le roman de julie papineau - tome 2...t out prédestinait julie papineau à la vie des grands...

22
MICHELINE LACHANCE Tome 2 - L’Exil LE ROMAN DE Extrait de la publication

Upload: others

Post on 31-Jul-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Micheline lachance

Tome 2 - L’Exil

le RoMan de

Extrait de la publication

Page 2: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Extrait de la publication

Page 3: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

C o l l e c t i o n d i r i g é e p a r

I s a b e l l e L o n g p r é

Page 4: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

De la même auteure

Les Filles tombées (Coffret regroupant les tomes 1 et 2), Éditions Québec Amérique, 2010.

Les Filles tombées, Tome 2 – Les Fantômes de mon père, Éditions Québec Amérique, 2010.

Les Filles tombées, Tome 1 – Les Silences de ma mère, Éditions Québec Amérique, 2008.

Lady Cartier, Éditions Québec Amérique, 2005.

Le Roman de Julie Papineau, Tome 2 – L’Exil, format compact, Éditions Québec Amérique, 2002.

Le Roman de Julie Papineau, Tome 1 – La Tourmente, format compact, Éditions Québec Amérique, 2001.

« Catiche et son vieux mari », nouvelle publiée dans Récits de la fête, collection Mains Libres, Éditions Québec Amérique, 2000.

Le Dernier Voyage (Le cardinal Léger en Afrique), Les Éditions de l’Homme, 2000.

Le Prince de l’Église et Dans la tempête, édition condensée, Les Éditions de l’Homme, 2000.

Le Roman de Julie Papineau, Tome 2 – L’Exil, Éditions Québec Amérique, 1998.

Le Roman de Julie Papineau, Tome 1 – La Tourmente, Éditions Québec Amérique, 1995.

Dans la tempête. Le cardinal Léger et la Révolution tranquille (biographie, tome II), Les Éditions de l’Homme, 1986.

Un bon exemple de charité. Paul-Émile Léger raconté aux enfants, Grolier, 1983.

Le Prince de l’Église (biographie du cardinal Paul-Émile Léger, tome I), Les Éditions de l’Homme, 1982.

Le Frère André (biographie), Les Éditions de l’Homme, 1980.

Jardins d’intérieurs et serres domestiques, Les Éditions de l’Homme, 1979.

Les Enfants du divorce, Les Éditions de l’Homme, 1979.

Les Serres domestiques, Éditions Quinze, 1978.

Page 5: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Tome 2 - L’Exil

le RoMan de

Page 6: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Lachance, MichelineLe roman de Julie PapineauNouv. éd. avec photos.(Tous continents)Éd. originale : 1995.Publ. à l’origine dans la coll. : Collection 2 continents. Série Best-sellers.Sommaire ; t. 1. La tourmente -- t. 2. L’exil.(v. 1)ISBN 978-2-7644-2195-6 (Version imprimée)ISBN 978-2-7644-2447-6 (PDF)ISBN 978-2-7644-2448-3 (ePub)(v. 2)ISBN 978-2-7644-2196-3 (Version imprimée)ISBN 978-2-7644-2449-0 (PDF)ISBN 978-2-7644-2450-6 (ePub)1. Papineau, Julie, 1795-1862 - Romans, nouvelles, etc. 2. Canada - Histoire - 1837-1838 (Rébellion) - Romans, nouvelles, etc. I. Titre. II. Collection : Tous continents.PS8573.A277R65 2012 C843’.54 C2012-940178-1PS9573.A277R65 2012

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remer-cier la SODEC pour son appui financier.

Québec Amérique329, rue de la Commune Ouest, 3e étage Montréal (Québec) H2Y 2E1Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Dépôt légal : 2e trimestre 2012Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

Projet dirigé par Martine Podesto en collaboration avec Myriam Caron Belzile

Lecture de sûreté : Chantale LandryMise en pages : Karine RaymondConception graphique : Nathalie CaronCartographie : François GouletEn couverture : Photomontage réalisé par Nathalie Caron

Photo : Designritter / Source : Photocase

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© 2012 Éditions Québec Amérique inc.www.quebec-amerique.com

Extrait de la publication

Page 7: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Micheline lachance

Tome 2 - L’Exil

le RoMan de

Extrait de la publication

Page 8: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Extrait de la publication

Page 9: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Julie Papineau a bel et bien existé au xixe siècle. Je l’ai découverte à travers ses lettres à son mari Louis-Joseph Papineau et à ses enfants.

