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vant de rencontrer son chef ou son patron, il faut bien se préparer, recommande Da- niel Huber, le directeur du Bureau UND (Bureau de l’équilibre entre familles ET emploi pour les hommes et les femmes), une organisation na- tionale qui conseille des hommes, des femmes et des entreprises qui souhai- tent concilier vie familiale et activité lucrative. «Il faut savoir exactement quelle réduction de temps de travail on souhaite obtenir. Si on est clair et déterminé, on a plus de chance de convaincre», précise le spécialiste. M. Huber reconnaît que dans certaines entreprises et branches, il faut plus de courage que dans d’autres pour oser faire sa demande. Lorsqu’on a des collègues – hommes ou femmes – qui travaillent à temps partiel, la dé- marche est plus simple. Mais M. Hu- ber invite chaque père motivé à faire le pas. «Il existe souvent plus de pos- sibilités que ce que l’on croit à priori.» «Dans l’idéal, il faudrait déjà avoir réfléchi aux problèmes que la réduction d’activité va poser et pro- 32 numéro 14 - mars/avril 2011 33 numéro 14 - mars/avril 2011 dossier Avocats, banquiers ou ouvriers, de nombreux hommes pensent le temps partiel impossible dans leur profes- sion. Et pourtant, quelques précurseurs ouvrent la voie. Quelques conseils pour convaincre son supérieur de travailler moins. Texte: Jean-Marc Heuberger - Photos: Dominik Ficker Le temps partiel pour les hommes, A poser des solutions pour les résoudre», poursuit le conseiller. On peut propo- ser que certaines tâches inscrites à son cahier des charges soient assumées par d’autres collaborateurs. Il peut aussi être utile de repérer au sein de la même société ou d’autres entreprises semblables des pères qui ont réussi à concilier avec succès vie familiale et vie professionnelle. «Ainsi, on sera plus facilement pris au sérieux.» Redéfinir ses tâches Si le cahier des charges n’est pas re- défini, le collaborateur se retrouvera à assumer la même charge de travail avec un salaire moindre et un stress supplémentaire. Démotivés, certains cadres ou employés finissent alors par retravailler à temps plein. «Cela ar- rive malheureusement souvent», re- grette Daniel Huber. De tels échecs n’encouragent pas les entreprises à développer les temps partiels. Si l’employeur n’est pas d’accord avec la réduction de temps de travail proposée, M. Huber recommande de ne pas baisser les bras, mais de cher- cher des compromis. «Pourquoi ne pas proposer une réduction à l’essai durant six mois ou une baisse d’abord moins importante combinée avec un jour de travail à la maison?» L’expert rappelle par ailleurs qu’il existe aujourd’hui différentes formes de travail à temps partiel. On peut prendre un jour fixe ou variable chaque semaine. Il est possible de faire 4 jours de travail répartis sur 5. Le temps de travail annualisé permet de travailler certains mois plus que d’autres. On peut également travailler à distance ou faire comptabiliser le tra- vail réalisé dans le train. «Ainsi il est possible d’aménager de façon créative ses horaires de travail», conclut-il. www.und-online.ch, La seule antenne romande du Bureau UND se trouve à Bienne mais l’organisation a l’intention de s’étendre prochainement en Suisse romande. Le site www.plusplus.ch recense les adresses de tous les centres suisses qui offrent des conseils pour concilier vie familiale et vie professionnelle. c’est possible! Stéphane Bolognini INGéNIEUR à 80%, 38 ANS MARIé AVEC ANNE-BéATRICE, DIPLOMATE à 80%, 37 ANS PèRE DE ZOé, 7 ANS, ET JULIE, 5 ANS «Je refuse d’être enfermé dans un seul rôle» S téphane a toujours souhaité travailler à temps partiel «afin de vivre d’autres expériences». Pour cet ingénieur physicien, la carrière, sans être négligeable, n’est en effet pas une priorité absolue. Lorsque sa première fille est née il y a sept ans, ce Lausannois n’a pour- tant pas tout de suite osé demander une réduction de son taux d’acti- vité. «Cela faisait moins d’un an que j’avais été engagé. Aucun père dans l’entreprise – une société in- ternationale qui vend des machines d’impression – ne travaillait alors à temps partiel pour s’occuper de ses enfants», se souvient-il. Stéphane n’a franchi le pas que trois ans plus tard à la naissance de sa deuxième fille. Et surprise: «Seul le directeur technique n’y était pas favorable, mais comme d’autres soutenaient ma demande, je me suis lancé.» Depuis, l’ingénieur, qui occupe la fonction de chef de produit, prend congé tous les vendredis pour s’oc- cuper de ses filles. Personne ne lui a jamais demandé de remettre en question son choix. Comme Stéphane peut organi- ser son travail à l’avance, ses absences hebdomadaires ne posent pas de pro- blème. «Je conduis certainement un peu moins de projets qu’à 100% mais comme je suis plus motivé et plus ef- ficace je réalise encore entre 85% et 90% du travail que j’effectuais à plein temps.» Sa femme disposant égale- ment d’un bon revenu, Stéphane n’a jamais souffert de la perte de salaire entraînée par son temps partiel. «Dans mon métier, on dispose plus facilement d’argent que de temps», reconnaît-il. Malgré ce succès, seul un de ses collègues papa s’est mis à temps partiel après lui. «Les en- treprises n’ont donc pas à craindre une hémorragie», constate le Lau- sannois, qui conseille à tous les pères qui ont envie de travailler moins d’en faire la demande. L’épouse de Stéphane travaille à Berne. Le couple a donc dû élabo- rer un système de garde complexe, afin que le papa ne doive pas trop souvent assumer seul les enfants. Des nounous s’occupent des filles trois jours par semaine les matins et une fois le soir. Stéphane se ré- jouit particulièrement du jeudi soir. Après avoir été chercher ses filles au parascolaire, il passe généralement la soirée seul avec elles car sa femme reste ce soir-là en principe à Berne. «Un moment privilégié», souligne- t-il. «Nous avons toujours mélangé les formes de garde. Je crois que cela renforce la famille. Ainsi, nous ne sommes pas toujours dans la même dynamique. Nous pouvons plus fa- cilement avoir des activités seuls ou en couple. Et les filles apprennent à se comporter avec différents types de personnes, ce qui est un enrichis- sement.» «Je refuse de me laisser enfer- mer dans le seul rôle du père qui tra- vaille et qui une fois à la maison doit gronder les enfants. Je ne veux pas non plus jouer qu’au papa gâteau.» Stéphane aimerait pouvoir «appor- ter sa pierre à l’édifice». Et pour ce faire, il estime important de s’occu- per de ses enfants régulièrement. De toute façon, le temps passe vite. Stéphane se retrouve désor- mais seul le vendredi matin car sa seconde fille a commencé l’école. Mais l’ingénieur, visiblement satis- fait de disposer d’un moment pour lui, n’aimerait pas augmenter à nouveau son temps de travail. Dans quelques années, la famille partira vraisemblablement à l’étranger, car sa femme sera appelée à travailler dans une ambassade. «Si je n’y trou- vais pas d’emploi, je pourrais même m’imaginer être un temps homme au foyer» conclut-il en souriant. Seul un de ses collègues papa s’est mis à temps partiel après lui. Les entreprises n’ont donc pas à craindre une hémorragie.

