Supplément éducatif au magazine Tribu n°36, à destination des chefs

et cheftaines Scouts-Guides.Ne peut être vendu séparément.

Le rythme de viedes 11-14 ansLa question des rythmes de vie des jeunes adolescents

traverse fortement notre société. Elle interroge par

conséquent la proposition pédagogique des scouts et

des guides de 11-14 ans. Un bref état des lieux, suivi de

quelques pistes de réflexion et d’action.

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Le rythme de vie

des 11-14 ans

L’actualité est constamment animée par les questions d’hygiène de vie des enfants et des jeunes. Rythmes scolaires, gestion du sommeil, équilibre alimentaire : nous découvrons chaque jour un nouveau débat de société. La jeunesse est au centre de nos préoccupations, mais comment la société répond-elle à ces questions ?

Le rythme scolaire est un sujet qui revient régulièrement sur le devant de la scène. En fonction de leur âge, les jeunes ont des besoins physiolo-giques que l’école doit prendre en compte pour faciliter leur apprentissage et leur développement.

Tous les arguments considérés sont-ils fondés sur ces besoins ?

Il y a plus de 100 ans, les vacances d’été ont été accordées pour permettre aux écoliers d’aider leurs parents dans les travaux agricoles. L’intérêt éco-nomique prévaut. En 1965, le pays est découpé en 3 zones de vacances pour mieux répartir l’occupation des sites touristiques. Intérêt écono-mique avant tout. Depuis 2013, la semaine de 4,5 jours est expérimentée par de nombreux élèves. A-t-elle été conçue en fonction des intérêts des adultes ou du rythme naturel des enfants ? La question reste ouverte.

La branche Scouts-Guides a choisi cette année de travailler plus particu-lièrement sur cette question du rythme de vie des 11-14 ans. Fidèles à la méthode scoute, nous proposons aux jeunes des activités variées au sein d’un cadre pour trouver leur équilibre. Plus facile à dire qu’à faire, direz-vous...

Mais quel lien avec la société actuelle et quelles sont ces activités variées ?

Éléments de réponses dans ce dossier !

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Un emploi du temps de ministre !

Lundi, 6h30, le réveil d’Adrien sonne. C’est parti pour une nouvelle se-maine : bus, collège, bus à nouveau, devoirs, entraînements de basket, solfège, le match du week-end, la fête d’anniversaire de Laëtitia... En comptant les repas, la télé, Internet, Adrien ne va pas avoir le temps de s’ennuyer !

L’agenda des 11-14 ans est souvent plein à craquer. Entre l’école, la vie quotidienne et les loisirs, la journée des jeunes adolescents peut s’étirer de 6 h 30 à 21 h voir 22 h. Mais pourquoi leur quotidien est-il si rempli ? Plusieurs explications :

Pas de place au videNous vivons dans la société du “tout, tout de suite”. Les jeunes sur-chargent leur emploi du temps pour tout faire immédiatement. L’instanta-néité et la rapidité ne laissent pas de place au vide, à la rêverie et à l’ennui. Les jeunes en viennent à avoir peur du vide, peur de s’ennuyer, de devoir s’occuper par eux-mêmes. Moins ils ont de moments “vides” et moins ils ont envie d’en avoir, c’est un cercle vicieux.

L’influence des parentsEt les parents dans tout ça?

Certains poussent leurs enfants à multiplier engagements et activités pour qu’ils soient occupés “sainement” quand ils sont au travail.

D’autres entendent proposer le meilleur à leur progéniture. Pour préparer au mieux leur avenir, ils remplissent l’agenda de leurs enfants avec des activités diverses et variées.

Tous les parents n’influent pas de cette manière. En revanche, ils ont eux-mêmes des emplois du temps surchargés. Cela n’incite pas leurs enfants à lever le pied et à garder du temps pour la rêverie, le repos.

“En même temps, s’il n’y avait pas le collège, on s’ennuierait chez nous.” Eugène, 11 ans. Extraits de Paroles de jeunes, série d’interviews de scouts et de guides, 2012

Quels conseils donnerais-tu à tes parents ?“Je leur dirais de me laisser jouer tout le temps.” Henri, 11 ans.“Je dirais de me faire un peu plus confiance et peut-être de me laisser un peu plus de liberté.” Maud, 13 ans.Extraits de Paroles de jeunes, série d’interviews de scouts et de guides, 2012

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L’influence des pairsPour grandir, les 11-14 ans ont besoin d’appartenir à un groupe et d’en prendre les codes. Dans une bande, le choix d’une activité pour l’un in-fluence le reste du groupe. D’autres auront envie de la commencer, en plus de celles qu’ils pratiquaient déjà.

