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direction régionale de l’Équipement d’Ile-de-France Réflexions sur l’avenir de l’Ile-de-France Rapport du groupe de travail sur Le polycentrisme en Ile-de-France élaboré sous la responsabilité de Daniel Sené Ingénieur général des ponts et chaussées Président du groupe de travail décembre 2003

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direction régionale de l’Équipement d’Ile-de-France

Réflexions sur l’avenir de l’Ile-de-France Rapport du groupe de travail sur

Le polycentrisme en Ile-de-France élaboré sous la responsabilité de Daniel Sené Ingénieur général des ponts et chaussées Président du groupe de travail décembre 2003

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Réflexions sur l’avenir de l’Ile-de-France Rapport du groupe de travail sur

Le polycentrisme en Ile-de-France élaboré sous la responsabilité de Daniel Sené Ingénieur général des ponts et chaussées Président du groupe de travail décembre 2003

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Le polycentrisme en Île-de-France

Avertissement aux lecteurs

La planification d’ensemble du développement et de l’aménagement de la région Île-de-France a été initiée avec le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne de 1965 ; ce schéma s’inscrivait dans la vaste réforme des institutions de la région capitale menée par Paul Delouvrier. Le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de l’Île-de-France en 1976 et le schéma directeur de l’Île-de-France approuvé en 1994 ont assuré la continuité et l’adaptation de cet outil de mise en cohérence dans le temps et dans l'espace des politiques publiques qui contribuent au développement solidaire et à l’attractivité de l’espace régional.

La compétence d’élaboration du schéma directeur régional a été transférée au Conseil régional

d’Île-de-France par la loi d’orientation et d’aménagement du territoire du 4 février 1995. Le code de l’urbanisme prévoit l’association de l’État et l’approbation par décret en Conseil d’Etat du schéma.

Sans préjuger de l'opportunité, de la date et des modalités d'éventuelles décisions de mise en

révision du schéma directeur qui relèvent donc aujourd’hui du Conseil régional d’Île-de-France, la Direction régionale de l’équipement a engagé à la demande du préfet de région une démarche prospective sur des thèmes clés pour l’avenir de l’Île-de-France. Les dix thèmes ci-dessous ont été examinés par des groupes de travail réunissant des spécialistes invités intuitu personae, sous la présidence de personnalités pour l’essentiel extérieures à l’administration de l’État en Île-de-France.

Il a semblé utile d’assurer une diffusion appropriée de ces analyses et propositions techniques. Ces travaux réunissent chacun les réflexions d’un groupe d’experts et ne constituent, bien sûr, pas une prise de position de l’État. Ils sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs, à savoir les présidents des groupes de travail.

• Les nouvelles formes de planification de l’Île-de-France – président : Gérard MARCOU, professeur de droit public à l’université de Paris I

• La place de la région dans le monde et en Europe – président : Régis BAUDOIN, directeur général de l’Agence régionale de développement

• La politique d'aménagement multipolaire du territoire régional – président : Daniel SENE, ingénieur général des ponts et chaussées

• Les espaces périurbains et ruraux du schéma directeur – président : Alain DASSONVILLE, ingénieur général du Génie rural, des eaux et des forêts

• Le développement économique à long terme de la région – président : Jean-Pierre MONNOT, directeur régional de la Banque de France

• L’évolution des modes de vie et qualité de vie – présidente : Marion SEGAUD, professeur de sociologie à l’Université du Littoral

• Les solidarités urbaines – président : Éric SCHMIEDER, inspecteur général des affaires sanitaires et sociales

• La mobilité – président : François-Régis ORIZET, directeur délégué de la Direction Régionale de l’Équipement d’Île-de-France

• La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises – président : Victor CONVERT, préfet, président du Conseil d’administration de l’Institut National des Études de Sécurité Civile

• La zone dense – président : Christian BOUVIER, directeur général de l’Établissement Public pour l’Aménagement de la Défense

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Ce rapport a été élaboré par un groupe de travail présidé par Daniel SENE, Président, Conseil Général des Ponts et Chaussées. dont les membres étaient : Pascale ROHAUT, rapporteur, Direction Régionale de l’Équipement d’Île-de-France Ludovic ARMAND, cartographie, Direction Régionale de l’Équipement d’Île-de-France et, François BERTRAND, Direction Départementale de l’Équipement du Val d’Oise Jean Marie BOURGAU Conseil Général du Génie Rural des Eaux et Forêts Odile BOVAR, Institut National de la Statistique et des Études Économiques Philippe DECAILLOT, Direction Départementale de l’Équipement des Yvelines Jean DESSERTINE, Direction Départementale de l’Équipement de Seine-et-Marne Agnès GRAND, Direction Régionale de l’Équipement d’Île-de-France Ludovic HALBERT, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France Philippe LAGANIER, Direction Régionale de l’Équipement d’Île-de-France Bruno LEBENTAL, Direction Régionale de l’Équipement Champagne Ardenne Thomas LEJEANNIC, Préfecture de la Région Île-de-France Philippe MATHERON, Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris Jean Claude NOÊL, Direction Régionale de l’Équipement d’Île-de-France Jean-Pierre PALISSE, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France Évelyne PERRIN, Plan Urbanisme Construction Architecture Bernard ROBERT, Mission Interministérielle et interrégionale d’aménagement du territoire pour le Bassin parisien Philippe THIARD, Université Paris 12 Dominique DAVID, Direction Régionale de l’Environnement La publication du rapport a été assurée à la Direction régionale de l’équipement d’Île-de-France par Yannis Imbert.

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Sommaire

1. Le polycentrisme au cœur de l’aménagement régional depuis 1965.......................................11

1.1 Le schéma directeur de 1965 : un aménagement maîtrisé grâce à un polycentrisme centralisé ............................................................................................................................................11

1.1.1 Des centres urbains nouveaux diversifiés .........................................................................11 1.1.2 Des axes préférentiels d’urbanisation et de transport .......................................................13 1.1.3 L’unité indispensable de la région urbaine est assurée par un puissant système de transport..........................................................................................................................................13

1.2 Le schéma directeur de 1994 complète le parti polycentrique...............................................13

2. Évolution vers une organisation plus polycentrique, et maintien de la structuration sociale ancienne ................................................................................................................................................15

2.1 Vers une structure polycentrique ? ........................................................................................15 2.2 Entre 1975 et 1999 de nombreux pôles d’emploi secondaires apparaissent .........................19 2.3 L’emploi s’est aussi développé en dehors des pôles d’emploi...............................................22 2.4 Des équipements très structurants ........................................................................................25

2.4.1 L’offre de formation post bac est encore très parisienne...................................................25 2.4.2 Paris reste de loin la capitale culturelle, mais les équipements courants se répartissent dans la région .................................................................................................................................27

2.5 Des disparités spatiales persistantes, porteuses d’inégalités ................................................32

3. Un fonctionnement à plusieurs échelles ....................................................................................41

3.1 Les déplacements domicile-travail : des sous-bassins d’emploi masqués par le poids de Paris ..............................................................................................................................................41

3.1.1 Le fonctionnement du marché du travail se fait à plusieurs échelles.................................41 3.1.2 Des flux croisés susceptibles de réduire les besoins en infrastructure..............................45 3.1.3 Croissance des flux « descendants » de Paris mais aussi des flux entre les pôles : un modèle hiérarchique en évolution ...................................................................................................46 3.1.4 Les distances domicile-travail médianes se sont raccourcies dans la couronne, allongées plus loin ..........................................................................................................................................47 3.1.5 Le renforcement des pôles secondaires se traduit par un usage accru de la voiture ........49

3.2 Les déplacements professionnels sont mal connus ; ils semblent se développer à toutes les échelles ..............................................................................................................................................51 3.3 Pendant l’année universitaire, les étudiants résident près de leur lieu d’étude......................52 3.4 Les pratiques quotidiennes dessinent des sous-bassins de vie qui se superposent assez bien avec les sous-bassins d’emploi...................................................................................................54

4. Poursuivre l’évolution vers le polycentrisme? ..........................................................................59

4.1 Le polycentrisme, une forme nouvelle ? ................................................................................59 4.2 La structuration actuelle de l’Île-de-France ne semble pas optimale .....................................60 4.3 Privilégier un bon fonctionnement local, pour améliorer l’efficacité du système métropolitain.62

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Introduction L’agglomération parisienne s’est développée historiquement à partir du noyau central de la ville de Paris, par extension progressive. En 1860, Paris annexe ses communes limitrophes après avoir engagé, sous Haussman, une forte politique de structuration et de densification. Après la première guerre mondiale et, prenant appui sur l’industrie d’armement développée en région parisienne par nécessité de main-d’œuvre, l’agglomération s’industrialise à partir des secteurs porteurs de l’automobile, de l’aviation, de l’électricité. Les quartiers populaires sont surpeuplés ; après un développement résidentiel le long des axes historiques vers Versailles et Saint-Germain-en-Laye, la banlieue connaît un développement pavillonnaire, et s’étale à partir des gares ; « le transport public est d’autant plus efficace que les activités et les groupes sociaux correspondants sont associés dans les mêmes secteurs géographiques »1 Le PADOG ( Plan d’aménagement et d’organisation générale) de 1960, empreint de gravièrisme, s’efforce de contenir l’extension périphérique, mise sur la densification et la structuration des urbanisations existantes et notamment des banlieues pavillonnaires et sur le report de la croissance sur l’armature des villes périphériques de l’Ile-de-France et du Bassin parisien c’est à dire un polycentrisme discontinu. Le schéma directeur de 1965 rompt avec cette conception malthusienne, et prend délibérément en compte le développement jugé inéluctable de la région parisienne. Il pose le principe d’une organisation polycentrique en poursuivant la structuration de la zone agglomérée avec les villes préfectures, et en créant des centres urbains nouveaux, les villes nouvelles, dans des zones d’extension ; l’ensemble de la Région Urbaine formant une unité structurée et maillée par un puissant réseau de transport. Le schéma de 1994 qui s’inscrit dans la continuité du schéma de 1965 hiérarchise les pôles, souhaite une répartition équilibrée de l’habitat et de l’emploi, et une amélioration de la qualité de vie grâce au desserrement des équipements structurants, université, culture, commerce, et à la proximité de la nature. L’Île-de-France connaît donc depuis quarante ans une exceptionnelle continuité dans les principes de sa politique d’aménagement. Au moment où s’amorce la réflexion pour une révision du schéma d’aménagement régional, il a paru nécessaire d’analyser les effets réels de cette politique d’aménagement multipolaire et, naturellement, de s’interroger sur sa poursuite. Dans un premier temps, on rappelle les fondements du polycentrisme souhaité par le schéma directeur de 1965 et repris par les schémas directeurs suivants. On essaie ensuite de mesurer la réalité du polycentrisme aujourd’hui, à partir d’une analyse de la localisation des emplois, et de leur polarisation, complétée par celle de l’offre de formation supérieure, et par des éléments concernant l’offre culturelle notamment au travers de l’évolution de l’offre cinématographique. On aborde également la géographie sociale pour préciser la structuration régionale. Dans un troisième temps, on analyse le fonctionnement de la région à partir des déplacements domicile-travail, des déplacements professionnels, et des déplacements quotidiens des

1 Damette F. Scheibling J. 1999, « La France, permanences et mutations » Hachette.

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étudiants ; une approche plus globale est également proposée avec les bassins de vie qui permet de discerner, entre le niveau du quartier et de la commune et le niveau métropolitain, l’importance du niveau intermédiaire de fonctionnement préconisé par le schéma de 1965 et caractéristique de l’aménagement polycentrique. Enfin, des pistes de réflexion pour l’organisation future de l’espace francilien sont proposées.

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1. Le polycentrisme au cœur de l’aménagement régional depuis 1965

Les principes fondateurs du polycentrisme en Île-de-France ont été posés par le schéma directeur de 1965. Ces principes restent à la base du schéma directeur de 1994 même s’ils ont été affinés.

1.1 Le schéma directeur de 1965 : un aménagement maîtrisé grâce à un polycentrisme centralisé

Face au déséquilibre de développement entre la région parisienne et le reste du pays, le PADOG de 1960 avait préconisé une densification dans les limites de la zone agglomérée et un report de la croissance sur les villes périphériques de la région parisienne (les 4 M, Etampes, Rambouillet, Creil) et du Bassin parisien (Rouen, Orléans, Reims, Amiens, Le Mans), c’est-à-dire un développement polycentrique discontinu. Le schéma directeur de 1965 rejette cette conception malthusienne jugée irréaliste, et abandonne l’accent polycentrique large. Il prend en compte un développement démographique et économique considéré comme inéluctable et propose un parti d’aménagement cohérent avec cette perspective. On prévoit alors que les villes françaises se développeront au rythme de 2 % par an (75 millions d’habitants en France en 2000) soit 1,5 % par an pour la région parisienne, qui doit passer de 8,4 millions d’habitants en 1962 à 11,6 millions en 1985 et de 13 à 15 millions en 2000. Le schéma directeur prévoit également que la croissance économique et la hausse du niveau de vie entraîneront une forte augmentation de la demande de déplacements par personne, du nombre de voitures par adulte, de la surface par habitant, par emploi, et pour les équipements. Pour faire face aux perspectives de développement énoncées, le schéma directeur propose donc un schéma polycentrique interne à l’Île-de-France, organisé selon trois grands principes d’aménagement indissociables : créer des centres urbains nouveaux, choisir des zones d’extension, organiser l’unité de l’ensemble de la région.

1.1.1 Des centres urbains nouveaux diversifiés

Les centres urbains nouveaux sont situés en banlieue, ou en zone d’extension. Mais « Comment peut-on parler de centres urbains – au pluriel – pour une seule agglomération ? »

Le centre urbain est la partie de la ville où se trouve la plus grande part des emplois, au moins de bureaux, des commerces, des administrations, des établissements d’enseignement, des lieux qui offrent culture et distraction ; et si une ville se compte par le nombre de ses habitants, elle vaut par la qualité et la diversité des services qu’elle rend à ses propres habitants et à ceux des environs.

