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L E REPORTING DE RESPONSABILITE SOCIALE D ' ENTREPRISE ET SON UTILISATION T T r r a a v v a a u u x x c c o o o o r r d d o o n n n n é é s s p p a a r r O O l l i i v v i i e e r r C C h h a a b b r r o o l l ( ( S S y y n n d d e e x x ) ) e e t t M M a a r r t t i i a a l l C C o o z z e e t t t t e e ( ( C C F F I I E E - - c c o o n n s s e e i i l l ) ) R R a a p p p p o o r r t t i i n n t t é é g g r r a a l l F F é é v v r r i i e e r r 2 2 0 0 1 1 2 2 Agence d’objectifs IRES Ce rapport a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales)

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LE REPORTING DE

RESPONSABILITE SOCIALE

D'ENTREPRISE

ET SON UTILISATION

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Agence d’objectifs

IRES

Ce rapport a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales)

Comité de pilotage CFDT sous la direction d’Olivier Berducou

Auteurs Syndex

Olivier Chabrol

Dara Jouanneaux

Laetitia Jacquot

Philippe Gouin

Vincent Pasquier

Auteurs CFIE-conseil

Martial Cozette

Philippe Vessereau

Maquette et correction

Alice Boussicaut

Marie Devigne

Jacquemine de Loizellerie

Lisa Sobral

Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales)

L e r e p o r t i n g R S E e t s o n u t i l i s a t i o n

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Sommaire

Présentation de l’étude, de la méthode et de son déroulement .............................. 5

Partie 1 - Analyse documentaire du reporting RSE sur un panel de 10 grandes entreprises françaises ................................................................................................. 7

1. Carrefour ................................................................................ 8

2. Crédit Agricole SA .................................................................. 15

3. EDF ..................................................................................... 20

4. Groupama ............................................................................ 27

5. Lagardère ............................................................................. 33

6. Legrand ................................................................................ 39

7. PPR ...................................................................................... 45

8. PSA Peugeot Citroën .............................................................. 51

9. Saint-Gobain ......................................................................... 57

10. Sodexo ................................................................................. 63

Synthèse de l’étude documentaire ................................................... 69

Partie 2 - Quatre études de cas reposant sur des enquêtes de terrain ................. 77

1. Le reporting RSE de Carrefour devient un support de dialogue au comité d’entreprise européen ......................................... 78

2. EDF développe de multiples supports de reporting RSE et les syndicalistes s’appuient sur celui établi pour le suivi de leur accord mondial ........................................................................................ 88

3. Le reporting RSE de Legrand sert à consolider la cohérence de ses activités internationales ; il est utilisé par les syndicalistes de l’entreprise ................................................................................... 96

4. Le reporting RSE de Saint-Gobain s’étoffe, mais doit encore progresser dans l’ouverture au dialogue multipartite101

Partie 3 – Enseignements de l’étude et recommandations aux acteurs ........... 107

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Présentation de l’étude, de la méthode et de son déroulement

Cette étude a été réalisée conjointement par le Centre français d’information sur les entreprises (CFIE-conseil) et le cabinet Syndex, entre mars et décembre 2011, à la demande de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) dans le cadre d’un financement de l’Agence d’objectifs de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES).

Elle s’est déroulée en deux volets qui se sont succédé.

Le premier volet, piloté par CFIE-conseil, a consisté en l’analyse documentaire du reporting public publié par dix entreprises françaises pour la plupart soumises à l’obligation de reporting annuel selon l’article 116 de la loi sur les Nouvelles Régulations économiques (NRE) pour leur exercice 2009.

Cet échantillon de 10 entreprises avait été choisi par le comité de pilotage de l’étude, sous la direction d’Olivier Berducou, secrétaire confédéral CFDT en charge de la responsabilité sociale d’entreprise (RSE). Cet échantillon n’a pas vocation à être représentatif de l’économie française, même si les entreprises ont été volontairement choisies dans différents secteurs. Le choix a également été orienté vers ces entreprises parce qu’elles semblaient pouvoir apporter des enseignements particuliers à l’étude, étant donné la consistance de leur reporting RSE et l’activité de leurs équipes syndicales.

Le volet 1 s’est déroulé de mars à avril 2011 et s’est conclu par la rédaction de dix fiches d’entreprises et d’une synthèse de cette étude documentaire, qui ont été présentées au comité de pilotage en juin 2011. Ces documents constituent la partie 1 de ce rapport.

À la suite d’un débat au sein du comité de pilotage pour déterminer les éléments qui méritaient d’être approfondis par une enquête de terrain, ce comité a choisi quatre des dix entreprises analysées dans le volet 1 pour servir de terrain d’analyse au volet 2 de l’étude.

Le deuxième volet, piloté par Syndex, s’est déroulé de septembre à décembre 2011. Il s’agissait de rechercher, au travers d’entretiens avec des parties prenantes, comment le reporting RSE de l’entreprise était appréhendé et utilisé.

Pour chaque étude de cas d’entreprise, une équipe de trois experts a été constituée. Le budget a permis de réaliser cinq à six entretiens par entreprise, ces entretiens étant menés selon des méthodes semi-directives (questionnements proposés en amont des entretiens, avec une ouverture à l’expression libre, pendant des rencontres durant environ 1 h 30 pour chaque entretien).

Les entretiens servant à cette enquête de terrain ont été sollicités auprès de personnes clés pour l’objet de cette étude, telles que :

− les délégués syndicaux centraux de l’entreprise ;

− le secrétaire du comité d’entreprise européen ou du comité de groupe ;

− les syndicalistes internes les plus impliqués sur l’analyse du reporting RSE ;

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− le directeur du Développement durable ou de la RSE de l’entreprise ;

− la personne responsable du reporting RSE ;

− des responsables d’ONG faisant de la veille sur l’activité de cette entreprise, ou entretenant un dialogue avec elle sur la question de sa responsabilité sociale.

Les entretiens ont souvent été un moyen d’avoir accès à des documents complémentaires aux documents publics ayant servi au volet 1 de l’étude, tels que des procédures internes de reporting RSE et des éléments du reporting public plus récents que ceux qui avaient fait l’objet de l’analyse documentaire lors du premier volet.

Une attention particulière a été apportée à la comparaison du dialogue social lié au reporting RSE avec celui sur les thématiques classiques de revendications des syndicats implantés dans cette entreprise.

Les liens éventuels entre le dialogue social au sein de l’entreprise et le dialogue de celle-ci avec la société civile (dialogue civil) ont été recherchés et questionnés dans leurs motivations.

L’analyse des quatre études de cas fait l’objet de la partie 2 de ce rapport.

À la suite de cette étude, les enquêteurs de Syndex et de CFIE-conseil se sont réunis pour en tirer les principaux enseignements et élaborer des recommandations aux acteurs pour une meilleure utilisation du reporting RSE. Ces conclusions font l’objet de la partie 3 de ce rapport.

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A n a l y s e d o c u m e n t a i r e d u r e p o r t i n g R S E s u r u n p a n e l d e 1 0 g r a n d e s e n t r e p r i s e s f r a n ç a i s e s 7

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Analyse documentaire du reporting RSE sur un panel de 10 grandes entreprises françaises

1. Carrefour 2. Crédit Agricole SA

3. EDF 4. Groupama 5. Lagardère 6. Legrand 7. PPR

8. PSA Peugeot Citroën9. Saint-Gobain

10. SodexoSynthèse de l’étude documentaire

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CARREFOUR

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1. Carrefour

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Rapport d'activité et de développement durable 2009 », « Rapport financier 2009 », « Document de référence 2009 », « Rapport d’activité de la fondation Carrefour 2009 », « Le développement durable chez Carrefour – rapport expert 2009 », « Étude annuelle 2010 sur l’information sociale et environnementale dans les rapports annuels des entreprises » (CFIE-conseil), site Internet.

Activités

Carrefour propose plusieurs formats de magasins : hypermarché, supermarché, magasin de proximité et hard discount. Pour les professionnels, Carrefour développe le Cash & Carry avec Promocash, enseigne de libre-service de gros dédiée aux professionnels de la restauration et de l’alimentation. Tous ses magasins sont désormais en location-gérance et quelques-uns sont déjà en franchise. Promocash propose des services incluant notamment la livraison à domicile.

Le chiffre d’affaires TTC sous enseigne Carrefour en 2009 s’élève à 107 milliards d’euros, dont 96 pour les seuls magasins intégrés.

À propos des franchisés, le Syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale a saisi le Conseil de la concurrence en 2008 contre les « pratiques mises en œuvre par le groupe Carrefour » à l’encontre de ses membres (« position de dépendance économique », « opacité tarifaire sur la vente des produits aux franchisés », « recours systématique à l'arbitrage »). L'Autorité de la concurrence, instance qui a remplacé le Conseil, a rendu sa décision le 3 mars 2010, concluant que : « aucun des griefs notifiés n'est constitué ». Cependant, l’Autorité a surtout relevé que « les franchisés relèvent de sept régimes contractuels différents, ce qui rend leur situation difficilement comparable ». Il est à noter également que, le 6 avril 2011, Carrefour a annoncé le non-renouvellement du contrat d'affiliation de Coop Atlantique, un de ses plus importants franchisés. « Le mode d'organisation de Coop Atlantique n'ayant jamais permis la mise en place de synergies opérationnelles, le non-renouvellement du contrat d'affiliation n'aura pas d'impact économique significatif en termes de chiffre d'affaires ou de résultat pour Carrefour », a alors précisé le deuxième distributeur mondial.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance Le président du conseil d'administration est Amaury de Seze et le directeur général Lars Olofsson (il sera remplacé le 2 avril 2012 par Georges Plassat).

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CARREFOUR

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Le conseil d’administration estime que, parmi ses 12 membres, sept peuvent être considérés comme des personnalités indépendantes, au sens du code AFEP-MEDEF, car elles n’entretiennent aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de leur liberté de jugement. Curieusement, le rapport s’arrête à ce constat et ne conclut pas sur sa conformité avec le code AFEP-MEDEF.

Structure de l’actionnariat Au 31 décembre 2009, la structure actionnariale était la suivante (capital ; droits de vote) : Blue Capital (10,69 % ; 17,12 %), Colony Blue Investor (2,15 % ; 1,86 %), Groupe Arnault SAS (0,71 % ; 0,61 %), salariés (1,05 % ; 1,81 %), autodétention (0,08 % ; 0,00 %), public (85,32 % ; 78,60 %). Blue Capital, Colony Blue et Groupe Arnaud SAS1 agissent de concert, comme le montre leur déclaration commune à l’AMF du 6 mai 2009. Blue Capital est détenu indirectement pour moitié par Groupe Arnault SAS et pour moitié par deux fonds d’investissement gérés par la société d'investissement américaine Colony Capital.

L’approche du risque

Carrefour, et plus largement la grande distribution, entretient des relations étroites avec nombre de ses sous-traitants et fournisseurs (en particulier ceux dédiés aux marques propres ou maîtrisées). Partant de ce constat, l’association Agir ici a lancé sa campagne « Soyez sport » en février 1996, pour lutter contre les mauvaises conditions de travail chez les fabricants de chaussures de sport. Elle invitait le grand public, via l’envoi de cartes postales aux dirigeants, à interpeller les grandes marques de chaussures de sport (Nike Adidas...) et les entreprises de la grande distribution – dont Carrefour – afin qu'elles adoptent un code de conduite (non-exploitation des enfants, respect de la liberté syndicale, pas de travail forcé…) dans leurs relations avec leurs sous-traitants. Il leur était également demandé d’accepter un contrôle indépendant des conditions de travail. Parallèlement, la campagne « Libère tes Fringues » était lancée par l'association Artisans du Monde, avec un objectif similaire sur les vêtements. Ces deux campagnes ont fusionné dans une nouvelle campagne « De l'éthique sur l'étiquette », lancée en novembre 1996 et poursuivant les mêmes objectifs. Aux dires des associations, les réactions des entreprises ont été contrastées. Carrefour et Auchan ont souhaité établir un dialogue tandis que d'autres sont restées beaucoup plus évasives. Carrefour a organisé en mai 1996 une enquête au Bangladesh menée par un cabinet indépendant, et 13 fournisseurs ont été visités. En 2000, Carrefour a élaboré avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme une charte sociale engageant les fournisseurs du groupe.

Par ailleurs, le groupe déclare être couvert contre les risques d’atteinte à l’environnement dans le cadre de son programme mondial d’assurance de responsabilité civile. Ces risques font l’objet d’une approche particulière en raison des conditions imposées par les réassureurs qui offrent des schémas de garanties plus limités pour les risques de pollution d’origine non accidentelle. Néanmoins, Carrefour a souscrit et mis en place des protections spécifiques et dédiées à ce type de risques. Dans le paragraphe « risques industriels et liés à l’environnement », le rapport financier stipule

1 Groupe Arnaud SAS appartient à l’homme d’affaires français Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH et première fortune européenne.

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CARREFOUR

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que « Le groupe Carrefour a fait de sa responsabilité environnementale un engagement fort de sa politique ».

Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence Carrefour propose un grand nombre de documents, ce qui peut être rebutant, mais il a eu la judicieuse idée d'en dédier un aux « experts » du développement durable, qui s’y retrouveront partiellement. Si le niveau de transparence global est satisfaisant, les différents volets sont cependant traités de manière hétérogène. Celui se rapportant aux questions sociales est correct mais est le moins finalisé. Il se caractérise notamment par un traitement très inégal des thématiques : certaines sont très fouillées et d'autres survolées. Les volets environnemental et sociétal s'avèrent beaucoup plus homogènes et plus convaincants.

Principaux engagements nationaux ou internationaux Dès 1997, le groupe coopère avec la FIDH (Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme) pour respecter et faire respecter par ses fournisseurs les droits fondamentaux énoncés par l'Organisation internationale du travail (OIT). Carrefour est adhérent du Pacte mondial, un engagement peu contraignant. Cette adhésion remonte à 2001 et fait donc de Carrefour l'une des premières entreprises françaises a avoir rejoint le Pacte. La même année, il a signé un protocole d’accord avec l'organisation syndicale internationale UNI (Union Network International), par lequel il s'engage à veiller à l'application des principes de l'OIT, où il est présent. En 2004, il signe, en France, la Charte de la diversité en entreprise visant à lutter contre la discrimination, à l'embauche comme en cours de carrière. En 2008, il adhère également à la Social Accountability International, une ONG multipartite dont la vocation est de faire progresser les droits humains des travailleurs dans le monde, en tant que « supporting member », c'est-à-dire le premier stade de partenariat qui en compte trois, le troisième étant le plus avancé. En 2008, le groupe signe en France la Charte de la parentalité dont l'objectif affiché est d’aider ses collaborateurs à s’épanouir dans leur travail tout en assumant pleinement leur rôle de parents.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Dans le volet social, l’aspect portant sur la formation des salariés s’avère assez convaincant. Les objectifs pédagogiques sont déclinés et ne passent pas sous silence les attendus du groupe (développer les compétences nécessaires au bon exercice de son métier et à la construction de son parcours professionnel, optimiser sa contribution aux résultats, accompagner les changements d’organisation pour en faciliter la mise en œuvre et en améliorer l’efficacité). Les différents centres mondiaux de formation sont listés, le volume global des heures est fourni ainsi que le taux de formation par pays. Des informations sur les formations diplômantes figurent pour la France mais, dans la présentation de l’initiative colombienne ayant conduit à l’agrément par le ministère de l’Éducation nationale d’un centre de formation, aucune donnée sur le nombre de salariés diplômés n’est avancée. Les efforts de mise à niveau de la main-d’œuvre la moins qualifiée donne lieu à la présentation pertinente d’Evolupro – un programme français de lutte contre l’illettrisme – et du dispositif brésilien « Classe de citoyenneté », une formation de niveau collège ou lycée qui s’adresse aux salariés, clients… Dans les deux cas, le nombre de collaborateurs concernés

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est indiqué. Des chiffres assez emblématiques sur la promotion interne sont également avancés : 75 % des directeurs en France en sont issus ainsi que plus de 50 % des cadres du groupe.

La thématique de la diversité apparaît plutôt bien exposée, particulièrement pour les jeunes et les populations marginalisées, et ceci en France comme à l’étranger, avec l’exemple argentin de la formule de tutorat pour les 18-24 ans – « les jeunes ont de l’avenir » – soutenue par un ministère. Pour ce qui concerne les femmes et les personnes handicapées, les accords les concernant sont évoqués, et des données chiffrées sont présentées avec, ce qui est plutôt rare, la répartition par pays du nombre de personnes souffrant d’un handicap. Les seniors, quant à eux, apparaissent certes, mais quasi-exclusivement dans le cadre français.

La relation qu’entretient Carrefour avec ses fournisseurs et sous-traitants est bien documentée. Le groupe rappelle son investissement, dès sa création en 2006, dans la Global Social Compliance Programme qui réunit des grands distributeurs et industriels mondiaux dont l’objectif annoncé est l’amélioration continue des conditions de travail dans la chaîne d’approvisionnement. Il souligne aussi qu’il a souhaité être accompagné dans cette démarche par la FIDH. Dans la partie qui est consacrée aux audits sociaux figurent leur nombre par pays, leur typologie (actions immédiates, correctives avec ré-audit requis…), le taux d’audits non déclarés et des commentaires encore trop succincts mais parfois critiques, comme pour la Chine : « Si on constate une légère amélioration des résultats des audits de suivi, certaines non-conformités restent récurrentes en Chine (horaires de travail, salaires et non-respect de la liberté d’association). Pour 2010, des actions sont à l’étude afin d’accompagner au mieux les fournisseurs dans leur mise en conformité ». La méthodologie des contrôles effectués n’est cependant pas suffisamment explicitée : quels sont précisément les éléments vérifiés, sur quels critères est choisi le nombre d’audits par pays, quel est pourcentage des achats couvert par les audits, etc. ? De plus, Carrefour paraît auditer uniquement ses sous-traitants directs, or ceux-ci, qui connaissent maintenant ce type de dispositif depuis plus de dix ans, peuvent déporter leurs problèmes chez leurs propres sous-traitants, ce dont il faut sans doute désormais tenir compte.

Concernant le volet sociétal, les relations avec les parties prenantes se révèlent traitées avec soin. Un tableau récapitulatif indique pour chacune d’entre elles les principales instances d’information et de dialogue. La 8e réunion des parties prenantes, en 2009, est présentée avec ses participants : directeur général de Carrefour, agences de notation, associations de consommateurs, représentants de ministères, d’ONG, de syndicats européens… ainsi qu’avec les thématiques abordées : accompagnement des fournisseurs de produits à marques de distributeur dans leur démarche de développement durable, avancées de Carrefour en 2009 en matière sociale, l’offre et la promotion de produits « développement durable » en magasin, etc. On doit, toutefois, noter que ces concertations se font sous l’égide du groupe lui-même. Les concertations locales sont peu développées et, si un tableau présente un indicateur qui mesure pour chaque Business Unit son niveau de dialogue (faible, bon, très bon) avec ses parties prenantes en fonction de la fréquence et de la portée des actions et initiatives de dialogue, celui-ci devrait être davantage explicité. Pour ce qui est du mécénat, le document dédié à la Fondation Carrefour est assez détaillé, avec le budget alloué, les actions soutenues… Concernant ses grands engagements, Carrefour rappelle son adhésion précoce au Pacte mondial, fait explicitement référence à l’OIT, mais aucune mention n’est faite des Objectifs du Millénaire pour le développement de l’ONU.

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CARREFOUR

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Sur le plan volet environnemental, Carrefour aborde le thème des nuisances sonores, ce qui est assez rare dans les rapports. L’expérience test réalisée à Paris pour limiter les bruits générés lors des livraisons est présentée. On y découvre les différentes mesures prises pour y parvenir : livraison en camion dit « silencieux » pour réduire les émissions sonores, aménagement de la voirie pour les livraisons, aménagement de la réception du magasin, utilisation de moyens de manutention moins bruyants, mesure des émissions de bruit. Résultat : les mesures acoustiques réalisées par la Mairie de Paris ont enregistré une division par 3 du niveau de bruit.

La consommation énergétique apparaît assez développée avec les données par format de magasin et par zone géographique, la liste des mesures adoptées pour la réduire : mise en place d’une gestion technique centralisée, fermeture par des portes des meubles surgelés, rideaux de nuit pour les rayons produits frais (froid positif), etc. et un objectif chiffré d’amélioration de 30 % de l’efficacité énergétique en 2020 par rapport à 2004 ainsi que du montant des investissements qui y sont consacrés.

Le problème des emballages des produits donne lieu à un développement pertinent et fournit le poids de matériaux économisé depuis 2004 (15 300 tonnes) et le descriptif des cinq axes choisis pour poursuivre ses efforts. La politique portant sur les sacs en plastique apparaît convaincante, avec une description des différentes initiatives dans le monde et un objectif clair d’arrêt de leur distribution gratuite en 2012.

Des initiatives significatives de Carrefour sont présentées pour la préservation des forêts, de la biodiversité, des ressources halieutiques : gammes de produits sans OGM (y compris leur exclusion de l’alimentation des animaux pour sa filière qualité), substitution de l’huile de palme (dont les cultures sont accusées de remplacer les forêts) dans les chips de sa marque (représentant le retrait du tiers des volumes totaux d’huile de palme utilisée), arrêt de la commercialisation du thon rouge, etc.

Les faiblesses du reporting À fin décembre 2009, Carrefour détient en pleine propriété 736 hypermarchés, 685 supermarchés et 925 maxidiscomptes. Or si, du point de vue financier, le groupe y accorde une grande importance, cela semble nettement moins le cas sous l’angle de l’intégration dans les paysages naturels et urbains. On aurait également pu s’attendre à ce que le sujet des énergies renouvelables soit étoffé. Or, le rapport se contente d’indiquer que « des pilotes sur les énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque, ont été effectués dans différents pays européens » ou encore « l’étude et des tests ont été menés pour l’utilisation de la technologie photovoltaïque sur les toits, comme à Nîmes (1 000 m2 de panneaux) ou pour produire de l’eau chaude à Saint-Égrève [près de Grenoble] » sans donner plus de précision. Par ailleurs, si le chiffre d’affaires est souvent présenté hors essence, il en est de même dans les documents pour les stations-service et leur gestion environnementale, qui est peu détaillée.

Concernant le volet sociétal, la lutte contre la corruption est citée et une mention est faite de la participation de Carrefour aux travaux de la commission « Business in Society » de la section française de la Chambre de commerce internationale, en particulier sur ce thème. Toutefois, on en ignore la teneur exacte. Le lobbying ou les relations avec les pouvoirs publics est le grand absent des différents documents, ce qui est assez surprenant pour une entreprise qui occupe la place de 2e distributeur mondial. La valeur du parc immobilier étant, comme on l’a vu, stratégiquement déterminante pour le groupe, les précautions prises pour éviter toute dérive dans les autorisations d’installation ou de restructuration

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des installations existantes devraient être abordées avec soin. Par ailleurs, le groupe est présent dans des pays comme la Syrie, l’Arabie Saoudite, la Chine… qui sont loin d’être des modèles sur la question du respect des droits de l’Homme. Or Carrefour n’indique pas de position claire sur ce thème, il est vrai, épineux.

Couvertures des rapports d’activité et de développement durable du groupe Carrefour, 2010, 2008 et 2007

Pour le volet social, si le groupe rappelle que 20 000 personnes bénéficient d’horaires en îlot et que 93 % en sont satisfaits, ce système ne concerne que 30 % du personnel travaillant en France dans les hypermarchés. Par souci de transparence et de meilleure compréhension par le lecteur de la vie au travail au sein du groupe, on s’attendrait à ce qu’une présentation plus large des dispositifs existants soit faite par format

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CARREFOUR

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de vente et, en particulier dans le secteur de la franchise ou le hard discount. Surtout pour une entreprise qui, comme elle le rappelle dans un des rapports, est le 7e employeur privé au monde.

Par ailleurs, Carrefour effectue un focus sur le stress, ce qui est louable, et signale la mise en place du module « SOS conflits » visant à aider les collaborateurs de magasin à prévenir les éventuelles situations difficiles avec les clients mais, d’un autre côté, il ne fournit pas le nombre d’heures supplémentaires effectuées.

Au niveau de l’emploi, les documents présentent des lacunes importantes, difficilement explicables pour un groupe d’une telle importance. L’effectif global, par exemple, n’est pas décliné par pays, tandis que les licenciements, leurs motifs et le recours à la main-d’œuvre extérieure sont omis.

Quant aux rémunérations, elles ne sont pas communiquées en fonction du genre, un des éléments pourtant clef pour mesurer le traitement qui est fait aux femmes dans l’entreprise, ni par pays, alors que le groupe pointe du doigt, dans l’audit de ses fournisseurs chinois, les questions de salaires restant à résoudre, sujet sur lequel il devrait être exemplaire.

Pour les accidents, le groupe fournit bien le rapport entre le nombre d’heures d’absence pour motif d’accident du travail et de trajet et le nombre d’heures de travail théorique de la période (hors maladies professionnelles) ainsi que son évolution. En revanche, les taux de gravité et de fréquence ne sont communiqués que pour 2009 et ne sont pas déclinés par pays, ce qui ne permet pas d’obtenir une vision claire sur ce sujet.

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CREDIT AGRICOLE SA

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2. Crédit Agricole SA

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des documents suivants : « Intégrale de développement durable 2009 », « Document de référence et rapport annuel 2009, « Rapport d’activité 2009 », « Étude annuelle 2010 sur l’information sociale et environnementale dans les rapports annuels des entreprises – CFIE-conseil », site Internet.

Activités

Les métiers de Crédit Agricole SA se répartissent, selon sa propre nomenclature, en six pôles.

Le premier correspond à la banque de proximité « Caisses régionales ». Il est, notamment, en charge des supports d’épargne (monétaires, obligataires, titres), des crédits à l’habitat et à la consommation, des produits d’assurance ainsi que du financement d’entreprises et des professionnels. Le second – également banque de proximité incluant une banque privée – est LCL. Ses activités s’adressent aux particuliers, aux professionnels et aux entreprises. Vient ensuite la banque de détail à l’international. Le quatrième pôle, appelé « services financiers spécialisés », comprend le crédit à la consommation par vente directe ou en partenariat (par exemple avec la grande distribution) que ce soit en France ou à l’étranger, le crédit-bail et l’affacturage. Le cinquième correspond à la gestion d’actifs, aux assurances et à la banque privée. Enfin le dernier – la banque de financement et d’investissement devenue depuis CIB (CA Corporate & Investment Bank) – intègre Calyon. Parmi les multiples secteurs spécifiques financés, certains sont peut-être peu connus mais peuvent générer un impact potentiel social, sociétal ou environnemental. On peut citer le transport maritime, les ressources naturelles, les fusions-acquisitions, les infrastructures et électricité, les dérivés de matières premières. Ces activités peuvent, en effet, toucher ou affecter des thématiques comme : les pavillons de complaisance, la spoliation des terres et le déplacement de populations, les restructurations et les pertes d’emplois, le nucléaire, la spéculation sur les denrées alimentaires…

L’entreprise est présente dans de nombreux pays laxistes ou peu transparents sur un plan fiscal (Bahamas, Bermudes, Les îles Caïmans…), restreignant la liberté syndicale et/ou les droits de l’Homme (États-Unis, Hong-Kong, Maroc, Arabie Saoudite…).

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance René Carron occupe le poste de président (il a été remplacé en mai 2010 par Jean-Marie Sander), et Georges Pauget celui de directeur général

L e r e p o r t i n g R S E e t s o n u t i l i s a t i o n

CREDIT AGRICOLE SA

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(remplacé en mars 2010 par Jean-Paul Chifflet), la séparation des fonctions n’étant pas si commune parmi les sociétés du CAC 40.

Le conseil d’administration compte, en 2009, 21 administrateurs, dont deux élus par les salariés – l’un étant un ancien délégué syndical FO –, un censeur et un représentant du CE. Une analyse présentée dans le document de référence indique que, sur les 21 administrateurs, quatre seulement peuvent être considérés comme indépendance selon le code Afep-Medef.

Structure de l’actionnariat L’origine mutualiste du groupe lui confère une structure assez particulière, les caisses locales contrôlant les caisses régionales, elles-mêmes actionnaires de Crédit Agricole SA, ce qui laisse peut-être des possibilités d’interventions locales. Pour ce qui est de l’actionnariat, en termes de capital et de droits de vote, les caisses régionales en détiennent respectivement, environ 55,2 % et 55,42 %, les investisseurs institutionnels 32,1 % et 32,2 %, l’autodétention et les actionnaires individuels 8,2 % et 7,8 %, les salariés 4,6 % et 4,6 %.

L’approche du risque

Le groupe considère que les risques sont de nature économique, financière, juridique, opérationnelle. Les aspects sociaux ou environnementaux ne sont pas abordés. La Chine est ainsi seulement perçue comme un moteur de croissance. Le rapport ne tient aucunement compte des problèmes sociaux et environnementaux auxquels ce pays pourrait être confronté et qui pourraient fragiliser sa performance économique et, indirectement, celle des entreprises qui y sont implantées.

Les risques relatifs à la réputation résultant de problématiques sociales, sociétales, environnementales ou éthiques sont évoqués et intégrés dans les risques de non-conformité mais les dispositifs instaurés sont peu développés.

Pour ce qui est des LBO (leverage buy-out), dont les exigences de rentabilité peuvent avoir des impacts sociaux, le Crédit Agricole SA reconnaît une exposition de 0,3 milliard d'euros sur un dossier.

Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence Pour ce qui relève de la RSE à proprement parler, le rapport qui lui est consacré s'avère agréable à consulter et bénéficie d’une présentation claire. Cependant, il ne réunit que 28 % des données chiffrées attendues dans le cadre de la méthodologie développée par CFIE-conseil ; il n'obtient au final que la note de 47 sur 100 et occupe la 37e place sur les 52 entreprises étudiées dans son étude 2010 portant sur la transparence des informations sociales et environnementales dans les rapports annuels.

Principaux engagements nationaux ou internationaux Crédit Agricole SA est, depuis 2003, signataire du Pacte mondial des Nations unies, qui couvre le respect de principes sociaux et environnementaux. Toutefois, celui-ci n’implique pas de sanctions en cas d’infractions, hormis une éventuelle exclusion en cas d’absence de

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reporting. En 2003, la filiale CIB a participé à l'élaboration des Principes d’Équateur (respect de neuf principes dont l’évaluation sociale et environnementale des projets financés). Mais la CIB a été dénoncée par l’association écologiste les Amis de la Terre pour violation, en 2006, de ces principes dans le cadre du financement d’un projet d’usine de pâte à papier de Botnia en Uruguay. En avril 2010, la Cour internationale de justice a condamné l’Uruguay pour le non-respect de ses obligations dans ce dossier amenant le commentaire de l’association : « Le Crédit Agricole et les autres banques françaises doivent tirer les conséquences qui s’imposent et considérer comme essentielles, les composantes humaines et géopolitiques des projets qu’elles financent ». Le dossier N°36 de la revue Analyse financière relevait huit controverses à fin septembre 2010 sur des projets que Crédit Agricole SA finance.

Dans un autre registre, des filiales sont signataires des Principes de l’investissement responsable (PRI), mais il semble qu’il s’agisse davantage de démarches individuelles, les adhésions s’étalant de 2006 à 2010. Cette autonomie apparente laisse peut-être la place à une possible émulation sur des questions sociales ou environnementales. Dans ses documents, la banque met en avant les structures signataires.

De même, Crédit Agricole SA a signé la Charte de la diversité en 2008 (cf. site Internet de la charte de la diversité en entreprise), suivi par sa filiale Crédit Agricole Asset Management (devenu Amundi depuis la fusion avec une entité de la Société générale). Mais, à nouveau, ceci ne paraît pas être généralisé à toutes les sociétés détenues.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Sur les questions sociales, Crédit Agricole SA se détache favorablement par son traitement de l’évolution des salariés et de la formation. Les promotions internes y sont présentées, et ceci en distinguant les hommes et les femmes et les différentes catégories de personnel (cadre, non cadre...) mais cela ne concerne que le périmètre France alors que d’autres informations du même registre sont élargies à l’international. C’est le cas pour la formation, pour laquelle les données indiquent le nombre de salariés formés et le nombre d’heures de formation par salarié. Néanmoins, leur nombre passe en moyenne de 36 en 2008 à 30 en 2009 sans qu’aucune explication sur cette baisse ne soit avancée. L’écart entre le taux de dépenses en France (4 %) et celui se rapportant au monde (2,4 %) ne donne pas non plus lieu à commentaires. Ces éléments questionnent sur la part revenant à la volonté de la direction de l’entreprise de faire progresser les salariés et sur la part relevant de la réglementation ou d’éventuels avantages fiscaux. Des exemples plutôt pertinents de formation dans différentes entités illustrent le propos (Eurofactor, Sofinco). Ceci étant, le rapport indique une répartition détaillée du nombre d’heures de formation dispensées suivant 16 thèmes : ressources humaines, hygiène et sécurité… Même si on doit admettre que l’indication du nombre d’heures de formation consacrées aux droits humains et à l’environnement est rare dans les rapports, on note que ce type de formation recueille le plus faible pourcentage parmi l’ensemble des formations proposées. La présentation des systèmes d’information RH et la professionnalisation des acteurs RH ajoute de la consistance au contenu.

L'aspect rémunération apparaît également traité assez convenablement. Les salaires sont indiqués en distinguant les cadres et les non cadres ainsi que le genre. Mais là encore seules les données françaises figurent dans les documents. Les chiffres font également état de revalorisation de tout ou partie des salaires de base, et le périmètre France concerné est indiqué

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(92 %). Dans les émoluments des cadres dirigeants, il est fait référence à des objectifs non économiques tels que la création de valeur sociétale mais sans plus de précision, ce qui ne permet pas d'apprécier les axes sur lesquels la direction souhaite faire porter ses efforts.

Crédit Agricole SA met l’accent sur la promotion de l’emploi des femmes, des personnes handicapées, des jeunes et des seniors, mais il gagnerait à préciser sa politique et ses actions vis-à-vis de ces publics. Pour apprécier l'importance de la gent féminine, un tableau opportun est mis à disposition. Il indique sa part dans les effectifs, les CDI, le comité exécutif, les cercles managériaux et dans les 10 % des effectifs de chaque filiale ayant les plus hautes rémunérations fixes. Ce niveau de détail est assez peu courant dans les rapports d’entreprises.

Dans un autre registre, l’accompagnement de Crédit Agricole SA pour la pandémie grippale est méritoire, mais la lutte contre d’autres maladies comme le sida pourrait également bénéficier de cette attention au vu de l’importance de la prévention sur le lieu de travail.

Sur l'aspect sociétal, on peut relever des points positifs comme la signature de la charte des droits humains2 et de celle de la parentalité3, l'accès au rapport d'activité pour les malvoyants et les premiers résultats prometteurs de la fondation de micro-crédit Grameen Crédit Agricole, créée en 2008 et qui a soutenu 14 opérations dans 10 pays dont une est illustrée au Mali.