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Page 1: Le temps partiel pour les hommes, c’est possible! › fileadmin › _migrated › ... · lucrative. «Il faut savoir exactement quelle réduction de temps de travail on souhaite

vant de rencontrer son chef ou son patron, il faut bien se préparer, recommande Da-

niel Huber, le directeur du Bureau UND (Bureau de l’équilibre entre familles ET emploi pour les hommes et les femmes), une organisation na-tionale qui conseille des hommes, des femmes et des entreprises qui souhai-tent concilier vie familiale et activité lucrative. «Il faut savoir exactement quelle réduction de temps de travail on souhaite obtenir. Si on est clair et déterminé, on a plus de chance de convaincre», précise le spécialiste.

M. Huber reconnaît que dans certaines entreprises et branches, il faut plus de courage que dans d’autres pour oser faire sa demande. Lorsqu’on a des collègues – hommes ou femmes – qui travaillent à temps partiel, la dé-marche est plus simple. Mais M. Hu-ber invite chaque père motivé à faire le pas. «Il existe souvent plus de pos-sibilités que ce que l’on croit à priori.»

«Dans l’idéal, il faudrait déjà avoir réfléchi aux problèmes que la réduction d’activité va poser et pro-

32 numéro 14 - mars/avril 2011 33 numéro 14 - mars/avril 2011

dossier

Avocats, banquiers ou ouvriers, de nombreux hommes pensent le temps partiel impossible dans leur profes-sion. Et pourtant, quelques précurseurs ouvrent la voie. Quelques conseils pour convaincre son supérieur de travailler moins.