« … Dès qu’une agglomération possède une certaine importance, le centre se subdivise : chaque quartier s’affirme par la présence d’un centre où se trouve ce qui est nécessaire à la vie quotidienne ; cependant, au cœur de la ville elle-même, se rencontrent des équipements publics et privés d’autant plus raffinés que la ville est importante » (p 63 SDAURP). Or l’agglomération parisienne concentre à Paris et plus particulièrement dans dix arrondissements les grands magasins, boutiques spécialisées, institutions financières, sièges

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sociaux, administrations françaises et internationales, établissements d’enseignement supérieur, et lieux de distraction. «Entre les deux niveaux, celui de 30 000 habitants et celui de 8 millions d’habitants, il n’existe pas dans l’agglomération parisienne ou à proximité, de centres urbains caractérisés comparables à ceux de Toulouse ou Strasbourg ». La solution retenue par le schéma directeur est donc de constituer « des centres urbains nouveaux qui ont vocation à desservir de 300 000 à 1 Million de personnes. » Les équipements à y regrouper seraient - en matière d’éducation, des facultés et des établissements d’enseignement supérieur. - en matière culturelle : la maison de la culture, le théâtre, la salle de concert, le cinéma d’exclusivité. - en matière sportive : la piscine olympique, le stade. - en matière commerciale : le grand magasin, l’hôtel important, le restaurant de classe. - en matière administrative : la préfecture ou la sous-préfecture regroupant les services administratifs. - des équipements uniques ou presque uniques pour toute l’agglomération : un musée des techniques, un parc de la culture, un musée de l’art urbain et des villes… ». Les centres urbains nouveaux ont vocation à accueillir des emplois afin de décongestionner le cœur de l’agglomération et d’éviter l’allongement constant des temps de trajet domicile travail, même s’il est admis que tous les emplois ne seront pas occupés par leurs habitants.

On réaffirme donc la nécessité de renforcer et diversifier les centres de banlieue, notamment en mettant l’accent sur les nouvelles préfectures. Cette intervention en tissu ancien est considérée comme délicate. « Il y faudra la patience et la continuité de vue des longues entreprises, sans prétendre pour autant arriver, dans ce tissu urbain ancien, au degré de concentration et de densité d’équipements qu’exigerait un centre urbain idéal ». Après débat, on décide de créer des villes nouvelles sur deux axes préférentiels est-ouest, au nord et au sud de Paris (le débat portait sur 3 scénariis : villes nouvelles en couronne de points isolés, incrustées dans l’agglomération, ou sur des axes préférentiels) qui devront desservir entre 300 000 et un million de personnes ; cet objectif est justifié de plusieurs manières :

- les centres de villes nouvelles n’ont pas vocation à desservir uniquement les villes nouvelles qui peuvent être plus petites mais également les urbanisations existantes dans leur périmètre de rayonnement.

- cette taille n’est pas justifiée par le désir de faire grand mais elle s’impose « comme le seul moyen d’un changement de nature de ce qui est aujourd’hui la banlieue ».

Les villes nouvelles ne seront pas de véritables villes autonomes « car elles n’ont pas besoin, comme les villes isolées, d’assurer toutes les fonctions urbaines (un aéroport, une université complète, des hôpitaux spécialisés) ni même d’assurer un emploi à tous leurs habitants qui peuvent choisir de travailler dans d’autres parties de l’agglomération ». Par contre elles pourront jouer un rôle au niveau de l’agglomération, en accueillant des équipements exceptionnels (grands musées d’art et de techniques…), et en développant des spécificités au sein de l’agglomération et une personnalité propre.

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« Le cœur de Paris restera le centre de toute l’agglomération, de toute la région urbaine et certaines des fonctions que ce cœur exerce resteront uniques : il n’y aura toujours qu’une seule Comédie Française ». Enfin, l’accès à la nature est considéré comme déterminant, les villes nouvelles doivent offrir un cadre de vie urbain, aux portes d’espaces naturels préservés, et faire place à la nature en ville.

1.1.2 Des axes préférentiels d’urbanisation et de transport

Après avoir rejeté l’implantation de ces centres nouveaux en continuité de la zone agglomérée ou en couronne de points isolés, l’orientation retenue est une implantation le long de plusieurs axes partant des limites de l’agglomération. Plusieurs axes se justifient par le caractère radial du desserrement qu’il s’agit de canaliser. Le parti retenu conduit à des axes d’urbanisation : - peu nombreux et préférentiels dans la mesure où l’essentiel de l’urbanisation doit s’y localiser. - tangentiels à l’agglomération sur une fraction de leur longueur ; le système de transport devant être le principal support de ces axes.

1.1.3 L’unité indispensable de la région urbaine est assurée par un puissant système de transport

Puisque les centres nouveaux ne sont pas autonomes, il est essentiel de les relier. Le réseau de transport doit garantir un marché du travail unique offrant plus d’opportunités de progresser aux salariés et plus de liberté aux employeurs ; on y voit une garantie d’efficience économique et donc un atout national. On considère les grandes agglomérations comme plus efficaces, à condition que leur unité soit préservée grâce à un réseau de transport adapté, qui assurera aussi un choix plus étendu pour l’enseignement, la culture, et les loisirs. Le SDAU de 1965 procède à un véritable encouragement à la mobilité pour « sortir d’un cadre de vie étriqué ». Grâce au développement de l’automobile et de transports en commun rapides on va pouvoir étendre la ville « à la taille de la région urbaine ».

1.2 Le schéma directeur de 1994 complète le parti polycentrique

Le schéma directeur de 1994 s’inscrit dans le prolongement du schéma de 1965 et de celui de 1976 ; il prend en compte de façon plus explicite les espaces environnementaux et hiérarchise les pôles structurants. La politique d’aménagement du territoire prend de nouvelles dimensions. La concurrence économique n’est plus uniquement nationale mais s’inscrit résolument dans le cadre européen et mondial, et dans ce cadre, le poids et la puissance économique de l’ensemble du Bassin parisien est un atout. Conformément à la Charte du Bassin parisien signée en 1994 par l’Etat et les huit présidents de Région, un réseau maillé de villes, complémentaire et autonome vis-à-vis de la capitale – Reims-Chalon-Troyes, Rouen-Le Havre-Caen, Orléans- Blois-Tours - doit pouvoir attirer davantage les entreprises et retenir les jeunes, « en développant des universités et des centres de recherche fonctionnant en synergie avec les universités franciliennes, en favorisant l’action culturelle et le tourisme, et améliorant les liaisons entre les pôles ».

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Le projet d’aménagement de l’Île de France repose sur trois concepts fondateurs : - des espaces environnementaux variés répartis en quatre grandes couronnes : les grands massifs forestiers et les plaines agricoles périphériques, une ceinture verte en limite des zones agglomérées, une trame verte au sein de la zone agglomérée, et une trame verte au cœur de la capitale. Le schéma directeur de 1976 avait déjà, sur ce point essentiel, complété le schéma de 1965, avec les « zones naturelles d’équilibre ». Le polycentrisme, la discontinuité dans l’urbanisation ne peuvent subsister que si une politique très volontariste de protection des espaces environnementaux est mise en œuvre. - une organisation polycentrique de la région hiérarchisée : l’organisation s’est diversifiée puisqu’on distingue les centres d’envergure européenne, les secteurs de redéveloppement, les villes nouvelles, et les villes de la couronne, elles mêmes réparties en pôles régionaux, villes trait d’union, et villes cœur. Des équipements forts doivent structurer les pôles régionaux : il s’agit des universités et des IUT, de la recherche, des équipements commerciaux, des équipements culturels touristiques majeurs, des équipements de sport et de loisirs, sanitaires et sociaux et de justice. - un réseau de transport et d’échanges irrigue ces espaces environnementaux et bâtis et les rend accessibles à tous. On prévoit trois grandes catégories d’infrastructures de transport en commun : - les réseaux ferrés à grand gabarit radiaux mais également tangentiels, au Nord entre Cergy et Roissy, à l’Est entre Roissy et Sénart, au sud entre Saint-Quentin et Évry. - un réseau métropolitain structurant pour la proche couronne : rocades en sites propres, maillées sur les radiales éventuellement prolongées, qui ne sont plus destinées à relier des pôles mais à desservir un grand territoire - un réseau complémentaire de bus ou en tramway en sites propres. - cette même hiérarchie est proposée pour le réseau autoroutier et routier avec une affirmation de la priorité des transports collectifs en zone dense, et des transports individuels dans les zones périphériques de moyenne et de faible densité. Si le PADOG préconisait l’équipement de la banlieue et le développement des agglomérations existantes dans le cadre d’une politique de rééquilibrage avec la province2, le SDAU-RP organise la croissance parisienne dans une région multipolaire unifiée par un puissant système de transport au bénéfice de l’ensemble du territoire national. Le schéma de 1994 s’inscrit dans la continuité du schéma de Delouvrier. La volonté de structurer la région autour de centres urbains suffisamment puissants et diversifiés pour offrir une alternative attractive aux services offerts par le centre de l’agglomération est réaffirmée. Les réseaux de transport sont considérés comme essentiels pour structurer les urbanisations, assurer l’unité de la région urbaine ; leur structure majoritairement radiale rend le polycentrisme très dépendant du noyau central, tant que les infrastructures de rocades et tangentielles ne sont pas plus développées. La mobilité est encouragée, l’accroissement de l’accessibilité valorisé. La protection des espaces environnementaux est renforcée et considérée comme indispensable à l’organisation polycentrique, dans la suite de l’évolution principale apparue au schéma directeur de 1975.

2 » « Le désert français » commence presque aux portes de Paris ». PADOG, Rapport général, page 14.

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2. Évolution vers une organisation plus polycentrique, et maintien de la structuration sociale ancienne

2.1 Vers une structure polycentrique ?

Après avoir tenté de décrire les intentions des politiques d’aménagement ayant fait le choix d’une structure polycentrique en Île-de-France, on cherche ici à mesurer la réalité aujourd’hui de la structuration de l’espace. Cette mesure nécessite de se référer à une définition du polycentrisme ; on dira ici simplement que le polycentrisme se caractérise par l’existence de plusieurs centres qui font système ; mais comme le souligne P. Thiard, cette définition s’applique à des espaces de différentes échelles dont deux échelles particulières : « A l’échelle des réseaux urbains, le fait polycentrique renvoie généralement à des grappes de villes assez peu éloignées les unes des autres et dont aucune ne polarise ou n’accapare l’ensemble des fonctions supérieures : les exemples connus sont ceux de l’espace rhénan ou de la Randstad Holland.

A l’échelle métropolitaine, le polycentrisme désigne l’existence de plusieurs noyaux urbains qui exercent chacun une attraction forte sur l’ensemble ou sur une partie de la ville ».

L’échelle des réseaux urbains correspond à celle du Bassin parisien, l’échelle métropolitaine est plus proche de l’aire urbaine. On s’intéressera ici essentiellement à l’échelle métropolitaine, et à son articulation d’une part avec l’échelle Bassin parisien et d’autre part avec les échelles plus locales. En effet, le repérage de deux échelles particulières n’épuise pas le sujet car le terme centre reste à définir, or on sait bien que coexistent plusieurs types et niveaux de centralité. Un centre peut être défini d’une part par son contenu (concentration de population, de production d’équipements, lieu de pouvoir…), d’autre part par son attractivité laquelle s’exerce à plusieurs niveaux (locale, régionale..) et génère des flux matériels et immatériels. Les indicateurs permettant de repérer des pôles portent donc notamment sur des notions de densité, de déplacements, d’organisation politique, productive et sociale. Reste à savoir si et comment les pôles font système, et donc à décrire leurs relations et les logiques régionales qui consolident ou recomposent les particularités locales. On a privilégié ici trois approches visant à décrire la structuration de la région et son fonctionnement : - l’organisation spatiale du système productif qui reste déterminante des évolutions globales, complétée par une description rapide de la répartition spatiale des grands équipements culturels et de formation - l’analyse de la géographie sociale ; elle précise l’enjeu de solidarité entre les différents centres. Elle dépend de l’offre résidentielle

- le fonctionnement de la région au travers des déplacements qui sont l’autre enjeu majeur de la forme urbaine, avec un éclairage sur les bassins de vie et leur articulation avec les bassins d’emploi.

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Ces trois aspects sont évidemment liés : d’une part offre d’emploi, offre résidentielle et offre de transport interagissent et s’articulent avec les comportements et les caractéristiques des ménages ; d’autre part le seul desserrement de population s’apparente à de la périurbanisation, tandis que le desserrement d’emploi et de population peut se traduire par une forme polycentrique s’il est organisé. Les cartes de localisation de l’emploi et de la population en 1999 ne dessinent pas une région polycentrique ; Paris reste, de loin, le premier pôle d’emploi francilien. Les cinq villes nouvelles qui représentent ensemble 7% de l’emploi et 6.7% de la population, et le pôle de Roissy semblent presque intégrées à la zone agglomérée.

1975

Saint Quentin-en-Yvelines

2002

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POPULATION EN 1999

EMPLOI EN 1999

Sources : Population : RGP INSEE exp. princ.Emploi : RGP INSEE exp. comp.Fonds de plan : IGN (c) BD CartoCarto. : SI/L. Armand

L’évolution vers une forme plus polycentrique est cependant clairement visible sur les cartes d’évolutions quantitatives de population et surtout d’emploi : Les Villes nouvelles, Roissy, La Défense, l’axe Saint-Quentin-en-Yvelines Evry ont polarisé la croissance économique et

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démographique, tandis que le poids de Paris et de nombreuses communes proches du périphérique diminue. Certaines villes de la périphérie s’affirment, internes à l’Île-de-France (Rambouillet, Etampes, Meaux) ou externes (Compiègne, Beauvais, Évreux, Dreux, Chartres).

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EVOLUTION DE L'EMPLOI ENTRE 1975 ET 1999

EVOLUTION DE LA POPULATION ENTRE 1975 ET 1999

Sources : Population : INSEE RGP exh et exploitation princ.Emploi : INSEE RGP quart et exploitation comp.Fonds ds plan : IGN (c) BD CartoCarto. : SI/ L. Armand

L’analyse du système productif sur la période 82-90 montrait que ces évolutions quantitatives s’opéraient avec un double mouvement de spécialisation et de diffusion sectorielle (DREIF

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1996, Beckouche P. Damette F. Vire E. 1997) : spécialisation de la zone hypercentrale dans les services les plus rares aux ménages et aux entreprises, cette sélectivité accrue dessinant une région hiérarchisée avec un glissement du cœur du système productif vers l’ouest, mais diffusion large des autres services aux ménages (dont le poids dans l’ensemble de l’emploi augmente régulièrement) et de nombreuses fonctions productives. Dans les années 90, la réorganisation spatiale s’accélère, alors que l’emploi stagne et que la croissance démographique s’en trouve ralentie ; Paris perd plus de 200 000 emplois entre 1990 et 1999, le desserrement de l’emploi vers la grande couronne n’est freiné que par le dynamisme des Hauts-de-Seine, seul département de la zone centrale à connaître une évolution favorable. Les bourgs et villages connaissent un développement résidentiel rapide, mais on constate que le taux d’emploi se redresse en grande couronne. Désormais l’emploi se desserre plus vite que la population. Mais ce desserrement est-il polarisé, tous les emplois sont-ils concernés ou s’agit-il seulement des services aux ménages ? Les dynamiques observées dans la période récente sont-elles dans la continuité des tendances antérieures ?