La charte des droits humains, un ensemble d’engagements pris par Crédit Agricole SA (source : site Internet Crédit Agricole SA)

La position de la filiale CIB de ne plus accorder de nouveaux concours à des entreprises directement impliquées dans la production ou le commerce des mines antipersonnel ou de bombes à sous-munition paraît intéressante, bien que l'on ignore si cela se généralisera à toutes les entités de Crédit Agricole SA et que cette initiative ait été vraisemblablement « encouragée » par les campagnes d’opinion sur le sujet et la récente législation française.

Dans le domaine environnemental, des avancées peuvent être constatées : compensation carbone partielle pour les sites franciliens, lancement d’éco-prêts à taux zéro, objectifs pour certaines structures de réduction des émissions de CO2 sur le transport…

2 Cette Charte des droits humains reprend, sous l’acronyme RESPECT, l’ensemble des engagements du groupe en matière de : reconnaissance, égalité, sécurité, participation, équité, cohérence et territoires. 3 La Charte vise à faire évoluer les représentations liées à la parentalité dans l’entreprise ; créer un environnement favorable aux salariés-parents, en particulier pour la femme enceinte ; respecter le principe de non-discrimination dans l’évolution professionnelle des salariés parents.

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Les faiblesses du reporting Le rapport souffre cependant de plusieurs lacunes.

Le bilan carbone de Crédit Agricole SA remonte à la période 2007-2008, mais on ignore s'il a été ou sera renouvelé et son périmètre est restreint à l'entité francilienne. Les équivalents CO2 émis ne sont fournis que pour la consommation énergétique – négligeant toutes les autres sources d'émissions – et pour un nombre limité de sociétés, même si le périmètre de consolidation a été légèrement étendu (trois filiales supplémentaires par rapport à 2008). Crédit Agricole SA n'indique pas non plus les émissions générées par les projets bénéficiant de l'octroi de ses prêts.

Des partenariats en faveur de l'environnement (Agence Bio, LPO) sont bien cités, mais on en ignore la teneur et l'importance. Au vu de l'histoire de Crédit Agricole SA et surtout de sa très forte présence auprès des agriculteurs, les informations fournies sur ce qui est qualifié, dans un des documents, de soutien à une agriculture respectueuse de l'environnement apparaît nettement insuffisant.

Pour ce qui concerne les Principes d'Équateur déjà évoqués, des chiffres globaux sont exposés mais aucun exemple concret n'est présenté. Il en est de même pour le contrôle de leur bonne mise en application.

L'aspect sociétal, quant à lui, pâtit de l’absence d'information sur les paradis fiscaux où le groupe est pourtant présent et du manque de données sur les œuvres sociales et le mécénat. Les actions qui devraient être concomitantes à l'adhésion au Pacte mondial et aux conventions de l'Organisation internationale du travail ne sont pas développées. La description des relations avec les parties prenantes s'avèrent également très sommaire et se concentre essentiellement sur les clients et les actionnaires.

Le volet social, quant à lui, enregistre des contre-performances en termes de transparence en ce qui concerne l’emploi. Ainsi, les motifs des licenciements sont occultés, ainsi que l’importance du recours à la main-d’œuvre extérieure.

Dans le domaine de l’hygiène-santé-sécurité, le maintien du nombre d’accidents du travail par rapport à l’an passé mériterait que soient présentés les plans envisagés pour les réduire.

Le thème de l’égalité des chances gagnerait encore en crédibilité si la politique suivie, par exemple en Arabie Saoudite, était évoquée, de même que la place faite aux représentants du personnel dans les pays où la restriction des droits syndicaux est notoire. À ce propos, les bilans des accords collectifs à l’étranger ne figurent pas dans les documents, ce qui ne permet pas d’apprécier l’écoute du groupe à une échelle mondiale et sa force de proposition.

De même, l’absentéisme n’est fourni que pour le seul périmètre France. La présentation de l’organisation du travail est déficiente, les heures supplémentaires sont omises, de même que l’indication des durées de temps de travail pour les salariés à temps plein.

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Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Document de référence 2009 », « Rapport financier 2009 », « Rapport d’activité et de développement durable 2009 », « Accord sur la responsabilité sociale du groupe EDF », « 20 actions sociétales pour une contribution citoyenne supplément 2009 », « Étude annuelle 2010 sur l’information sociale et environnementale dans les rapports annuels des entreprises », site Internet de l’entreprise.

Activités

Le rapport d’EDF distingue les activités exercées en France, celles à l’international et les autres activités. Concernant la France, deux catégories existent : les opérations non régulées, les opérations régulées.

Les opérations non régulées d’EDF en France – activités en concurrence – comprennent la production électrique assurée par la direction Production-Ingénierie, la commercialisation de l’électricité et du gaz et l’optimisation amont/aval-trading.

EDF commercialise de l’énergie et des services à plus de 26,2 millions de clients (hors DOM et Corse). Il est à signaler que les clients disposant de faibles ressources peuvent accéder aux tarifs sociaux de l’énergie, qui donnent droit à une réduction sur leurs factures d’électricité et de gaz naturel ainsi qu’à la gratuité de la mise en service. EDF possède également des filiales œuvrant dans les services d’efficacité énergétique (études, réalisation des travaux, maintenance des équipements, financement des investissements et appui à l’obtention des autorisations et subventions).

La direction Optimisation Amont/Aval & Trading (DOAAT) a pour vocation principale d’assurer l’équilibre, pour l’électricité et le gaz, entre ressources amont et débouchés aval d’EDF en France et de maximiser la marge brute de l’ensemble intégré amont/aval.

Les opérations régulées en France comprennent : le transport (géré par RTE-EDF Transport SA), la distribution (gérée par ERDF et l’opérateur commun avec GDF-Suez,) les activités dans les systèmes énergétiques insulaires (Corse, DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon), gérées par la direction Systèmes énergétiques insulaires.

Pour ce qui est de l’international, le groupe est significativement présent, par ordre décroissant de chiffre d’affaires, au Royaume-Uni (environ un tiers du chiffre d’affaires France), en Allemagne, en Italie. Il est également implanté mais de manière nettement moins importante dans d’autres pays d’Europe occidentale, d’Europe centrale et de l’Est, aux États-Unis, en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

La dernière catégorie – les autres activités – regroupe l’ensemble des autres participations : EDF Énergies nouvelles, détenu en 2009 à 50 % par EDF (depuis août 2011, EDF en détient 100 % des parts), Électricité de

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Strasbourg, dont 89,07 % appartiennent à EDF, Tiru, filiale à 51 % du groupe et spécialisée dans la valorisation énergétique des déchets sous forme d’électricité et de vapeur destinée au chauffage urbain ou à des usages industriels, Dalkia, EDF Investissements.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance Henri Proglio a été nommé président-directeur général d’EDF par décret du 25 novembre 2009, sur proposition du conseil d’administration au président de la République.

EDF indique que, sous réserve des spécificités législatives et réglementaires qui lui sont applicables, les recommandations du code AFEP-Medef feront partie intégrante du code de gouvernement d’entreprise auquel se référera la société, en application de l’article L. 225-37 du code de Commerce. Cependant, compte tenu des règles légales particulières qui régissent la composition du conseil d’administration, EDF signale qu’il ne se conforme pas entièrement aux recommandations du rapport AFEP-MEDEF en ce qui concerne le nombre d’administrateurs indépendants au sein du conseil d’administration. En effet, le conseil d’administration comporte, sur un total de 18 membres, 12 administrateurs qui ne répondent pas aux critères d’indépendance retenus dans le rapport AFEP-MEDEF (6 représentants de l’État et 6 représentants des salariés ou des actionnaires salariés).

Structure de l’actionnariat La structure actionnariale s’établit comme suit au 31 décembre 2009, en termes respectivement de capital et de droits de vote : État (84,48 % et 84,49 %), institutionnels et particuliers (13,08 % et 13,08 %), actionnariat salarié (2,43 % et 2,43 %), autocontrôle (0,01 % et 0,00 %).

L’approche du risque

Pour sa gestion du risque, sur le plan environnemental, EDF aborde un spectre assez large : la sûreté nucléaire, la sûreté hydraulique, les installations de transport et de distribution, les accidents industriels ou les impacts sanitaires. Il est à noter également différents litiges relatifs à l’environnement : recours gracieux d’associations auprès des ministres chargés de la sûreté nucléaire (ministre de l’Économie et ministre chargé de l’énergie) d’ordonner la mise à l’arrêt définitif et la déconstruction de la centrale nucléaire de Fessenheim, intrusion informatique de l’ordinateur de l’ancien directeur de campagnes de Greenpeace courant 2006, nombreux litiges environnementaux mais également sociaux concernant la filiale (50 % des droits de vote pour EDF) italienne Edison.

Le groupe évoque aussi explicitement, ce qui est plutôt rare, un risque social : « La survenance de maladies professionnelles ou d’accidents du travail ne peut être exclue ». Toujours sur le plan social mais à propos de l’amiante utilisée, à fin décembre 2009, le montant cumulé des condamnations définitives d’EDF s’agissant d’actions contentieuses en reconnaissance de fautes inexcusables de l’employeur s’élève à 19,8 millions d’euros. Au 31 décembre 2009, une provision de 30 millions d’euros est comptabilisée dans les comptes d’EDF au titre des contentieux d’indemnisation des victimes. EDF cite aussi les litiges en matière sociale avec des salariés concernant notamment le calcul et la mise en œuvre du temps de repos.

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Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence Sur la forme, EDF dédie un document assez dense à son rapport d’activité et de développement durable. Hormis le fait que cette approche, sur le principe assez louable, n’est pas complètement réussie, certaines informations intéressantes portant sur la RSE, comme des références à l’Organisation internationale du travail doivent être recherchées ailleurs. Le niveau global de transparence apparaît moyen, avec des volets traités de manière inégale. Le sociétal, le plus abouti, est de bonne qualité, tant sur l’exhaustivité que sur la précision, tandis que le social, très performant sur le premier axe mais pénalisé par le deuxième, s’avère au final tout juste convenable. Quant à la partie environnementale, elle se révèle décevante. Un nombre assez significatif de thématiques est certes abordé mais de façon trop imprécise.

Principaux engagements nationaux ou internationaux EDF est signataire du Pacte mondial de l'ONU depuis le début des années 2000, un engagement peu contraignant reposant sur le respect de dix principes de développement durable, ce qui en fait tout de même une des premières entreprises françaises adhérentes. L'énergéticien a, de plus, signé en France la charte nationale de la diversité en 2006. Par ailleurs, un Contrat de service public a été conclu le 24 octobre 2005 entre l’État français et EDF, en application de l’article 1 de la loi du 9 août 2004. Il comprend quelques clauses de RSE telles que le maintien d’une production électrique sûre et respectueuse de l’environnement ou encore la cohésion sociale. À l’international, l’accord triennal de groupe sur la responsabilité sociale d’entreprise, signé le 24 janvier 2005 avec les représentants des salariés au niveau mondial, est le cadre dans lequel les sociétés signataires du groupe formulent des objectifs et développent des plans d’actions de responsabilité sociale dont le suivi est assuré par le Comité de dialogue RSE. Un nouvel accord RSE a été signé pour quatre ans avec l'ensemble des fédérations syndicales. Couvrant sept pays et 14 sociétés du groupe, il renforce le dialogue sur ses engagements, en particulier sur la sous-traitance, le changement climatique et la biodiversité.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Sur le plan social, l’aspect lié aux rétributions constitue le point le mieux traité. L’intéressement, les charges sociales, l’actionnariat salarié, les avantages en chèque emploi service pour les jeunes parents sont couverts. Une demande faite auprès du ministère d’inscrire EDF sur la liste des entreprises publiques pouvant distribuer de la participation aux résultats est même citée. Il convient de relever que la moitié de l’intéressement (part du groupe) est calculée en fonction du degré d’atteinte d’objectifs définis dans le programme de management environnemental, qui prévoit six critères précis d’atteinte d’objectifs éthiques, environnementaux et sociaux. Pour les rémunérations à proprement parler, celles-ci sont ventilées par catégorie de personnel (cadre, technicien, agent d’exécution), mais on peut regretter que leur historique ne soit pas communiqué, ne permettant donc pas d’apprécier dans le temps la politique de redistribution salariale.

Les relations professionnelles s’avèrent également d’assez bonne facture. Il est, par exemple, prévu par un accord que tout salarié doit pouvoir rencontrer son manager à échéance régulière. Cependant, aucune donnée chiffrée n’est communiquée sur sa réalisation. Le dialogue social, quant à

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lui, est assez largement exposé avec les différentes instances présentes au sein du groupe, la présentation synthétique de l’accord cadre sur la RSE signé par l’ensemble des représentants syndicaux et quatre fédérations internationales, le pourcentage de salariés couverts par des conventions collectives, la réaffirmation de son engagement à respecter l’autonomie et l’indépendance des organisations syndicales.

Pour ce qui concerne les accidents du travail, EDF fournit le taux de fréquence et de gravité pour 2009 et, constatant leur baisse par rapport 2008, souligne que « les progrès réalisés en 2009 confortent la position d’EDF dans le peloton de tête des entreprises françaises et des énergéticiens européens ». Si ces résultats paraissent encourageants, on regrettera cependant, d'une part, que les statistiques sur les performances des concurrents en la matière ne soient pas communiquées, permettant ainsi d'étayer cette affirmation et, d'autre part, que l'on ne connaisse pas les raisons de cette diminution que l'on espère ne pas simplement résulter d'une baisse d'activité. L'énergéticien semble également se préoccuper des sous-traitants, donne des informations sur l'exposition au rayonnement des intervenants et affirme, à travers un projet baptisé MOPIA, renforcer la préférence donnée aux prestataires qui investissent dans la qualité, la sécurité, la formation et les conditions de travail de leur personnel. Néanmoins, les taux de fréquence et de gravité les concernant ne sont pas communiqués. L'absentéisme, qui est un indicateur du climat social, figure bien pour le périmètre d’EDF SA, mais pas son évolution ni ses motifs.

Sur l'égalité des chances, EDF affiche une politique volontariste, déclinée en plan d'actions par métier qui donne lieu à une revue annuelle dédiée. Néanmoins, son périmètre d'application mériterait d'être davantage explicité. Il est en effet difficile d'établir si cette politique concerne tout le groupe. Sur la place accordée aux femmes, des données sont disponibles : pourcentage de femmes dans le collège cadres, effectif et surtout écart de rémunération avec les hommes, qui est inférieur à 1 %, ce qui mérite d'être salué. Pour les personnes handicapées, on dispose également de statistiques ainsi que pour les seniors, même si, pour ces derniers, la phrase du document de référence : « En l’absence d’accord signé avec les organisations syndicales, un plan d’actions a été établi, présenté en Comité Central d’Entreprise en décembre 2009 et sera déployé en 2010, conformément à la législation (décrets du 20 mai 2009) » gagnerait à être commentée. Les jeunes, quant à eux, ne sont pas en reste, EDF et ERDF ayant des objectifs fixés en faveur de la formation en alternance en accueillant plus de 4 000 jeunes en alternance. Un accompagnement est prévu, ce qui est rarement mentionné dans les rapports, avec la mobilisation de plus de 3 000 salariés, en tant que tuteurs et maîtres d’apprentissage. Cependant, bien que la lutte contre les discriminations sur l’origine (ethnique, nationale, culturelle, religieuse, etc.) soit citée, les documents ne fournissent pas de statistiques sur les nationalités présentes. De même aucune référence n'est faite à des actions spécifiques vers des publics fragilisés, personnes issues de quartiers sensibles ou encore les chômeurs de longue durée.

Au niveau sociétal, EDF mentionne explicitement les conventions de l'Organisation internationale du travail et affirme se préoccuper des personnes les plus en difficulté pour l'accès à l'énergie. Il est ainsi rappelé que, en Slovaquie, le groupe a créé des partenariats avec des fabricants pour qu'ils puissent acheter à coût moindre des appareils de chauffage moins consommateurs. En France, des kits énergie contenant notamment des lampes basse consommation sont distribués avec un accompagnement personnalisé pendant un an par un travailleur social formé par EDF. Il est à signaler qu'un dispositif d’alerte éthique a été mis en place en janvier 2004 afin d’interpeller le délégué éthique sur toute question, alerte ou plainte à caractère éthique. Ce dispositif est ouvert aux salariés de l’entreprise, aux partenaires extérieurs et aux clients. EDF a, par ailleurs, créé en 2008, le

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Conseil sociétal, présidé par le philosophe Dominique Bourg. Il examine la stratégie sociétale d’EDF. On déplorera cependant que cette instance ne fournisse pas son analyse dans les différents documents normalement destinés aux différentes parties prenantes.

Pour ce qui est de l'environnement, le groupe affiche une volonté politique ambitieuse en termes d'émissions de CO2 et prend « L’engagement […] de rester en tant que Groupe, le moins émetteur des grands énergéticiens européens ». Les émissions de gaz carbonique sont communiquées de même que celles du N2O ou encore du CH4. À propos de ce dernier gaz à effet de serre, dont le pouvoir de réchauffement global (PRG) est vingt-cinq fois supérieur à celui du CO2, on observe une augmentation importante (de 5,3 kilotonnes équivalent CO2 en 2008 à 35,8 en 2009), sans que ceci donne lieu à un quelconque commentaire.

L'emprise foncière est abordée. Le groupe admet que ses activités industrielles peuvent entraîner une pollution des sols et signale qu'un projet gère ces questions sur l’ensemble des actifs fonciers du groupe. Celui-ci se déroule en quatre étapes : recensement des sites fonciers, identification de ceux qui sont potentiellement pollués, analyse des sols et éventuelle réhabilitation en fonction de l’usage futur et des exigences réglementaires. Sur la biodiversité, EDF place son action dès le début des années 1980, sur la restauration des grands axes de migration des poissons contrariés par les barrages. Il met également en exergue ses partenariats avec des organisations non gouvernementales, des universités et des laboratoires de recherche mais ne donne comme illustration que des exemples touchant sa Fondation EDF Diversiterre.

Document de référence 2009 EDF : quelques indicateurs développement durable

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Les faiblesses du reporting Sur le volet environnemental, EDF n’insère pas dans la partie dédiée aux indicateurs développement durable les événements nucléaires (« En 2009, un événement de niveau 2 dans le domaine de la sûreté a été répertorié […]. Le nombre moyen d’événements recensés de niveau 1 en 2009 est de 1,2 par réacteur et le nombre moyen d’événements non classés (niveau 0) est de 9,3 par réacteur ») ni l’état de vieillissement des différentes centrales dont le démantèlement est à sa charge, avec, pour le nucléaire, la répartition du nombre de tranches par âge.

EDF s'est doté d'un Panel développement durable composé, selon les termes même de l'énergéticien, de personnalités internationales, indépendantes et spécialistes de domaines relatifs aux enjeux du groupe ou représentant les attentes et les intérêts de la société civile. Ils ne font pas connaître leur opinion dans les différents documents écrits analysés.

Dans un autre registre, au niveau des polluants locaux, les émissions gazeuses de SO2 sont mesurées, mais l'accroissement enregistré entre 2008 et 2009 n'est pas commenté alors même qu'est indiqué ailleurs : « Ainsi, de 2005 à 2008, à énergie constante, en France continentale, les rejets du parc ont diminué de 4 % pour les SO2 ».

Concernant les déchets, les commissaires aux comptes constatent que « les indicateurs de déchets conventionnels non dangereux relatifs aux activités de distribution en France étaient sous-estimés, l’ensemble des différents types de déchets conventionnels n’ayant pas été collectés ». Pour les déchets dangereux, leur quantité double quasiment de 2008 à 2009 sans qu’aucun commentaire ne soit avancé.

Sur le plan sociétal, la lutte contre la corruption est bien évoquée mais plutôt timidement, et le lecteur cherchera en vain les dispositifs de lutte contre ce fléau qui pénalise la société civile, les actionnaires et le personnel des entreprises. Sur le lobbying, EDF signale bien qu'il a signé la pétition Seal the Deal adressée par l’ONU et la société civile aux gouvernements, à la veille de la Conférence de Copenhague, mais il ne communique pas sa position générale sur le sujet.

Le volet social souffre notamment du peu de données ventilées par zone géographique. Des informations globales concernant les rémunérations, les accidents, les licenciements… présentent assurément de l’intérêt mais connaître ces éléments déclinés pour la Chine, le Brésil… apporterait un éclairage supplémentaire sur la diffusion des valeurs prônées par le groupe.

Par ailleurs, l'aspect sécurité, relativement bien traité comme on l'a vu, comporte malgré tout certaines déficiences. Le nombre d'accidents mortels est bien communiqué ainsi que son évolution mais si, pour le groupe, une diminution est enregistrée, il n'en est pas de même pour EDF SA, qui le voit passer de 6 en 2008 à 8 en 2009, sans qu'aucun commentaire ne soit émis. Les procédures permettant d'établir les taux de fréquence et de gravité ne paraissent pas suffisamment fiabilisées. Les commissaires aux comptes indiquent que « le contrôle de la collecte des données, permettant le calcul des taux de fréquence et de gravité des accidents du travail, devrait être renforcé par une réconciliation entre les informations suivies par les ‘chargés de santé sécurité’ et celles suivies par les gestionnaires des contrats de travail ».

Dans un autre registre, l'aspect évolution et formation des salariés est décevant. Si le pourcentage de la masse salariale consacré à des actions de formation, le nombre d’heures de formation effectuées en moyenne par salarié, le nombre de salariés ayant bénéficié d’une formation ainsi que leur

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évolution sont communiqués, le lecteur ne dispose guère d'informations sur la répartition des enseignements par type de formation. De même, la déclinaison par catégorie professionnelle ou par pays ne figure pas, ni les efforts en faveur de la main-d'œuvre la moins qualifiée. Le groupe affirme, par ailleurs, que « le recrutement et la mobilité au sein du Groupe sont des leviers essentiels pour assurer le renouvellement de ces compétences » et qu’il poursuit « son programme de redéploiement des métiers en décroissance (tertiaire, fonctions centrales) vers les métiers d’appel ». Toutefois, il ne donne pas d'éléments sur les possibilités offertes à ses salariés pour s’orienter en fonction de leurs souhaits et des opportunités. Un accord pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est bien évoqué, mais il est postérieur à la date de clôture (2010). Le taux d’évolution entre les différentes catégories socioprofessionnelles permettant d'évaluer l'efficacité de la promotion interne n'est pas non plus communiqué. Les motifs des licenciements ne sont pas connus et, à l'exception des effectifs, les données concernant l’emploi ne sont pas déclinées par genre et catégorie.

Quant à l'organisation du travail à temps partiel, si des statistiques sont délivrées, les différentes possibilités existantes ne sont pas présentées, pas plus que la répartition des employés en fonction de ces formules. De plus, le nombre de salariés à temps partiel diminue depuis trois ans sans que des éléments d'explication ne soient avancés.

Enfin, concernant, les conflits sociaux, le groupe les évoque, ce qui n'est pas si fréquent dans les rapports, et indique que le dialogue social a été maintenu. Néanmoins, il n'accorde pas de tribune dans les documents aux représentants syndicaux, ce qui permettrait pourtant de démontrer sa volonté de les considérer comme des interlocuteurs à part entière.

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4. Groupama

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Groupama bâtisseur, humaniste, durable – rapport annuel 2009 », « Résultats annuels 2009 », « Documents de référence Groupama SA 2009 », « Groupama pour une RSE au quotidien ».

Activités

L’activité de Groupama SA peut se répartir en trois grandes catégories : l’assurance en France, l’assurance à l’international et enfin les activités bancaires et financières.

L’assurance en France apporte la plus importante contribution au chiffre d’affaires global. Elle-même est traditionnellement décomposée en deux sous-catégories : l’assurance de la personne et l’assurance de biens et responsabilité. La première englobe la santé individuelle, la prévoyance et l’épargne retraite individuelles, les assurances collectives. L’assurance de biens et responsabilité, quant à elle, comprend l’automobile, le multirisques habitation, les services (assistance, télésurveillance, téléalarme, dépendance, protection juridique, assurance crédit), les assurances agricoles, les assurances des professionnels, des collectivités, des entreprises ainsi que le maritime et le transport.

L’assurance internationale (assurance personnes et biens) réalise un chiffre d’affaires total de 4 259 millions d’euros.

Concernant les activités bancaires et financières, on peut distinguer cinq activités : Groupama Banque, Groupama Asset Management (dédié à la gestion d’actifs), Groupama Immobilier, Groupama Private Equity (dédié à la gestion d’actifs non cotés) et enfin Groupama Épargne salariale.

Pour 2009, Groupama SA a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 14 459 millions d’euros, pour un effectif total de 22 372 salariés.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance En préambule, il convient de faire un point sur l'organisation particulière de Groupama. Les sociétaires élisent leurs représentants au niveau local (61 000 élus), qui élisent eux-mêmes leurs représentants au niveau régional et national. Les administrateurs choisissent les responsables du management. Les élus participent ainsi à toutes les instances de décisions du groupe qu’elles soient locales (4 800 caisses locales), régionales (15 caisses régionales) ou nationales, au travers des fédérations et des conseils d’administration de Groupama SA et de ses filiales. Il existe donc deux périmètres au sein de Groupama : le périmètre combiné qui comprend l’intégralité des entités du groupe et les caisses régionales pour 100 % de

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leurs activités et le périmètre consolidé dont Groupama SA est la holding de tête. Son activité comprend, en plus de l’activité des filiales, environ 40 % de l’activité des caisses régionales, activité captée par le mécanisme de réassurance interne.

Le président de Groupama SA est Jean-Luc Baucherel, en poste depuis le 26 août 2004.

Bien que non coté, Groupama SA indique appliquer le code de gouvernement d’entreprise en AFEP-Medef, à l’exception de trois de ses recommandations : la durée des mandats des administrateurs nommés par l’assemblée générale des actionnaires n’est pas de 4 ans mais de 6 ans, le nombre d’administrateurs indépendants ne représente pas tout à fait le tiers du nombre total des administrateurs composant le conseil d’administration (pourcentage recommandé pour les sociétés disposant d’un actionnaire de contrôle), le comité des rémunérations et des nominations n’est pas composé d’une majorité d’administrateurs indépendants.

Structure de l’actionnariat Au 31 décembre 2009, l’actionnariat était réparti comme suit : 90,91 % (Groupama Holding), 8,99 % (Groupama Holding 2), 0,10 % (autres : essentiellement des salariés, anciens salariés et mandataires exclusifs). Groupama Holding et Groupama Holding 2 sont les sociétés holding de Groupama SA dont les actionnaires sont les caisses régionales d’assurances et de réassurance mutuelles agricoles.

L’approche du risque

Les références à l’environnement concernent les catastrophes naturelles mais, à travers elles, la partie consacrée au risque de réassurance indique « les changements climatiques intervenus au cours des dernières années, notamment le réchauffement global de la planète, ont contribué à renforcer le caractère imprévisible et la fréquence des événements climatiques et des catastrophes naturelles dans les régions où Groupama est présente, en particulier en Europe, et ont créé une nouvelle incertitude quant aux tendances de risque et à l’exposition de Groupama pour l’avenir ».

Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence Groupama SA n'est pas une société cotée et n'est donc pas assujetti à la loi NRE. On apprécie donc que le rapport précise à quelle partie de cette loi les indicateurs de RSE communiqués se réfèrent. L'existence d'un document dédié à la RSE est également une initiative louable, mais nombre d'informations, telles que les indicateurs, figurent dans d'autres documents ce qui en limite la clarté. La qualité globale de la transparence n'est pas au rendez-vous et les informations sont trop souvent limitées à la France. Si le volet sociétal s'avère de bonne facture, ceux relevant de l'environnement et du social n'atteignent pas le minimum requis, péchant par manque d'exhaustivité et surtout de précision.

Principaux engagements nationaux ou internationaux Le groupe a adhéré assez récemment – le 7 février 2007 – au Pacte mondial des Nations unies. Il a signé la même année la charte de la

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diversité lancée fin 2004 par Claude Bébéar et Yazid Sabeg. En 2008, un accord groupe sur la Diversité et l’Égalité des Chances a été signé par cinq des six organisations syndicales. Cet accord, dont les quatre principaux volets sont la diversité culturelle, l’emploi des travailleurs handicapés, l’égalité femmes-hommes et la gestion des âges, a été conclu pour une durée indéterminée et s’applique à l’ensemble des entreprises du groupe (Groupama SA, ses filiales et les caisses régionales), soit plus d’une cinquantaine d’entreprises et plus de 27 000 collaborateurs en France. Par ailleurs, Groupama s’est engagé dans le cadre du plan gouvernemental « Espoir Banlieues » en signant avec les pouvoirs publics français le 15 mai 2008 « l’Engagement national pour l’emploi des jeunes des quartiers ».

Les points forts / avancées du reporting / nuances Dans le volet social, la lutte contre la discrimination se révèle traitée de manière plutôt satisfaisante. La politique dans ce domaine a conduit à la nomination d’un correspondant Diversité Groupe et à la mise en place d’un réseau de correspondants diversité au sein des sociétés, 250 collaborateurs des ressources humaines ayant été sensibilisés et formés à la lutte contre les discriminations et à la promotion de la diversité. Les données sur la gent féminine sont assez nombreuses, avec le pourcentage de recrutement à l'international et, pour la France, les taux de promotion parmi les cadres, la proportion de femmes... Des informations, comme le nombre de recrutements ou les effectifs, sont fournies pour les personnes handicapées, les seniors, les jeunes, mais également pour les personnes issues des quartiers difficiles. Cependant, pour ces dernières catégories, les données chiffrées ne concernent que la France et ne permettent donc pas d'apprécier à quel point l’approche est diffusée au sein du groupe.

La formation et l’évolution sont étayées par des exposés du site intranet Mouvy de recrutement interne, des cursus de formation proposés, comme celui de la gestion de patrimoine lancée en partenariat avec l’Association universitaire de recherche et d’enseignement sur le patrimoine de l’Université de Clermont-Ferrand, et le budget consacré à la formation en France. Mais la plupart des informations disponibles ne concernent que les managers, et on aimerait connaître les possibilités accordées aux autres salariés. Au vu des ambitions affichées du groupe, on peut légitimement supposer en effet que ceux-ci seront également fortement sollicités.

Mouvy, un programme d’évolution et de formation des salariés chez Groupama (source : site Internet du groupe Groupama)

La thématique relative à l'emploi se voit gratifiée de données sur les effectifs de l'ensemble du groupe, les recrutements par zone géographique et par nature de contrat (CDD ou CDI), ainsi que sur les licenciements mais sans que les motifs de ceux-ci ne soient précisés.

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Pour ce qui est du volet sociétal, Groupama organise des conférences sur différents thèmes, parmi lesquels la nutrition ou l’élimination des facteurs de risques comme le tabac ou l’alcool pour lutter contre le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Il est à signaler également qu'à la demande des médecins, Groupama et la MSA ont lancé deux services de prévention dans les Ardennes et en Dordogne, s'intéressant notamment à la prévention de l’obésité avec une prise en charge nutritionnelle individuelle par une diététicienne pour les patients en surpoids. Les relations avec les parties prenantes, étant donné la structure même de l'organisation française, qui s'appuie sur les sociétaires, sont évidemment abordées. Cependant, il n'est pas fait mention de dialogue avec d'autres types d'interlocuteurs, comme des ONG, qui pourraient pourtant amener du « sang neuf ». Se pose aussi la question des filiales assurances à l’étranger dont le caractère mutualiste ou non mériterait d’être explicité.

Au niveau environnemental, l'investissement socialement responsable est mis en avant de manière assez convaincante. La date précoce d'entrée (2001) sur ce marché est rappelée, le niveau des encours indiqué ainsi que leur répartition par catégorie (obligataire, monétaire...), et la politique de vote aux assemblées générales, même si cette dernière n'est pas étayée par des chiffres sur le nombre de résolutions soutenues ni leur nature.

De son côté, l'aspect énergétique est partiellement traité avec : la présentation de démarches comme « Green IT », visant à réduire la consommation et les coûts énergétiques informatiques, la réalisation d'études systématiques lors des remplacements des systèmes de chauffage à Groupama Immobilier, l'encouragement des clients à adopter des comportements plus écologiques (via des produits tels que « pay as you drive »), la consommation d'énergie pour une large part du groupe mais sans répartition par pays ou par type d'énergie primaire.

La consommation de papier, quant à elle, donne lieu à un exposé assez développé. Des volumes sont fournis ainsi que l'évolution par rapport à l'année précédente. L'accroissement constaté est assorti d'un commentaire pour le justifier, le taux de papier recyclé ou labellisé est indiqué (100 %). Néanmoins, les quantités de papier concerné comprennent ceux pour le bureau, le marketing mais pas l'éditique de masse ni l'international.

Les faiblesses du reporting Pour ce qui est de l'environnement, Groupama indique que « Grâce à ses partenariats techniques et au savoir-faire capitalisé par ses ‘préventeurs’, formalisé dans des référentiels, Groupama apporte aux exploitants agricoles des conseils opérationnels […], des recommandations concrètes dans la conformité des installations d’énergies renouvelables ». Si cette expertise touche certes au monde agricole, on pourrait supposer que cela conduit Groupama à s'intéresser aux énergies propres, or les différents documents n'en font pratiquement pas état. En ce qui concerne les rejets dans l'air, le groupe communique sur ses émissions de CO2 mais uniquement sur celles liées aux déplacements professionnels et encore uniquement par train ou avion et hors international. De plus, les chiffres 2008 indiquent les tonnes équivalent CO2 mais pas le kilométrage noté comme « n.d. ». Une phrase en commentaire signale que « Les chiffres indiqués pour l’indicateur des déplacements professionnels ont été obtenus en 2009 avec un nouveau calculateur » mais ne précise pas ce qui a changé. Le lecteur reste donc dubitatif sur ces données.

L'aspect déchet est certes évoqué au sein du GIE logistique, avec quelques initiatives comme celle concernant l'immeuble Michelet avec la mise en place de poubelles de bureau doubles pour le tri (papier/DIB), mais on ne

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connaît souvent pas le résultat obtenu, hormis pour Groupama Insurances (Royaume-Uni), pour lequel est spécifié que « Plus de la moitié des bureaux n’utilise plus les gobelets en plastique – chaque employé a sa propre tasse. Le nombre de gobelets utilisés/recyclés a baissé de 47 % ».

Quant aux moyens consacrés à la réduction des risques pour l’environnement, ils se résument en tout et pour tout à « Groupama Immobilier (Actions sur les immeubles de placement). Diagnostics pour les locations et les ventes. Montant pour 2009 : 78 000 euros pour les diagnostics locatifs et 229 000 euros pour les diagnostics de ventes. Groupama Insurances (Royaume-Uni). Un comité RSE composé de ‘Champions’ de chaque bureau se réunit régulièrement afin de discuter des projets RSE et environnementaux ». Ces « champions » diffusent-ils leurs réflexions et leurs idées aux autres entités d’assurance, les thématiques de l’environnement pouvant se révéler non pas des obstacles imposés qu’il faut surmonter mais des sujets d’échanges et de partage, touchant un grand nombre, permettant de tisser des liens entre les salariés et de renforcer la cohérence et donc la constitution d’une identité commune. Le lecteur relèvera l’absence de référence à la certification ISO 14001 pour l’environnement et à OHSAS 18001 pour la santé et la sécurité au travail.

