le roman d une vie : une vie, maupassant. · le roman d une vie : une vie, maupassant. objectif :...

3
Le roman d’une vie : Une vie, Maupassant. Objectif : Etudier la dramatisation de l’action. Séance 4 : extrait du chapitre 10 : « Il avait tourné vers la droite… » à « …comme un œuf ». (Après son mariage, Jeanne découvre l’infidélité de son mari, qui l’a d’abord trompée avec Rosalie, une servante, puis avec Gilberte de Fourville, une comtesse que l’héroïne croyait son amie. Le Comte, mari de Gilberte, ne peut le supporter…) Il 1 avait tourné vers la droite, et s'était mis à courir. La mer houleuse roulait ses vagues; les gros nuages tout noirs arrivaient d'une vitesse folle, passaient, suivis par d'autres ; et chacun d'eux criblait la côte d'une averse furieuse. Le vent sifflait, geignait, rasait l'herbe, couchait les jeunes récoltes, emportait, pareils à des flocons d'écume, de grands oiseaux blancs qu'il entraînait au loin dans les terres. Les grains, qui se succédaient, fouettaient le visage du comte, trempaient ses joues et ses moustaches où l'eau glissait, emplissaient de bruit ses oreilles et son cœur de tumulte. Là-bas, devant lui, le val de Vaucotte ouvrait sa gorge profonde. Rien jusque-là qu'une hutte de berger auprès d'un parc à moutons vide. Deux chevaux étaient attachés aux brancards de la maison roulante. - Que pouvait-on craindre par cette tempête ? Dès qu'il les eut aperçus, le comte se coucha contre terre, puis il se traîna sur les mains et sur les genoux, semblable à une sorte de monstre avec son grand corps souillé de boue et sa coiffure en poil de bête. Il rampa jusqu'à la cabane solitaire et se cacha dessous pour n'être point découvert par les fentes des planches. Les chevaux, l'ayant vu, s'agitaient. Il coupa lentement leurs brides avec son couteau qu'il tenait ouvert à la main et, une bourrasque étant survenue, les animaux s'enfuirent harcelés par la grêle qui cinglait le toit penché de la maison de bois, la faisant trembler sur ses roues. Le comte alors, redressé sur les genoux, colla son œil au bas de la porte, en regardant dedans.

Upload: donga

Post on 12-Sep-2018

227 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Le roman d’une vie : Une vie, Maupassant.

Objectif :Etudier la dramatisation de l’action.

Séance 4 : extrait du chapitre 10 : « Il avait tourné vers ladroite… » à « …comme un œuf ».

(Après son mariage, Jeanne découvre l’infidélité de son mari, qui l’a d’abord trompée avec Rosalie, une

servante, puis avec Gilberte de Fourville, une comtesse que l’héroïne croyait son amie. Le Comte, mari de

Gilberte, ne peut le supporter…)

Il1 avait tourné vers la droite, et s'était mis à courir. La mer houleuse roulait ses vagues; les gros nuages

tout noirs arrivaient d'une vitesse folle, passaient, suivis par d'autres ; et chacun d'eux criblait la côte d'une

averse furieuse. Le vent sifflait, geignait, rasait l'herbe, couchait les jeunes récoltes, emportait, pareils à des

flocons d'écume, de grands oiseaux blancs qu'il entraînait au loin dans les terres.

Les grains, qui se succédaient, fouettaient le visage du comte, trempaient ses joues et ses moustaches

où l'eau glissait, emplissaient de bruit ses oreilles et son cœur de tumulte.

Là-bas, devant lui, le val de Vaucotte ouvrait sa gorge profonde. Rien jusque-là qu'une hutte de berger

auprès d'un parc à moutons vide. Deux chevaux étaient attachés aux brancards de la maison roulante. - Que

pouvait-on craindre par cette tempête ?

Dès qu'il les eut aperçus, le comte se coucha contre terre, puis il se traîna sur les mains et sur les

genoux, semblable à une sorte de monstre avec son grand corps souillé de boue et sa coiffure en poil de

bête. Il rampa jusqu'à la cabane solitaire et se cacha dessous pour n'être point découvert par les fentes des

planches.

Les chevaux, l'ayant vu, s'agitaient. Il coupa lentement leurs brides avec son couteau qu'il tenait ouvert

à la main et, une bourrasque étant survenue, les animaux s'enfuirent harcelés par la grêle qui cinglait le toit

penché de la maison de bois, la faisant trembler sur ses roues.

Le comte alors, redressé sur les genoux, colla son œil au bas de la porte, en regardant dedans.

Activités et devoirs.

ACTIVITES.

Il ne bougeait plus ; il semblait attendre. Un temps assez long s'écoula ; et tout à coup il se releva,fangeux de la tête aux pieds. Avec un geste forcené il poussa le verrou qui fermait l'auvent au-dehors, et,saisissant les brancards, il se mit à secouer cette niche comme s'il eût voulu la briser en pièces. Puis soudain,il s'attela, pliant sa haute taille dans un effort désespéré, tirant comme un bœuf, et haletant; et il entraîna,vers la pente rapide, la maison voyageuse et ceux qu'elle enfermait. Ils criaient là-dedans, heurtant la cloison du poing, ne comprenant pas ce qui leur arrivait. Lorsqu'il fut en haut de la descente, il lâcha la légère demeure qui se mit à rouler sur la côte inclinée. Elle précipitait sa course, emportée follement, allant toujours plus vite, sautant, trébuchant comme unebête, battant la terre de ses brancards. Un vieux mendiant, blotti dans un fossé, la vit passer d'un élan sur sa tête; et il entendit des cris affreuxpoussés dans le coffre de bois. Tout à coup elle perdit une roue arrachée d'un heurt, s'abattit sur le flanc et se remit à dévaler commeune boule, comme une maison déracinée dégringolerait du sommet d'un mont. Puis, arrivant au rebord dudernier ravin, elle bondit en décrivant une courbe, et, tombant au fond, s'y creva comme un oeuf.

_____________________

1 : il s’agit du Comte de Fourville

1. Repérez, dans cet extrait, tous les éléments qui constituent le décor de la scène. Expliquez ce qui lescaractérise en prenant appui sur des procédés précis. Quelle impression Maupassant veut-il créer par leurintermédiaire ? Dans quel but ?

2. Quelles comparaisons désignent le comte de Fourville ? Quelle image celles-ci nous donnent-elles de lui ?De quelle manière Maupassant renforce-t-il cette image ? Appuyez votre réponse sur une analyse desprocédés du texte.

3. Observez les passages qui renvoient aux deux amants : Maupassant les désigne-t-il directement ? Quelstermes permettent indirectement de les évoquer ? Sur quoi ces derniers insistent-ils ? En quoi cela rend-il lascène plus terrible ?

4. Quels procédés variés permettent de donner à cette scène un rythme rapide ?

5. En prenant appui sur les réponse précédentes, expliquez dans un paragraphe argumenté en quoi cet extraittient du registre épique.

DEVOIRS.Devoir : écriture d’invention

« Un vieux mendiant, blotti dans un fossé, la vit passer d’un élan sur sa tête ; et il entendit des cris affreuxpoussés dans le coffre de bois » . Cet homme, qui a assisté à la scène et reconnu le comte de Fourville, seprécipite au village pour raconter ce qu’il a vu. Imaginez son récit devant les habitants du village. Vousveillerez à rendre compte de l’état d’esprit dans lequel se trouve ce témoin, choqué, horrifié, par le drame.