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LE VOLEUR DE SOURIRES

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TONY OLIVAUD

L e V o l e u r

d e S o u r i r e s

Éditions du Petit Véhicule

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Merci à Frédéric Dard, Dominique Ponchardier, Robert E. Howard, Stephen King et Don Pendleton et à tous ces auteurs dont les œuvres ont alimenté ma passion pour la littérature. Chacun d'eux a contri- bué à sa façon à l'élaboration mentale de ce premier roman. J 'espère que le résultat vous semblera digne de leurs talents.

© Éditions du Petit Véhicule, 1997. 20, rue du Coudray — 44000 Nantes

ISBN : 2-84273-083-6

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Je dédie ce roman à Caline et Rocky. Plus que des copains, plus que des amis, vous fûtes pour moi un frère et une sœur providentiels. Je sens encore, et sentirai sans doute toujours, votre présence accompagner chacun de mes pas. Vous reste- rez à jamais dans mon cœur. Merci pour votre amour.

Tony. 2 septembre 1996.

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« Elles, dans l'grave la faiblesse des hommes, elles savent. que la seule chose qui tourne sur terre c'est leurs robes légères. »

A. SOUCHON

Extrait de Sous les jupes des filles.

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P R O L O G U E

Los Angeles semblait plongée dans une balle de coton, tel- lement le brouillard était épais. Le silence inhabituel qui ré- gnait sur la grande cité, ne semblait pas préoccuper les trois hommes qui s'affairaient autour des containers de déchets qui obstruaient les trottoirs. Pour Brad Whilford, Howard Brandis et « Bud » Lowell, ce début de matinée était semblable à tous les autres. Tandis que Bud patientait tranquillement derrière son volant, essayant de rester éveillé grâce aux décibels prove- nant des enceintes de l'autoradio dont le volume semblait blo-

qué en position « maxi », Brad et Howard traînaient les bacs à ordures surchargés jusqu'à l'arrière du camion avant d'action- ner le système hydraulique qui permettai t de soulever la charge et de déverser les déchets dans la benne.

Le travail était sale et monotone mais les trois hommes y étaient habitués et aucun ne se plaignait car n'ayant pas de qualifications particulières, ils étaient bien contents de pou- voir gagner de quoi faire vivre leurs familles, surtout en cette période où le chômage ne cessait d'augmenter.

Seul Brad éprouvait parfois une sensation de mal de vivre, pas pour lui bien sûr, mais pour ses enfants. Le fait d'être noirs n'était déjà pas facile à vivre tous les jours, mais avoir un père éboueur provoquait invariablement des réactions de moque-

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ries et de rejets de la part de leurs petits camarades. Curieusement, plutôt que de se plaindre, ses enfants défen- daient leur père et généralement de façon violente, ce qui avait plusieurs fois causé des problèmes avec les parents des autres élèves et les responsables des établissements scolaires. Dans un sens, mais sans jamais le leur dire, Brad était fier de ses enfants et c'est grâce à ce sentiment qu'il trouvait le cou- rage de partir au travail tous les matins.

- Quand je pense qu'on est en train de se faire chier à vider des poubelles, alors que quelque part en ville il y a sûre- ment une belle fille seule dans son lit, qui ne demanderait pas mieux que d'être réchauffée par un mec comme moi, dit Howard d'un air dépité.

- C'est pas avec l'odeur que tu dégages que tu risques de trouver une fille ce matin, répondit Brad en rigolant.

- Et pourquoi pas, dit Howard d 'un ton indigné. Il y a peut-être une fée des ordures qui va surgir de cette poubelle, si je la frotte comme la lampe d'Aladin.

Le rire de Brad redoubla d'intensité, tandis que son cama- rade se mit à astiquer vigoureusement le couvercle d'un bac avec sa manche.

- À mon avis, ta fée doit pas être réveillée, dit Brad. — T'as raison, faut peut-être mieux ouvrir directement sans

frapper.

Joignant le geste à la parole, Howard saisit le bord du cou- vercle et fit basculer celui-ci violemment. S'il s'attendait à trou-

ver une fée dans cette poubelle, il fut bien surpris. Son visage prit une couleur blanchâtre et tandis que ses yeux semblaient vouloir sortir de leurs orbites une fine pellicule de sueur inonda son front. Ne pouvant se retenir plus longtemps, il se

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pencha derrière le bac et se mit à vomir brutalement. Brad ne comprenant pas la réaction de son copain, s'ap-

procha lui aussi du bac, et quand ses yeux se posèrent sur son contenu, une violente nausée lui crispa l'estomac et il s'en fal- lut de peu qu'il n'arrosa Howard avec son petit-déjeuner. Si la jeune femme, dont le corps déchiqueté gisait au milieu des or- dures, était une fée, jamais plus elle ne pourrait exaucer de vœux.