Tous les indices étaient là, noir sur blanc, pour m’aider à retracer ses émotions, ses angoisses, ses espoirs et ses chagrins. Mais ce livre est un roman. Telle qu’elle apparaît dans ces pages, Julie est le fruit de mon imagination, conjuguée au portrait que l’histoire a laissé d’elle.

Mot de l’auteuRe

Extrait de la publication

Page 10: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Extrait de la publication

Page 11: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

FaM

ill

e P

aP

ine

au

et

Fa

Mil

le

bR

un

ea

u

Pier

re B

rune

au(1

761–

1820

)M

arch

and

géné

ral

René

-Oliv

ier

(178

8–18

70)

Curé

Am

édée

(181

9–19

03)

Lact

ance

(182

2–18

62)

Aur

élie

(182

6–18

30)

Ézild

a(1

828–

1894

)G

usta

ve(1

829–

1851

)A

zélie

(183

4–18

69)

Julie

Pap

inea

u(1

795–

1862

)et

Fam

ille

Brun

eau

Mar

ie-A

nne R

obita

ille

(176

1–18

51)

et

Fam

ille

Papi

neau

etJo

seph

Pap

inea

u(1

752–

1841

)N

otai

re

Rosa

lie C

herr

ier

(175

6–18

32)

Den

is Be

njam

in(1

789–

1854

)A

gent

des

terr

esÉp

oux

d’A

ngéli

que

(Ang

elle)

Cor

nud

And

ré-A

ugus

tin(1

790–

1876

)N

otai

re

Tous

sain

t-V

icto

r(1

798–

1869

)Cu

Mar

ie-R

osal

ie(1

788–

1857

)Ép

ouse

de

Jean

Des

saul

les

Loui

s-Jo

seph

(178

6–18

71)

Avo

cat

Page 12: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Extrait de la publication

Page 13: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Tout prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle. Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

en grande pompe l’homme politique le plus adulé de son temps et le chef des patriotes de 1837. Mère d’abord, elle fréquente aussi les bals du gouverneur, se promène à cheval à la seigneurie de la Petite-Nation, déjeune chez monseigneur Lartigue, joue aux cartes chez le maire de Montréal, Jacques Viger…

Mais en cet été de 1832, marqué par l’épidémie de choléra qui décime des familles entières, tout bascule. Témoin d’une fusillade sur la place d’Armes où trois Canadiens sont tués par des soldats de l’armée britannique, Julie découvre l’indignation et la révolte et se retrouve bientôt dans la mêlée qui aboutit à la rébellion. Amère, déçue, trahie, elle part rejoindre son mari en fuite aux États-Unis. Ainsi s’achève le premier tome du Roman de Julie Papineau.

Lorsque commence le deuxième, Julie, pleine d’espoir en une vie meilleure, apprivoise l’exil qui lui réserve des lendemains doux-amers.

avant l’exil… la PatRie PeRdue

Extrait de la publication

Page 14: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Extrait de la publication

Page 15: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

1er juin 1838.

Saratoga, enfin ! Le ciel était d’un bleu intense, sans l’ombre d’un nuage. Une odeur de verveine flottait dans l’air étonnamment

chaud pour la saison. Julie Papineau songea alors que son exil com-mençait sous un heureux présage.

La diligence s’arrêta devant la gare grouillante de monde. Un édi-fice en brique avec un écriteau brun annonçait Saratoga Depot, au-dessus de la porte battante. La façade, bordée de lilas en fleurs, s’ouvrait sur un long trottoir de bois qui semblait courir tout autour. Au milieu de la Railroad Place, l’emplacement réservé aux calèches était à moitié désert depuis qu’un train faisait la navette entre Albany et Saratoga, ville d’eau réputée pour ses thermes. Une locomotive à vapeur glissait lentement sur ses rails, traînant derrière elle quatre bancs de bois posés sur le plancher d’une calèche sans roue.

Julie descendit de la voiture, cependant qu’un porteur s’affairait à hisser ses bagages sur un chariot. Elle cherchait dans la foule bigarrée un visage connu… son mari, son fils…

« Mais où sont-ils ? » se demanda-t-elle, soudainement inquiète.

Son visage s’assombrit. Ni Papineau ni Amédée n’étaient venus à sa rencontre. Son neveu Louis-Antoine Dessaulles passa son sac de voyage en bandoulière, en jetant à son tour un regard circulaire.

« Cela m’étonne, fit-il. Vous les aviez pourtant prévenus que nous arrivions. Entrons dans le terminus. Ce soleil est impitoyable. »

Julie attrapa la main d’Azélie qui sautillait comme si elle avait des fourmis dans les jambes.

chaPitRe iLe rendez-vous manqué

Extrait de la publication

Page 16: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

« Papaaaa ? Médéééée ? » criait la petite en regardant partout.