Sur le plan sociétal, la lutte contre la corruption n'est pas mentionnée explicitement alors que le groupe est présent au Vietnam, classé, selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International 2010, 116e sur 178. Malgré des relations très étroites avec le monde agricole, la position de Groupama sur le lobbying n'est pas connue, ceci étant pourtant un point qui mériterait d’être clarifié pour éviter d’éventuelles dérives. Les paradis fiscaux sont également omis, bien que le Groupama détienne, avec Lux life, une filiale au Luxembourg. Par ailleurs, Groupama SA détient une filiale bancaire et n'aborde pourtant pas la thématique des ménages surendettés, alors même que le déroulement et les impacts de la crise sont largement exposés.

En ce qui concerne le volet social, si les documents rappellent que la thématique de la prévention des accidents des agriculteurs remonte aux origine du groupe et si Groupama continue de lancer des initiatives, comme en Turquie, pour favoriser la visibilité des tracteurs ou encore dans le domaine de la sécurité routière, avec des centres où les conducteurs pourront assister à la reconstitution d’accidents « grandeur nature » à bord de véhicules spécialement équipés, le lecteur cherchera en vain des données précises sur la santé, l'hygiène et la sécurité des collaborateurs. Ni les accidents, ni la prévention, ni l'absentéisme touchant les salariés ne sont évoqués. On ignore ainsi le taux de fréquence et de gravité des accidents en interne, qui devrait pourtant concerner une société d'assurances.

Selon le rapport d’activité, 70 % des collaborateurs sont satisfaits de leur équilibre vie privée / vie professionnelle. Il n’en reste pas moins vrai que les 30 % restants ne le sont pas et il apparaît donc légitime de s’en préoccuper. Les salariés fragilisés étant plus souvent sujets à la maladie, à la dépression, etc., ceci représente un coût humain, sociétal et financier pour lequel des actions de prévention s’avèrent nécessaires.

La description de l’organisation du travail se révèle elle aussi déficiente. Elle se limite au périmètre des collaborateurs évoluant en France. Les différentes formules de temps partiel ne sont pas présentées et les heures supplémentaires ne sont pas réparties par métier, ce qui ne permet pas, par exemple, de mesurer les efforts demandés aux commerciaux pour atteindre les objectifs ambitieux de Groupama SA.

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L'aspect rémunération se révèle lui aussi pauvre. À l'exception des émoluments des mandataires sociaux, très détaillés, et d'un chiffre brut de charges de personnel et sociales, les documents ne fournissent pas de salaires moyens (ou mieux, par tranche) par catégorie, par pays, pas d'évolution salariale... ne permettant donc pas d'évaluer le caractère juste et équitable des rémunérations des collaborateurs. De plus, la participation et l'intéressement se limitent à la France. Or, un groupe qui escompte figurer dans le top 10 européen se doit a minima de donner une vision européenne des avantages qu’il accorde à l’ensemble de ses salariés. Pour ce qui est des œuvres sociales destinées aux salariées et à leurs proches, celles-ci ne sont pas détaillées dans les documents, alors que la politique de mécénat donne lieu à une présentation assez développée. Si le groupe affirme proposer à l’ensemble de ses collaborateurs des systèmes de santé, prévoyance, épargne salariale et retraite, leur permettant de faire face aux aléas de la vie et de cotiser en vue de la retraite, à l’exception du plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), aucun chiffre du nombre de souscriptions n’est avancé. Il n’est, par ailleurs, pas fait mention d’éventuels avantages bancaires proposés aux salariés, alors que le groupe se définit désormais comme appartenant au secteur de la bancassurance.

Quant à la sous-traitance et aux fournisseurs, Groupama SA s'est doté d'une direction Logistique et Achats groupe au service de toutes les sociétés du groupe en France comme à l’international. Celle-ci s’est fixée comme objectif de miser sur toutes les synergies afin de maîtriser au mieux coûts et qualité de ses prestations mais ne semble pas avoir intégré dans son approche de dimension relative au développement durable : clauses contractuelles incluant des critères de RSE, contrôles effectués chez les fournisseurs… Il est à noter néanmoins que le volume de sous-traitance en jour/homme est bien communiqué, mais il ne s'agit que d'une donnée globale, donc non ventilée, et ne concerne une fois de plus que la France.

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5. Lagardère

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Document de référence 2009 », « Repères 2009/2010 », « Rapport de développement durable 2009 », « Etude annuelle 2010 sur l’information sociale et environnementale dans les rapports annuels des entreprises », site Internet.

Activités

Largardère SCA est une « holding » composée de quatre pôles dont le cœur est constitué de Lagardère Media, qui réalise la quasi-intégralité du chiffre d’affaires et comporte l’essentiel des collaborateurs.

Le premier pôle, Lagardère Publishing, est dédié à la publication, la vente et la distribution de livres.

Lagardère Active rassemble des activités de presse magazine (ELLE, Paris-Match...), licensing (octroi de licences), radio (Europe 1, RFM...), chaînes thématiques (Canal J, Gulli...), production et distribution audio-visuelles, régies publicitaires, édition numérique (Doctissimo.fr, ELLE.fr…), agence numérique et une participation de 20 % dans Canal +.

Lagardère Services s'articule autour de deux métiers. D'une part, le commerce de détail regroupant le commerce dédié au service des voyageurs et celui de proximité en centre ville et en centres commerciaux et, d'autre part, la distribution de presse aux points de vente. Il regroupe ainsi un réseau international de magasins dédiés à la vente de produits de loisirs culturels, de boutiques duty free et de magasins spécialisés… Il est également leader mondial de la distribution de presse. Devant le recul des ventes tabac/presse, Lagardère Services a initié un certain nombre de partenariats avec des enseignes telles que Nature & Découvertes (Suisse), Paul (République tchèque)…

Lagardère Sports (actuel Lagardère unlimited) se concentre sur les droits média, c'est-à-dire la gestion et l'exploitation des droits de diffusion d'un événement sportif sur des supports traditionnels ou numériques.

Les activités dites « hors branches » comprennent la gestion de l’image des sportifs, notamment l’exploitation du centre sportif de La Croix Catelan, situé au cœur du bois de Boulogne.

Lagardère SCA détient également des participations minoritaires dans diverses autres activités. Celle dans EADS s’élève en 2009 à 7,5 %.

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Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance Lagardère SCA est une société en commandite par actions. Ce type de structure regroupe, d'une part, des associés commanditaires qui sont les apporteurs de capitaux ; ils ont la qualité d'actionnaires et ne sont commercialement responsables qu'à concurrence du montant de leur participation, d'autre part, des associés commandités, qui dirigent la société mais qui ont toujours la qualité de commerçant et sont donc responsables sur leurs biens propres des dettes éventuelles de la société. Le statut de SCA permet aux associés commandités de garder la direction de l'entreprise, même s'ils sont minoritaires dans le capital et facilite la transmission de l'affaire. Mais l'associé commandité est responsable du passif de la société. En outre, son inamovibilité peut rebuter les commanditaires potentiels.

Au 31 décembre 2009, le comité exécutif de Lagardère SCA était composé d’Arnaud Lagardère gérant commandité, des co-gérants Philippe Camus et Pierre Leroy, ainsi que de Pierre d’Hinnin, Thierry Funck-Brentano (devenus tous deux co-gérants depuis), Jean-Paul Gut et Ramzi Khiroun.

Le document de référence indique que « compte tenu des spécificités légales et statutaires de la société en commandite par actions Lagardère, le conseil a adopté une organisation qui lui a paru adaptée à la nature des missions qui lui sont confiées par la loi et aux travaux que le Code AFEP-MEDEF lui recommande d’effectuer dans un souci de bonne gouvernance ». Cependant, il fournit des commentaires sur quelques recommandations qui à cet égard n’ont pas trouvé application et sur celles qui n’étaient pas appliquées jusqu’à une période récente, mais que le conseil a décidé d’adopter. Il est à souligner que Martine Chêne, représentante syndicale CFDT, participe au comité de surveillance du groupe. Lors de l'assemblée générale des actionnaires de 2010, le financier franco-américain Guy Wyser-Pratte, à la réputation prédatrice, a critiqué vertement Arnaud Lagardère et a proposé dans une résolution sa candidature pour entrer au conseil de surveillance et une autre pour l’abandon du statut de commandite. Une large proportion d’actionnaires votants a rejeté ces deux propositions, mais une partie de la presse a relayé les propos mettant en doute les capacités de stratège d’Arnaud Lagardère4.

Structure de l’actionnariat Au 31 décembre 2009, la structure de l’actionnariat se répartit (capital et droits de vote) comme suit : Lagardère Capital & Management (9,62 % et 13,86 %), investisseurs institutionnels français (20,00 % et 21,34 %), investisseurs institutionnels étrangers (58,51 % et 52,26 %), public (7,26 % et 10,37 %), autocontrôle (3,23 % et 0,00 %) et enfin salariés du groupe (1,38 % et 2,17 %). Pour ces derniers, 0,59 % le sont soit au titre du plan d’épargne à travers des fonds communs de placement, soit directement à travers l’épargne salariale ou la participation.

4 « Lagardère ne répond plus », Libération, 30 mars 2010.

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L’approche du risque

La question des risques environnementaux est abordée assez succinctement et axée sur des sites acquis ayant un passé industriel et pouvant potentiellement générer des atteintes à l’environnement. Il est à noter que la politique d’assurance ne fait pas mention explicite de couverture concernant l’environnement. Le risque lié au papier, dont Lagardère Active et Publishing est friand, n’est abordé qu’en termes de prix. Par ailleurs, un litige existe entre une filiale brésilienne et un organisme brésilien, l’IBAMA, en charge de la protection de l’environnement, portant sur l’introduction illicite sur le territoire national d’espèces animales sans les autorisations requises par la loi et pouvant conduire à une amende de 15 millions d’euros. Pour Lagardère SCA, il s’agit d’insectes pris dans la résine, aussi sa filiale n’est-elle pas en infraction. Un premier appel a déjà été rejeté en avril 2009, un second recours est en cours depuis mai 2009.

Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence L’existence d’un document spécifique dédié au développement durable de bonne lisibilité – même si des informations intéressantes (temps de travail partiel par genre, durée de temps de travail par zone géographique…) contenues dans le document de référence n’y sont pas reprises – joue en faveur de la transparence de Lagardère SCA. La qualité globale de la transparence s’avère correcte mais inégale selon les volets (social, environnemental, sociétal). Le volet social est le plus abouti, avec un point particulièrement bien traité sur les rémunérations. Le volet environnemental mériterait d’être enrichi, mais c’est surtout sur le plan sociétal que des progrès notables devraient être accomplis. Pour un groupe positionné sur les média, et donc censé être à l’écoute de la société, le niveau atteint n’est pas au rendez-vous, sans compter le peu de références à la liberté.

Principaux engagements nationaux ou internationaux Le groupe Lagardère fait explicitement référence à des principes qu’il affirme inspirer l’action de l’entreprise en France et à l’étranger. Ceux-ci sont les principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du travail (OIT) – et ses huit conventions fondamentales – les principes directeurs de l’OCDE édictés à l’intention des entreprises multinationales. Cependant, son véritable engagement tangible se manifeste à travers la signature du Pacte mondial, qui invite les entreprises à adopter, soutenir et appliquer dans leur sphère d’influence un ensemble de 10 valeurs fondamentales dans les domaines des droits de l'Homme, normes du travail, environnement, lutte contre la corruption. Celui-ci est avant tout un contrat moral, somme toute assez peu contraignant, toutefois, il faut mettre au crédit de Lagardère SCA que son adhésion remonte à 2003, ce qui est assez précoce.

Pour ce qui est de la liberté de la presse, Lagardère SCA indique qu’il « attache une importance particulière à la liberté de la presse et agit activement dans le combat pour le droit d’informer et d’être informé ». Cependant, comme illustration, il ne met en avant qu’une initiative au sein de Lagardère Services, avec le soutien de Relay France depuis près de 10

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ans, au bénéfice de l’association Reporters sans frontières (RSF), en vendant l’ouvrage photographique annuel de l’association et en lui reversant l’intégralité des bénéfices et des partenariats pour la défense de la liberté de la presse. Il convient à ce propos de relever la citation attribuée à Arnaud Lagardère, sans toutefois, il est vrai, avoir été ni confirmée ni démentie par l’intéressé, « C’est quoi l’indépendance en matière de presse ? Du pipeau. Avant de savoir s’ils sont indépendants, les journalistes feraient mieux de savoir si leur journal est pérenne »5.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Sur le plan social, la rubrique rémunération s’avère particulièrement bien exposée. Les aspects augmentation de salaire, part variable, intéressement plan d’épargne, charges sociales y sont abordés. Le salaire brut moyen pour les CDI, par catégorie socioprofessionnelle, par genre et par zone géographique est également présenté, et les écarts constatés sont commentés. Cependant, les arguments avancés ne sont guère convaincants, et les différences salariales entre les hommes et les femmes sont indiqués comme s’expliquant « essentiellement par des disparités liées à la nature des emplois et des responsabilités exercés ainsi qu’aux différences d’âge, d’ancienneté et de qualification existant entre les deux populations ». Le lecteur souhaiterait naturellement connaître ce qui se trouve au-delà du « essentiellement ». Pour ce qui est de la correction de ces inégalités, le groupe affirme bien son intention de « contribuer à l’égalité entre les rémunérations des hommes et celles des femmes à condition égale d’emploi et de qualification » mais ne se fixe pas d’objectif en termes de délais et n’indique pas non plus les moyens qu’il compte y consacrer.

Le dialogue social, quant à lui, est décrit de façon détaillée : différentes instances existantes, nombre d’accords collectifs et leur nature, effectifs couverts par ceux-ci, ainsi qu’une référence à des accords passés en Inde. Lagardère Active indique qu’une charte de « bonnes relations dans l’entreprise pour les sociétés du groupe » a été élaborée au cours de l’année 2008 et remise à l’ensemble des salariés. Toutefois, sa teneur n’est pas présentée, même dans les grandes lignes, et on ignore si elle sera étendue à l’ensemble du groupe Lagardère SCA.

En termes d'emplois, Lagardère SCA présente de manière pertinente l'effectif permanent par CSP, genre et branche, son évolution, sa répartition par zone géographique et selon la tranche d'âge, la typologie des entrées par motif (embauches, fusion, etc.) ainsi que celle des sorties (licenciements économiques, retraite...), le taux de recours aux CDD. Néanmoins, des baisses d’effectifs ont été observées entre 2008 et 2009, l’effectif moyen total permanent et temporaire passant de 29 989 à 29 519 et, si les pays affectés sont cités – la France étant cette fois-ci épargnée –, Lagardère SCA n’indique pas les éventuelles mesures d’accompagnement prises.

La thématique du temps de travail donne lieu à un exposé assez complet sur les heures supplémentaires, le nombre de jours de travail par zone géographique, le nombre de salariés à temps partiel mais, sur ce dernier point, des précisions mériteraient d’être apportées sur les différentes formules d’organisation du travail proposées et les salaires afférents, afin de permettre de mieux apprécier les efforts pour, selon l’expression du rapport, favoriser des conditions de travail harmonieuses. Un point

5 Thierry Gadault, Arnaud Lagardère, l’insolent, Maren Sell éditeurs, Paris, 2006, p. 204.

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spécifique pourrait également être fait sur les journalistes. Pour mémoire, une enquête menée en 2006 par la Fédération internationale des journalistes auprès de syndicats de trente-huit pays avait conclu que « l’emploi dans les médias s’est précarisé, insécurisé, intensifié ».

Au niveau sociétal, comme indiqué plus haut, la signature du Pacte mondial en 2003 constitue l'engagement le plus marquant même si l'on peut regretter que n'y soient pas associées d'actions précises, alors même que Lagardère SCA indique qu'il communique chaque année sur les progrès réalisés auprès des institutions mandatées par les Nations unies. La politique de mécénat mérite d'être signalée, avec la fondation ELLE créée en 2004, mais également avec la fondation Lagardère, qui a fêté son vingtième anniversaire en 2009. On regrettera cependant que les budgets gérés par les deux fondations ne soient pas spécifiés.

Concernant le volet environnemental, le papier est un élément important pour Lagardère Publishing et Lagardère Active. Pour assurer une gestion efficace et responsable du papier, Lagardère SCA estime que son intervention doit s'étendre de l’acquisition du papier à la gestion des invendus, en passant par toutes les étapes de fabrication des livres, journaux et magazines. Ainsi, les imprimeurs sont notamment interrogés sur leur politique d’hygiène et de sécurité, rejoignant par là des préoccupations sociales, l’utilisation de produits dangereux, les émissions dans l’air (comme les composés organiques volatils liés à l’évaporation de solvants contenus dans certaines encres). Pour étayer sa position, Lagardère présente des chiffres sur l'évolution du papier consommé montrant une baisse globale, sur la part de papier fabriqué avec de la pâte issue de bois provenant de forêts gérées durablement et certifiées FSC ou PEFC, sur la gestion optimisée des invendus ou encore sur le nombre de papetiers certifiés selon la norme ISO 14001. Tous les imprimeurs français sélectionnés par Lagardère Active sont labellisés Imprim’vert et certifiés ISO 14001. Il est à noter que le pourcentage de papetiers certifiés ISO 14001 de Lagardère Publishing en 2008 est présenté comme étant égal à 95 % dans le rapport de développement durable (p. 67) et à 65 % dans le document de référence (p. 96).

L'aspect énergétique est également assez bien couvert avec l'évolution de la consommation par branche, année, type d'énergie (gaz, fioul...), ainsi que les mesures prises pour sa réduction ou son optimisation, comme l'isolation des locaux, le recours aux énergies renouvelables. Le groupe Lagardère présente aussi des initiatives qui visent à améliorer l’impact du transport, deuxième défi environnemental selon le groupe, à la fois dans les phases de fabrication et de distribution, comme le rapatriement de Mulhouse à Corbeil de l’impression du cahier publicitaire de Télé 7 Jours, qui permet d’éviter le transport sur 450 km de 60 tonnes par semaine. Sur ce sujet, il n'est pas fait mention d'éventuelles conséquences sociales. Il convient également de signaler le système de covoiturage via intranet de la filiale Aelia, qui a émergé grâce au programme de management des idées « Imaginactions ». Celui-ci est particulièrement adapté aux horaires décalés des vendeurs des boutiques d'aéroports qui les empêchent souvent de prendre les transports en commun.

Les faiblesses du reporting Dans le domaine environnemental, les nuisances sonores ne sont pratiquement pas abordées. Certes, Lagardère SCA n'est pas une entreprise industrielle mais, a priori, les transports de la presse qu'il effectue peuvent générer du bruit, que ce soit lors des phases de chargement ou déchargement ou de circulation des véhicules. On serait davantage

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convaincu par l'absence de nuisance, si des parties prenantes potentiellement concernées avaient été interrogées et déclaraient ne pas être incommodées, ce qui n'est pas le cas.

Dans un autre registre, la préoccupation de la biodiversité transparaît à travers les labels PEFC ou FSC, et l'équilibre biologique est évoqué pour le site de La Croix Catelan mais pas pour les autres implantations du groupe. La prise en compte de cet aspect favorise la nature mais peut également rendre plus agréable les lieux de travail. Par souci de transparence, on pourrait s'attendre à voir évoquer dans le rapport consacré au développement durable le différend qui oppose la filiale brésilienne à l'IBAMA, mais il n'y figure pas.

Pour le volet sociétal, aucune mention n'est faite au développement local. Les activités économiques et les emplois indirects générés par l'activité de Lagardère ne sont pas évalués, pas plus que les contributions fiscales versées aux Etats dans lesquels il est implanté. Dans un autre registre, si Lagardère SCA entretient des liens avec la société civile à travers ses fondations et des partenariats limités avec WWF et l'association Planète urgence, ou questionne ses sous-traitants sur leur politique RSE, cela ne constitue cependant pas un réel processus de dialogue qui lui permette d'en faire bénéficier pleinement sa stratégie de développement durable.

Le volet social, quant à lui, pèche notamment sur la question du traitement des seniors. Si leur sort n'est nullement évoqué dans le rapport de développement durable, le document de référence y fait allusion, mais seulement en évoquant les obligations de négociation faites par le gouvernement français. Les minorités visibles sont elles aussi absentes des différents documents. Les maladies professionnelles et les pathologies ne sont pas non plus traitées, même si l'on peut se poser des questions, par exemple, sur les troubles musculo-squelettiques résultant de la manipulation de paquets de magazines. Le dernier point concerne l'absence de parole donnée aux diverses parties prenantes, dont les représentants du personnel.

Quelques priorités du groupe Lagardère dans son rapport Développement durable 2009

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6. Legrand

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie principalement sur l’examen des documents suivants : « Document de référence 2009, « Legrand et le développement durable », site Internet.

Activités

Legrand conçoit des produits destinés aux installations électriques et aux réseaux d'information pour le marché tertiaire, résidentiel et industriel. Ces produits se répartissent en quatre catégories. Tout d'abord, le contrôle et la commande de l'énergie électrique (40 % du chiffre d’affaires) incluant les systèmes de confort (interrupteur, contrôle de la température...), la sécurité (éclairage de secours, alarme...), la communication (réseaux vidéo, téléphonique, informatique et plus particulièrement domotique...). Vient ensuite le cheminement de câbles (moulures, goulottes…), dont il est leader mondial. La troisième catégorie est la distribution d'énergie (disjoncteur, tableau de distribution…). Enfin, le segment « Voix, Données, Images » est dédié aux systèmes de pré-câblage pour réseaux informatiques, panneaux de connexion pour fibre optique et cuivre... Legrand détient 140 filiales et participations.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance Monsieur Gilles Schnepp assure les fonctions de président et de directeur général de la société.

Structure de l’actionnariat Au 31 décembre 2009, la structure de l'actionnariat se répartissait comme suit (participation et droits de vote) : Wendel 24,9 % et 32,4 %, KKR 24,9 % et 32,4 %, flottant 44,5 %, capital auto-contrôlé 0,5 % et 0 %, enfin management et salariés 5,2 % et 5,4 %. Les sociétés d'investissement (KKR, Wendel) sont réputées pour leurs exigences de rentabilité et leur présence se traduit généralement par une gestion serrée qui peut générer une pression non négligeable sur les salariés. Wendel et KKR ont depuis allégé leurs positions et la répartition du capital et des droits de vote à fin novembre 2011 sont désormais les suivantes : Wendel (5,8 % et 10,1 %), KKR (5,8 % et 10,1 %), flottant (84 % et 75,7 %), capital auto-contrôlé (0,26 % et 0 %), management et salariés (4,1 % et 4,1 %).

L’approche du risque

Pour ce qui concerne les risques environnementaux, ceux-ci sont évoqués dans la partie spécifique du document de référence consacrée aux risques,

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où l’on apprend qu’une provision de 2,2 millions de dollars a été constituée pour des demandes de dépollution concernant un site à Syracuse (Etats-Unis). Une assurance en responsabilité civile et environnement a par ailleurs été souscrite, dont le plafond de garantie s’élève à 60 millions d’euros par sinistre.

Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence Une partie spécifique du document de référence est consacrée au développement durable, mais on n’y retrouve pas de mention à certaines informations importantes (organisation interne de la RSE, répartition des effectifs...) qui figurent à d'autres endroits (autre chapitre ou site Internet), ce qui nuit à la transparence. Si l'aspect environnemental s'avère correctement traité (mais figure dans le chapitre consacré au positionnement stratégique de l’entreprise), le sociétal et plus encore le social sont déficients, des thèmes étant occultés (représentation syndicale…), ou manquent de précision (répartition des effectifs en CDD et CDI…).

Principaux engagements nationaux ou internationaux Legrand France a signé la charte de la diversité en mars 2009 et indique sur le site Internet qui référence les entreprises signataires : « Nous avons un projet d'audit de 2 process RH en 2010 pour les pays majeurs du groupe pour s'assurer du caractère non-discriminatoire mais également aller au-delà et s'inscrire dans une promotion de la diversité ». Cet élément n’est malheureusement pas repris dans le document de référence 2009. Legrand a adhéré relativement récemment au Pacte mondial (2006), qui n’implique pas de réelles sanctions en cas de non-respect des principes. Il affirme que « le travail forcé et le travail des enfants, prohibés au sein du groupe et chez ses prestataires sont fermement combattus », mais ne dispose apparemment pas d’organe de contrôle pour l’application de cette directive. Legrand a, par ailleurs, participé à l’élaboration de la charte « Dix engagements pour des achats responsables » régissant les relations entre grands donneurs d’ordre et PME et l’a signé en 2010.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Au chapitre social, l’accent mis sur l’intégration des personnes handicapées donne lieu à un paragraphe qui lui est consacré. Les initiatives du groupe en France, qui se traduisent notamment au niveau du recrutement, du partenariat avec des établissements en milieu protégé, sont intéressantes. Les actions sur ce thème menées également en Italie renforcent la crédibilité du propos, de même que la nomination d’un responsable diversité Groupe chargé de coordonner les démarches. Des données chiffrées sont fournies, qui distinguent la France et le périmètre monde. Cependant, au vu de leur écart (5,8 % et 2,2 %), on aurait aimé obtenir quelques explications sur les éventuelles difficultés ou spécificités des divers pays d’implantation. L’ajout des seuils obligatoires nationaux de recrutement des personnes handicapées (6 % pour la France) lorsqu’ils existent permettrait de mieux apprécier les progrès accomplis. Toujours au titre de la diversité, la place faite aux femmes donne lieu à de nombreuses statistiques : recrutement, répartition des effectifs par catégorie professionnelle, ancienneté et âge, mais les écarts salariaux ne sont pas

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communiqués. Cela permettrait de mieux apprécier la réalité des efforts engagés pour l’intégration de la gent féminine.

Dans le registre de la sécurité, on note le contrôle systématique de conformité d’un équipement de travail à réception, y compris en cas de transfert intragroupe. L’indice de fréquence des accidents chez les sous-traitants est donné. Il chute d’ailleurs de manière importante (2,36 en 2008 à 0,88 en 2009), sans que l’on en connaisse les raisons. Dans une entreprise contrôlée par des entreprises financières, la prévention des risques psychosociaux paraît a priori salutaire, et Legrand a commencé à s’y atteler, apparemment récemment, peut être poussé par le « syndrome » France Telecom. La démarche française articulée selon trois axes est présentée mais de manière très générale : identification d’indicateurs, formation de l’encadrement, création d’un groupe de travail pour les périmètres sensibles. Celle-ci a permis à Legrand d’obtenir un « vert » dans le classement 2010 sur cette thématique, initié par le ministère du Travail français. Des formations internes construites autour de l’intelligence émotionnelle et de la prévention du harcèlement ont été dispensées mais on en ignore le nombre, et donc la réelle portée. La présentation des programmes mis en œuvre en Italie et en Colombie laisse supposer que le groupe dans son ensemble se préoccupe de ce sujet, mais le lecteur dispose d’encore moins de détails que dans l’exemple français.

Dans le volet sociétal, Legrand évoque l’assistance aux personnes en perte d’autonomie. Les produits fabriqués par l’entreprise intègrent en effet des fonctionnalités de sécurité, de confort, d’ergonomie… qui peuvent s’avérer utiles pour les personnes âgées. Il s’agit naturellement avant tout d’une opportunité commerciale pour la société, mais cela semble la conduire à ouvrir son champ de réflexion et d’actions et à élargir son cercle de parties prenantes. À ce sujet, Legrand cite un partenariat avec des médecins gériatres dans le cadre de Géropass, programme qui vise à l’aménagement de logements automatisés. Toutefois, aucun élément budgétaire ou de temps consacré n’est fourni. Les principes du Pacte mondial sont listés dans une table de correspondance avec les engagements et les avancements de Legrand, mais certains éléments ne sont pas entièrement convaincants. Ainsi, la lutte contre la corruption renvoie à la « Charte des fondamentaux »6, qui n’aborde pas explicitement ce point.

Pour ce qui concerne l’environnement, on ne peut que saluer la mise sur le marché de produits comportant des Profils Environnement Produit (PEP), c’est-à-dire des fiches établies avec des outils d’analyse environnementale reconnus, indiquant leur bilan matière, les impacts environnementaux (épuisement des ressources naturelles, effet de serre...), le potentiel de recyclage, etc. La part du chiffre d’affaires réalisée avec des produits PEP est présentée ainsi que son évolution et des objectifs quantifiés pour la France, l’Italie et les États-Unis mais pas pour l’ensemble du groupe. Cela permet toutefois d’apprécier l’investissement de Legrand en la matière. Le même type d’information se retrouve pour les bureaux d’étude déployant des démarches d’éco-conception avec, en sus, un objectif pour le groupe. Legrand a lancé un projet baptisé « Legrand Climat » pour la réduction des gaz à effet de serre, articulé selon trois domaines (maîtrise de l’énergie, éco-conception, transport) et pour lesquels il fournit un certain nombre d’éléments. Il indique dans le document de référence 2009 ses émissions de CO2 sur le « scope 1 » (consommation d’énergie directe) et « scope 2 » (consommation d’énergie achetée) et affiche un objectif de

6 Document rédigé par Legrand, applicable à l’ensemble des salariés du groupe, servant de guide pour identifier et traiter les questions d’éthique dans la conduite des affaires.

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– 10 % par rapport à 2006. Par ailleurs, depuis quatre ans, il participe au Carbon Disclosure Project, une initiative internationale dont l’objectif est de fournir des informations de qualité sur les actions visant à lutter contre le changement climatique.

Le développement durable et ses axes, groupe Legrand, 2010

Les faiblesses du reporting Les processus de fabrication ne sont pas présentés, et on a donc du mal à cerner leurs éventuelles conséquences sur l’environnement mais aussi sur la santé des salariés. Par exemple, les émissions de composés organiques volatiles (COV) sont présentées dans un paragraphe qui leur est consacré, mais sans que ne soit donné un minimum d’informations sur leur nocivité. En outre, le texte sur les COV, signale que leurs émissions sont en diminution de 37 % par rapport à 2006. Ceci est sans doute exact, mais l’examen des données chiffrées indique tout de même qu’elles ont augmenté par rapport à 2008 et l’objectif annoncé n’est que d’une réduction de 20 % par rapport à 2006 ! De même, la substitution progressive de la passivation au chrome hexavalent7 par du chrome trivalent mériterait un développement sur son intérêt sanitaire et environnemental si l’on souhaite réellement informer le lecteur qui, le plus souvent, n’est pas un spécialiste.

Les provisions constituées pour l’éventuelle dépollution d’un site à Syracuse (États-Unis) se devraient d’être évoquées dans la partie consacrée au développement durable, et l’origine du problème devrait être explicitée : s’agit-il d’une pollution historique héritée lors de l’acquisition du site, est-elle liée à un processus de fabrication abandonné ou toujours utilisé, etc. ?

Pour ce qui concerne la certification des sites selon la norme ISO 14001, l’objectif affiché est de maintenir un taux supérieur à 70 %, alors que, 7 Le chrome hexavalent en suspension dans l’air est cancérogène par voie respiratoire pour l’homme. De plus, c’est un allergène.

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depuis trois ans, celui-ci s’avère supérieur et atteint, en 2009, 84 %. Cet objectif qui paraît peu ambitieux nécessiterait un commentaire. Le pourcentage de déchets valorisés baisse de 84 % en 2008 à 82 % en 2009, et l’ambition est de maintenir un taux supérieur à 80 %. Là encore, ces données devraient être commentées. L’entreprise éprouve-t-elle des difficultés sur ce thème et de quelle nature ?

Pour l’angle sociétal, Legrand apparaît ne pas entretenir, à quelques exceptions près, de relations structurées avec ses parties prenantes. Ainsi, aucune mention n’est faite de dialogue avec des ONG internationales, pas plus qu’avec les riverains des sites. Le mécénat au bénéfice de l’association Électriciens sans frontières paraît louable et cohérent avec l’activité de l’entreprise, mais aucune précision n’est apportée quant aux sommes allouées ou au volume d’équipements cédé, ce qui ne permet pas d’évaluer son niveau de générosité. La contribution économique et le développement local sont évoqués, mais cela ne donne pas lieu, là non plus, à un chiffrage permettant d’apprécier la volonté de Legrand de s’inscrire pleinement dans son tissu régional. Legrand paraît commencer à se préoccuper de diffuser une culture de développement durable auprès de ses fournisseurs, en les incitant à adhérer au Pacte mondial, mais le taux d’adhérents ne correspond pour l’instant qu’à 20 % du montant des achats et aucun objectif pour l’accroître n’est annoncé.

Concernant le volet social, la rubrique santé mériterait d’être sérieusement étoffée. Les maladies et les pathologies professionnelles ne sont pas évoquées. L’indicateur phare choisi par le groupe pour mesurer la santé au travail est « le nombre de personnes ayant eu un entretien (para) médical depuis moins de 5 ans ». Or, d’une part, celui-ci passe de 80 % en 2008 à 70 % en 2009 sans qu’aucune explication ne soit donnée et, d’autre part, aucun objectif n’est affiché8. Le taux de fréquence des accidents du travail avec arrêt augmente par rapport à l’année précédente, tandis que taux de gravité baisse sans que cela donne lieu à analyse. Le taux d’absentéisme n’est pas communiqué, ce qui est regrettable pour une entreprise qui affirme se préoccuper des risques psychosociaux.

De même, l’absence d’information sur l’organisation du temps de travail, les heures supplémentaires, les licenciements apparaît très préjudiciable, notamment parce que ces éléments peuvent être associés au stress ou aux accidents.

Si les informations concernant la participation, l’intéressement et le plan d’épargne entreprise sont décrits, l’aspect relatif aux rémunérations des salariés n’apparaît quasiment pas, hormis un chiffre brut global. Des données réparties par catégorie professionnelle, pays, ancienneté permettraient d’apprécier leur caractère juste et équitable ou non. On note des attributions gratuites d’actions mais elles ne concernent que certains membres du personnel et/ou mandataires sociaux et des sociétés liées. Ce sont sans doute les mêmes collaborateurs, 1 000 environ, qui bénéficient du portail « e-resources », constitué d’articles internes et externes et dont une des fonctions déclarée est de donner un supplément de sens dans un contexte fortement évolutif.

L’investissement en formation s’élève en 2009 à 16 heures en moyenne par salarié mais, là encore, aucune ventilation n’est faite par catégorie ou pays permettant de mieux cerner les bénéficiaires et donc l’équité du dispositif. La nature des formations dispensées n’apparaît pas non plus très détaillée.