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Chapitre 1

UN RÉVEIL SANGLANT

Le téléphone devait bien en être à sa dixième sonnerie lorsque Théo, sortant péniblement d'une épaisse brume d'al- cool au parfum de Jack Daniel's, daigna enfin décrocher celui- ci.

- Allô ? bredouilla-t-il, la bouche pâteuse. - C'est Harold, j'imagine sans trop de mal dans quel état tu

es, c'est pourquoi je t'invite à aller prendre une douche bien froide pour te remettre les idées en place. On a un nouveau cadavre de jeune femme sur les bras. Le corps est rendu à la morgue et le légiste s'en occupe déjà. On se retrouve là-bas dans une heure et j'espère que tu seras bien réveillé.

Le cerveau de Théodore Hamilton avait eu bien du mal à enregistrer ce que son supérieur et vieil ami Harold Martin ve- nait de lui dire, c'est pourquoi il décida de suivre son conseil et se dirigea péniblement vers la salle de bain afin d'y prendre une douche réparatrice.

Théodore Hamilton, dit « Théo », était dans la police de- puis environ vingt ans et portait aujourd'hui le grade d'inspec- teur. Avec son mètre soixante-dix-huit et ses quatre-vingt-cinq kilos, Théo avait été un bon joueur de football américain.

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Promis à une belle carrière sportive, il avait tout laissé tomber dès son entrée à l'Académie de Police de Los Angeles. Depuis, les cigarettes (bien qu'il ait arrêté de fumer depuis environ cinq mois), le Jack Daniel's et les hamburgers-frites avalés à la va-vite, l'avaient légèrement transformé et avaient jeté aux ou- bliettes une bonne partie de ses impressionnantes capacités physiques. Pourtant, malgré cela, Théo était devenu un des meilleurs flics de Los Angeles et ses méthodes, bien que peu orthodoxes avaient le mérite d'être efficaces.

Théo passa une bonne partie du trajet entre son apparte- ment et la morgue à se remémorer les deux autres cas liés à cette affaire.

Les corps de deux jeunes femmes d'environ vingt-cinq ans, avaient, au cours de l 'été dernier, été retrouvés dans des bennes à ordures, par les équipes de ramassage. Ces deux jeunes femmes étaient mortes dans les mêmes conditions et selon des procédés similaires. Elles étaient nues, leurs corps enroulés avec la corde qui avait servi à les pendre et dont le nœud coulant était toujours serré autour de leur cou. Mais le fait le plus horrible et le plus caractéristique qui permettait à coup sûr de relier ces deux meurtres, était que ces deux jeunes femmes avaient le visage lacéré et les lèvres découpées, leur donnant ainsi une bouche difforme et sanglante, laissant ap- paraître presque toute la mâchoire. Théo serra les doigts sur le volant en pensant aux souffrances de ces deux jeunes femmes et à la cruauté de l'espèce de malade qui les avait ainsi torturées.

Arrivé devant la morgue, Théo gara sa vieille Chrysler bleue sur le parking et se dirigea d'un pas nonchalant vers l'entrée principale.

Le commissaire Harold Martin était déjà arrivé quand

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Théo pénétra dans la salle où œuvrait généralement le doc- teur « Frankenstein » Jemmison. Les membres du LAPD avaient ainsi surnommé le légiste, non pas à cause d'une quel- conque ressemblance avec la créature, mais parce que Jemmison semblait prendre un réel plaisir, mêlé de curiosité et d'excitation, à la reconstitution d'un corps humain quand cela s'avérait nécessaire après le passage à l'acte d'un quel- conque psychopathe en mal d'hémoglobine. Mary Shelley au- rait très bien pu prendre le docteur Jemmison comme exemple pour l'écriture de certains passages de son roman, si elle avait pu voir celui-ci exercer sa macabre mais au combien utile profession.

- Salut Harold, dit Théo en tendant la main à son supé- rieur et ami de longue date, le commissaire Martin. Harold Martin, avait passé les trois-quarts de sa vie à traquer les assas- sins et autres sociopathes qui traînaient dans les rues de Los Angeles. À cinquante-cinq ans, Harold souffrait d'un léger em- bonpoint que le climat local n'aidait pas à supporter. Portant invariablement une chemise bleu claire sous un costume gris anthracite, il était toujours couvert de sueur et semblait étouf- fer malgré sa cravate pendante sur son col négligemment ou- vert.

- Salut Théo, répondit-il, j'espère que tu es bien réveillé et que tu n'as pas pris de petit-déjeuner, parce que cette pauvre fille n'est vraiment pas belle à voir.

