,43 28,8491996 169 4975,37 29,4401997 169 5138,98 30,4081998 169 5333,19 31,5571999 169 5402,47 31,9672000 169 5523,00 32,680

Salaire minimum en France 1951-2000

129

130

131

Importations Exportations Solde 1956 766 700 98 900 667 800 1967 363 300 26 900 336 400 1958 350 500 21 400 329 100 1959 597 900 39 400 558 500 1960 865 500 58 900 806 600 1961 1 651 400 38 600 1 612 800 1962 2 819 422 65 424 2 753 998 1963 3 410 494 61 244 3 349 250 1964 3 695 626 28 752 3 666 874 1965 4 064 057 20 855 4 043 202 1966 4 288 723 21 541 4 267 182 1967 5 149 432 43 966 5 105 466 1968 6 245 947 113 514 6 132 433 1969 6 418 642 113 633 6 305 009 1970 6 317 051 108 317 6 208 734 1971 8 139 684 199 021 7 940 663 1972 8 529 143 208 082 8 321 061 1973 8 375 781 503 911 7 871 870 1974 9 556 002 363 740 9 192 262 1975 10 544 173 503 076 10 041 097 1976 10 722 216 783 706 9 938 510 1977 11 750 564 1 052 196 10 698 368 1978 14 030 409 531 547 13 498 862 1979 15 025 408 593 210 14 432 198 1980 15 238 126 633 394 14 604 732 1981 17 950 978 761 131 17 189 847 1982 20 920 376 964 856 19 955 520 1983 21 582 282 1 090 862 20 491 420 1984 19 927 351 1 047 549 18 879 802 1985 23 024 081 902 105 22 121 976 1986 25 581 549 877 090 24 704 459 1987 27 377 861 1 028 460 26 349 401 1988 30 830 852 1 759 639 29 071 213 1989 29 257 978 2 713 366 26 544 612 1990 30 074 595 3 799 129 26 275 466 1991 30 375 342 3 780 752 26 594 590 1992 32 713 235 3 150 723 29 562 512 1993 35 679 843 2 608 693 33 071 150 1994 35 595 341 3 209 168 32 386 173 1995 37 593 264 3 134 752 34 458 512 1996 45 005 506 4 146 524 40 858 982 1997 40 932 777 5 087 269 35 845 508 1998 49 192 609 4 016 377 45 176 232 1999 51 971 045 5 817 026 46 154 019 2000 52 932 797 6 867 657 46 065 140

Source : Annuaire statistique du commerce extérieur de la France Unité: Litre alcool pur

132

Importations-Exportations de whisky en France de 1956 à nos jours

0

10 000 000

20 000 000

30 000 000

40 000 000

50 000 000

60 000 000

1956

1958

1960

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

l/AP

Importations Exportations Solde

Black & White Ballantine's J.Walker Red Label J&B Vat 69 Long John1973 31,90 FRF 32,90 FRF 32,90 FRF 36,00 FRF 31,90 FRF

1977 44,90 FRF 46,90 FRF 47,90 FRF 48,00 FRF 43,90 FRF 42,90 FRF

1984 87,00 FRF 87,00 FRF 87,00 FRF 79,00 FRF 84,00 FRF 79,00 FRF1985 87,00 FRF 89,00 FRF 87,00 FRF 84,00 FRF 84,00 FRF 79,00 FRF1986 82,00 FRF 92,00 FRF 89,00 FRF 89,00 FRF 89,00 FRF 87,00 FRF

1988 84,00 FRF 94,00 FRF 92,00 FRF 92,00 FRF 82,00 FRF 89,00 FRF1989 98,00 FRF 98,00 FRF 96,00 FRF 96,00 FRF 87,00 FRF 92,00 FRF

1992 97,00 FRF 109,00 FRF 109,00 FRF 109,00 FRF 95,00 FRF 98,00 FRF

1996 99,00 FRF 106,00 FRF 98,00 FRF 98,00 FRF 98,00 FRF 99,00 FRF1997 99,00 FRF 106,00 FRF 98,00 FRF 98,00 FRF 98,00 FRF 98,00 FRF1998 89,00 FRF 99,00 FRF 94,00 FRF 99,00 FRF 89,00 FRF1999 89,00 FRF 99,00 FRF 94,00 FRF 99,00 FRF 89,00 FRF