8 Les états financiers font part d’une faible variation du chiffre d’affaires résultant d’un changement de périmètre.

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Le dialogue syndical n’est concrètement évoqué qu’une fois à propos d’un accord sur la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et compétences). Le lecteur ne dispose pas d’information sur la représentation syndicale au sein du groupe, pas plus que d’un bilan des accords collectifs. Legrand étant implanté dans plusieurs pays d’Europe, dont l’Italie de manière importante, on pourrait s’attendre à ce qu’une instance de type comité européen existe mais cela n’est pas indiqué. Legrand ayant adhéré au Pacte mondial qui promeut la liberté syndicale, un focus sur Seymour & Pass, sa filiale américaine, par exemple, donnerait plus de crédibilité à son engagement.

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7. PPR

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Document de référence 2009 », « Étude annuelle 2010 sur l’information sociale et environnementale dans les rapports annuels des entreprises » de CFIE-conseil, site Internet du groupe. Le document intitulé « Responsabilité sociale et environnementale, éléments 2009 » correspond intégralement au chapitre 3 du document de référence.

Activités

Le groupe PPR distingue l’activité grand public de celle du luxe. La première est constituée de trois entreprises (Conforama ayant été cédé en mars 2011 pour 1,2 milliard d’euros). En premier lieu, la FNAC.com. C’est un acteur majeur dans la distribution de produits culturels et technologiques en France, Belgique, Espagne et Portugal. L’entreprise est également présente en Italie, Suisse, Grèce et Brésil. Redcats, autre activité grand public, regroupe quant à lui des enseignes européennes (La Redoute, La maison de Valérie…) et américaines, notamment Brylane, tournées principalement vers la vente à distance dans le domaine de la mode, du meuble et de la décoration. La troisième activité grand public est portée par Puma, marque « sportlifestyle » au design s’inspirant du sport et de la mode, représentative d’un certain style de vie et inscrite dans une vision internationale.

L’activité luxe se concentre sur Gucci Group, un des acteurs mondiaux de ce domaine. Son portefeuille de marques comprend Gucci, Bottega Veneta, Yves Saint-Laurent ainsi que Balenciaga, Boucheron, Sergio Rossi, Alexander Mc Queen, Stella Mc Cartney.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance Le président-directeur général du groupe est François-Henri Pinault, fils du fondateur. À noter une intervention récente reprise dans la presse portant sur la RSE dans laquelle il a déclaré (Les échos, 22 mars 20111): « Ma vision stratégique pour PPR s'appuie sur la conviction profonde que le développement durable crée de la valeur. Il peut – et doit – conduire à un nouveau modèle d'entreprise particulièrement ambitieux, et devient un véritable levier de compétitivité pour nos marques. PPR HOME9 suscitera des approches novatrices et plus durables contribuant sur le long terme à

9 HOME est vraisemblablement une allusion au film du même nom de Yann Arthus-Bertrand, réalisé avec le soutien de PPR.

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un monde meilleur ». L’autre dirigeant mandataire social et directeur général délégué est Jean-François Palus.

Structure de l’actionnariat L’actionnariat de PPR se compose au 31 décembre 2009, respectivement en termes de capital et droits de vote de : 40,8 % et 55,4 % pour le Groupe Artemis détenu en pratique par la famille Pinault, 59,0 % et 44,5 % pour le public, 0,1 % et 0,0 % en auto-contrôle et enfin 0,1 % et 0,1 % pour les salariés. Au vu de ces chiffres, il apparaît que la famille Pinault est le véritable maître à bord, ce qui n’est pas sans incidence sur d’éventuelles avancées en termes de RSE. Les récentes déclarations du PDG, évoquées ci-dessus, peuvent-elles signifier une orientation affirmée vers le développement durable, a priori mieux adaptée à un groupe tourné vers le luxe et un lifestyle cherchant à se différencier de ses concurrents vers le haut, orientation à laquelle pourront être associées ses parties prenantes dont les partenaires sociaux ou sont-elles simplement un effet d’annonce ?

L’approche du risque

Les risques examinés comprennent les risques financiers, juridiques, d’assurance, opérationnels et, parmi ces derniers, figurent la contrefaçon, mais aussi deux catégories intitulées « qualité et sécurité des produits/risques sur la santé » et « image et réputation/respect des règles d’éthique et d’intégrité ». Des thèmes intéressant la RSE.

Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence PPR produit un rapport où le niveau de transparence s’avère tout à fait satisfaisant, qui l’amène ainsi à occuper la quatrième place sur les 52 entreprises analysées dans l’étude de CFIE-conseil de 2010. Si les trois volets (social, sociétal, environnemental) se révèlent assez équilibrés, le volet social constitue cependant son point fort, tandis que le sociétal et plus encore l’environnemental sont plus en retrait. Le rapport se caractérise par une approche assez large des thématiques de RSE, mais avec une précision moindre. Quant à la forme, le lecteur féru de RSE appréciera sans doute qu’un document spécifique et plutôt de qualité lui soit dédié.

Principaux engagements nationaux ou internationaux PPR a signé la Charte de la diversité en 2004 et fait partie des 33 premiers signataires. Ceci correspond à un engagement confirmé par le président en 2005 et applicable à l’ensemble du groupe. Il est également signataire du Pacte mondial de l’ONU, un engagement volontaire des entreprises à aligner leurs opérations et leurs stratégies selon dix principes relevant du développement durable, mais beaucoup plus tardivement, puisque son adhésion ne remonte qu’à l’année 2008. Gucci Group indique être engagé, mais sans préciser de date, dans le programme du processus Kimberley visant à certifier que les diamants bruts utilisés ne proviennent pas de zones de conflit financées par la production de diamants. Cette démarche sur laquelle beaucoup fondaient leurs espoirs a cependant montré ses limites. Ainsi en juin 2009, Ian Smillie, de l’ONG canadienne Partenariat Afrique Canada et l'un des membres fondateurs du Processus de Kimberley, a démissionné de son poste, accusant le régulateur de ne pas réglementer.

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PPR

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On pourrait attendre de PPR, qui occupe une place de choix dans le luxe, qu’il soit un des moteurs conduisant à sa révision. De même, le groupe cite son implication, mais, encore une fois sans date de référence, pour les peaux précieuses dans la convention CITES, dont l’origine provient du constat que le commerce des plantes et des animaux sauvages dépasse le cadre national et que sa réglementation nécessite la coopération internationale pour préserver certaines espèces de la surexploitation. Les objectifs du millénaire pour le développement, huit objectifs en fait, à atteindre en 2015 et qui répondent aux défis les plus importants du monde sont également évoqués. Pour ce qui est de la limitation des émissions de gaz à effets de serre, Puma et Gucci Group y font référence mais, comme indiqué plus en amont de ce document, le premier s’appuie sur « Climate Neutral Network » de l’ONU, tandis que le second évoque le recours à l’entreprise The CarbonNeutral Company. Le mode d’organisation général présenté comme « décentralisé fondé sur la délégation de responsabilité » laisse apparemment une certaine marge de manœuvre au sein du groupe, et donc peut-être des possibilités d’innovation à saisir.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Pour ce qui concerne la transparence du volet social, le thème relatif à l’égalité des chances est parmi les mieux traités du rapport. Le sort de nombreuses catégories, les femmes, les seniors, les travailleurs handicapés et même, ce qui est assez rare, les populations en grande difficulté tels que les chômeurs de longue durée, les jeunes de moins de 26 ans sans formation et sans emploi et les personnes sans domicile fixe… est examiné. Un regret cependant, aucun objectif précis chiffré, ni détail par zone géographique n’est fourni, ne permettant donc pas d’apprécier la diffusion et l’importance accordée à la mobilisation du groupe sur ce sujet.

Les possibilités d’évolution des collaborateurs dans le groupe PPR sont également rendues de manière particulièrement pertinente. Des informations sont ainsi communiquées sur les volumes horaires de formation et le nombre de collaborateurs, avec une déclinaison par zone géographique ou encore selon la catégorie ou le genre. Redcats indique avoir déployé des formations sur des savoir-faire de base pour les collaborateurs les moins qualifiés, fréquemment oubliés des programmes de formation. La VAE (validation des acquis de l’expérience), dispositif permettant de faire reconnaître ses compétences professionnelles pour obtenir un diplôme, est également évoquée, ce qui n’est, là encore, pas si fréquent. Néanmoins, s’il est fait allusion à un accompagnement de l’entreprise permettant des taux de réussite supérieurs aux différentes moyennes nationales, ceux-ci ne sont pas communiqués et concerne plus particulièrement la FNAC. Il convient aussi de relever que ces initiatives concernent deux entités que le groupe souhaite apparemment céder… PPR met en exergue que « le partage au sein du groupe des connaissances, des savoir-faire et des meilleures pratiques est systématiquement favorisé ».

Pour ce qui est des fournisseurs, le groupe affiche une politique de partenariat durable et possède, à tout le moins pour Puma, une équipe de 13 personnes dédiées à plein temps à la mise en conformité des fournisseurs, avec les principes éthiques défendus par la marque, même si ces derniers souffrent peut-être de lacunes, au vu du moins des accusations proférées par l’ONG China Labour Watch. Des audits sociaux sont réalisés mais la diminution de leur nombre donne lieu à un commentaire qui mériterait d’être approfondi. En effet, la baisse est présentée comme « notamment imputable aux efforts de rationalisation du parc de fournisseurs entrepris dans le groupe », mais on souhaiterait connaître les autres facteurs qui la justifient.

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PPR

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Les relations sociales donnent lieu à un développement assez convaincant. Les différentes instances de représentation du groupe (comité de groupe français, comité d’entreprise européen) sont présentées, ainsi que le nombre d’accords collectifs au niveau international, leur évolution dans le temps et le nombre d’heures de grèves. Le baromètre social interne mis en place en 2001 et étudié tous les deux ans apparaît intéressant mais n’associe apparemment pas les représentants du personnel à sa mise en œuvre et à l’analyse des résultats.

Sur le plan sociétal, la présentation des dispositifs de soutien à des actions de mécénat par la fondation PPR se révèle assez complète. Elle s’investit dans la micro-finance, dans des partenariats avec des ONG, le parrainage avec des bourses pour les entrepreneurs sociaux et indique encourager les projets des collaborateurs. Les budgets alloués sont communiqués, et une illustration concrète est donnée. L’implication dans le processus de Kimberley, malgré les limites évoquées en amont du présent document, ou encore la participation de la filiale de joaillerie Boucheron à la campagne « No dirty gold » orchestrée par l’ONG Earthworks dédiée à la protection des communautés de mineurs et de leur environnement contre les effets destructeurs de l'exploitation minière, donne l’apparence d’une entreprise investie. La lutte contre la corruption est également évoquée notamment dans le Code de conduite des affaires10, ce qui pourrait contribuer à renforcer cette image, mais peu d’éléments tangibles la concernant sont présentés, ce qui en définitive trouble un peu.

Le volet environnemental, quant à lui, s’illustre sur la question des gaz à effet de serre. La méthodologie de mesure est exposée avec clarté, les chiffres sont assez détaillés, et les actions menées exposées de manière convaincante, mais le reporting mériterait quelques améliorations. Le tout manque en effet de synthèse. Ainsi, des informations importantes doivent être cherchées sur le site Internet (taux de couverture par indicateur). Si, dans les commentaires, la comparaison est faite avec l’année précédente, les données de 2008 ne figurent pas dans les tableaux. Enfin, le recours à l’entreprise The CarbonNeutral Company ne donne lieu à la communication d’aucun élément global financier ou de volumétrie. L’aspect énergétique – avec la répartition de la consommation par type de source primaire (gaz, fioul…), le recours aux énergies renouvelables, les mesures d’économie prises… – s’avère bien développé. Il en est de même de la gestion des déchets, pour lesquels nous disposons de chiffres ventilés selon leur nature et l’évolution pro-forma entre 2008-2009. Cependant, toutes ces initiatives de réduction du CO2, déchets et énergie impliquent et sollicitent les collaborateurs mais apparemment de manière plutôt directive, et l’on souhaiterait mieux connaître la liberté qu’ont les salariés de proposer des initiatives sur ces thèmes.

10 Le Code de conduite des affaires de PPR formalise depuis 2005 les engagements du groupe vis-à-vis de ses parties prenantes internes et externes et les principes éthiques qui doivent guider les actions et les comportements de ses collaborateurs.

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Document de référence PPR 2009 : introduction de la partie RSE présentant les enjeux clés de la RSE chez PPR (2009)

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Les faiblesses du reporting Si PPR a adopté la convention CITES et met en avant, pour certaines collections, l’utilisation de produits fabriqués avec des matières issues de l’agriculture biologique, équitable, respectueuse de l’environnement (laine, coton…), les informations fournies sur les produits responsables sont parfois anecdotiques et ne sont pas assez détaillées pour donner une idée du réel investissement du groupe. L’absence d’objectifs ajoute à ce questionnement. On pourrait en effet s’attendre à ce qu’une compagnie qui se positionne sur le « lifestyle » et le luxe soit exemplaire dans sa transparence en la matière. Concernant les rejets aqueux, même si le document de référence présente des démarches en vue de limiter l’impact environnemental lié aux rejets de deux tanneries de Gucci en Italie, aucune donnée chiffrée n’est fournie. On ignore si d’autres sites bénéficieront de ces avancées, et le lecteur peut s’interroger sur l’impact des produits chimiques utilisés sur la santé des salariés. Point qui n’est pas abordé. À noter cependant que ces deux sites bénéficient de dispositifs pour maîtriser les nuisances olfactives dont on ignore s’ils seront étendus à d’autres.

Sur le plan sociétal, PPR ne paraît pas avoir mis en place de processus de dialogue formalisé avec ses parties prenantes externes. Là encore, on pourrait penser qu’un groupe de cette nature a tout intérêt à éviter de s’exposer à des reproches sur un sujet qu’il n’aurait pas anticipé. L’aspect lié au développement local et à la contribution en termes économiques – notamment dans des pays pauvres lorsqu’il vend ses produits de luxe à une clientèle privilégiée – et d’emplois indirects générés est peu développé.

Concernant le volet social, le document ne comporte pas de tableau présentant les différents sites de production avec leur nature d’activités, pays d’implantation, entité d’appartenance… permettant au lecteur d’avoir une vision synthétique du groupe PPR. Il est donc assez difficile de se faire une idée des éventuels problèmes environnementaux ou sanitaires qu’ils pourraient générer. À ce propos, les maladies et pathologies spécifiques aux différents métiers ne sont pas abordées. Le personnel du groupe officiant dans des métiers de vente auprès d’une clientèle exigeante ou sur les plates-formes logistiques à flux tendu ne sont-elles pas soumises au stress ? Le taux d’absentéisme augmente de 2008 à 2009 sans qu’un commentaire ne vienne expliquer ce chiffre. Quant aux heures supplémentaires, elles ne sont communiquées que pour la France. L’aspect rémunération mériterait d’être étoffé sur les écarts salariaux entre hommes et femmes, entre pays et sur les indemnités des stagiaires.

Par ailleurs, le fait que le rapport ne précise pas le volume des principaux types d’achat ne permet pas d’obtenir une vision claire sur les zones ou les produits sur lesquels PPR pourrait, en priorité, exercer sa capacité d’influence auprès de ses fournisseurs.

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8. PSA Peugeot Citroën

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Rapport annuel 2009 », « Résultats annuels 2009 », « Documents de référence 2009 », « Indicateurs de performance développement durable », « Étude annuelle 2010 sur l’information sociale et environnementale dans les rapports annuels des entreprises », site Internet.

Activités

L’activité du groupe s’organise selon sa propre nomenclature en cinq divisions.

La première concerne l’activité automobile et représente le noyau central de PSA. Il existe aussi des usines détenues avec d’autres constructeurs, l’italien Fiat, le japonais Toyota et le chinois DongFeng Motors.

La deuxième division est incarnée par Faurecia, sur laquelle on s’étendra peu car PSA l’exclut fréquemment de son reporting de développement durable. Faurecia est détenu à 57,4 % par le groupe. Équipementier automobile, Faurecia est concentré sur un nombre ciblé d’activités clefs de l’automobile. Dans chacun de ses métiers (sièges d’automobiles, systèmes d’intérieur, extérieur d’automobiles et technologies de contrôle des émissions), Faurecia occupe une place parmi les trois leaders mondiaux.

La troisième division est constituée de Gefco, acteur majeur de la logistique et filiale à 100 % de PSA. Les services de Gefco couvrent toute la chaîne logistique : transport terrestre via route ou rail, transport maritime et aérien, logistique industrielle, gestion des contenants, préparation et distribution de véhicules neufs, douane et représentation fiscale. La mondialisation de l’industrie et la spécialisation des unités de production ont conduit Gefco à proposer ses expertises supply-chain combinant différents services pour offrir des solutions de global sourcing, de logistique industrielle amont, de gestion des contenants et de logistique aval automobile.

Contrôlée à 100 % par PSA Peugeot Citroën, Banque PSA Finance représente la quatrième division du groupe et est étroitement associée à la politique commerciale des deux marques, Peugeot et Citroën. Banque PSA Finance assure, dans les 24 pays où elle est implantée, le financement des ventes des véhicules Peugeot et Citroën. Elle finance, d’une part, la clientèle finale (composée de particuliers et d’entreprises) et, d’autre part, l’activité réseaux de distribution, soit le financement des stocks de véhicules neufs, de véhicules de démonstration et de pièces de rechange.

La dernière division comprend notamment les activités de la tête de groupe Peugeot SA et de Peugeot Scooters.

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PSA PEUGEOT CITROËN

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Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance PSA est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Le président du conseil de surveillance est, depuis décembre 1998, Thierry Peugeot. Le président du directoire est, depuis le 1er juin 2009, Philippe Varin.

Le 16 décembre 2008, le conseil de surveillance a décidé d’adopter le code AFEP-Medef après transposition pour application à une société anonyme à conseil de surveillance et directoire. Cependant, il indique un certain nombre d’exceptions dans son application : « Au regard de l’indépendance des membres du Conseil de Surveillance, le Conseil retient les critères d’indépendance proposés, à l’exception de celui concernant la durée limitée à douze ans pour les mandats successifs, ainsi que celui concernant le fait de ne pas avoir été, au cours des cinq dernières années, mandataire d’une société consolidée ». Pour ce point, PSA invoque un certain nombre de raisons. En revanche, il n’en donne pas sur la dérogation « concernant la part de membres indépendants dans les comités (deux tiers au minimum pour le comité financier et d’audit et ‘part majoritaire’ pour le comité des rémunérations et des nominations), la composition du comité financier et d’audit et du comité des rémunérations et des nominations prend en compte la présence au sein du Conseil de l’actionnaire de référence constitué par le Groupe familial Peugeot ». Sur la durée du mandat de six ans, contrairement aux 4 ans préconisés par le code, et sur l’absence de partie variable pour les jetons de présence liée à l’assiduité aux séances, PSA avance des éléments pour se justifier. Au vu des exceptions, somme toute, assez nombreuses au code AFEP-Medef, on est en droit de se demander si PSA s’est exprimé a minima lors de son élaboration pour faire connaître sa position.

Structure de l’actionnariat La structure actionnariale du groupe au 31 décembre 2009 est la suivante (capital ; droit de vote) : groupe familial Peugeot (30,30 % ; 45,73 %), groupe BNP Paribas (1,13 % ; 1,74 %), autres institutionnels français (21,72 % ; 16,75 %), autres institutionnels étrangers (34,61 % ; 26,67 %), individuels (6,37 % ; 5,11 %), salariés (2,80 % ; 4 %), autodétention (3,07 % ; 0 %).

L’approche du risque

L’approche en termes de risques environnementaux est assez sibylline, le groupe mettant principalement en avant les certifications ISO 14001 des sites. Il indique toutefois, dans la rubrique intitulée « montant des provisions et garanties pour risques en matière d’environnement » du document de référence : « Dans le cadre d’un contentieux opposant les acquéreurs successifs d’une ancienne usine de production à Levallois et le Groupe, une provision de 1 million d’euros a été constituée ». Or cette rubrique figure dans la partie consacrée au développement durable et non, comme c’est parfois le cas, noyée dans la partie financière, ce qui dénote sur ce point d’une certaine volonté de transparence.

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Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence PSA propose un document dédié aux indicateurs de performance développement durable de 163 pages, très lisible et qui ne recourt pas à l’artifice, souvent utilisé, de remplissage avec des illustrations guère en rapport avec le sujet traité. La qualité globale de la transparence est satisfaisante – à ceci près que Faurecia apparaît peu –, mais les différents volets sont inégaux. Le volet social s’avère très complet et obtient d’ailleurs la meilleure note du panel de l’étude 2010 de CFIE-conseil. Le volet sociétal couvre de façon assez homogène les différentes thématiques mais apparaît plus en retrait. Enfin, celui consacré à l’environnement s’avère tout juste acceptable, plusieurs rubriques étant négligées.

Principaux engagements nationaux ou internationaux PSA a adhéré au Pacte mondial – un engagement moral visant à respecter 10 principes de développement durable – en 2003, ce qui est assez précoce. Faurecia a suivi en 2004 et Gefco en 2009. PSA a, par ailleurs, signé en mars 2006 un accord-cadre mondial sur sa responsabilité sociale avec la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) et la Fédération européenne des métallurgistes (FEM), et qui commence à être déployé chez Gefco en 2007 (Gefco Pacte mondial, communication sur le progrès, 2010). Il faut signaler à ce propos le mécontentement, en 2010, des syndicats de Gefco SA qui se sont retirés des négociations avec la direction : « Il ne suffit pas de parapher un accord sur la responsabilité sociale du groupe PSA, il ne suffit pas d’adhérer à la charte de l’ONU, il ne suffit pas de présenter pour une mise en application la charte éthique de Gefco pour que les organisations syndicales se satisfassent de ces déclarations de principes, ensemble de coquilles vides sans contenu concret et application effective »11. Ainsi que les critiques de la CFE-CGC en mars 2011 « L’égalité femmes-hommes qui est toujours un sujet sur lequel Gefco doit travailler (écart de salaire, nombre de promotions…) et sur lequel on ne sent pas de réelle prise de conscience de l’importance du sujet ». Dans un autre registre, en septembre 2009, le Groupe PSA a souscrit à deux initiatives internationales : le programme « Caring for Climate », sous l’égide du Pacte mondial des Nations unies, qui fédère l’engagement renforcé des entreprises signataires sur les questions liées au changement climatique, et le « Copenhagen Communiqué on Climate Change », qui visait à délivrer aux décideurs politiques, à la veille du sommet de Copenhague, un message de la part des entreprises signataires sur la nécessité d’agir face au changement climatique.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Dans le volet social, la thématique de l’emploi apparaît particulièrement bien traitée. Le lecteur dispose de données riches et variées, les effectifs et les embauches, sont déclinés par zone géographique, sexe, tranche d’age, catégorie socioprofessionnelle, type de contrat (CDD ou CDI) et leurs évolutions communiqués. Les licenciements et leurs motifs y figurent également, ainsi, ce qui est nettement plus rare, que des statistiques par division et zone géographique des salariés extérieurs et des travailleurs temporaires. Un reproche cependant, le périmètre varie parfois. Ainsi, les effectifs inscrits CDI et CDD par tranche d’âge et par sexe sont fournis pour 11 Extrait de la déclaration des organisations syndicales représentatives chez Gefco SA FO/UNCP, CFE-CGC, FGTE/CFDT, CFTC, 10 décembre 2010.

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le groupe, alors que le tableau suivant (cf. Indicateurs de performance développement durable) des recrutements en CDI par tranche d’âge et par sexe n’est délivré que pour le groupe, hors Faurecia et hors Gefco, ce qui nuit à l’analyse. L’égalité des chances donne également lieu à un exposé assez convaincant. Les raisons pour lesquelles l’entreprise doit s’en préoccuper sont présentées (refléter la société et son environnement, faciliter la confrontation des idées…), le public concerné précisé, ce qui renforce la crédibilité de la démarche. Le graphique sur les dix nationalités les plus représentées dans le groupe mérite ainsi d’être relevé.

Les données chiffrées concernant les populations féminines et les personnes handicapées sont ventilées par zone géographique et également, ce qui est assez rare pour les salariés ayant un handicap, par catégorie socioprofessionnelle. En revanche, les statistiques portant sur les seniors ne bénéficient pas du même niveau de précision et se concentrent sur la France où l’on sait qu’il existe un dispositif législatif en la matière.

Action en faveur des femmes (source : rapport Développement durable 2010 PSA Peugeot Citroën)

Concernant les relations sociales au sein du groupe, on relève les différentes instances de dialogue présentées – que ce soit au niveau de l’Europe ou du monde –, le nombre d’accords dans le monde, la nature de ceux-ci ainsi que des exemples par pays… Cependant, les représentants du personnel ne bénéficient pas d’un droit d’expression dans les différents documents qui aurait pu étayer l’affirmation du groupe selon laquelle « au cœur de cette politique, le dialogue social s’appuie sur une information et une participation des salariés ». Faut-il chercher les raisons de cette lacune dans la crainte de critiques émanant d’organisations syndicales, comme celles évoquées plus en amont de ce document, critiques qui devraient pourtant faire partie du processus de dialogue au sein de l’entreprise et dénoteraient une certaine maturité dans les relations sociales ?

L'organisation du travail, quant à elle, se révèle traitée de manière satisfaisante. La politique suivie sur les temps partiels basée sur le volontariat est affirmée, des données chiffrées sur le nombre de salariés concernés, son évolution dans le temps, sa répartition par pays et par sexe, avec un commentaire justifiant la forte proportion d'hommes, liée aux

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retraites partielles de ces derniers en Espagne sont fournies. Cependant, les différentes formules de temps partiel ne sont qu'en partie listées et on ignore l'effectif de chacune. De même, les durées de travail pour les temps pleins ne sont pas précisées pour les différents pays d’implantation.

La thématique relative à la santé et la sécurité apparaît assez largement exposée, avec des informations telles que les taux de fréquence et de gravité par zone géographique ainsi qu'une distinction entre industrie et commerce, les initiatives prises comme l'observation préventive « STOP » qui permet aux managers de développer leurs capacités à détecter les situations ou comportements à risque (mauvaise position du salarié pour la réalisation d’une opération, non-port des protections individuelles, etc.), le nombre d'accidents mortels par pays et les circonstances du drame, mais également le nombre d'accidents concernant le personnel extérieur et intérimaire, ce qui n'est pas si fréquent dans les rapports. La présentation de l'évolution de la proportion des postes « lourd », « moyen », « léger » (classés en fonction de la sollicitation de la charge physique ) avec des objectifs précis d'allégement en 2010 et 2012 afin de maintenir en activité des personnes en fin de carrière ou présentant des restrictions médicales mérite d'être saluée.

Sur le plan sociétal, PSA indique en préambule que « le Groupe exerce un impact considérable sur les communautés locales en tant qu’acteur économique et employeur. Il s’attache ainsi à ce que ses implantations s’intègrent au mieux à la vie socio-économique environnante, à travers l’écoute attentive de ses employés, des autorités locales ou des riverains et une participation à la vie locale (infrastructures, actions de mécénat, etc.) ». À travers cette déclaration, il accepte donc de prendre sa part de responsabilité et de ne pas se réfugier dans un discours systématique d'impuissance. Des exemples variés d'actions en faveur des communautés voisines des implantations industrielles et tertiaires sont présentés : conseil auprès de PME/PMI situées autour des sites industriels, soutien en Slovaquie, depuis plusieurs années, promotion de l’enseignement des sciences dans les écoles primaires, etc. Cependant, le manque de données chiffrées sur les budgets et sur les temps consacrés à ces initiatives, ne permet pas d'apprécier l'investissement réel de PSA. Le groupe indique, et c'est tout à son honneur, qu'il « promeut le respect des droits de l’Homme dans tous les pays où il est présent, y compris dans les zones où l’affirmation de ces droits est encore insuffisante […] et veille, d’autre part, au respect de la liberté d’association et de représentation des salariés partout dans le monde, à l’indépendance et au pluralisme des organisations syndicales ». Néanmoins, le lecteur aimerait obtenir, sur ses initiatives, quelques éléments qui étayeraient ces propos, par exemple en Chine voire en Iran.

En ce qui concerne l'environnement, la thématique des gaz à effet de serre est abordée avec beaucoup d'attention. Le lecteur retrouvera autant les émissions directes qu'indirectes (achats d'électricité et de vapeur), pour les rejets directs, les ventilations par activité, type de gaz, les évolutions dans le temps, etc. La signature par Gefco, en décembre 2009, de la Charte d’engagements volontaires de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) des transporteurs routiers d’Île-de-France, document élaboré en France par le ministère compétent et l'ADEME, mérite d'être souligné même si le périmètre concerné n'est pas très clair. S'agit-il de l'Ile de France, de la France ou du monde ? La présentation de la gestion des déchets s'avère également de bonne facture. De nombreuses statistiques sont délivrées : volume des déchets, évolution dans le temps, répartition par métier, par nature, par filière d'élimination, etc. On dispose même d’un point sur les transferts frontaliers de déchets. Quant à la consommation du

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papier, le lecteur apprendra que PSA est membre fondateur de l'éco-organisme Ecofolio et que la consommation a diminué de 49 millions de pages par rapport à 2008, mais le chiffre brut en tonnages pour 2009 n'est étonnamment pas communiqué.

Les faiblesses du reporting Dans le volet environnemental, la présentation dédiée à l'emprise sur les sols, à l’impact sur le paysage et les écosystèmes est limitée à sa portion congrue. Des études d'impact sont réalisées lors de l'extension ou de la création d'un site mais sans que l'on en connaisse le nombre exact, « une dizaine », ni les principaux résultats. Il semble que la politique suivie vise à minimiser les effets négatifs mais pas à impulser une démarche proactive. Ainsi, il est indiqué qu' « aucun site n’est inclus dans un espace défini en tant que zone humide d’importance internationale (convention de Ramsar), ni en tant que zone réglementée pour la protection de la faune et de la flore (parcs nationaux, zones Natura 2000, réserves naturelles, etc.). Néanmoins quelques sites sont situés à proximité de certaines de ces zones. Mais cette proximité n’a pas de conséquence identifiée à ce jour sur les milieux concernés », sans que PSA paraisse s'associer aux organismes chargés de les gérer pour s'en assurer ou pour apporter sa contribution. Concernant la part de surface étanche des sites, des données sont certes fournies mais des écarts importants existent entre usines de même nature (pièces de rechange Vesoul : 48 %, contre Melun-Sénart : 27 %) sans qu'ils ne donnent lieu à commentaires, et aucun objectif d'accroissement d'étanchéité n'est communiqué. Les nuisances pouvant gêner les riverains sont évoquées mais aucune mesure pour y pallier n'est présentée, pas plus que de résultats d'enquêtes menées auprès de ces derniers sur leur appréciation de leur relation de voisinage avec un site de PSA.

Au niveau sociétal, le dialogue avec les parties prenantes locales est certes évoqué mais ressemble davantage à de l'information ou du moins n'apparaît pas relevé d'un processus construit, avec les formations afférentes par exemple, auquel seraient appelés à participer les différentes entités et les salariés du groupe. On ne dispose d'ailleurs pas de comptage permettant d'apprécier l'intensité des échanges qu'entretiendrait le groupe avec son environnement immédiat. Par ailleurs, l'absence de mention des Objectifs du Millénaire pour le Développement apparaît préjudiciable pour un groupe dont l'implantation est mondiale.

Sur le plan social, le principal reproche porte sur l'étendue du périmètre qui n'intègre pas toujours Faurecia, voire Gefco. Un second point concerne la trop grande rareté des objectifs, ce qui interroge sur sa capacité à s'engager réellement. Enfin, la manière dont sont abordées les charges sociales ne permet pas de se rendre compte du niveau de couverture des salariés, particulièrement dans les pays moins avancés dans la protection sociale.

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SAINT-GOBAIN

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9. Saint-Gobain

Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Principes de Comportement et d'Action du groupe Saint-Gobain », « Documents de référence 2009 », « Construire ensemble notre environnement – Saint-Gobain et le développement durable », « Exercice 2009 – Saint-Gobain ».

Activités

Saint-Gobain, se positionne comme le leader mondial de l'habitat qui conçoit, produit et distribue des matériaux de construction. Son activité est structurée selon quatre pôles :

Distribution Bâtiment : sert le marché de la construction neuve, de la rénovation et de l’aménagement des bâtiments. Parmi ses enseignes figurent en France, Point.P Matériaux de Construction et Lapeyre.

Produits pour la Construction : offre des solutions d’aménagement intérieur et extérieur pour tous les types de bâtiments. Il occupe une position dominante sur plusieurs produits et est ainsi le numéro un mondial pour le plâtre, l'isolation, les tuyaux de fonte ductile, la colle à carrelage.

Les matériaux innovants recouvrent deux activités. La première, le vitrage produit, transforme et commercialise des produits verriers pour trois marchés principaux (le bâtiment, les transports et l’énergie solaire). La seconde, les matériaux haute performance, regroupe trois familles de matériaux : les céramiques minérales, les polymères et les tissus de verre.

Conditionnement : spécialisé dans l’emballage en verre pour l’agroalimentaire.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance Jean-Louis Beffa est entré en 1974 à la Compagnie et en a été plus tard le directeur général puis le président-directeur général. En 2007, il quitte ses fonctions de directeur général et reste président du conseil d’administration (fonctions qu’il quittera en juin 2010, en application de la limite d’âge statutaire). Le directeur général en 2009 est Pierre-André de Chalendar (en juin 2010, il deviendra PDG).

Saint-Gobain adhère aux principes énoncés dans le code AFEP-MEDEF de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées. Cependant, contrairement à la plupart des entreprises, elle n’indique pas explicitement si elle le respecte totalement ou partiellement. Il est à signaler que le président de l’AFEP est membre du conseil d’administration. Par ailleurs, ce dernier a examiné la situation des administrateurs et a conclu que sept administrateurs sur seize sont des administrateurs indépendants au sens du

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SAINT-GOBAIN

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code AFEP-MEDEF. Là non plus, aucune conclusion n’est apportée quant à la conformité au dit code. Le conseil comporte un administrateur représentant les salariés actionnaires (Monsieur Cusenier président de l’Association des Actionnaires salariés et anciens salariés de Saint-Gobain, et du conseil de surveillance du FCPE Saint-Gobain PEG France), mais ni administrateur élu par les salariés, ni censeur.

Il est également à signaler12 que l’AMF « a décidé d'infliger à la société Wendel et à son ancien président du directoire, Jean-Bernard Lafonta, une amende de 1,5 million d'euros chacun, le maximum possible, étant donné l'importance de l'atteinte portée aux règles et principes de l'information financière. Motif de la sanction: un ‘défaut d'information du marché sur la préparation de la « montée » de Wendel au capital de Saint-Gobain’, explique le communiqué de l'AMF […] ». Toutefois, le document de référence 2009 indique que « Wendel déclare ne pas agir de concert avec un tiers ; se réserver la possibilité de faire évoluer sa participation dans la limite de 21,5 % du capital, selon les termes de la lettre adressée par Wendel à la société en date du 18 mars 2008 ; ne pas envisager de prendre le contrôle de Compagnie de Saint-Gobain ».