Texte: Jean-Marc Heuberger - Photos: Dominik Ficker

Le temps partiel pour les hommes,

Aposer des solutions pour les résoudre», poursuit le conseiller. On peut propo-ser que certaines tâches inscrites à son cahier des charges soient assumées par d’autres collaborateurs. Il peut aussi être utile de repérer au sein de la même société ou d’autres entreprises semblables des pères qui ont réussi à concilier avec succès vie familiale et vie professionnelle. «Ainsi, on sera plus facilement pris au sérieux.»

Redéfinir ses tâchesSi le cahier des charges n’est pas re-défini, le collaborateur se retrouvera à assumer la même charge de travail avec un salaire moindre et un stress supplémentaire. Démotivés, certains cadres ou employés finissent alors par retravailler à temps plein. «Cela ar-rive malheureusement souvent», re-grette Daniel Huber. De tels échecs n’encouragent pas les entreprises à développer les temps partiels.

Si l’employeur n’est pas d’accord avec la réduction de temps de travail proposée, M. Huber recommande de ne pas baisser les bras, mais de cher-

cher des compromis. «Pourquoi ne pas proposer une réduction à l’essai durant six mois ou une baisse d’abord moins importante combinée avec un jour de travail à la maison?»

L’expert rappelle par ailleurs qu’il existe aujourd’hui différentes formes de travail à temps partiel. On peut prendre un jour fixe ou variable chaque semaine. Il est possible de faire 4 jours de travail répartis sur 5. Le temps de travail annualisé permet de travailler certains mois plus que d’autres. On peut également travailler à distance ou faire comptabiliser le tra-vail réalisé dans le train. «Ainsi il est possible d’aménager de façon créative ses horaires de travail», conclut-il.

www.und-online.ch, La seule antenne romande du Bureau UND se trouve à Bienne mais l’organisation a l’intention de s’étendre prochainement en Suisse romande. Le site www.plusplus.ch recense les adresses de tous les centres suisses qui offrent des conseils pour concilier vie familiale et vie professionnelle.

c’est possible!

Stéphane BologniniIngénIeur à 80%, 38 ansMarIé avec anne-BéaTrIce, DIPloMaTe à 80%, 37 ansPère De Zoé, 7 ans, eT JulIe, 5 ans

«Je refuse d’être enfermé dans un seul rôle»

S téphane a toujours souhaité travailler à temps partiel «afin

de vivre d’autres expériences». Pour cet ingénieur physicien, la carrière, sans être négligeable, n’est en effet pas une priorité absolue. Lorsque sa première fille est née il y a sept ans, ce Lausannois n’a pour-tant pas tout de suite osé demander une réduction de son taux d’acti-vité. «Cela faisait moins d’un an que j’avais été engagé. Aucun père dans l’entreprise – une société in-ternationale qui vend des machines d’impression – ne travaillait alors à temps partiel pour s’occuper de ses enfants», se souvient-il. Stéphane n’a franchi le pas que trois ans plus tard à la naissance de sa deuxième fille. Et surprise: «Seul le directeur technique n’y était pas favorable, mais comme d’autres soutenaient ma demande, je me suis lancé.» Depuis, l’ingénieur, qui occupe la fonction de chef de produit, prend congé tous les vendredis pour s’oc-cuper de ses filles. Personne ne lui

a jamais demandé de remettre en question son choix.

Comme Stéphane peut organi-ser son travail à l’avance, ses absences hebdomadaires ne posent pas de pro-blème. «Je conduis certainement un peu moins de projets qu’à 100% mais comme je suis plus motivé et plus ef-ficace je réalise encore entre 85% et 90% du travail que j’effectuais à plein temps.» Sa femme disposant égale-ment d’un bon revenu, Stéphane n’a jamais souffert de la perte de salaire entraînée par son temps partiel. «Dans mon métier, on dispose plus facilement d’argent que de temps», reconnaît-il. Malgré ce succès, seul

un de ses collègues papa s’est mis à temps partiel après lui. «Les en-treprises n’ont donc pas à craindre une hémorragie», constate le Lau-sannois, qui conseille à tous les pères qui ont envie de travailler moins d’en faire la demande.