Pratiquer les mêmes activités permet d’avoir des points communs, des sujets de discussion, de partager les mêmes repères et de passer plus de temps avec ses copains. À 11-14 ans, il est plus compliqué de renoncer à une activité que de surcharger son agenda.

À l’âge où l’autonomie croît, ces trois facteurs sont des freins pour les jeunes adolescents qui cherchent à construire leur propre rythme. Avec leurs “emplois du temps de ministre”, ils ne se laissent plus le temps de jouer, de s’ennuyer… La créativité et l’imagination en pâtissent, alors que ce sont des éléments clés dans la construction de la personnalité des 11-14 ans.

C’est quoi un ami pour toi ? “C’est quelqu’un avec qui on fait des activités. Par exemple, on va au cinéma, on va faire un laser game ou un Mac Do. C’est quelqu’un avec qui on passe pas mal de temps.” Rafaël, 14 ans.Extraits de Paroles de jeunes, série d’interviews de scouts et de guides, 2012

La proposition pédagogique propose de respecter le rythme de l’emploi du temps des jeunes adolescents.

Dans les moments plus intenses de l’année, la tribu se réunit plutôt quelques heures, lors d’une réunion ou lors d’une journée. Une fois l’an-née installée et le souhait affirmé d’approfondir les projets de la tribu, des week-ends et des mini-camps sont organisés. Une fois les grandes va-cances arrivées, les scouts et guides peuvent prendre le temps de vivre pleinement le scoutisme en camp, le plus souvent pour deux semaines.

Pour être pleinement maîtres de leur emploi du temps, les jeunes ap-prennent à faire des choix à la tribu ; choisir son rôle, choisir sa mission d’équipage, choisir l’aventure...

Pourquoi faire des choix ?

Il s’agit tantôt de se perfectionner dans un domaine, tantôt de se concen-trer sur un projet. Dans tous les cas, les choix permettent de garder du temps pour respirer et grandir. Au moment de prononcer sa promesse par exemple, le scout, la guide, choisit de rejoindre la tribu et de respecter la loi des scouts et guides. À chaque tranche d’âge, la loi évolue et la pro-messe s’étoffe.

À chaque âge son choix !

L’explo, en particulier, est une belle leçon de rythme de vie : cinq ou six jeunes doivent organiser leur temps pendant deux jours. Quand faut-il se mettre en route, quand faut-il faire une pause, à quelle heure faut-il man-ger ou se coucher... Autant de décisions laissées libres aux filles et gar-çons de 11-14 ans. Pendant ces deux jours, leur agenda leur appartient. L’expérience peut être difficile pour certains, plus aisée pour d’autres, mais elle doit être accompagnée pour tous. L’auto-éducation par l’action, c’est aussi ça le scoutisme !

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Faire fructifier son capital sommeil

22 h 06, Amélie dégaine son portable pour mettre son réveil. Il ne lui reste que 8 h 20 de sommeil avant de se lever. Avant de tomber dans les bras de Morphée, Amélie « like » quelques statuts Facebook, « check » les derniers tweets et consulte la météo de demain. Elle s’en-dort finalement à 23 h 11. Demain matin, Amélie le sait, elle sera fati-guée, le réveil sera difficile, mais elle se dit qu’elle ne peut pas passer à côté des dernières news !

Pour grandir, les 11-14 ans ont un besoin important de sommeil. Chaque personne est unique et les besoins en sommeil diffèrent de l’une à l’autre, mais il existe des moyennes. À 11 ans, une bonne nuit dure 10 à 11 heures. Dans les faits, la durée moyenne de sommeil des adolescents de 11-14 ans était de 10 h par nuit en 1975, elle n’est plus que de 7 h 46 en 2013… Com-ment les jeunes gèrent-ils leur capital sommeil ?Le capital sommeil est la réserve de sommeil que chacun possède. Comme un compte en banque, il faut y équilibrer les recettes et les dépenses. Une bonne sieste recharge ce capital. Une nuit trop courte entraîne une dette de sommeil qui peut mettre des mois à être « remboursée ». La gestion du capital sommeil est un problème chez les adolescents qui ont tendance à se coucher de plus en plus tard en grandissant. C’est également le cas chez les adultes... pas de grandes leçons de morale donc, mais quelques éclairages…

Priorité aux loisirsLe sommeil n’est plus une priorité. Nous écoutons nos envies plutôt que nos besoins. Les jeunes de 11-14 ans, qui aspirent à plus d’autonomie, n’échappent pas à cette règle. Plutôt que dormir, ils profitent de la soirée pour faire du sport ou leurs devoirs, pour jouer en réseau ou discuter avec des amis.

