le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la barceloneta en 2014

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    Le mouvement contre les appartements

    touristiques au quartier barcelonais de

    la Barceloneta en 2014

    Mémoire de recherche de 3ème année de Licence de Science Politique

    Université Paris VIII — Vincennes Saint-Denis

    Année 2014 - 2015

    Júlia Rodríguez Sánchez

    3ème année de Licence de Science Politique

    Directrice: Sylvie Tissot

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    Introduction 1

    I. L’émergence rapide d’un mouvement mobilisateur 3

    A. Le déclenchement 3

    1. Définition du mouvement 3

    2. La montée de la frustration 6B. La solidarité préexistante 8

    1. La tradition de résistance à la spéculation immobilière 8

    2. Structure sociale et réseaux de solidarité 9

    II. L’affaiblissement d’un mouvement peu organisé 12

    A. Une nouvelle forme de conflit de classe 12

    1. Un “nouveau mouvement social”? 12

    2. La persistance du clivage traditionnel 13B. Le déclin du mouvement 15

    1. Le refus d’une organisation hiérarchique 15

    2. Le déplacement de l’intérêt des médias 16

    3. La réponse de la Mairie 17

    Conclusion 18

    Bibliographie et sources 20

    Annexe 23 

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    Introduction“Trias, écoute, la Barceloneta est en lutte”. Au mois d’août 2014, les habitants du quartier de

    la Barceloneta criaient le nom du maire de Barcelone pour demander l’interdiction des

    appartements touristiques. Ces logements se trouvent dans les mêmes immeubles où habitent les

    résidants du quartier maritime, qui doivent supporter les actes inciviques des étrangers y séjournant.Loués à la nuitée ou à la semaine, ces appartements sont hautement rentables. Par conséquent, la

    spéculation immobilière a fait augmenter les prix des loyers et les habitants dénoncent que cela a

     provoqué l’expulsion de nombreuses familles.

    La Barceloneta est le premier quartier a avoir été construit hors des enceintes de Barcelone, en

    1753 . Ses premiers résidants étaient pêcheurs, qui ont été rejoints par des ouvriers lorsque le1

    quartier est devenu le centre d’activité industrielle de la ville au XIXe siècle. L'emplacement

    géographique et la forme urbaine de la Barceloneta font du quartier un village dans la ville. En

    effet, les liens sociaux crées entre ses habitants sont la base d’un des plus solides tissus associatifs

    de Barcelone.

    La proximité de la plage a fait du quartier une destination touristique. À l’occasion des Jeux

    Olympiques de 1992, la Barceloneta a été refaçonnée et depuis, le nombre d’hôtels, restaurants et

    commerces orientés aux touristes n’a cessé de d’augmenter. En 2010, avec le  Pla d’usos de Ciutat

    Vella  (“Plan d’usages de Ciutat Vella”, district où se trouve le quartier) la Mairie de Barcelone a

    interdit la construction de nouveaux hôtels et appartements touristiques . Cela a entraîné la hausse2

    des prix des chambres d’hôtel et la prolifération des appartements touristiques illégaux.

    Selon les voisins, ces appartements sont une option de logement bon marché pour le

    “tourisme low cost ” ou “tourisme d’ivresse” , responsable de troubler leur repos nocturne. La3

    situation est devenue “insupportable” l’été de 2014 et le 12 août ils ont initié un mouvement social

     pour l’interdiction des appartements touristiques. Le mouvement est apparu dans les journaux

    locaux, régionaux, nationaux et internationaux lorsqu’un habitant du quartier a publié sur Twitter4

    des photographies de trois touristes qui faisaient des courses dans un supermarché entièrement nus,

    en plein jour. Après deux semaines de manifestations de quelques centaines de personnes, le 30 août

    le mouvement a convoqué une manifestation suivie par 4.000 personnes selon les organisateurs et

    2.000 selon la police . En moins d’un mois, les mobilisations s’étaient étendues à 21 quartiers de5

     VENTEO, Daniel, La Barceloneta. Guia d'història urbana, Barcelone, Ajuntament de Barcelona, 2012, p. 7.1

     BALLBONA, Anna, “Ciutat Vella prohibeix obrir més hotels i pisos turístics en els quatre anys vinents”, El Punt Avui [en ligne], 252

    mars 2010, http://www.elpuntavui.cat/noticia/article/2-societat/-/151321-ciutat-vella-prohibeix-obrir-mes-hotels-i-pisos-turistics-en-els-quatre-anys-vinents.html (page consultée le 15 mai 2015)

     RAMÍREZ, Verónica, LEY, Marta, “'Turismo de borrachera', un arma de doble filo”, El Mundo [en ligne], 7 septembre 2014, http://3

    www.elmundo.es/grafico/economia/2014/09/07/5409dadc22601d191a8b458e.html (page consultée le 8 mai 2015)

     KASSAM, Ashifa, "Naked Italians spark protests against antics of drunken tourists in Barcelona", The Guardian [en ligne], 21 août4

    2014, http://www.theguardian.com/world/2014/aug/21/naked-italians-protests-drunken-tourists-barcelona (page consultée le 27octobre 2014)

     Agencia EFE, "Más de un millar de personas protesta en Barcelona contra los apartamentos turísticos",  RTVE.es [en ligne], 30 août52014, http://www.rtve.es/noticias/20140830/mas-millar-personas-protesta-barcelona-contra-apartamentos-turisticos/1002602.shtml(page consultée le 14 mai 2014)

      sur1 28

    http://www.theguardian.com/world/2014/aug/21/naked-italians-protests-drunken-tourists-barcelonahttp://www.elpuntavui.cat/noticia/article/2-societat/-/151321-ciutat-vella-prohibeix-obrir-mes-hotels-i-pisos-turistics-en-els-quatre-anys-vinents.htmlhttp://www.rtve.es/noticias/20140830/mas-millar-personas-protesta-barcelona-contra-apartamentos-turisticos/1002602.shtmlhttp://www.elmundo.es/grafico/economia/2014/09/07/5409dadc22601d191a8b458e.html

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    Barcelone qui ont le même problème . Toutefois, malgré le succès initial, le mouvement a perdu sa6

    force et aujourd’hui les appartements touristiques continuent à être loués aux visiteurs.

    Les médias ont qualifié les manifestations de “spontanées” , néanmoins il n’est pas habituel7

    que les mouvements sociaux émergent sans que des organisations préexistantes en soient les

    initiatrices . Pourquoi ce mouvement s’est-il initié à la Barceloneta? A-t-il été organisé par8

    l’association de voisins du quartier? Le but de ce mémoire est d’analyser quelles raisons

    historiques, sociologiques et démographiques confèrent au mouvement social contre les

    appartements touristiques de la Barceloneta un caractère fortement mobilisateur mais éphémère.