L’épouse de Stéphane travaille à Berne. Le couple a donc dû élabo-rer un système de garde complexe, afin que le papa ne doive pas trop souvent assumer seul les enfants. Des nounous s’occupent des filles trois jours par semaine les matins et une fois le soir. Stéphane se ré-jouit particulièrement du jeudi soir. Après avoir été chercher ses filles au parascolaire, il passe généralement la soirée seul avec elles car sa femme reste ce soir-là en principe à Berne. «Un moment privilégié», souligne-t-il. «Nous avons toujours mélangé les formes de garde. Je crois que cela renforce la famille. Ainsi, nous ne sommes pas toujours dans la même dynamique. Nous pouvons plus fa-cilement avoir des activités seuls ou en couple. Et les filles apprennent à se comporter avec différents types de personnes, ce qui est un enrichis-sement.»

«Je refuse de me laisser enfer-mer dans le seul rôle du père qui tra-vaille et qui une fois à la maison doit gronder les enfants. Je ne veux pas non plus jouer qu’au papa gâteau.» Stéphane aimerait pouvoir «appor-ter sa pierre à l’édifice». Et pour ce faire, il estime important de s’occu-per de ses enfants régulièrement.

De toute façon, le temps passe vite. Stéphane se retrouve désor-mais seul le vendredi matin car sa seconde fille a commencé l’école. Mais l’ingénieur, visiblement satis-fait de disposer d’un moment pour lui, n’aimerait pas augmenter à nouveau son temps de travail. Dans quelques années, la famille partira vraisemblablement à l’étranger, car sa femme sera appelée à travailler dans une ambassade. «Si je n’y trou-vais pas d’emploi, je pourrais même m’imaginer être un temps homme au foyer» conclut-il en souriant.

seul un de ses collègues papa s’est mis à temps

partiel après lui. les entreprises n’ont donc pas à craindre

une hémorragie.

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34 numéro 14 - mars/avril 2011

dossier

Michael WürtenbergPHoTograPHe InDéPenDanT TravaIllanT à 60%, 43 ans MarIé à PIa, resPonsaBle aDJoInTe Du DéParTeMenT InForMaTIon + FunDraIsIng De swIssaID à 80%, 41 ansPaPa D’eMMa, 7 ans, MorITZ, 5 ans, lylI, 3 ans eT lorenZ, 2 ans

«Les enfants doivent connaîtrele monde des hommes»

C’ est un miracle que Michael soit devenu père. Il y a dix

ans, un médecin lui avait dit qu’il ne pourrait pas avoir d’enfant. Pour lui et sa partenaire de l’époque, le choc fut tellement grand qu’il a détruit leur relation. Peu après, le photo-graphe a rencontré Pia. Comme Mi-chael pensait être stérile, le couple ne se protégeait pas contre une grossesse. Au bout de trois mois, Pia est tombée enceinte. «Nous étions tellement heureux de pouvoir avoir des enfants quand même que nous avons fait un deuxième bébé sans trop réfléchir», se souvient le Zuri-chois. Les deux premiers bambins n’étaient pas compliqués à gérer, si bien que, peu de temps après, le couple a eu envie d’un troisième enfant, puis d’un petit dernier. «Je voulais un quatrième pour éviter qu’un des enfants se retrouve isolé face aux deux autres.»

Michael a longtemps travaillé comme photographe et éditeur

photo pour différents journaux heb-domadaires. Actuellement, il exerce son métier de photographe à 60% en tant qu’indépendant. Deux jours par semaine, le lundi et le mardi, ce père attentif s’occupe de ses quatre en-fants. Sa femme qui travaille à Berne les garde le vendredi. Les autres jours, les enfants vont à la crèche et à la gar-derie, sinon c’est leur grand-mère qui veille sur eux.

Michael a toujours voulu passer du temps avec ses enfants. Il s’occu-pait de ses deux aînés une fois par se-maine. Mais avec quatre enfants, les

plus jeunes se retrouvent souvent en rade. «Avec deux jours par semaine je peux consacrer plus de temps aux petits, avec bien plus de plaisir à la clé.» Pour Michael, il est important d’avoir des moments seul avec ses enfants, car à la crèche, à la garde-rie et puis à l’école ils sont toujours entourés de femmes. «Ils devraient apprendre à connaître le monde des hommes aussi», pense le photo-graphe. C’est pour cette raison qu’il a souvent emmené ses enfants visi-ter le Musée Suisse des Transports. Il aime aussi aller avec eux en forêt pour faire du feu, il leur apprend à réparer un vélo et à construire un abri pour les oiseaux.