Théo et lui commençaient à s'approcher de la table où re- posait le corps de la jeune femme et autour duquel Jemmison et son assistant s'affairaient déjà, quand le jeune inspecteur Logan pénétra dans la salle, un gobelet de café dans chaque main.

— Salut Logan, dit Théo, et alors que celui-ci tendait un go-

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belet au commissaire, Théo s'empara du second gobelet et en avala le contenu d'un trait avant même qu'il ait le temps de protester.

L'inspecteur Eric Logan commençait à avoir l'habitude du comportement de l ' inspecteur Hamilton. Affecté depuis quelques mois au département criminel du LAPD, Logan avait été « désigné » volontaire pour être le coéquipier de Théo et il essayait de tout son possible de se faire accepter par ce der- nier. Bien que la tâche pouvait sembler a priori impossible et contre attente, une sorte de complicité s'était instaurée entre les deux hommes qui semblaient jouer perpétuellement au chat et à la souris, chacun cherchant l'occasion de faire sortir l'autre de ses gonds. Ce qui au premier abord pouvait sembler être une façon d'exprimer du mépris de la part de l'un ou de l'autre était en fait une façon comme une autre de se forger une complicité en utilisant une forme de dérision qui leur permettait par la même occasion de se libérer des contraintes oppressantes du métier de flic.

— Non mais ça va pas, il était pour moi ce café ! gueula Logan alors que Théo lançait le gobelet vide dans une cor- beille à papier qui était placée près de la porte d'entrée.

- J e m'en doute, mais je suis sûr que le brave petit garçon bien élevé que tu es, allait se faire un plaisir, sinon un devoir de me le proposer. J'ai juste anticipé ton offre et évité que nous perdions du temps en civilités.

- Espèce de... ! commençait à beugler Logan. - C'est pas bientôt fini vous deux! s'écria Jemmison. Vous

vous croyez en récréation ou quoi. Vous feriez mieux d'arrêter votre numéro comique les deux clowns et vous approcher de ce corps, parce que je ne répéterais pas deux fois mes observa- tions. C'est que j'ai d'autres clients qui m'attendent.

- Dans l'état où sont vos clients habituels, ça m'étonnerait

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beaucoup que l'un d'eux fasse une réclamation pour négli- gence médicale, ironisa Théo en lançant un clin d'œil à Logan, qui se mit aussitôt à pouffer de rire.

- Ça suffit, intervint Harold. Je vous rappelle que nous sommes ici pour travailler et que nous n'avons pas de temps à perdre en balivernes si nous voulons arrêter ce malade avant qu'il ne fasse une nouvelle victime.

- A vos ordres, chef ! lancèrent en cœur les deux flics tout en se rapprochant du centre de la pièce.

Comme tout le monde était maintenant attentif, l'assistant de « Frankenstein » découvrit le corps de la victime qui subite- ment leur apparut, éclairé par la lumière blanchâtre des tubes au néon. Bien que le corps de la jeune femme fût entièrement dénudé, le regard des trois policiers se fixa comme par réflexe sur le visage de celle-ci. Un sentiment de dégoût envahit les trois hommes. Harold ferma les yeux et baissa la tête en profé- rant un juron. Le visage de Logan passa au gris puis au blanc, il se précipita vers le lavabo situé dans un angle de la pièce et il vomit ce qui devait être son petit-déjeuner.

- Quel salaud, c'est vraiment dégueulasse de faire des trucs pareils! dit-il entre deux hoquets.

Théo qui pourtant n'en était pas à son premier cadavre, eu du mal à réprimer une soudaine nausée, des relents de Jack Daniel's pas tout à fait dissipés n'arrangèrent pas les choses. Logan se passa de l'eau fraîche sur le visage et revint bientôt auprès de son équipier et du commissaire Martin.

- Comme vous pouvez le constater, commença Jemmison, les mutilations infligées à la victime sont de même type que celles observées sur les deux cadavres précédents. La ressem- blance entre les trois victimes est également frappante. Elles

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avaient toutes entre vingt et vingt-cinq ans, mesuraient envi- ron un mètre soixante-dix, l'allure sportive, blondes aux che- veux longs et bouclés et toutes trois avaient les yeux bleus. Comme dans les deux autres cas, la victime a été déshabillée mais aucun sévices sexuels n 'a été pratiqué. La cause de la mort, qui remonte à environ une quinzaine d'heures, est sans aucun doute la pendaison. J 'en arrive maintenant aux mutila- tions proprement dites. Comme dans les autres cas, le torse et le visage de la victime ont été tailladés à l'aide d'un instrument particulièrement tranchant, comme un couteau à désosser ou une lame de cutter. Les coups portés sont d'une rare violence si l'on en juge à la profondeur des blessures qui atteignent les os du visage et les côtes. Je pense pouvoir affirmer que notre homme est un gaucher, d'après l'angle de pénétration de la lame. Comme vous pouvez le constater, les lèvres de la victime ont également été découpées, agrandissant la bouche de la base du nez jusqu'à celle du menton et jusqu'aux extrémités des mâchoires.