2001 85,00 FRF 96,00 FRF 95,00 FRF 98,00 FRF2002 85,00 FRF 96,00 FRF 99,00 FRF 98,00 FRF 82,00 FRF

2003 13,50 € 15,00 € 15,00 € 15,00 € 12,50 €2004 13,00 € 15,00 € 15,00 € 16,00 € 12,00 €2005 12,50 € 15,00 € 15,50 € 16,00 € 12,50 €

Catalogue de prix de la Maison du Whisky

Blends stantdards

134

Ballantine's Chivas regal J.Walker Black label63,00 FRF 69,00 FRF 67,00 FRF

79,00 FRF 82,00 FRF 82,00 FRF

134,00 FRF 139,00 FRF 139,00 FRF 137,00 FRF 139,00 FRF 139,00 FRF 136,00 FRF 144,00 FRF 139,00 FRF

139,00 FRF 149,00 FRF 144,00 FRF 144,00 FRF 149,00 FRF 149,00 FRF

189,00 FRF 179,00 FRF 179,00 FRF

179,00 FRF 179,00 FRF 179,00 FRF 169,00 FRF 179,00 FRF 175,00 FRF 159,00 FRF 169,00 FRF 159,00 FRF 159,00 FRF 169,00 FRF 159,00 FRF

155,00 FRF 169,00 FRF 159,00 FRF 145,00 FRF 169,00 FRF 169,00 FRF

22,00 € 26,00 € 25,00 € 23,00 € 26,00 € 25,00 € 23,50 € 27,00 € 25,00 €

Blends de luxe

135

Cardhu 12 ans Glenlivet 12 ans Glenmorangie 10 ans69,00 FRF 72,00 FRF /

96,00 FRF 85,00 FRF 94,00 FRF

169,00 FRF 154,00 FRF 154,00 FRF174,00 FRF 159,00 FRF 169,00 FRF174,00 FRF 159,00 FRF 174,00 FRF

179,00 FRF 159,00 FRF 179,00 FRF189,00 FRF 169,00 FRF 186,00 FRF

229,00 FRF 209,00 FRF 229,00 FRF

229,00 FRF 198,00 FRF 219,00 FRF229,00 FRF 196,00 FRF 209,00 FRF218,00 FRF 178,00 FRF 198,00 FRF198,00 FRF 175,00 FRF 198,00 FRF

198,00 FRF 179,00 FRF 215,00 FRF198,00 FRF 179,00 FRF 218,00 FRF

31,00 € 27,00 € 33,50 €30,00 € 26,00 € 33,00 €29,00 € 28,00 € 34,00 €

Malts

136

Four Roses Jack Daniel's Seagram's V.O. Crow Royal Canadian Club1973 39,00 FRF 71,00 FRF 1973 39,00 FRF 71,00 FRF 41,00 FRF

1977 49,00 FRF 85,00 FRF 1977 52,00 FRF 84,00 FRF 54,00 FRF

1984 92,00 FRF 149,00 FRF 1984 106,00 FRF 156,00 FRF 104,00 FRF1985 92,00 FRF 149,00 FRF 1985 106,00 FRF 156,00 FRF 106,00 FRF1986 89,00 FRF 149,00 FRF 1986 106,00 FRF 156,00 FRF 106,00 FRF

1988 89,00 FRF 149,00 FRF 1988 109,00 FRF 159,00 FRF 109,00 FRF1989 96,00 FRF 149,00 FRF 1989 116,00 FRF 169,00 FRF 116,00 FRF

1992 109,00 FRF 179,00 FRF 1992 119,00 FRF 196,00 FRF 129,00 FRF

1996 109,00 FRF 159,00 FRF 1996 129,00 FRF 185,00 FRF 136,00 FRF1997 109,00 FRF 149,00 FRF 1997 129,00 FRF 189,00 FRF 136,00 FRF1998 109,00 FRF 149,00 FRF 1998 132,00 FRF 185,00 FRF 125,00 FRF1999 105,00 FRF 139,00 FRF 1999 132,00 FRF 165,00 FRF 125,00 FRF