Michael admet volontiers qu’il est souvent dur d’élever quatre en-fants. «J’ai dû apprendre à composer avec eux. Au début je programmais trop d’excursions. Maintenant je suis plus à leur écoute, ce qui donne lieu à de beaux moments. Je suis devenu plus spontané, plus patient et donc plus efficace.»

Cependant, Michael a payé cher cet engagement familial. Il aurait pu devenir éditeur photo en chef de son journal. Mais son supérieur ne voulait pas mettre en place un poste à 80% comme Mi-chael le souhaitait. Peu après, il y a eu une grande coupe budgétaire et son emploi a été supprimé. «Je me sentais sanctionné pour avoir choisi de m’occuper de mes enfants», dit-il. Mais Michael ne regrette pas sa décision. Il a construit une relation forte avec ses enfants. Après avoir gagné le Swisspress Award en 2007 (pour sa photo du Spencer Tunick Installation sur le glacier d’Aletsch), il espère maintenant pouvoir at-teindre de nouveaux sommets en tant que photographe indépendant. Et grâce à sa femme, dont le succès professionnel apporte un bon salaire à la maison, Michael a désormais un peu de temps pour donner une nou-velle orientation à sa vie professionnelle.

J’ai dû apprendre à composer avec eux.

au début je programmais trop d’excursions.

Maintenant je suis plus à leur écoute, ce qui donne lieu à de beaux moments.

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36 numéro 14 - mars/avril 2011

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dossier

Raphael BrunneravocaT TravaIllanT à 90%, 36 ansParTenaIre De saraH, socIologue TravaIllanT à 50%, 35 ansPaPa De gIlles, 5 ans, XavIer, 3 ans eT lIanne, 9 MoIs

«Le terrain de jeux, nouvelle plateforme de réseautage?»

P endant son séjour en Afrique du Sud, Raphael Brunner a eu,

pour la première fois, la possibilité d’apprendre par le menu ce que si-gnifie de s’occuper de ses enfants. Après la naissance de son fils aîné, l’avocat y a passé un an pour faire ses études postgrades. Sa partenaire Sarah et Gilles – âgé d’à peine quatre mois à l’époque – l’ont accompagné. Ses études lui laissaient beaucoup de temps libre et comme Sarah, elle aussi, faisait une formation continue, le jeune père s’est souvent retrouvé seul avec son fils. Il a tant apprécié cette proximité que – à son retour – Raphael a cherché à trou-ver des solutions pour entretenir ce précieux lien. «Après la naissance de notre deuxième enfant, Sarah souhaitait ne travailler qu’à 50% et nous voulions mettre les enfants à la crèche deux jours par semaine au maximum.» Sans hésiter, Ra-phael a décidé de couvrir les 10% restants, car il pensait pouvoir justi-fier une telle réduction de son temps

de travail. Le propriétaire du cabinet spécialisé en droit économique pour lequel l’avocat travaillait déjà depuis quatre ans n’était pas ravi. Mais il a quand même accepté. «À l’époque, j’étais le seul avocat titulaire et nous étions en très bons termes. Pour lui, il n’était apparemment pas facile de me remplacer à ce moment-là», se souvient Raphael.

Depuis, il s’occupe de ses trois enfants un lundi sur deux. «Cela se passe bien. Je planifie mon tra-vail et je dois rarement renoncer à mon jour de papa – parfois à cause de mes voyages à l’étranger.» Mais on n’explique pas aux clients pour-

quoi l’avocat n’est pas disponible les lundis. «Dans cette branche, on exige plutôt qu’on travaille à 130%. Aussi, je suis vite considéré comme peu ambitieux. Mon patron fait des allusions de temps à autre, soulignant qu’il serait mieux pour ma carrière de reprendre le travail à plein temps.» Mais Raphael ne se laisse pas impressionner. Certes, il travaille souvent 10 heures par jour, mais il ne veut pas renoncer à sa journée régulière avec les enfants tant qu’ils sont encore petits. Mener à bien une carrière devrait être pos-sible comme cela aussi.

