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Le projet Madio à Madagascar Objectifs, démarche, résultats François Roubaud' Mis en place fin 1994 à Madagascar, le projet Madio, dont il est dressé le bilan des quatre premières années d'activité, s'est appuyé sur des options métbodologiques fortes. Comme toute expérience novatrice, ce programme de recherche ambitieux a adopté un certain nombre de partis pris au départ risqués, donc contestables et d'ailleurs contestés. Ces principes tournent autour de l'intégration de fonctions traditionnellement déconnectées : production statistique et analyse économique d'une part, recherche scientifique et diffusion d'autre part. Le projet Madio (Madagascar-Dial-Instat-Orstom) s'est fixé pour objectif d'étudier les conditions de réussite du processus de transition actuellement en cours à Madagascar. Il s'agit en fait d'une double transition: économique, d'une économie adminis- trée fi une économie de marché dans le contexte de mondialisation et d'ouverture sur J'extérieur, et politique, d'un régime de type "socialisme réel" à une démocratie électorale. La lutte contre la pauvre- té constitue en outre le cheval de bataille de tous les gouvernements depuis le début des années 1990. Le projet Madic est en place à Madagascar depuis octobre 1994. Les deux partenaires scientifiques du projet sont l'Institut national de la statistique malgache (Instat) et J'Institut de recherche pour le développement français (IRD, ex-Orstorn). Le projet Madia a fait l'objet d'une première conven- tion Instat/Orstorn couvrant la période juillet 1994- juillet 1996. Suite à diverses missions d'évaluation, la convention a donné lieu à trois avenants de prolongation renouvelables d'un an, le projet initial prenant fin en juin 1999. Il a bénéficié par ailleurs de conventions de financement avec l'Union européenne et le ministère français chargé de la coopération. Partant d'un groupe de 8 chercheurs début 1995, les effectifs de Madio sont progressivement montés en puissance. En 1998, le projet mobilisait une équipe de 20 personnes, dont 7 dépendant de l'Orstom (3 chercheurs du corps, 2 économistes et 1 géographe, et 4 allocataires de recherche), 2 fonctionnaires de l'Instat et 11 contractuels du projet, dont 9 jeunes statisticiens-économistes malgaches. En outre, Madio travaille en étroite collaboration avec les chercheurs du groupement d'intérêt scientifique Dial (Développement et insertion internationale). Localisé au sein de l'Instat, le projet Madio inscrit son action sur deux fronts principaux: la promotion de l'analyse économique à Madagascar, et la réha- bilitation de l'appareil statistique national. Plus précisément, les objectifs poursuivis par Madio sont les suivants: analyser les questions clés liées à la transition économique à Madagascar, et identifier les facteurs de développement durable et équitable pour le pays ; mettre en place les instruments nécessaires à l'analyse macroéconomique en fonction des priorités du pays et là où les lacunes sont les 1 François Roubaud est chercheur il l '[RD en poste à Dial .. il a été responsable il Madagascar du projet Madia de 1994 il 1999.

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Le projet Madio à MadagascarObjectifs, démarche, résultats

François Roubaud'

Mis en place fin 1994 à Madagascar, le projet Madio, dont il est dressé le bilan desquatre premières années d'activité, s'est appuyé sur des options métbodologiques fortes.Comme toute expérience novatrice, ce programme de recherche ambitieux a adopté uncertain nombre de partis pris au départ risqués, donc contestables et d'ailleurscontestés. Ces principes tournent autour de l'intégration de fonctions traditionnellementdéconnectées : production statistique et analyse économique d'une part, recherchescientifique et diffusion d'autre part.

Le projet Madio (Madagascar-Dial-Instat-Orstom)s'est fixé pour objectif d'étudier les conditions deréussite du processus de transition actuellement encours à Madagascar. Il s'agit en fait d'une doubletransition: économique, d'une économie adminis­trée fi une économie de marché dans le contexte demondialisation et d'ouverture sur J'extérieur, etpolitique, d'un régime de type "socialisme réel" àune démocratie électorale. La lutte contre la pauvre­té constitue en outre le cheval de bataille de tous lesgouvernements depuis le début des années 1990.

Le projet Madic est en place à Madagascar depuisoctobre 1994. Les deux partenaires scientifiques duprojet sont l'Institut national de la statistiquemalgache (Instat) et J'Institut de recherche pour ledéveloppement français (IRD, ex-Orstorn). Leprojet Madia a fait l'objet d'une première conven­tion Instat/Orstorn couvrant la période juillet 1994­juillet 1996. Suite à diverses missions d'évaluation,la convention a donné lieu à trois avenants deprolongation renouvelables d'un an, le projet initialprenant fin en juin 1999. Il a bénéficié par ailleursde conventions de financement avec l'Unioneuropéenne et le ministère français chargé de lacoopération.

Partant d'un groupe de 8 chercheurs début 1995, leseffectifs de Madio sont progressivement montés enpuissance. En 1998, le projet mobilisait une équipede 20 personnes, dont 7 dépendant de l'Orstom (3chercheurs du corps, 2 économistes et 1 géographe,et 4 allocataires de recherche), 2 fonctionnaires del'Instat et 11 contractuels du projet, dont 9 jeunesstatisticiens-économistes malgaches. En outre,Madio travaille en étroite collaboration avec leschercheurs du groupement d'intérêt scientifiqueDial (Développement et insertion internationale).

Localisé au sein de l'Instat, le projet Madio inscritson action sur deux fronts principaux: la promotionde l'analyse économique à Madagascar, et la réha­bilitation de l'appareil statistique national.

Plus précisément, les objectifs poursuivis par Madiosont les suivants:

analyser les questions clés liées à la transitionéconomique à Madagascar, et identifier lesfacteurs de développement durable et équitablepour le pays ;mettre en place les instruments nécessaires àl'analyse macroéconomique en fonction despriorités du pays et là où les lacunes sont les

1 François Roubaud est chercheur il l '[RD en poste à Dial .. il a été responsable il Madagascar du projet Madia de 1994 il1999.

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plus criantes: des statistiques et des modèles auservice de l'analyse économique;enclencher un processus de longue durée pour laconstruction de séries chronologiques, tropsouvent inexistantes en Afrique, et pourtant aucœur des méthodes de l'analyse économique;assurer par la formation le transfert de compé­tences aux cadres de l'Instat pour que les métho­dologies soient définitivement internalisées ;produire un certain nombre de publications et debases de données que l'on peut considérercomme des biens publics d'une durée de vieélevée, utilisables (et déjà utilisés) par le plusgrand nombre;pratiquer une politique intensive de diffusiondes méthodes comme des résultats acquis;tenter une intégration interdisciplinaire, notam­ment à partir des compétences traditionnelles del'Orstom, autour des grandes questions macro­économiques identifiées.

Nous présentons d'abord les principales optionsméthodologiques qui ont guidé l'action du projetMadio, tandis que la deuxième partie de cet articleest consacrée au bilan du projet après quatre annéesd'exercice.

Orientations scientifiques et partispris méthodologiques: éviter demarcher sur la tête

Le projet Madio est un progranune de rechercheambitieux et novateur, à la fois par le champ desinvestigations qu'il aborde, et par les modalitésqu'il a choisies de mettre en œuvre. Cependant,cette ambition est aussi une source de tensions quiauraient pu conduire à J'échec du projet. Cestensions se manifestent sur deux plans.

D'une part, les objectifs scientifiques du projetpeuvent paraître a priori contradictoires, aumoins dans le champ de la coopération enAfrique subsaharienne, Dans ces pays, statisti­que et analyse économique (et plus spécifique­ment macroéconomique) ne font pas bonménage. En général, les interventions dans cesdeux champs sont déconnectées, mettant en jeudes équipes différentes dans des organismesdifférents. Leurs interactions sont des plusténues. Cette coupure radicale est largementfavorisée par une division stricte du travail entredes instituts nationaux de statistique qui dépas­sent rarement le stade de la production dedonnées de base, et des cellules d'analyses quine participent pas à l'élaboration des données.D'autre part, le montage institutionnel de Madiamet en présence des institutions qui n'ont pasl'habitude de travailler ensemble, et dont les

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relations sont empruntes d'une défiancemutuelle. D'un côté, les bailleurs de fonds (ici laCoopération française et J'Union européenne)cherchent à appuyer des actions concrètes audébouché opérationnel quantifiable et rapide­ment mobilisable, et considèrent souvent larecherche comme un luxe pour pays riches. Del'autre, les organismes de recherche (icil'Orstom) se montrent peu enclins à répondredans l'urgence à des questions dont ilscontestent jusqu'à la pertinence. On retrouvecette césure au niveau national, entre desadministrations publiques censées assurer lagestion courante de l'État, et des centresuniversitaires censés entretenir la fonction derecherche, sans d'ailleurs qu'aucune de ces deuxfonctions ne soit correctement remplie dans lecontexte actuel de l'Afrique subsaharienne.

Si le projet Madic a pu résister à ces pressionscontradictoires, c'est qu'il s'est appuyé sur un parupris méthodologique fort, en particulier en identi­fiant ces deux oppositions "statistique 1 analyseéconomique" et "production opérationnelle / recher­che", conune la source même des problèmes etpartant des échecs. Ce sont ces options méthodo­logiques qu'il convient de préciser ici.

Pas de macroéconomie sans statistiques

L'analyse du processus de transition économique, etdes conditions de sa réussite, impose deux orienta­tions, qui constituent le fil directeur du projet: unpoint de vue résolument macroéconomique, et uneperspective de moyen terme, Or, tout diagnosticpertinent, visant à comprendre les mécanismes defonctionnement d'une économie donnée, presup­pose l'ex.istence d'un système d'informations statis­tiques fiable et à jour, condition qui n'est malheu­reusement pas remplie à Madagascar, à l'instar dela plupart des pays de l'Afrique subsaharienne,

Il ne s'agit pas là d'une pétition de principe, maisd'un constat historique. Si la division du travailentre statisticiens et macro économistes est la règledans les pays développés (bien que l'Insee puisseêtre considéré d'un certain point de vue comme uncontre-exemple), c'est que les macroéconomistesdisposent des munitions nécessaires pour alimenterleur réflexion. Ces munitions sont issues d'unsystème statistique national performant, Vouloirfaire de la macroéconomie appliquée sans statisti­ques n'a pas de sens.

Se satisfaire de J'absence de statistiques n'estacceptable que dans deux cas de figure, qui enaucune manière ne correspondent aux missionsaffichées par un projet comme Madio. On peutd'abord adopter a priori une posture idéologique

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(par exemple en assurant que la libéralisation desmarchés est toujours bonne pour le développement),et il ne reste plus qu'à mettre en œuvre les réfonnesen attendant qu'elles produisent leurs effets théo­riques. Si jamais elles échouent, on incrimine desproblèmes de calendrier ou la mauvaise grâce dansl'application des mesures, Le second champproliférant d'applications de la macroéconomie sansstatistiques peut être rencontré dans le mondeacadémique. Il s'agit de jeux universitaires qui netrouvent de justification que dans des stratégiesinternes de promotion. En effet, quels enseigne­ments les pays en développement (à supposer qu'ilsen aient un jour connaissance), voire la scienceéconomique elle-même, peuvent tirer, d'exercicesde style que l'on dit porter sur le Cameroun,Madagascar ou le Burundi pour attirer le lecteur desrevues scientifiques, mais qui en fait ne décrivent aumieux que l'économie du Camerounia, deMadaland et autres Burunlawi, dont toute ressem­blance avec la réalité ne pourrait être que fortuite?