    Pour aborder cette question, tout d’abord nous avons effectué une revue de presse sur la

    chronologie du mouvement et une recherche bibliographique sur l’histoire et la forme urbaine du

    quartier. Ensuite, nous avons obtenu les données sur la morphologie socio-démographique de la

    Barceloneta au site web du Département de Statistiques de la Mairie de Barcelone. L’ouvrage de

    référence utilisé pour étudier ces éléments est Sociologie des mouvements sociaux d’Érik Neveu, où

    l’auteur présente différents approches théoriques et cadres d’analyse sur lesquels nous nous sommesappuyés pour construire l’argumentation. Premièrement, les théories du “comportement

    collectif” (collective behaviour ), qui “éclairent les mobilisations par une psychosociologie de la

    frustration sociale, la prise en compte du pouvoir explosif des aspirations et désirs frustrés” .9

    Deuxièmement, la théorie de la mobilisation de ressources, qui entend un mouvement social comme

    une “entreprise de protestation qui rassemble des moyens pour les investir de façon rationnelle en

    vue de faire aboutir ses revendications” . Dernièrement, le corps de travaux sur les nouveaux10

    mouvements sociaux, qui prennent appui sur les singularités des mobilisations qui émergent dans

    les années soixante et soixante-dix pour renouveler l’analyse des mouvements sociaux .11

    Enfin, deux entretiens sociologiques ont servi à obtenir davantage d’information sur le début

    du mouvement et à contraster les données statistiques sur la morphologie socio-démographique du

    quartier. Le premier entretien avec Lourdes, vice-présidente de l’Association des voisins de l’Òstia,

    a permis de connaître le tissu associatif du quartier et les conflits entre les deux associations de

    voisins. En outre, l’entretien avec Sergio, Fernando et Esther, qui disent avoir initié le mouvement

    et qui refusent d’être interviewés séparément, nous a aidé à dessiner le profil sociologique des

     personnes mobilisées et à connaitre l’organisation du mouvement, son institutionnalisation.

    Dans un premier temps, nous analyserons le début du mouvement et les raisons de son

    émergence rapide, puis nous étudierons sa trajectoire et les causes de son affaiblissement.

    BLANCHAR, Clara, "Más de 20 barrios se unen contra el modelo turístico de Barcelona",  El País [en ligne], 21 septembre 2014,6

    http://ccaa.elpais.com/ccaa/2014/09/20/catalunya/1411240210_809038.html (page consultée le 27 octobre 2014)

     Agence inconnue, "Manifestación vecinal espontánea en la Barceloneta contra los pisos turísticos y el incivismo",  La Vanguardia 7

    [en ligne], 20 août 2014, http://www.lavanguardia.mobi/slowdevice/local/barcelona/20140820/54413864545/manifestacion- barceloneta-pisos-turisticos.html (page consultée le 14 mai 2015)

     NEVEU, Érik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, “Repères", 1996, p. 24.8

      Ibid., p. 38.9

      Ibid., p. 53.10

      Ibid., p. 66.11

      sur2 28

    http://ccaa.elpais.com/ccaa/2014/09/20/catalunya/1411240210_809038.htmlhttp://www.lavanguardia.mobi/slowdevice/local/barcelona/20140820/54413864545/manifestacion-barceloneta-pisos-turisticos.html

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    I. L’émergence rapide d’un mouvement mobilisateurLe mouvement contre les appartements touristiques de la Barceloneta a réussi à organiser une

    manifestation de 4.000 personnes seulement deux semaines après sa création. Puisque difficilement

    une telle force mobilisatrice peut être “spontanée”, nous expliquerons, moyennant la théorie

     psychosociale de Ted Gurr, les frustrations des habitants du quartier et comment elles ont nourri lemouvement. Également, il convient d’analyser comment les protagonistes du mouvement ont utilisé

    les structures sociales et les réseaux de solidarité préexistants pour faire aboutir leurs

    revendications.

    Cependant, pour pouvoir étudier le sujet, d'abord il est nécessaire de prouver qu’il s’agit

    effectivement d’un mouvement social.

    A. Le déclenchement1. Définition du mouvement

    Érik Neveu définit les "mouvements sociaux" de la manière suivante: "des individus, ayant

    souvent en commun d'appartenir à une même catégorie sociale, ont une revendication à faire valoir.

    Ils expriment leurs demandes par des moyens familiers comme la grève, la manifestation,

    l'occupation d'un bâtiment public” . Au mois d'août de 2014 des individus se sont manifestés à12

     plusieurs reprises dans le quartier barcelonais de la Barceloneta pour faire valoir une revendication

    très spécifique; ils demandaient la fermeture des appartements touristiques. Ces appartements sont

    situés dans les mêmes immeubles anciens et mal insonorisés où vivent les habitants du quartier.

    Selon ces derniers, les touristes qui séjournent dans les appartements sont responsables de nuisances

    sonores nocturnes et de nombreux actes inciviques, ils troublent leur vie quotidienne .13

     Neveu signale que le terme "mouvements sociaux" désigne les formes d'action collective, une

    notion difficile à définir car le mot "collectif" est polysémique. Les protagonistes de l'action

    collective agissent ensemble intentionnellement en défense d'un intérêt matériel ou d'une "cause".

    Reprenant l'expression d'Herbert Blumer, Neveu explique que "cette action concertée autour d'une

    cause s'incarne en 'entreprises collectives visant à établir un nouvel ordre de vie'. Ce 'nouvel ordre

    de vie' peut viser à des changements profonds ou, au contraire, être inspiré par le désir de résister à

    des changements; il peut impliquer des modifications de portée révolutionnaire ou ne viser que des

    enjeux très localisés" . Ainsi, les habitants de la Barceloneta se sont mobilisés pour résister aux14

    changements que les appartements touristiques ont provoqué dans leur "ordre de vie".

    D'autre part, un mouvement social se définit également par l'identification d'un adversaire . A15

     priori il peut sembler que les voisins (terme qu'ils utilisent pour parler d'eux mêmes) mobilisés ont

     plusieurs adversaires: les propriétaires qui louent les appartements aux touristes, les agences de

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 6.12

     KASSAM, Ashifa, op. cit.13

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 7-11.14

      Ibid ., p. 11.15

      sur3 28

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    location et Airbnb (un site internet qui permet de déposer des annonces pour louer des appartements

    de vacances à la nuitée ou à la semaine). Bien qu’ils ont entrepris des actions contre ces acteurs,

    l'adversaire principal du mouvement est la Mairie de Barcelone et son représentant Xavier Trias,

    maire de Convergència i Unió (une fédération de partis d'idéologie libérale, démo-chrétienne et

    catalaniste). Seulement 72 appartements dans la Barceloneta ont la licence de location pour

    touristes, alors que les voisins en comptent 1.500 environ. Le mouvement demande au maire la

    fermeture des tous les appartements (avec ou sans licence). Puisque les revendications ont été faites

    auprès d’une autorité politique, le mouvement peut être considéré un mouvement politique .16

    Pour rendre visibles leurs revendications, les protagonistes des mouvements sociaux agissent

    dans une arène. En s'inspirant librement des travaux de Stephen Hilgartner et de Charles Bosk,

     Neveu définit une arène comme "un système organisé d'institutions, de procédures et d'acteurs dans

    lequel des forces sociales peuvent se faire entendre, utiliser leurs ressources pour obtenir des

    réponses - décisions, budgets, lois - aux problèmes qu'elles soulèvent" . Il distingue deux types17

    d'arènes sociales, tous les deux utilisés par les voisins mobilisés. Médias, tribunaux, élections,

    Parlement et conseil municipal font partie des arènes institutionnalisées. À travers les actions

     protestataires, comme les grèves, les manifestations, les boycotts et les campagnes d'opinion, les

    activistes produisent l'arène des conflits sociaux.