- Merci, Doc, on a tous vu, pas besoin de détailler plus, l'interrompit Théo. Et puis d'ailleurs, Logan n'a plus rien à vomir alors si vous pouviez abréger? Par contre, est-ce que vous avez pu trouver des indices concernant l'auteur de cette boucherie, comme des fragments de peau sous les ongles de la victime ?

- Non, reprit Jemmison, un peu vexé d'avoir été inter- rompu dans son macabre monologue, comme dans les cas pré- cédents, le meurtrier a dû prendre toutes les précautions pour ne laisser aucune trace, ni cheveux, ni sperme, ni sang, ni frag- ments de peau, aucun indice permettant de l'identifier.

- Et en plus, ce con pense à tout, quelle merde ! s'exclama Logan.

- J e vous remercie, Doc, dit Théo. Si vous trouvez le temps nécessaire, j'aimerai que vous me fassiez parvenir un rapport sur les trois cas, même si les indices sont maigres, on ne sait ja-

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mais, on peut toujours essayer de faire des recoupements avec des cas précédemment enregistrés.

— J'ai pensé que vous me le demanderiez, c'est pourquoi je vous ai fait préparer ceci, ditjemmison en tendant à Théo une enveloppe de papier kraft.

- Il y a là-dedans les rapports concernant les trois autop- sies, ainsi qu'un résumé des points particuliers découlant de l'observation des trois corps, comme le fait que le nombre de coups portés par l'agresseur augmente d'une victime à l'autre. La première n'a reçu qu'une quinzaine de coups alors que la dernière en porte plus de cinquante. Je n'ose pas imaginer dans quel état vous allez m'amener la prochaine.

À cette seule pensée morbide, une lueur d'excitation mêlée d ' impatience éclaira les yeux de « Frankenstein » Jemmison.

- Calmez votre joie, Doc, car j'espère bien qu'il n'y aura pas de prochaine victime. Merci pour les documents et au plai- sir de vous rencontrer le moins possible.

Sur ces mots, Harold, Théo et Logan sortirent de la morgue. Hantés par l 'image du corps mutilé de la jeune femme, leurs visages restaient figés et ils progressèrent d'un pas rapide sans échanger une parole.

Le soleil s'était levé sur la Californie, mais il avait bien du mal à percer la couche de brume matinale qui recouvrait Los Angeles, d'autant plus que l'augmentation de la pollution at- mosphérique n'était pas pour arranger les choses. Les trois hommes prirent pourtant une bonne inspiration d'air frais, ce qui leur fit le plus grand bien. Le visage de Logan n'avait pas

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encore retrouvé sa couleur naturelle, mais il semblait avoir en- caissé le coup. Il est jeune, ça passera, pensa Théo. Pourtant il savait bien au fond de lui que l'on ne s'habituait jamais à voir des personnes innocentes assassinées sauvagement par des monstres comme celui qui venait de tuer cette jeune femme. Plantant là Harold et Logan, Théo se dirigea vers sa voiture. Il avait besoin de réfléchir et de faire le point et pour cela il sa- vait où il pouvait aller et que là-bas quelqu'un serait toujours là pour l'écouter.

- Vous savez où il va? demanda Logan au commissaire Martin, alors que la voiture de Théo quittait le parking de l'Institut Médical.

— Je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais après tout vous êtes son coéquipier et vous avez le droit de savoir. Quand Théo a besoin de faire le point au début ou au cours d'une en- quête, il se rend au cimetière, sur la tombe de sa femme Heather. C'est son «jardin secret », comme on dit. Ça semble lui permettre de faire le vide et même si cela peut paraître bi- zarre, c'est souvent en revenant de ces petits pèlerinages qu'il trouve les meilleures idées permettant de conclure une af- faire.

Les paroles du commissaire Martin laissèrent Logan son- geur et alors qu'ils se dirigeaient vers la voiture de fonction de celui-ci, pour rejoindre le bureau, il se dit qu'il s'était trompé sur le compte de Théo, peut-être celui-ci était-il plus « humain » qu'il ne voulait le faire croire. En tous les cas, il sut qu'à présent il verrait son équipier sous un jour différent. Finalement, pensa-t-il, si l'on ne connaît pas une personne suf- fisamment, on peut parfois se faire une opinion bien éloignée de ce qu'est la réalité.