Croire que l'on peut faire de l'analyse macro­économique de qualité dans les pays d'Afriqueaujourd'hui, sans investissement statistique lourd,n'est donc qu'un leurre, D'ailleurs ceux-là mêmequi en abusent n'hésitent pas à invoquer le manquede fiabilité des données pour expliquer le faiblepouvoir explicatif de leurs résultats : si les politi­ques d'ajustement structurel semblent se traduiredans les chiffres par une baisse du PIB et de laconsommation des ménages, c'est qu'on n'a pastenu compte du secteur informel ; si les exportationsbaissent alors qu'on attend une redynamisation dudésarmement tarifaire, c'est la fraude qui est encause, sans qu'on s'interroge sur l'impact réel despolitiques elles-mêmes.

Se passer de statistiques relève au mieux de laparesse intellectuelle (il est toujours plus gratifiantde discuter des effets théoriques d'une politiqueéconomique que de mener une enquête ou d'assurerla fiabilité des comptes nationaux, pour s'assurer deleur validité à tel moment dans tel pays), et au piredu calcul de l'intérêt bien compris: n'est-il pas plussimple d'inventer (les Angle-Saxons parlent deguestimates) les données, ou de caricaturer la réalité(les fameux "faits stylisés" dont abusent certainséconomistes) pour la faire coller aux résultatsauxquels on désire aboutir?

Les institutions de Bretton Woods n'ont été quetrop lentes à s'en rendre compte, malgré une prisede conscience relativement récente'. Elles ont

2 Voir par exemple les initiatives du FMI (Fondsmonétaire international) pour renforcer la qualité dessystèmes d'informations statistiques, notamment leSystème général de diffusion des données (SGDD). Mais

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même joué un rôle déterminant dans la dégradationdes systèmes statistiques en Afrique subsaharienneà partir des années 1980, en préconisant une baisseindifférenciée des budgets publics, dont les institutsnationaux de statistique ont particulièrement souf­fert, dans le cadre des programmes d'ajustementstructurel. Malgré une approche devenue moinsmanichéenne de la dépense publique, elles nefavorisent pas la reconstruction des appareils statis­tiques, notamment en produisant et légitimant desbases de données internationales qui ne présententpas le caractère minimum de fiabilité acceptablepour ce type d'informations (Naudet, 1999).

Ce désintérêt pour la chose statistique a conduit àdes effets pervers avérés, Pour ne prendre qu'unexemple, citons le cas du Cameroun, où dans lecadre des mesures d'ajustement, les réductionsbudgétaires induites ont conduit à la suppression ducalcul de l'indice des prix à la consommation entre1990 et 1993. Mesure d'autant plus paradoxalequ'un des objectifs affichés de la politique deréforme était justement de donner aux prix le rôlecentral de l'ajustement offre-demande, et dt:constituer le principal moteur de l'allocation desfacteurs. Pourtant cette absence de données n'ajamais interdit de calculer des taux de change réel,et de choisir le principe et le montant de ladépréciation du franc CFA en janvier 1994.

Cette dévalorisation de la fonction statistiqueaffecte tout particulièrement les pays du Sud. Queljeune statisticien-économiste compétent accepteraitde végéter dans un institut national de statistique(INS) en déshérence (voir par exemple, à propos del'état déplorable des fNS en Afrique subsaharienne,Afristat, 1998)? Même s'il montrait des velléitésd'y 'travailler, il serait rapidement aspiré vers desinstitutions plus prestigieuses (administrationséconomiques et financières, organismes internatio­naux), où il sera plus souvent amené à accomplirdes tâches de gestion qu'à exercer son métier detechnicien, Au bout du compte, on se retrouve dansla situation absurde où l'essentiel de la capacitéd'expertise est concentré dans des institutionssituées en aval de la chaîne de production, alorsmême qu'elles ne disposent pas des informationsnécessaires aux analyses qu'elles sont censéesréaliser, et que les INS en amont n'ont plus les

celles-ci s'adressent plus aux pays à revenuintermédiaire el aux marchés financiers qu'aux pays lesmoins avoncés et â l'économie réelle. De SOli côté, laBanque mondiale a joué un rôle important dans lamultiplication des enquêtes al/près des ménages,notamment â travers les programmes LSMS (LivingStandards Measurement Study) et DSA (Dimensionssociales de l'ajustement en Afrique subsaharienne).Cependant, dans bien des cas, c'est la qualité desdonnéesproduites qui pose question,

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ressources humaines qualifiées pour produire cesdonnées de base.

Donc vouloir commencer par l'analyse macro­économique sans base comptable et statistique estpar nature un exercice futile, comme si on cherchaità mettre la charrue avant les bœufs ou à marcher surla tête. D'un point de vue plus général, rappelonsque l'essentiel de l'outillage du macro-économisterepose sur l'analyse des séries temporelles. Quefaire quand elles n'existent pas, sinon se donner lesmoyens de mettre en place un système pérenne decollecte statistique? Ce n'est pas un hasard si laplupart des tentatives d'instauration de cellules deréflexion macroéconomique, ou d'implantation etd'internalisation des modèles macroéconomiques ausein des directions du plan ou de la prévision sesont, depuis près de 30 ans, soldées par des échecs,absorbés et digérés sans laisser de trace. N'ayantrien à dire de significatif faute de munitions, cesstructures n'intéressent fmalement personne. Plutôtque de pointer du doigt l'incompétence des cadresafricains, il serait sans doute plus judicieuxd'incriminer l'inanité du système. Ainsi, àMadagascar, le projet Madio a été précédé en 1992~

1993 par un projet de modélisation basé auministère du Plan, financé par le Pnud (Programmedes Nations unies pour le développement), et dontl'impact aura été finalement quasiment nul(modèles enterrés, équipe disloquée, aucune publi­cation valorisée), malgré les moyens employés.

Comment s'expliquer qu'une telle aberration ait puperdurer aussi longtemps, et ait sans doute malheu­reusement encore de beaux jours devant elle? Ànotre avis, elle doit être mise sur le compte dumimétisme le plus inconséquent. En singeant avecla bénédiction des donateurs les structures des paysdu Nord, où des organismes spécialisés ont encharge l'analyse économique des données produitesen amont, les pays du Sud ont oublié que pour créerde la valeur ajoutée, il était nécessaire nonseulement de mettre en œuvre des facteurs deproduction mais aussi de mobiliser des consomma­tions intermédiaires (ici les enquêtes statistiques) ;preuve s'il en était besoin que les économistes fontmontre d'une piètre capacité à s'appliquer à eux­mêmes le principe fondateur de la scîenceéconomique, à savoir celui de l'allocation optimaledes ressources rares.

C'est donc sur la base du diagnostic qu 'il n'y a pasd'analyse économique sans information statistiquede qualité) ni de compréhension des comportementssans séries chronologiques, que le projet Madio afondé ses principales lignes d'intervention. C'estpourquoi il inscrit une partie de son action dans lecadre de la réhabilitation de l'appareil statistiquemalgache, à travers une série d'enquêtes statistiques

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portant sur divers thèmes d'intérêt général.D'ailleurs, il semble qu'à Madagascar, la demandepour les résultats d'enquêtes portant sur l'état del'économie réelle dépasse largement ce que pourraitapporter la présentation de scénarios de politiqueséconomiques jugés trop hypothétiques.

L'analyse du comportement des acteurs

La première spécificité de Madic, projet d'appui àla réflexion macroéconomique, est d'avoir choisidélibérément de réaliser un investissement statisti­que lourd . Mais outre la participation à la recons­truction, dans la durée, du système nationald'informations statistiques, Madio poursuit unsecond objectif fondamental en matière depromotion de l'analyse économique. En effet, ilserait vain de penser que l'action de Madiopermettra de rebâtir un système statistique nationalperformant, tant ce dernier est un véritable champde ruines. Un tel projet apparaît d'embléedémesuré, même à moyen terme: des pans entiersde l'économie sont aujourd'hui totalementméconnus, et il faudra des années et des moyensautrement plus importants que ceux de Madio pourque l'observation statistique parvienne à reconqué­rir ces no man 's land. Dans ces conditions, Madio achoisi de cibler un nombre limité de champsd 'investigation, pour leur rôle stratégique dans leprocessus de transition en cours.

Cependant, il ne s'agit pas seulement de boucherquelques trous d'un immense gruyère. L'ambitionde Madio, à travers ces opérations statistiques, estd'amorcer une réflexion macroéconomique quireplace au centre de ses préoccupations le compor­tement des acteurs. Trop souvent, en effet, lescellules macroéconomiques des pays d'Afriquesubsaharienne, imitant en cela les diagnosticsrapides des équipes du FMI au cours de leursmissions éclairs dans les pays sous revue, secontentent de la mise en cohérence et du suivi desgrands équilibres macro-financiers. C'est cetteapproche comptable, centrée sur les équilibres bud­gétaires et extérieurs de court terme, que Madio acherché à dépasser d'entrée de jeu. Cette dimensiond'analyse des réactions de la sphère réelle del'économie fait d'autant plus sens que les politiquesde réformes structurelles sont justement censéesmodifier les modes de fonctionnement des marchéset des acteurs économiques. À travers ses enquêtesstatistiques, Madio cherche à comprendre commentles acteurs économiques réagissent aux incitationsmacro de la nouvelle donne économique : moded'ajustement du marché du travail, mécanisme deformation des prix et des salaires, sensibilité desproducteurs aux mesures de libéralisation et à lapolitique de change, impact des politiques deredistribution, etc., autant de thèmes occultés par

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l'analyse macroéconomique traditionnelle enAfrique. Cette préoccupation rejoint l'immensechantier ouvert par les economistes ces dernièresannées visant il rechercher les fondementsmicroéconomiques de la macroéconomie.

Il convient de souligner que cene approche par lesacteurs constitue un champ de compétencetraditionnel de l'Orstom en sciences sociales. Maisici aussi, Madio se distingue de la démarche "orsto­mienne" classique. En effet, celle-ci s'est toujourscaractérisée par un point de vue fondamentalementmicro, les contraintes macroéconomiques étant plusincorporées comme deus ex machina que commeéléments d'interaction, sur des terrains spatialisés etde petite taille, et mettant en œuvre des enquêtes adhoc et ponctuelles. Cette approche, qui a souventété un frein il un point de vue synthétique, est leprincipal grief adressé à la recherche "orstomien­ne", et a en partie motivé les tentatives de réformesde l'institution qui se sont succédé ces dernièresannées. Avec Madio, les questions sont résolumentmacroéconomiques, et les enquêtes, comme instru­ment d'analyse, s'inscrivent dans le dispositifstatistique officiel. C'est d'ailleurs aussi dans cetteperspective que Madio a accepté une amorced'ouverture disciplinaire, en intégrant quelquesgéographes et démographes, à côté d'un pôle domi­nant d'économistes. Mais pour éviter l'éclatement,sort réservé à de nombreux programmes Orstom parle passé, cette intégration a toujours été subor­donnée à un questionnement commun, celui desgrands enjeux macroéconomiques, pour lesquelsl'instrumentation spécifique d'autres discipl inespeut apporter des éléments de réponse interessants.

Ces choix fondamentaux entraînent un certainnombre de conséquences dans l'orientation desactivités. En particulier, ils justifient l' implantationdu projet à l' Instat, et non dans d'autres adminis­trarions économiques ou financières, comme ladirection du Plan, le ministère des Finances ou duBudget, voire la banque centrale, où sont en générallocalisées les cellules d'analyse macroéconomiqueen Afrique. Au-delà de la contribution du projetMadic il la mise en place d'outils statistiques desuivi au sein du système d'information national,l'insertion au sein de 1'Instat permet d'avoir unmeilleur accès à l'ensemble des bases de donnéesqui peuvent être mobilisées pour l'analyse. Cetargument opportuniste est loin d'être négligeabledans des pays où l'accès à l'information et sacirculation sont particulièrement déficients.