Evolution de la population et de l'emploi à Paris, en proche couronne et en grande couronne

1 000 000

1 100 000

1 200 000

1 300 000

1 400 000

1 500 000

1 600 000

1 700 000

1 800 000

1 900 000

2 000 000

1 975 1 982 1 990 1 999

EMP

LOI

1 000 000

1 500 000

2 000 000

2 500 000

3 000 000

3 500 000

4 000 000

4 500 000

5 000 000

PO

PU

LATI

ON

EMPLOI PARIS

EMPLOI PROCHECOURONNE

EMPLOI GRANDECOURONNE

POPULATION PARIS

POPULATION PROCHECOURONNE

POPULATION GRANDECOURONNE

2.2 Entre 1975 et 1999 de nombreux pôles d’emploi secondaires apparaissent

L’analyse régionale des pôles d’emploi s’appuie essentiellement sur une étude en cours de F. Gilli pour la DREIF, basée sur les recensements3. Dans la mesure où on s’intéresse ici à l’échelle métropolitaine et à son articulation avec l’échelle Bassin parisien le périmètre d’étude retenu est plus large que celui de l’aire urbaine,

3 Gilli F. « le desserrement de l’emploi dans la Région Urbaine de Paris 1975- 1990 » Dreif-Insee, à paraître.

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et comprend donc la couronne des villes qui l’entoure : Chartres, Dreux, Evreux, Beauvais, Compiègne, Château-Thierry, Sens. Pour répondre à la question de la polarisation du desserrement global observé, il faut délimiter des pôles et comparer leur évolution à celle de l’espace hors pôles. La méthode proposée par F. Gilli est essentiellement basée sur la densité d’emploi ; il s’agit d’une densité communale lissée, c’est à dire qui tient compte des emplois des communes limitrophes. L’exercice qui a été mené en 1975 et en 1999 fait apparaître dans la zone centrale un très grand pôle parisien (carte page 20), qui a ensuite été redécoupé en recommençant l’exercice sans Paris (cartes page 21).

Après le grand pôle parisien, c’est Créteil qui arrive en deuxième position en 1975 comme en 1999, selon le critère retenu de densité. Mais aux niveaux suivant des changements importants apparaissent avec l’affirmation de pôles secondaires : on remarque d’abord la progression bien connue de pôles liés à de grandes opérations, les Villes nouvelles, Roissy, Orsay, en particulier mais aussi celle de pôles extérieurs à l’Île-de-France, comme Chartres, Beauvais, Evreux . La progression de la première couronne de ces pôles apparaît plutôt comme une extension du pôle parisien tandis que Chartres Evreux et Beauvais forment avec Dreux et Compiègne une couronne bien distincte, assez régulière au nord et à l’ouest mais interrompue ailleurs. Entre les villes nouvelles et cette troisième couronne, les pôles de niveau intermédiaire (Creil, Mantes, Rambouillet, Etampes, Fontainebleau, Meaux) ne se sont pas réellement affirmés, et sont plus faibles à l’est.

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2.3 L’emploi s’est aussi développé en dehors des pôles d’emploi

Le poids des emplois situés hors des pôles, tels que définis en 1999, est passé de 17% à 21% en vingt-cinq ans ; cette hausse est importante car les contours de 1999 sont eux-mêmes beaucoup plus larges que ceux de 1975 (80 communes de grande couronne ont intégré un pôle). Les communes non polarisées en 1999 ont accueilli plus de 320 000 emplois dans la période à comparer à 390 000 pour les pôles périphériques. Ce résultat ne fait que confirmer ceux de Beckouche et Alii qui avaient même trouvé une croissance relativement plus forte du poids de l’espace hors pôles sur la période 1982-1990, avec une définition des pôles basée à la fois sur des concentrations d’emploi et la présence de services ; il est d’autant plus inquiétant que le phénomène semble s’accélérer pendant la dernière décennie. Cependant les catégories d’emploi présentes dans les pôles ou en dehors ne sont pas les mêmes, l’espace hors pôle accueillant plutôt des ouvriers et des chefs d’entreprise ou artisan et moins de cadres ; mais les évolutions présentent les mêmes tendances dans les pôles de la périphérie et dans l’espace hors pôle ; si Paris perd surtout des ouvriers des employés et des artisans, la périphérie polarisée ou non limite la baisse des ouvriers, et occupe davantage d’employés, de professions intermédiaires, et de cadres.

La baisse de l’emploi à Paris n’est pas compensée par le succès de La Défense Par ailleurs le fait marquant est la diminution du poids de Paris intra-muros, qui n’est pas compensée par le développement de la proche banlieue malgré le succès de La Défense, et qui s’est accélérée dans la dernière décennie. Paris perd des ouvriers des employés et des artisans, et retient mieux les cadres ; leur croissance est modérée, relativement au reste de la région mais représente tout de même des effectifs très importants compte tenu du poids de la capitale. On a donc bien à la fois extension de Paris vers l’ouest, desserrement en grande couronne et au-delà vers des pôles nouveaux ou préexistants dont certains s’affirment nettement, et étalement en dehors des pôles, sans que la prééminence de Paris ne soit remise en cause. L’évolution du système productif vers une forme plus polycentrique ne se traduit pas par l’apparition de pôles plus spécialisés Si on s’intéresse au contenu en emploi des pôles et non plus seulement à leur densité on ne peut se limiter à une analyse en secteurs d’activité ; on a déjà montré qu’en Ile de France au début des années 90 la spécialisation sociale l’emportait sur la spécialisation sectorielle4. L’analyse fonctionnelle5 de l’emploi des pôles en 1999 confirme à nouveau ce résultat : la principale opposition qui permet de classer les différents pôles porte sur la présence des cadres, et spatialement cette opposition distingue nettement Paris et le sud-ouest francilien du reste de la région. L’hypercentre est constitué des trois pôles qui présentent une concentration exceptionnelle de cadres, que sont Paris, Courbevoie et Boulogne et qui représentent 52% des emplois en 1999 soit un tassement par rapport à 1990 (56%). Les pôles économiquement les plus proches de cet hypercentre qui sont situés dans le reste des Hauts-de-Seine, les Yvelines, et le nord de l’Essonne, mais comprennent aussi Cergy-Pontoise, Marne la Vallée et Evry sont en croissance. Dans ces deux classes, la sureprésentation des cadres s’est renforcée dans les années 90. Cependant à Paris cette spécialisation accrue s’est plutôt faite par défaut, le poids

4 Dreif 1996, Beckouche Damette Vire 1997 5 Le secteur d’activité (NES 36) croisé avec la PCS

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des cadres s’est trouvé renforcé du fait de la disparition des ouvriers et artisans plus qu’en raison d’un véritable dynamisme. Si la position professionnelle explique les grandes oppositions régionales, se sont ensuite les secteurs d’activité qui distinguent les pôles au sein des grands ensembles identifiés ; Paris se distingue alors fortement de Courbevoie et Boulogne en accueillant des activités spécifiques : audiovisuel, imprimerie édition, industrie du cuir, de l’habillement, activités récréatives et culturelles, conseil. Les banlieues nord et est, sont plus proches des types d’emplois observés à la périphérie interne ou externe de la région, que des pôles centraux. Les pôles de la classe banlieue (techniciens) qui sont majoritairement localisés à l’est de Paris sont caractérisés par une forte présence des employés et professions intermédiaires ; ils ont connu une croissance significative de l’emploi cadre mais moins forte qu’ailleurs : leur taux d’encadrement qui était déjà inférieur à la moyenne en 1975 (-4 points), s’en est un peu plus écarté en 1999 (-7 points).

On retrouve la même évolution dans les villes périphériques bien qu’elles aient doublé leur taux d’encadrement ; l’écart au taux d’encadrement régional des pôles est de 10 points en 1999. Ces villes restent caractérisées par l’emploi ouvrier mais c’est moins net qu’en 1975, car la part des employés et professions intermédiaires est désormais dans la moyenne.

Enfin les centres anciens classés ici centres administratifs connaissent désormais un net déficit de cadres (-6 points) et une sureprésentation des employés.

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Cependant cette évolution sociale correspond à un double mouvement de déconcentration des activités dynamiques et de reconcentrations des secteurs en déclin sur des espaces restreints. Elle se traduit par une opposition plus nette entre les territoires, surtout en petite couronne, mais plutôt du fait des difficultés accrues des espaces en repli, car on assiste à un mouvement général de diversification des pôles. Les pôles spécialisés sont rares (transport, automobile), et ont eu, eux mêmes, tendance à se diversifier.

Des avantages de localisation à mieux utiliser Le retard relatif enregistré par les pôles les moins dynamiques dans les années 90 provient donc essentiellement de la structure de leur activité en début de période ; c’est vérifié pour tous les pôles techniciens de banlieue, et pour tous les pôles périphériques, avec pour certains une véritable spé- en-Valois. Mais la plupart ont finalement développé l’emploi beaucoup plus qu’attendu : cet effet local positif concerne les pôles dits périphériques, en particulier Crepy en Valois (39%), Rambouillet (18%), Etampes (15%), Coulommiers (15%), Pithiviers (14%), Beauvais (9%), Nemours (8%), Château Thierry (8%)…seules Melun et Mantes-la-Jolie ne bénéficient pas de ce dynamisme local dans cette classe, comme Montreuil, Créteil et Viry-Chatillon en banlieue. ; Les Mureaux, Argenteuil, Saint-Denis et Ivry compensent au moins partiellement leur handicap de départ. Le caractère systématique et important de cet effet local suggère un début de réussite de politiques de rééquilibrage et/ou un avantage de localisation à mieux utiliser ; c’est d’autant plus important que Paris intra muros au contraire, qui concentrait en 1990 des activités plutôt porteuses aurait dû connaître, toutes choses égales par ailleurs, un développement de l’emploi de l’ordre de 5% plutôt qu’une baisse assez spectaculaire dont les raisons sont à rechercher localement (parc immobilier inadapté, coûts, cycle immobilier..). Une meilleure coopération déjà engagée entre Paris et les communes proches permettra d’envisager un développement de l’ensemble de la petite couronne.

L’analyse des dynamiques récentes observées à Saint-Denis donne quelques pistes pour conforter les pôles émergents ou les susciter : l’orientation vers la Plaine des opérateurs en immobilier d’entreprise résulte en premier lieu de la volonté des élus ; elle a ensuite été favorisée par les investissements publics réalisés à l’occasion du stade de France –couverture de l’A1, gares du RER B et D -, un agrément un peu plus contraignant à l’ouest, et une conjoncture économique favorable ; de même l’effet stade sur le marché du logement est lié à la production d’une offre neuve en accession complètement absente auparavant. (DDE 93)

En plus de la volonté locale, la volonté régionale de rééquilibrage à l’est est donc déterminante ; elle s’est traduite notamment au travers de l’agrément, qui vise un développement équilibré entre les territoires, et au travers d’ investissements dans les équipements structurants : desserte en transport en commun, stade, musée, université et plus généralement l’offre de formation, qui est un enjeu essentiel dans ces territoires en pleine mutation.

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Le polycentrisme en Île-de-France

2.4 Des équipements très structurants

La localisation de l’emploi détermine fortement la structure spatiale d’une région, cependant elle évolue plus rapidement que l’implantation des grands équipements structurants qui marquent profondément les territoires par leur dimension symbolique et participent de leur attractivité au-delà du service apporté. Les établissements de formation supérieure, et les équipements culturels sont en particulier déterminant et méritent des travaux approfondis dont certains sont en cours. Dans l’attente de leur résultat, on se limite ici à une mesure de la concentration et de l’attractivité des établissements d’enseignement post-bac, et des principaux musées pour préciser la structuration régionale mise en évidence avec les pôles d’emploi. L’évolution de la localisation des cinémas permet d’aborder la structuration autour d’équipements de proximité.

2.4.1 L’offre de formation post bac est encore très parisienne

La simple localisation des lieux d’étude des 19-24 ans, toutes filières confondues, confirme la domination parisienne, et souligne la forte structuration de la petite couronne avec trois pôles principaux, constitués autour des universités de Nanterre, Saint-Denis et Villetaneuse, Créteil-Saint-Maur, complétés au sud ouest par Orsay à laquelle se rattachent Sceaux et Châtenay-Malabry. Au-delà, en grande couronne, quatre universités se détachent, Cergy, Versailles, Orsay, et Evry. Les sites de Marne-la-Vallée, Melun et Saint-Quentin-en-Yvelines apparaissent comme des sites secondaires mais cette dernière est très proche de Versailles et même d’Orsay et forme un ensemble dense conforté par Jouy-en-Josas. Enfin dans la périphérie francilienne seule Meaux se détache réellement, suivie de Fontainebleau, Rambouillet et Mantes. Plus loin, Compiègne, Beauvais, Evreux, Dreux et Orléans forment une troisième couronne.

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MONTARGIS

SENS

BEAUVAISROUEN

CHARTRES

DREUX

EVREUX

COMPIEGNE

Localisation des lieux d'études des 19-24 ans en 1999

Sources : INSEE RGP 1999(exploitation complémentaire)Fonds de plan : IGN (c) BD CartoCartrgraphiq : DREIF/GORE/SILudovic Armand

Effectifs des élèves / étudiantsde 19 à 24 ans au lieu d'études

3 0 0 0 0

1 5 0 0 0

3 0 0 0

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Pour mesurer la réelle concentration de ces équipements il faut comparer leur répartition spatiale à celle de la population ; or les étudiants étant en principe recensés à leur résidence pendant l’année scolaire, il faut utiliser plusieurs indicateurs pour relativiser ce biais. On a comparé ici la part des étudiants de 19 à 25 ans au lieu d’étude, à la part des jeunes du même âge résidents, à celle de la population totale, et à celle des 10-19 ans qui habitent en principe encore chez leurs parents et représentent la demande locale de formation de demain. Il est clair que Paris reste le premier centre d’enseignement supérieur, puisque la capitale représente 41% des jeunes de 19 à 24 ans qui étudient en Île-de-France (34% si on élargit le périmètre aux départements voisins) ; que cette proportion est bien plus forte que celle de la population du même âge, soit 22 % (et 17%) ; mais que ces chiffres eux mêmes ne représentent pas la demande de formation locale à venir (et probablement actuelle) qui serait plutôt de l’ordre de 14% (et 10 %). Dans les Hauts-de-Seine, l’offre est comparable à la demande telle que nous l’avons estimée, tandis qu’elle est déficitaire dans les autres départements franciliens. Parmi les départements périphériques de l’Île-de-France seuls la Marne et le Loiret peuvent se prévaloir d’une offre équilibrée par rapports aux besoins. Une analyse plus détaillée par filière et par cycle donnerait des résultats plus contrastés encore puisque dans les universités Paris accueille plutôt les 2eme et 3eme cycle et que c’est la présence de ces 3eme cycles qui permet aux universités de se développer. Or on verra dans la partie suivante concernant le fonctionnement de cette structure relativement polycentrique de l’offre de formation, combien la proximité ou la bonne accessibilité des établissements est plébiscitée par les étudiants.