À l’intérieur, le brouhaha était étourdissant et Julie serra plus fort la main de sa fille. À quatre ans, elle n’était déjà plus une enfant timide pendue à ses jupes. Louis-Antoine dépêcha un commissionnaire au cabinet d’avocat de Me Ellsworth, où Amédée était stagiaire, et sug-géra à Julie d’aller l’attendre au Grand Union Hotel, de l’autre côté du square.

Le long de la rue principale, les hôtels se disputaient le meilleur emplacement. Depuis vingt ans, Saratoga s’enorgueillissait de possé-der les établissements de villégiature les plus huppés de l’État de New York et le Grand Union impressionnait par sa stature. Sur la façade de l’édifice à toit mansardé, une dizaine de fenêtres s’ouvraient de chaque côté de la marquise. Deux larges portes restaient entrebâillées en permanence et le va-et-vient ne dérougissait pas. Dans le hall, des hommes âgés somnolaient à côté d’élégantes dames au teint pâle, qui flânaient dans des fauteuils profonds, disposés le long des bow-windows et séparés les uns des autres par des pots de grès, dans lesquels pous-saient des palmiers. Le silence surprenait dans une pièce aussi acha-landée. Le temps semblait s’être arrêté, comme dans un monastère.

Le Grand Union devait sa popularité aux soins de santé offerts à sa clientèle qui, prétendait la réclame, faisaient des miracles. Au début du siècle, Washington Putnam avait découvert la source du Congrès dans un marécage et l’avait exploitée. Depuis, d’autres sources ther-males étaient apparues et Saratoga était devenue le rendez-vous des personnes riches souffrant de troubles du foie et de la digestion.

Le portier en livrée indiqua au trio la direction de la salle à manger, séparée du salon par des portes coulissantes. La pièce était immense avec un plafond à caissons haut et coloré, des colonnes grecques posées sur un plancher de bois foncé et des murs tapissés de scènes repré-sentant des paysages de Saratoga. L’heure du déjeuner tirait à sa fin, mais les clients n’en finissaient plus de siroter, qui une tasse de thé, qui une dernière coupe de champagne. Le tintamarre des ustentiles et de la vaisselle venant des cuisines, conjugué au bruit des voix, sur-prenait après le calme observé dans le hall. Azélie dévora des petits cakes au chocolat, pendant que Julie, incapable d’avaler une bouchée,

Extrait de la publication

Page 17: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

buvait de l’eau de source en se demandant ce qui avait pu empêcher Louis-Joseph et Amédée d’être au rendez-vous.

Pendant ce temps, Louis-Antoine Dessaulles, jeune homme mai-grelet aux yeux noirs perçants, s’affairait du kiosque d’information à la salle à manger. Depuis leur départ de Montréal, il s’occupait de tout. Julie lui était très attachée. Après la mort de son père, le seigneur Jean Dessaulles, les Papineau l’avaient accueilli chez eux, rue Bonse-cours, pour lui permettre de terminer ses études, et il y vivait encore au moment de la rébellion. Lorsque Julie avait décidé de prendre le chemin de l’exil, il lui avait annoncé, comme si cela allait de soi, son intention de l’accompagner. Elle en avait été soulagée.

De retour à la table, Louis-Antoine regarda sa montre. Puisque Papineau et Amédée ne donnaient pas signe de vie, le mieux serait de passer la nuit au Grand Union. Il se leva pour aller réserver des chambres, quand Julie poussa un cri.

« Amédée… Amédée, mon chéri, te voilà !

— Maman ! »

Debout devant la porte de la salle à manger, Amédée se tenait im-mobile dans une sorte de garde-à-vous bien involontaire. Son chapeau de paille dans une main, sa canne en jonc dans l’autre, il était encore sous l’effet de la surprise. Dix minutes plus tôt, le messager envoyé par Louis-Antoine à l’étude de Me Ellsworth, rue Washington, l’avait pré-venu que son cousin l’attendait au Grand Union. Il était accouru sans penser qu’il y trouverait aussi sa mère et sa petite sœur.

« Oh là là ! ma belle Azélie a du chocolat jusqu’aux oreilles », dit-il, en soulevant la petite dans ses bras.

Il embrassa Julie et fit l’accolade à Louis-Antoine avant de revenir vers sa mère pour lui planter deux gros baisers sur les joues, devant les voyageurs indifférents.