    Lourdes, vice-présidente de l'Association des Voisins de l'Òstia, considère que le mouvement

    a commencé le 12 août. Lorsqu’elle discutait avec d’autres voisins dans la place du marché de la

    Barceloneta, ils se sont rendu compte qu’il y avait une grande quantité d’appartements loués à des

    touristes et pourtant, seulement 72 avaient la licence nécessaire. Lourdes et un peu moins d’une

    dizaine de personnes se sont concentrées en face de l’agence de location, qui se trouve dans la

    même place, pour protester et ils ont appelé la police. Après avoir vérifié que l’agence louait des

    appartements sans licence, le policier a dit aux concentrés qu’il allait déposer plainte. En effet, dans

    ce cas là, le mouvement agit dans l’arène institutionnelle. Le lendemain, les mêmes personnes se

    sont mobilisées pour répéter la même action. Lourdes explique que la réponse de la police était

    insatisfaisante car ils leur ont dit que le dépôt de plainte était en cours et que “cela prenait du

    temps”. Ainsi, les voisins ont décidé de porter plainte pour manquement aux horaires, puisque

    l’agence ne pouvait être ouverte que jusqu’à 20 heures du soir, alors que souvent elle restait ouverte

     jusqu’à 4 heures du matin. Ils ont répété même action, accompagnée de manifestations, tous les

    soirs pendant une semaine. Ainsi, l’arène des conflits sociaux est un espace d'appel, le mouvement

    social fait appel à ce “qu'il perçoit comme un refus de l'entendre ou de lui donner satisfaction au

    sein des arènes institutionnelles classiques” .18

    Selon la définition de mouvement social d’Érik Neveu, les protagonistes du mouvement

    appartiennent souvent à une même catégorie sociale. Tous les membres du mouvement social

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 13.16

      Ibid ., p. 17-18.17

      Ibid., p. 18.18

      sur4 28

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    interviewés dans le cadre de ce mémoire étaient d’accord sur le fait que le mouvement regroupe des

     personnes différentes, sans distinction de classe sociale ni de nationalité. Ils disent que “c’est un

    mouvement des voisins de la Barceloneta”. Puisque leur point en commun est l’appartenance au

    quartier, il convient de s’intéresser à l’histoire de la Barceloneta.

    La Barceloneta, également connue entre les barcelonais comme “le quartier de la plage” ou

    “le quartier de l’Òstia”, a été fondée au XVIIIe siècle pour y loger les anciens habitants du quartier

    de la Ribera, détruit pendant la Guerre de succession d’Espagne (1701-1714). La construction du

     premier quartier de Barcelone hors des ses enceintes n’a commencé qu’en 1753, et en 1759 il y

    avait 329 maisons d’un seul niveau. Le quartier avait 1.570 habitants, la plupart de classe populaire

    qui avaient pour métier le commerce de la mer et la construction .19

    Pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle et les premières décennies du XIXe, des

    nouvelles maisons ont été ajoutées au centre urbain originel et il a été autorisé de construire un

    étage additionnel sur les bâtiments anciens. Jusqu'à ce moment là, les maisons de la Barcelonetaavaient été individuelles, mais l'ajout d'un nouvel étage a favorisé la subdivision intérieure des

    nouveaux bâtiments en appartements de petites dimensions, les populaires "quarts de maison” qui

    existent encore aujourd’hui. Leur surface oscille entre les 28 et les 33 mètres carrés. La situation

    d'habitabilité s'est dégradée à partir de 1868 et 1872, lors de l'autorisation légale de la construction

    d'un quatrième et cinquième étage respectivement. Ainsi, les bâtiments sont devenus trop hauts pour

    des rues si étroites. Le quartier était insalubre et fortement touché par les épidémies, notamment la

    fièvre jaune en 1870. En 1880 la Mairie de Barcelone crée le “Plan d’élargissement de la

    Barceloneta”, un plan qui prévoit la construction de nouvelles rues plus larges et l’ajout d'unsixième et jusqu'à septième étage sur les anciennes maisons .20

    À partir de 1834, avec l'installation des ateliers Nuevo Vulcano (actifs jusqu'à 2010), s'est

    initié un processus d'industrialisation du quartier en parallèle avec l'interdiction de construction de

    nouvelles usines avec des machines à vapeur dans l'enceinte de Barcelone. Cela a transformé la

    Barceloneta en la concentration industrielle la plus importante de la ville jusqu’à la fin du XIXe

    siècle. La présence de grandes industries, qui requéraient beaucoup de main d'oeuvre, a amené des

    milliers de nouveaux résidents au quartier, souvent logés en très mauvaises conditions, voire dans

    des baraques construites sur la plage. En 1848, avec la  construction du chemin de fer qui reliait le

     port avec Barcelone, la Barceloneta devient stratégique pour l'économie de la ville . “Ici on a le21

     port, […] on avait le port pêcheur, on avait la Vulcano, on avait la Maquinista, on avait tout, on

    avait beaucoup de travail”, dit Lourdes. Lors de la première décennie du XXIe siècle, le chômage a

    augmenté dans le quartier et cela, ajouté à d’autres facteurs, a créé un état de tension qui a favorisé

    la mobilisation.

    VENTEO, Daniel, op. cit., p. 15-32.19

      Ibid ., p. 44 et 69.20

      Ibid ., p. 63-69.21

      sur5 28

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    2. La montée de la frustration

    Pour analyser les tensions présentes à la Barceloneta il est pertinent de mobiliser le cadre

    d’analyse développé par Ted Gurr dans son ouvrage Why Men Rebel? (1970), repris par Érik Neveu.

    Ce cadre d’analyse, inscrit dans le modèle de la théorie du comportement collectif, est basé sur la

    notion de  frustration relative. “Celle-ci désigne un état de tension, une satisfaction attendue et

    refusée, génératrice d’un potentiel de mécontentement et de violence. La frustration peut se définir

    comme un solde négatif entre les ‘valeurs’ — ce terme peut désigner un niveau de revenus, une

     position hiérarchique mais aussi des éléments immatériels comme la reconnaissance ou le prestige

     — qu’un individu détient à un moment donné et celles qu’il se considère comme en droit d’attendre

    de sa condition et de sa société” . “L’hypothèse de Gurr consiste à voir dans l’intensité des22

    frustrations le carburant des mouvements sociaux. Le franchissement collectif de seuils de

    frustration est la clé de tout grand mouvement social” .23

    Quelles sont les frustrations cachées derrière le mouvement contre les appartements

    touristiques de la Barceloneta? L’interviewée Lourdes a répondu à cette question. Âgée de 55 ans,elle est la vice-présidente de l’Association des Voisins de l’Òstia (AVO). Elle a participé au

    mouvement contre les appartements touristiques illégaux depuis son début. Lourdes est née à

    Granada, dans la communauté autonome d’Andalousie, au sud de l’Espagne, au sein d’une famille

    de classe populaire. Sa mère était agent d’entretien et son père était pêcheur. Ainsi, toute la famille

    se déplaçait à Barcelone tous les ans “pour faire la saison des sardines et des anchois”, du mois de

    mars ou avril jusqu’au mois de septembre ou octobre. En 1969, quand Lourdes était âgée de 8 ans,

    ils ont emménagé définitivement à la Barceloneta. Elle a grandi et a terminé le collège dans le

    quartier.Lourdes est une personne à mobilité réduite, elle se déplace en fauteuil roulant et elle peut

    marcher avec des béquilles avec beaucoup de difficulté. À cause de son handicap physique, elle a

    commencé à travailler comme vendeuse de billets de loterie à la place du marché lorsqu’elle avait

    18 ans et aujourd’hui elle continue à faire la même activité, au même endroit. Son travail lui a

     permis d’être en contact avec les habitants de la Barceloneta. “Tout le monde me connait ici, ils

    m’apprécient beaucoup”. Cela semble être vrai: on marche 300 mètres du lieu du rendez-vous (la

     place du marché) jusqu’aux locaux de l’association et elle croise quatre personnes qui l’arrêtent

     pour lui demander comment elle va, ou comment avancent les projets sociaux dans le quartier.