Ainsi, le projet Madio constitue un nouveau pas enavant dans l'affirmation de ce que l'on pourraitqualifier d'une "méthode Dial" pour l'analysemacroéconomique dans les pays en développement.Cette approche consiste principalement à allier une

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problématique macroéconomique des pnncipauxenjeux du développement, à un travail de terrainapprofondi, tout en contribuant au renforcement descapacités et à la réhabilitation institutionnelle desadministrations économiques et financières des paysd'intervention. Cette méthode avait déjà étéexpérimentée avec succès avec la direction de laStatistique et de la comptabilité nationale (DSCN)du Cameroun entre 1991 et 1994 (Dia l, 1996), et leprojet Madic en est le prolongement direct et laconsolidation (Dial, 1995 et 1997).

Le bilan des années 1994-1998

On peut regrouper les actions de Madia autour de 5fonctions principales:

réalisation d'enquêtes statistiques;- mise en place de modèles macroéconomiques;- réalisation d'études économiques;- mise en place d'une politique de valorisation et

de diffusion des résultats ;participation à la formation,

Les enquêtes statistiques

Madio a réalisé un investissement lourd en matièrede collecte d'information statistique. Cette optionoriginale, et controversée, pour un projet dont lavocation est l'analyse économique, et plus particu­lièrement l'analyse macroéconomique, a été délibé­rément choisie. Dans la plupart des pays endéveloppement, notamment d'Afrique subsaharien­ne, les données de base sur lesquelles reposent lesanalyses économiques sont soit inexistantes oulacunaires, soit d'une qualité qui serait jugéeinacceptable à l'aune des critères internationauxstandard en la matière. La pratique couranteconsiste à faire l'impasse sur ce problème de fond.Or, quelle que soit la sophistication des techniquesmises en œuvre pour le traitement des données,celle-ci ne pourra jamais compenser l'incertitudemajeure sur les statistiques utilisées en amont.

Comme mentionné plus haut, la philosophie de cetinvestissement statistique est de fournir desinformations statistiques fiables et actualisées surles questions clés liées à la transition économiqueen cours, là où les lacunes sont les plus criantes. Parla construction de séries chronologiques, instrumentprivilégié de l'analyse de la dynamique temporelle,il s'agit d'instaurer une série de rendez-vouspériodiques à travers lesquels sont diffusés lesrésultats sur les principales caractéristiques del'économie malgache (prix, commerce extérieur,emploi, croissance, etc.).

Le projet Madic a mis en place plusieurs systèmesd'enquêtes touchant des secteurs clés de l'économiemalgache. Ceux-ci sont brièvement présentés ici,

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avant de faire l'objet, pour les principaux d'entreeux, de développements plus détaillés dans la suitede ce numéro de Stat éco consacré au projet Madio.

L'enquête Emploi et ses dérivées

L 'enquêteEmploi'

L'enquête sur l'emploi fournit des informationsannuelles et rapides sur la situation et l'évolution dumarché du travail dans l'agglomération d'Antana­narivo, et permet d'analyser son mode de fonction­nement. Il s'agit de la seule source d'informationdisponible à Madagascar permettant d'établir undiagnostic en temps réel des retombées des politi­ques économiques sur la population (emploi,chômage, revenus, etc.). Dans un contexte où lesautorités font de la lutte contre la pauvreté unepriorité, l'intérêt de l'enquête Emploi est évident.De plus, elle peut servir de support à des modulesd'enquête spécifiques, variables en fonction desbesoins (tableau 1). Enfin, chaque année, desproblématiques particulières ont été introduites dansle questionnaire, donnant lieu à des étudesthématiques (1995: perception des réformeséconomiques et rôle de l'État ; 1996: demanded'éducation et politiques scolaires ; 1997: identitéethnique, pratiques religieuses, sociologieélectorale, rôle des partis et de la classe politiques;1998 : réforme de la fonction publique etprivatisation). Depuis 1995, J'enquête Emploicouvre l'ensemble de l'agglomérationd'Antananarivo et sa périodicité est annuelle.

L'enquête 1-2-3"'

L'enquête 1-2-3 vise à quantifier le rôle économi­que du secteur informel. Mobilisant le principe desenquêtes en plusieurs phases, la phase 2 (côté offre:production du secteur informel) et la phase 3 (côtédemande : consommation et rôle du secteur infor­mel dans la satisfaction des besoins des ménages)sont greffées sur la phase 1, constituée de l'enquêteEmploi. Comme elle, les phases 2 et 3 couvrentl'agglomération d'Antananarivo. Considérées com­me des enquêtes de structure, leur périodicité esttriennalle, et elles ont été réalisées en 1995 et 1998.

L'enquêteSanté-éducation-transferts'

L'enquête Santé-éducation-transferts a pour objectifde mesurer la demande de santé, la demande

3 Voir l 'article de Faly Rakotomanana. Éric Ramilison etFrançois Roubaud dans ce numéro de Statéco.4 Voir l 'article de Faly Rakotomanana, RachelRavelosoa et François Roubaud dans ce numéro deStatéco.S Voir L'article de Florence Arestoff, Rémi Bardon, DianeCoury, Jean-Christophe Dumont el NicolasRaxafindratsima dans ce numero de Stat éco.

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d'éducation, les transferts entre les ménages et lesréseaux de solidarité. Elle permet d'identifier lesfacteurs qui inhibent l'accumulation du capitalhumain, condition de III croissance durable (santé,éducation), et de quantifier l'impact redistributif desréseaux d'entraide 'Venant compenser l'absence desystème de protection sociale institutionnelle(transferts entre les ménages) . Elle a été élaborée etréalisée en 1997 à titre expérimental à la demanded'Eurostat, qui cherchait un instrument d'orienta­tion pour servir de support aux programmes d'appuide "Union européenne aux groupes vulnérables enmatière d'éducation et de santé, dans le cadre deson action de lutte contre la pauvreté dans les paysen développement. À l'instar de l'enquête 1·2·3,dont elle a adopté le principe en plusieurs phases,l'enquête Santé-éducation-transferts de 1997 (Set97) a été greffée sur l'enquête Emploi de 1997, et acouvert le même champ géographique.

L'enquête sur les trajectoiresbiographiques'

Cette enquête également greffée sur l'enquêteEmploi permet de reconstituer des parcoursbiographiques pour analyser des interactions entretrois types de trajectoires (familiales, migratoires,scolaires et professionnelles). De plus, et comptetenu de l'absence de données historiques àMadagascar, l'enquête sur les trajectoires biogra­phiques réalisée en 1998 (Biomad98) donne deséléments pour décrire les structures du marché dutravail, des compositions familiales, etc., et leurévolution dans le temps depuis le début des années1970. Au confluent de la démographie et del'économie, des techniques d 'analyses spécifiquesont été élaborées pour traiter les enquêtes biogra­phiques, notamment pour analyser la dimensiontemporelle des processus, inaccessible à partir desenquêtes en coupe transversale. Les membres deMadio ont bénéficié de formations pour l' acqui­sition de ces méthodes. Réalisée en collaborationavec des cbercheurs du Ceped (Centre français surla population et le développement) et de l'Orstom,l'enquête réalisée à Antananarivo en 1998 est laquatrième réalisation de ce type d'enquêtes enAfrique (après Dakar, Bamako et Yaoundé), etaussi III plus achevée. Dans ce domaine, desperspectives s'ouvrent en matière d'analysescomparatives à l'échelle des capitales africaines, etun réseau régional est en voie de constitution, avecla participation de Madio.

6 Voir l 'article de Philippe Antoine, Philippe Bocquier,Thierry Maminirina et Nicolas Razafindratsima dans cenumero de Statéco.

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Il

Tableau 1Principales caractéristiques des enquêtes sur l'emploi et de leurs dérivées réalisées sur la période 19951998 -

Enauête Emoloi Phase 2 Phase 3 Set97 Biomad98

Thématique Marché du travail Secteur informel Consommation Sanlé, édueatioll, transferts TI1IjœlDirel hiOl!JilPhiqw::>

Couverture Agglo. Antananarivo Agglo. Antananarivo Agglo.Antananarivo Agglo. Antananarivo Agglo, Antananarivo

Périodicité Annuelle Triennale Triennale Ponctuelle Ponctuelle

Année de réalisation 1995, 1996, 1997, 1998 1995, 1998 1995,1998 1997 1998

Taille de l'échantillon 3000 ménages, 13000 1 000 unités de 500 ménages 1 000 ménages 2 400 individusindividus production informelle

Coût unitaire 100 50 50 60 50

(x 1 000 FF)*

* fes coûts incluent toutes les opérations de terrain. de saisie et d'apurement. et comprennent la publication des premiersrésultats.

L'enquête annuelle dans I'Iudustrte"

L'enquête annuelle dans l'industrie (EAI) a pourvocation de fournir des informations annuelles etrapides sur la structure du secteur industrielmalgache, y compris la zone franche. Il s'agit d'unsecteur clé de l'économie malgache. Il est au centrede la politique économique qui cherche à promou­voir une croissance rapide tirée par les exportations.L'EAI permet d'étudier la dynamique industrielledu secteur formel. Il s'agit de la seule sourced'information quantitative sur les entreprises àMadagascar. Sa périodicité est annuelle depuis1995, et sa couverture nationale (tableau 2). L'EAlest un instrument indispensable pour apprécier laréponse de l'offre productive aux réformes encours, compte tenu des objectifs d'industrialisationet d'insertion dans l'économie mondiale.L'inclusion des entreprises franches (y compris deservices) confère à t'EAI un atout supplémentairecomme instrument d'analyse de ce secteurstratégique dans le contexte d'appel auxinvestisseurs étrangers.

Les observatoires ruraux"

Les observatoires ruraux se proposent d'étudierl'impact des réformes économiques sur le monderural à Madagascar. Dès 1995, 4 observatoiresruraux ont été mis en place (Antalaha, Antsirabe,Marovoay, Tuléar). Ils portent sur 4 zonesgéographiques, liées à 4 problématiques économi­ques, spécifiques de l'agriculture malgache(enclavement, culture de rente, grands périmètresirrigués en voie de restructuration, rizi-polyculturefamiliale). Un panel de 500 ménages pour chaque

7 Voir t'article de Mireille Razafindrakoto dam cenuméro de Statéco.

8 Voir l'article d'Isabelle Droy, Raphaël Ratovoarinonyet François Roubaud dans ce numéro de Statéco.

observatoire est suivi chaque année. Il fait l'objetd'enquêtes quantitatives sur la production, lesrevenus, la sécurité alimentaire, etc., auxquelless'ajoutent depuis 1996 un dispositif de suivimensuel des prix des produits de premièrenécessité. Bien que non représentatifs, les observa­toires ruraux constituent la seule source existant àMadagascar actuellement sur l'évolution descampagnes, et cette situation risque de durer comptetenu des difficultés rencontrées dans la mise enplace d'une enquête agricole.

De plus, les observatoires ruraux sont un instrumentde grande valeur potentielle pour apprécier l'impactdes projets de développement rural. L'Unioneuropéenne, ainsi que d'autres bailleurs de fondsont montré leur intérêt pour une telle approche:Ainsi, en 1999, un réseau comptant 13 observa­toires a été mis sur pied ; il a été étendu à 17observatoires en l'an 2000.