Structure de l’actionnariat

Elle se compose ainsi au 31 décembre 2009 (capital et droits de vote) : Wendel (17,5 % et 25,3 %), fonds du plan d'épargne du groupe (7,6 % et 9,6 %), Caisse des Dépôts et Consignations (3,2 % et 3,6 %), Predica (1,7 % et 2,4 %), Cogema (1,2 % et 2,0 %), Groupama (2 % et 1,6 %), Auto détention (0,8 et 0,0 %), autres actionnaires (66 % et 55,5 %) (aucun ne dépassant individuellement 5 %).

L’approche du risque

Sur l’approche du risque, Saint-Gobain n'examine pas moins de vingt facteurs. Aucun ne relève à proprement parler du domaine sociétal, trois sont apparentés au social et un concerne directement l'environnement. Pour les risques de nature sociale, l'un concerne les restructurations mais Saint-Gobain se contente d'avertir qu'il ne peut garantir que les économies envisagées seront bien réalisées ni que les charges afférentes aux restructurations n’excéderont pas les prévisions. Quant aux deux autres, ils concernent les problèmes liés aux litiges en cours sur l'amiante aux Etats-Unis et en France. Ce problème qui a également touché le Brésil est à peine abordé et le rapport conclut en ces termes : « seul un petit nombre de contentieux est en cours à fin 2009 à cet égard, et ils ne présentent pas de risque significatif pour les filiales concernées ». Sur l'environnement, Saint-Gobain prévient que pour les opérations passées, présentes et futures, le groupe pourrait engager des dépenses d’investissement ainsi que voir sa responsabilité environnementale mise en cause. De son point de vue, il présente essentiellement des risques industriels et environnementaux liés au stockage de certaines matières dangereuses. Les montants des provisions pour risques environnementaux de 167 millions d'euros en 2009 sont rappelés dans le tableau de synthèse des indicateurs de développement durable.

12 Le figaro.fr, 17 janvier 2011, Saint-Gobain : Wendel lourdement condamné, extrait.

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Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence Sur la forme, le document de référence 2009 comporte une partie dédiée au développement durable. Les informations sont présentées de manière structurée et la méthodologie de reporting bien détaillée, mais on peut regretter que la société n’utilise pas en 2009, de table de correspondance entre les informations qu’elle fournit et le standard international de la Global Reporting Initiative (GRI), point auquel elle a d’ailleurs remédié dans son rapport 2010. La transparence globale s'avère de bonne facture et équilibrée. La précision se révèle cependant légèrement en retrait par rapport à l'exhaustivité.

Principaux engagements nationaux ou internationaux L’adhésion au Pacte Mondial des Nations unies, il est vrai peu contraignant, remonte à 2003 et est donc plutôt précoce. Par ailleurs, à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, le directeur général a signé, le 10 décembre 2008, la déclaration de soutien aux droits de l’Homme initiée par les Nations Unies. Le Groupe a notamment adhéré, en janvier 2009, à deux manifestes complémentaires au Pacte Mondial des Nations Unies : le Caring for Climate et le CEO Water mandate. Le premier est une plate-forme d’actions pour lutter contre le changement climatique. Les entreprises signataires s’engagent à définir des objectifs de progrès et à communiquer sur leurs émissions de gaz a effet de serre. La seconde initiative s’inscrit dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement des Nations Unies, qui fixent des objectifs de lutte contre la pauvreté et de respect de l’environnement d’ici à 2015. Pierre-Andre de Chalendar déclare que la protection des ressources en eau est une priorité et s’engage à travailler avec les gouvernements, les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales pour relever ce défi. Saint-Gobain a également adhéré au programme « Save Energy Now LEADER » qui a été lancé par le Department of Energy aux Etats-Unis. Saint-Gobain a signé un engagement volontaire pour réduire son intensité énergétique industrielle de 25 % pendant la décennie à venir. Par ailleurs, à l’invitation du Secrétariat d’État chargé de la Famille et de la Solidarité, Saint-Gobain a signé, pour la France, le 13 novembre 2009, une charte pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Sur le plan social, les relations au sein de l'entreprise donnent lieu à un traitement convaincant. Les stages et séminaires sont présentés comme autant d'occasions de favoriser les échanges entre pôles, fonctions et pays par les liens que tissent entre eux les participants. Le dialogue social est explicitement qualifié, comme étant « de qualité, loyal et ouvert ». Des statistiques sont fournies sur : le nombre d'accords signés avec les partenaires sociaux, ainsi que la nature de ceux-ci (rémunération, emploi, organisation du travail) et le pourcentage de salariés couverts par des conventions collectives. L'organisation du dialogue social européen s'avère spécialement bien détaillée et le lecteur peut y découvrir la fréquence des réunions avec les délégués, le nombre de pays concernés, l'étendue des thèmes abordés, les structures existantes (convention, secrétariat de liaison, bureau), les nouvelles avancées réalisées lors de l'année. Cependant, d'une part, les informations présentées ne concernent que l'Europe alors que le groupe réalise environ 29 % de son chiffre d'affaires

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hors de celle-ci et a eu des démêlés avec des syndicats aux Etats-Unis13. D'autre part, un dialogue social présenté comme ayant acquis un certain degré de maturité, devrait naturellement conduire la société à laisser une tribune libre aux représentants du personnel, ce qui n'est pas le cas.

La question relative à la progression des collaborateurs se révèle d'assez bonne facture. Des informations chiffrées sont délivrées sur le pourcentage de salariés ayant suivi une formation dans l'année et le nombre d'heures de formation par personne (toutes deux assorties de leur évolution dans le temps). Des centres de formation et des programmes touchant plusieurs pays sont présentés. Les dispositifs pour les personnes les moins qualifiées ne sont pas négligés avec un encart sur les modules dédiés aux apprentis au Brésil. A ce propos, la politique de formation est annoncée comme aidant notamment à développer les compétences des salariés des pays émergents mais aucune statistique n'est dévoilée par pays ou zone géographique permettant de vérifier si l'objectif est atteint. La réduction du budget par rapport à 2008 n'est pas passée sous silence et le groupe met en avant qu'il a même pu former davantage de salariés pour un coût moindre, grâce à la formation à distance, mais ne fournit pas de donnée sur la satisfaction des personnes formées qui auraient pu démontrer que cette restriction budgétaire ne s'est pas faite au détriment de la qualité des enseignements dispensées. La mobilité des collaborateurs apparaît favorisée : un site intranet référence les opportunités de carrière, un programme spécifique dénommé « SG talents » existe pour la détection et l'accompagnement des « hauts potentiels », la gestion de l'expatriation est décrite avec soin et concerne aussi les techniciens, des entretiens individuels sont organisés pour identifier les aspirations des salariés. Néanmoins, sur ce dernier point, une différence de traitement notable existe entre les cadres – 79 % d'entre eux en ayant bénéficié – et les non cadres pour lequel le pourcentage chute à 46 %, sans que cela ne donne lieu à commentaires. Par ailleurs, on ne dispose pas de données sur la promotion interne.

La thématique de l’hygiène et de la sécurité est assez développée. La politique affichée concerne les salariés de Saint-Gobain et les intérimaires officiant sur ses sites, leurs résultats en matière de sécurité devant même être intégrés en 2010 aux présentations internes des performances du groupe. Les taux de fréquence et de gravité sont présentés sur une période de vingt ans et les chiffres de 2009 sont comparés à ceux de 2008. Les écarts sont commentés. Le sujet des accidents mortels, pourtant peu fréquemment mis en avant dans les rapports n'est pas éludé, bien au contraire, une demi-page y étant consacrée. Les troubles musculo-squelettiques sont annoncés comme un enjeu important pour l'activité de distribution bâtiment au vu des manipulations qui y sont faites. Mais si une formation est obligatoire pour tous les magasiniers embauchés, aucun chiffre n'est, en revanche, délivré sur le nombre de personnes en souffrant qui permettrait de connaître l'étendue du problème et les progrès réalisés.

13 Saint-Gobain a eu des litiges avec certains syndicats aux Etats-Unis : « ‘Chez Norton Abrasives, la direction de Saint-Gobain bloque depuis des mois toute tentative de dialogue social et mène une campagne antisyndicale. Nous vous demandons d'intervenir pour régler ce conflit’, assène, dès le début de la séance de questions-réponses [de l’assemblée générale de 2003, Ndlr], Jim Catterson, représentant la Fédération internationale des syndicats de la chimie et de l'énergie, venu soutenir une délégation de trois syndicalistes locaux, qui avaient fait spécialement le déplacement » (Libération.fr, 06 juin 2003, Un syndicat américain chahute Saint-Gobain et compte-rendu de l’AG du 5 juin 2003 du CFIE.). Ce problème a ressurgi plus récemment : « Human Rights Watch (HRW) accuse, dans un rapport rendu public jeudi 2 septembre, une dizaine de groupes européens, dont les français Saint-Gobain et Sodexo, de ne pas respecter le droit syndical dans leurs filiales américaines et d'enfreindre ainsi leurs propres principes de responsabilité sociale » (Challenges.fr, 02/09/2010).

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L'aspect rémunération est correctement traité pour ce qui est de l'intéressement, la participation, et le plan d'épargne du groupe, étendu cette année à la Chine et à la Bulgarie. Pour les salaires, si leurs modes de calcul se révèlent plutôt détaillés, on ne dispose cependant pas de donnée ventilée par catégorie socioprofessionnelle.

Dans un autre registre, l'égalité entre hommes et femmes est traitée de manière assez complète, avec des données (périmètre groupe) portant sur les effectifs par catégorie socioprofessionnelle, leur proportion parmi les cadres par pays ou zone géographique, leur taux de recrutement, les dispositifs mis en place pour s'assurer des progrès réalisés (rapport périodique par niveau de responsabilité ou filière transmis au directeur général, etc.). Toutefois, les éventuelles disparités salariales ne sont pas dévoilées, pas plus que les objectifs.

En ce qui concerne l'aspect sociétal, Saint-Gobain affiche la volonté de soutenir et d’accompagner le développement économique local et l’illustre avec le nombre d'emplois générés et le montant de l'engagement financier, la mise à disposition de l'un de ses salariés pour aider les PME, sa participation à des programmes tels que celui d'Alizé visant à soutenir l'activité économique d'un territoire donné. Toutefois, ces éléments ne concernent que la France. L'éthique des affaires, qui semble imprégner toute la politique de RSE du groupe, est particulièrement mise en évidence, avec notamment un point sur le « Plan concurrence » où sont détaillées les actions entreprises précisées par nature (formation, audit, guide) et le nombre de personnes concernées, cette fois-ci dans le monde entier. Quant au mécénat du groupe, il s'avère abondamment illustré avec les actions de la fondation d'entreprise « Saint-Gobain Initiatives » et les différents programmes caritatifs à travers le monde.

Pour ce qui est de l'environnement, l'emprise sur le sol est convenablement abordée, notamment avec la gestion des carrières dont le nombre exploité par Saint-Gobain est divulgué. Des exemples d'actions entreprises près ou sur les carrières sont dévoilés (Cormeilles et Le Pin-Villeparisis en France, à Sorbas en Espagne et à Monte Tondo en Italie). Cependant ces différentes illustrations ne concernent, une fois de plus, que l'espace européen. L'importance des écosystèmes et de la biodiversité est explicitement affirmée, le groupe déclarant être « conscient des services rendus par la biodiversité et de la nécessité de la préserver. Il cherche à limiter son impact sur les écosystèmes et à gérer de façon durable les ressources naturelles qu'il utilise ». Cette politique est illustrée par l’approvisionnement en bois de son pôle distribution bâtiment qui affiche un objectif quantifié en 2010 de 80 % de bois acheté issu de forêts certifiées PEFC ou FSC.

Pour ce qui est de la gestion de l'eau, le groupe expose la hauteur de ses prélèvements et ceux de l'an passé, l'objectif chiffré qu'il s'est fixé (6,6 % de réduction par rapport à 2010 sur la base de 2007) et les effets de certaines de ses activités sur l'eau : prélèvements effectués et rejets d'eau chaude pouvant affecter certaines espèces du milieu marin, même si, sur ce dernier point, il ne mentionne que certains sites.

Saint-Gobain fournit des informations chiffrées sur ses déchets telles que la part de matière recyclée dans la production de gypse et de fonte et s'est également fixé un objectif quantitatif de réduction d'ici 2010. Il présente plusieurs initiatives de différentes activités du groupe dont deux sont particulièrement intéressantes. La première est la mise en place à Point P d'une déchetterie pour les artisans qui rechargent leurs camions, après la dépose, avec de nouveaux matériaux de construction. Saint-Gobain pointe alors l'avantage compétitif que cela lui procure. La deuxième concerne une

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usine danoise de la société Gyproc qui utilise le gypse de synthèse, sous-produit issu de la désulfurisation du gaz utilisé par la centrale électrique, ainsi que les plaques de plâtre récupérées par l'usine de déchets. Par ailleurs, le groupe indique sa consommation et son évolution, et aborde les problématiques de ses bâtiments, du transport, de ses procédés de fabrication et de l'efficacité énergétique.

Les faiblesses du reporting Sur le volet environnemental, les émissions des polluants locaux comme le SO2 et le NOx sont mesurées et les actions pour en réduire les quantités sont présentées. En revanche aucun objectif chiffré de limitation n'est avancé. Les émissions de CO2, quant à elles, donnent lieu à l'exposé de nombreuses données et il fait mention de plusieurs bilans carbones réalisés par des sociétés du groupe mais les éléments pris en compte dans les calculs mériteraient d'être clarifiés et par souci de transparence d'être certifiés. Les nuisances éventuelles occasionnées par les activités du groupe telles que le bruit généré à l'extérieur de l'usine – souvent éludé dans les rapports – sont évoquées mais de manière très succincte.

Sur le volet sociétal, pour ce qui est de l'évocation des relations avec les parties prenantes, il n'est pas fait état d'un processus systématisé de dialogue. De même, la façon dont sont déterminés les enjeux retenus par Saint-Gobain n'est pas mentionnée et semble davantage résulter d'un choix fait en autarcie par la direction que de concertation externe ou interne. Par ailleurs, l'approche de Saint-Gobain sur les pays ne respectant pas les droits de l'Homme ou sur les « paradis fiscaux » mériterait d'être davantage explicitée, sachant que le groupe affiche une présence en Arabie Saoudite, Chine, Vietnam, Luxembourg, Singapour...

Sur le plan social, les informations exposées sont rarement déclinées par zone géographique et ne permettent donc pas d'apprécier dans quelle mesure les orientations prises sont relayées localement. Quant à l'organisation du travail, elle apparaît très en retrait par rapport aux autres thématiques abordées. Ainsi, si le nombre d'employés à temps partiel est indiqué, les différentes formules pouvant exister ne sont pas présentées pas plus que les durées du temps de travail pour les salariés à temps plein. Concernant les causes de l'absentéisme, les plus fréquentes sont listées (maladie, maternité, accident du travail) mais leurs taux respectifs ne sont pas communiqués. Dans le registre de l'égalité des chances, les informations relatives aux seniors, personnes handicapées, jeunes, se concentrent quasi-exclusivement sur la situation française n'offrant donc que peu de visibilité sur ce qui se passe dans les autres pays d'implantation.

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Sources d’analyse

La présente analyse s’appuie sur l’examen des principaux documents suivants : « Rapport développement durable exercice 2008/2009 », « Documents de référence exercice 2008/2009 », « Le Better Tomorrow Plan - Novembre 2009 », « Revue de progrès développement durable », « Etude annuelle 2010 sur l’information sociale et environnementale dans les rapports annuels des entreprises », site Internet de l’entreprise.

Activités

Sodexo répartit désormais ses activités selon deux catégories : des solutions globales de services sur site représentant 95,3 % du chiffre d’affaires du groupe dont il est le leader sur la plupart de ses marchés, et des solutions globales de motivation réalisant 4,7 % du chiffre d’affaires du Groupe.

La première catégorie recouvre des services sur site allant : de la restauration à la construction, des services d’accueil à l’entretien des matériels médicaux (comme les scanners ou les équipements de laboratoire), de la maintenance technique aux croisières fluviales, de l’entretien des locaux à la réinsertion des personnes détenues… Ces solutions s’adressent à huit segments de clientèle : Entreprises et Administrations, Éducation et Sports et Loisirs, Santé, Bases-Vie, Seniors, Défense, Justice. Ces Solutions de Services sur Site sont complétées par des services aux Particuliers et à Domicile, notamment dans les segments Entreprises et Seniors.

Les solutions globales de motivation, quant à elles, comprennent les avantages pour les salariés, les programmes d’incentive, les « aides publiques »… Sodexo est le partenaire des organisations publiques et privées pour concevoir et gérer des solutions globales de motivation visant à attirer et fidéliser leurs collaborateurs, stimuler leurs performances et distribuer les allocations en garantissant la transparence et la sécurité.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

Gouvernance Pierre Bellon exerce les fonctions de Président du Conseil d’Administration de Sodexo SA et Michel Landel en est le directeur général.

En termes de gouvernance, la Société se réfère au Code AFEP-MEDEF pour l’élaboration du document de référence. Le Comité des Sages, saisi sur la rémunération de Michel Landel, constate que les conventions passées entre Sodexo et Bellon SA indiquent l’existence d’un contrat de travail de M. Landel, mandataire social de Sodexo avec Bellon SA, ce qui n’apparaît pas conforme à la recommandation n°19 du Code AFEP-MEDEF de

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gouvernement d’entreprise des sociétés cotées. La société Sodexo, pour répondre sur ce point, se réfère au principe « appliquer ou s’expliquer » (« comply or explain ») de la recommandation n°22 du Code AFEP-MEDEF, et avance des éléments, justifiant, selon elle, la raison du maintien du contrat de travail de M. Landel avec Bellon SA.

Pour ce qui est de l’indépendance des administrateurs, Sodexo considère que les critères du code AFEP-MEDEF sont remplis.

Structure de l’actionnariat La structure actionnariale est la suivante (capital et de droits de vote) au 31 août 2009 : Bellon SA (37,71 % et 43,78 %), public (51,60 % et 43,10 %), First Eagle Investment Management (5,68 % et 7,99 %), Caisse des Dépôts et Consignations (2,61 % et 2,70 %), salariés (1,07 % et 1,33 %), auto-détention (1,33 % et 1,10 %). Il est à noter, d’une part, que les statuts de la société confèrent un droit de vote double aux actions détenues sous la forme nominative depuis plus de quatre ans et d’autre part, que Bellon SA est détenue à 68,5 % par Pierre Bellon et ses enfants et à 13 % par Bernard Bellon et les autres membres de la famille Bellon.

L’approche du risque

Dans son approche du risque, Sodexo aborde, ce qui n’est pas si fréquent, les risques de nature sociale, sociétale ou environnementale. Ainsi, il évoque dans son document de référence, « la diversité des origines, des cultures et des expertises des collaborateurs de Sodexo qui constitue un véritable défi mais aussi une grande opportunité », l’inflation des denrées alimentaires et l’accès aux matières premières alimentaires, et pour l’environnement la consommation d’eau et d’énergie et la production de déchets. Il est à signaler que les provisions pour litiges avec les salariés s'élèvent au 31 août 2009 à vingt millions d'euros.

Transparence des rapports

Appréciation globale de la transparence Sur la forme, le nombre trop important de documents et à l’intérieur desquels on trouve encore des références à d’autres rapports (rapport ressources humaines, rapport diversité...) nuit à la clarté de l’ensemble. Le niveau de précision des documents est clairement en retrait par rapport à une exhaustivité généralement satisfaisante. Son atout est incontestablement le volet sociétal qui a visiblement été pris à bras le corps, le volet social s’avérant lui, tout juste convenable. Quant à l’environnement, il apparaît nettement comme le parent pauvre.

Principaux engagements nationaux ou internationaux Sodexo a rejoint le Pacte Mondial des Nations unies en 2003, donc relativement peu de temps après le lancement de cette initiative, il est vrai peu contraignante. En Belgique, Sodexo a obtenu la reconduction pour deux ans du label national « Égalité-Diversité » et en Australie il a été reconnu par l’Agence gouvernementale en charge de l’égalité des chances des femmes au travail, sans toutefois que l’on sache exactement ce que cela recouvre. Il a également, en Allemagne et en Espagne, signé une charte de

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la diversité, mais là encore, aucun détail n’est fourni. En revanche, il n’est pas fait mention d’une telle démarche pour l’hexagone.

Les points forts / avancées du reporting / nuances Sur le plan social, le traitement de la chaîne d’approvisionnement donne lieu au constat selon lequel « engager la chaîne d’approvisionnement est une étape clé vers un système de production plus durable » qui s’appuie, semble-t-il, sur une politique volontariste. Le groupe communique le nombre d'audits réalisés même si ceux-ci apparaissent davantage orientés vers l’hygiène et la sécurité que le respect du droit des travailleurs : 94 % de pays sont couverts par un Code de conduite fournisseurs. Toutefois, on ne dispose pas de descriptif des différentes filières concernées ce qui aurait permis de mieux cerner les domaines dans lequel Sodexo à une capacité d'influence.

Dans un autre registre, de nombreuses données sont délivrées sur la formation : montant consacré, nombre d'heures de formation de perfectionnement, effectif et également pourcentage de collaborateurs (ramené à l'effectif de la catégorie employé ou encadrement) qui en ont bénéficié, le tout décliné selon la catégorie socioprofessionnelle. Néanmoins, l'écart important de plus de 13 % entre l'encadrement et les employés, n'est pas commenté. Les types de formations dispensées ne sont pas précisés, et l'on souhaiterait pourtant particulièrement connaître ceux dont bénéficient la population la moins qualifiée alors même que le groupe adopte une stratégie de recherche de valeur ajoutée, qui nécessite en général une meilleure compréhension de son environnement et a minima l'acquisition des savoirs fondamentaux. La promotion interne est illustrée par des chiffres déclinés par type de responsabilité – responsable de site ou cadre – mais il n'est pas fait mention d'entretiens individuels permettant de connaître les aspirations des salariés sur leur évolution.

Quant à l'égalité des chances, en 2007, une équipe diversité et inclusion dans le groupe a été créée et la place réservée aux femmes est abordée avec relativement de soin. Des statistiques sont en effet fournies sur les taux de présentation de celles-ci parmi l'ensemble des collaborateurs, l'encadrement, l'encadrement supérieur et même les dirigeants du groupe. Mais l'écart de rémunération entre hommes et femmes, indicateur pourtant significatif, n'est pas présenté. A propos, des personnes handicapées, un deuxième accord a été signé définissant des objectifs d'accès à l'emploi. Leur nombre par catégorie professionnelle est communiqué mais ceci ne concerne que la France. La Suède et les Pays-Bas sont aussi évoqués mais cela ne permet pas d'obtenir une vision globale. Il en est de même pour les minorités visibles où des exemples intéressants sont apportés sur l'intégration des aborigènes en Australie ou des communautés autochtones au Canada. Mais en ce qui concerne les Etats-Unis, pays pourtant majeur dans la stratégie de Sodexo et où la compagnie a déjà eu des antécédents fâcheux sur la discrimination, elle se contente de lister sept réseaux de collaborateurs ayant pour objectif affiché « de favoriser un environnement d'intégration, générateur d'opportunités pour chaque employé et contributeur du succès pour l'entreprise » sans apporter plus de précision.

Concernant le volet sociétal, sodexo affiche un engagement fort : « Nous combattrons la faim et la malnutrition au travers de notre programme STOP Hunger dans tous les pays où nous sommes présents d’ici à 2020 ».

Sur l’aspect cette fois-ci de la diététique, l’entreprise cite un nombre important d’exemples dans différents pays, visant à fournir une

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alimentation équilibrée et délivre des statistiques, mais pas systématiquement, sur leur succès.

Stop Hunger, programme de lutte contre la malnutrition des plus démunis

Dans un autre registre, Sodexo déclare « Nous soutiendrons le développement des communautés locales dans tous les pays où nous sommes présents d’ici à 2015 » et met notamment en avant que depuis 2007, il a permis à plus de 250 producteurs de fruits et de légumes basés à Madagascar de se diversifier et d’améliorer les standards de qualité de leurs produits et que 6 % de ses achats de café sont certifiés commerce équitable. Cependant, aucune évolution dans le temps n’est fournie.

Sur l'aspect environnemental, Sodexo annonce prendre en compte l'impact de ses prélèvements sur l'écosystème naturel et se définit des objectifs concernant le milieu marin : « Nous référencerons des produits de la mer issus des filières responsables dans tous les pays où nous sommes présents d’ici à 2015 ». Pour ce faire, le groupe propose de s'orienter vers l'aquaculture tout en précisant que cela ne peut constituer une solution d'avenir que dans la mesure où elle adopte des mesures responsables. En 2009, Sodexo affiche le nombre de 263 sites ayant obtenu la certification Marine Stewardship Council (un label écologique et social sur la pêche délivré par une ONG mais qui a notamment essuyé des critiques de Greenpeace le jugeant trop laxiste). Le groupe met également en avant les initiatives de certains pays comme la Suède qui a supprimé de ses menus, recettes et référencements, dans l'ensemble du pays, toutes les espèces faisant partie de la liste rouge établie par WWF. Sur l'ensemble de ces éléments, on peut cependant regretter que Sodexo ne fournisse pas d'éléments chiffrés plus étayés permettant de déterminer la hauteur et les avancées de son investissement.

Dans un autre registre, il est à relever que Sodexo a déjà mis en oeuvre un processus de recyclage des chèques papier dans 17 pays de l’activité Solutions de Motivation et que sur un total d’environ deux milliards de chèques par an, 95 % sont désormais recyclés.

Les faiblesses du reporting Pour ce qui est de l’environnement, compte tenu de l’activité de Sodexo, la consommation de l’eau est un enjeu primordial. Or, si dans ses engagements, Sodexo annonce qu’il réduira sa consommation d’eau dans tous les pays où il est présent et sur tous les sites de ses clients d’ici à 2020, il n’en demeure pas moins, qu’à l’exception de données sur la consommation d’eau dans quinze sites du Royaume-Uni et concernant celle du siège social dont l’effectif avoisine deux cents cinquante salariés, Sodexo ne communique aucun élément chiffré sur cette question.

Dans un autre registre, les seules références à la norme environnementale internationale ISO 14001, concerne la Finlande – où il est vrai, 390 sites

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sont certifiés – et la France, où « de nombreux grands fournisseurs » de Sodexo ont apparemment obtenu le certificat, bien que dans la partie consacrée aux risques financiers Sodexo évoque ceux relatifs à l’environnement, et qu’il indique de surcroît être conscient que son activité sur 34 000 sites dans 80 pays impacte l’environnement.

Sur les émissions de gaz à effet de serre, le groupe ne fournit aucune statistique, alors qu’il utilise à n’en pas douter, des gaz réfrigérants dont une fuite d'un kilogramme dans l'atmosphère produit un effet de serre équivalant à celui généré par l'émission de 1 500 à 3 000 kilogrammes de CO2, et renvoie à un plan dont le déploiement est prévu à partir de 2010. Sur le plan énergétique, hormis des références vagues à des initiatives telles que celles prises en Asie et en Australie (audit énergétique, etc.) qui ont permis de développer de meilleures pratiques et d’économiser ainsi entre 18 % et 23 % de consommation énergétique au cours des deux dernières années, et de la divulgation de la consommation électrique du siège social sur une période de trois ans, le lecteur ne dispose d’aucune information. Les énergies renouvelables ne semblent guère utilisées dans le groupe, les seules mentions présentes, portent sur des panneaux solaires en Belgique et en Italie dont on ignore au demeurant la production, et sur une usine à laquelle Sodexo a participé lors de sa création et dont la vocation est la transformation des huiles de cuisson usagées en biocarburant pour les véhicules, site dont la production annuelle est cette fois-ci précisée pour 2008.

En ce qui concerne le volet sociétal, Sodexo, qui est présent dans des pays comme la Chine, la Libye, la Russie… ne garantissant pas le respect des droits humains, affirme qu’il « est déterminé à faire respecter dans ses activités les droits de l’Homme énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Nous veillons à promouvoir leur respect dans tous ses lieux de travail et dans notre sphère d’influence » et indique que 89 % des pays disposent de la politique des droits de l’Homme du groupe disponible dans leur langue Ceci étant le groupe n’exprime pas de position quant aux relations qu’il compte entretenir avec les régimes « sensibles ».

Concernant l'aspect social, la problématique de la discrimination syndicale aux Etats-Unis n'est pas abordée, même en tant que facteur de risque pour l'entreprise, les documents publiés à destination de ses parties prenantes étant a priori une occasion idéale d'anticiper la polémique montante et de faire connaître son point de vue. Si Sodexo ambitionne de conserver un actionnariat stable, il paraît pourtant opportun d’éviter que ne surgisse des polémiques soudaines pouvant porter atteinte à l’image de l’entreprise.

Le nombre d’accords collectifs est indiqué ainsi que leur nature mais axé sur la France et le nombre d’employés dans le monde représentés par des délégués du personnel et/ou des syndicats.

Sur le thème de la sécurité, les maladies et les pathologies professionnelles sont ignorées, ce qui paraît assez surprenant pour une société qui s'engage au demeurant à « aider ses consommateurs, leur famille et les communautés à vivre de manière saine ». Il convient de noter que si quelques mentions sont faites des normes qualité ISO 9001 et environnementales ISO 14001, aucune ne font référence à la norme OHSAS 18001 sur la santé et sécurité ou sur une norme équivalente.

Concernant l’organisation du temps de travail, Sodexo fournit des informations sur la durée des temps pleins, sur les heures supplémentaires, les différentes possibilités de temps partiel et le pourcentage de collaborateurs y souscrivant. Toutefois, l’entreprise n’indique pas quelle latitude ont les employés sur le sujet, elle se cantonne à la France, les

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SODEXO

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évolutions dans le temps ne sont pas présentées. Les informations fournies sont donc insuffisantes, mais Sodexo ne se démarque pas négativement des autres entreprises.

Vis-à-vis de l’emploi, on retrouve des informations communes pour le périmètre monde et la France : les effectifs, les recrutements, la répartition par genre, etc. mais pas les licenciements qui ne portent que sur l’hexagone. Pour ceux-ci, les motifs autres que le licenciement économique ne sont d’ailleurs pas dévoilés.

Concernant les rémunérations, le salaire annuel moyen d’un salarié à temps plein de la catégorie « employé » est divulgué et comparé au minimum légal, une information peu pertinente et, une fois de plus, limitée à la seule France. Le lecteur ne trouvera pas non plus son évolution, pas plus que les rémunérations des autres catégories de personnel permettant pourtant de mieux appréhender, lorsque ces informations sont présentes, la politique salariale de l’entreprise.

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SYNTHESE DE L’ETUDE DOCUMENTAIRE

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Synthèse de l’étude documentaire

Historique

L'histoire industrielle et commerciale des entreprises de l'échantillon choisi, présente une grande continuité pour six d'entre elles (Carrefour, Crédit Agricole, EDF, PSA, Groupama, Sodexo), une relative évolution dans les métiers pour deux d’entre elles : Saint-Gobain spécialisée dans le verre qui introduit actuellement en Bourse son activité emballage en verre et qui intègre, avec le temps, la production d'autres matériaux liés à l'habitat, Legrand tourné vers les matériaux électriques, élargit son activité avec les installations électriques puis informatiques. Enfin, deux sociétés ont connu des changements radicaux, PPR, à l'origine dans le commerce du bois, évoluant vers des activités de vente et distribution (Conforma, Printemps, la Redoute, la FNAC...) et qui s'oriente désormais de plus en plus vers le luxe et le « Life style » (un style s'inspirant du sport et de la mode) et Lagardère, un conglomérat initialement présent dans les télécoms, l'automobile, la défense et les médias qui va finalement se concentrer sur ce dernier secteur. On pourrait penser que des sociétés œuvrant dans le même secteur depuis longtemps connaissent mieux les enjeux de RSE auxquelles elles sont confrontées et sont mieux préparées pour le reporting que les autres, mais pour ce qui est de l'échantillon étudié, l'analyse ne fait rien ressortir de flagrant.

Activités

Les entreprises étudiées concentrent en général leurs activités sur quelques pôles identifiés. Cependant, elles peuvent posséder des filiales exerçant dans des domaines moins connus, et qui ont un impact social, sociétal ou environnemental potentiel à ne pas négliger. À titre d'illustration, les activités de Crédit Agricole peuvent toucher des thématiques comme : les pavillons de complaisance, la spoliation des terres et le déplacement de populations, les restructurations et les pertes d'emploi, la spéculation sur les denrées alimentaires... De plus, les sociétés de l’échantillon disposent d'implantation dans des Etats de droit mais souvent également dans de nombreux pays laxistes sur le plan fiscal et/ou restreignant la liberté syndicale et/ou les droits de l'Homme. Par ailleurs, le développement de l'entreprise pose d'éventuels défis de cohérence et de valeurs, ainsi une société comme Groupama, avec des liens forts avec les caisses régionales mutualistes, crée des filiales à l'étranger qui ne paraissent plus reposer sur ce principe.

Dirigeants, gouvernance, actionnariat

La séparation des fonctions est une première indication sur la manière dont la direction de l'entreprise s'applique à elle-même des règles de RSE. Dans l'échantillon étudié, quatre sociétés ont, en 2009, des présidents et des directeurs généraux distincts (Carrefour, Crédit Agricole, Groupama, Sodexo), auquel il faut ajouter Saint-Gobain (mais qui a réuni ces fonctions en 2010), trois sont dirigées par une seule et même personne, le PDG (EDF, Legrand, PPR). Deux sociétés possèdent une structure juridique particulière, Lagardère SCA est une société en commandite simple, dont la

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direction est assurée par un conseil exécutif et PSA est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance séparés.

Les entreprises de l'échantillon ont adopté le code AFEP-MEDEF comme code de gouvernance. Cependant, la grande majorité ne respecte pas strictement les conditions requises et certaines abusent du principe édicté de « appliquer ou expliquer » (comply or explain, en anglais). Il reste donc du chemin à parcourir en ce domaine qui fait pourtant partie de la RSE. Il est à signaler que deux entreprises (EDF, Crédit Agricole SA) ont, en leur sein, des administrateurs élus par les salariés et une (Saint-Gobain) un représentant des actionnaires, salariés ou anciens salariés.

Les actionnaires sont des intervenants importants pour la conduite d'une véritable politique de RSE, leur encouragement ou a contrario leur hostilité à une telle démarche est un des éléments-clés de sa réussite. Dans l'échantillon étudié, quatre entreprises ont directement ou indirectement un actionnaire majoritaire (Crédit agricole, EDF, Groupama, Lagardère, PPR), deux ont un actionnaire de référence proche de la majorité (PSA, Sodexo) et trois autres (Carrefour, Legrand, Saint-Gobain) ont un actionnariat varié, avec, il faut le noter, la présence significative de fonds d'investissement disposant de représentants au conseil d’administration. Ce type d'actionnaire a souvent des attentes de forte rentabilité à court terme (même si cette exigence s’exprime également sur le long terme).