Pour Raphael, s’occuper des enfants est plutôt facile. «Je suis régulièrement surchargé mais c’est normal quand on a trois petits.» Il fait attention à ne pas programmer trop d’activités, même s’il fait vo-lontiers un tour dans la forêt, dans le jardin, au bord du lac où il rencontre d’autres pères et mères. Faire des courses fait aussi souvent partie du programme. Le Zurichois en profite pour percevoir les joies et les soucis de ses enfants directement pendant ces journées. «Pour les enfants ça a beaucoup d’importance de pouvoir partager leur quotidien avec moi, et de ne pas me voir seulement dans le rôle privilégié du père qui les invite à faire des trucs cool le week-end.»

A plein temps, il gagnerait plus d’argent. Pourtant, il conseillerait bien à chaque père de travailler à temps partiel. «Bien que cela repré-sente une certaine baisse du chiffre d’affaires pour les entreprises. Mais c’est comparable à la situation qui se présente quand les hommes font une carrière à l’armée», constate l’avocat. Auparavant de telles car-rières étaient bienvenues, au moins dans le monde du travail. C’était la possibilité de nouer des relations commerciales qui rendait le service militaire attirant aux yeux des em-ployeurs. Selon Raphael cela devrait être aussi le cas pour les pères tra-vaillant à temps partiel. «J’espère que sur les terrains de jeux on pourra rencontrer encore plus de pères et de mères actives. Le terrain de jeux, nouvelle plateforme de réseautage social? Pourquoi pas!» a

on n’explique pas aux clients pourquoi l’avocat

n’est pas disponible les lundis. Dans cette

branche, on exige plutôt qu’on travaille à 130%.

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38 numéro 14 - mars/avril 2011

dossier

39 numéro 14 - mars/avril 2011

En Suisse, seuls 7,3% des hommes travaillent à moins de 100% et tous ne sont pas papas. Divers facteurs expliquent ce taux marginal. Arrêt sur un phénomène en stagnation.

Texte: Jean-Marc Heuberger

sur tous les plansA 1 00%

elon Eva Krähenbühl du Bu-reau de l’égalité de la ville de Zurich peu d’hommes

travaillent à temps partiel car le rôle qu’on leur attribue traditionnelle-ment, soit assurer le bien-être ma-tériel de la famille, est encore très fortement ancré dans les mentalités, même chez les hommes et les femmes jeunes. Une fois les enfants nés, les pères ont de la peine à remettre cette image en question.

L’autre préjugé qui pèse sur le sexe dit fort est qu’un homme qui travaille à temps partiel n’est pas un collaborateur vraiment engagé. Sans compter que les hommes craignent de

S

ne pas pouvoir faire carrière s’ils ne travaillent pas à 100%. A cela s’ajoute que les couples dont la femme ne tra-vaille pas ou peu ne peuvent souvent pas se permettre de renoncer à une partie du salaire de monsieur.

Les employeurs sont également mis en cause. Daniel Huber du Bu-reau de conseils UND dénonce un

cercle vicieux: les entreprises n’en-couragent pas assez les temps partiels et les pères les exigent trop peu. Il existe donc peu d’hommes, conciliant avec succès vie professionnelle et vie de famille, pouvant servir de modèles à ceux qui souhaiteraient se lancer.

Dans ce domaine, l’expert constate une différence entre la

Suisse alémanique et la Suisse ro-mande. Outre-Sarine, les hommes renoncent un peu plus facilement au temps plein. «En Suisse romande, comme en France, les temps par-tiels sont moins développés chez les femmes également. Les parents ont plus tendance à faire garder leurs enfants par des tiers», analyse Da-niel Huber.

Pour faire changer les choses, le Bureau UND tout comme les as-sociations qui défendent les intérêts des pères, appellent les employeurs à au moins permettre aux hommes qui le souhaitent de réduire leur taux d’activité. Les entreprises de-vraient déclarer que le temps partiel est important pour elles et se doter de processus internes permettant de soutenir les personnes désirant tra-vailler moins, suggère Daniel Huber. Un très bon moyen est, selon lui, de définir les postes mis au concours à des taux inférieurs à 100%, cela à tous les échelons hiérarchiques.

Congé parentalSelon Eva Krähenbühl la mise en place d’un congé parental en Suisse, comme le propose la Commission fédérale de coordination pour les questions fami-liales (COFF) pourrait également faire progresser les entreprises. En effet, les jeunes papas pourraient soit prendre un congé paternité, soit exercer leur travail pendant un certain nombre de mois à temps partiel. «Ainsi ils pour-raient goûter à un autre style de vie et savoir s’il leur convient ou non. Et de leur côté, les entreprises s’habitue-raient aux temps partiels», commente Eva Krähenbühl.