L'indice des prix à la consommation"

Dans tous les pays du monde, l'indice des prix à laconsommation (IPC), qui mesure l'inflation, est aucœur du système d'informations économiques.Madagascar n'échappe pas à cette règle: l'IPC estmême le seul dispositif qui a échappé àl'effondrement des statistiques officielles, lacontinuité mensuelle des séries étant assurée depuisle début des années 1970. Cependant, sa pertinenceet sa qualité n'ont cessé de se dégrader au cours dutemps (panier de consommation obsolète, abandondes achats, couverture restreinte à la capitaleméthodologie dépassée). Le diagnostic de ce~faiblesses, établi par Madio après quelques mois aconduit à proposer la mise en place d'un

9 Voir ! 'article d'Andriamampianina Rakotomalala erRachel Ravelosoa dans ce numéro de Statéco.

Statéco nO 95~96-97, 2000

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Tableau 2Principales caractéristiques de diverses enquêtes réalisées par Madia sur la période 1995-1998

*~es cours incluent toutes les operations de terrain, de saisie et d'apurement, et comprennent la publication des premiersresultats,

Enquête annuelle dans Observatoires ruraux Indice des prix Enquête TourismelVisal'industrie

Thématique Secteur industriel formel Monde rural,agriculture Prix Visa, Iibéralisation IOUristique

Couverture Nationale 4 zones rurales non 7 grands cenIres urbains Nationalereprésentatives

Périodicité Annuelle Annuelle Mensuelle Ponctuelle

Année de réalisation 1995, 1996, 1997, 1998 1995, 1996, 1997, 1998 1996,1997, 1998 1998

Taille de l'échantillon 700 il.900 entreprises 2200 ménages 100 000relevés mensuels 1150 individus

Coût unitaire 100 100 60 (paran) 10(x 1 000 FF)"

.

nouvel IPe. En s'inspirant de l'expérience del'indice des prix harmonisé dans les pays del'Union économique et monétaire ouest africaine(UEMOA) 10, et avec l'appui de l'expert d'Afristaten charge de ce projet, Madio a élaboré la nouvelle~éthod~logie de l'indice des prix. Les principalesmnovations sont l'extension de la couverturegéographique aux 7 grands centres urbainsJ'actualisation des pondérations sur la base desdonnées de l'enquête permanente auprès desménages réalisée eu 1993-94, la multiplication desrel.e~és (augmentation des nombres de produitsSUIVIS et de lieux d'achats) et achats, lamodernisation de la chaine de traitement desdonnées pour assurer la qualité de l'indice (créationd'un logiciel de calcul, contrôles et tests decohérence, etc.), Avec ce nouvel indice des prix,Madagascar se trouve à la pointe des pays africainsen la matière, notamment en termes de couverturegéographique.

Parallèlement à cette opération lourde de mise enplace d'un nouvel indice des prix, Madic a élaboréen 1995 la maquette de la publication mensuelle del'IPC (ancienne formule) et en a assuré la publica­tion pendant 15 mois, d'octobre 1995 à décembre1996, Madio a aussi mis en place un systèmed'~bonnement annuel payant (40 abonnés en 1998),qUI procure des ressources pour couvrir les coûts.La gestion de ce système a été transférée avecsuccès de Madia à l'Instat dès 1997, Et depuis1998, l'ensemble des opérations liées à l'indice desprix ont été transférées au service compétent del'Instat.

lO L . . d.a preseniauon e cette expérience a [oit l'objet detrois articles dans Statéco nO 92-93 (l~2. 1999,p. 5-81).

L'enquête TourismeIVisa

Cette enquête nationale et ponctuelle réalisée en1998 a cherché à évaluer l'impact des mesures de1ibé~ali~ation en matière de tourisme, et plusparticulièrement de l'obtention du visa touristique àla frontière. Elle a été effectuée par Madic à lademande du Secrétariat technique de l'ajustement(STA) et de la Banque mondiale, auprès d'unéchantillon représentatif de 1 250 visiteurs étranaersà Madagascar. Il s'agit de la seule enquête exis7antsur les caractéristiques des touristes à Madagascar,et sur leurs attentes. Document de référence, J'étudetirée de cette enquête a été publiée à 1 000 exem­plaires, et, épuisée, a dû faire l'objet d'un nouveautirage (Secrétariat technique de l'aj ustement, 1998).

Tout~s les opérations statistiques réalisées parMadic entre 1995 et 1998 ont plusieurs pointscommuns.- En premier lieu, aucune enquête n'a connu

l'échec. Au contraire, la qualité des donnéesobtenues est exemplaire. La cohérence inter­temporelle des indicateurs en est la preuve.En deuxième lieu, ces opérations statistiquespermettent à Madagascar de se situer à la pointedu progrès en Afrique subsaharienne dans ledomaine des enquêtes (développement deméthodologies nouvelles, introduction d'enquê­tes qui ont fait leurs preuves sur d'autrescontinents, etc.),En troisième lieu et en dehors de leursdébouchés thématiques, toute l'originalité de cesenquêtes est de participer à la construction d'unvéritable système d'informations, basé sur lareconduction périodique des opérations. Laquestion de la capitalisation des savoirs techni­ques passe par ce processus de "routinisation''.L'extension géographique n'est envisagée quedans un second temps, une fois tous les rouazeso

Statéco n" 95-96-97, 2000

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parfaitement maîtrisés. De plus, le traitement dela dynamique en est le principal point fort, alorsqu'il est en général inexistant en Afrique subsa­harienne.Enfin, dernier atout et non des moindres, le coûtde chaque enquête est extrêmement modeste, cequi n'exclut pas d'emblée leur prise en chargenationale.

La modélisation macroéconomique

La modélisation macroéconomique constitue unobjectif initial clairement affiché dans le program­me du projet Madic. Rappelons que les modèlesmacroéconomiques remplissent deux fonctionsprincipales:

un modèle constitue le cadre par excellence demise en cohérence des principaux agrégatsémanant de diverses sources ; il assure lasynthèse et la remontée des informations écono­miques extérieures (finances publiques, com­merce extérieur, prix, informations sectorielles,etc.), et permet d'enrichir le cadrage purementmacro-financier par des analyses thématiquessur différents aspects de la sphère réelle.un modèle et ses débouchés (projections,simulations) constituent par nature un instru­ment pédagogique visant à stimuler la réflexionet les discussions sur la compréhension du modede fonctionnement de l'économie dans sonensemble et de l'impact des mesures depolitique économique.

Cette seconde fonction est primordiale pour assurerl'utilisation réelle et partagée d'un modèle. Lacause des échecs répétés des opérations de modéli­sation en Afrique subsaharienne résulte justementde la sous-estimation de ce rôle essentiel desmodèles. Madagascar en particulier n'avait jamaisconnu par le passé d'implantation de modèleréussie. Les deux tentatives entreprises au début desannées 1990 (modèle Merime du service du Plan etdu Pnud, modèle d'équilibre général calculable dela Banque des données de l'État et de CornellUniversity) ont avorté pour cette raison.

Les activités de modélisation n'ont effectivementdébuté dans le cadre du projet Madio qu'à la fm del'année 1995. Ce démarrage tardif s'explique parl'accumulation de retards enregistrés par le projetde confection des comptes nationaux, financé par laBanque mondiale. La nouvelle armée de base,initialement prévue pour fm 1994, soit au momentde la mise en place de Madio, n'a été renduedisponible qu'en octobre 1998, avec 4 ans deretard. Or les comptes nationaux constituent l'inputindispensable à toute entreprise de modélisationmacroéconomique.

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Au vu de cette situation, Madio a décidé dès 1995de ne pas attendre les nouveaux comptes de base, elde mobiliser les informations disponibles, notam­ment celles collectées dans les enquêtes, pourélaborer trois types de modèles, conçus pour desusages différents.

Prestomad : un modèle macro-financier de courtterme"

Un premier investissement de mise au point dumodèle Prestomad (version adaptée au cas malga­che de la génération des modèles Presto élaborés àla Caisse française de développement) a été réaliséfm 1995 avec l'appui de spécialistes de Dial et del'Insee. Le modèle a été rendu opérationnel ennovembre 1996. Un premier jeu de simulations aété élaboré en décembre 1996, et a donné lieu à unepublication de fond portant sur le bilanmacroéconomique 1990-1996 et les perspectives1997M 1998 (Razafmdrakoto et Roubaud, 1996).Largement diffusée début 1997, cette étude a faitl'objet de nombreux commentaires à Madagascar.

En 1997, le modèle Prestomad a commencé à être

internalisé à l'Instar. Cette internalisation étaitd'autant plus légitime que, d'une part, la directiongénérale de I'Instat formulait une demande forted'utilisation du modèle par l'Institut, et que d'autrepart, le co-responsable malgache du projet Madioétait aussi chef du service Modélisation et prévi­sions de la direction des Synthèses économiques del'Instar. Ce dernier a organisé son équipe de façon àstandardiser et à documenter les procéduresd'alimentation du modèle en données, afin depouvoir répondre aux demandes éventuelles. Il a deplus organisé des formations pour la maîtrise del'instrument. Enfin, il a intégré au nom de l'Instat lacellule macroéconomique du ministère de l'Écono­mie et des finances, réunissant ainsi l'ensemble desadministrations économiques pour préparer lesprincipaux documents macroéconomiques, notam­ment dans le cadre des négociations avec lesinstitutions de Bretton Woods.

Fin 1998, le modèle Prestomad est devenu totale­ment opérationnel. 11 a donné lieu à deuxpublications par an depuis 1997, les projectionsréalisées fin 1997 ayant même été commentéespubliquement par le président de la République,lors de son allocution de présentation de vœux auxcorps constitués en janvier 1998. Largement diffu­sées, notamment par le biais de la revue Économiede Madagascar, ces études constituent aujourd'huiune référence sur les enjeux et les résultats de lapolitique macroéconomique à Madagascar. Ellessont commentées et attendues avec intérêt par

II Voir l'article de Mireille Razafindrakoto dans cenuméro deStatéco.

Statéco n? 95-96-97, 2000

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nombre d'acteurs économiques importants(administrations économiques, bailleurs de fonds,secteur privé, etc.), Aujourd'hui une équipe de 4 à 5personnes est capable de faire fonctionner lemodèle Prestomad.

Prestomad est un modèle de projections macro­flnancières à horizon limité (2 à 3 ans). Un certainnombre d'équations de comportement ont été endo­généisées (consommation, importation, exportation,prix), ce qui constitue un enrichissement notable parrapport à d'autres modèles concurrents commeRMSM tRevised Minimum Standard Model) de laBanque mondiale, dans ses différentes versions.

Madhimo : un modèle de type input-output

Parallèlement à Prestomad, Madia a mis au point unmodèle de type input-output simple pour quantifierles effets multiplicateurs de différents secteurs del'économie. Initialement conçu en 1996 pourmesurer les effets d'entraînement des projets àhaute intensité de main-d'œuvre (HIMO), à lademande du BIT (Bureau international du travail),Madhimo a aussi été aménagé et utilisé pour estimerl'impact de la zone franche en 1997. Standardisé etdocumenté, il a été pris en charge par la cellule duBIT s'occupant de la promotion des travaux HIMQdans les pays en développement.