Des hormones en ébullitionChez les adolescents, il y a un changement naturel de rythme dû aux hor-mones. Le corps des 11-14 ans change et dérègle leur rythme naturel : puberté rime avec troubles du sommeil et somnolence. Le quotidien des jeunes adolescents n’est pas forcément adapté à ces réalités.

Entrer dans le mouleQui n’a jamais entendu « je n’ai pas besoin de beaucoup de sommeil » de la bouche d’un adolescent ? L’influence des pairs joue un rôle important dans le rapport au sommeil. Les jeunes testent leurs limites et sont fiers de leurs « exploits ».

Des journées élastiquesPour entrer toutes les activités dans l’agenda chargé des 11-14 ans, les nuits raccourcissent et les journées rallongent. À long terme, la dette de sommeil s’accumule et les conséquences peuvent être lourdes.

Une mauvaise gestion de son sommeil comporte des risques. Somnolence, perte de la concentration, difficulté à mémoriser, surpoids ou obésité, ner-vosité, manifestations dépressives, manque de lucidité… Autant de risques engendrés par un déficit important de sommeil. Comme pour la sécurité routière ou la consommation d’alcool, les jeunes adolescents doivent être sensibilisés et éduqués à ces risques.

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6 D’après Génération Ado, le dico. Bayard, 2011.

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Contrairement aux apparences, lorsque l’on dort, l’organisme travaille à plein. Une nuit se divise en plusieurs cycles de sommeil qui comportent plusieurs phases, allant du sommeil très léger au sommeil très profond, suivi du sommeil paradoxal (phase où l’on rêve). Plus l’heure tourne, plus la part de sommeil profond se réduit au profit du sommeil paradoxal.

Toute la lumière sur... nos nuits

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À la tribu, les leviers d’éducation à la gestion du sommeil sont multiples, en paroles comme en actes.

En paroles d’une part. La tribu et l’équipage sont des lieux d’échanges et de débat. En confiance, les jeunes peuvent échanger sur le thème du sommeil entre eux à l’occasion d’un jeu ou d’une rencontre avec un « expert ». Les jeunes peuvent être interpellés sur leur gestion du sommeil dans une relecture de week-end d’équipage.

En actes d’autre part. La proposition pédagogique offre un cadre adapté aux besoins des jeunes. La journée type du camp par exemple respecte le rythme naturel des jeunes adolescents. Les horaires du coucher et du ré-veil sont adaptés et réguliers. Un temps de repos est ménagé après le dé-jeuner. Le planning d’activités lui aussi doit s’équilibrer. Il ne s’agit pas de « caser » absolument les olympiades, l’explo, le grand jeu de piste et la veille de feu dans le planning. Seules les activités répondant aux objectifs fixés dans le projet pédagogique sont nécessaires. Cette limitation permet que les jeunes profitent entièrement des activités sans se « surmener ».

La responsabilisation est un autre levier possible. Le coach peut veiller sur le sommeil de son équipage en week-end et en camp. Concrètement, pour aider ses équipiers à rester dans le rythme, le coach peut proposer des exercices de relaxation le soir, garder un œil sur la montre après la veillée ou organiser un réveil sportif.

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La société du zappingEn faisant ses devoirs, Anne-Sophie garde un œil sur la télévision tout en écoutant de la musique sur son téléphone portable… Elle est en alerte sur tous les fronts, 24 heures sur 24. Anne-Sophie a besoin de jongler d’une activité à l’autre ou de faire plusieurs choses en même temps pour se sentir occupée.

Les adolescents de 11-14 ans zappent constamment d’une activité à l’autre. Les enfants, les jeunes et les adultes qui les entourent sont aussi des zappeurs invétérés. La société entière évolue vers le non-effort et le besoin constant de changement et de vitesse.Aujourd’hui, les jeunes sont sollicités de toute part et répondent à ces sol-licitations !