L’approche du risque

Une approche élargie du risque, aux dimensions de la RSE, paraît peut-être davantage susceptible de convaincre des investisseurs à long terme, qui sont de plus en nombreux à considérer qu’une entreprise qui prend en compte ces éléments offre davantage de garanties. Pour ce faire, cette dernière se doit de les identifier de manière la plus étendue possible sans être exclusivement centrée sur sa propre expérience mais en étant également à l’écoute de ses parties prenantes, d’évaluer leur probabilité de survenance et leurs impacts potentiels, d’adopter des mesures pour y pallier en y consacrant les moyens adéquats, d’intégrer pleinement ces éléments dans son approche de choix de projet. Le présupposé étant qu’une entreprise qui fait ainsi preuve d’une certaine forme de maîtrise est donc moins susceptible d’appréciations erratiques. Dans le groupe d'entreprises étudiées, l'approche des risques environnementaux, sociaux et sociétaux est assez décevante et, en tout cas, n'est pas du même niveau que celle relative aux risques financiers, même si l’étendue de la RSE est plus large et sans doute plus complexe à appréhender. Les risques environnementaux, sociétaux, sociaux évoqués sont les suivants : pollution de site (Carrefour, Legrand, PSA, Lagardère), stockage matières dangereuses (Saint-Gobain), sûreté nucléaire – sûreté hydraulique – démontage de centrales (n’oublions pas que le gouvernement vient de confier à la Cour des comptes le soin de procéder à un audit financier de la filière nucléaire) – accident industriel (EDF), consommation d’eau – consommation d’énergie – production de déchets (Sodexo), qualité et sécurité des produits et risques sur la santé (PPR), changement climatique (Groupama), image et réputation/respect des règles d’éthique et intégrité (PPR), inflation des matières premières et leur accès (Sodexo), impact sanitaire –maladie professionnelle – accident de travail – amiante (EDF, Saint-Gobain), temps de repos (EDF), restructuration (Saint-Gobain se contente d’avertir que les économies réalisées ne seront peut-être pas à la hauteur de ce qui est attendu), diversité des origines (Sodexo).

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Transparence globale

Appréciation globale de la transparence Sur le fond, on peut observer un écart important en termes de transparence entre les entreprises fournissant des informations de bonne facture (Carrefour, PPR, PSA, Saint-Gobain) et celles qui sont plus en retrait, comme Legrand, bien que cette dernière ne se cantonne pas à un simple exercice creux de communication. Cependant, même les meilleures ont encore de larges marges de progrès. Par ailleurs, dans le traitement des volets environnementaux, sociaux et sociétaux, les entreprises, en privilégient souvent un ou deux. Parmi les exceptions figure Saint-Gobain, très homogène dans son approche.

Sur la forme, le nombre de documents comprenant des informations intéressant la RSE varient selon les entreprises : 1 (PPR), 2 (Legrand), 3 (Crédit Agricole, Groupama, Lagardère), 4 (PSA, Saint-Gobain, Sodexo), 5 (Carrefour, EDF). On ne constate pas de lien probant avec la qualité de la transparence. La multiplication des documents, et des liens Internet renvoyant à différentes informations, pose au demeurant un véritable problème, l’information pouvant être disponible mais noyée dans la masse, voire répétitives. Un point est également à signaler, certaines entreprises consacrent une partie spécifique à la RSE, donc en principe exhaustive. Pourtant, d’autres informations significatives, souvent de nature économique ou financière, doivent être recherchées ailleurs. À titre d’illustration, EDF fait état des événements nucléaires mais ne les reprend pas dans les indicateurs de développement durable.

Principaux engagements nationaux ou internationaux Les entreprises mettent en exergue, à côté du mécénat et de leur dialogue social conventionnel, des engagements, nationaux ou transnationaux, avec des organismes institutionnels, des ONG, des instances syndicales/fédérations internationales, des organisations multi-parties prenantes mondiales… qui peuvent prendre différentes formes (adhésion, soutien, accord…).

Cela ne signifie pas pour autant que l’on peut être assuré qu’elles respectent ces engagements, eux-mêmes non exempts de critiques. Ainsi, Crédit Agricole SA qui a adhéré aux « principes d’Equateur » (voir définition) en 2003, a été accusé par l’organisation écologiste Les Amis de la Terre de les avoir enfreints en 2006. Cependant, ces engagements fournissent un cadre, certes en général peu contraignant et qui ne peut se substituer à des obligations réglementaires, mais que l’entreprise a publiquement reconnu et sur lequel elle peut être conduite à faire preuve d’un minimum de cohérence et donc être amenée à réagir si elle est interpellée sur son non-respect (y compris juridiquement). Les engagements pris permettent également de mieux appréhender les thématiques de RSE pour lesquelles la firme souhaite afficher un intérêt plus marqué et méritent donc que l’on s’y attarde.

Les éléments ci-dessous explicitent les différents termes et abréviations utilisés dans le tableau qui vise à récapituler, sans prétendre à l’exhaustivité, les principaux engagements pris, avec leurs échéances, quand celles-ci sont explicitement précisées.

Caring for climate : cette initiative (« Attention au climat », en français) rassemble des représentants d'entreprises, d'organisations de la société civile, de gouvernements et d'agences des Nations unies. Lancée en 2007

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par le Pacte mondial des Nations unies, la plate-forme vise à promouvoir une économie verte (CFC dans le tableau).

Charte de la diversité : lancée en France fin 2004 par Claude Bébéar et Yazid Sabeg, elle se veut un texte d'engagement proposé à la signature de toute entreprise, quelle que soit sa taille, qui condamne les discriminations dans le domaine de l'emploi et décide d'œuvrer en faveur de la diversité (DivF dans le tableau). Il existe des chartes de la diversité qui sont mentionnées par les entreprises, dans d’autres pays (DivB pour Belgique, DivD pour l’Allemagne, DivE pour Espagne, dans le tableau). Sodexo cite également une reconnaissance de l’agence gouvernementale australienne en charge de l’égalité des femmes au travail (AUfem dans le tableau).

Charte de la parentalité : elle a été présentée le 11 avril 2008 par Xavier Bertrand et Nadine Morano et a pour objectif affiché d’inciter les entreprises françaises à proposer aux salariés-parents un environnement mieux adapté aux responsabilités familiales (Parent dans le tableau).

Charte pour l'insertion des personnes handicapées : par cette charte à l’initiative de la secrétaire d’État à la Famille et à la Solidarité, les entreprises s’engagent à :

− poursuivre leurs efforts en matière d’insertion des travailleurs handicapés dans la stratégie de l’entreprise à son plus haut niveau ;

− participer à l’évolution de la représentation collective du handicap dans la société en général et dans l’entreprise en particulier ;

− promouvoir, en complément de la logique de résultats promue notamment par la loi du 11 février 2005, une logique de moyens consacrés à l’insertion professionnelle des personnes handicapées ;

− partager sur l’ensemble de cette politique d’une manière transversale entre entreprise et interministérielle au niveau de l’État, en vue de la faire progresser, favoriser l’échange de pratiques sur l’insertion des personnes handicapées dans l’entreprise (Handi dans le tableau).

CEO Water mandate : il s’inscrit dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement des Nations unies, qui fixent des objectifs de lutte contre la pauvreté et de respect de l'environnement d'ici à 2015. Les dirigeants qui y souscrivent déclarent que la protection des ressources en eau est une priorité et s'engagent à travailler avec les gouvernements, les agences des Nations unies, et les ONG pour relever ce défi. (CEO Water dans le tableau).

CITES : Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, connue par son sigle anglais CITES ; comme la Convention de Washington, c’est un accord international entre États.

Espoir banlieues : plan français concernant une centaine de quartiers réputés difficiles et ambitionnant notamment de faciliter l’accès à l’emploi des jeunes qui en sont issus (BAN dans le tableau).

FEM : Fédération européenne des métallurgistes.

FIDH : Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme.

FIOM : Fédération internationale des organisations des travailleurs de la métallurgie.

OIT : Organisation internationale du travail.

Objectif : les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont huit objectifs – à atteindre en 2015 – qui répondent aux défis les plus

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SYNTHESE DE L’ETUDE DOCUMENTAIRE

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importants du monde. Les OMD découlent des actions et cibles contenues dans la Déclaration du millénaire, adoptées par 189 nations et signées par 147 chefs d’Etat pendant le Sommet du millénaire de septembre 2000 (OMD dans le tableau).

Pacte Mondial : Pacte non contraignant par lequel des entreprises s’engagent à aligner leurs opérations et leurs stratégies sur dix principes universellement acceptés touchant les droits de l’Homme, les normes du travail, l’environnement et la lutte contre la corruption.

Processus de Kimberley : initiative commune regroupant des gouvernements, le Conseil mondial du diamant et des ONG afin de mettre un terme au commerce des diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles pour financer la lutte armée contre des gouvernements légitimes (PK dans le tableau). Il est à noter que ce processus a été vivement critiqué par deux de ses membres fondateurs.

Principes d’Equateur : Lancé en juin 2003, révisé en juillet 2006, cet ensemble de principes vise à une gestion saine des problèmes sociaux et environnementaux liés au financement de projets (PE dans le tableau).

Save Energy Now Leader : Programme américain lancé par le département de l’énergie visant à réduire l’intensité énergétique de la firme de 25 % dans la décennie à venir (Save NRJ dans le tableau).

Social Accountability International : ONG multi-parties prenantes dont la vocation est de faire progresser les droits humains des travailleurs dans le monde (SAI dans le tableau).

UNI : Organisation se définissant comme un syndicat mondial des compétences et des services représentant 900 syndicats et 20 millions de travailleurs dans le monde.

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Tableau récapitulatif des principaux engagements nationaux ou internationaux mis en avant par l’entreprise

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Pacte Mondial 2001 2003 2001 2007 2003 2006 2008 2003 2003 2003

Climat/eau CFC 2009

CFC & CEO

Water

2009

Save NRJ

CITESPas de

précision

Principes d’Equateur/ OMD

PE 2003 OMD OMD

Droits de l’Homme FIDH 1997

PK (Gucci)

Pas de

précision

Diversité/ Parentalité

DivF 2004

Parent

2008

DIVF 2008 DivF 2006

DivF 2004

BAN

2008

DivF 2009 DivF 2004Handi

2009

DivB - DivD

DivE -

Aufem

Droits des travailleurs

OIT

SAI 2008OIT OIT

Accord avec Fed. Synd. international

/ RSE mondial

UNI

2001

Accord

mondial

sur RSE

2005-2009

FIOM –FEM

2006

Sociétés

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Avancées et faiblesses du reporting Chaque entreprise peut s’avérer particulièrement novatrice sur tel ou tel point ou, à l’inverse, nettement en retrait. La situation de chacune d’entre elles doit donc d’être examinée spécifiquement, et un report vers les fiches individuelles apparaît donc nécessaire. Néanmoins, des tendances se dégagent pour les dix entreprises étudiées, même si celles-ci, rappelons-le, n’ont pas vocation à représenter les pratiques de reporting de l’ensemble des grandes sociétés françaises cotées.

Sur le plan social, l’égalité de traitement entre hommes et femmes donne lieu à l’exposé de nombreuses données (parts dans le recrutement, la formation…), couvrant souvent plusieurs pays. En revanche, les éventuels écarts salariaux ne sont pas toujours présentés et lorsqu’ils le sont, à de très rares exceptions près, les explications données sont insuffisantes et/ou aucun objectif n’est annoncé pour y remédier. La situation des personnes handicapées et des seniors est abordée, mais bien souvent pour la France uniquement et les obligations légales en la matière ne sont pas rappelées. à ce propos, on peut constater que les informations fournies n’incluent pas systématiquement le périmètre du groupe et sont insuffisamment déclinées par zones géographiques ou pays. La formation des personnes les moins qualifiées est un aspect largement omis.

Dans un autre registre, la présentation du temps partiel est souvent négligée, soit les chiffres manquent, soit les différentes formules ne sont pas explicitées. Les commentaires sur les contre-performances (accidents en hausse, baisse de la formation…) enregistrées sont très rares. De même, les sujets polémiques sont très peu abordés, sauf lorsqu’ils peuvent avoir un impact financier et, dans ce cas, on les retrouve dans les parties afférentes mais en général, ils ne sont pas rappelés dans celles dédiées à la RSE. Les sociétés qui indiquent le nombre de licenciements sur le périmètre du groupe et qui détaillent leurs motifs sont minoritaires.

Aucune entreprise ne laisse une tribune de libre expression à ses représentants du personnel même celles qui revendiquent un climat social serein. De nombreux codes éthiques existent auxquels les employés doivent se soumettre mais aucune firme n’indique clairement de position, au-delà du principe, sur sa présence dans des pays enfreignant par exemple la liberté syndicale.

Pour le volet sociétal, les entreprises font part de leurs activités de mécénat mais le budget alloué n’est pas toujours stipulé de même que l’investissement propre de l’entreprise lorsque l’initiative fait également appel à ses collaborateurs. La lutte contre la corruption est souvent évoquée, mais les mesures tangibles prises, rarement décrites. Il en est de même des retombées économiques pour le tissu local où peu de chiffres sont avancés. La description de l’organisation du processus de dialogue avec les parties prenantes locales n’apparaît guère.

En ce qui concerne l’environnement, l’absence d’informations sur les gaz à effet de serre est exceptionnelle mais leur qualité est très inégale. Il en est de même de l’aspect énergétique (très lié au thème précédent, il est vrai). Les nuisances (sonores, olfactives…) liées à l’activité de l’entreprise ne sont, elles, que très rarement abordées. Sur les énergies renouvelables, beaucoup de sociétés en font mention mais, de manière générale, les éléments fournis sont anecdotiques. Comme pour le volet social, les contre-performances sont rarement commentées et aucune libre expression n’est laissée à des associations environnementales, sauf si elles sont partenaires de l’entreprise. Enfin, les éventuelles contreparties financières négatives restent à améliorer nettement.

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Conclusion de l'analyse documentaire

Une latitude certaine existe dans le reporting RSE, ainsi les entreprises privilégient le traitement de certains éléments plutôt que d’autres, soit par manque de moyen et de volonté soit, par choix délibéré d’agencement des priorités, mauvaise foi, omission, incapacité à collecter l’information… Pour que les rapports s’améliorent et ne restent pas lettre morte, il conviendrait peut être que les différentes parties prenantes se les approprient davantage et qu’elles soient force de proposition pour leur amélioration. Par ailleurs, on peut relever un manque relatif dans le champ des études sur la RSE : en effet, si les ouvrages généralistes sont nombreux et des études sur des compagnies spécifiques portant sur certains aspects de la RSE ou donnant des conclusions plutôt synthétiques existent, les analyses approfondies et suivies dédiées à une entreprise donnée sur tout le spectre de la RSE, sont rares. Or, comme le relève l’expression : « le diable est dans les détails ».

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2

Quatre études de cas reposant sur des enquêtes de terrain

1. Carrefour2. EDF

3. Legrand4. Saint-Gobain

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CARREFOUR

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1. Le reporting RSE de Carrefour devient un support de dialogue au comité d’entreprise européen

La RSE : des démarches dispersées de la part des partenaires sociaux qui ouvrent de nouveaux espaces de dialogue

Les entretiens menés avec plusieurs représentants d’organisations syndicales du groupe Carrefour font ressortir diverses initiatives menées dans le champ de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) et du développement durable. Ces initiatives mettent en évidence qu’il existe une place pour cette thématique dans le dialogue social mais aussi que celle-ci doit encore s’affirmer. Il importe, tout d’abord de relever une certaine difficulté à définir avec précision les termes de responsabilité sociale ou de développement durable, mais qui n’est pas propre aux syndicalistes de Carrefour, et qui reflète les approximations observées dans la plupart des débats publics autour de ces concepts encore très nouveaux dans les esprits. Quoiqu’il en soit, cela illustre peut-être aussi les difficultés rencontrées par les organisations syndicales à investir ce champ.

Les questionnements émanant des partenaires sociaux Des questions de nature sociale ou environnementale sont régulièrement abordées soit au sein du Comité d’information et de concertation européen du groupe (CICE)14, soit de manière plus informelle. Ainsi, on peut citer les questions qui émanent des campagnes d’interpellation de collectifs constitués d’ONG, des syndicats et d’associations de consommateurs, comme De l’éthique sur l’étiquette (au niveau français) ou la Clean Clothes Campaign (à l’échelle internationale) sur les questions des droits sociaux fondamentaux et des droits de l’Homme au travail dans les sites appartenant aux fournisseurs ou aux sous-traitants du groupe. Les questions sont la plupart du temps relayées auprès de la direction par les syndicats français et belges (la Clean Clothes Campaign étant très active en Belgique) et relativement peu par les représentants des autres pays.

D’autres thèmes – la plupart portant sur des questions sociales – ont également été portés auprès de la direction par les organisations syndicales : la répression syndicale, le syndicalisme en Indonésie, le relais de collègues situés dans des pays étrangers comme la Pologne, le coton 14 Le 31 juillet 1996, la direction de Carrefour a conclu avec la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (Fiet) un accord d’anticipation dans le cadre de l’article 13 de la directive communautaire 94/45/CE portant sur l’institution d’un comité d’entreprise européen dans les groupes de dimension communautaire. Un avenant à cet accord, dont nous reparlerons, a été signé le 18 octobre 2011. Le comité comprend actuellement 28 représentants du personnel de huit pays et son Comité directeur est formé de 5 représentant des salariés : 2 Français, 1 Espagnol, 1 Italien, 1 Belge.

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CARREFOUR

É t u d e d e q u a t r e c a s r e p o s a n t s u r d e s e n q u ê t e s d e t e r r a i n 79

ouzbek15… Les questions plus larges, et sortant du cadre traditionnel de l’action syndicale (enjeux de société ou environnementaux) sont encore assez peu présentes dans les préoccupations portées par les syndicats. Une des exceptions a été la prise de position contre la présence du bisphénol A dans les tickets de caisses, produit potentiellement dangereux pour la santé. Il est vrai que ce sujet touche également la santé du personnel et entre à ce titre dans le champ social.

L’appropriation par la direction de Carrefour des thèmes portés par les syndicats

Les thèmes relevant de la RSE portés par les instances syndicales couvrent, au final, un champ assez large : questions environnementales, problèmes syndicaux au sein du groupe sur le plan international, conditions de travail à l’extérieur du groupe… Concernant les actions des ONG menées pour améliorer les conditions de travail sur la chaîne d’approvisionnement, les représentants syndicaux rencontrés les estiment utiles car elles renforcent la prise de conscience de la direction du groupe sur ces enjeux.

En revanche, ces « intrusions » de citoyens sous forme de pétitions par voix postale ou électronique, irritent la direction du groupe qui les considère comme des « agressions » dans la mesure où, le plus souvent, il n’y a pas eu de contact et de demande d’explication préalables et où, de fait, les problèmes évoqués sont découverts au moment de la campagne. Du coup, les partenaires sociaux peuvent apparaître comme des interlocuteurs avec lesquels le dialogue peut plus facilement s’instaurer. Sentiment partagé par ces derniers qui considèrent également que la direction éprouve le besoin d’échanger sur ces questions et de consolider sa démarche de RSE et de développement durable.

Le CICE, lieu de débat privilégié Les problématiques sur la RSE sont assez systématiquement discutées au sein du CICE et en annexe des réunions du comité directeur qui se réunissent 2 à 3 fois par an. Jusqu’à présent, les réunions de la « commission DD/RSE » du CICE, qui réunit une dizaine de personnes environ en comptant les membres de la direction, étaient informelles. Les thèmes abordés étaient ressentis comme imposés par la direction, et ce, bien que les sujets émanant des organisations syndicales étaient pris en compte sans difficulté par la direction. Par ailleurs, les débats ne faisaient pas l’objet de compte-rendu.

Des sujets comme l’empreinte carbone ou des états des lieux sur les audits sociaux, conduits par le groupe auprès de ses sous-traitants, sont abordés pendant ces réunions au cours desquelles la direction de Carrefour peut également convier des intervenants extérieurs (WWF, Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) à s’exprimer sur des sujets sociaux ou environnementaux. Le thème abordé lors de la réunion du comité d’octobre 2011 a été la déforestation.

Aux dires de l’interlocuteur représentant la Cfdt au sein du CICE, ce sont surtout les partenaires sociaux français et belges qui s’intéressent le plus

15 La question de la réquisition des enfants pour la récolte du coton en Ouzbékistan fait l’objet de nombreuses campagnes d’opinion internationale et le public français a été alerté suite à une émission diffusée en 2008 par la chaîne de télévision publique France 2 (Envoyé spécial). Carrefour a pris position en créant, notamment un groupe de travail afin de tracer l’origine du coton contenu dans les articles offerts et ceci afin de pouvoir s’assurer à terme qu’aucun produit proposé ne contient du coton en provenance d’Ouzbékistan tant que ce pays aura recours au travail forcé des enfants.

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aux questions de développement durable et de RSE traitées lors des réunions.

La situation devrait évoluer puisque, consécutivement aux demandes récurrentes de certaines organisations syndicales, un groupe de travail DD-RSE paritaire a été institutionnalisé au sein du CICE dans le cadre de l’avenant du 19 octobre 2011 signé par la direction de Carrefour et l’Uni (Union Network International) Global Union, évoqué ci-dessus. En effet, celui-ci stipule expressément que « la présentation du rapport Développement Durable, Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) et droits fondamentaux » figurera parmi les six sujets que devra régulièrement traiter l’ordre du jour de la réunion annuelle du CICE. Le comité directeur, qui se réunit au moins trois fois entre chaque réunion du CICE, se réunira pendant une demi-journée, la veille ou le lendemain de chacune de ces réunions sur le thème du développement durable et de la RSE. Le rapport de Développement Durable a été présenté lors de la dernière réunion du CICE en octobre.

L’utilisation du rapport d’activité et de développement durable ainsi que l’utilisation du rapport d’expert sont encore faibles

Plusieurs remarques émanent des représentants des organisations syndicales rencontrés. L’élément positif est que ces documents mettent en évidence les efforts engagés par la direction du groupe sur les questions de RSE et de développement durable. Néanmoins, les documents « RSE » peuvent faire l’objet d’au moins cinq critiques :

− une interrogation quant à la fiabilité des informations contenues dans la documentation16 ;

− l’absence de certaines informations ou, à tout le moins, le manque d’approfondissement de certaines d’entre elles ;

− un déficit dans l’analyse de l’évolution de certains sujets sociaux ;

− une insuffisance d’information quant à la « gouvernance actionnariale » du groupe17 ;

− un rapport concentré sur les actions positives menées par l’entreprise.

Ce dernier point résulte de l’usage que semble en faire la direction de la société. Les représentants rencontrés confirment, en effet, que le rapport de développement durable est considéré comme un outil de promotion des bonnes pratiques sociales, sociétales et environnementales conduites par le groupe. Ces bonnes pratiques peuvent alors être partagées avec d’autres entreprises, notamment au sein de la fédération européenne du commerce (EuroCommerce18). Il en a été ainsi, par exemple, de la question traitant de la violence par des tiers dans l’environnement de travail des salariés du commerce en contact avec la clientèle (notamment les caissières). Le module de formation Carrefour a été mis en avant dans le guide de sensibilisation à ce risque, élaboré dans le cadre du dialogue social sectoriel européen. De même, l’emploi, la promotion de la diversité, le recrutement 16 À la demande de la direction du groupe, un des commissaires aux comptes apporte toutefois une assurance modérée ou raisonnable sur 15 indicateurs sociaux et environnementaux présentés dans le rapport d’expert. 17 Selon l’un de nos interlocuteurs, actuellement, c’est surtout la « gouvernance financière » qui prime. 18 EuroCommerce représente le commerce de détail, de gros et à l’international en Europe et ses membres sont composés de fédérations du commerce présentes dans 31 pays européens, d’associations européennes et nationales représentant des branches spécifiques du commerce et des entreprises à titre individuel.

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et l’intégration des personnes handicapées, les mesures destinées à équilibrer vie professionnelle et vie personnelle ou parentale, telles que l’organisation des horaires en îlots, etc., sont les autres thèmes majeurs traités dans le rapport et mis en avant par le groupe dans sa démarche de promotion des bonnes pratiques.

Mais les représentants syndicaux font remarquer que ces initiatives ne sont pas nouvelles et que le rapport mériterait de mettre en perspective leur évolution dans le temps et la place qu’elles tiennent sur un plan plus global dans la stratégie de l’entreprise en la matière.

La fiabilité des informations également n’est pas assurée dans l’esprit des représentants syndicaux qui, confrontés aux difficultés quotidiennes des salariés ont sans doute tendance à relativiser le crédit qu’on peut accorder au ton très positif adopté dans le rapport. Mais plus précisément, certaines données peuvent générer un doute. Les organisations syndicales, par exemple, éprouvent des difficultés à réconcilier les chiffres se rapportant aux effectifs du groupe entre les différents documents qu’ils peuvent avoir à leur disposition. Comme dans de nombreux rapports, les informations quantitatives proposées aux lecteurs mériteraient sans doute d’être mieux définies (nombre de salariés moyens ou en fin de période, en unité ou en équivalent temps plein…).

Au-delà de ces précisions, les organisations syndicales aimeraient trouver d’autres informations sociales portant sur les rémunérations (ventilées par pays), sur les relations sociales (comme, par exemple, un état des négociations par pays ou le nombre de jours de grève recensés…). Nos interlocuteurs estiment également que les questions de la diversité – plus exactement de la parité hommes/femmes –, de la sécurité ou du développement des carrières (avant Carrefour pouvait être considéré comme un ascenseur social, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui) sont insuffisamment ou pas du tout traitées.

D’autres thèmes, en dehors de la sphère sociale « traditionnelle », pourraient être abordés dans les rapports dédiés au développement durable. Ces thèmes concernent les relations avec les différents partenaires économiques. En amont de l’activité, les documents évoquent assez abondamment la question des fournisseurs avec des commentaires qui portent surtout sur les situations observées à l’étranger et, en particulier, dans les pays en développement ou émergents (Bangladesh, Turquie…). En ce qui concerne la France, il est surtout question des filières. Ces documents occultent la nature dont sont établies les relations commerciales et ne font donc pas ressortir les enjeux et les résultats observés en matière de partage de la valeur. En aval, les relations avec les franchisés ne sont pas traitées non plus.

Sur un plan plus local, les syndicats notent également que le groupe gagnerait à aborder des sujets se rapportant à son intégration dans le tissus local social et urbain (questions sur l’urbanisme, sur les embauches dans les quartiers, sur l’impact de la GSA19 sur le petit commerce en termes de lien social et d’emploi…).

De manière générale, les syndicalistes reconnaissent que les questions environnementales sont abordées (papier, huile de palme, produits « responsables », empreinte énergétique…) mais s’accordent à dire qu’ils ne disposent pas des compétences requises pour mesurer la portée des informations fournies et, qu’en conséquence, des relations et des échanges d’informations avec des organismes compétents sur ces sujets s’avéreraient nécessaires.

19 Grande surface alimentaire.

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Les interventions des autres parties prenantes dans le champ de RSE favorisent son appropriation par les partenaires sociaux

Plusieurs ONG interviennent auprès de Carrefour sur la question des conditions de travail ou des droits de l’Homme au travail dans la sphère d’approvisionnement du groupe.

Le partenariat établi entre Carrefour et la FIDH Vers la fin des années 1990, Carrefour a sollicité la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) sur la question des droits de l’Homme au travail. À l’époque, la préoccupation du groupe était surtout centrée sur le travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement et la FIDH a souhaité élargir le champ de réflexion à l’ensemble des droits de l’Homme au travail.

En 2000, un accord de coopération a été conclu qui intégrait notamment l’élaboration et l’adoption d’une charte fournisseur, la conduite d’audits dans les usines par des sociétés externes, la possibilité pour la FIDH d’intervenir20… En 2001, Carrefour et la FIDH ont créé Infans, une association commune qui détermine la politique en la matière. Dès l’année 2002, la FIDH a cessé de mener des contrôles systématiques sur le terrain mais a conservé la possibilité d’effectuer des interventions inopinées. Enfin, la FIDH a commencé à accompagner Carrefour dans une démarche de mutualisation avec d’autres distributeurs des efforts entrepris d’abord au niveau français au sein de l’initiative clause sociale et, plus récemment, grâce à une plate-forme internationale, le Global Social Compliance Program (GSCP).

Le partenariat est jugé globalement positif puisque, outre les évolutions évoquées ci-dessus, d’autres aspects ont progressé au fil du temps sur des sujets comme le travail des enfants, le respect du salaire minimal, les mesures disciplinaires ou la sécurité. On constate également un élargissement de la couverture des audits et des pays ciblés.

À l’inverse, d’autres thèmes méritent qu’on y porte plus d’attention comme les rémunérations perçues (au-delà de la question du respect des rémunérations minimales légales), le volume d’heures supplémentaires pratiquées chez les sous-traitants et la liberté syndicale. Il convient également de noter des difficultés en matière d’évaluation des résultats obtenus qui découlent de la fluctuation du parc de fournisseurs car, pour l’heure, seuls les fournisseurs de rang 1 font l’objet de contrôles - alors que l’on sait que les problèmes se déplacent désormais vers les fournisseurs de rangs 2 et plus – et que les importateurs ne sont pas inclus dans le périmètre de contrôle.

Les exigences et les problématiques en termes de respect des droits sociaux fondamentaux évoluent. La FIDH souhaiterait désormais inclure la question de l’alimentaire dans le champ et intégrer davantage la question sociale dans le processus d’achat, en d’autres termes viser une modification en profondeur des pratiques d’achats du groupe et, le cas échéant, envisager des incitations financières. Aujourd’hui, Carrefour accompagne déjà certains fournisseurs mais globalement, les échanges entre le groupe et ceux-ci ne sont pas assez nourris.

20 La FIDH a mené des missions sur le terrain en Asie du Sud-Est dans le secteur du textile.

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La diffusion de l’information par le groupe Les échanges d’information sur ces questions s’effectuent à travers plusieurs dispositifs comme des revues régulières (tous les deux ou trois mois), une présentation d’éléments statistiques concernant les audits menés (une fois par an), et si besoin, l’envoi de courriers par la FIDH pour demander des éclaircissements…

Sur le plan du rapport de développement durable à proprement parler, la FIDH ne l’utilise pas en tant qu’outil de travail. L’association dispose dans le document d’une tribune libre sur laquelle le groupe n’intervient pas.

De manière générale, la FIDH souhaiterait que l’information diffusée par Carrefour soit plus objective et qu’elle communique, en particulier, sur les problèmes rencontrés et les actions correctives engagées. L’organisation de défense des droits humains aimerait également que la liste des fournisseurs auprès desquels le groupe s’approvisionne soit rendue publique ce qui rendrait l’information plus accessible aux autres parties prenantes et faciliterait leur appropriation. Enfin, des efforts devraient être produits pour favoriser la comparaison des données entre les différents distributeurs et en faciliter ainsi leur exploitation.

Les relations avec les autres ONG Le collectif Éthique sur l’étiquette21 et certains de ses membres (comme, par exemple, l’association Peuples solidaires dont l’un des membres a accordé un entretien dans le cadre de la présente étude), ont établi depuis une quinzaine d’années un lien avec Carrefour ; lien basé sur des campagnes d’interpellation et des discussions portant sur les droits sociaux fondamentaux chez ses fournisseurs et sous-traitants et sur les relations commerciales entre ces derniers et le groupe.

De l’avis des personnes interviewées, les actions d’interpellation donnent lieu à des contacts avec la direction de Carrefour par le biais de son ancienne responsable du développement durable qui a aujourd’hui quitté le groupe. De plus, Carrefour répond aux courriers qui lui sont adressés, ce qui n’est pas le cas de toutes les entreprises. Mais nos interlocuteurs constatent aussi que ces réponses requièrent souvent un certain délai et regrettent qu’elles revêtent souvent un caractère assez standard qui introduit une imprécision qui, au final, ne satisfait pas pleinement les organisations. Celles-ci souhaiteraient, en particulier, que l’entreprise reconnaisse « sans les minimiser » et « considère de manière impartiale » les problèmes détectés. Par ailleurs, les associations notent que Carrefour met souvent en avant des difficultés qui lui permettent de s’exonérer de sa responsabilité et, in fine, déclarer son impossibilité à apporter une solution au problème pointé. Cela a ainsi été le cas dans le cadre d’une campagne menée pour protester contre la plainte déposée à l’encontre d’un syndicaliste par un fournisseur de Carrefour. Les associations auraient préféré que la société soit plus transparente en investiguant ouvertement sur le problème.

Globalement, le rapport de développement durable n’est pas considéré, ni par la représentante du collectif ni par celle de Peuples solidaires comme un outil de travail. Son contenu est jugé trop « narratif » et pas assez précis. Certaines informations sont même parfois tendancieuses ; ainsi l’affaire

21 Créé en 1995, le collectif Éthique sur l’étiquette s’est fixé pour mission de défendre le respect des droits humains au travail et de promouvoir la reconnaissance du droit à l’information des consommateurs de la « qualité sociale » de leurs achats. Le collectif réunit des associations de solidarité internationale, des syndicats, des associations de consommateurs et des associations d’éducation populaire.

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Menderes Tekstil22 a été, dans le rapport, présentée comme une bonne pratique alors que les associations le considéraient comme plutôt un exemple de mauvaise pratique dans la mesure où le groupe semblait prêter davantage crédit aux explications de son fournisseur qu’à celles des représentants syndicaux turcs et des associations. De manière générale, les informations fournies dans les rapports présentent l’inconvénient de n’être pas comparables d’une entreprise à l’autre.

Les associations aimeraient également pouvoir trouver dans les rapports d’autres informations comme, par exemple, un état des lieux des difficultés rencontrées durant les audits et des solutions envisagées pour les dépasser. Autres éléments dont aimeraient disposer les organisations rencontrées : la liste des fournisseurs ventilés par pays23, la nature des approvisionnements, les résultats des audits, le nombre d’audits inopinés, le référentiel d’audit…

Quelques points positifs peuvent toutefois être relevés. Les rapports permettent de comprendre l’organisation de la fonction développement durable dans le groupe et d’évaluer l’importance des préoccupations sociales et de la chaîne d’approvisionnement à l’intérieur de la politique de développement durable de l’entreprise. Cela permet aussi de faire ressortir les contradictions entre les déclarations et les faits relevés sur le terrain et ainsi d’inviter l’entreprise à améliorer ses pratiques en l’interpellant sur des faits précis. Ils obligent en outre les entreprises à un relatif exercice de transparence sur les actions menées et les priorités définies.

Un nouvel espace de dialogue qui se construit progressivement

On l’a vu, le champ de la RSE de Carrefour est investi par un certain nombre d’acteurs (direction, organisations syndicales, ONG) mais cette présence reste assez modeste, du moins en ce qui concerne les parties prenantes de l’entreprise. La destination et l’usage qui est fait du rapport de développement durable reflètent, du reste, assez bien les différentes raisons qui président à cette timidité.