Megadifi, modèle d'équilibre général calculableagrégé, dynamique, et financier

Pour traiter le moyen terme et les questions centra­les de réallocation de facteurs, les modèlesd'équilibre général calculables (MEGC) sont lesplus appropriés. Une stratégie commune a étéélaborée avec l'autre projet de l'Instat (avec CornellUniversity) chargé de mettre au point un MEGC.Après discussion sur les niveaux de désagrégation,une matrice de comptabilité sociale (Madmacs) aété construite en commun par les deux projets. Àcette occasion, les données issues des enquêtesréalisées par le projet Madio ont été largementmobilisées. À partir de ce tronc commun, deuxmodèles différents ont été calibrés en fonction descentres d'intérêt de chacun des deux projets: unMEGC statique et désagrégé pour le projet Instat­Comell qui cherche avant tout à analyser lapauvreté et les questions distributives, un MEGCplus agrégé mais dynamique et financier pourMadio, dont ta préoccupation principale est ladynamique macroéconomique. Mis au point avecl'appui d'un chercheur de Dial, Megadifi permet desimuler des politiques alternatives (chocs extérieursou intérieurs, mesures de politique économique)pour quantifier les effets d'offre de moyen terme.Finalisé en juin 1998, il a donné lieu à unepublication en 1998 (Cogneau, Razafindrakoto etRoubaud, 1998).

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Le projet Madio a acquis, en matière demodélisation, une reconnaissance indiscutable àMadagascar. La qualité de ses travaux a mêmeconduit la Coopération française à confier à Madiopar une convention la réalisation de deux notes demoyen terme, avec un double objectif: servir decadrage pour la prochaine commission mixtefranco-malgache, servir de canevas méthodologiquede base pour être ensuite appliqué dans d'autrespays d'intervention de la Coopération française(Razafindrakoto et Roubaud, 1998a et 1998b).

Une dernière remarque s'impose concernant lamodélisation. La question se pose de la légitimitéde l'implantation d'une cellule de modélisation àl'Instat, et plus largement d'une capacité d'analysemacroéconomique, notamment depuis qu'à l'insti­gation de la Banque mondiale, une nouvelle celluleintitulée Secrétariat permanent à la prévisionmacroéconomique (SPPM) a été créée au ministèrede l'Economie et des finances. Plusieurs raisonsmilitent cependant en faveur d'une poursuite desactivités de modélisation li l'Instat :

le directeur général s'y montre profondémentattaché;la modélisation est un débouché naturel de lacomptabilité nationale élaborée par l'lnstat ;la concurrence de plusieurs cellules demodélisation favorise le débat et renforcel'intérêt pour ce type d'exercice, comme on peutle constater par exemple en France;en l'état, les modèles utilisés par Madio sontplus puissants que ceux mis en œuvre auSPPM;l'originalité de Madio, par rapport à d'autresinstitutions pratiquant la modélisation, provientde l'étroite articulation entre les développementsthématiques et sectoriels, basés sur les enquêtes,qui permettent de sortir du diagnosticstrictement macro-financier qui ne renseigne quefaiblement sur la dynamique des acteurs réels del'économie (ménages, entreprises, etc.) ;enfin, le SPPM dispose d'une marge demanœuvre extrêmement réduite à la fois enterme d'horizon de projection et de profondeurdes analyses. Son rôle est de répondre au jour lejour aux demandes du ministre, ce qui impliqueune focalisation sur le court terme et une libertéd'analyse et d'expression faible. Le lien plusdistant de l'Instat avec le pouvoir politique luipermet de prendre plus de recul pourentreprendre des investigations plus fouillées,orientées sur le moyen terme. La positionéminemment politique du SPPM est sans doutela raison pour laquelle ce service n'a produitjusqu'à maintenant que des notes internes quin'ont jamais fait l'objet d'une diffusion et d'undébat public, à la différence des études réaliséespar Madio,

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Les études économiques et laconstruction d'un capital de compétenceen matière d'analyses économiques

La réalisation d'études économiques constitue lecœur des objectifs du projet Madic, Ce champd'activité a deux fonctions principales:

répondre à un certain nombre de questionséconomiques pour comprendre les enjeux et lescontraintes du processus de transition en cours àMadagascar, et étayer la prise de décision enmatière de politique économique. De ce point devue, Madagascar, à l'instar de nombreux paysd'Afrique subsaharienne ne bénéficie d'aucunetradition dans le domaine;former un capital de compétences nationalessusceptibles d'entreprendre et de mener à bience type d'études.

Il convient de noter qu'au commencement du projetMadio, la production scientifique dans la disciplineéconomique à Madagascar (ouvrages, articles,études, etc.) était quasiment inexistante, confortantle point de vue couranunent admis parmi lesbailleurs de fonds, selon lequel il n'y a pasd'économistes à Madagascar. Il faut voir dans cettedéfaillance, non seulement la faiblesse de latradition écrite, mais surtout l'effet de 30 ans derégression économique, qui a miné le systèmeéducatif malgache. Les professionnels maîtrisant lesoutils modernes de l'économie quantitativeappliquée sont ainsi absents des institutions où ils serecrutent habituellement (universités, administra­tions économiques, grandes entreprises).

Dans ce contexte, la tâche de Madio étaitparticulièrement difficile. Dès 1994, deux séries dedocuments ont été créées :

la série "Études" pour les analyses thématiquesproprement dites ;la série "Documents techniques" pour lesdéveloppements rnéthodologiq ues.

Si la première série est la plus prestigieuse, laseconde n'en est pas moins fondamentale. Son rôleest de documenter systématiquement les instrumentsmis en place par Madio (enquêtes, modèles, etc.),de façon à en garder la mémoire, et à permettre d'en

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apprécier la qualité scientifique. Cet "appareillage"(méthodes statistiques, modules de formation,missions d'appui technique) consigné par Madiodans ses documents techniques, est en généralignoré dans la plupart des pays d'Afriquesubsaharienne ; ce qui a pour conséquence delimiter le jugement critique que ['on peut porter surles résultats obtenus, et de bloquer la capitalisationdes savoirs techniques au sein des institutions quiont la charge de leur valorisation.

En un peu plus de 4 ans, 300 documentsscientifiques ont été publiés: 192 études et 108documents techniques (tableau 3). La production deMadio dans ce domaine est progressivement montéeen puissance, pour atteindre son rythme de croisièredès 1996, sur la base d'une cinquantaine d'études etd'une vingtaine de documents techniques par an. Labaisse du nombre d'études entre 1996 et 1998 (de64 à 50) s'explique par le fait qu'entre la fin 1995et le début 1997, Madia a pris en charge lapublication mensuelle des données de l'indice desprix à la consommation (2 publications en 1995, 12en 1996 et 2 en 1997), ce qui a eu pour effet degonfler le nombre d'études au cours de cettepériode. Par ailleurs, la production d'études estinversement proportionnelle au nombre d'enquêtesstatistiques mises en œuvre, ces dernièresreprésentant un investissement en tempsparticulièrement lourd, qui demande un certaindélai avant de pouvoir être valorisé. De ce point devue, 1998 a été particulièrement chargée enopérations statistiques (7 enquêtes, contre 3 en1996).

Les études réalisées par Madio traitent de sujets defond, en valorisant en priorité les données produitespar le projet, mais aussi et plus largement,l'ensemble des informations économiquesdisponibles à Madagascar. Les thèmes les plusdivers sont abordés en fonction des prioritésimposées par les principales questions économiquesqui se posent au pays durant cette phase de doubletransition (économique et politique). La complexitédu processus en cours, où c'est le mode defonctionnement de la société dans son ensemble quiest remis en question, conduit à ne pas se cantonneraux seules analyses économiques classiques.

Tableau 3Publications scientifiques réalisées par Madio sur la période 1994-1998

1994* 1995 1996 1997 1998 TotalSérie "Etudes" 3 20 64 55 50 192Série "Documents techniques" Il 20 30 22 25 108Total 14 40 94 77 75 300

* En 1994, Madio n'a exercé que pendant 3 mois.

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Évidemment, les etudes strictement économiquesconstituent le gros de la production. On y trouve parexemple des travaux sur les perspectivesmacroéconomiques, la dynamique des prix et destaux de change, les politiques monétaire, fiscale oucommerciale, la question de la dette extérieure, ledésengagement de l'Êtat, l'appel aux investis­sements étrangers et la dynamique des entreprisesfranches. Madio a aussi investi des champs plusmicroëconomiques (comme le travail des enfants, lademande d'éducation et de santé, la durée duchômage ou la discrimination salariale), des champsà la frontière de la démographie et de l'économie(comme la Fécondité, la transition démographique,les transferts intergénérationnels), ou encorerelevant plus directement de la sociologie(géographie et sociologie électorales, sociologiereligieuse, sociologie politique, etc.).

Notons pour finir sur ce point, que le projet Madiojoue un rôle de pôle Fédérateur de recherche, endonnant l'opportunité à des économistes extérieursau projet d'entreprendre des études. Ainsi, parmi les45 auteurs des 300 publications scientifiques deMadio entre 1994 et 1998, on compte 19 membresde Madio et 26 chercheurs extérieurs.

La politique de valorisation et dediffusion des résultats

La valorisation des résultats obtenus par Madioconstitue sans aucun doute le point le plus originalet le plus novateur du projet. Cette politique activeet délibérée a une double ambition:

diffuser auprès du plus grand nombre desanalyses sur des thèmes sensibles afin d'enrichirle débat démocratique, dans un pays où l'accès àI'information a toujours été le privilège d'uneminorité;susciter l'intérêt d'acteurs clefs et des décideurs(notamment l'Administration et les bailleurs defonds), afln de les inciter à continuer à financerce type de recherches.

Plusieurs canaux ont été mobilisés pour mener àbien cette politique.

La diffusion des travaux

En premier lieu, les résultats des travaux de Madioont été systématiquement distribués il une trentained'intermédiaires stratégiques, au rang desquels lesadministrations économiques, les bailleurs de fonds,certaines organisations de la société civile(groupements patronaux, syndicats, organisationsnon gouvernementales), et les médias. Il convientde relever tout particulièrement le rôle de la presse,qui a servi de formidable relais pour transmettre aupublic les résultats des travaux de Madio. Enl'espace de 4 ans, plus de 500 articles ont étépubliés dans la presse nationale et internationale sur

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les travaux de Madio. De plus, Madic a participé àune vingtaine d'émissions de radio, et à 5 émissionsde télévision, sans compter les références Faites auxtravaux de Madio dans les émissionsd'informations.

Ainsi, dès 1995, Madic acquérait la reconnaissancede la presse en matière de production et de diffusiondes informations et des analyses économiques.Cette reconnaissance s'est traduite par l'attributionpar un hebdomadaire de la place du prix Orange(prix symbolique décerné à la personne morale ouphysique ayant le mieux servi la cause de la presseet des médias au cours de l'année écoulée) en 1995à la Banque centrale de Madagascar et à l'Instat(pour les travaux de Madio). Cette confiance nes'est jamais démentie par la suite, bien au contraire.

Ce succès mérite qu'on en tire quelquesenseignements importants. D'abord, il soulignel'utilité sociale du projet Madio. On peut juger àcette aune l'intensité de la demande sociale àlaqueUe répondent les études de Madio. Au-delà dece critère d'appréciation de la qualité des travaux deMadio (ce n'est bien sûr pas le seul), l'accessibilitépour le public de résultats portant sur les grandesorientations économiques du pays œuvre dans lesens de l'amélioration du fonctionnement de ladémocratie, dans la mesure où un citoyenresponsable ne peut être qu'un citoyen informé.Ainsi, la mise il disposition en temps réeld'indicateurs comme le taux de chômage, l'inflationou la croissance des revenus, permet à chacun dejuger de l'efficacité de la politique économique, etéventuellement de sanctionner les autorités aumoment des scrutins électoraux en cas d'échec.