    Un des projets de l’AVO consiste à collecter des aliments pour les personnes en situation de

     pauvreté de la Barceloneta. “Machine elle te disait à toi, tu fais quoi? Je collecte des aliments. […]

    [Elle imite la voix d’une autre femme] Ah mais j’ai vu avec Mercedes des gens qui prennent des

    chariots pleins d’aliments. Oh là là, mais des pois chiches? Qu’ils mettent 4h à être cuits? Mais qui

    va y aller avec Mercedes, vous êtes folles. [Pause] Et ces gens, maintenant, ils sont obligés de venir

    chercher les pois chiches. […] Cette crise a mis beaucoup de gens à sa place”. La crise économique

     NEVEU, Érik, op. cit ., p. 40-41.22

      Ibid ., p. 43.23

      sur6 28

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    de 2008 a fait monter le chômage, qui est passé de 6,5% en 2001 à 14,1% en 2014. Un problème

    auquel les habitants du quartier n’étaient pas habitués, parce qu’il y a toujours eu du travail grâce à

    la pêche et à l’industrie.

    Un deuxième facteur qui a contribué à faire augmenter le chômage est l’arrivée du tourisme

    de luxe au port de Barcelone. Des grands yachts s’installent au port pendant de longues périodes et

     prennent des places autrefois occupées par les bateaux de pêche des habitants de la Barceloneta. Ces

     bateaux de pêche ont été déplacés vers les ports des villes de la banlieue barcelonaise. Lourdes

    explique que la Mairie de Barcelone a menti aux habitants du quartier lors des négociations pour la

    distribution des places du port. “Ils nous convoquent tous, les associations, les voisins qui veulent,

    avec la Mairie, ils nous offrent 900 emplois, former les gens, d’accord? […] Et personne n’est en

    train de former les jeunes, et les pas si jeunes, pour la réparation de bateaux […] Et eux, lorsqu’ils

    ont un maintien ou une réparation, ils amènent des garçons hollandais parce qu’ils sont des experts

    en ça. Alors ben, on est très en colère, parce qu’après ils nous donnent des miettes, à nous. Et ils

    disent qu’ils aident?!”. Lors qu’un bateau a une panne, les réparateurs sont embauchés au paysd’origine de l’embarcation. En outre, selon Lourdes le tourisme des yachts ne rapporte pas d’argent

    aux commerces du quartier car ces embarcations disposent d’un grand nombre de services à

    l’intérieur.

    Au chômage s’ajoute une deuxième cause d’appauvrissement de la population de la

    Barceloneta: la hausse des prix des loyers. Cette augmentation de prix est en partie provoquée par la

    haute rentabilité de la location d’appartements aux touristes. En effet, les propriétaires peuvent

    gagner 3.000 euros par mois en les louant à la nuitée ou à la semaine aux étrangers, alors que les

    locataires de longue durée payent environ 650 euros. Cela entraîne l’expulsion indirecte desrésidants du quartier.

    Lourdes dit que le mouvement n’est pas contre les touristes car “le tourisme, c’est le futur”. À

    la Barceloneta il y a des touristes “depuis toujours” et les habitants du quartier les ont bien accueilli

    “parce qu’ils s’adaptaient” à la vie du quartier. Mais elle croit que le tourisme est devenu massif en

    2010. Selon les donnés recueillies par l’organisation officielle de promotion du tourisme à

    Barcelone (voir Figure 1, p. 23), 1,7 millions de touristes ont visité la capitale catalane en 1990. Le

    chiffre a presque doublé en 2000 (3,1M) et a atteint les 7,1M en 2007. Après une légère chute en

    2008 (6,6M) et en 2009 (6,4M) le nombre de touristes a de nouveau atteint les 7,1M en 2010 et il a

    augmenté jusqu’à 7,5M en 2013 .24

    Ainsi, le nombre de touristes qu’ont visité Barcelone n’était pas plus élevé en 2010 qu’en

    2007. Néanmoins, les autres interviewés, Fernando, Sergio et Esther pensent aussi que le tourisme

    de masse à la Barceloneta a commencé en 2010 et qu’avec celui-ci, le tourisme incivique est arrivé

    au quartier. “En 2010, quand ce problème a commencé, on a déjà essayé de mobiliser les gens, mais

    ça n’a pas marché. […] Mais en 2014 l’atmosphère était chaude, on disait, ici il va se passer une

    catastrophe, tellement les gens étaient en colère”, dit Sergio. Esther donne des exemples de la

    tension vécue au quartier: “moi et ma mère à chaque fois on doit sortir avec des bâtons. J’habite au

    Barcelona Turisme, Estadístiques de turisme a Barcelona. 2012 [en ligne], Barcelone, Turisme de Barcelona, juillet 2013, http://24

     professional.barcelonaturisme.com/files/8684-1086-pdf/Est2012b.pdf (page consultée le 1 mai 2015), p. 6.

      sur7 28

    http://professional.barcelonaturisme.com/files/8684-1086-pdf/Est2012b.pdf

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    10/30

    rez-de-chaussée et ma chambre est du côté de la rue. Et ils pissaient dans ma fenêtre. Ils pissaient

    sur mon lit”. Les quatre interviewés ont donné d’autres nombreux exemples d’actes inciviques

     provoqués par ce que les médias appellent le tourisme low cost  ou tourisme d’ivresse; des “jeunes,

    européens, ivres, souvent en maillot de bain ou sans et qui viennent [en Espagne] pour faire la fête

    en été” .25

    Les touristes provoquent également des nuisances sonores pendant la nuit. Fernando explique

    que “ici à la Barceloneta on est tous obligés de se respecter et d’être comme une grande famille

     parce que les appartements sont très petits et les murs sont très fins. […] Il n’y a même pas cinq

    mètres de distance de mon balcon à celui d’en face, c’est rien. […] S’il y a une fête dans un

    appartement, toutes les personnes de l’immeuble et des immeubles proches l’entendent.”

    En somme, reprenant les mots de Gurr, les attentes des habitants de la Barceloneta ont été

    frustrées. Les voisins se sentent en droit d’avoir accès à la location d’appartements à un prix

    abordable et de maintenir la tranquillité nocturne et le civisme dans leur quartier. Cependant, cela ne

    suffit pas pour justifier la naissance d’un mouvement social. “La frustration est un simple potentielde mobilisation et de violence. Elle ne les produit pas mécaniquement. Gurr accorde beaucoup

    d’attention aux données culturelles et à la mémoire collective. Existe-t-il dans le groupe ou le pays

    concerné une tradition de mobilisation, une culture du conflit? Une mémoire d’épisodes ou de

    victoires qui légitiment l’hypothèse d’un recours à la force?” . Pour comprendre la genèse26

    mouvement, il convient d’examiner l’histoire des mobilisations dans le quartier et les réseaux de

    solidarité préexistants.