2001 20012002 / 139,00 FRF 2002 142,00 FRF 155,00 FRF 125,00 FRF

2003 15,50 € 22,50 € 2003 23,00 € 24,00 € 18,00 €2004 16,00 € 22,50 € 2004 24,00 € 24,00 € 18,00 €2005 16,00 € 23,00 € 2005 25,00 € 25,00 € 19,00 €

Amercian Whsikey Canadian whiskey

137

Tullamore Dew Power's Jameson Old Bushmills Paddy1973 39,00 FRF 41,00 FRF 41,00 FRF /

1977 53,00 FRF 52,00 FRF 53,00 FRF 49,00 FRF 53,00 FRF

1984 89,00 FRF 89,00 FRF 98,00 FRF 89,00 FRF 89,00 FRF1985 96,00 FRF 108,00 FRF 98,00 FRF 96,00 FRF 94,00 FRF1986 98,00 FRF 112,00 FRF 102,00 FRF 99,00 FRF 98,00 FRF

1988 102,00 FRF 106,00 FRF 106,00 FRF 106,00 FRF 102,00 FRF1989 109,00 FRF 112,00 FRF 112,00 FRF 109,00 FRF 109,00 FRF

1992 116,00 FRF / 129,00 FRF 119,00 FRF 119,00 FRF

1996 119,00 FRF 119,00 FRF 134,00 FRF 109,00 FRF 124,00 FRF1997 119,00 FRF 129,00 FRF 129,00 FRF 109,00 FRF 124,00 FRF1998 120,00 FRF 125,00 FRF 129,00 FRF 109,00 FRF 125,00 FRF1999 118,00 FRF 125,00 FRF 129,00 FRF 109,00 FRF 115,00 FRF

20012002 109,00 FRF 124,00 FRF 115,00 FRF 114,00 FRF 112,00 FRF

2003 17,50 € 19,00 € 18,00 € 18,00 € 17,00 €2004 17,00 € 19,00 € 26,00 € 18,00 € 16,00 €2005 17,00 € 19,00 € 25,00 € 18,50 € 16,00 €

Irish Whiskey

138

Ballantine's Black & White Clan Campbell Cutty stark J&B Johnny Walker Red Label 5 Long John1982 54,54 FRF 57,16 FRF 56,21 FRF 58,87 FRF 61,79 FRF 56,44 FRF 44,88 FRF 53,52 FRF1983 55,96 FRF 59,63 FRF 56,45 FRF 57,52 FRF 62,24 FRF 58,54 FRF 47,28 FRF 54,68 FRF1984 62,08 FRF 68,02 FRF 65,07 FRF 68,90 FRF 71,96 FRF 67,66 FRF 56,71 FRF 62,75 FRF1985 63,25 FRF 66,87 FRF 63,15 FRF 68,15 FRF 71,02 FRF 67,27 FRF 57,89 FRF 62,46 FRF1986 65,18 FRF 68,19 FRF 61,59 FRF 72,83 FRF 76,99 FRF 67,13 FRF 59,14 FRF1987 66,78 FRF 67,00 FRF 62,42 FRF 73,09 FRF 75,79 FRF 66,62 FRF 58,36 FRF 61,56 FRF1988 64,20 FRF 65,80 FRF 61,48 FRF 69,82 FRF 71,80 FRF 64,26 FRF 56,73 FRF 58,88 FRF1989 66,88 FRF 63,63 FRF 62,96 FRF 70,92 FRF 73,94 FRF 68,33 FRF 58,72 FRF 61,16 FRF1990 66,77 FRF 67,55 FRF 60,92 FRF 67,98 FRF 75,36 FRF 67,11 FRF 60,12 FRF 59,15 FRF1991 75,16 FRF 70,38 FRF 67,29 FRF 72,35 FRF 78,52 FRF 71,65 FRF 62,06 FRF 67,84 FRF1992 77,49 FRF 69,09 FRF 67,47 FRF 72,57 FRF 82,70 FRF 76,36 FRF 65,00 FRF 69,22 FRF1993 75,47 FRF 70,26 FRF 69,06 FRF 75,63 FRF 82,88 FRF 78,88 FRF 66,18 FRF 69,61 FRF1994 83,58 FRF 78,29 FRF 72,77 FRF 75,97 FRF 88,54 FRF 82,84 FRF 71,12 FRF 72,35 FRF1995 83,52 FRF 71,96 FRF 75,25 FRF 79,03 FRF 89,12 FRF 81,86 FRF 72,13 FRF 73,73 FRF