Il convient aussi de souligner un effet indirect de ladiffusion par la presse des résultats du projetMadio. Dans nombre de pays d'Afriquesubsaharienne, les autorités n'ont pas J'habitude deprendre les mesures de politique économique enfonction des résultats d'études préalablementréalisées (d'où d'ailleurs leur faible capacité deréaction et de négociation lors des discussions avecles bailleurs de fonds, par exemple dans le cadredes politiques d'ajustement structurel). Les raisonsde ce manque d'intérêt pour les études sontmultiples: Faiblesse de j'offre d'études de qualité,niveau de formation insuffisant des responsablespolitiques, Facteurs d'arbitrage plus politiques(voire ethniques) que techniques. Toujours est-ilque Madagascar ne Fait pas exception à la règle, etla réaction spontanée des administrationséconomiques aux travaux de Madia a toujours éténégligeable. Cependant, la diffusion par la pressedes résultats des travaux de Madio a eu un effet"boomerang" sur les autorités, qui se voyaientinterpellées indirectement mais publiquement sur

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ces résultats (sans négliger les discussionsinformelles en famille, entre amis, avec d'autresinterlocuteurs de la société civile, etc.). Il n'étaitalors plus possible pour les autorités d'ignorer cesrésultats. Ainsi, lorsqu'en octobre 1995, lesjournaux titraient à la une "Haro sur la corruption"(La Tribune de Madagascar du 15 octobre 1995),en commentant une étude de Madic qui avançaitque "40% des Tananariviens ont été victimes de lacorruption des services publics au moins une foisau cours de l'année écoulée", il devenait difficiled'éluder la question.

En second lieu, les résultats des travaux de Madicsont mis en vente. Madic n'ayant pas de vocationcommerciale, ceux-ci sont vendus au coût dereproduction. Par ce biais, Madio dispose d'unsecond indicateur, après les articles dans les médias,mesurant l'adéquation de ses travaux à la demande.La mise en vente assure à Madic une diffusion pluslarge de ses publications que la presse, qui se bornele plus souvent à reproduire le résumé. Elle procureen outre des ressources permettant la reproductiondes publications.

Madio met en vente 4 types de docwnents :les publications concernant les premiers résul­tats des enquêtes statistiques. Cette collection,qui fait la synthèse des principaux résultats dechaque enquête, se présente sous une formestandard et attractive (illustration thématique en1re de couverture, méthodologie en 3e de couver­ture, tableau synthétique et chiffré en 4e decouverture), et sur un support papier de qualité.Chaque année est associée à une couleur, etchaque série (enquête Emploi, enquêteindustrielle, etc.) à une illustration spécifique;les publications de la série "Études" de Madic,reproduites et distribuées sous forme dephotncopies ;la revue Économie de Madagascar (REM), sousla forme standard d'une revue scientifique;les 4-pages de résultats relatifs aux indicateurspériodiques de l'lnstat (de périodicité mensuellepour l'indice des prix à la consommation, ettrimestrielle pour le commerce extérieur), diffu­sés par abonnement sous fonne de photocopies.

Seules les recettes des deux premiers types dedocuments reviennent à Madio, Celles des abonne­ments sont reversées à l'Instar et celles provenantdes achats de la revue, au compte de la REM. Lespremières mises en vente n'ont commencé qu'en1996. Au départ distribuées de façon artisanale parla secrétaire du projet, les publications de Madioont rapidement fait l'objet d'une demandedépassant ses capacités de gestion. Des profession­nels de l'édition se sont montrés intéressés par lacommercialisation des publications de Madio, et on

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peut les trouver dans la plupart des librairies de lacapitale. On peut aussi se les procurer dans lesprincipaux centres de documentation tananariviens,et même dans le kiosque de presse de l'aéroport etcertaines grandes surfaces.

Entre début 1996 et fin 1998, le projet Madio avendu pres de 5 000 publications dont environ2600 se rapportant à des premiers résultatsd'enquêtes, 1 700 études et 400 revues Écon.omiede Madagascar. générant près de 80 millions defrancs malgaches (environ 70000 francs français)de recettes (dont 60 millions pour le projet Madio).Les principaux clients pour les publications deMadio sont les organismes internationaux (40%),suivis par les universitaires, les sociétés et lescentres de documentation (environ 10% chacun).Les organisations non gouvernementales (ONG)(6%), les bureaux d'études (6%) et les administra­tions (5%), constituent le reste de la clientèle.

Parallèlement il cette stratégie de vente, lespublications de Madio sont aussi distribuéesgratuitement, il l'ensemble des centres documen­taires et bibliothèques universitaires d'Antananarivonotamment. On les trouve dans les ministères, et deséchanges sont organisés avec d'autres institutionsproductrices d'informations ou d'analyses économi­ques (projets, üNG, etc.),

Ainsi, on peut considérer que la diffusion despublications de Madic est bien assurée dans lacapitale malgache. Un effort reste il faire pourl'élargir aux provinces et à l'étranger.

La mise en place du rendez-vous "Instat-PointInformation" (IPI)

À l'instigation du projet Madio, l'Instar a mis enplace dès 1995 un point de presse intitulé "lnstat­Point Information" (IPI), dont certaines caracté­ristiques sont inspirées des conférences de presseorganisées par l'Insee en France à l'occasion de lasortie de publications de la série Insee-Première.

Pour restaurer l'image négative (ou au mieux laméconnaissance) de l'Instar auprès du publicmalgache, il est vite apparu que la réhabilitation del'appareil statistique national devait passer nonseulement par un gros effort de production destatistiques de qualité pour actualiser le systèmenational d'Informations économiques, conformé­ment il la vocation légale de l'Instat, mais aussi parune politique de communication de grande ampleur,afin que les résultats obtenus soient largementdiffusés auprès des utilisateurs. En effet, la politiquede libéralisation économique mise en œuvre sedevait d'être accompagnée d'une mise à dispositionrapide de l'information économique auprès desdifférents acteurs susceptibles d'en avoir l'usage

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Tableau 4Les rendez-vous "Instat-Point Information" de la période 1995-1998*

Organisateur 1995 1996 1997 1998 TotalMadio 4 4 5 4 17Autres directions de l'Iostat l 1 0 4 6Total 5 5 5 8 23

* Ce tableau ne tient pas compte des séances de restitution organisées par la direction de la Démographie et des statistiquessociales de l 'Instat autour de ses travaux (recensement de population de 1993, enquête démographique et de santé de 1997),en dehors du cadre des IP!.

(les administrations économiques, les bailleurs defonds, les opérateurs, la presse spécialisée, et plusgénéralement la société civile). C'est à ce prix quel'Instat devrait pouvoir pleinement jouer son rôle.Après plus d'une décennie de déclin de I'Instat,engendré par de profondes réductions budgétaires etun faible dynamisme de sa direction, cette nouvellestratégie de conununication correspondait à unvéritable changement de mentalité du corps desstatisticiens de l'administration publique. Ils'agissait de passer d'une réponse "molle" auxfaibles sollicitations du seul interlocuteur étatique, àun rôle moteur de diffusion de l'informationéconomique et sociale en direction des différentssecteurs de la société.

Ce diagnostic établi par Madio a immédiatement étépartagé par le directeur général de l'Instar, donnantle jour au rendez-vous périodique baptisé "Instar­Point Information" (IPT). Il a été convenu qu'àchaque fois que l'Instat s'engageait dans uneopération, un IPI serait organisé dans les plus brefsdélais pour présenter les premiers résultats de sestravaux, sans attendre la publication définitive, dontles délais étaient en moyenne de plusieurs années(sans parler des travaux ne débouchant jamais surdes publications). Cette séance de restitution devaitalors devenir l'occasion d'alimenter les utilisateursen informations économiques les plus récentes, etd'échanger les points de vue afin d'assurerl'adéquation entre l'offre et la demande destatistiques. Un IPT a été conçu comme uneconférence publique et gratuite, ouverte à tous (etplus particulièrement aux médias), l'assistance étantconviée par l'intermédiaire d'invitations ciblées etd'encarts diffusés par voie de presse.

Depuis le premier IPI, le 20 juin 1995, organiséautour de la restitution des premiers résultats del'enquête Emploi de 1995 effectuée par Madio, 22autres IPI ont été organisés au cours de la période1995-1998. Si Madio a été à l'origine des troisquarts des IPI, on observe une montée en puissanceprogressive des autres directions de l'Instar au coursdu temps. De ce point de vue, 1998 constitue uneannée charnière, au cours de laquelle l'lnstat, sous

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l'impulsion de son nouveau directeur général, a prispleinement possession de cet instrument depromotion: la moitié des 8 IPI ont été directementorganisés par l'Instat, en dehors du projet Madio(tableau 4). Il convient cependant de mentionnerque toutes les directions de l'Instar ne se montrentpas aussi performantes dans ce domaine, ladirection des Statistiques des ménages se montrantde loin la plus dynamique.

En moyenne une centaine de personnes, chiffrevariable en fonction des thèmes d'intérêt, assistentaux TPI, et ceux-ci sont généralement bien couvertspar la presse. En plus de la présentation orale(souvent complétée par la projection de transparentsou de diapositives), un résumé de 4 pages estsystématiquement distribué au public.

La création de la revue Économie deMadagascaru

À l'instigation du projet Madio, la Banque centralede Madagascar (BCM) et l'Instat ont cofondé unerevue scientifique, intitulée Économie deMadagascar, dont le premier numéro est paru endécembre 1996. La revue Économie deMadagascar (REM) a refenné ainsi une parenthèsede silence de près d'un quart de siècle de larecherche en économie à Madagascar, suite à ladisparition en 1972 de la Revue économique deMadagascar après 7 numéros, disparitionprovoquée par les événements polîtiques et lafermeture consécutive du pays. Cette nouvellerevue, de périodicité au moins annuelle, se donnetrois objectifs principaux :

inciter les économistes travaillant surMadagascar, et plus spécifiquement leséconomistes malgaches, à produire des étudesde qualité, dont la publication constitue uninstrument privilégié de valorisation;

- mettre à la disposition d'un large public desinformations et des analyses concernant lesproblèmes de fond du pays, de façon àencourager le débat démocratique;

12 Voir l'article de Mireille Razofindrakoto et FrançoisRoubaud dans ce numéro de Statéco.

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fournir aux décideurs des éléments pour la défi­nition de politiques économiques pertinentes.

Il était en effet paradoxal que les analyses portantsur l'économie malgache soient plus facilementaccessibles à Paris ou à Washington, et que leursauteurs soient dans leur grande majorité desétrangers.

Les publications dans des revues extérieures et laparticipation à des colloques internationaux

Pour pousser plus loin la valorisation de sestravaux, le projet Madio a cherché à s'insérer dansles réseaux internationaux de la communautéscientifique en économie et statistique, aujourd'huilargement mondialisée. Cette insertion passe pardivers canaux:

publications dans des revues scientifiques desrésultats des travaux de Madio ;

- participation à des colloques nationaux etinternationaux (Pékin 1995, Hanoi 1996,Bamako 1997, Mexico 1998, Ouagadougou1999, etc.).

La montée en puissance progressive du projetMadio en matière d'insertion dans les réseauxinternationaux de la recherche en économie peutêtre clairement appréciée à partir d'un exempleprécis. Lors des troisièmes journées scientifiques duréseau Analyse économique et développement del'Aupelf-Uref (Association des universités partielle­ment ou entièrement de langue française ­Université des réseaux d'expression française),référence d'excellence en la matière, qui se sonttenues à Hanoi en décembre 1996, Madio marquaitsa participation à travers nne seule contributionscientifique. Deux ans plus tard, 6 contributions deMadic étaient inscrites au programme desquatrièmes journées scientifiques, sur la question durôle du capital humain dans le développement,tenues à Ouagadougou en janvier 1999. Malheureu­sement, pour des raisons fmancières ayant limité laparticipation aux journées de membres de l'équipeMadio, seules 3 communications de Madio ont pueffectivement être présentées. Mais si on y ajoutedeux autres conununications de membres de Dialutilisant des données collectées par Madio, legroupe de recherche Madio-Dial aura été de loin lepremier contributeur à ces journées, et le seulreprésentant Madagascar.