Offre et demande de formation pour les étudiants ou élèves de 19 à 24 ans

Nombre d'étudiants

ou élèves de 19 à 24 ans

Part (Ile-de-France)

Part (Ile-de-France +

dép. limitrophes)

Population âgée de 19 à

24 ans

Part (Ile-de-France)

Part (Ile-de-France +

dép. limitrophes)

Population totale

Part (Ile-de-France)

Part (Ile-de-France +

dép. limitrophes)

Population âgée de 10 à

19 ans

Part (Ile-de-France)

Part (Ile-de-France +

dép. limitrophes)

75 227 769 41% 34% 163 022 22% 17% 2 125 851 19% 14% 193 104 14% 10%92 65 056 12% 10% 89 546 12% 9% 1 428 678 13% 10% 160 273 11% 8%93 55 694 10% 8% 94 233 13% 10% 1 382 928 13% 9% 197 288 14% 10%94 46 397 8% 7% 77 581 11% 8% 1 226 961 11% 8% 151 151 11% 8%Proche couronne 167 147 30% 25% 261 360 36% 27% 4 038 567 37% 27% 508 712 36% 25%77 34 973 6% 5% 75 333 10% 8% 1 193 511 11% 8% 184 539 13% 9%91 41 986 8% 6% 73 807 10% 8% 1 134 026 10% 8% 159 823 11% 8%78 41 532 8% 6% 84 730 12% 9% 1 353 957 12% 9% 196 406 14% 10%95 37 057 7% 5% 76 047 10% 8% 1 105 224 10% 7% 171 213 12% 9%Grande couronne 155 548 28% 23% 309 917 42% 32% 4 786 718 44% 32% 711 981 50% 36%Ile de France 550 464 100% 81% 734 299 100% 75% 10 951 136 100% 73% 1 413 797 100% 71%Départements limitrophes 128 509 19% 240 141 25% 4 059 290 27% 582 881 29%TOTAL 678 973 100% 974 440 100% 15 010 426 100% 1 996 678 100%

02 14 371 2% 29 699 3% 535 313 4% 79 066 4%10 9 385 1% 16 889 2% 292 099 2% 39 806 2%27 12 229 2% 28 840 3% 541 263 4% 80 543 4%28 7 750 1% 21 502 2% 407 747 3% 58 952 3%45 25 520 4% 38 512 4% 618 086 4% 84 896 4%51 32 843 5% 43 424 4% 565 153 4% 78 851 4%60 19 388 3% 44 928 5% 766 313 5% 116 406 6%89 7 023 1% 16 347 2% 333 316 2% 44 361 2%

Sources : Nombre d'étudiants : RGP complémentaire 1999Population totale et par âge : RGP principale 1999

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Le polycentrisme en Île-de-France

2.4.2 Paris reste de loin la capitale culturelle, mais les équipements courants se répartissent dans la région

La localisation des grands équipements culturels, souvent liés au patrimoine et donc concentrés dans les centres anciens, permet de repérer les pôles touristiques dont le rayonnement est à la fois régional et international. Evidemment elle ne dit rien de la vie culturelle qui se situe tout autant en dehors de ces hauts lieux. Si l’agglomération parisienne est classée première parmi les villes européennes pour son patrimoine culturel6, ce rang tient essentiellement aux très nombreux musées de Paris dont certains comme Le Louvre ou le Centre Pompidou reçoivent plus de cinq millions de visiteurs.

En dehors de Paris pourtant, de nombreux sites sont très visités, Versailles, La Grande Arche, Saint Denis, le musée de l’air au Bourget, Auvers sur Oise, Fontainebleau, Provins…

L’offre hôtelière et sa fréquentation, qui sont de bons indicateurs de l’attractivité des territoires à la fois économique et culturelle, permet de préciser les dynamiques : l’offre reste très concentrée à Paris mais avec une évolution importante du parc de la capitale vers les catégories quatre étoiles et luxe qui confirme la spécificité de Paris déjà mise en évidence au travers de la structure actuelle de l’emploi. Les Hauts-de-Seine développent également ce parc haut de gamme dans des proportions significatives suivis dans de plus faibles proportions par

6 Rozenblat C. Cicille P., 2003, « les villes européennes », Datar

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Le polycentrisme en Île-de-France

le Val d’Oise. Les hôtels bon marché ont au contraire tendance à disparaître de la capitale mais se développent en Seine-Saint-Denis et en Seine et Marne.

Les cinémas qui sont longtemps restés concentrés à Paris, se répartissent davantage sur l’ensemble du territoire régional ; si le nombre de salles dans la capitale n’a baissé que légèrement (10%) entre 1982 et 2002, il est en hausse importante en petite et grande couronne (91% et 107%) qui bénéficient globalement d’un niveau de service équivalent. Mais surtout le nombre de communes disposant au moins d’un établissement est passé de 130 à près de 220, malgré une hausse moyenne de la taille des établissements. On observe donc un double mouvement de concentration dans quelques grands établissements type multiplexes, et de desserte plus fine, notamment grâce à des équipements communaux dont l’attractivité est locale. Cette double logique est bien illustrée par les ouvertures et fermetures simultanées sur certains territoires Sur cette période, le mouvement de diffusion a donc été plus fort que le mouvement de concentration. La carte de niveau de service (nombre de salles par habitant) en 2002 fait apparaître plusieurs couronnes de pôles d’une part dans la zone agglomérée par ailleurs bien équipée, et d’autre part en grande couronne. Pour l’agglomération centrale il s’agit d’Ivry-sur-Seine et Puteaux proches de Paris, puis de Rosny-sous-bois, Thiais, Velizy, Epinay-sur-Seine, mais aussi de Noisy-le-Grand et Créteil…, à la limite de la zone dense les Villes Nouvelles et les centres anciens comme Versailles ou Saint-Germain forment une deuxième couronne ; plus loin en périphérie la plupart des villes centre sont bien équipées. Des indicateurs plus fins comme le nombre de fauteuils ou de séances accentueraient encore l’importance des pôles principaux car les multiplexes disposent de salles plus grandes, et représentent une part des entrées

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Le polycentrisme en Île-de-France

supérieure à leur part de salles. Inversement certains petits établissements offrent un nombre de séances limité, mais d’autres assurent aussi une certaine diversité de programmation.

1 5

7,5

1,5-1,5

-7,5

-1 5

DAMMARTINEN

GOELE

NEMOURS

MONTEREAU-FAULT-YONNE

L'ISLE-ADAM

LES MUREAUXBEAUMONT-SUR-OISE

FOSSES

ARPAJONMENNECY

TOURNAN-EN-BRIE

MAULE

MANTES-LA-VILLE

MONTIGNY-LE-BRETONNEUX

VERSAILLES

RAMBOUILLET

VAUX-LE-PENILPROVINS

NANGIS

COULOMMIERS

MANTES-LA-JOLIE

Evolution du nombre de salles de cinémaentre 1982 et 2002

Sources : DRAC - CNC / DREIFFonds de plan : IGN (c) BD CartoCartographie : SI/L. Armand

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Le polycentrisme en Île-de-France

> 10,5 - 10,25 - 0,50,2 - 0,250,1 - 0,20,05 - 0,10 - 0,05

Nombre de salles de cinéma par habitant (p. mille) en 1982

Sources : DRAC - CNC / DREIFFonds de plan : IGN (c) BD CartoCartographie : SI/L. Armand

BRAY-SUR-SEINEMONTEREAU-FAULT-YONNE

NEMOURS

L'ISLE-ADAMFOSSES

DAMMARTIN-EN-GOELEGOUSSAINVILLE

TOURNAN-EN-BRIE

VAUX-LE-PENILMELUNMENNECY

MAULE

MANTES-LA-JOLIEAUBERGENVILLE

MONTFORT-L'AMAURY

BEYNES

RAMBOUILLET

DOURDANSAINT-ARNOULT-EN-YVELINES

ETAMPES

NANGIS

MONS-EN-MONTOIS

PROVINS

COULOMMIERS

MEAUX

Nombre de salles de cinéma par habitant (en p.mille) en 2002

30

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Le polycentrisme en Île-de-France

En vingt ans, la carte de niveau de service a profondément évolué. Dans l’espace central l’offre est à la fois élargie, plus homogène et polarisée, tandis qu’en grande couronne les villes centres semblent jouer pleinement leur rôle. Ces évolutions qui sont le résultat d’une combinaison fragile entre des logiques privées et un soutien public à de petits établissements ont permis une meilleure adaptation quantitative de l’offre à la demande locale ; elles participent à la consolidation de bassins de vie indispensables au bon fonctionnement métropolitain. Si le cœur économique tend à se déplacer vers l’ouest de Paris, à la limite des Hauts-de-Seine, Paris reste de loin la capitale culturelle, le renforcement du parc hôtelier haut de gamme intramuros plaiderait même pour un renforcement de l’attractivité touristique vers la capitale. Paris reste aussi de très loin le premier centre de formation post bac, même sans tenir compte de sa spécialisation dans les troisièmes cycles ; cependant les universités structurent fortement la petite et la grande couronne. De même, si les salles de cinémas restent fort nombreuses à Paris, on observe aussi une organisation à la fois plus polycentrique pour les grands équipements type multiplexes et plus diffuse pour les petits établissements de proximité. On verra que ces évolutions correspondent à un fonctionnement de la région à plusieurs échelles. Globalement la région apparaît plus structurés que dans les années 70 ; cependant les espaces hors pôle se sont également urbanisés. Non seulement l’emploi s’y est développé mais la croissance résidentielle dans les « bourgs, villages et hameaux » censés suivre un développement modéré a été plus vive qu’ailleurs dans la dernière décennie. L’ensemble de ces communes (au nombre de 688) pesait en 1975 le même poids que l’ensemble des villes nouvelles dans la population francilienne, à savoir 2.8%. Les Villes Nouvelles qui devaient polariser la croissance atteignent aujourd’hui 7%, et les bourgs et villages 4% ; dans les deux cas cette croissance s’est faite grâce à un apport migratoire important.

Saint-Denis 1975 et 2003

31

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Le polycentrisme en Île-de-France

2.5 Des disparités spatiales persistantes, porteuses d’inégalités

Le polycentrisme fait en général référence à une organisation de l’espace appréhendée en terme de densités de population ou ( plus souvent ) d’emploi ou d’équipement, et d’attractivité donnant lieu à des flux ; passer d’une structure monocentrique à une structure polycentrique permettrait ainsi de décongestionner, d’accueillir la croissance…Cette notion intègre aussi une notion de gouvernance : plusieurs centres, plusieurs lieux de pouvoirs, une coordination… Dans une région fortement structurée à la fois par une relation centre-périphérie et une opposition sud-ouest/nord-est on pourrait penser qu’en multipliant les centres on atténue à la fois la spécialisation sectorielle et le gradient centre périphérie (ou plutôt on le remplace par plusieurs gradients centre-périphérie)7. Il est en réalité impossible de pouvoir isoler le seul effet de l’évolution de la forme urbaine sur longue période, alors que se sont produits en même temps de multiples autres changements dans le contenu et l’organisation socioéconomique de la région et dans sa projection dans l’espace notamment au travers des comportements de localisation résidentielle. Malgré l’impossibilité de raisonner toutes choses égales par ailleurs, on peut cependant décrire la géographie sociale de la région aujourd’hui, tenter de repérer la marque de centralités secondaires émergentes, rapprocher cette géographie de celle de l’emploi. On peut également en décrire les dynamiques. Pour les évolutions longues les travaux dont on dispose sont basés sur la place occupée par les actifs dans la structure productive (N. Tabard), tandis que des travaux plus récents bénéficient d’indicateurs de niveaux de vie (revenu par unité de consommation) particulièrement pertinent dans le cas de l’Île-de-France qui ordonne les ménages selon leur taille, du centre vers la périphérie. L’étude réalisée par JC. François, H.Mathian, A.Ribardiere et TH. Saint Julien pour la DREIF8 est basée sur la répartition des ménages dans les déciles franciliens de revenu par UC (unité de consommation) en 1999. Comme attendu, elle oppose les communes riches de l’ouest parisien et son prolongement jusqu’aux limites régionales aux communes populaires du nord et de l’est de la zone agglomérée. Les communes caractérisées par une forte présence des classes moyennes et inférieures forment une couronne à la périphérie de l’agglomération, tandis que les confins de la Seine et Marne accueillent une population aux revenus faibles. Il est encore rappelé que les communes spécialisées sont surtout celles des classes aisées, comme en témoigne le profil exceptionnel de la classe 1 qui concentre, à hauteur de 36 %, des ménages relevant de la tranche de revenu par UC la plus élevée. Les communes du type le plus défavorisé accueillent moins de 2% de ces ménages aisés, et 21% se situent parmi les plus faibles revenus. Entre les deux extrêmes on observe « un continuum » de situations diverses.

7 La concentration et la présence d’équipements ou de types d’emploi recherchés ou d’un environnement valorisé, génèrent la congestion au sens large et donc la hausse des prix du foncier et des loyers : plusieurs concentrations permettraient moins de disparités 8 François JC., Mathian H., Ribardiere A., Saint-Julien T., 2003, « Les disparités des revenus des ménages franciliens en 1999 : approches intercommunale et infracommunale et évolution des différenciations intercommunales 1990-1999 » DREIF, à paraître.

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Inégalités des revenus des ménages dans les communes franciliennes

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L’évolution 1990-1999 de cette organisation est évaluée indirectement9 au travers des relations entre structures des revenus et structures sociales et démographiques en 1999 ; les dynamiques se traduisent d’une part par une paupérisation de communes déjà pauvres en 1990 en particulier dans le secteur nord-est, mais aussi par une diminution du nombre de communes les plus favorisées associée à un élargissement du secteur accueillant les ménages aisés.

Évolution de disparités géographiques des disparités de richesses des ménages entre 1990 et 1999

9 On ne dispose pas de la répartition des ménages selon leurs revenus par unité de consommation pour les années antérieures à 1999. Quinze variables sociales et économiques ont été retenues pour expliquer la répartition des ménages dans les déciles de revenus par UC en 1999 ; les évolutions 1990-1999 sont appréhendées au travers de ces variables.

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On observe donc sur cette période une extension vers l’Essonne du secteur qui sur-représente les classes moyennes supérieures : « Ce front « d’embourgeoisement », qui avance d’ouest vers le sud et l’est, a ainsi fait reculer l’espace des classes moyennes lequel, à son tour, a grignoté les marges défavorisées de la Seine et Marne » Le « creusement des contrastes » qui est évident en petite couronne, relève surtout du basculement d’un grand nombre de communes du nord-est et de la Seine Amont de la catégorie pauvre à la catégorie très pauvre « en moyenne les pauvres, lentement mais inéluctablement se concentrent ». Au contraire le secteur le plus aisé qui s’est plutôt resserré est moins nettement repérable du fait de l’extension de l’espace des classes moyennes supérieures.