    B. La solidarité préexistante1. La tradition de résistance à la spéculation immobilièrePendant la deuxième moitié du XXe siècle et au début du XXIe, la Barceloneta a fait l’objet

    de deux plans de renouvellement urbanistique, créés par la Mairie de Barcelone ainsi que par des

    entreprises privées. En 1960 les grands propriétaires industriels, le RENFE (Réseau National des

    chemins de Fer Espagnols) et la Mairie ont proposé le Plan de la Ribera, un plan urbanistique

    caractérisé par sa spéculation foncière. Le projet a provoqué l’opposition des voisins, des

    commerçants et des petits propriétaires, qui ont fondé dans ce contexte-là la première Association

    des Voisins de la Barceloneta (AVB). Le projet a été avorté à cause des difficultés financières, mais

    l’association reste active encore aujourd’hui. En 1975, l’AVB a été entièrement renouvelée et a

    atteint de nombreux objectifs, notamment l’acquisition en 1978 des terrains de l’ancienne industrie

    métallurgique Maquinista pour y construire des logements publics. L’association, avec d’autres

    organisations du quartier, a participé à l’élaboration du Plan Spécial de Réforme Intérieure (PERI),

    un projet alternatif au Plan de la Ribera, qui a été adopté par la Mairie en 1983 .27

     RAMÍREZ, Verónica, LEY, Marta, op. cit.25

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 4426

     VENTEO, Daniel, op. cit., p. 123-129.27

      sur8 28

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    11/30

    “En avril 2005, la Mairie de Barcelone a annoncé le projet d’un plan urbanistique […] qui

    avait pour objectif ‘l’amélioration de l’accessibilité verticale aux édifications traditionnelles’

    moyennant l’équipement avec ascenseurs des immeubles du quartier”, populairement connu comme

    le “Plan des ascenseurs” . Ce plan envisageait la création de groupes de 4 ou 6 immeubles, dont28

    l’intérieur d’un d’entre eux devait être refait pour y placer un ascenseur qui servirait aux autres.

    L’intention de la Mairie était, sous le prétexte de l’amélioration de la qualité de vie des personnes

    âgées, d’introduire du capital privé dans le quartier pour le refaçonner. Ainsi, la Barceloneta, un

    quartier populaire et traditionnel, serait transformé en lieu de séjour pour touristes. “Cela

     provoquerait, d’un côté, l’expulsion indirecte des habitants à cause de l’augmentation des coûts du

    commerce du quartier ainsi que des prix des loyers, ou l’expulsion directe par le plan, ce qui

     pourrait être clairement caractérisé comme un processus de gentrification” .29

    Confrontées à l’inaction de l’AVB, Lourdes et quinze autres voisines du quartier

    (exclusivement des femmes, elle souligne) ont crée l’Association des Voisins de l’Òstia (AVO) en

    2005. À cause de la pression exercée par l’AVO, entre autres acteurs, le plan a finalement été annuléen 2011. En 2014, la Mairie de Barcelone a présenté les modifications de deux plans urbanistiquesqui permettront de préserver les anciens bâtiments de la Barceloneta et les considérer patrimoinearchitectonique de la ville . 30

    Les actions contre le Plan de la Ribera et le Plan des ascenseurs sont des exemples de

    l’opposition des habitants du quartier aux nouvelles formes d’appropriation capitaliste de la ville .31

    De nombreux mouvements sociaux coexistent à la Barceloneta, et leurs actions coordonnées

    forment un des tissus associatifs les plus solides de Barcelone.

    2. Structure sociale et réseaux de solidarité

    La forme urbaine de la Barceloneta a contribué à former des liens entre ses habitants. Pour

    citer les mots du maire Xavier Trias, “c’était le premier quartier hors des enceintes de Barcelone, un

    fait capital pour comprendre pourquoi depuis le début les habitants de la Barceloneta se sentaient et

    se définissaient comme des barcelonais singuliers” (voir Figure 2, p. 24). Mais les enceintes32

    n’étaient pas la seule barrière qui séparait la Barceloneta du reste de la ville: le chemin de fer isolait

    complètement le quartier. Deux fois par jour, le train de marchandises du port s'arrêtait et bloquait

    l’entrée et sortie de la Barceloneta pendant une heure. S'ils étaient pressés, les habitants du quartier

    devaient risquer leur vie et sauter par-dessus le train ou passer entre les wagons . En outre, la33

     MAKHLOUF DE LA GARZA, Muna, “Transformaciones urbanísticas y movimientos vecinales actuales. El caso de la28

    Barceloneta, Barcelona” in XIII Coloquio Internacional de Geocrítica El control del espacio y los espacios de control  (Barcelone,5-10 mai 2014), Universitat de Barcelona [en ligne], 2014, http://www.ub.edu/geocrit/coloquio2014/Muna%20Makhlouf%20De%20la%20Garza.pdf (page consultée le 9 mai 2015), p. 3-4.

      Ibid ., p. 4.29

      Ibid ., p. 4.30

      Ibid ., p. 5.31

     VENTEO, Daniel, op. cit ., p. 7.32

     PIOLA, Maria Eugenia et VIDAL, Marga, La Barceloneta, records d'un barri, Barcelone, Ediciones Carena, 2013, p. 19.33

      sur9 28

    http://www.ub.edu/geocrit/coloquio2014/Muna%20Makhlouf%20De%20la%20Garza.pdf

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    12/30

    Barceloneta n'était pas bien communiquée par les transports en commun. Pendant la deuxième

    moitié du XIXe siècle, seulement une ligne d'omnibus et une ligne de bateaux reliaient le quartier

    avec la ville. Une des améliorations plus importantes pour mettre fin à l’isolement du quartier a été

    la mise en fonctionnement de la station de métro Barceloneta, après la fin de la dictature franquiste

    en 1976 . Ainsi, la séparation urbanistique a donné aux habitants du quartier le sentiment de vivre34

    dans un village indépendant. Ils disaient (et certains disent encore aujourd'hui) qu'ils allaient à

    Barcelone quand ils sortaient de la Barceloneta .35

    La petite taille des appartements a favorisé la socialisation des habitants du quartier. “C’était

    très commun que les portes des maisons soient ouvertes, que les voisins prennent soin les uns des

    autres, [...] ils étaient, plus que voisins, comme une famille très particulière” . Toutes les personnes36

    interviewées le confirment: à la Barceloneta, les habitants passent leur temps dans les rues et dans

    les places. “Tu vois pas que nos maisons sont toutes petites? Et alors on devait tout faire dans la rue.

    […] Mon père était pêcheur, […] après le déjeuner il dormait. Et ben ma mère elle nous mettait

    dehors! […] C’est pour ça qu’on se connait tous, ben oui! Mamaaaaan, donne-moi le goûter! Et lavoisine qui était là à côté elle disait, viens, je te le donne, l’appelle pas, ton père va se fâcher”.

    Esther, Sergio et Fernando ont donné de nombreux exemples de solidarité entre les voisins,

    comme ce dernier passage de l’entretien avec Lourdes. Ces liens sociaux, qui ont donné lieu à de

    nombreux mouvements sociaux à la Barceloneta, peuvent être analysés avec le modèle proposé par

    Anthony Oberschall, dans le cadre de la théorie de la mobilisation de ressources. Cette théorie

    confère une attention centrale à l’organisation un mouvement social, et conçoit ce dernier comme

    une “entreprise de protestation qui rassemble des moyens — militants, argent, experts, accès auxmédias — [des ressources] pour les investir de façon rationnelle en vue de faire aboutir des

    revendications” . Les travaux d’Oberschall ont contribué à sociologiser un cadre théorique souvent37

    trop abstrait. Ainsi, son modèle d’analyse part de la structure sociale et des réseaux préexistants de

    solidarité que les mouvements sociaux captent et utilisent pour atteindre leurs buts.