Catalogue de prix de La Revue Vinicole Internationale

Blends Standards

139

Glenfiddich Glen turner Ballantine's Chivas Regal Johnny Walker Black Four Roses Jack Daniel's1982 88,58 FRF 57,55 FRF 84,12 FRF 97,76 FRF 94,63 FRF 59,67 FRF 94,08 FRF1983 87,68 FRF 96,46 FRF 98,69 FRF 61,41 FRF 101,49 FRF1984 106,36 FRF 104,73 FRF 111,08 FRF 109,30 FRF 73,30 FRF 114,12 FRF1985 105,03 FRF 68,15 FRF 98,39 FRF 115,54 FRF 108,21 FRF 70,99 FRF 122,80 FRF1986 110,13 FRF 69,31 FRF 112,48 FRF 119,07 FRF 110,78 FRF 73,81 FRF 118,03 FRF1987 111,21 FRF 69,56 FRF 107,84 FRF 115,80 FRF 109,40 FRF 74,36 FRF 117,28 FRF1988 110,90 FRF 65,43 FRF 105,77 FRF 112,85 FRF 107,03 FRF 68,99 FRF 115,88 FRF1989 107,71 FRF 69,11 FRF 111,68 FRF 118,12 FRF 108,19 FRF 69,69 FRF 118,87 FRF1990 106,80 FRF 74,09 FRF 108,90 FRF 124,31 FRF 106,81 FRF 68,36 FRF 114,70 FRF1991 116,81 FRF 79,81 FRF 123,29 FRF 133,99 FRF 119,88 FRF 77,56 FRF 122,63 FRF1992 121,98 FRF 79,84 FRF 132,34 FRF 137,53 FRF 124,33 FRF 76,72 FRF 123,26 FRF1993 125,73 FRF 81,10 FRF 132,44 FRF 140,10 FRF 128,17 FRF 76,28 FRF 127,19 FRF1994 134,91 FRF 87,89 FRF 134,61 FRF 143,96 FRF 129,06 FRF 78,86 FRF 131,11 FRF1995 132,57 FRF 85,74 FRF 135,27 FRF 146,74 FRF 128,13 FRF 82,33 FRF 129,37 FRF

Pur malt Belnds de luxe American Whiskey

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Prix courant d'une bouteille de whisky 1982-1995

0,00 FRF

20,00 FRF

40,00 FRF

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160,00 FRF

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

Chivas Regal Glenfiddich Label 5 Série4

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Prix réel d'une bouteille de whisky 1982-1995

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1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

Prix

en

sala

ire h

orai

re

Ballantine's Label 5 Glenfiddich Chivas Regal

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CCllaassssiiffiiccaattiioonn ddeess aallccoooollss

1er groupe

Boissons sans alcool : eaux minérales ou gazéifiées, jus de fruits ou de légumes non fermentés ou ne comportant pas, à la suite d'un début de fermentation, de traces d'alcool supérieures à 1,2 degré, limonades, infusions, lait, café, thé, chocolat etc.

2e groupe

Boissons fermentées non distillées : vins, bières, cidres, poirés, hydromels, vins doux naturels à AOC, crèmes de cassis et jus de fruits ou de légumes fermentés comportant de 1, 2 à 3 degrés d'alcool.

3e groupe

Vins doux naturels autres que ceux appartenant au groupe 2, vins de liqueurs, apéritifs à base de vins et liqueurs de fraises, framboises, cassis ou cerises, ne titrant pas plus de 18 degrés d'alcool pur.

4e groupe

Rhums, tafias, alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés ou fruits et ne supportant aucune addition d'essence.

5e groupe

Toutes les autres boissons alcooliques.