« Comme tu es beau, Amédée », s’extasia-t-elle en admirant son costume de toile blanc, ses chaussures assorties et ses gants de che-vreau, qu’il enlevait nonchalamment comme un jeune dandy. Elle le fit pivoter sur lui-même.

« Dis donc, je me trompe ou tu as une nouvelle coiffure ?

Extrait de la publication

Page 18: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

— C’est la dernière mode, fit-il, en caressant son épaisse toison brune. Heu… je les taille moi-même.

— Tu as eu le coup de ciseaux paresseux, jugea son tout aussi élé-gant cousin, en lissant ses cheveux noirs, très courts, sur son crâne.

— Louis-Antoine a raison, ils sont trop longs. Tu as l’air négligé.

— Admettons que je ferais un piètre perruquier. La prochaine fois, j’irai chez le coiffeur.

— Mais où est ton père ? demanda Julie en regardant du côté de la porte d’entrée. Il n’est pas avec toi ?

— Non, il accompagne un ami géologue en expédition aux Alle-gha nys, près de Philadelphie. Il ignorait que vous deviez arriver aujour-d’hui, sinon…

— Mais je lui ai pourtant écrit, coupa Julie.

— C’est curieux, il ne m’en a rien dit. Votre lettre a dû se perdre, sinon, il serait déjà là. Il est si impatient de vous voir. »

Amédée proposa de passer au bureau de poste pour envoyer un mot à Philadelphie. Papineau sauterait dans la première diligence et avec un peu de chance, il serait là dans deux jours, quitte à voyager de nuit.

« Vas-y, toi, répondit Julie, je suis un peu fatiguée. Je t’attends ici.

— D’accord. Je mets ma lettre à la poste et je reviens vous cher-cher, décida-t-il en se levant.

— Je t’accompagne », fit Louis-Antoine. Féru d’histoire, il avait hâte de marcher dans le village où les Américains avaient vaincu les Anglais, en 1777.

« J’veux aller avec Médée, supplia Azélie.

— Allez-y tous les trois », consentit Julie, en se jetant dans un fau-teuil à l’air accueillant.

Extrait de la publication

Page 19: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

Julie les regarda s’éloigner. Amédée boitait légèrement. Toujours cette vilaine blessure à la cheville, dont il lui avait parlé dans ses lettres et qui refusait de guérir. Même à dix-neuf  ans, Amédée se montrait négligent envers sa santé. Désormais, elle allait prendre soin de lui, le dorloter. Il lui avait tant manqué, ce fils aîné qu’elle chérissait et qui lui rappelait Louis-Joseph par sa carrure.

Il était quatre heures et le soleil brûlait encore comme à midi. Saratoga somnolait dans une éblouissante lumière. Le thermomètre indiquait 89 degrés, mais Julie sortit néanmoins pour faire quelques pas sur Broadway. Elle portait une robe pêche, garnie d’un large ruban noué à la taille et dont le corsage à l’encolure croisée laissait voir une chemise de dentelle bouillonnée. À quarante ans, elle frappait par son élégance racée. Ses cheveux bruns serrés en bandeaux lisses déga-geaient sa nuque. En passant devant l’église presbytérienne couverte de lierre, elle ouvrit son ombrelle pour s’abriter du soleil et continua de marcher lentement le long des grands hôtels. Il y en avait six en enfilade avec, en guise de contreforts, les Catskills, contre lesquelles la petite ville semblait s’appuyer. Les arbres étaient pleins d’oiseaux qui piaillaient. La rue principale lui sembla deux fois plus large que les grandes artères montréalaises, mais les voitures y circulaient trop rapidement, soulevant des nuages de poussière.

Elle n’était pas fâchée de se retrouver seule. La fatigue du voyage commençait à se faire sentir. Elle pouvait maintenant se livrer à sa déception. Louis-Joseph n’était pas venu à sa rencontre. Elle avait tout prévu, sauf cela. Peut-être avait-il été victime d’un accident ? Sur les chemins à lisses, les voitures tirées par des chevaux sortaient parfois de leurs rails. Non, c’était impossible, Amédée aurait été prévenu. Mais alors, comment expliquer son absence à ce rendez-vous, le plus important de leur vie ? Ses lettres disaient pourtant son impatience.

Elle observait avec curiosité les Américains qu’elle croisait sur le trottoir. Ils ressemblaient aux Canadiens, à cette différence près que la joie se lisait sur leur visage. Ils déambulaient bras dessus, bras dessous, souriaient à l’inconnue qu’elle était. Parfois, ils s’arrêtaient devant un étalage attrayant, s’émerveillaient comme des enfants et entraient dans le magasin pour en ressortir les bras chargés. Les dames

Extrait de la publication

Page 20: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

étaient vêtues avec raffinement et les hommes coiffés du haut-de-forme. Quel contraste avec ses malheureux compatriotes, marqués à jamais par le drame qu’ils venaient de vivre !