L’ouverture du champ de l’action syndicale est confrontée à un manque de moyens

La multiplicité des domaines qui pourraient faire l’objet d’un élargissement de l’action syndicale dans une perspective de RSE pose la question de la cohérence des actions qui, en définitive, fait écho à la cohésion de l’entreprise, que cela soit sur un plan interne ou externe. En conséquence, les interventions des organisations syndicales sur les questions de RSE touchent, de près ou de loin, la stratégie même de l’entreprise, ce qui nous a été implicitement confirmé par nos interlocuteurs syndicaux lorsqu’ils se demandent si le groupe dispose des moyens de son ambition dans la RSE. Et ceci, d’autant qu’il ressort des interviews des syndicalistes que la priorité actuelle du groupe est financière, ce qui peut être traduit par le fait que celle-ci tendrait à réduire toute démarche qui n’aboutirait pas par un rapide retour sur investissement.

22 En mai 2009, l’association Peuples solidaires a mené une campagne d’interpellation publique auprès des groupes Carrefour et Ikéa pour protester contre les faits de répression syndicale constatés dans l’usine de l’un de leur fournisseur de linge de maison basé à Denizli en Turquie et appartenant au groupe turc Menderes Tekstil. 23 Les sociétés Levi’s, Nike et Adidas détaillent, quant à eux, la liste de leurs fournisseurs.

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Dès lors, est-il possible d’envisager une stratégie qui soit globale et qui n’écarte pas des sujets aussi cruciaux que la réputation de l’entreprise sur le plan environnemental, la durabilité des relations qu’elle entretient avec ses fournisseurs et sous-traitants (conditions de travail et relations économiques), l’adhésion de ses franchisés au projet d’entreprise, l’intégration des magasins dans le tissu local (insertion professionnelle locale, stabilité sociale, urbanisme…) ?

Mais l’élargissement de la palette des interventions potentielles passera, en premier lieu, par l’appropriation des différents thèmes par les militants eux-mêmes. Or, il s’avère que, d’une part, les préoccupations premières telles que l’emploi, les rémunérations… sont omniprésentes et, d’autre part, que les efforts produits par la direction du groupe pour associer davantage les partenaires sociaux semblent essentiellement cantonnés à l’échelle européenne ou au niveau de quelques pays (en particulier la France et la Belgique). En d’autres termes, il apparaît difficile de promouvoir la RSE tant que les liens entre la stratégie globale de l’entreprise et les conséquences concrètes au quotidien, ne sont pas clairement renforcés. Ce qui suppose une implication plus importante du groupe à l’échelon local.

Au-delà de ces aspects, se pose aussi la question des moyens. Or, le nombre des syndicalistes impliqués sur ces questions relativement nouvelles, reste assez peu élevé et ne touche pas l’ensemble des pays d’implantation. Outre les raisons évoquées ci-dessus, il convient de souligner que les partenaires sociaux sont également très sollicités par l’activité sociale « courante » (en 3 ans, plus de 20 projets de restructuration ont dû être traités). Forte activité sociale et intérêt encore naissant des thèmes sociétaux chez les militants syndicaux n’instaurent évidemment pas les conditions idéales pour un développement dynamique de cette question par les partenaires sociaux. De plus, certains sujets requièrent des compétences techniques dont les partenaires sociaux s’estiment être dépourvus (droits de l’Homme, environnement…). Ceux-ci préférant faire confiance aux organisations spécialisées.

L’articulation entre les organisations syndicales et les autres parties prenantes est encore timide

Du coup, l’articulation entre l’action syndicale et les actions menées par les associations, qu’elles touchent ou non la sphère du travail, devient incontournable pour instaurer une véritable dynamique de dialogue avec l’entreprise autour des questions de RSE. Les liens existent mais ils semblent encore trop sporadiques non seulement pour permettre une adhésion plus large des militants syndicaux à ces thématiques mais aussi pour éviter le risque de confusion, voire de rejet, d’autant que les cultures et les modes de fonctionnement entre les deux communautés sont différents.

Parmi les pistes qui pourraient être explorées, ont été citées :

− une plus grande implication des ONG sur les problématiques sociales courantes24 ;

− une explication précise des démarches qu’elles engagent, la recherche de liens entre les sphères syndicale et associative (sur la question des Sans-papier, par exemple : d’un point de vue légal,

24 Comme cela a été le cas, semble-t-il, lors de la polémique qui a défrayé la chronique au début de l’année 2011 sur la question de certaines rémunérations qui étaient considérées, selon un jugement du tribunal de police d’Evry, comme inférieures au salaire minimum garanti.

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Carrefour ne doit pas employer de personnes en situation irrégulière mais concrètement, qu’est-il possible de faire ?) ;

− la parité hommes/femmes (la place des femmes dans le groupe étant un sujet assez fédérateur)25 ;

− etc.

Le jugement doit toutefois être nuancé. Selon la FIDH en effet, si, au début de la coopération établie avec Carrefour, les relations avec les organisations syndicales internes étaient assez ténues, elles se sont considérablement renforcées au fil du temps. Aujourd’hui, les échanges ont été formalisés à la fois avec les syndicats internes (à travers le CICE) et avec la fédération syndicale européenne des services et de la communication (Uni).

Si les syndicats internes sont encore relativement peu impliqués pour les raisons évoquées ci-dessus, ils marquent un intérêt fort pour ces interventions car ils sont désormais convaincus, selon la FIDH, du lien qui existe entre le respect des droits humains dans la chaîne d’approvisionnement et le maintien des emplois dans le groupe. De plus, l’élargissement des liens dans le cadre notamment du GSCP incite non seulement les autres distributeurs à prendre des initiatives similaires, déclenchant ainsi une dynamique positive mais amène aussi les confédérations à prendre des positions déterminantes. Cela a été le cas, en juin 2011 par exemple, de la Confédération Internationale des Syndicats (CSI) qui s’est exprimée en faveur des principes du professeur John Ruggie – représentant spécial au sein de l’ONU chargé de la question des droits de l’Homme, des sociétés transnationales et autres entreprises – en matière de responsabilité des entreprises sur la question des droits humains.

Quelle fonction accorder au rapport de développement durable ? Selon la direction de Carrefour, le rapport de développement durable dans lequel s’intègre la RSE peut être utilisé comme un outil de dialogue social. Ainsi, outre les voies habituelles de ce dialogue que sont les négociations et l’information des représentants du personnel, une démarche volontariste est menée par l’entreprise afin d’intégrer les partenaires sociaux à la réflexion. L’intérêt de la démarche réside dans le partage des bonnes pratiques sociales et dans la recherche d’un consensus sur les sujets abordés. L’intérêt de cette démarche n’est pas de « pointer l’événement prêtant à controverse mais de montrer comment on a trouvé un consensus et réglé le problème ». Nos interlocuteurs ont ainsi fait référence à plusieurs cas que l’on peut intégrer dans ce champ : l’émergence, en 2009, d’un syndicat en Roumanie avec l’appui de UNI-Europa, toujours en coopération avec UNI, la création d’un syndicat en Colombie26 en novembre 2011, la mise en évidence de problèmes syndicaux dans la plus importante usine d’huile de palme en Indonésie par UNI et les organisations syndicales françaises…

Sur ces sujets, le rapport de RSE est un support de promotion des actions engagées et qui ont abouti à des solutions. Mais cette conception conduit à deux types de problèmes étroitement liés. D’une part, le parti pris consistant à faire un état des lieux uniquement des actions positives et réussies menées par le groupe sous-tend que l’on privilégie les « compromis » qui ont été trouvés et qu’on écarte les sujets faisant encore

25 Le groupe a d’ailleurs été interpellé sur ce sujet le 21 juin 2011 par une association lors de son assemblée générale annuelle. 26 Depuis de nombreuses années, la Colombie est considérée comme l’un des pays les plus dangereux au monde pour les syndicalistes. Plus de la moitié des syndicalistes assassinés dans le monde, l’est dans ce pays.

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l’objet de discussions ou sur lesquels des divergences de points de vues peuvent être décelées.

En d’autres termes, le débat n’apparaît pas, ce qui pourrait en partie expliquer pourquoi le rapport de développement durable peine encore à s’instituer comme un véritable outil d’échange. D’autre part, et en prolongement de cette remarque, les organisations syndicales internes ne disposent pas pour le moment dans le rapport d’espace dans lequel elles pourraient formuler leur point de vue sur les questions liées à la RSE et au développement durable. Une telle tribune, qui associerait davantage les organisations syndicales à la construction de compromis, voire de consensus, ne semble pas a priori rebuter nos différents interlocuteurs mais cela passerait vraisemblablement par une définition préalable des règles régissant le contenu de cette tribune.

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2. EDF développe de multiples supports de reporting RSE et les syndicalistes s’appuient sur celui établi pour le suivi de leur accord mondial

Le groupe EDF construit deux reporting RSE distincts : son reporting public et celui élaboré pour les syndicalistes

Le groupe EDF est un des premiers énergéticiens mondiaux. Ses activités principales sont la production, le transport, la commercialisation et la distribution d’électricité. Le groupe compte près de 160 000 salariés dans le monde.

Construit par l’État français après la deuxième guerre mondiale, EDF a, depuis son origine, une vocation sociétale forte. Cependant, le groupe n’a explicité sa politique selon le concept de RSE que depuis le début de la décennie 2000.

L’entreprise est souvent considérée comme étant l’un des « laboratoires d’expérimentations » en matières sociale et sociétale en France. C’est ainsi qu’elle a développé plusieurs approches en parallèle en matière de management de la RSE depuis le début des années 2000. Et, en particulier, la négociation et le suivi d’un accord de RSE avec le mouvement syndical international. Accord qui est souvent considéré par la communauté internationale comme le plus avancé des dispositifs de ce genre (parmi la centaine d’accords-cadres internationaux existants).

EDF – la cohabitation de deux reporting RSE

Légende :

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Le reporting de développement durable est une évolution d’une publication antérieure qui traitait des seuls impacts sur l’environnement. Il a été étoffé dans le cadre des obligations de l’article 116 de la loi NRE suite à l’introduction en bourse d’une partie du capital d’EDF. Cependant ce reporting a été construit séparément du reporting élaboré dans le cadre de l’accord-cadre international.

Le reporting public

Il s’agit du reporting construit pour une communication externe à l’entreprise. Celui-ci est élaboré par la Direction du Développement Durable (DDD) EDF est une des rares entreprises à publier son rapport Développement Durable intégral en ligne exclusivement.

Ainsi, les documents papier disponibles ne sont plus que des extraits du site Internet :

− le rapport d’activité & développement durable ;

− le cahier des indicateurs développement durable, qui reprend les indicateurs économiques, environnementaux et sociaux et détaille la méthodologie utilisée.

Ce choix de ne publier l’ensemble des informations que sur Internet, sans version intégrale téléchargeable, constitue un frein à l’utilisation du reporting RSE de façon approfondie. La consultation uniquement par Internet permet effectivement un accès a priori facilité pour toute personne cherchant une information spécifique. Mais la consultation est vraiment laborieuse pour traiter une grande masse de documents. C’est un élément sans doute décourageant pour un analyste qui voudra procéder à des comparaisons multi-critérielles avec d’autres entreprises.

De plus, EDF a publié son reporting RSE 2009 et celui de 2010 sur deux adresses internet différentes. Par ailleurs, l’articulation entre le site Internet et les documents papier ne sont pas simples à décrypter. Le lecteur des seuls documents papier ne sait pas quelle quantité d’information publiée sur Internet lui manque.

Néanmoins, un des aspects positifs de la formule « en ligne » est la possibilité de pouvoir envoyer son avis à EDF sur de nombreuses pages du site. Cependant, les auteurs de cette étude ont utilisé l’un de ces formulaires internet pour poser une question à l’entreprise, et aucune réponse ne leur est parvenue dans les semaines qui ont suivi.

Un reporting RSE public calé sur le reporting financier… La méthodologie utilisée pour construire le reporting RSE correspond à celle du reporting financier : le calendrier (publication en février du rapport de gestion dans lequel des informations DD sont présentées), le logiciel utilisé ou encore le périmètre de consolidation sont les mêmes. Par exemple, la filiale RTE (Réseau de Transport d’Electricité), dont le capital est détenu à 100% par EDF ne sera plus incluse dans le périmètre du reporting RSE en 2011 en raison de sa mise en équivalence au 31 décembre 2010 (impliquant sa sortie du reporting comptable).

… et principalement utilisé par les agences de notation D’après la direction Développement durable du groupe, de toutes les parties prenantes, ce sont les agences de notation extra-financières qui sollicitent le plus EDF sur son reporting RSE, notamment via des

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questionnaires. Les échanges avec ces agences et leurs demandes sont parfois à l’origine d’une évolution du reporting RSE, par exemple :

− la création du cahier des indicateurs développement durable, qui est le support le plus utilisé par ces agences ;

− l’évolution de certains indicateurs.

Un usage contrasté du reporting RSE d’EDF de la part des ONG La direction développement durable d’EDF considère que le reporting RSE est un outil complémentaire au dialogue avec les parties prenantes, c’est-à-dire qu’il ne doit pas s’y substituer. EDF a ainsi établi un certain nombre de contacts, voire de partenariats avec des ONG, tels que ceux établis avec la Ligue de protection des oiseaux au niveau national ou avec Birdlife au niveau mondial (en cours de constitution), ou encore avec l’Union internationale pour la Ccnservation de la nature (UICN).

Néanmoins, le contenu des échanges entre EDF et ces organisations n’est pas publié dans le reporting public de l’entreprise, ni clairement mentionné dans le reporting RSE 2010.

Quant aux ONG qui ne sont pas dans une position de dialogue vis-à-vis d’EDF, leur usage du reporting RSE n’est pas systématique. Ainsi Greenpeace, par exemple, explique que les messages publiés par EDF sur sa politique développement ne les intéressent pas dans le détail, puisque l’ONG conteste le modèle économique même d’EDF, basé sur l’exploitation du nucléaire. Ainsi, cette ONG ne semble jamais lire le reporting RSE annuel de l’entreprise. En revanche, le collectif « Stop EPR, ni à Penly ni ailleurs » se basait sur le rapport développement durable d’EDF 2009 pour critiquer la faible part des énergies renouvelables (hors hydraulique) dans le parc du groupe.

EDF anime plusieurs panels d’experts indépendants Le groupe s’appuie sur plusieurs panels indépendants qui apportent une approche pluridisciplinaire et des visions extérieures au groupe. L’ensemble de ces panels de concertation regroupe environ 90 personnes du monde entier.

− Le « SD panel » (panel développement durable) est le Conseil des parties prenantes au niveau du groupe. Outre les Présidents du Conseil de l’environnement, du Conseil sociétal, du Conseil scientifique, et du Conseil médical, il réunit des experts internationaux reconnus dans des domaines variés tels que la santé, l’environnement, l’éthique, la responsabilité sociétale, les politiques publiques, l’économie, la technologie, l’innovation et la gestion des entreprises… mais apparemment aucun syndicaliste. Ce panel s’est réuni plusieurs fois en 2010, notamment pour échanger sur les questions du prix de l’électricité (politiques publiques climatiques et besoins en investissement) et de la compétitivité du nucléaire. Les comptes-rendus des réunions sont disponibles (en anglais) sur le site du rapport développement durable 2010.

4 conseils spécialisés sur certains champs :

– le Conseil de l’environnement, présidé par un membre du GIEC. Il s’est réuni deux fois en 2010 sur l’adaptation au changement climatique ;

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– le Conseil sociétal, qui s’est réuni deux fois en 2010 sur l’acceptabilité des ouvrages, la concertation locale et la précarité énergétique ;

– le Conseil scientifique, orienté R&D, présidé par le Président fondateur de l’Académie des technologies ;

– le Conseil médical, présidé par le chef du service de médecine nucléaire de la Pitié-Salpêtrière.

− Le Stakeholder advisory panel au Royaume-Uni, présidé par Will Hutton, vice-président de la Work Foundation. Il évalue chaque trimestre la façon dont EDF Energy gère des enjeux comme le changement climatique, l’accès à l’énergie à un coût abordable ou la sécurité d’approvisionnement ;

− Le Social committee en Italie qui évalue les programmes sociétaux.

Depuis plus de 5 ans, l’avis du président du panel développement durable, Claude Fussler, a été publié sans censure de la part de la direction du groupe.

− Concernant le rapport 2009, Monsieur Fussler indiquait qu’EDF se distinguait par « l’ampleur et le détail des données publiées pour l’évaluation critique de sa performance ».

− En 2010, celui-ci remarque que le rapport contient « plus de détail sur les 9 engagements du groupe EDF », mais que « cette foule d’indicateurs de performance nous présente le même bilan mitigé (…) ».

On notera cependant que cet avis ne figure pas dans la version papier du rapport.

D’autres espaces de concertation avec certaines parties prenantes Le rapport 2010 indique que « chaque société du groupe dialogue avec ses parties prenantes selon les modalités adaptées à son contexte ». Un travail de cartographie des parties prenantes du groupe a été engagé en 2010 pour tenir compte des évolutions de périmètre, mais aussi pour mieux coordonner la communication d’EDF auprès de ces différentes parties prenantes.

En France, plusieurs concertations ont été organisées en 2010, sur :

− le réajustement des tarifs réglementés avec les associations de consommateurs. Le médiateur d’EDF, qui traite les réclamations en dernier ressort, est l’animateur des relations avec ces associations ;

− les projets d’implantation de nouveaux moyens de production avec les riverains, les associations, les collectivités et les clients.

– Le débat sur le projet d’EPR à Penly (Haute-Normandie) a donné lieu, pendant 4 mois, à une douzaine de réunions auxquelles ont participé des élus, des représentants d’associations et de l’administration pour débattre des enjeux du projet et de ses impacts. Ce débat est organisé par la Commission du débat public.

– Par ailleurs, EDF collabore avec les Commissions Locales d’Information (CLI) établies auprès de ses centrales nucléaires. Ces commissions sont chargées d’informer les riverains sur l’activité des installations nucléaires. Elles sont composées

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d’élus et de représentants des mondes associatifs et socioprofessionnels.

Certaines de ces concertations correspondent d’ailleurs à la mise en application de processus correspondant à des obligations légales en France.

En Angleterre, la nouvelle politique de développement durable de EDF Energy, aurait été élaborée avec les principales parties prenantes internes et externes et validée par le comité exécutif de ces parties prenantes.

En Italie, Edison est en lien avec des associations de consommateurs et les collectivités locales. Par ailleurs, la filiale italienne entretient depuis 5 ans un dialogue avec les associations et les riverains autour du projet de gazoduc IGI entre l’Italie et la Grèce. Un dialogue similaire avait été établi, et récompensé par un prix, autour du terminal de regazéification de Rovigo et de la centrale électrique de Candela.

En Hongrie, la filiale du groupe a installé une barrière sonore pour protéger les riverains, à la suite d’une demande de leur part lors d’un forum public sur un projet de transformateur.

Enfin, au Laos, plusieurs concertations ont été organisées autour du barrage de Nam Theun. Les critiques émises par l’ONG International Rivers en 2010 et les réponses d’EDF et des institutions financières internationales sont disponibles sur le site Internet du rapport.

Le reporting RSE public est peu connu par les syndicalistes EDF…

Source : http://rapport-dd-2010.edf.com/fr/dialogue_social_monde#

D’après les élus de CE ou CCE rencontrés, 95% des militants n’utiliseraient pas le reporting DD-RSE, soit parce qu’ils manquent de temps et sont déjà inondés d’informations, soit parce qu’ils en ignorent même l’existence.

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Pourtant, les élus rencontrés pensent qu’il s’agit d’un outil intéressant :

− les éléments du reporting RSE ne leur sont pas totalement inconnus puisqu’il s’agit, en partie, d’informations que les syndicalistes utilisent pas ailleurs dans leurs prérogatives en CE ou lors des Négociations Annuelles Obligatoires (données sociales, rémunération des dirigeants, dividendes, etc.) ;

− ils pourraient donc utiliser ce reporting RSE externe pour mettre en évidence les dissonances entre le discours de la direction et la pratique qu’ils observent dans l’entreprise, sur des thèmes comme la sécurité, la sous-traitance ou la santé au travail par exemple ;

− les CE pourraient ainsi revendiquer de débattre de questions de RSE à partir de déclinaisons du rapport Développement. Durable au niveau local (pour le Centre d’Ingénierie Hydraulique par exemple), tout comme ils le font avec le bilan social ;

− enfin, ce reporting pourrait servir de base à un partenariat avec des ONG, comme France Nature Environnement (FNE) par exemple.

Mais pour cela, les élus rencontrés ont exprimé un besoin d’être aidés pour analyser et s’approprier ce reporting RSE.

… et perçu comme un outil de communication peu intéressant Les seuls syndicalistes internes que nous avons pu identifier comme connaissant le reporting RSE externe d’EDF sont ceux qui interviennent dans des instances spécifiques où celui-ci a été présenté : le comité de dialogue sur la responsabilité sociale, le comité européen, ou encore le conseil d’administration.

Les administrateurs salariés, parrainés par les organisations syndicales au sein du Conseil d’administration d’EDF SA considèrent le rapport Développement Durable comme un outil de communication externe qui ne permet pas d’aborder les questions sensibles ou les points à améliorer.

Au conseil d’administration, les administrateurs salariés en charge de valider le rapport Développement durable ont exprimé leur refus de discuter uniquement de la forme de cet outil de communication. En effet, ils ont demandé à ce que la politique de développement durable soit abordée en tant que telle, dans la confidentialité du conseil d’administration, et non seulement le rapport publié pour en rendre compte à la société civile.

Quant aux membres du CDRS, même s’ils ont connaissance du reporting RSE public, de fait ils ne l’utilisent pas puisqu’ils ont construit un dialogue avec la DRH internationale à partir d’un autre reporting RSE, spécifiquement développé pour le suivi de l’accord-cadre international.

Le reporting « interne », issu de l’accord RSE

L’accord groupe EDF sur la RSE a été conclu une première fois en 2005, puis renouvelé en 2009 entre la direction et trois fédérations syndicales internationales et 13 fédérations syndicales nationales. Le suivi de la mise en œuvre de cet accord est réalisé au sein du Comité de dialogue sur la responsabilité sociale (CDRS), instance mondiale, et de ses déclinaisons au sein de chaque filiale. Pour cela, un reporting d’une vingtaine d’indicateurs, principalement sociaux, est élaboré par la Direction des Ressources Humaines (DRH).

Aujourd’hui, ce reporting est en cours de simplification et d’harmonisation :

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− les élus du CDRS souhaiteraient modifier l’approche des indicateurs RSE pour leurs donner plus de sens pour les salariés ;

− par ailleurs, les directions RH et Développement Durable souhaitent mettre en place une vision partagée et transverse des 3 dimensions de la RSE, avec une batterie d’indicateurs communs.

Un reporting RSE « interne » peu utilisé par les syndicalistes en dehors des instances spécifiques

En France, le reporting issu de l’accord RSE est, lui aussi, peu connu des élus des CE et des militants de base. D’après nos interlocuteurs, cela s’expliquerait par une mauvaise communication autour de l’accord RSE.

Pourtant, si les éléments « RH » du reporting RSE interne ne sont pas nouveaux pour les syndicalistes français, les indicateurs environnementaux et sociétaux, récupérées par la DRH auprès de la DDD, représentent une nouveauté dans le dialogue social et constituent un potentiel intéressant.

C’est pourquoi il a été souligné, par nos interlocuteurs, l’intérêt de donner plus d’importance aux comités de suivi du reporting RSE interne, dont l’objet est spécifique sur ces questions-là. En effet, pour certains, aborder la RSE dans les instances françaises (CE ou CCE) n’est pas une solution car cela ne restera qu’un point à l’ordre du jour parmi d’autres et le sujet risquerait d’être peu exploité.

Cette articulation des différents niveaux de dialogue et de reporting, semble être l’enjeu clé, que ce soit entre :

− le CDRS et les différents comités de suivi par filiale ;

− le CDRS et ses déclinaisons et les instances classiques (CE, CCE et CEE) ;

− la Direction des Ressources humaines et la Direction du Développement durable.

À ce titre, une anecdote est assez révélatrice du manque de coordination : des administrateurs salariés se sont rendus sur le site du barrage de Nam Theun au Laos pour vérifier que les engagements du groupe en termes de RSE étaient bien respectés. Or, ils ont conscience que cette démarche a été entreprise sans concertation préalable avec des membres de la DRH ou du CDRS, qui ont peut-être mené de leur côté une autre visite avec un objectif similaire.

Des liens qui restent à construire entre les syndicats et les autres parties prenantes

Les pratiques de reporting RSE d’EDF se sont donc développées dans deux sphères très séparées, l’une tournée vers le dialogue social interne, l’autre vers l’extérieur de l’entreprise. À ce jour, l’initiative de rapprochement entre ces deux démarches est en cours à l’initiative des dirigeants, avec ce rapprochement pour l’utilisation d’indicateurs qui seraient communs entre les directions RH et DD.

Alors que les politiques énergétiques et les positions d’EDF sont suivies par certaines ONG, et que celles-ci entretiennent parfois un dialogue avec la direction DD, aucune d’entre elles ne semble avoir approché les organisations syndicales implantées.

Pourtant, les syndicalistes d’EDF qui se sont exprimés au cours de cette enquête ont indiqué qu’ils étaient prêts à échanger leurs points de vue avec des ONG. La convergence des informations et des indicateurs utilisés

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pourrait faciliter ce type de dialogue multipartite qui gagnerait à se développer.

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3. Le reporting RSE de Legrand sert à consolider la cohérence de ses activités internationales ; il est utilisé par les syndicalistes de l’entreprise

La RSE de Legrand : une approche pour consolider la cohérence de ses activités internationales

La prise en compte du développement durable et de la RSE par le groupe Legrand semble procéder d’une démarche de ses dirigeants dans le développement de la stratégie internationale du groupe.

Le groupe Legrand n’est pas confronté directement aux utilisateurs finaux de ses produits. Il intervient dans un marché B to B (business to business). Ses clients sont principalement des entreprises : artisans, entreprises d’installation électrique, entreprises de distribution. Néanmoins, une partie du chiffre d’affaires est réalisée directement avec les particuliers. La marque est connue du grand public et pour le marché du bricolage, elle est un élément de décision dans l’acte d’achat. Bien que l’éventualité d’un risque sociétal lié à l’utilisation de ses produits soit faible, l’entreprise n’est pas à l’abri d’un risque de réputation chez ses fournisseurs ou ses sous-traitants, voire dans ses propres usines (Russie, Chine…).

Nous avons rencontré à Limoges, siège historique de l’entreprise, les représentants de la direction qui sont directement en charge de l’élaboration du rapport RSE dans leurs domaines : achats responsables, environnement, prévention, social.

Le message qui nous a été répété à plusieurs reprises sur la RSE est le suivant : la RSE chez Legrand est un processus en voie d’amélioration permanente et le rapport lui-même en est un reflet partiel. Ce rapport RSE est publié sous la forme d’un chapitre du document de référence, chapitre intitulé Développement durable. De six pages en 2007, le rapport est passé à dix-neuf pages en 2010.

Pour la mise en œuvre de la RSE, le groupe élabore tous les trois ans une feuille de route pour indiquer, dans les principaux domaines, les objectifs qu’il poursuit.

La feuille de route 2011-2013 formule les engagements du groupe sur les trois domaines : gouvernance, environnement et social. Innovation marquante de cette nouvelle feuille de route par rapport à la précédente qui couvrait la période 2009-10, sur la première page, juste après le message du président de Legrand, on peut lire le premier engagement de la gouvernance ainsi mis en exergue : « Échanger avec les parties prenantes du Groupe ». Pour tenir cet engagement, la prochaine étape est libellée ainsi : « Structurer progressivement le dialogue social avec les parties prenantes du Groupe ».

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Cet engagement ne figurait pas de façon explicite dans la première feuille de route. Dans celle qui est en cours, cet engagement tient une place éminente. On s’attendrait à ce que le groupe prenne d’importantes initiatives avec les parties prenantes.

Des efforts pour rendre les indicateurs du rapport plus fiables Le reporting RSE a été audité par les commissaires aux comptes pour la première fois en 2011, ce qui a permis d’identifier certaines anomalies dans la façon de renseigner les indicateurs. Ainsi, plusieurs sites chinois avaient des taux zéro en matière d’accidents du travail, ce qui ne correspondait pas à la réalité. Les indicateurs étaient mal mesurés en raison de réalités réglementaires et sociales différentes.

Il faut noter que pour ce domaine comme pour d’autres, le reporting RSE est « positionné comme outil de pilotage et d’amélioration de la performance sociale et environnementale ». Cet extrait de la présentation qui nous a été faite en novembre 2011 a été illustré par de nombreux exemples (prévention, social, achat responsable, etc.).

Le rapport RSE est construit avant tout pour les agences de notation Lorsque nous avons demandé au directeur du DD quelles étaient les parties prenantes qui lisaient le rapport RSE et y réagissaient, la réponse a été simple : en premier lieu les analystes financiers et extra-financiers ainsi que les agences de notation ISR. Ainsi, quatorze agences ont contacté la direction du Développement durable Legrand, soit directement, soit en adressant un questionnaire. Quelques organismes universitaires également.

« Elles nous posent une série de questions, souvent par mail et nous laissent un temps limité pour réagir avant de sortir leur rapport. Lorsque des questions reviennent de façon régulière, nous incorporons dans le rapport RSE de l’année suivante de nouveaux indicateurs qui répondent par avance à ces questions. »

Qu’en est-il des autres parties prenantes externes ?

Selon nos interlocuteurs, aucune ONG ne pose de questions sur le rapport RSE de Legrand. La seule ONG citée dans le rapport RSE est Électriciens sans frontières, qui bénéficie d’un soutien en dotation de matériel de Legrand pour des actions dans les situations d’urgence.

La métropole de Limoges est la collectivité locale où Legrand a sa principale implantation en nombre de salariés. Legrand est le principal employeur de la ville (après le CHU). Legrand a été invité à participer aux réunions sur le Plan Climat environnement territorial.

Selon le responsable de l’environnement de Legrand qui a participé à ces réunions sur le PCET, il n’y a pas eu de demande adressée à Legrand au début. Ainsi, le cabinet qui a réalisé le bilan carbone de Limoges Métropole n’a pas utilisé le chiffre du rapport RSE mais a procédé par approche globale. Il a fait une hypothèse d’émission par salarié et l’a multipliée par le nombre de salariés de l’établissement de Limoges.

L’utilisation du reporting RSE par les organisations syndicales Le fait marquant est l’intérêt porté au rapport RSE et, plus largement, au sujet du développement durable par une des principales organisations syndicales de l’entreprise.

Un responsable de la section syndicale Cfdt nous a indiqué que « depuis trois ans, la section syndicale épluche le rapport RSE. Au début, cela nous

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paraissait peu intéressant. Mais maintenant, ce n’est plus le cas. Nous cherchons l’écart entre ce que Legrand écrit dans le rapport et ce que nous savons de l’entreprise. Cela nous permet de poser des questions en CCE ou en comité de groupe ».

De plus, le représentant salarié au conseil d’administration formule des questions et des remarques à la réunion du conseil d’administration qui approuve le rapport complet qui sera fait aux actionnaires. Par ailleurs, le comité de groupe est informé d’indicateurs sur la prévention au périmètre de l’Europe.

En prolongement de cette démarche, depuis un an, une négociation s’est ouverte sur le développement durable entre la direction et les organisations syndicales. La Cfdt, à l’origine de cette demande de négociation, est particulièrement motivée et souhaite en faire un axe majeur pour construire la politique syndicale, l'ouvrir à l'analyse des impacts de l’activité de l’entreprise sur la société, sur l’environnement.

Dans cette optique, cette négociation vise à identifier des domaines où une voie d’amélioration peut être trouvée, des indicateurs définis et une méthode engagée (par exemple sur les conditions de travail et les risques psychosociaux, etc.).

En préalable à la négociation, la section syndicale de l’entreprise a élaboré un document intitulé « Revendications Cfdt en matière de développement durable ». Ce document de 68 diapositives s’ouvre sur un préambule qui rappelle ce qu’est le développement durable, et affirme que l’orientation vers une économie sobre en carbone va faire naître de nouvelles contraintes, etc. modifier la nature des emplois, la fabrication des produits (aussi bien pour les matériaux utilisés que pour les procédés de fabrication).

Ce préambule appelle ensuite à :

− augmenter les efforts de l’entreprise en termes de R&D,… facteurs clés du développement économique à long terme ;

− définir des secteurs stratégiques à soutenir et à développer pour passer d’une politique foncièrement défensive à une politique industrielle offensive… secteurs qui nécessitent du volontarisme de la part de l’entreprise… secteurs porteurs d’emplois et de nouvelles technologies.

Un certain nombre de domaines sont ensuite évoqués et quelques uns développés : transport domicile-travail, transport-déplacements professionnels, télétravail, consommables et traitement des déchets, économie d’énergie, démarche industrielle, diversité, compétences en matière de DD, information et formation des salariés, épargne salariale.

Certains domaines font l’objet de propositions d’actions destinées à améliorer leur prise en charge par les salariés ou à limiter l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement.

Par exemple, l’item démarche industrielle prône la généralisation par l’entreprise de la démarche d’éco-conception des produits. Plus originale encore est la revendication formulée en face d’un projet de délocalisation. Il est demandé un bilan carbone du projet qui serait présenté aux OS et aux IRP lors de l’information-consultation sur un projet de délocalisation.

La négociation est un processus long qui pourrait durer trois ans. Elle a commencé depuis un an par l’identification des thèmes à retenir par la direction et les OS.

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Ensuite, les responsables des thèmes retenus sont venus faire leurs exposés aux représentants salariés : achats responsables, éco-conception des produits… L’année 2012 devrait permettre de rentrer dans le vif du sujet.

Fin 2011, le responsable syndical en tirait un premier bilan d’étape : « L’ouverture de cette négociation nous a permis de discuter avec la Direction de sujets intéressants pour nous que nous n’avions jamais abordés auparavant, par exemple la veille stratégique produits ou les recherches effectuées sur les utilisations de nos produits dans différents pays. Ainsi en Inde où il est courant que les consommateurs se branchent de façon anarchique et spontanée au réseau électrique, Legrand fait une analyse des comportements avec une maquette de vie. »

« Dans cette négociation, nous souhaitons avancer sur plusieurs sujets. Nous souhaitons discuter de l’orientation du fonds d’épargne salariale vers l’économie solidaire, parler de l’éco-conception des produits, l’empreinte carbone des sites et des activités, le télétravail, la diversité des salariés,… ».

La question des moyens se pose de façon aiguë. Il y a un écart important entre l’ampleur des sujets à traiter, la technicité de certains sujets et le temps dont disposent les élus des IRP pour les traiter. Ils s’appuient sur leur connaissance de la réalité de l’entreprise.

La demande a été faite par l’organisation syndicale de mettre en place une commission de suivi pour laquelle des propositions d’indicateurs sont faites.

Les trois autres organisations syndicales donnent la priorité aux questions économiques et semblent moins intéressées par la négociation, excepté la CFE-CGC qui a également manifesté son intérêt.

Le reporting RSE, d'abord conçu comme un outil d'image à destination de la communauté financière devient un support pour construire de nouveaux outils de pilotage, éventuellement concertés avec les organisations syndicales

Il faut rappeler l’histoire du groupe durant ces dix dernières années. En effet, depuis dix ans, la croissance du groupe se fait principalement par croissance externe : rachat d’entreprises dans des pays où les normes sociales sont moins élevées que dans les pays européens, comme la Chine, le Mexique ou la Russie.