Concernant les contributions de Madio à des revuesscientifiques étrangères, on compte une dizained'articles (ou contributions à des ouvrages collec­tifs), ainsi qu'une dizaine de papiers publiés dansdes actes de colloques internationaux. A côté de cespublications scientifiques, Madio a publié denombreux articles dans des publications de vulgari­sation à Madagascar (Lettre de la Grande lie,

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Onudi-Challenge, Capricorne, etc.) et à l'étranger(Dialogue, etc.), De plus les analyses de Madic sontdevenues une référence pour ceux qui publient surl'économie malgache.

Il convient de noter que la valorisation scientifiquedes travaux réalisés par Madio est difficile à menerde front avec les activités courantes du projet.D'une part, parce que Madagascar se situe endehors des courants d'échanges et des réseauxscientifiques, excluant largement les pays du Sud.D'autre pan et surtout, parce que Madio a consentiun énorme investissement en matière de collected'information de base, et doit répondre à desdemandes locales très lourdes. Comme pour toutinvestissement, un délai est nécessaire pour le fairefructifier. La tâche est d'autant plus ardue, quel'investissement statistique de Madio n'est pas uneopération ponctuelle pour un programme derecherche circonscrit dans le temps, mais s'inscritdans le cadre du système d'informations national,par nature permanent. Le désengagement program­mé de Madio de la phase de collecte souffre dumanque aigu de compétence au sein de l'Instar,pour prendre le relais. Cependant, le rendement del'investissement devrait s'accroître très sensible­ment dans les années qui viennent.

L'animation scientifique

La politique de formation

La formation constitue un axe essentiel des activitésde Madio. Deux types de formations doivent êtredistinguées:

celles dont bénéficient les membres de Madio ;celles dispensées par les membres de Madio.

La formation du personnel de Madia

Les membres malgaches de Madio ont pu bénéficierde formations aux techniques statistiques et àl'analyse économique, de la part à la fois deschercheurs expatriés de l'Orstom en place sur leterrain, et des missionnaires envoyés à Madagascardans le cadre de Dial. Il convient d'insister sur lefait que la grande majorité des membres malgachesde Madio n'avaient aucune expérience profession­nelle à leur entrée dans le projet. Un des rôlesessentiels des chercheurs de l'Orstom a donc été detransformer ces cadres bien formés, en de véritablesprofessionnels de l'analyse et de la recherche enéconomie. Ce travail de formation s'exerce auquotidien, et touche toutes les dimensions du métierde statisticien et d'économiste, mais vise aussi àcombler certaines lacunes du système de formationmalgache (français, esprit critique, synthèse,rédaction, organisation des idées, etc.). Cetteformation au quotidien est directement mise enapplication par la réalisation d'études (individuelles

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ou collectives), qui font ensuite l'objet d'unediscussion critique, lors notamment des Vendredisde Madia.

Les Vendredis de Madia constituent un séminaireinterne à Madia, dont l'objectif principal est laformation à la recherche. Chaque membre du projetest invité a présenter oralement les résultats de sestravaux (étude en cours ou achevée), afin de lessoumettre à la discussion collective (interrogations,critiques, suggestions). Le séminaire profite aussibien à l'exposant (communication orale, etc.) qu'àl'assistance qui prend connaissance d'un autrechamp d'investigation que le sien, d'une méthodo­logie nouvelle, etc. Pour améliorer l'efficacité duséminaire, le principe du discutant a été instauré,afin d'étoffer le débat. Si les Vendredis de Madicsont â destination principale des membres du projet,les cadres de l'Instar sont systématiquement invitésà y participer, ainsi que toute personne extérieureintéressée, soit dans le public soit comme exposant.Le séminaire se tient les vendredis après-midi, dansles locaux de l'Instar, Il a été mis en place en mars1996. En janvier 1999, 70 Vendredis de Madioavaient été organisés (27 en t996, 21 en 1997 et 22en 1998) sur les thèmes les plus variés, reflétant ladiversité des champs d'investigations de Madia.

Il est intéressant de noter que ce processus deformation continue a franchi en 1997 une étapenouvelle, avec le recrutement de 4 jeunesstatisticiens-économistes malgaches issus del'Ensea (École nationale supérieure de statistique etd'économie appliquée) d'Abidjan. Alors que dansun premier temps, la formation interne se misait deschercheurs expatriés de l'Orstom vers les écono­mistes malgaches du projet, dans un second temps,ces derniers ont pris en charge la formation de leurscadets. Le processus de capitalisation des savoirssur une base endogène a ainsi été enclenché.

À côté de cette formation continue sur le tas, lesmembres de Madio ont aussi bénéficié de forma­tions formelles, en général de haut niveau,organisées par des institutions spécialisées dans cedomaine . Le dénominateur commun de cesformations est de porter sur les techniques quanti­tatives de l'analyse statistique et économique. Leurspécificité, outre leur qualité technique, est d'avoirété choisies en étroite articulation avec les activitésdu projet, afin d'en maximiser la valorisation . Eneffet, trop souvent les formations accordées dans lecadre des projets peuvent être qualifiées de"formations de complaisance" : elles ont pourfonction implicite de distribuer des per diem et desséjours à l'étranger, sans qu'aucune retombéetangible ne puisse être notée. C'est d'ailleurs aunom de ce principe d'efficacité, que le projet Madioa été amené à privilégier les formations à

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Madagascar par des spécialistes étrangers (lorsqueles compétences n'existent pas localement), moinscoûteuses et dont le plus grand nombre peutbénéficier.

Les formations dispensées par les membres deMadia

Pour ce type de formations aussi, on peut distinguerformations formelles et informelles.

Du côté des formations informelles, Madic assure letransfert des opérations statistiques aux cadres deI'Instat. En particulier, chaque enquête est précédéed'une séance de formation de plusieurs jours pourles superviseurs et pour les enquêteurs. Plusieursdizaines de cadres de l'Instar ont ainsi été formés etencadrés, ainsi que plusieurs centaines d'enquê­teurs. De plus, des modules de formation au traite­ment et à l'analyse des données ont été organiséspar les membres de Madic (modélisation, traite­ments statistiques sous Sas, etc.). Madic a aussifinancé à plusieurs cadres de l'Instar non membresde Madic des sessions de formations formelles.

Du côté des formations formelles , Madio intervientà différents niveaux dans les cycles universitaires deJ'université d 'Antananarivo (séminaires de 3e cyclede géographie, séminaires de 2" et de 3" cyclesd'économie). Enfin, Madic constitue un laboratoired'accueil pour des étudiants de 3" cycle desuniversités françaises , notamment pour des stagesde fin d'études et de longue durée (DEA, DESS,écoles d'ingénieurs, thèses).

La création d'une véritable unité de rechercheinscrite dans un réseau international

L'accueil de nombreux étudiants en thèse ou enstage, des échanges et collaborations scientifiquesavec différents groupes de recherche à Madagascarou à l'étranger, font de Madic une des raresvéritables unités de recherche à Madagascar, en enremplissant la double fonction de recherche et deformation. Ainsi, pas moins de 12 thèses dedoctorat ont été entreprises dans le cadre de Madic,ou en collaboration avec Madia, en utilisant desdonnées de Madio. 4 ont déjà été soutenues avecsuccès, et les autres sont encore en cours. Madia aaussi encadré 16 mémoires de 3e cycle (DEA,DESS ou écoles d'ingénieurs), et deux mémoires demaîtrise. La moitié de toutes ces formations ontprofité li des étudiants malgaches, et début 1999,plus des deux tiers des thèses ou mémoires avaientété soutenus.

Les consultations

Très rapidement, à mesure que Madio s'est faitreconnaître comme le centre d'excellence à

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Madagascar en matière d'analyses économiques, lesdemandes de consultation ont commencé à affluer.Madio est devenu au fil des années un passageobligé pour tous les consultants à la recherched'informations et d'études économiques surMadagascar. Ce succès est même devenu unesource d'effet pervers, Madic se trouvant submergépar l'affluence de demandes de toutes sortesn'entrant pas toutes dans le cadre de sescompétences ou de son progranune de travail(demande de traitements secondaires de ses basesde données, demande d'enquêtes spécifiques,demande de formation des cadres d'entreprises dusecteur privé, etc.),

Ces sollicitations peuvent prendre trois formes:demandes d'informations qui peuvent êtresatisfaites par J'obtention des publications deMadio;demandes d'interventions dans des colloques,séminaires ou ateliers ;demandes de contributions spécifiques sur desthèmes particuliers.

Comme les deux premiers types de demandes ontdéjà été traités plus haut, seul le dernier est abordéici. Dès la mise en place de Madio, des principesclairs concernant la consultation ont été adoptés(même s'ils n'ont pas toujours été respectés).D'abord, les demandes de consultation de Madio nepouvaient être acceptées que si les termes deréférence entraient directement dans Je cadre duprogramme de travail du projet, et évidemment, quesi les activités induites par la consultation nerisquaient pas de nuire à la qualité et au respect ducalendrier prévu des activités courantes. Ensuite, leprojet Madio devait pouvoir rester propriétaire (oucopropriétaire) des résultats, notamment en termede diffusion. Ainsi, toute consultation devaitpouvoir faire l'objet d'une publication dans le cadredes études de Madio, même si d'autres types devalorisation pouvaient être envisagés. Enfin,concernant le financement, différentes formesd'accords pouvaient être conclus. Les consultationspouvaient être gratuites (lorsque le dénominateurcommun avec des travaux existants ou prévus àMadio était fort) ; elles pouvaient faire l'objet d'unesimple participation sous forme de dons defournitures nécessaires à la réalisation des travaux(disquettes, papier, etc.) ; enfin une rémunération

Tableau 5Le budget de Madio sur la période 1994-1998

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correspondant au coût marginal du travail demandépouvait être convenue. Dans le cas de consultationsnécessitant des opérations spécifiques lourdes(enquêtes par exemple), leur financement était à lacharge du demandeur. Enfin, en cas derémunération pour une expertise, une moitié étaitattribuée aux membres de Madio ayant réalisé laconsultation. tandis que l'autre était reversée sur lecompte du projet. Ces règles, et la gestiontransparente de la consultation, avaient pourobjectif d'éviter que des biens publics (enl'occurrence les bases de données, l'équipement, letemps de travail, et même la renommée de Madio)soient utilisés à des fins privées, comme c'estmalheureusement trop souvent le cas dans lafonction publique à Madagascar (soit directement,soit par l'intermédiaire de bureaux d'études écrans).