    Plus précisément, l’apport de cet auteur à la théorie de la mobilisation des ressources part de

    “l’analyse des formes de sociabilité, de l’intensité et de la nature des liens qui associent les

    membres d’un groupe ou d’une communauté entre eux et de ceux qui les relient aux diverses

    autorités sociales”. Une première variable concerne les liens entre le groupe étudié et les institutions

    du pouvoir: “un groupe est intégré quand il dispose de connexions stables lui donnant des chances

    d’être entendu des autorités supérieures (mécanismes de représentation, clientélisme, etc.). Un

    groupe est en situation  segmentée quand il ne dispose pas de tels relais” . Le groupe d’habitants38

    mobilisé contre les appartements touristiques de la Barceloneta est intégré parce qu’il disposent de

    VENTEO, Daniel, op. cit., p. 127.34

     PIOLA, Maria Eugenia et VIDAL, Marga, op. cit., p. 19.35

      Ibid ., p. 15.36

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 55.37

     Ibid., p. 57.38

      sur10 28

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    13/30

    connexions avec la Mairie de Barcelone grâce aux deux associations de voisins et à la commission

    d’organisation de fêtes du quartier (Comissió de Festa Major de la Barceloneta). Les membres du

    mouvement ne veulent pas utiliser ces connexions directement parce qu’ils refusent être identifiés

    comme membres des associations de voisins. Toutefois certains membres du groupe, comme

    Lourdes, font partie de ces associations et leur savoir-faire rend plus facile la communication avec

    les autorités municipales. En outre, Fernando et Sergio affirment avoir un “contact” dans la

    commission des fêtes qui facilite les échanges avec la Mairie.

    “Une seconde série de variables […] concerne la nature des liens au sein du groupe analysé.

    […] Dans le premier cas, une organisation traditionnelle structure fortement la vie commune […]

    Dans l’autre, une stratification sociale plus complexe s’accompagne de l’existence d’un réseau de

    groupes et associations de toute nature — religieuses, sportives, culturelles, politiques. Une

    troisième situation désigne les groupes faiblement organisés qui ne peuvent disposer d’aucun de ces

     principes fédérateurs. […]” . Le quartier de la Barceloneta s’inscrit dans le deuxième cas, le39

    modèle associatif. En effet, “Pla Comunitari de la Barceloneta” est le nom du réseau qui coordonneles associations, commerces, services et administrations qui “travaillent pour améliorer la qualité de

    vie dans le quartier” . Autour de six thématiques différentes (emploi, santé, éducation, solidarité,40

    logement et participation) les différentes organisations du quartier développent ensemble de

    nombreux projets avec le soutien de la Mairie de Barcelone.

    Le jeu des deux variables donne une typologie à six situations (voir Figure 3, p. 24), et les

    caractéristiques du mouvement étudié coïncident avec celles de la situation C. Ainsi, “l’existence de

    connexions avec le pouvoir garantit une forme de relais aux revendications […] et les organisations

    existantes (syndicats, chambres de commerce) donnent un potentiel de mobilisation — mais ausside blocage si elles ne relaient pas le mécontentement” . Selon Esther, Sergio et Fernando les41

    associations “ne motivent pas les gens” pour les mobiliser et, comme Lourdes, ils pensent que

    l’AVB ne sert pas les intérêts des habitants du quartier. C’est pourquoi il était nécessaire de créer un

    nouveau mouvement exclusivement des “voisins” qui ne s’identifient avec aucune organisation.

     Néanmoins, le mouvement est héritier des associations puisqu’il a bénéficié des ressources crées par

    les liens préexistants de la structure sociale du quartier; c'est-à-dire des savoir-faire, des capacités

    d’action stratégique et des connexions aux centres sociaux de décision.

    En effet, le refus du mouvement de se lier à une association a été une des clés de son succès.

    Fernando et un grand nombre de voisins se méfient du clientélisme qu’ils perçoivent inhérent aux

    organisations politiques. Certes, le fait de proclamer l’indépendance de toute organisation a attiré

     beaucoup de soutiens, mais cela a également enlevé la force au mouvement.

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 58.39

     Associació Barceloneta Alerta, Pla Comunitari [en ligne], Ajuntament de Barcelona, http://placomunitaribarceloneta.org (page40

    consultée le 11 mai 2015)

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 58.41

      sur11 28

    http://placomunitaribarceloneta.org/

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    14/30

    II. L’affaiblissement d’un mouvement peu organiséQuel est le besoin de créer un mouvement de voisins, lorsqu’il existe déjà deux associations

    de voisins dans le quartier? Pour quelle raison elles n’ont pas un fort pouvoir de mobilisation? La

    majorité de membres du mouvement recèle les associations et leurs liens avec les autorités

    municipales, c’est pourquoi ils ne veulent pas se doter d’une organisation hiérarchique. Toutefois,cette décision a fragilisé le mouvement.

    Tous ceux qui habitent le quartier de la Barceloneta sont des “voisins”? La question n’est pas

    si simple. Les membres du mouvement contre les appartements touristiques ont une idée difficile à

    cerner de ce qui signifie d’être un voisin, un bon voisin, un vrai voisin. Leur but est de représenter

    toutes les personnes qui partagent cette identité, sans distinction d’âge, genre ou profession.

    Cependant, le profil sociologique des mobilisés est plus homogène qu’ils ne le prétendent.

    A. Une nouvelle forme de conflit de classe1. Un “nouveau mouvement social”?

    Le mouvement contre les appartements touristiques de la Barceloneta a des caractéristiques

    typiques des “nouveaux mouvements sociaux”. Selon la définition d’Érik Neveu, cette notion “fait

    référence à deux phénomènes imbriqués. Il s’agit d’une désignation utilisée pour identifier des

    formes et des types originaux de mobilisations qui émergent dans les années soixante et soixante-

    dix. Mais le phénomène devient aussi théorie et suscite le développement d’un corps de travaux qui

     prennent appui sur les singularités de ces mobilisations pour chercher à renouveler l’analyse des

    mouvements sociaux, la réflexion sur l’avènement d’une société postindustrielle” .42

    Le mouvement analysé est single-issue organization car sa “démarche consiste […] à prendreen main un seul dossier […], une seule revendication concrète dont la réalisation fait disparaître une

    organisation ‘biodégradable’” . Tous les interviewés sont d’accord sur ce point, Fernando explique43

    qu’il y a d’autres problèmes en rapport avec le tourisme dans le quartier, comme par exemple

    l’incivisme, les horaires d’ouverture des terrasses des bars, le grand nombre d’hôtels et restaurants

    qui prennent la place aux commerces traditionnels, la hausse des loyers, etc. Mais il croit que

    l’origine du problème sont les appartements touristiques, un logement bon-marché qui attire une

    masse de touristes. Le fait d’établir une revendication unique a permis au mouvement de trouver

     plus facilement des soutiens et d’attaquer la racine d’autres problèmes.En outre, selon Fernando, ce que les personnes mobilisées ont en commun est le fait d’être