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Chapitre 2

LE TEMPS PASSE, LES SOUVENIRS RESTENT

Un vent léger et fort agréable soufflait sur le cimetière. Théo traversa la pelouse verdoyante sur laquelle picoraient quelques pigeons loin du bruit et des dangers de la ville. Il ar- riva bientôt près de la tombe de sa femme qui comme la plu- part n'était indiquée que par un petit bloc rectangulaire de marbre gris. Théo mit un genou à terre et essuya l'inscription gravée sur la surface du petit bloc avec son mouchoir.

Heather Hamilton 1952-1985

- Sept ans déjà que tu es partie, murmura Théo.

Il ouvrit son vieux blouson de cuir et sortit de la poche in- térieur un petit œillet blanc dont les pétales sont bordés d'un filet de couleur rose. C'était la fleur préférée de Heather et il la déposa sur la petite plaque.

- Trois jeunes femmes ont payé de leurs vies le prix de la folie d'un homme, dit Théo à voix basse. Comme toi, il y a sept ans, on ne leur a pas laissé le temps d'apprécier la vie et comme toi, elles n'ont eu aucune chance de s'en sortir, mais

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cette fois, je te jure que je retrouverais le coupable de ces atro- cités.

Heather Hamilton était morte sept ans plus tôt dans des conditions tragiques. À l'époque, l'affaire avait fait la une de tous les journaux de Los Angeles :

« La femme d'un inspecteur de police est tuée lors d'un braquage. Son mari se retrouve à l'hôpital suite à un accident occasionné lors de la course poursuite qu 'il avait engagé avec le suspect dans le quartier de Wilshire. »

Théo se revoyait lisant ces mots sur son lit d'hôpital. Le dé- roulement de cette tragédie défila pour la énième fois devant ses yeux.

Le jour du crime, Théo venait juste de terminer son ser- vice et comme toutes les fois où son emploi du temps le lui permettait, il avait décidé de passer prendre Heather à la sor- tie de son travail. Bien que ce soit la fin d'après-midi, le soleil était encore haut dans le ciel. Peut-être iraient-ils faire une promenade sur la plage, ou bien rentreraient-ils directement à leur appartement pour passer une soirée tranquille en amou- reux. Sortant de Doheny Drive, Théo s'engagea sur l'Olympic Boulevard déjà bien encombré à cette heure de l'après-midi. Soudain, la voix de l'opérateur radio emplit l'habitacle de la voiture, sortant Théo de ses rêveries.

- À toutes les unités. On nous signale un hold-up dans la bijouterie Tiffany sur Rodéo Drive. Une vendeuse a été tuée alors qu'elle allait donner l'alarme. Les deux gardes et le pa- tron sont grièvement blessés. D'après les témoins, le suspect s'est enfui sur une moto bleue de marque Kawasaki. Il se diri- geait vers le nord et aurait bifurqué sur Wilshire Boulevard.

- Mon Dieu, faites que ce ne soit pas Heather, hurla Théo

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dans sa voiture, alors qu'une désagréable sueur froide com- mençait à lui glacer le dos.

Ses projets idylliques pour la soirée s'étaient brusquement envolés lorsque l'opérateur avait prononcé le nom de la bijou- terie dans laquelle travaillait Heather.

Déclenchant le Gyrophare, Théo appuya sur l'accélérateur et se mit à slalomer entre les véhicules qui roulaient paisible- ment sur le boulevard. Après une queue-de-poisson qui lui valut un véritable concert de klaxon, il s'engagea sur Rodéo Drive. Donnant un coup de frein brutal, il s'arrêta devant la vi- trine de la bijouterie, l'avant de la voiture empiétant large- ment sur le trottoir, ce qui eu pour effet de créer une bouscu- lade agrémentée de jurons et de multiples protestations de la part des badauds qui s'étaient déjà agglutinés devant la bijou- terie.

Théo pénétra dans le bâtiment en écartant énergiquement deux ou trois de ces abrutis de voyeurs. Dans sa précipitation, il faillit trébucher sur le corps d'un des gardes, qui était al- longé sur le sol en travers de la porte et dont la chemise était couverte de sang. Aucune plainte ne sortit de la bouche de celui-ci. Le pauvre venait sûrement de succomber à ces bles- sures. Une deuxième victime à mettre sur le compte du bra- queur. Reprenant l'équilibre, Théo fit quelques pas désordon- nés dans le magasin, c'est alors que son regard vint se poser sur le corps d'Heather baignant dans son sang.