Mais comment se situent les centres principaux et secondaires, dans cette organisation qui reste donc fortement radioconcentrique. La spécificité de Paris, déjà soulignée dans des travaux anciens est ici confirmée grâce à une analyse infra-arrondissement. Même si les quartiers centraux de la capitale appartiennent à la catégorie des espaces les plus aisés, la majorité se situent dans la moyenne régionale, c’est à dire accueillent des ménages relevant de toutes les classes de niveau de vie. Ce résultat, bien qu’attendu et expliqué par la diversité du parc de logement, et les particularités de la population (personnes seules, âgées, étudiants..) est assez spectaculaire par son étendue sur le territoire parisien, mais concerne également des communes des Hauts-de-Seine au nord et au sud, et des communes proches du périphérique à l’est.

Les disparités infracommunales des ménages en 1999

Une étude en cours de E. Preteceille à partir de la catégorie socioprofessionnelle détaillée permet de préciser la diversité mise en évidence à Paris : en effet une grande partie des espaces parisiens qualifiés de moyens selon le revenu, est caractérisée par une présence

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importante des professions artistiques associée à celle de précaires et chômeurs cadres et indépendants des professions intermédiaires. Cette relative spécialisation dans les métiers de l’information et du spectacle se retrouve également dans l’emploi de la capitale. Cependant pendant les années 90, les premier et cinquième arrondissements sont caractérisés par un embourgeoisement marqué qui conduit à s’interroger sur le maintien de cette mixité parisienne dans un contexte de renouvellement du parc de logements. Rappelons qu’à Paris la construction de logements neufs, se fait le plus souvent après démolition de logements petits, inconfortables et occupés par de grands ménages. Entre 1990 et 1999 on a autorisé la construction de 62 000 logements dans la capitale, mais plus de 43 000 logements ont disparu dans le même temps, tandis que la seule baisse de la taille des ménages nécessitait plus de 30 000 logements supplémentaires. Les travaux d’Orgeco pour l’EPA Plaine de France sur la mobilité résidentielle montrent bien de nombreux départs de Paris et plus spécialement des arrondissement du nord vers Plaine de France. Les Villes Nouvelles présentent des caractéristiques très différentes, car elles sont composées de communes aux profils contrastés, et ces contrastes internes sont encore plus nets à l’échelle du quartier. C’est à Saint-Quentin qu’on observe l’opposition la plus franche entre Trappes et La Verrière qui relèvent des classes les plus pauvres et les autres communes plutôt caractéristiques des espaces des classes moyennes à aisées. Comme à Paris ce résultat s’explique aisément par le parc de logement (concentration de logements sociaux ici, d’habitat individuel en accession à la propriété ailleurs) mais il faut noter que la période récente a été marquée par un renforcement de la spécialisation sociale de ces communes. Enfin, les villes nouvelles, à part Saint-Quentin-en-Yvelines, tendent à se paupériser sur la période 1984-199610.

Les inégalités dans les villes nouvelles

10 M. Sagot « l’évolution des disparités sociales entre les communes de l’Île-de-France » 2001 IAURIF.

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Les centres urbains de la périphérie présentent différents profils ; certains centres anciens sont proches des caractéristiques parisiennes ; c’est en particulier le cas de Fontainebleau qui accueille une population dont les revenus se distribuent comme la moyenne régionale, alors que nombre de communes environnantes sont plus aisées. On retrouve ce décalage entre ville centre et périphérie à Saint-Germain et Versailles : ces centres anciens accueillent plus de diversité que certaines communes très aisées qui les bordent. Les centres industriels, Mantes, Meaux, Melun, Montereau concentrent une population aux revenus plutôt faibles, alors que les ménages aisés choisissent d’habiter leur périphérie. Sur une carte communale ces centres apparaissent ainsi comme des isolats relativement à leur environnement ; cette relation centre-périphérie inversée n’est pas totalement confirmée lorsqu’on s’intéresse aux quartiers, car ces villes présentent des quartiers centraux favorisés, et des quartiers périphériques, mais internes à la commune, dont le niveau de vie est très faible : il s’agit en général de grands ensembles. Globalement la situation de ces villes s’est dégradée sur la période récente (Mantes, Les Mureaux, Montereau, Provins) L’approche par la structure des ménages résidents est en elle-même difficile à interpréter : elle a été complétée par celle de la réussite scolaire au niveau du collège qui précise les résultats précédents et ajoute la dimension de l’attractivité, caractéristique des pôles. Il en ressort que globalement l’espace scolaire est plus ségrégé que l’espace résidentiel : « L’espace scolaire reproduit, en les amplifiant, les principaux contrastes observés dans l’espace résidentiel (…) les mécanismes semblent jouer à l’unisson. Dans l’espace résidentiel comme dans l’espace scolaire, ce sont les quartiers les plus favorisés qui se distinguent le plus ». On retiendra ici, une différence importante entre les villes isolées de la périphérie et celles qui sont situées en zone dense : en périphérie, la concurrence entre établissements ne peut pas jouer, et certaines communes obtiennent des résultats scolaires meilleurs que prévus d’après le niveau de vie des habitants (Dourdan, Montereau) ; par ailleurs des pôles de réussite scolaire s’affirment en particulier dans des centres anciens (Saint-Germain-en-Laye, Versailles, Fontainebleau) . Dans la zone dense au contraire, l’espace scolaire est plus contrasté que l’espace résidentiel, puisque la proximité ouvre un certain choix aux familles. En petite couronne le marquage sectoriel est tel que les centres secondaires ne se distinguent pas nettement de leur environnement : le travail d’Orgeco sur les échanges migratoires entre Plaine de France et les autres parties de la région, permet de mesurer combien l’évolution de chaque territoire s’inscrit dans des logiques plus larges reliant entre eux les secteurs et les couronnes de la région urbaine : d’une part Plaine de France accueille des familles et des ménages modestes venant de Paris, d’autre part elle « redistribue » sa population vers le reste de la région et bien au-delà, mais retient plus fréquemment les personnes ayant une faible autonomie (chômeurs, peu qualifiés, étrangers..) : « fondamentalement, par ses mouvements migratoires, La Plaine de France, est une composante du système socio-démographique français dans le rapport région parisienne-province et étranger, et une part du système métropolitain qui organise la cohérence et la complémentarité entre les différents morceaux de la région capitale. »11 La géographie économique et sociale reste donc marquée par une double opposition, centre-périphérie et est-ouest. L’évolution quantitative vers une organisation plus polycentrique n’a pas permis de modifier la double structuration ancienne de la région à la fois centre-périphérie, et sud-est/nord-ouest : 11 Orgeco, 2003, « les mobilités de la population de Plaine de France, analyse des données du recensement de 1999 » EPA Plaine de France.

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les écarts bien connus et anciens entre un quadrant ouest riche et actif et une banlieue nord et est touchée par la désindustrialisation ne se comblent pas, et parfois même se renforcent car les ménages qui le peuvent cherchent ailleurs un cadre de vie plus agréable. Le rééquilibrage des taux d’emploi en petite couronne n’est pas amorcé en 1999, au contraire les écarts s’accentuent entre les Hauts-de-Seine qui accueillent désormais 1,12 emplois pour un actif et la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne dont le taux d’emploi, en retrait, reste déficitaire (respectivement 0,72 et 0,77). On retiendra aussi que les disparités de richesse entre les territoires sont porteuses d’inégalités de chances, qui pourraient entretenir et amplifier les différences et que les territoires sont fortement interdépendants ; que les villes nouvelles ne présentent pas toujours les caractéristiques de diversité propres aux centres anciens, mais que cette diversité est également menacée à Paris. Cependant les dynamiques les plus récentes suggèrent que des changements rapides pourraient intervenir : l’évolution du taux d’encadrement dans certaines communes indique que les entreprises s’installent à nouveau dans les secteurs bien desservis, notamment en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Les dynamiques économiques semblent offrir des opportunités pour un changement d’image, tout l’enjeu est de veiller aux retombées de ces changements pour les habitants actuels.

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PART DES CADRES PARMI LES RESIDENTS

TAUX D'ENCADREMENT DANS L'EMPLOI

Sources : RGP INSEE 1999Cadres : définition INSEEFonds de plan : IGN (c) BD CartoCarto. : SI/L. Armand

Part des cadres rapportée au nombretotal d'actif (en %)

> 302 5 - 3 02 0 - 2 51 5 - 2 01 0 - 1 5

5 - 1 00 - 5

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1975

Créteil 1994

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3. Un fonctionnement à plusieurs échelles

3.1 Les déplacements domicile-travail : des sous-bassins d’emploi masqués par le poids de Paris

A priori le passage d’une région monocentrique à une région polycentrique se traduit par une demande accrue et complexifiée de transport à fortiori si les pôles secondaires ne sont pas seulement des cités dortoirs envoyant tous les actifs dans un pôle d’emploi central, et expriment donc des besoins de liaisons entre eux. Cependant on peut penser aussi que l’émergence de vraies centralités secondaires permette d’organiser autour d’elles des territoires et donc de répondre localement à une partie de la demande. Cette hypothèse signifie qu’une première période de complexification des flux pourrait être suivie d’une arrivée à maturité plus « durable ». On étudiera ici particulièrement les déplacements domicile-travail : d’une part ils restent structurant de la mobilité globale12, et conditionnent largement les besoins en infrastructure du fait des heures de pointe qu’ils déterminent, d’autre part on a vu que la caractéristique de la période récente est l’affaiblissement de Paris soit le pôle le mieux desservi et le renforcement de l’emploi à la périphérie de l’agglomération, mais aussi une hausse du taux d’emploi en grande couronne qui pourrait faciliter un rapprochement domicile-travail. On s’attachera également à comprendre l’articulation ente bassins de vie et bassins d’emploi.

3.1.1 Le fonctionnement du marché du travail se fait à plusieurs échelles

De nombreuses études des aires de recrutement des pôles d’emploi,13 ont montré qu’en Île-de-France il faut distinguer au moins deux échelles de fonctionnement qui se superposent : - un vaste marché du travail du fait du poids important du pôle d’emploi parisien particulièrement bien desservi par les TC rapides, ce qui fait qu’on vient de loin pour travailler à Paris. Le pôle Nanterre-La Défense recrute également sur une aire assez large qui englobe Paris. - des sous marchés du travail, masqués par le poids de Paris, dont les limites se superposent surtout à l’ouest. Les différents pôles d’emploi de petite ou de grande couronne recrutent largement dans leur quadrant, mais aussi à Paris surtout quand ils offrent des emplois de cadre. Leurs aires de recrutement sont le plus souvent comprises dans l’aire d’attraction parisienne, et leur forme est plus ramassée pour les pôles de petite couronne que pour les pôles périphériques.

12 Selon l’EGT 91 les déplacements domicile-travail représentent 70% du budget temps de déplacement des actifs. 13 On retiendra en particulier : - Neveu. A., Zembri. P., 1989, « migrations alternantes en Île-de-France : des comportements sociaux différenciés dans un espace polarisé » Données sociales Île-de-France - Beckouche. P. 2001 « les marchés du travail francilien vus à travers les Dads » DREIF.

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Les emplois du pôle de Créteil (Créteil et Bonneuil ici) sont occupés par des résidents du Val-de-Marne à 65% de Seine et Marne (9%) et de Paris (8%) ; ces proportions sont différentes selon les catégories sociales : le Val-de-Marne loge 49% des cadres et 73% des ouvriers et employés du pôle, et Paris respectivement 20% et 4%. Ces écarts sont vérifiés pour tous les pôles étudiés14 sauf Paris : le recrutement des employés et ouvriers est toujours plus local que celui des cadres, mais c’est l’inverse dans la capitale qui loge 53% des cadres et 37% des ouvriers qu’elle occupe. Les cadres qui travaillent à Paris parviennent plus souvent que les ouvriers et employés à se rapprocher de leur lieu de travail.

3.1.2 Des flux croisés susceptibles de réduire les besoins en infrastructure

Paris fournit donc aux autres pôles une main d’œuvre abondante, mais surtout des cadres : ces navetteurs à contre sens représentent des flux importants vers La Défense (68000), Saint-Denis (17000), Roissy (9000), Marne-la-Vallée (7000), Saint-Quentin-en-Yvelines (5000). En petite couronne, l’ampleur des flux à contresens vers l’est est affectée négativement par le faible taux d’emploi et d’encadrement et positivement par une préférence des cadres pour la qualité de l’offre résidentielle parisienne. Quant aux flux de Paris vers La Défense ils sont de moins en moins à contresens, puisque le cœur économique de la région a tendance à se déplacer vers l’ouest, et que de nombreux actifs de ce pôle logent le long de la ligne A du RER en banlieue est. Lieu de t

V

M

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P

La D

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C

I

Lieu de résidence Lieu de résidence

ravail Cadres Ouv. Emp. Total Lieu de travail Cadres Ouv. Emp. Totalilles nouvelles + Roissy 13 186 6 697 27 081 Villes nouvelles + Roissy 14% 3% 6%arne La Vallée 3 611 1 547 7 312 Marne La Vallée 17% 3% 7%énart 251 155 547 Sénart 6% 1% 2%vry 1 454 333 2 413 Evry 12% 1% 5%aint Quentin en Yvelines 3 082 733 4 851 Saint Quentin en Yvelines 12% 3% 6%ergy-Pontoise 1 849 385 3 083 Cergy-Pontoise 11% 1% 4%oissy 2 939 3 544 8 875 Roissy 19% 6% 9%

aris 230 741 258 055 698 742 Paris 53% 37% 44%éfense 38 431 12 902 68 586 La Défense 27% 10% 18%

ontreuil 3 381 3 746 10 588 Montreuil 25% 9% 13%aint Denis 6 329 4 737 16 627 Saint Denis 29% 8% 14%réteil 2 094 977 4 302 Créteil 20% 4% 8%

le de France 362 395 324 125 975 850 Ile de France 32% 14% 19%

Paris Paris

Ces flux partant de Paris, qui permettent une meilleure utilisation des infrastructures sont indéniablement un des avantages d’une structure polycentrique ; ils pourraient venir compenser la demande accrue de transport résultant de l’extension de la région urbaine. Ils peuvent être partiellement transitoires, reflétant une centralité encore insuffisante dans les villes secondaires ; les pôles émergents qui ne logent pas leurs cadres ne bénéficient pas des emplois induits liés à l’économie résidentielle. Ils peuvent aussi annoncer la généralisation de flux de pôles à pôles si les pôles secondaires se renforcent.

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14 Roissy, Marne la Vallée, Sénart, Saint Quentin en Yvelines, Evry, Cergy-Pontoise, La Défense, Montreuil, Saint-Denis, Creteil.