Les yeux de Julie se tournaient inexorablement vers le terminus où le flot des voyageurs était continu. Une silhouette plus haute que les autres, avec des épaules bien carrées, s’avança dans sa direction. Son cœur se mit à battre. Cela ne pouvait être que Louis-Joseph, cet homme à la redingote grise qu’elle croyait reconnaître dans la lumière aveuglante. Mais l’inconnu s’arrêta devant une femme qui l’enlaça, alors qu’un enfant en costume de matelot lui sautait dans les bras, faisant rouler par terre son petit chapeau. Julie soupira de déception. Ce n’était pas Louis-Joseph.

Sept mois s’étaient écoulés depuis leurs adieux déchirants, sur le pas de la porte, rue Bonsecours. C’était juste avant la rébellion et la tête de Papineau venait d’être mise à prix. Il portait un déguisement pour échapper à l’armée britannique et s’en allait rejoindre les patriotes repliés à Saint-Denis. Le souvenir de son air anéanti était resté gravé dans la mémoire de Julie. Au moment de monter dans la calèche recou-verte, il s’était retourné vers elle, une dernière fois, et avait eu une hési-tation en voyant qu’elle pleurait. Elle ne l’avait pas revu depuis.

Après, il y avait eu la tragédie… le soulèvement raté et l’armée anglaise qui, pour se venger de son humiliante défaite à Saint-Denis, s’était livrée à un véritable saccage. Les villages de Saint-Charles, Saint-Benoît et Saint-Eustache avaient été réduits en cendres. Leurs amis, considérés comme des rebelles, avaient été traqués dans les bois. Wolfred Nelson, qui commandait les patriotes à Saint-Denis, avait été ramené, fers aux poings, jusqu’à la prison de Montréal pendant que Papineau et d’autres meneurs s’enfuyaient aux États-Unis.

Quelques mois plus tard, Julie prenait à son tour le chemin de l’exil. Le beau visage de son second fils, Lactance, si pâle, si étiré pour ses seize ans, surgit alors dans son esprit. Il l’avait suppliée de l’emme-ner, mais elle avait préféré le laisser au collège de Saint-Hyacinthe, où il terminait ses études classiques. Il était émouvant, ce grand garçon trop

Page 21: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse
Page 22: Le roman de Julie Papineau - Tome 2...T out prédestinait Julie Papineau à la vie des grands bourgeois du xixe siècle.Née en 1795, d’une famille aisée de Québec, elle épouse

­

Micheline lachance

Tome 2 - L’Exil

Le Roman de

www.quebec-amerique.com

« Micheline Lachance a travaillé pendant onze ans sur cette saga […]. Le résultat est stupéfiant. À tous égards. Le roman foi-sonne de détails […]. Les personnages ont de l’épaisseur. Grâce à l’auteure, Julie Papineau vivra de longues années dans le cœur des lecteurs. Son roman est appelé à devenir un classique du roman historique québécois. »

André Noël, La Presse

« Micheline Lachance signe ici un livre passionnant dans lequel la fiction et l’his-toire font merveilleusement bon ménage. »

Le Journal de Montréal

À l’été 1838, Julie Papineau va rejoindre Louis-Joseph, réfugié aux États-Unis après l’échec de la rébellion des patriotes. Et voici que des compagnons d’exil le traitent de déserteur. Déterminée à défendre l’honneur de son mari et de sa famille, Julie le suivra partout, à New York, à Paris et à la seigneurie de la Petite-Nation. Mais comment assurer l’avenir de ses enfants ? Comment oublier la patrie perdue ?

Micheline Lachance poursuit ici son grand récit historique, plaçant au centre même de cette remarquable fresque de la vie quotidienne du xixe siècle cet inoubliable personnage de femme d’honneur et de passion. Voici l’histoire d’une amoureuse décidée à tout pour garder un homme dont la nation, soudainement, chavire.

Phot

o : ©

Mar

tine

Doy

on

Historienne et journaliste, Micheline Lachance collabore aux magazines L’actualité et Châtelaine. Au cours de sa carrière, elle a reçu de nombreux prix littéraires et journalistiques. Avec plus de 170 000 exemplaires vendus depuis sa parution, son Roman de Julie Papineau s’impose désormais comme un livre phare de la littéra-ture qué bécoise.

Extrait de la publication