Le monde parut soudain s'écrouler autour de lui. Laurie, la collègue de travail d 'Heather et également sa meilleure amie, était agenouillée près de son corps et pleurait, le visage caché dans ses mains. Sa poitrine était secouée par de pro- fonds sanglots. À côté d'elle, gisait le corps inerte de celle qui pour Théo était l'être le plus cher au monde. Ses yeux bleus étaient grands ouverts et semblaient le fixer. Ses longs cheveux blonds étaient couverts de sang. La balle de gros calibre qui l'avait tuée, avait pénétré par la tempe droite et fait exploser

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l'arrière de la boîte crânienne. La moquette rose qui recou- vrait le sol du magasin était imbibée de sang tout autour de la tête d'Heather, formant ainsi une sorte d'auréole pourpre. Il n'y avait plus rien à faire. L'être que Théo adorait par-dessus tout venait d'être froidement assassiné et il ne pouvait plus rien faire pour la sauver.

Un sentiment de rage envahit soudain Théo qui se préci- pita dans la rue et s'engouffra dans sa voiture. Il n'avait plus qu'un seul objectif en tête, retrouver le salaud qui était l'au- teur de ce crime et lui faire exploser le crâne.

Théo était arrivé le premier sur les lieux, mais bientôt ap- parurent deux ambulances et les premières voitures de police, toutes sirènes hurlantes. Sans se soucier de l'arrivée de ses col-

lègues, il mit le contact et s'élança sur Rodéo Drive faisant hur- ler le moteur et crisser horriblement les pneus. Se frayant un passage en alertant les automobilistes à l'aide du gyrophare et de la sirène, Théo effectua un véritable gymkhana jusqu'au croisement entre Rodéo Drive et le Wilshire Boulevard. Il avait

perdu beaucoup de temps, mais l'espoir de mettre la main sur le fugitif revint quand un message radio indiqua qu'une pa- trouille venait d'apercevoir une Kawasaki bleue rouler à vive allure sur le Santa Monica Boulevard. L'exaltation qui envahit Théo le poussa à accélérer de plus belle au moment où il abor- dait le croisement. Il ne vit que trop tard que le feu de signali- sation venait de passer au rouge. Par réflexe, il pesa de tout son poids dur la pédale de frein, afin d'éviter la collision, car les premières voitures venaient de démarrer sur Wilshire Boulevard et étaient pratiquement arrivées au milieux du croi- sement. Malheureusement pour lui, la lourde voiture, empor- tée par son élan dérapa, produisant un bruit assourdissant, et continua son chemin jusqu'au milieu de l'intersection. C'est alors que s'arrêta la poursuite et que Théo vit s'évanouir ses espoirs de vengeance.

Sa voiture fut percutée par un camion de livraison lancé à

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pleine vitesse. Elle se retourna et glissa sur le toit, sur environ vingt mètres de distance. Le choc produisit un son épouvan- table, résultant d'un mélange de tôles froissées et de bitume laminé. Le chauffeur du camion de livraison, qui s'en tira avec seulement quelques contusions, déclara plus tard, n'avoir rien pu faire en voyant surgir devant lui la voiture de Théo. Quand à celui-ci, fortement commotionné et souffrant de multiples lésions, il ne fut autorisé à sortir de l'hôpital qu'au bout de six jours, afin de pouvoir assister à l'enterrement d'Heather.

Durant cet enterrement, Théo, cloué sur une chaise rou- lante, jura devant Dieu de ne plus jamais laisser le crime d'une jeune femme impuni, car le meurtrier d'Heather avait réussi à prendre la fuite. Il ne fut jamais retrouvé.

- J e te jure que cette fois encore je tiendrai ma promesse et que j 'arrêterai ce salopard, dit Théo en revenant brusque- ment à la réalité.

Si les blessures physiques causées par l'accident étaient ré- sorbées depuis longtemps, l'entaille que la mort d'Heather avait causée dans le cœur de Théo, était encore une plaie ou- verte qui semblait ne jamais pouvoir cicatriser. Théo pressa ses doigts sur ses lèvres pour y déposer un baiser puis passa une dernière fois la main sur la petite pierre tombale où était ins- crit le nom de sa femme à jamais perdue.

L'esprit soulagé, il se dirigea vers le parking du cimetière où était garée sa voiture. Il ne lui restait plus maintenant qu'à trouver le moyen d'identifier et d'arrêter ce monstre que les journalistes allaient bientôt surnommer : « Le Voleur de Sourires ».