SSOOUURRCCEESS

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TTAABBLLEE DDEESS MMAATTIIEERREESS

158

INTRODUCTION...................................................................................................... 4 INTRODUCTION I) Le début de l’essor du whisky 1960 -1980............................................ 11 I) Le début de l’essor du whisky 1960 -1980

A) Un produit plus accessible ...................................................................... 12

1) Internationalisation de l’économie ................................................... 13

a) Le plan De Gaulle-Rueff ................................................................... 13 b) La Communauté Economique Européenne ................................ 14 c) L’ouverture du marché ...................................................................... 15

2) Plusieurs circuits de distribution ..................................................... 16

a) Une « distribution capillaire » ......................................................... 16 b) L’apparition des grandes surfaces................................................ 18

3) L’évolution du marché .......................................................................... 21

a) Le problème des taxes sur le whisky ........................................... 21 b) Evolution de la consommation....................................................... 22 c) Evolution des prix............................................................................... 25

B) Les raisons du succès du whisky........................................................... 26

1) Le whisky : un symbole social ............................................................ 26 2) D’où vient ce symbole social ? ........................................................... 28

a) Le whisky et le « polar » ................................................................... 30 b) La double vision du whisky dans le western ............................. 37 c) Le whisky et le cinéma français...................................................... 41 d) Le whisky et la bande dessinée ..................................................... 46

II) L’EXPLOSION DU MARCHE, LES ANNEES 80............................................. 52II L’EXPLOSION DU MARCHE LES ANNEES 80

A) La libéralisation du produit entraîne une modification de l’offre et de la demande ............................................................................................. 53

1) Le marché écossais connaît des transformations qui vont affecter le marché français ....................................................................... 53

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a) La production écossaise ................................................................... 54 b) Le marché parallèle............................................................................ 57

2) Une modification profonde du marché français avec l’apparition de nouveaux produits ........................................................ 58

a) L’état du marché français ................................................................ 58 b) Les whiskies premiers prix et les whiskies à bas degré ........ 59 c) Trop de marques de whiskies......................................................... 63 d) Le marché du haut de gamme ....................................................... 63 e) La chute des prix. ............................................................................... 64

B) La communication du whisky ................................................................. 69

1) Le whisky est autorisé à faire de la publicité ................................ 69

a) Des publicités alibis ........................................................................... 69 b) La publicité autorisée par la CEE ................................................... 71 c) La loi Barzach ....................................................................................... 80

2) L’évolution du consommateur ........................................................... 86

a) Une évolution des habitudes de consommation ...................... 86 b) L’évolution géographique................................................................ 87

III) III LES ANNEES 1990, LES ANNEES 1990, SATURATION DU MARCHE ?................................... 89SATURATION DU MARCHE ?

A) Une réorganisation du marché .............................................................. 90

1) Une nouvelle réglementation qui ne résout pas tout les problèmes ...................................................................................................... 90

a) La réglementation européenne n° 1576/89 ............................... 90 b) Les limites de la réglementation ................................................... 92

2) La concentration du marché ............................................................... 94 3) Evolution du marché.............................................................................. 97

a) Les « spiritueux aux whiskies » et les whiskies premiers prix...................................................................................................................... 98 b) Le marché du haut de gamme se modifie, les malts prennent leur essor. ................................................................................................ 100

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c) Les blends standards : les moteurs du marché ...................... 103 d) Evolution des prix ............................................................................ 104

B) La loi Evin et l’éducation du consommateur.................................... 108

1) La loi Evin, une modification de la publicité ................................ 108

a) Les modifications législatives apportées par la loi Evin ....... 108 b) Leurs applications dans la publicité........................................... 111

2) L’éducation du consommateur ........................................................ 119

a) A travers la presse............................................................................ 119 b) Les lieux de vente ............................................................................ 121 c) La littérature spécialisée et les clubs d’amateurs de whisky.................................................................................................................... 123

CONCLUSION....................................................................................................... 125 CONCLUSION

ANNEXES............................................................................................................... 128 ANNEXES

SOURCES............................................................................................................... 144 SOURCES

BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................... 153 BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERESTABLE DES MATIERES........................................................................................ 158

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