    “voisins”: “dans le mouvement il y a des femmes au foyer, des avocats, des gens avec plus de

    culture ou avec moins…”. Ainsi, le mouvement ne s’auto-définit pas comme l’expression d’une

    classe sociale (de catégorie socioprofessionnelle), mais comme un ensemble d’individus qui

     partagent un principe identitaire . “Il n’y a pas une seule personne, vrai voisin… Après les44

     pantomimes que tu puisses trouver, ça c’est autre chose, ceux-là qui sont toujours les mêmes cinq

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 66.42

      Ibid ., p. 67.43

     Ibid., p. 68.44

      sur12 28

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    15/30

     personnes. Mais les vrais voisins de la Barceloneta, ils ont tous ce problème [des appartements

    touristiques].” À la question “qu’est-ce qu’un ‘vrai voisin’?”, Sergio répond que “les voisins sont

    ceux qui habitent, depuis longtemps ou pas, à la Barceloneta”, excluant les investisseurs qui

    achètent des appartements “pour les louer aux touristes et affaiblir les voisins”. De son côté,

    Lourdes dit qu’un bon voisin est celui qui “se comporte bien”, quelqu’un de proche et solidaire avec

    les autres habitants du quartier.

    Quant à Fernando, il a des critères plus précis: “des personnes normales, qui viennent ici pour

    vivre et pour travailler et voilà. Parce que tu peux aussi trouver des gens qui ont acheté leur petit

    appartement ici, et qui ont un bon travail ou une paye, et ils peuvent subsister sans beaucoup bosser,

    et tout ce qu’ils font c’est la fête, et si un jour il y a une fête sur une terrasse, au lieu de se plaindre,

    ils les rejoignent”. Donc, pour Fernando, les personnes qui ont des revenus élevés ne sont pas de

    vrais voisins.

    Les quatre personnes interviewées insistent sur le fait que le mouvement rassemble des

     personnes de tout âge, genre et catégorie socioprofessionnelle. Cependant, leurs mots suggèrentqu’il s’agit d’un mouvement des classes populaires.

    2. La persistance du clivage traditionnel

    Bien que théoriquement les nouveaux mouvements sociaux sont l’expression d’identités qui

    dépassent les catégories socioprofessionnelles, Alain Touraine invite à rester attentif aux formes

    nouvelles du conflit de classe car au sein de formes inédites de mobilisation peuvent persister des

    clivages sociaux traditionnels . Pour analyser si tel est le cas du mouvement contre les45

    appartements touristiques, il convient d’observer la morphologie socio-démographique de laBarceloneta (voir “Morphologie socio-démographique du quartier”, p. 25 à 28).

    La population du quartier était de 15.503 habitants en 2013, 50% d’hommes et 50% de46

    femmes; les pourcentages d’habitants par grands groupes d’âge étaient les suivants: le groupe de 0 à

    14 ans, représente 9,5% de la population; de 15 à 24 ans, 8,6%; de 25 à 64, 61,7%; plus de 65 ans,

    20,2%. Les personnes âgées de plus de 65 ans sont nombreuses, et un presqu’un tiers vivent seules.

    Lorsque Lourdes parle de ce qui est un bon voisin, elle explique qu’à la Barceloneta “on prend soin

    les uns des autres”, surtout des personnes âgées vivant seules. En outre, pour Fernando, la faiblesse

    de la Barceloneta “c’est qu’il y a beaucoup de personnes âgées et [à la Mairie] ils savent ça et ils

    savent qu’ils se mobilisent moins”. De plus, 30,6 % des habitants du quartier sont étrangers, un

     pourcentage élevé en comparaison au 17,5% de l’ensemble de la ville de Barcelone.

    Le niveau d’études des habitants de la Barceloneta est inférieur à la moyenne des barcelonais,

    selon les données disponibles pour 2014. Le nombre de personnes sans études (10,3% de la

     population), avec des études élémentaires (22,5%) et ayant terminé le collège (24,2%) sont

    supérieurs aux mêmes catégories de Barcelone (7,0%, 17,8% et 21,5% respectivement). En effet,

    19,8% des habitants de la Barceloneta ont terminé le lycée ou une formation professionnelle

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 68.45

     Departament d’Estadística, Dades de la ciutat  [en ligne], Ajuntament de Barcelona, http://www.bcn.cat/estadistica/catala/ (page46

    consultée le 1 mai 2015)

      sur13 28

    http://www.bcn.cat/estadistica/catala/

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    16/30

    moyenne (CFPM, équivalent du CAP ou du BEP français) et 23,2% ont fait des études supérieures

    (soit des études universitaires ou un Cycle de Formation Professionnelle Supérieure [CFPS],

    équivalent au BTS ou DUT en France). Ces chiffres sont inférieures à ceux de la ville, 25,3% et

    28,4% respectivement.

    Également, le nombre d’habitants de la Barceloneta des catégories socioprofessionnelles47

    inférieures est plus élevé que celui de Barcelone. Les travailleurs de services et vendeurs de

    commerce sont sur-représentés (24,3% des personnes occupées), tout comme les travailleurs non48

    qualifiés (16,5%). Pareillement, les occupations supérieures sont sous-représentées; seulement 4,6%

    des personnes occupées sont cadres supérieurs (directifs d’entreprises et de l’administration

     publique) et 7,2% sont cadres moyens (techniciens et professionnels scientifiques et intellectuels).

    Le nombre de chômeurs est supérieur à la moyenne de Barcelone (6,5% contre 5,3%), ainsi que le

    nombre de retraités (23,7% contre 18,7%).

    L’entretien avec Sergio, Fernando et Esther se déroule dans le bar du Club de Football de laBarceloneta, un lieu de réunion habituel (sur le terrain a eu lieu la première assemblée du

    mouvement). Puisqu’ils affirment que leur mouvement n’a pas de représentant, ils refusent de faire

    des entretiens individuels. Au bar quelques personnes boivent des bières et regardent un match de

    football à la télévision, d’autres rejoignent l’entretien pour donner leur avis sur les questions posées.

    Mais Sergio et Fernando monopolisent la conversation.

    Sergio et Fernando ont des parcours similaires, étant tous les deux âgés de 42 ans et ayant

    suivi une formation professionnelle moyenne. Sergio est agent de douanes et Fernando était maçon

    mais “les choses de la vie et de famille ont changé” et actuellement il est homme au foyer. La plusdiplômée est Esther, de 27 ans, qui a une formation professionnelle supérieure en Administration et

    finances. En outre, les origines des interviewés sont assez homogènes. Ils sont tous de nationalité

    espagnole, nés à la Barceloneta et leurs familles y ont résidé “au moins depuis 3 générations”.

    Esther précise que son père, grand-père et arrière-grand-père étaient pêcheurs, mais elle et sa soeur

    ont rompu la tradition parce qu’elles sont “des filles”.

    Tous affirment que dans le mouvement contre les appartements touristiques il y a “tous les

    types de personnes”. Néanmoins, lorsqu’ils décrivent les membres, ils font référence à des

     personnes de classe populaire. Deux anecdotes servent d’exemple pour illustrer cela. En parlant de

    l’homme le plus âgé (80 ans) du mouvement, Sergio explique qu’il est intervenu lors d’une

    audience publique dans le quartier et qu’il a pris le microphone à la conseillère municipale. “Il est

    monté là où seulement les politiciens peuvent être, et il était là très prudemment, enfin, avec ses

    mots de pêcheur, c’est pas une personne avec une culture mais ce qu’il a dit là, tout le monde

    était… Une personne âgée, qui a dit ce qu’il voulait dire, avec ses mots. C’est ça vraiment la

    Les données sur les catégories socioprofessionnelles sont recueillies tous les dix ans par le Département de Statistiques de la47

    Mairie de Barcelone. Néanmoins, les données de 2011 n’ont pas encore été publiées et ne sont pas consultables. Les plus récentesdatent donc de 2001.