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Chapitre 3

ÉTERNELLEMENT LA PLUS BELLE

Tom s'était éveillé trempé de sueur et la tête bourdon- nante. La nuit n'avait été qu'une succession de cauchemars tous plus morbides les uns que les autres. Se levant pénible- ment, il traversa sa minuscule chambre et tira sur la cordelette qui permettait de remonter le store qui obscurcissait la fe- nêtre. La clarté du soleil qui se levait à l'horizon lui fit mal aux yeux. Il se dirigea vers le petit réduit aménagé en salle de bain qui jouxtait sa chambre. La lumière crue du néon fit appa- raîtrè son image dans le petit miroir sale accroché au-dessus du lavabo. Son état physique lui parut déplorable. Ses cheveux étaient ébouriffés et luisant de sueur, ses yeux, aux pupilles di- latées et aux paupières rougies, lui donnaient un regard fié- vreux, sa barbe grisâtre naissante faisait un contraste avec la pâleur maladive de sa peau et semblait accentuer sa maigreur habituelle. Il décida de remédier énergiquement à cet état de décrépitude et entra dans la douche. L'eau froide sembla pé- nétrer jusqu'aux moindres pores de sa peau et régénérer son corps tout entier. Il ferma les yeux et avança le visage sous le jet d'eau. Elle ruisselait maintenant sur sa figure et lui donnait l'impression de purifier son âme en faisant disparaître de sa mémoire les traces de cauchemars et les souvenirs de ce qui s'était passé la veille. Pourtant, certains flash passèrent encore

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devant ses yeux : le sang, tout ce sang, ses propres cris et sur- tout cette impression de surplus de haine et de vengeance à chaque fois que le sang chaud et rouge vif jaillissait. Une douce chaleur envahit son bas ventre et il se masturba énergi- quement jusqu'à ce que l'excitation engendrée par cet afflux de souvenirs arrive à son paroxysme et soit libérée par l'éjacu- lation.

Il resta encore debout sans bouger durant quelques mi- nutes puis, revenant à la réalité, il se savonna vigoureusement et se rinça. Il se sécha rapidement avec une serviette qu'il en- roula ensuite autour de sa taille. Il entreprit ensuite de se raser et se coiffa. Une fois tout ceci terminé, il prit le temps de se re- garder une nouvelle fois dans le petit miroir et jugea le résul- tat satisfaisant. Le radioréveil, posé sur sa table de chevet dans sa chambre sonna 7 h 15 min Il retourna près de son lit et in- terrompit le signal sonore. Il savait qu'il avait encore un bon quart d'heure devant lui avant que son patron ne vienne ou- vrir le magasin situé au rez-de-chaussée, juste sous sa petite chambre.

Arrivé en ville depuis environ un mois et demi, il avait eu la chance de voir une annonce sur la porte du magasin en se promenant par hasard dans le quartier. Bien que n'ayant que de vague connaissance concernant le métier proposé sur l'an- nonce, il avait tenté sa chance et étant assez habile de ses mains, il avait réussi à avoir ce poste de peintre décorateur d'intérieur, grâce également à de fausses références fournies à son futur employeur. Apprenant qu'il était sans logement, celui-ci lui avait proposé de s'installer dans la petite chambre située au-dessus de la boutique. L'ancien propriétaire y avait vécu jusqu'à sa mort, survenue quelques mois auparavant. Quand il avait racheté le bâtiment, l'actuel propriétaire avait eu pitié du vieil homme et il lui avait fait cette faveur. De plus, la présence du vieil homme était rassurante car ainsi le bâti- ment semblait toujours habité, ce qui pouvait avoir comme

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effet d'éloigner d'éventuels cambrioleurs. Si la chambre était de nouveau occupée, il pouvait être rassuré et en même temps diminuer le salaire de Tom en y prélevant un faible loyer pour participation aux frais d'électricité et autres bricoles. Tom avait tout de même accepté cette offre sans rechigner.

Une fois habillé, il arrangea les draps et les couvertures sur son lit, puis chaussa une paire de baskets fatiguées et alla dé- crocher son blouson du portemanteau qui trônait dans un angle de la pièce. Comme d'habitude, d'une façon quasi ri- tuelle ; il saisit le petit cadre posé sur la commode près de la porte de la chambre. Après l'avoir fixé du regard pendant quelques secondes, il approcha le cadre de son visage et em- brassa par deux fois la photo qu'il contenait, puis il le reposa.

- Aujourd'hui encore, c'est toi qui restes la plus belle, dit-il en regardant la photo, puis il sortit de la chambre et referma la porte à clef.

Il venait juste de commencer à descendre le petit escalier menant dans le magasin quand il entendit la porte de celui-ci s'ouvrir.

- Bonjours, Tom, j'espère que tu es en forme aujourd'hui, parce que toi et les autres gars, vous allez avoir du pain sur la planche, s'exclama le patron. Je viens d'obtenir un chantier avec la municipalité. Figure-toi que vous allez commencer dès ce matin la rénovation intérieure de certains locaux du LAPD.

C'est pas une bonne nouvelle ça !

Tom trouvait en effet que s'était une excellente nouvelle. Cela risquait d'être très intéressant et surtout très instructif...