La question des financements: uneinsécurité démobilisatrice

Initialement, un projet de financement commun,impliquant les trois bailleurs de fonds du projetMadio avait été convenu et adopté pour les deuxpremières années d'exercice (1994-1 996), l'Orstomprenant en charge les coûts d'expatriation de seschercheurs, ainsi qu'un petit budget de recherche,tandis que la Coopération française et l'Unioneuropéenne assuraient le financement des activitéscourantes du projet (tableau 5). Dans les faits, lesengagements n'ont jamais pu être tenus. Au coursdes deux premières années (1994·1996), laCoopération française n'a pas pu accorder l'appuifinancier prévu, car celui-ci était conditionné à lamise en place d'un programme d'appui auxadministrations financières et économiques(PAAFIE), lui-même dépendant de la signatured'accords avec les institutions de Bretton Woods,dans le cadre de l'ajustement structurel. Quandfinalement, un projet spécifique financé par leFonds d'aide et de coopération (Fac) français a puêtre signé fin 1996 et pour deux ans, c'est l'Unioneuropéenne qui n'a plus été en mesure de remplirses engagements. Pour des raisons de procéduresinternes, le projet de réhabilitation de l'appareilstatistique malgache (Statmad), dont unecomposante était censée assurer le financement deMadio en 1997 et 1998, s'est trouvé bloqué, et cen'est qu'en 1999 qu'il a enfin vu le jour.

en milliers de francs français Orstom Union européenne Coopération française TotalFonctionnement 500 3000 1 700 5200Salaires des chercheurs expatriés 10200 . . 10200Total 10700 3000 l 700 15400

Statéco n? 95-96-97,2000

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Dans les deux cas, le projet Madio n'a dû son salutqu'aux efforts et aux. solutions trouvées localement(mission française de coopération, délégation euro­péenne) pour compenser ces retards de financementau niveau central. Ces solutions de fortune, qui ontsauvé Madic, ont eu cependant des effets négatifssur son rythme d'activité. D'une part, l'horizon deplanification des opérations en était singulièrementraccourci et opacifié. D'autre part, le montantglobal des enveloppes obtenues par petits bouts, aété très inférieur à celui initialement prévu. De plus,le tâtonnement pour identifier les lignes de créditeffectivement mobilisables a occasionné une pertede temps considérable pour le responsable du pro­jet, contraint de rédiger de nombreuses conventionsde financement partielles, dont un nombre impor­tant n'a jamais abouti. Enfin, le manque de sécuritéquant au financement des activités a engendré uneincertitude sur l'avenir du projet, contraint denaviguer à vue, engendrant une démobilisationd'une équipe malgache en situation précaire.

D'un point de vue général, l'expérience de Madicconfirme le constat d'inadéquation structurelle desmécanismes de financement de l'aide publique audéveloppement, problème partagé par tous, maisparticulièrement aigu dans le cas de l'Unioneuropéenne. La complexité des procédures adminis­tratives, les délais de traitement, l'insuffisance decoordination entre les structures centrales et lesantennes locales etc., sont incompatibles avec undéroulement fluide des activités d'un projet. Si lefaible taux de décaissement des projets est souventimputé à l'inefficacité des institutions des pays duSud chargées de l'administration de l'aide publiqueau développement, l'expérience de Madio (maisaussi de nombreux autres projets à Madagascar)montre que les incohérences internes des agencesd'exécution du Nord en sont aussi très largementresponsables.

Finalement, seul I'Orstom a rempli sans difficultéses engagements financiers vis-à-vis de Madio. Lasouplesse de ses procédures a permis de pallier (eslourdeurs enregistrées par ailleurs. En fait, le griefque l'on peut adresser à l'Orstom ne porte pas surles financements, mais sur les modalités dereconduction de la convention scientifique avecl'Instat régissant le projet Madio. Après unepremière convention signée pour deux ans, pasmoins de trois avenants annuels ont dû être élaboréspour conduire au terme du projet initial, et ce,malgré diverses évaluations positives. Cette politi­que de stop and go, peu compatible avec le tempsde la recherche, et qui marque l'incapacité del'Orstom à identifier parmi ses propres programmesceux qui méritent d'être appuyés, a eu les mêmeseffets déstabilisants sur Madio que les incertitudessur les financements.

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Malgré ces lacunes structurelles, on peut tout demême accorder quelques circonstances atténuantesaux institutions bailleurs de fonds de Madio,puisque toutes les trois ont été prises dans latourmente de réformes internes profondes.

Un dernier point mérite d'être souligné ; à ladifférence d'autres projets de l'Instat (surfinancements de la Banque mondiale, par exemple),les fonds attribués à Madic sont octroyés sousforme de dons, et non de prêts qui alourdissent ladette de Madagascar.

Conclusion: le problème dutransfert à l'Instat

Les résultats obtenus par le projet Madio peuventêtre considérés comme satisfaisants. Le bilan entermes de production et de formation de l'équipemalgache est positif. Reste une question ensuspens: celle du transfert à l'Instar dans le cadrede la réhabilitation de l'appareil statistique nationalet de la pérennisation des activités de Madio ausein de l'Instat.

En premier lieu, il convient de souligner que ladouble fonction de Madio (former une équipe dejeunes malgaches à l'analyse statistique et écono­mique et participer directement à la réhabilitationd'une institution publique) relevait de la gageure.En effet, la réforme de la fonction publique enAfrique, est un véritable serpent de mer sur lequelviennent buter tous les projets qui s'y attellent,quasiment depuis l'époque des indépendances. S'ilsexistent, les succès dans ce domaine se comptentsur les doigts d'une main, malgré l'énorme effortfinancier consenti par les bailleurs de fonds. C'estd'ailleurs cet échec systématique qui a conduitcertains donateurs, au premier rang desquels laBanque mondiale, à multiplier la création decellules parallèles ad hoc, hors structuresadministratives, dont le rôle réel est de doubler (etimplicitement de remplacer), les services etministères jugés inefficaces. Plus généralement, ledéveloppement de la coopération en dehors ducadre de l'administration publique des pays aidésconstitue une tendance lourde de l'aide publique audéveloppement depuis quelques années. Cettedynamique procède du même diagnostic porte surl'incapacité de l'État à se réformer. On peut y voiraussi une des lignes conductrices des politiques dedémantèlement de l'État.

Dans ces conditions, la tâche impartie à Madiopouvait apparaître comme démesurée, car en lamatière, l'administration publique malgache, etl'Instat en particulier, ne faisait pas exception à larègle. On rappellera simplement qu'au moment de

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la mise en place de Madio, et de J'identification dupartenaire institutionnel du projet, le choix del'Instat proposé par Dial s'est fait contre l'avisunanime de ceux qui, connaissant l'institution,jugeaient négligeables les chances d'une redynami­sation interne. Et effectivement, à l'arrivée duprojet, la performance de l'Instar était catastro­phique, bien que ni plus ni moins que celle de laplupart des instituts nationaux de statistiqued'Afrique subsaharienne (personnel vieillissant etsous-qualifié, productivité désastreuse, productionnégligeable, etc.). Il était alors proposé d'intégrerdes structures plus prestigieuses (Banque centrale,Trésor, etc.) ou carrément de créer une structurenouvelle, débarrassée des pesanteurs administra­tives incontournables, et directement placée sous latutelle des instances de décision (cellule d'analysemacroéconomique directement rattachée à laPrimature, par exemple).

En second lieu, et malgré ce contexte défavorable,les quatre premières années d'activité de Madiocorrespondent à un véritable bond en avant del'Instar, pour lequel Madio a joué sans conteste unrôle moteur. Le rôle dynamisant de Madio est passépar plusieurs canaux de transmission.

Madio a d'abord participé de manière directe aurenforcement des compétences de l'Instat, à traversl'implantation d'enquêtes et de modèles macroéco­nomiques dans les services compétents de l'Instat,la participation de dizaines de cadres de l'Instat auxopérations statistiques et aux modules de formation,le financement de stages, la mobilisation desservices provinciaux laissés depuis des années endéshérence, la collaboration avec les différentesdirections de l'Instar pour l'analyse et la publicationde résultats, etc. Le projet Madic a ainsi pluscollaboré avec l'ensemble des directions de l'Instar,que celles-ci ne l'ont fait entre elles.

Cette collaboration n'a d'ailleurs pas toujours étécouronnée de succès. En particulier, la direction desStatistiques des entreprises ne s'est pas montréecapable de produire le 4-pages trimestriel sur lecommerce extérieur mis au point par Madio, et cemalgré les multiples formations et les engagementspris pour sa publication. À côté de cet écheccomplet, le transfert de l'enquête annuelle dansl'industrie n'est qu'un demi-succès, les respon­sables de cene enquête au sein de J'Instat montrantdes difficultés à en maîtriser toutes les étapes,malgré trois années successives d'internalisation.D'un point de vue général, l'expérience de Madicmontre que la stratégie d'implication de fonction­naires relativement âgés, peu formés ou déqualifiés,et peu motivés, est improductive, quels que soientles efforts engagés financièrement ou en matière deformation.

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À côté de ces actions qui relèvent des activitéscourantes du projet, Madio a systématiquementmobilisé ses compétences et ses réseaux pourdébloquer des situations par ailleurs enlisées. Parexemple, en 1996, Madio a joué un rôle centraldans la mise en place de l'enquête de conjoncture,financée par la Banque mondiale, en identifiant desexperts internationaux, alors que le montage dudossier était en passe d'être abandonné. Autreexemple, lors du transfert à l'Instat du nouvel indicedes prix à la consommation, Madio a dû intervenirplusieurs fois pour que ce projet ne soit pasabandonné, et que ses lignes méthodologiquesnovatrices, qui en font la légitimité, ne soient pasremises en question.

Par ailleurs, la crédibilité de Madio a rejailli surl' Instat, ce qui lui a permis de décrocher denouveaux contrats. Ceci vaut aussi bien pour leprojet Statmad (Programme global de réhabilitationdu système statistique national malgache) del'Union européenne, la réussite de Madic ayantincité Eurostat à tenter d'étendre l'expérience àl'ensemble de l'Instar (Langevin, 1997), que durapport national sur le développement humaindurable, où là encore la crédibilité de Madic adécidé le Pnud à confier cette étude à l'Instar àpartir de 1996, d'abord en collaboration avecMadic, puis de manière autonome. La visibilitéactuelle de l'Instar à Madagascar, après une longuepériode obscure, est très largement le fruit du créditacquis par Madic, qui a systématiquement affichéson insertion au sein de l'Instar.

Mais peut-être plus que ces transferts directs, c'estl'effet de démonstration qui a constitué le principalcatalyseur du sursaut productif enregistré parl'Instar ces dernières années. D'un point de vuegénéral, Madio a prouvé aux cadres de l'Instar quela fonction statistique n'était pas inéluctablementvouée à la déchéance; et en particulier, que le cyclede réduction des budgets pouvait être contrecarre,pour peu que la logique traditionnelle soit inversée.Plutôt que d'attendre passivement une improbablemise de fonds supplémentaires pour engager unenouvelle opération, il est apparu plus productif dese mettre au travail avec les moyens du bord (ouéventuellement de monter un projet peu coûteux)pour prouver aux financeurs potentiels l'existenced'une véritable compétence professionnellesusceptible d'être appuyée. Contrairement à J'idéecouramment admise, le problème de fond àMadagascar n'est pas un problème financier, maisun problème de compétences. L'abandon récent del'enquête agricole de base, qui disposait pourtant deplusieurs milliards de francs malgaches, en est ladémonstration la plus récente (Delorme, 1999).

Statéco n" 95-96-97,2000

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En dehors de ce changement de mentalité, l'effet dedémonstration a aussi joué dans tous les domainesde la valorisation statistique, de la publication desrésultats (nature des documents publiés) à la miseen place de séances publiques de restitution et â laparticipation aux conférences "Instat-Point Informa­tion".

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En conclusion, l'évolution des courbes deproduction et de productivité de l'Instar au coursdes dernières années montre sans ambiguïté que laprésence de Madic, loin de démotiver les agents del'Instar, comme cela a pu être parfois avancé, a euun effet extrêmement positif sur leur efficacité.

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Statéco n? 95-96-97, 2000