Comme cela nous a été présenté par le responsable développement durable du groupe, Legrand « positionne le reporting RSE comme outil de pilotage et d’amélioration de la performance sociale et environnementale ». Ainsi, le reporting RSE permettrait d’identifier les écarts de pratiques sociales et environnementales des sites récemment intégrés. Une fois identifiés ces écarts, il est possible pour la direction du groupe de prioriser des axes d’amélioration, de choisir les moyens pour progresser, ce qui permettrait de réduire les risques de réputation mais aussi d’homogénéiser les pratiques dans les entités récemment intégrées tout en laissant une grande autonomie de gestion à ces filiales.

Actuellement le comité d'entreprise européen, instance de dialogue social la plus large du groupe, est saisi de quelques indicateurs de prévention qui sont agrégés au niveau européen et permettent difficilement d’évaluer la situation comparée du pays par rapport à l’ensemble européen et par rapport au monde. L'amélioration progressive des outils de pilotage RSE au niveau mondial par la direction et son ouverture récente à « structurer

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progressivement le dialogue avec les parties prenantes du groupe » devraient permettre d'utiliser de plus en plus le reporting RSE comme support au dialogue entre acteurs et à l'élargissement de ce dialogue.

L’engagement de la négociation sur le développement durable avec les organisations syndicales en France est une étape importante. Ce processus est aussi une opportunité pour mieux articuler les supports de communication externe et les outils de suivi internes.

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4. Le reporting RSE de Saint-Gobain s’étoffe, mais doit encore progresser dans l’ouverture au dialogue multipartite

Le groupe français Saint-Gobain, fondé en 1665 et historiquement reconnu pour son activité verrière, est orienté sur une stratégie d'Habitat Durable, dans la lignée des récentes acquisitions d'activités multi-matériaux et de vente-distribution dans le secteur du bâtiment. Il recentre son portefeuille d’activités autour des enjeux de « l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et de l’environnement ».

Le groupe est composé de 4 pôles d'activité :

− le pôle Matériaux innovants (qui regroupe le Vitrage et les Matériaux Hautes Performances) ;

− le pôle Conditionnement ;

− le pôle Produits Pour la Construction ;

− le pôle Distribution Bâtiment, ce dernier représentant 45 % de son activité.

Leader mondial sur ces principaux marchés, Saint-Gobain est présent dans 64 pays et compte 190 000 collaborateurs dont 75 % hors de France.

Tandis que le groupe affirme mettre le développement durable au cœur de sa stratégie, le reporting RSE du groupe a récemment pris une envergure supplémentaire œuvrant dans le sens de la volonté affichée de la direction générale de s’ouvrir à l’ensemble des parties prenantes. Pourtant, si le dialogue social chez Saint-Gobain est reconnu comme étant loyal, sincère et ouvert tant par la direction que par les organisations syndicales, la question du reporting RSE et de son usage n’a pas encore trouvé sa place concrète auprès des différents acteurs concernés tant en interne qu’en externe.

Un outil destiné, en premier lieu, à la communauté financière

En 2011, le rapport Développement Durable relatif à l’exercice 2010 du groupe Saint-Gobain s’est émancipé du document de référence (destiné aux actionnaires, investisseurs et agences de notation) dont il constituait auparavant un des chapitres. Il est devenu désormais un rapport dédié au développement durable, avoisinant une centaine de pages et destiné à l’ensemble des parties prenantes.

Un lectorat circonscrit Si la cible à atteindre semble considérablement élargie par la présence de ce rapport spécifique (des actionnaires, aux clients et fournisseurs, salariés, agences de notations ou encore aux ONG), la réalité du lectorat semble en être néanmoins significativement éloignée.

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Dans les faits, la direction n’a transmis son rapport de développement durable 2010 qu’à quelques acteurs externes. En externe, les actionnaires, les investisseurs et les agences de notation sont les premiers destinataires évoqués. Viennent ensuite différents réseaux de la direction en charge de la RSE et du Développement durable, et les formes de transmission varient du format papier pour les uns, au lien sur le site Internet du groupe pour les autres.

De leur côté, les ONG restent à ce stade les « parents pauvres » de la RSE de Saint-Gobain, le rapport Développement durable ne leur étant pas adressé en direct par la direction Corporate.

En interne, la communication du document n’apparaît pas, à ce stade, suffisamment coordonnée pour atteindre l’ensemble des salariés et leurs représentants. L’exemple de ce membre de la Convention Saint-Gobain pour le dialogue social européen, pourtant organe destinataire privilégié, qui regrette de n’avoir reçu qu’une partie du rapport (celle dédiée à la politique sociale) en est symptomatique. En outre, la traduction du rapport dans les 33 langues parlées dans le groupe reste encore en suspens ; seules les versions françaises et anglaises étant actuellement disponibles sur le site Internet et intranet du groupe.

En conséquence, et alors que la direction manifeste une action de communication sur les thématiques liées à la RSE et au développement durable vis-à-vis de l’extérieur, les retours attendus des différentes parties prenantes importantes, tels que les employés, les organisations syndicales et les ONG n’ont pas lieu.

L’identification des parties prenantes en interne et en externe constitue de fait une étape identifiée actuellement comme prioritaire par la direction dans le management de la RSE chez Saint-Gobain. Le récent souhait de la direction générale d’associer les organisations syndicales a été entendu et ouvre donc la voie à un espace de dialogue formalisé.

Développement durable : les lignes directrices définies par Saint-Gobain (source : rapport développement durable 2010)

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L’utilisation du référentiel GRI, en réponse à la demande formulée par des analystes extra-financiers

Deuxième avancée présentée par la direction générale en 2011, l’application du référentiel de la Global Reporting Initiative (GRI G3) pour le reporting de l’entreprise.

En outre, une partie des indicateurs utilisés fait l’objet d’une certification par les commissaires aux comptes.

L’adoption du référentiel GRI par le groupe répond certainement aux agences de notation, désireuses d’outils de comparabilité des sociétés. Pour le groupe, le passage au GRI de ce rapport s’inscrit également dans une démarche porteuse de nouvelles pistes de réflexion et de progression. Le groupe prévoit d’utiliser un plus grand nombre encore d’indicateurs GRI pour le reporting qui sera publié en 2012, passant du niveau B au niveau A, au regard du référentiel GRI.

En revanche, les parties prenantes interviennent encore très peu dans ce rapport.

Un document-vitrine recensant l’ensemble des actions responsables du groupe

Au final, le rapport Développement Durable 2010 apparaît davantage être un outil de communication destiné à la communauté financière qu’un outil représentatif de la politique RSE du groupe.

Dans la mesure où très peu de parties prenantes ont été contactées pour participer ou, à tout le moins, s’exprimer sur le document, les réactions recueillies sur le contenu du reporting RSE s’en font largement l’écho avec un document globalement perçu par les organisations syndicales comme « très vendeur » et « valorisant les actions de Saint-Gobain ».

De nombreux éléments positifs sont ainsi relevés par les organisations syndicales interrogées, comme la présence d’informations chiffrées dans le domaine de l’environnement ou encore de la sécurité, la palette complète des actions du groupe, qui ne sont, pour la plupart pas connues des salariés et en tout état de cause, nouvelles pour des salariés non français.

Néanmoins, selon les organisations syndicales interrogées, cette accumulation d’exemples contribue à brouiller la lisibilité du document et, de fait, celle de la politique RSE du groupe. Il apparaît également clairement qu’au-delà des propos recueillis, la cohérence du modèle est questionnée par l’ensemble des organisations syndicales entendues. Pourquoi ? Une explication serait utile sur ce point au cœur du sujet.

RSE : la prise en compte des interpellations externes

Un cas d’école pour Saint-Gobain : la prise en compte plus responsable de la filière bois après les interpellations des ONG

Au courant de la dernière décennie, le groupe a fait face à d’importantes controverses en France ou à l’étranger. Parmi celles traitées en direct avec les ONG, prenons l’exemple caractéristique de « Lapeyre » en France.

Au début des années 2000, de nombreuses ONG environnementales oeuvrant pour lutter contre le pillage des forêts et pour une meilleure gestion des filières « bois » ont âprement interpellé la société Lapeyre,

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enseigne de bricolage et de distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain, pour son utilisation de bois en provenance des forêts primaires.

Le groupe, conscient de la nature de l’enjeu pour la planète et pour leur propre acceptabilité par la société civile, va au-delà de l’interpellation et met en œuvre une pratique exemplaire pour ses achats, en concertation avec des organismes de la société civile tels que Greenpeace, contribuant à modifier peu à peu la gestion de l’amont de la filière. Des certifications des filières-bois ont pu être élaborées par des concertations multipartites entre producteurs, distributeurs, transformateurs, ONG, syndicats et organisations publiques.

En avril 2006, le groupe met en œuvre une stratégie d’achats responsables pour son approvisionnement en bois. Cette démarche a conduit à un approvisionnement à 100 % en produits dotés du label FSC27 et s’est élargie, en 2011, à tous les produits de son activité de distribution bâtiment. Saint-Gobain a même poursuivi sa remise en cause de la façon de faire du commerce du bois en développant une politique de vente responsable, différenciant positivement sa filière sur des critères désormais reconnus comme éthiques par la société civile (formation des forces de vente pour le choix des essences de bois en prenant mieux en compte les enjeux environnementaux, distribution de plaquettes d’information sur ce sujet aux clients en magasin).

Au final, cet exemple reflète bien comment une prise en compte de la responsabilité sociale d’entreprise conduit à un gain à la fois sur les plans économiques, sociaux et environnementaux.

En revanche, plusieurs années après la mise en place de cette démarche, les ONG concernées semblent avoir délaissé le suivi de cette politique. Sous couvert de la présence d’un ancien membre de l’organisation en charge des achats responsables au sein de la Direction des Achats de Saint-Gobain Distribution Bâtiment, le WWF n’exerce pas de suivi spécifique de la politique d’achats bois du groupe.

D’après la direction générale, la société civile et les ONG n’interpellent pas le groupe sur son reporting, générant un sentiment de frustration de la part de ses auteurs. En conséquence, ce manque de pression interne et externe risque d’altérer l’exercice RSE à court ou moyen terme.

Le temps des assemblées générales du groupe Saint-Gobain représente également un moment privilégié pour interpeller la direction générale. Les questions émanant des analystes financiers glissent désormais vers le champ de la RSE et du développement durable. Les thèmes ainsi abordés ont porté sur des questions sociales, le bilan carbone du groupe, les économies d’eau.

En interne, des espaces de dialogue spécifiques à l’ébauche À l’invitation récente de la direction générale d’associer les membres de la Convention Saint-Gobain pour le dialogue social à des discussions relatives au reporting RSE s’est ajoutée la demande des représentants du personnel européen d’une analyse du reporting RSE 2010 par un cabinet d’expert à leur service. La direction générale a indiqué à cette occasion qu’elle était favorable à la création d’un espace de dialogue dédié à la politique RSE du groupe.

27 FSC (Forest Stewardship council) est une ONG internationale créée en 1993 qui propose notamment une certification aux forêts gérées sur la base de critères sociaux et écologiques précis et délivre un label qui offre une garantie sur le respect de ces critères.

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É t u d e d e q u a t r e c a s r e p o s a n t s u r d e s e n q u ê t e s d e t e r r a i n 105

La place de l’instance européenne de représentation du personnel En l’absence de représentation mondiale des salariés et d’accord RSE, les thématiques relatives à la RSE et au Développement Durable sont examinées au niveau européen, qui correspond aujourd’hui à la plus large instance de dialogue social interne.

L’instance européenne, destinataire direct du rapport Développement Durable, réunie en février 2011, a notamment demandé à son expert d’examiner plus particulièrement la politique d’ « achats responsables » du groupe. La restitution des travaux d’analyse de l’expert a fait l’objet d’une demi-journée de débat au sein du comité d’entreprise européen en réunion préparatoire, et d’une demi-journée de présentation et d’échanges avec la direction générale. Un programme de travail récurrent sur la politique et les résultats RSE est envisagé pour les années à venir au niveau de cette instance européenne.

Le reporting RSE, un outil noyé entre dialogue social et stratégie du groupe

L’exercice du reporting RSE 2012 représente un enjeu majeur pour la direction générale, qui entend communiquer et diffuser l’outil en faisant le lien avec sa stratégie et son approche en matière de RSE.

Un avis partagé par les représentants des organisations syndicales interrogés qui estiment, cependant, que la direction générale communique volontairement beaucoup plus sur les défis environnementaux, qui sont porteurs de nombreuses opportunités commerciales pour la stratégie du groupe, que sur le champ de la responsabilité sociale de l’entreprise.

L’ensemble des thématiques abordées est présenté et peut faire l’objet de débat tant au niveau de la représentation salariale européenne qu’au niveau des instances locales, pour la France à tout le moins (comité de groupe France, voire comités centraux d’entreprise et comités d’entreprise, et organisations syndicales).

La question de la cohérence entre le modèle de développement de Saint-Gobain et ses actions en interne est dès lors largement évoquée par les syndicalistes rencontrés et le sentiment d’un décalage entre le discours volontariste du groupe et la réalité du terrain fait consensus parmi les organisations syndicales interrogées.

Ainsi, le groupe aborde les questions du développement durable sous l’angle de sa stratégie « Habitat Durable », sujet sur lequel le groupe se veut à l’avant-garde.

Pourtant, des organisations syndicales pointent du doigt certains écarts existant entre cette volonté politique et les pratiques du groupe dans le domaine verrier par exemple.

Document fondateur des valeurs présentes dans le groupe, les Principes de comportement et d’action présentés dans le rapport Développement durable sont déployés au niveau mondial et destinés à l’ensemble des salariés du groupe. Ces principes (engagement professionnel, respect des personnes, intégrité, loyauté, solidarité, respect de la légalité, respect de l’environnement, respect de la santé et de la sécurité du travail, respect des droits des employés) sont, de fait, relayés dans l’ensemble des instances représentatives du personnel, mais également en direct, au niveau des directions locales dans chaque société.

Pourtant, la CGT rappelle à ce sujet le traitement des syndicalistes hors des frontières européennes, notamment en Amérique du Nord et au Brésil. En

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effet, la question des démêlés du groupe avec des syndicats aux États-Unis a été relayée par les organisations syndicales lors de l’assemblée générale de juin 2003. Un syndicaliste américain de l’UAW y est intervenu au début de la séance des questions-réponses. Ce problème a ressurgi plus récemment après la sortie d’un rapport de Human Rights Watch (HRW) en septembre 2010, accusant une dizaine de groupes européens, dont les français Saint-Gobain et Sodexo, de ne pas respecter le droit syndical dans leurs filiales américaines et d’enfreindre leurs propres principes de responsabilité sociale. Quoi qu’il en soit, le reporting RSE 2010 qui intègre de nouveaux indicateurs, y compris celui relatif à la liberté syndicale, indique qu’aucune activité n’a été identifiée comme menaçant la liberté syndicale ou la négociation collective pendant le dernier exercice.

Un représentant syndical précise également suivre, dans le cadre de son mandat, les conditions de travail des sociétés sous-traitantes, et plus particulièrement pour les activités qui ont été externalisées par le groupe, sujet sur lequel la direction générale communique peu.

Concernant les conditions de travail, le sujet de la sécurité au travail représente une véritable ambition de la direction générale, relayée directement par le président-directeur général du groupe. Des critiques sont cependant émises de la part des syndicalistes sur le mode de comptabilisation des arrêts.

Des leviers d’actions identifiés de part et d’autre

Plusieurs axes d’amélioration et d’utilisation du reporting RSE mériteraient d’être examinés pour lui donner tout son sens, notamment la mise en place d’espaces de réflexion et d’échanges dédiés, l’association des parties prenantes à l’élaboration du document, voire la possibilité d’insérer une « tribune libre ».

En termes de réflexion, différents interlocuteurs parmi les IRP relèvent notamment la nécessité de :

− mobiliser les champs de la RSE et du DD autour de la question de l’emploi futur, en s’appuyant, par exemple, sur le relais possible d’industries ou de technologies nouvelles ayant une portée environnementale intéressante pour réorienter les industries matures ;

− intégrer les préoccupations environnementales et anticiper les futures contraintes législatives (plutôt que de les subir) ;

− mettre en cohérence la stratégie générale et la politique de RSE du groupe, en y intégrant une réflexion sur le cycle de vie (du berceau à la tombe) des produits fabriqués par Saint-Gobain et une anticipation de leur impact environnemental (recyclage ou autre) ;

− élaborer un discours commun aux fédérations et confédérations syndicales permettant d’intégrer des problématiques élargies.

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Enseignements de l’étude et recommandations aux acteurs Parmi les fondements conceptuels de la Responsabilité Sociale des Entreprises, deux notions sont incontournables et justifient l’intérêt de l’existence d’un reporting public pour chaque entreprise :

1 - La nécessaire transparence de la politique de chaque entreprise vis-à-vis de ses impacts sur la société en général, des moyens qu’elle déploie pour maîtriser ces impacts, et des performances qu’elle atteint en la matière.

2 - La concertation avec les parties prenantes des différents enjeux de société qui concernent l’entreprise (des enjeux économiques, sociaux, sociétaux ou environnementaux) à propos de sa politique, des objectifs adaptés qu’elle doit se fixer, et des moyens éventuels pour y parvenir.

La concertation doit nécessairement s’appuyer sur des informations partagées. Certaines informations sont déjà publiques. D’autres sont élaborées ou collectées en interne dans les entreprises. Et c’est théoriquement l’objet du reporting RSE que de rassembler dans des documents accessibles, exhaustifs et cohérents des informations qui contribuent à la transparence de l’entreprise et qui peuvent servir de support à la concertation avec diverses parties prenantes.

Sans aborder ici les questions délicates de fiabilité et de pertinence des informations qui doivent figurer dans les rapports de RSE, c’était bien l’esprit de l’article 116 de la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques que d’encourager les entreprises à mieux assumer leur responsabilité sociale en les obligeant à publier des informations sur les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités, en complément des informations comptables et financières, ainsi que celles relatives à leur gouvernance, dans leur rapport annuel de gestion.

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Une décennie après l’élaboration de cette loi française, il est intéressant d’analyser comment les acteurs concernés perçoivent et se servent des dispositions et des documents publics de reporting d’entreprises qui sont désormais produits et rendus disponibles à la société civile.

Principaux enseignements tirés de cette étude

L’analyse documentaire, qui a constitué le premier volet de cette étude, a montré que les documents publics produits annuellement par les grandes entreprises françaises en matière de reporting RSE étaient très disparates, tant par leur contenu que par leur qualité très inégale. Certaines entreprises ont pris des initiatives très intéressantes pour rendre compte de leur politique et de ses impacts sur certains champs thématiques, mais aucune ne publie un reporting satisfaisant sur l’ensemble des champs couverts par la loi NRE.

Le manque de précision dans les exigences du cadre légal de reporting RSE conduit d’ailleurs naturellement à ces disparités de contenus publiés, qui rendent les comparaisons entre entreprises souvent très difficiles, voire impossibles.

L’enquête de terrain menée sur quatre entreprises, dans le cadre du deuxième volet de cette étude, a permis de mieux comprendre les motivations des directions relatives à la publication de ces informations, ainsi que les positions de plusieurs acteurs concernés, en particulier les sections syndicales de ces entreprises, vis-à-vis de cet objet.

Il est apparu que les entreprises cotées en France ont joué le jeu du reporting RSE annuel. Cependant, elles répondent pour la plupart a minima à l’esprit de la loi. Les motivations des directions d’entreprise en matière de reporting RSE sont avant tout des motivations d’image et de maintien de la confiance qu’elles peuvent inspirer à la communauté financière concernant leur devenir à court ou moyen terme. L’usage de ce reporting comme un outil de dialogue, interne ou externe, n’a été jusqu’à présent qu’une plus faible préoccupation pour elles.

De leur côté, les acteurs de la société qui se préoccupent de questions de long terme, et des impacts des activités des entreprises sur les différents champs du développement durable ne se saisissent que très peu du reporting RSE annuel pour construire leur opinion et leurs revendications éventuelles auprès des entreprises.

Le cas des syndicalistes de Legrand est finalement apparu comme exceptionnel, dans la mesure où ce sont les seuls que nous ayons rencontrés qui ont exprimé que le reporting RSE de leur propre entreprise constituait désormais leur base de travail. Ils ont, de plus, affirmé qu’ils faisaient de l’analyse de ce reporting un élément stratégique de leur positionnement d’équipe syndicale.

Le cas de cette équipe syndicale de Legrand est sans doute un cas d’avant-garde. Les équipes syndicales que nous avons rencontrées dans les trois autres études de cas ont indiqué qu’elles s’intéressaient à la politique RSE de leur entreprise ; pour autant, le reporting public de RSE, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, n’a pas justifié jusqu’à présent un réel investissement de leur part pour l’utiliser de façon importante dans le dialogue social.

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Les motivations des entreprises dans l’élaboration et la publication de leur reporting RSE expliquent leur faible utilisation pour la concertation

L’analyse des motivations des directions d’entreprise quant à la publication de leur reporting RSE est intéressante. Globalement, parmi les entreprises faisant partie du panel de cette étude, le podium des motivations des dirigeants semble être assez clairement le suivant :

1. Répondre aux demandes et aux attentes exprimées par la communauté financière.

2. Répondre à une obligation légale (l’article 116 de la loi NRE en l’occurrence).

3. Consolider l’image de l’entreprise.

Les dirigeants d’entreprise semblent avoir intégré d’une certaine façon l’invitation à une plus grande transparence grâce à leur reporting RSE. Cependant, ils privilégient nettement les parties prenantes appartenant à la communauté financière (entendue au sens large, c’est-à-dire en incluant les agences de notations dites « extra-financières », dont les clients sont des acteurs de la sphère financière), parmi les lecteurs potentiels de leur reporting RSE.

Cette remarque nous amène au premier enseignement explicite de cette étude : les entreprises n’articulent que très rarement aujourd’hui l’élaboration et la diffusion de leur reporting RSE avec un système de concertation élargi aux diverses cultures de toutes les parties prenantes.

On constate ainsi que, non seulement contrairement à l’esprit de la loi, les entreprises informent seulement ponctuellement de leur reporting RSE les acteurs de la société civile que sont les organisations syndicales et les ONG, mais encore que celles-ci sont très peu incitées par l’entreprise à réagir à son sujet, et encore plus rarement à contribuer à son amélioration.

De plus, les acteurs hors de la sphère financière n’étant pas les cibles principales des informations publiées par les entreprises dans leur reporting RSE, la présentation des informations qui y sont contenues n’est, de fait, pas bien adaptée à leurs attentes. Ces documents prennent, en effet, des formes le plus souvent orientées vers la promotion de bonnes pratiques de l’entreprise avec, en annexe, des tableaux d’indicateurs construits pour faciliter l’élaboration d’une notation globale par un lecteur qui y prélèvera des données brutes.

Ce ne sont que dans des cas rarissimes des documents adaptés pour ouvrir un débat contradictoire à l’occasion d’une concertation organisée. Les dilemmes auxquels fait face l’entreprise ne sont pratiquement pas exposés, et les explications des arbitrages opérés par les dirigeants au sujet de ces dilemmes figurent encore moins souvent dans les lignes de ces publications.

Les parties prenantes non financières ignorent le plus souvent le contenu du reporting RSE et sollicitent très peu les entreprises à son sujet

Cette étude a constaté la regrettable pauvreté du dialogue social et du dialogue civil suscités par les entreprises autour de leur reporting RSE.

Même pour les entreprises qui ont une pratique bien établie du dialogue social interne, et pour celles dont des activités font l’objet de fortes controverses sociétales, voire de campagnes d’opinion à leur encontre, le

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reporting formel de RSE n’est que très peu utilisé par les acteurs sociaux concernés.

L’étude a en effet mis en évidence la déconnexion actuelle entre les supports du reporting RSE formel, et les informations réellement utilisées par les acteurs du dialogue social interne ou par ceux du débat sociétal externe.

Le cas d’EDF est ainsi édifiant pour illustrer cette déconnexion, avec l’existence de nombreux acteurs impliqués dans des débats concernant la responsabilité sociale de cette entreprise, mais ayant chacun développé un tableau de bord d’informations qui est propre à son analyse.

De fait les parties prenantes qui sollicitent une entreprise sur un sujet ou un autre de la RSE ne s’appuient pratiquement jamais aujourd’hui sur ce qu’elle a publié dans son reporting, mais sur des informations collectées par ailleurs.

La faiblesse de l’utilisation de cette base d’informations par les acteurs sociaux s’explique sans doute aussi par le fait que beaucoup n’accordent pas une grande confiance aux informations qui figurent dans ce reporting, tout au moins dans la forme qu’il a aujourd’hui (faible cadre légal concernant la qualification des informations, faible vérification externe…).

Les sollicitations les plus détaillées faites aux entreprises en la matière, sous forme de questionnaires, et parfois complétés par des entretiens, sont clairement aujourd’hui celles qui proviennent d’agences de notation sociétales et de gestionnaires de portefeuilles ISR (Investissement Socialement Responsable). Et le reporting RSE de cette première décennie du XXIe siècle en France a évolué essentiellement pour satisfaire au mieux les attentes de ces parties prenantes particulières.

Les syndicalistes qui s’impliquent sur la RSE de leur entreprise préfèrent aujourd’hui s’appuyer sur des outils de reporting interne spécifiquement adaptés à leurs préoccupations

Très rares sont les syndicalistes qui lisent le reporting RSE public de leur propre entreprise.

Les équipes syndicales d’entreprise qui s’intéressent à la RSE et souhaitent peser sur celle de leur propre employeur ont choisi jusqu’à présent le plus souvent une démarche qui leur est familière : la négociation et le suivi d’un accord d’entreprise, qui portera généralement sur les thématiques de la RSE qui leur seront les plus chères.

Les équipes syndicales d’entreprise ont d’ailleurs été incitées à ce type de démarche par le mouvement syndical international, et en particulier les fédérations syndicales mondiales et les fédérations syndicales européennes.

Ces accords contiennent souvent des chapitres thématiques qui ont conduit à la mise en place d’indicateurs de suivi particuliers, avec éventuellement des procédures de collecte d’informations spécifiques associant des syndicalistes et des représentants du personnel. Ces indicateurs n’ont donc pas été pensés en relation directe avec le reporting RSE public rédigée par la direction. D’autre part, le périmètre de leur consolidation diffère souvent de celui utilisé pour le reporting public, que ce soit sur le plan géographique et sur le plan juridique (prise en compte ou non de certaines filiales, ou de certains sous-traitants-clés…).

Pourtant, certains syndicalistes et représentants du personnel de l’entreprise reçoivent une présentation formelle par leur direction du

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reporting RSE externe, à l’occasion d’une réunion du comité de groupe ou du comité d’entreprise européen, par exemple.

Mais, en général, ils s’y attardent peu car ils n’identifient pas, dans ces documents, des outils qui leur donnent une place explicite, ni dans les phases d’élaboration, ni dans les phases de validation. Les militants les plus intéressés par les thématiques sociétales, qui dépassent les seuls enjeux internes, ont donc préféré jusqu’à présent poursuivre leurs efforts dans des processus parallèles qui leur donnent une légitimité d’acteur explicite, tels que l’élaboration et le suivi d’accords de RSE.

De plus, les accords de RSE étant souvent des accords transnationaux d’entreprise, les obligations très françaises de la loi NRE sont souvent mal connues, voire inconnues, de la majorité des négociateurs syndicaux. La convergence progressive au niveau international des référentiels de reporting RSE pourrait réduire cette difficulté qui a conduit au morcellement des approches et à la multiplicité de systèmes de reporting mal articulés entre eux.

Ainsi, malgré tout, l’étude a pu constater que plusieurs entreprises volontaristes et innovantes en matière de RSE, telles que EDF et Carrefour, ont entamé des démarches de rationalisation vers une meilleure cohérence des indicateurs qu’ils utilisent pour plusieurs usages. Cette tendance devrait se traduire par un rapprochement progressif des tableaux de bord de communication et de ceux servant au pilotage de l’entreprise.

Le système de management du reporting RSE pourrait alors gagner en intérêt et en influence sur l’avenir de l’entreprise, quittant la logique de « rétroviseur historique » dans laquelle il est souvent confiné, pour devenir un véritable outil de gestion à l’usage des managers.

Cependant le choix de tels indicateurs communs pour la gestion de l’entreprise et pour son reporting externe, s’appuyant sur des enjeux-clés de RSE, ne devra vraiment pas négliger les phases récurrentes de concertation multipartite. L’entreprise risque sinon d’exclure abusivement le traitement de certains enjeux jugés non cruciaux pour sa pérennité, alors qu’ils sont incontournables aux yeux de la société des hommes.

Quelques recommandations à l’attention des acteurs

Plusieurs évaluations portant sur la mise en œuvre de la loi NRE, et proposant des options d’avenir à envisager pour lui succéder, avaient indiqué que l’obligation de reporting RSE pour les entreprises correspondait à une forte aspiration de la société. Il avait également été indiqué que cette tendance à la transparence des pratiques et des politiques d’entreprise ne ferait que s’accentuer dans les décennies à venir, non seulement en France, mais aussi dans le monde entier.

La nécessité de transparence des activités économiques est désormais systématiquement identifiée comme un élément essentiel pour construire une gouvernance internationale soutenable.

C’est ainsi que pour la France l’article 225-102 du code de Commerce modifié par la loi Grenelle 2 a entériné l’intérêt d’étendre cette obligation à d’autres entreprises, a proposé des voies pour consolider la fiabilité du reporting RSE, au travers d’un mécanisme de vérification, et a incité à ce que ce reporting soit soumis plus spécifiquement sinon à l’avis de parties prenantes non financières, au moins systématiquement aux institutions représentatives du personnel.

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En raison d’intenses résistances de certains acteurs (et au lobby très efficace d’une petite frange du patronat) qui s’opposent à la mise en application de ce nouveau dispositif légal, selon le texte de loi établi en juillet 2010, le décret d’application n’est pas encore publié au jour où nous écrivons ces lignes. Ainsi, les versions préparatoires successives de ce décret réduisent malheureusement la substance de cette loi, et les doutes se font désormais de plus en plus nombreux quant à l’hypothèse d’une publication de ce décret avant l’élection présidentielle de 2012.

Pour autant tous les acteurs interrogés pendant la phase d’enquête de cette étude ont confirmé qu’ils voyaient un intérêt à l’existence de ce reporting, et qu’il s’agissait selon eux d’un dispositif qui avait un réel potentiel pour faire progresser l’entreprise vers une meilleure prise en compte de l’intérêt général. Malgré cela, le constat principal de cette étude est que ce reporting est aujourd’hui très sous-utilisé, en particulier par les parties prenantes non financières.

Cette sous-utilisation, qui va même dans de très nombreux cas jusqu’à une ignorance quasi-totale, s’explique en grande partie par les pratiques d’élaboration de ce reporting et les faibles ouvertures qu’il offre au dialogue.

Pourtant la phase d’analyse documentaire de cette étude et la phase d’enquête de terrain sur les quatre études de cas ont identifié des initiatives ponctuelles remarquables qui gagneraient à être généralisées.

Ce constat conduit à promouvoir un certain nombre de bonnes pratiques, qui, si elles sont appliquées de façon complémentaire par une même entreprise, sont réellement de nature à conduire à une meilleure utilisation de son reporting RSE :

− concevoir le système d’élaboration du reporting RSE avec des phases récurrentes de dialogue avec les parties prenantes ;

− faire apparaître explicitement dans le reporting les attentes formellement exprimées par les parties prenantes concernant la responsabilité de l’entreprise ;

− décrire la façon dont l’entreprise a traité des dilemmes et des controverses en matière de RSE ;

− mettre systématiquement en évidence dans le reporting les enjeux qui sont considérés comme « enjeux-clés » par l’entreprise, et associer les indicateurs de pilotage qui correspondent au suivi de ces enjeux-clés. Sans toutefois éluder les enjeux de moindre importance dont la mise au second plan devrait, à tout le moins, être justifiée ;

− faire apparaître clairement les objectifs visés pour chacun de ces indicateurs, avec un commentaire d’explication des valeurs retenues par l’entreprise pour ses objectifs à court, moyen et plus long terme.

En complément à ces recommandations générales, certaines recommandations s’adressent plus particulièrement aux organisations syndicales :

− s’assurer que les institutions représentatives du personnel reçoivent une information régulière concernant le reporting RSE de leur entreprise, permettant un échange direct et récurrent avec les dirigeants à ce sujet dans le cadre du dialogue social classique ;

− articuler autant que possible les indicateurs de suivi des accords de RSE et ceux du reporting public, permettant éventuellement d’élargir plus facilement le dialogue sur ces indicateurs avec d’autres acteurs de la société civile ;

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− former des militants syndicaux à l’analyse du reporting RSE, en particulier pour leur permettre de mieux comprendre le management de la RSE par leur entreprise, et pour leur faciliter la possibilité de devenir des parties prenantes actives de ce système ;

− revendiquer des moyens humains et budgétaires pour être plus formellement intégrés aux systèmes de management de la RSE en tant que parties prenantes légitimes internes à l’entreprise. Notamment au travers de :

– concertations pour l’élaboration et le suivi de certains indicateurs, et au moins certains indicateurs sociaux,

– droit à l’expertise,

– droit à une expression écrite libre dans le reporting RSE de l’entreprise ;

− demander aux directions et analyser les informations locales qui ont servi à la consolidation du reporting RSE. Ce reporting local ou régional existe puisqu’il est nécessaire à la consolidation. Il n’y a pas d’obligation légale à ce qu’il soit mis en forme pour une publication à un périmètre local, ni à un périmètre de filiale de groupe, mais il peut très bien être utilisé comme support de dialogue social interne à chaque niveau pertinent.

Utiliser le reporting RSE d’une entreprise est une façon d’intégrer l’analyse de l’activité de l’entreprise dans les questions de société.

C’est non seulement un enjeu pour les directions d’entreprise en termes d’acceptabilité et de construction de

la stratégie, mais aussi pour toutes les parties concernées.

Depuis 1971, le cabinet Syndex assiste les comités d’entreprise et les organisations syndicales. Son expertise s’est élargie au fil du temps à l’assistance aux CHSCT et à divers sujets transversaux tels que la responsabilité sociale des entreprises.

Syndex est aujourd'hui un réseau national et européen pluridisciplinaire regroupant près de 400 experts-conseil de haut niveau intervenant dans

toute la France avec 16 implantations sur le territoire national.

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Depuis 1996, le CFIE couvre les domaines de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) et de l’investissement socialement

responsable (ISR). Le CFIE publie une lettre d’information entièrement dédiée à la RSE et à l’ISR et CFIE-conseil analyse les politiques et pratiques

sociales et environnementales des entreprises. Depuis neuf ans, CFIE-conseil publie une étude comparative des rapports de RSE des principales

entreprises françaises.

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