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Chapitre 4

QUAND TOUS LES CONS DU MONDE VEULENT SE DONNER LA MAIN

Théo pénétra dans le grand hall du bâtiment réservé au LAPD sur le complexe de la Los Angeles Police Academy. L'ef- fervescence habituelle semblait redoubler d'intensité.

- Bonjour, inspecteur Hamilton. A ce que je vois, votre ma- chine à laver le linge est encore en panne.

- Va te faire foutre, Milk, tu sais très bien que de toute façon, j'ai pas l'eau courante ! rétorqua Théo en souriant.

Le gros sergent noir Mickael Anderson dit « Milk » éclata de rire, laissant apparaître deux rangées de dents d'un blanc immaculé. Son surnom de « Milk » ne lui venait pas d'un mau- vais jeu de mots sur sa couleur, mais il avait été ainsi sur- nommé à cause de la consommation immodérée de Milk Shake qu'il ingurgitait du temps où il était en patrouille. Rapidement devenu « pachydermique », comme aucune Harley Davidson de service n'aurait pu supporter son poids sans expirer avant la fin de la journée, et étant donné qu'il lui fallait plusieurs minutes pour s'extraire d'une voiture de fonc- tion, l'administration, qui ne pouvait pas le virer de la police car il avait à charge une femme et huit enfants, avait décidé de

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placer « Milk » derrière un bureau. C'est là qu'il allait devoir attendre l'heure de la retraite, en espérant que son taux de cholestérol lui permette d'atteindre celle-ci. Satisfait de son sort, « Milk » passait ses journées de service derrière le bureau de l'accueil, à lancer des blagues stupides ou à envoyer se faire voir ailleurs les emmerdeurs qui venaient se plaindre pour une contravention ou encore pour se lancer dans d'intermi- nables palabres sur l'incompétence des services de police de L. A.

Théo, se faufilant entre un clochard crasseux et puant et une mégère peinturlurée qui sentait le parfum bon marché à dix mètres, s'engagea dans le couloir menant au bureau du commissaire Harold Martin, quand soudain, il fut interpellé par un agent sortant d'un des bureaux qu'il venait de longer.

- Et vous, l'espèce de hippy, retournez dans la salle d'ac- cueil, c'est pas la soupe populaire ici, ce secteur est interdit au public !

Théo, emporté par son élan fit quelques pas avant de réali- ser que la remarque lui était adressée. Mais c'est à moi qu'il parle ce con, pensa-t-il.

- C'est pas vrai, pour une fois que je fous les pieds dans cette baraque en début de journée, il faut que je tombe sur tous les crétins de service.

Théo avait dit cette phrase en se retournant vers son inter- locuteur. Il s'aperçut alors que celui-ci était une jeune recrue fraîchement diplômée. En quelques enjambées rapides, il re- joignit le jeune agent en lui exhibant sa plaque d'inspecteur sous le nez. Voyant la plaque et réalisant son erreur, le visage du jeune homme pâlit, tandis que son regard faisait la navette entre l'insigne et le visage granitique de Théo dont le regard

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d'un bleu acier semblait le transpercer de part en part.

- Veuillez m'excuser, inspecteur, dit-il d 'une voix trem- blante. C'est que en voyant vos vêtements, j'ai cru que vous étiez un de ces allumés qui traînent dans les rues et qui se croient tout permis.

Le gros sergent « Milk », qui n'avait rien perdu de la scène, partit dans un fou rire incontrôlable qui faillit lui faire perdre l'équilibre et entraîner avec lui les piles de formulaires entas- sés sur son bureau.

- Vous, espèce de demeuré, foutez-moi le camp, hors de ma vue et toi « Milk », arrête de rire comme une baleine ou bien tout l'immeuble va s'écrouler.

Le jeune agent qui, devant l'insigne de Théo, s'était mis au garde-à-vous, disparut dans les bureaux sans demander son reste, tandis que le gros sergent essuyait les larmes de rire qui coulaient sur ses grosses joues luisantes.

Un silence de plomb s'était abattu sur le hall, tandis que plusieurs visages, qui étaient apparus dans l'embrasure des portes des différents bureaux donnant sur le couloir, s'éclipsè- rent devant le regard glacial que leur lançait Théo.

Qu'est-ce qu'elle a ma tenue, se dit Théo un peu vexé, en repartant vers le bureau d'Harold Martin. Comme pratique- ment tous les jours, il portait un tee-shirt noir à la forme dou- teuse, un blouson de cuir marron complètement râpé qui de- vait bien dater des années soixante. Son jean commençait à être passablement décoloré. Seules ses sempiternelles bottes de motard semblaient tenir encore la route. Théo n'avait ja- mais pu enfiler une chemise ou une veste de costume et sa tenue passe-partout avait également l'avantage de le rendre moins repérable dans les bas-fonds de la ville. Faudrait peut-

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