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3.1.3 Croissance des flux « descendants » de Paris mais aussi des flux entre les pôles : un modèle hiérarchique en évolution

Une étude en cours de S. Berroir, H. Mathian, T. Saint Julien15 conclut plutôt à la généralisation des flux de pôle à pôle liée à une structure tendant à devenir moins hiérarchique. Dans cette étude, les pôles sont dans un premier temps classés par niveau, en fonction des flux domicile-travail « dominants », (pour décrire la hiérarchie entre les pôles), puis les flux entre les niveaux sont étudiés. L’aire urbaine de Paris correspond à une seule structure hiérarchique avec Paris qui domine largement à son sommet suivie de trois types de pôles secondaires de premier niveau : - des pôles aux marges de l’aire urbaine formés notamment par les petites villes périphériques, intégrées récemment dans l’orbite parisienne et qui ont conservé une structuration forte sur leur territoire : Fontainebleau, Étampes, Melun, Rambouillet, Gisors...

- des pôles liés à de grandes opérations : villes nouvelles, Roissy, La Défense à aires de recouvrement relativement fortes : Roissy a pu s’imposer librement, tandis que Saint-Quentin-en-Yvelines a dû composer avec une structure urbaine établie.

- des pôles péricentraux : anciens à rayonnement limité comme Versailles, Boulogne, Saint-Denis ou plus récents, Créteil, Antony, Les Ulis.

Ces pôles secondaires structurent plus ou moins leur territoire, puisque à l’ouest les pôles secondaires des différents niveaux s’emboîtent (Versailles, puis Plaisir et Saint-Quentin-en-Yvelines, puis Rambouillet et ensuite Epernon) tandis que le quadrant nord-est présente une hiérarchie tronquée. Une fois cette structure hiérarchique établie les flux entre les niveaux sont étudiés : la comparaison des flux ascendants, inverses, horizontaux en 1990 et 1999 montre une forte évolution.

Source : Berroir S. , Mathian H., Saint-Julien T., 2002, « déplacements domicile travail : vers le polycentrisme » Insee, Regards n°54

1990 1999 1990-1999Flux ascendants :

vers Paris 32,50% 28,50%nombre de navette 926 423 895 167

vers le niveau 1 4,10% 4,40%nombre de navette 117 171 136 565

Autres communes 0,20% 0,20%nombre de navette 6 332 4 783

Flux descendants :de Paris 8 ,1% 9,20%

nombre de navette 230 000 290 000

des autres communes 2,10% 2,10%nombre de navette 60 897 66 898

Flux horizontaux 53,00% 55,60%nombre de navette 1 510 774 1 743 025

9,90%

15,40%

-3,40%

16,60%

-24,50%

25,40%

15 Berroir S.,Mathian H., Saint Julien T.,2002, « déplacements domicile travail : vers le polycentrisme » Insee, Regards n° 54.

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Le polycentrisme en Île-de-France

De plus en plus d’actifs ne se déplacent pas selon le modèle hiérarchique et des tendances fortes vers un fonctionnement polycentrique se dégagent. Les flux vers Paris, en baisse, représentent 28 % des navettes, tandis que les flux horizontaux (entre pôles de même niveau), dominent avec 55% des flux ; la plus forte progression concerne les flux descendants de Paris qui passent de 230 000 à 290 000, suivie des flux ascendants vers les autres pôles et des flux horizontaux. Une analyse cartographique des seuls flux horizontaux supérieurs à 200 navettes, selon leur portée permet de révéler la structuration fine de la région habituellement masquée par le poids de Paris. On observe alors « la réticularité de la zone agglomérée et (…) les interdépendances multiples et croisées des pôles secondaires ». Cette dernière analyse qui conclut sur les liaisons nécessaires entre les pôles, est complémentaire des travaux portant sur l’ensemble des flux car elle permet de décrire la structuration régionale, mais elle ignore l’attractivité locale (non horizontale) qui, comme on l’a vu, n’est pas négligeable.

3.1.4 Les distances domicile-travail médianes se sont raccourcies dans la couronne, allongées plus loin

Globalement les distances domicile-travail sont d’autant plus grandes qu’on s’éloigne de Paris, ce qui témoigne d’une structure toujours monocentrique. Les navettes sont plus longues dans la banlieue est, où les taux d’emploi sont très inférieurs à ceux de l’ouest et inversement la zone des « courtes distances » s’étend plus loin au sud ouest où on observe une structuration continue de Versailles à Melun. Plus loin Cergy, Roissy, Meaux, Melun et Mantes parviennent à s’opposer à la logique générale centre-périphérie. Puis la couronne des plus longues navettes dessine des franges internes ou externes à l’Île-de-France qui s’étendent jusqu’au aires urbaines voisines.

Source : F. Gilli, Le desserrement de l’emploi dans la région urbaine de Paris, 2003.

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Le polycentrisme en Île-de-France

Source : F. Gilli, Le desserrement de l’emploi dans la région urbaine de Paris, 2003.

Globalement et en moyenne ces distances domicile-travail ont augmenté dans la Région urbaine, mais la distance médiane16 a baissé dans la couronne de communes situées autour de la limite entre petite et grande couronne francilienne. Cette couronne est particulièrement nette vers Roissy, Marne-la-Vallée, Orsay, Saint-Quentin-en-Yvelines, Créteil. Au-delà de cette couronne et dans ses interstices les distances médianes s’allongent, parce que les migrations de moyenne distance augmentent 17; cet accroissement des portées des navettes, ne s’arrête que là où s’affirme l’attractivité des villes périphériques que l’on voit clairement dessinée sur les deux cartes : Chartres, Dreux, Evreux, Beauvais. En Seine et Marne les distances croissent fortement, les pôles de Meaux, Coulommiers, Provins, Montereau, Nemours n’ont pas réussi à s’affirmer.

16 Plus interessante parce qu’elle n’est pas influencée par les très longues navettes de quelques individus 17 « comme la distance médiane n’est affectée que par la première moitié des valeurs, cela signifie que ce sont les migrations de moyenne distance qui croissent et non que le nombre de personnes allant à Paris est plus élevé » Gilli (2003)

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Paris

3 0 - 7 02 0 - 3 01 0 - 2 0

5 - 1 0

Senart

3 0 - 7 02 0 - 3 01 0 - 2 0

5 - 1 0

Evry

3 0 - 7 02 0 - 3 01 0 - 2 0

5 - 1 0

Marne La Vallée

3 0 - 7 02 0 - 3 01 0 - 2 0

5 - 1 0

Saint Quentin en Yvelines

3 0 - 7 02 0 - 3 01 0 - 2 0

5 - 1 0

Roissy

3 0 - 7 02 0 - 3 01 0 - 2 0

5 - 1 0

Cergy

3 0 - 7 02 0 - 3 01 0 - 2 0

5 - 1 0

Aire d'influence de Paris et aires d'influence des villes nouvelleset de Roissy (non comprises dans l'aire d'infleuence de Paris)

Sources :

RGP INSEE 1999(expl. principale)

Aire d'infl. : Nombre d'actifstravaillant dans le pole sur nombre d'actifs occupés résidents (hors chômeurs)

Seuil : communes dont actifs trav. danspole > ou = 5

Fonds de plan : IGN (c) BD CartoCarto. : Ludovic Armand

Par ailleurs, les aires d’influence des pôles secondaires de grande couronne sont comprises dans l’enveloppe globale de celle de Paris, qui s’étend très loin grâce à une desserte ferrée rapide ; seules les aires d’influence de Roissy et de Cergy-Pontoise débordent légèrement ; le renforcement des pôles de grande couronne, n’est donc pas responsable de l’étalement accru de la région ; mais il se traduit à la fois par des distances domicile-travail réduites dans leur environnement, (rapprochement domicile-travail) et des distances accrues lorsqu’ils ne recrutent pas leurs actifs à proximité. La carte d’évolution montre clairement que dans tous les bassins d’emploi les distances médianes augmentent à la périphérie (sauf lorsque cette périphérie se trouve dans un autre bassin d’emploi, comme dans la zone centrale). Ce deuxième mouvement est donc général, alors que le phénomène de réduction des distances est particulier à la couronne ayant connu une forte croissance de l’emploi. L’accroissement des distances à la périphérie extérieure des bassins d’emploi des pôles de grande couronne n’est pas sans relation avec le développement résidentiel observé dans les bourgs et villages.

3.1.5 Le renforcement des pôles secondaires se traduit par un usage accru de la voiture

L’offre de transport n’étant pas homogène dans la région, et Paris restant beaucoup mieux desservie par les transports en commun que les autres pôles, le rééquilibrage amorcé entre Paris et les pôles d’emploi secondaires n’est pas neutre du point de vue du mode de transport utilisé pour se rendre au travail : pour rejoindre les Villes nouvelles ou Roissy les actifs se déplacent très majoritairement en voiture sauf lorsqu’ils viennent de Paris (c’est moins net pour Roissy) ce qui évidemment est à relier à l’offre de TC existante.( ces déplacements descendants, ne créent pas de demande supplémentaire). Les TC, plus présents, sont nettement mieux utilisés pour rejoindre les pôles de petite couronne dont l’aire de recrutement est aussi plus ramassée.

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En conclusion - chaque pôle d’emploi recrute localement une partie importante de ses actifs ; une répartition plus équilibrée des emplois entre l’est et l’ouest en petite couronne réduirait les navettes, et donc le besoin en infrastructure ; mais elle pourrait à court terme se traduire par un « spatial mismatch », qui nécessite de poursuivre les efforts en matière de formation première et continue, de développer une offre résidentielle nouvelle correspondant aux nouveaux emplois, mais aussi de maintenir une réelle mixité des emplois et des activités ; plus généralement une répartition plus équilibrée des emplois entre Paris et les centres secondaires pourrait permettre une diminution de la longueur des déplacements d’une partie importante de la population.

- les pôles d’emploi périphériques (villes nouvelles, Roissy) comme tous les pôles structurent bien leur territoire, mais au prix d’une forte utilisation de la voiture faute d’offre de TC locale ; par ailleurs ils génèrent des flux descendants de Paris contribuant à une meilleure utilisation des infrastructures, mais aussi des flux de pôle à pôle. Ils ont permis une réduction de la distance domicile-travail dans leur environnement, même si leur bassin d’emploi tend à s’étendre vers l’extérieur de la région.

3.2 Les déplacements professionnels sont mal connus ; ils semblent se développer à toutes les échelles

Les déplacements professionnels (liés à l’activité professionnelle ) ne sont pas aussi structurant que les déplacements domicile-travail mais renseignent sur le fonctionnement de la région, sur les liens nécessaires entre les pôles, et plus largement sur les bénéfices de la concentration et du desserrement polarisé ou non des activités. Dans cette optique il faudrait en particulier s’intéresser aux déplacements liés à des équipements indispensables (aéroport, parcs des expositions…), ou aux déplacements liés à la recherche de contact en face à face, réguliers ou occasionnels. La proximité facilite les rencontres, mais quand la coprésence est-elle souhaitée ? se réalise-t-elle au sein des entreprises qui regroupent leurs établissements voire leurs fournisseurs (exemple du technocentre de Renault) au sein des pôles secondaires, ou à une échelle plus large ? de façon régulière, ou plus occasionnelle ? Qui sont les actifs concernés ?

Cette question est peu documentée, en dehors des travaux de G. Crague à partir des enquêtes transport 1981-1993. Il constate une mobilité professionnelle croissante, dont la portée est supérieure à celle des navettes, et augmente avec le niveau hiérarchique des catégories socioprofessionnelles.

L’EGT confirme pour l’Île-de-France une forte progression des déplacements professionnels sur la période 1991-1997 malgré une baisse de l’emploi : cette hausse est particulièrement sensible en Seine-et-Marne ( 25%) et dans les Yvelines (21%) où l’emploi se développe, et à Paris (11%) et dans les Hauts-de-Seine (19%) malgré un repli de l’emploi sur la période. La progression est plus nette lorsque ces déplacements sont internes au département, mais elle reste importante lorsqu’elle est interdépartementale. Cette question devra être plus amplement étudiée, en particulier en désagrégeant les résultats par type d’emploi.

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3.3 Pendant l’année universitaire, les étudiants résident près de leur lieu d’étude

Pour comprendre les déplacements des étudiants vers leur lieu d’étude on s’est intéressé ici au principaux pôles que dessinent les lieux d’étude des étudiants de 19 à 25 ans et qui correspondent aux principaux sites universitaires. Selon le Recensement de 1999, 227 000 jeunes de 19 à 24 ans étudient à Paris dont 213 000 habitent pendant l’année universitaire en Île-de-France ; parmi eux, 52% déclarent résider à Paris pendant l’année scolaire, et 27% en petite couronne. Si on divise (arbitrairement) Paris en quatre pôles d’étude, on constate que ces étudiants parisiens tendent à résider dans les arrondissements où ils étudient : 43% des étudiants de Paris est (4eme, 11eme, 12eme, 20eme) résident dans ces mêmes arrondissements.

Lieu d'étude Paris Paris Paris Paris Total Lieu rés. Ouest Nord Est SudParis Ouest 22 413 2 187 1 264 10 495 36 359 Paris Nord 2 670 12 379 1 305 6 285 22 639 Pars Est 2 270 2 336 10 698 7 023 22 327 Paris Sud 3 175 1 127 882 24 339 29 523 75 30 528 18 029 14 149 48 142 110 848 92 7 756 3 370 1 676 11 968 24 770 93 3 399 4 094 2 273 7 069 16 835 94 3 023 2 183 2 209 9 140 16 555 proche couronne 14 178 9 647 6 158 28 177 58 160 77 2 163 1 865 1 428 5 422 10 878 78 4 138 2 140 1 134 5 311 12 723 91 2 134 1 309 1 097 6 061 10 601 95 2 571 2 624 1 090 3 515 9 800 grande couronne 11 006 7 938 4 749 20 309 44 002 Ile de France 55 712 35 614 25 056 96 628 213 010 Total 59 773 38 795 27 306 101 895 227 769

Lieux de résidence des étudiants dont le lieu d'étude est parisien

Paris Ouest : 17ème, 16ème, 8ème, 7ème, 15ème et 1er arrondissements Paris Nord : 18ème, 19ème, 9ème, 10ème, 2ème et 3ème arrondissements Paris Est : 11ème, 12ème, 20ème et 4ème arrondissements Paris Sud : 13ème, 14ème, 5ème et 6ème arrondissements. En petite couronne, les pôles de formation recrutent dans leur quadrant, principalement dans leur département mais aussi à Paris. L’influence de Saint-Denis Villetaneuse, et Nanterre déborde sur le Val d’Oise et les Yvelines, tandis que Créteil s’inscrit bien dans le Val-de-Marne, mais c’est la limite asymétrique de la petite couronne qui est en cause. Le lieu de résidence des étudiants des Villes Nouvelles dessine des zones de recrutement à la forme ramassée, c’est moins net pour Cergy dont l’influence recouvre en partie celle de Nanterre. Les parisiens étudient cependant assez souvent dans ces Villes Nouvelles, bien reliées à la capitale par des transports en commun rapides qu’ils peuvent utiliser à contre-sens.