L’Union patronale suisse rejette les griefs adressés aux patrons. Selon

Ruth Derrer Balladore, responsable du dossier pour l’organisation faîtière des entreprises helvétiques, ces der-nières sont en général prêtes à discu-ter de solutions pour mieux concilier travail et famille. «Ce sont plutôt les pères qui sont timides. Ou alors, ils s’y prennent trop tard et ne se montrent pas assez flexibles en ce qui concerne l’organisation de leur temps partiel», explique Ruth Derrer.

Des moments de qualitéDe leur côté les spécialistes de la paternité ne recommandent pas d’emblée à tous les pères de limiter leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants. Pour avoir une bonne relation avec ses enfants, il n’est pas nécessaire de travailler à temps réduit, souligne Michael Gohlke, le responsable d’Avanti Papi.

Cette organisation de papas alémaniques progressifs milite certes pour que le temps partiel soit pos-sible dans tous les emplois, mais elle encourage surtout les pères à miser sur la qualité des moments passés avec leurs enfants. Mais attention, précise Michael Gohlke, «cela ne signifie pas qu’il faut se rendre tous les week-ends à Europa-Park». «Les enfants sont satisfaits lorsqu’ils peu-vent faire des activités quotidiennes avec leur père et leur mère», ex-plique-t-il. Côtoyer régulièrement les deux est un enrichissement, car dans de nombreux domaines un papa et une maman ne se comportent pas de la même façon. «Un père joue par exemple de façon plus physique et n’hésite pas à effrayer ses enfants. Ou lorsque l’un d’eux se fait mal, le papa tente de dédramatiser plutôt que de plaindre», constate le Zurichois, qui est lui-même papa.

Un papa bien dans ses basketsAndré Berthoud, psychologue vaudois qui accompagne des hommes sur le chemin de la paternité, abonde dans le même sens: «Chacun doit trouver la façon de travailler qui lui convient. Car pour un enfant il est préférable d’avoir un père peu présent, mais bien dans ses baskets, qu’un papa qui s’occupe régulièrement de lui tout en se sentant mal car il est dépassé.»

Le psychologue constate qu’au-jourd’hui on attend beaucoup des pa-

pas, à la fois au niveau professionnel et familial. «Le défi pour eux est de réussir à reconnaître quels sont leurs besoins réels et ceux de leurs en-fants», ajoute-t-il.

Malheureusement certains pères n’arrivent pas à gérer la pres-sion qui pèse sur eux. «Voulant jouer les secondes mères, ils courent au burn-out ou tombent en dépression.» Cette maladie toucherait aujourd’hui quelque 10% des jeunes pères.

Comme de nombreux psycholo-gues aujourd’hui, André Berthoud re-commande donc aux jeunes papas de s’impliquer dans l’éducation de leurs enfants, mais tout en restant «mas-culins». Le Vaudois ne se risque tou-tefois pas à donner une recette toute faite. «Chaque père doit définir ce que cela signifie pour lui.»

Tous nos interlocuteurs recon-naissent néanmoins que le travail à temps partiel amène de nombreux avantages aux pères et à leur famille. «La qualité de vie du papa s’améliore. Il développe de nouvelles compé-tences sociales. Et il connaît mieux les besoins de ses enfants et peut donc intervenir de façon plus adaptée dans leur vie», estime Daniel Huber.

Les pères à temps partiel pren-nent par ailleurs à leur charge certains travaux ménagers. Cela allège les mères, qui peuvent ainsi plus aisé-ment travailler ou faire des activités pour elles. Enfin, Roger Nordmann, conseiller national socialiste, qui pre-nait en charge son fils et sa fille un jour par semaine avant qu’ils aillent à l’école, constate lui que ce contact régulier avec ses enfants lui a permis de développer une vraie relation édu-cative. «Eduquer des enfants n’est pas une tâche facile. On n’est pas trop de deux pour réussir», conclut le Vaudois. a

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«les spécialistes de la paternité ne

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côtoyer régulièrement les deux parents est un enrichissement,

car dans de nombreux domaines un papa et une maman ne se comportent

pas de la même façon.