Le rythme de vie des jeunes de 11-14 ans est influencé par les modes. Tout évolue très vite. On veut le dernier cri. De la même façon qu’on désire le der-nier téléphone, on souhaite vivre de nouvelles activités. Malheureusement, les journées ne sont pas extensibles ; et on ne peut pas trouver du temps pour toutes ses envies. Les jeunes adolescents passent d’une activité à l’autre. La durée passée sur une activité et une seule est faible.

Cette « dispersion » est favorisée par la richesse de l’environnement ex-trascolaire des 11-14 ans. Entre les clubs sportifs, les écoles de musique, les cours d’arts plastiques, les associations d’éducation et les loisirs entre amis, les jeunes ont l’embarras du choix pour varier leurs engagements.

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Tribu est une publication éditée par l’association des Scouts et Guides de France, reconnue d’utilité publique. Siège social  : 65 rue de la Glacière - 75013 Paris. Tél. 01 44 52 37 37 - Site Internet  : www.sgdf.fr - Dépôt légal  : à parution - ISSN  : 1774-0320 - Abonnement  : France métropolitaine  : 12€. Étranger  : nous consulter N° CPPAP  : 0317 G 86678 - Service abonnements  : tél. 01 44 52 37 37. - Directrice de la publication  : Catherine Larrieu - Représentant légal de l’association  : Gilles Vermot-Desroches, Président (loi n° 49 956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 - Directrice de la rédaction  : Emmanuelle Audras - Rédactrice en chef  : Anne-Claire Huet - Secrétaire général de rédaction  : Laurent Garré - Rédaction : Godefroy Flechel, Amélie Guyomard, Anne-Sophie Le Pape, Laetitia Parrot, Adrien Parrot, Père Jean-Sanislas Pupin, Nicolas Souchard - Maquettiste graphiste  : Frédéric Odot / Studio graphique SGDF. Fabrication  : Damien Desclozeaux. Imprimé en France sur les Presses de la SCEI - Papier printspeed 110 g/m2 PEFC issu de forêts gérées durablement.

L’environnement multimédia favorise aussi le zapping. Toutes sortes de contenus sont accessibles à n’importe quel internaute à chaque instant. Tout est à portée de mains alors pourquoi s’en priver ? Les jeunes consom-ment de l’information et du divertissement grâce aux technologies de l’in-formation et de la communication (TIC). Ils passent de l’encyclopédie en ligne pour leurs devoirs aux réseaux sociaux pour garder le contact, tout en gardant leur téléphone à proximité.

À vouloir tout voir, tout posséder et tout faire, les 11-14 ans risquent de ne rien vivre complètement. Ils risquent de ne pas approfondir leurs engage-ments. Dans notre société du jetable, si ça ne marche pas, on ne persévère pas, on ne progresse pas, on abandonne.

On peut déplorer ce zapping permanent généré par une société qui valorise la satisfaction immédiate des moindres besoins, plutôt que la construction dans la durée. On peut aussi se relever les manches et proposer aux jeunes un cadre qui leur permet de goûter aux joies de la durée et de la persévérance.

Les scouts et guides, engagés dans la durée !

Engagés dans la durée, les scouts et les guides le sont dès leur promesse. En la prononçant, le scout, la guide accepte de vivre pleinement, mois après mois, avec la tribu et avec son équipage. Il/elle adopte la loi des scouts et guides, il/elle s’implique dans les missions d’équipage, il/elle entre dans le jeu scout. Vivre l’aventure en équipage demande de la constance de la part des 11-14 ans. Les scouts-guides s’impliquent pour tenir leur rôle. Ils sont responsables et l’équipage compte sur eux. La réussite collective passe par l’implication et la persévérance de tous.

À la tribu, l’aventure est le moyen de fédérer les jeunes autour d’un en-gagement de longue durée. L’aventure est leur projet. Ensemble, ils vont la choisir, l’organiser, la vivre et l’évaluer. Les activités vécues sont diversifiées pour conserver la motivation de tous, mais l’aventure est cohérente et repré-sente un accomplissement. Les jeunes sont fiers de réussir un projet dans lequel ils se sont engagés pour avoir envie de recommencer !

Enfin, la maîtrise est modélisante pour les jeunes. En consacrant régulière-ment du temps aux jeunes, les chefs et cheftaines montrent que la construc-tion d’une relation sur le long terme et que l’assiduité permettent de vivre de grandes choses. De plus, par l’accompagnement de chacun dans sa pro-gression personnelle, les chefs et cheftaines leur font prendre conscience des progrès qu’ils réalisent au fil des aventures. La relation éducative qui se construit entre jeunes et chefs est l’antithèse du zapping !

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