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Globalement il semble donc que la proximité (et secondairement l’accessibilité) soit un critère très déterminant pour les étudiants : soit ils résidaient déjà près de leur lieu d’étude, soit ils disposent d’un logement à proximité. Ce résultat important, mériterait d’être précisé par cycle et filière cependant il est corroboré par le diagnostic de M. Pouchain, ancien président de l’université Paris13, qui considère que les deux difficultés majeures auxquelles Paris 13 doit faire face sont les transports et le logement. « - les transports : le tramway et la tangentielle sont essentiels pour irriguer le territoire et relier tous les sites universitaires. Les transports conditionnent la carte de l’offre de formation, et celle de la recherche. Il est anormal que l’université de Villetaneuse ne soit toujours pas desservie. -les logements qui n’avaient été prévus que dans le cadre du projet d’accueil des jeux olympiques, sont essentiels au développement de la mobilité internationale et pour les étudiants boursiers ; ils accompagnent le développement de la carte de formation. L’université Paris 13 a encore un potentiel foncier important, notamment sur le campus de Villetaneuse, à préserver pour des projets communs Paris 13 et Paris 8. Pourquoi ne pas envisager des constructions sur le campus de Villetaneuse à l’exemple de l’arrivée du centre scientifique et technologique de l’IUFM de Créteil ; on peut penser aussi à la construction de bâtiments mixtes « entreprises recherche » pour l’incubation et le transfert, thèmes soutenus par le Conseil général, Plaine Commune, et l’EPA Plaine de France. Globalement l’université et les établissements d’enseignement supérieurs souffrent d’un manque de visibilité. Il faut structurer le pôle universitaire de la Plaine de France et jouer l’ouverture avec Paris » M. Pouchain Ce constat plaide pour deux principes complémentaires d’organisation de l’offre de formation supérieure : - une répartition équilibrée entre offre et besoin de formation sur chaque grand territoire, dans des sites bien desservis par les transports en commun. On sait par ailleurs que l’université et la recherche peuvent contribuer au développement de ces territoires.

- une offre de logements étudiants, et de transport adaptée lorsque les formations concernent des filières devant être regroupées pour différentes raisons de taille critique ou de concurrence européenne. Ces pôles d’excellence contribuent aussi à la lisibilité des pôles.

3.4 Les pratiques quotidiennes dessinent des sous-bassins de vie qui se superposent assez bien avec les sous-bassins d’emploi

Comment les territoires sont-ils vécus par leurs habitants au quotidien?

On ne dispose pas de cartes régionales des bassins de vie qui sont en général moins étudiés que les bassins d’emploi, faute de données complètes, alors qu’ils nous disent comment les territoires sont vécus par les habitants ? L’Agence d’Urbanisme du Mantois a réalisé sur l’arrondissement de Mantes une étude particulièrement utile qui identifie à la fois les sous-bassins d’emploi et les sous-bassins de vie, ce qui permet de les comparer. La méthode consiste à définir les pôles structurants à partir de leur niveau d’emploi ou d’équipement, puis à dessiner les bassins d’emploi et de vie à partir des migrations alternantes et des pratiques des habitant Les pôles sont classés en fonction de la quantité et de la qualité des services

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offerts ; l’hôpital, le laboratoiresd’analyses médicales, le lycée, la piscine, le centre culturel et le cinéma18 qualifient les centres majeurs.

Premier résultat, à la fois banal et important, les aires d’attraction de ces équipements et les sous bassins d’emploi ont des périmètres proches, parce que ces villes restent à la fois les premiers pôles d’emploi et de service locaux ; l’histoire urbaine et la géographie sont déterminantes, comme le rappelle ici l’influence prépondérante des possibilités de franchissement de la Seine ; les deux centres qui dominent peuvent s’appuyer sur une ville sœur sur l’autre rive reliée par un pont, Mantes la Jolie-Mantes la Ville, Meulan-Les Mureaux. On peut donc délimiter des grands bassins de vie, à la fois bassins d’emploi et pôles de services.

Deuxième résultat, ces grands bassins de vie contiennent eux-mêmes des bassins de vie de proximité bien identifiés, capables d’offrir les services courants. Le territoire fonctionne donc localement à deux échelles emboîtées, mais s’inscrit également dans des échelles plus larges, à la fois pour les équipements supérieurs (université, loisirs…) et l’accès aux grands pôles d’emploi régionaux desservis. En effet l’étude écarte délibérément les déplacements hors de l’arrondissement, mais les rappelle dans le schéma de fonctionnement proposé. Le diagnostic proposé pour le Mantois, d’un fonctionnement à plusieurs échelles avec une réelle structuration locale, a été confirmé par une étude similaire sur Rambouillet menée par la DDE des Yvelines ; ces résultats ont l’avantage d’être étayés par des observations précises, mais ils correspondent aussi aux conclusions de travaux plus empiriques sur les autres villes de la périphérie.

MANTES ET RAMBOUILLET VILLES RELAIS

Dans un espace régional métropolisé, les relations centre-périphérie prévalent. Situées à une cinquantaine de kilomètres de la capitale à laquelle elles sont reliées par des infrastructures majeures ferrées et routières, l’agglomération de Mantes et la ville de Rambouillet sont fortement soumises à l’influence métropolitaine.

Cependant, l’étude des fonctions urbaines, l’examen de la fréquentation d’équipements et services tels qu’hôpital, lycée, cinéma, piscine…, le recensement des déplacements domicile-travail hors Paris et sa proche banlieue font apparaître le rôle important de villes relais que jouent Mantes et Rambouillet.

L’étude réalisée par l’agence d’urbanisme du Mantois (AUMA) sur l’arrondissement de Mantes dont la méthodologie a été reprise par la DDE pour le Sud des Yvelines permet de délimiter des grands bassins de vie autour de chacune de ces villes. Mantes, pôle régional du SDRIF, polarise une soixantaine de communes dans la vallée de la Seine et son influence s’étend au sud vers Houdan. L’aire d’attraction de Rambouillet, ville trait d’union du SDRIF, s’étend sur une trentaine de communes du Sud des Yvelines et déborde sur le Nord de l’Eure et Loir.

La politique d’aménagement du territoire qui sera mise en œuvre, notamment à travers son volet de programmation des équipements structurants permettra de consolider ces pôles qui jouent un rôle important dans l’organisation de l’armature urbaine de ce quadrant de la région Île de France.

DDE des Yvelines

18 Méthode empruntée à M. Wiel qui l’a appliquée à Brest.

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Mais certaines de ces villes rencontrent aussi des difficultés pour structurer leur territoire du fait de liaisons insuffisantes avec les autres pôles, d’une urbanisation insuffisamment contrôlée de l’espace rural, de structures intercommunales ne correspondant pas toujours aux échelles pertinentes.

PROVINS La ville de Provins qui compte 12 000 habitants constitue avec Rouilly et Saint-Brice un pôle urbain19 de plus de 6000 emplois au centre d’une couronne périurbaine20 de 15 communes qui n’appartient pas à l’aire urbaine de Paris.

Elle dispose d’équipements publics de première importance dont le rayonnement dépasse le cadre du pays provinois, en particulier au profit des franges les plus proches du département de l’Aube et du nord-est de l’Yonne : un hôpital et trois lycées. La future filière universitaire pour la formation de guides-conférenciers spécialisés dans le patrimoine médiéval s’adressera aussi bien aux étudiants du bassin parisien qu’à ceux de régions limitrophes.

Mais la ville ne dispose pas d’une bonne desserte ferrée ou routière et c’est une des raisons pour laquelle, elle ne peut à l’heure actuelle donner toute la mesure du rôle qui lui est assigné au sein de la région et connaître le développement correspondant. Cette situation devrait cependant évoluer positivement à moyen terme en ce qui concerne les dessertes ferrées (réflexions S.N.C.F. / régions Île-de-France et Champagne - Ardennes) et routière (Conseil général : projet d’élargissement de la RD 231 qui améliorera la liaison de Provins avec la RN 4 et l’A4, c’est à dire à la fois vers la capitale et vers les régions de l’est et l’international).

Par ailleurs, Provins possède un caractère architectural et urbain propre et bien défini : son histoire ne la lie pas à Paris mais à la Champagne dont les foires constituaient, du XIIIème au XIVème siècle, le centre économique de l’occident. La richesse de son patrimoine historique, sa situation remarquable comme point de convergence visuelle sur le plateau de Brie, la proximité d’autres espaces naturels différenciés dans La Bassée et le Montois (constitués aujourd’hui en pays) doivent être mis à profit pour renforcer l’attrait touristique de la ville de Provins, récemment classée à l’inventaire du patrimoine mondial de l’Unesco, et de ses alentours.

Les fêtes données au cours de l’été (fête médiévale et fête de la moisson) constituent des actions de promotion positives. Les efforts des communes du canton de Villiers-Saint-Georges pour mettre en valeur des activités touristiques saisonnières (train touristique, autrucherie, spectacles de nuit en été …) vont dans le même sens. Il conviendrait, aussi de renforcer l’équipement

Cela dit, le tourisme ne peut soutenir à lui seul l’activité économique du secteur. Or, la situation sur le bassin d’emploi de Provins est préoccupante et l’année 2002/2003 s’est révélée particulièrement sévère (délocalisation hors Île-de-France, dont une à l’étranger, de deux entreprises du secteur)

Au-delà des raisons conjoncturelles difficilement maîtrisables de l’économie de marché et de son internationalisation, des raisons structurelles propres au secteur peuvent être avancées :

- une contrainte géographique forte, en termes d’accessibilité, sur le développement du site industriel de la vallée de la Voulzie.

- jusqu’à une date récente, l’absence de cohésion entre les acteurs politiques du secteur avec la coexistence sur le bassin de vie de Provins de deux intercommunalités (S.I.A.C. et communauté de communes de la Gerbe). La recomposition en cours des intercommunalités autour de Provins 19 Pôle urbain : unité urbaine (agglomération) comptant 5 000 emplois ou plus. 20 Couronne périurbaine : communes (ou unités urbaines) dont 40% ou plus des actifs résidents travaillent hors de la commune (ou de l’unité urbaine) mais dans l’aire urbaine.

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(une commune de la Gerbe a opté pour rejoindre le S.I.A.C., d’autres sont candidates) devrait offrir un cadre institutionnel rénové, en particulier pour la gestion de la zone d’activité intercommunale des Panevelles.

- le risque de développement immodéré des bourgs, villages et hameaux (B.V.H.) en particulier en ce qui concerne les zones réservées à l’implantation d’activités : toute implantation dispersée sur des petites zones, en dehors des zones d’activités prévues par les documents de planification, pénalise la réalisation de ces dernières.

DDE de Seine-et-Marne

En conclusion Ces différentes approches du fonctionnement de la région urbaine, bien que très incomplètes, sont suffisamment convergentes pour conclure à un fonctionnement à plusieurs échelles emboîtées ; les déplacements effectifs des actifs vers leur lieu de travail, et ceux des étudiants nous montrent que même dans la zone dense le fonctionnement local reste une composante majeure de l’organisation métropolitaine. Les bassins de vie des villes de la couronne peuvent être clairement identifiés ; ils débordent en général sur les régions limitrophes. Une étude sur l’aire d’attraction des cinémas à partir d’une enquête auprès des clients a montré que les établissements parisiens ont une aire de chalandise assez large, mais qu’en petite et grande couronne on distingue des établissements de proximité à recrutement local, ou des établissements type multiplexes dont le rayonnement est intermédiaire21. Enfin l’examen de l’ensemble des déplacements à partir de l’EGT22 montre que les territoires sont à la fois très autonomes et insérés dans la région, ce qui correspond à la définition que nous avons donnée du polycentrisme : plusieurs centres attractifs, mais qui forment système.

L’insuffisance de la prise en compte de cette échelle locale, et de la solidarité entre les niveaux, génère la ville éclatée alors qu’au contraire, le bon fonctionnement local est probablement une condition de l’efficacité métropolitaine.

21 ARAUC 1999, « les multiplexes, impact sur la mobilité et l’urbanisation en Île-de-France » Dreif-Drast. 22 Voir rapport « Mobilité »

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4. Poursuivre l’évolution vers le polycentrisme?

4.1 Le polycentrisme, une forme nouvelle ?

Selon le principe de base de l’économie géographique, les villes sont le résultat de puissantes forces d’agglomération qui génèrent à leur tour des forces centrifuges. Les forces d’agglomération sont nombreuses : elles regroupent les économies d’échelle, les coûts de transport, la proximité de grands marchés, l’abondance de main-d’œuvre, la présence de grands équipements, la possibilité pour les couples bi-actifs de trouver deux emplois, et surtout la circulation rapide et informelle de l’information devenue indispensable pour l’innovation. Les forces de dispersion sont liées à la concentration qui produit des phénomènes de congestion : hausse des prix du foncier, des logements, des locaux d’activité, des salaires, difficultés de transport, concurrence sur les marchés sont généralement cités. Les localisations des entreprises et des ménages qui résultent de compromis entre ces forces et leurs besoins et organisations propres, déterminent la forme des villes ; les forces mises en avant relèvent surtout des logiques productives mais concernent aussi les biens publics locaux que peuvent rechercher les ménages ou les entreprises comme la qualité urbaine, l’offre culturelle, l’offre de formation, l’accès à la nature, plus généralement l’offre résidentielle, la gouvernance. Mais en réalité le choix des entreprises et des ménages est guidé par un certain nombre de signaux (dont les prix des transports) qui ne reflètent pas toujours les véritables coûts, par les stratégies d’agents privés influents (les investisseurs), et par les politiques locales ou nationales : un système de transport efficace diminuera la congestion, il favorisera l’étalement s’il est sous-tarifé…. Les villes se développent donc parce qu’elles procurent de puissantes externalités positives, mais elles génèrent des forces de dispersions, qui produisent de l’étalement diffus ou des formes polycentriques s’il est organisé. Le polycentrisme qui permettrait de préserver les avantages d’agglomération tout en diminuant la congestion serait donc en théorie le moyen d’éviter le moment où les déséconomies d’agglomération l’emportent sur les avantages23. Un système polycentrique peut alors avoir une taille supérieure à celle d’une ville monocentrique. Mais diminuer la congestion, tout en préservant les bénéfices d’agglomération de plus en plus liés aux contacts, ne va pas de soi. Cela nécessite de limiter les besoins de coprésence qui se jouent à l’échelle de l’agglomération, et semble plus facile à obtenir dans un système peu hiérarchique, fonctionnant davantage en réseau, multipliant ainsi les flux à contresens.

L’évolution des villes aux Etats-Unis a vu se succéder la périurbanisation des populations à la recherche d’espace et de nature, puis celle du commerce de détail suivie de l’apparition des centres commerciaux et d’entreprises manufacturières (1960), et successivement des activités de back office (1970) et de front office(1980) 24. L’ensemble de ces mouvements cumulatifs finissant par former de nouvelles centralités, edge cities, complémentaires ou même concurrentes de l’ancien centre. Mais la thèse du déclin de ces centres est discutée25 ; selon 23 Gerard-Varet L.A. Mougeot M, 2001 l’Etat et l’aménagement du territoire, CAE , La documentation française. 24 Boiteux-Orain C., Huriot J.M. 2002, modéliser la suburbanisation, RERU no1 25 Huriot J.M. 2002 Services aux entreprises et nouvelles centralités urbaines Rapport provisoire

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Huriot toutes les villes américaines présentent d’importants centres secondaires, souvent localisés le long des voies de communication, mais d’une part le centre principal est resté le plus important, et d’autre part une grande partie des emplois est aussi localisée en dehors des centres. En France et plus généralement en Europe on n’a pas observé un mouvement aussi fort ; probablement parce que les centres sont plus attractifs, mais aussi parce qu’un polycentrisme « historique »26préexiste ; aurait-il évité la création de nouveaux centres ? Toujours est-il que les nouvelles centralités y sont souvent le fait de décisions volontaristes. Ces trente dernières années ont été marquées en France par une poursuite de l’urbanisation associée à un étalement urbain27 ; selon une étude de l’évolution de l’emploi salarié privé entre 1989 et 1996 dans l’ensemble des aires urbaines françaises ( Lainé 1998), l’emploi se développe désormais plus vite dans l’espace périurbain que dans les pôles urbains. L’évolution est particulièrement nette dans les grandes agglomérations, et, en comparaison, paraît relativement modérée dans l’aire urbaine de Paris affectée par un moindre dynamisme dans la période étudiée ; dans le cas d’une reprise durable de la croissance de l’activité en Île-de-France, risque-t-on de voir s’accélérer la réorganisation de l’espace déjà observée en période de stagnation? A. Aguilera conteste également la thèse du déclin du centre historique : selon ses travaux qui portent sur l’évolution de la localisation des services aux entreprises à Lyon, les pôles qui émergent sont plutôt complémentaires « et permettent de maintenir la centralité métropolitaine à une échelle plus large que celle du seul centre historique »28 Les évolutions observées en Île-de-France ne sont donc pas exceptionnelles, le principe du polycentrisme décidé en 1965 correspondait à un mouvement naturel et ancien qu’on a voulu organiser, mais dont on a néanmoins modifié l’échelle. Sous réserve d’un bon fonctionnement, il peut permettre l’élargissement de l’échelle de la centralité.

4.2 La structuration actuelle de l’Île-de-France ne semble pas optimale

Le desserrement va-t-il se poursuivre? Dans la période récente de stagnation de l’emploi, et de moindre attractivité démographique, le desserrement de la Région, avec diminution de la densité humaine dans la zone centrale et croissance à la limite de l’agglomération, a continué et s’est même accéléré pour l’emploi. A Paris, les logements nouveaux ne font souvent que remplacer les démolitions, et il parait difficile dans les conditions actuelles d’accueillir une population plus nombreuse ; de même les constructions de bureaux ne permettent pas certaines années d’augmenter les surfaces. La requalification des sites de petite couronne pourra-t-elle se traduire par une densification permettant de limiter le besoin de desserrement observé dans les années 90 ? Les évolutions très récentes de l’emploi dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis permettent un certain optimisme, sans qu’on puisse en déduire la fin du desserrement en particulier du fait du besoin en équipements et en espace, des ménages. Il est certainement indispensable de développer des espaces verts et de détente en zone centrale si on veut y retenir les familles et éviter de longs déplacements vers des espaces de loisir périphériques. D’une manière générale la nature en ville participe à la limitation de la pression sur les espaces naturels. Les disparités entre l’est et l’ouest se sont aggravées, surtout en petite couronne.

26 Camagni R, Gibelli M.C., Rigamonti P, forme urbaine et mobilité : RERU 2002-1. 27 Bessy-Pietri P. 2000, “ Les formes récentes de la croissance urbaine“ économie et statistiques no 336 28 Aguilera A. « services aux entreprises, centralité et multipolarisation. Le cas de Lyon » RERU 2002-3.

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De nombreux travaux ne retiennent que l’opposition centre-périphérie ; soit le diagnostic est mené par couronne, la structuration est donc induite par le découpage retenu et n’est pas pertinente dans la zone dense même si elle le reste à l’échelle du Bassin parisien ; soit on entérine le fait que le centre serait désormais situé dans les Hauts-de-Seine ou porte Maillot, plaçant alors l’est de la petite couronne en situation de périphérie. Mais ce déplacement du centre, n’est pas à terme efficace car le système de transport en commun reste centré sur Paris pour longtemps. L’est de la petite couronne, est moins bien desservi que l’ouest, mais dispose déjà d’une desserte de base, bénéficie d’une densité équivalente aux plus grandes villes de province, d’avantages de localisation difficilement reproductibles (proche de Paris, Roissy, Orly…), et d’un patrimoine social et bâti à valoriser. Les disparités observées sont source d’inégalités de chance dès le collège et doivent donc être prises en compte par les politiques publiques. Le fonctionnement de la région, vu au travers des déplacements, indique un fonctionnement à plusieurs échelles correspondant bien à la définition du polycentrisme comme un système composé de plusieurs pôles attractifs même si Paris reste dominante. L’ensemble de la région urbaine forme bien système, les territoires sont interdépendants, et structurés régionalement ; mais chaque pôle organise aussi son territoire en sous-bassins de vie et d’emploi. Or toute demande de déplacement satisfaite localement ne viendra pas encombrer le niveau supérieur, permettant alors au polycentrisme de procurer ses avantages : réduire la congestion, en gardant les bénéfices de l’agglomération. Dans l’ensemble de la région urbaine, de nombreux centres structurent bien leur territoire, certains deviennent de vrais pôles d’emploi secondaires et génèrent des flux à contresens. En s’affirmant, ils contribuent à leur périphérie à un rapprochement domicile-travail, mais au prix d’une large utilisation de la voiture faute d’offre de transport. Mais ils contribuent aussi à l’étalement résidentiel car leurs aires de recrutement s’élargissent dès que l’armature urbaine s’affaiblit. Le risque de dilution du polycentrisme du fait d’une urbanisation diffuse est réel car l’emploi se développe en dehors des pôles et les bourgs et villages accueillent une population nouvelle. Si la nature en ville participe à la limitation de la pression sur les espaces naturels, l’alternance de pôles urbains et d’espaces naturels permet d’apporter avec une souplesse relative, des réponses aux problématiques environnementales concernant notamment la préservation des paysages naturels, la sauvegarde du patrimoine biologique, la prise en compte et la prévention des risques naturels. Les espaces naturels interstitiels ne doivent donc pas être considérés comme des espaces résiduels. Ils assurent un certain nombre de fonctions et peuvent contribuer à déterminer les contours des pôles urbains de développement.

Certaines continuités ou corridors biologiques revêtent une importance pour la diversité biologique qui dépasse le cadre régional : certains sont inscrits au Réseau National Ecologique ( arc Rambouillet-Fontainebleau, corridor vallée de l’Oise, arc Marne-Seine,…) Les paysages naturels classés au titre de la loi de 1930 sur la protection des paysages, associés aux espaces agricoles porteurs de paysages plus ordinaires, constituent des ensembles paysagers répondant aux besoins culturels et récréatifs des populations locales. Les espaces soumis au risque naturel d’inondation sont destinés à jouer un rôle dans la prévention et la limitation des effets des inondations par l’aménagement d’espaces destinés à l’expansion ou la rétention des crues. (Diren)

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Le polycentrisme en Ile-de-France

4.3 Privilégier un bon fonctionnement local, pour améliorer l’efficacité du système métropolitain.

Deux pistes sont proposées qui visent à privilégier un bon fonctionnement local, pour favoriser le système métropolitain ; il s’agit de s’appuyer sur le polycentrisme existant, en le renforçant, grâce à une répartition moins hiérarchique des fonctions conformément aux tendances déjà observées ces dernières décennies, et en favorisant son fonctionnement par une meilleure prise en compte des différentes échelles. Un meilleur fonctionnement repose aujourd’hui sur une répartition plus équilibrée des emplois et des équipements car le système de transport comme variable d’ajustement montre ses limites : - après l’extension de Paris vers l’ouest, s’appuyer sur les dynamiques récentes pour permettre son extension vers l’est à partir des pôles émergents, et replacer ainsi le cœur de la région au cœur du système de transport. Utiliser ainsi les richesses latentes, dues à une localisation exceptionnelle et des infrastructures de base à améliorer mais déjà existantes. En rééquilibrant les taux d’emploi, on pourra réduire la congestion sur le réseau de transport existant, en particulier la ligne A du RER, plus sûrement et plus durablement qu’en augmentant l’offre indéfiniment. Les flux domicile-travail se réduisent lorsque l’offre et la demande d’emploi sont en adéquation quantitativement et qualitativement 29; il convient donc de favoriser le maintien de la mixité sociale et fonctionnelle, encore caractéristique de Paris, et de maintenir et développer des activités à valeur ajoutée relativement faibles, mais complémentaires de celles qui caractérisent les secteurs de l’hypercentre économique. Ainsi le secteur de l’audiovisuel comprend un pôle autour du 15eme arrondissement et de Boulogne, organisé par les « poids lourds » du secteur30, et une concentration complémentaire d’implantations à l’est de Paris (Paris est, Saint-Denis, Montreuil..), correspondant à de petites entreprises plus jeunes et innovantes, à la recherche de loyers peu élevés et d’un milieu attractif. C’est ce type de complémentarité, qui doit être recherché, pour conserver la diversité. - renforcer les centres secondaires, leur permettre de fonctionner en réseau, et préserver des espaces naturels et agricoles qui les séparent ; ces trois objectifs sont évidemment inséparables et se renforcent mutuellement. Renforcer les centres secondaires, c’est accroître leur attractivité en les dotant des équipements correspondant à la demande locale ; les renforcer en préservant les espaces naturels c’est favoriser une certaine densité, et par conséquent, améliorer la qualité et la diversité de l’offre urbaine. En effet la densité n’est pas bonne en soi, ou recherchée pour elle même ; on choisit d’habiter une zone dense « pour ses corrélats…la desserte en transports en commun, mais aussi l’animation urbaine et l’accessibilité rapide à des services, des commerces et des équipements.31 ». Comme le rappelle E. Charmes, pour promouvoir la ville dense, c’est surtout ces avantages qu’il faut créer ; la présence d’équipements et services de proximité est donc essentielle, d’autant qu’elle permet à l’économie résidentielle de se développer. La localisation de nouveaux grands équipements (multiplexes ou centres commerciaux), devrait être évaluée à l’aune de leur contribution au renforcement des fonctions de centralité et de densification des pôles desservis. La force et les modalités d’expression d’une telle orientation au niveau du schéma directeur méritent un examen approfondi.

29 Baccaïni B. 1997 30 selon l’expression et l’analyse du Crocis : Enjeux Île-de-France, decembre 2002. 31 Charmes E. 2002, « densifier les banlieues » Études foncières no 99.

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Renforcer les centres secondaires et permettre un fonctionnement en réseau, c’est promouvoir une offre de transport soucieuse des différents niveaux de centralités ; d’une part elle est respectueuse du fonctionnement local, au lieu de couper les territoires les infrastructures doivent relever d’un projet urbain global ; d’autre part l’organisation régionale très radiale devrait être progressivement remplacée par une structure plus alvéolaire de manière à éviter d’aller chercher toujours plus loin les actifs du pôle central. Les expériences visant à prolonger la carte orange au delà de la limite régionale ne vont pas dans le bon sens, mais seront inévitables tant que le système, dont la tarification, restera aussi fortement centré sur Paris. On pourrait imaginer une tarification progressive selon la distance calculée à partir du domicile, qui éviterait les effets frontières. C’est en partie le système mis en place en Picardie ; mais d’une part les tarifs réduits ne concerneront que les flux vers l’Île-de-France ce qui pénalisera les éventuels flux à contresens, d’autre part la distance autorisant ces tarifs est si élevée qu’elle s’inscrit dans une perspective de mobilité généralisée non durable. On pourrait également s’inspirer du système proposé aux étudiants avec la carte ImagineR, qui prend déjà en compte le fonctionnement à plusieurs échelles : en effet le tarif dépend du nombre de zones choisi en semaine mais le titulaire de la carte peut aussi se déplacer dans toute la région le week-end. Par analogie, un parisien pourrait bénéficier d’un tarif couvrant essentiellement tous ses déplacements dans la zone 1, plus quelques déplacements par mois dans la région, idem pour d’autres lieux de résidence. Le fonctionnement en réseau, garantissant l’effet système c’est probablement une offre de transport hiérarchisée, combinant offre locale et offre métropolitaine, ce qui pourrait se traduire par des services différenciés notamment en matière de vitesse. Renforcer les centres secondaires c’est aussi y développer l’emploi : le passé récent a montré que cela permet de diminuer les distances domicile-travail, et participe de la constitution de vrais centres urbains. Les espaces naturels et agricoles doivent être reconnus comme une infrastructure de base du polycentrisme. Renforcer la protection des espaces naturels et agricoles, c’est d’abord reconnaître et préciser leurs différentes fonctions, qu’elles soient économiques et liées à l’activité agricole, ou d’accueil d’activités de loisir et d’accès à la nature pour les citadins, ou plus généralement de contribution à un environnement de qualité. Étant donnée l’inévitable pression exercée sur les espaces périurbains, seules des prescriptions fortes et impératives, éventuellement complétées par des prescriptions plus qualitatives, permettront de préserver le polycentrisme historique caractéristique de l’Île-de-France, offrant de véritables respirations entre les pôles. Les liaisons inter pôles et notamment les équipements de transports traversant nécessairement ces espaces naturels, doivent être conçus de telle façon qu’ils respectent leur intégrité et leurs fonctions. C’est donc en considérant ces espaces comme une infrastructure du territoire sur laquelle une organisation multipolaire de l’urbanisation peut s’appuyer qu’on pourra les protéger. Ces objectifs sont évidemment inséparables et leur mise en œuvre dépend à la fois des volontés locales et du soutien des politiques régionales. L’initiative revient aux communes et à leurs regroupements qui sont indispensables pour situer les projets à la bonne échelle, celle des bassins de vie de proximité, et celle des grands bassins de vie et d’emploi. Les intercommunalités qui se sont mises en place récemment correspondent à différents niveaux de centralité, et devront souvent se regrouper pour aborder les questions relevant d’une échelle supérieure et articuler ces différentes échelles. C’est le niveau régional qui est

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pertinent pour assurer la cohérence des projets, et indispensable pour promouvoir la solidarité car les dynamiques régionales s’imposent localement. Le niveau interrégional s’impose également car les bassins de vie et d’emploi ne s’arrêtent pas à la limite de l’Île-de-France ; seul le renforcement des pôles de la couronne interne ou externe à l’Île-de-France est susceptible de limiter l’élargissement de l’aire de recrutement de Paris.

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