     Les catégories socioprofessionnelles utilisées par le Département de Statistiques diffèrent des PCS françaises.48

      sur14 28

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    17/30

    Barceloneta, tu peux trouver une personne qui est avocat, avec des études, et aussi un pêcheur qui

    dit des choses que tu comprends.”

    Également, le récit de Fernando du début du mouvement révèle son caractère populaire.

    “C’était le moment où on allait parler aux voisins en masse dans la rue. […] Et d’abord [Sergio] a

    demandé s’ils voulaient régulation […] et il dit, régulation? [silence] Figure-toi, un tas de gens,

    hein? Et, abolition? [il imite une ovation] Et moi j’ai dit, vas-y, on y va. Voilà, c’est un quartier de

     pêcheurs, on peut être plus ou moins cultivés et tout ça, mais ce mot, abolition, tout le monde l’a

    compris.”

    Les deux récits suggèrent une masse de personnes de bas niveau culturel et académique.

    Ainsi, il peut être conclu que le mouvement a été initié par des travailleurs qualifiés, comme Sergio

    et Fernando, et suivi par des personnes de d’âges divers, mais principalement de nationalité

    espagnole et de classe populaire, c'est-à-dire des employés avec un niveau d’études bas ou moyen.

    Cependant, cela doit être vérifié lors d’une étude plus approfondie.

    Un trait commun entre Esther, Fernando et Sergio est leur auto-exclusion de la politique. Ilsne pensent pas être suffisamment capacités pour en faire et disent que leur mouvement est

    apolitique. Toutefois, le fait d’être impliqués dans un mouvement social a changé leur perception de

    leurs aptitudes. Sergio l’explique ainsi: “avant je préférais croire ce que je croyais de la politique, je

    sais que tu étudies ça mais… Je pensais que c’étaient des êtres un peu plus supérieurs à nous, mais

    ils sont inférieurs, vraiment. Franchement, il y a des techniciens et tu te dis, enfin, moi je n’ai

    aucune idée… Et tu vois qu’il y a des voisins qui donnent des idées qui règlent un tas de choses et

    eux ils ont pas été capables de le faire”. Pour sa part, Fernando dit le suivant: “moi avec ce

    mouvement j’ai découvert que les politiques sont des gens comme nous, seulement qu’ils ont misun costard et une cravate. On penserait qu’ils sont plus intelligents que nous mais on leur a donné

    des idées qu’ils n’avaient pas pensées”.

    Les trois sont d’accord sur le fait que les voisins ne font pas confiance aux associations de

    voisins. C’est pourquoi ils refusent de constituer une association. La faible organisation du

    mouvement, ajoutée à d’autres facteurs, comme le déplacement de l’intérêt des médias vers d’autres

    sujets et la réponse de la Mairie, ont provoqué son affaiblissement.

    B. Le déclin du mouvement1. Le refus d’une organisation hiérarchique

    Esther, Sergio et Fernando pensent que les associations de voisins n’ont pas de pouvoir pour

    mobiliser les habitants du quartier. Lors qu’il en parle, Sergio adopte un ton de confrontation. “Je

    vais t’expliquer ce que son les associations et ça m’est égal si tu es en train de m’enregistrer, parce

    que c’est comme ça. Une association de voisins [l’AVB], la réelle, l’officielle pour le aire ainsi, qui

    est politisée, d’accord? Qui ne faisait pas passer les informations [aux habitants du quartier]”.

    Lourdes aussi a affirmé que l’association a des forts liens avec le PSC et qu’elle ne sert pas les

    intérêts du quartier, c’est pourquoi elle et d’autres femmes du quartier ont crée l’AVO en 2005.

    Sergio décrit l’AVO comme une “association vraiment activiste, qui fait des choses pour lequartier”, mais Esther pense “qu’ils ne savent pas motiver les gens” et les autres acquiescent.

    sur15 28

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

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    Le mouvement refuse de constituer une association parce que, selon Sergio, “les gens sont

    réticents à croire aux associations”. Fernando ajoute que la difficulté des associations pour obtenir

    des soutiens est à cause du traitement d’un grand nombre de sujets différents. En effet, tous les

    voisins ne sont pas d’accord avec les décisions prises par l’AVO au long de ses dix ans d’histoire.

    “Pour le dire ainsi, le succès du mouvement a été de dire, le sujet c’est ça, exclusivement” et

    lorsque le but sera atteint, le mouvement disparaitra, selon Sergio. Ils ne veulent pas traiter d’autres

     problèmes même si ceux-ci ont un rapport avec le tourisme dans le quartier ou l’incivisme.

    Ainsi, le mouvement refuse l’organisation hiérarchique. “On n’a pas de hiérarchie, on est

    démocratiques, à chaque fois on est des personnes différentes à aller aux réunions de la Mairie”,

    affirme Sergio. Il dit que Fernando et lui ont convoqué, avec l’aide d’une dizaine d’autres voisins, la

     première assemblée du mouvement le 12 août 2014. Ils ont mis des affiches dans les rues du

    quartier et ils ont rassemblé plus de cent personnes. Aujourd’hui, le moyen de communication

     principale entre les membres du mouvement est un groupe publique de Facebook nommé “ Por laabolición de los pisos turísticos” (“Pour l’abolition des appartements touristiques”). Ce type

    d’organisation plaît aux voisins qui se méfient des organisations institutionnalisées, néanmoins,

     pour s’inscrire dans la durée et atteindre ses objectifs, un mouvement social a besoin d’être structuré

     par une organisation “qui coordonne les actions, rassemble des ressources, mène un travail de

     propagande pour la cause défendue”. De plus, les mouvements sociaux dotés d’une organisation

    hiérarchique parviennent plus souvent à être reconnus par leurs interlocuteurs et à faire aboutir leurs

    revendications .49

    L’absence de hiérarchie rend difficile la tâche d’établir qui a initié le mouvement. Lourdes ditqu’elle et moins d’une dizaine d’autres personnes on improvisé la première manifestation en face de

    l’agence de location d’appartements touristiques de la place du marché. Sergio et Fernando

    affirment avoir convoqué l’assemblée où les mobilisations ont été proposées. Demandés sur

    l’impact mobilisateur des photographies des touristes italiens nus, ils disent que cela n’a eu aucun

    effet sur le mouvement, puisqu’ils avaient déjà organisé les premières manifestations (“si tu parles

    au mec qui a mis les photos sur Twitter, il te dira que c’est lui qui a commencé le mouvement, mais

    c’est faux”, clarifie Sergio). Mais la forte diffusion médiatique a été déclenchée par la mise en ligne

    desdites photographies, et le nombre de personnes mobilisées est passé d’une centaine à 4.00050

    (selon les membres du mouvement, 2.000 selon la police ) en seulement neuf jours.51

    2. Le déplacement de l’intérêt des médias

    Les médias sont des acteurs des mouvements sociaux. Oberschall, repris par Neveu, a étudié

    leur relation avec le Movement  contestataire des années soixante aux États-Unis. “Ne disposant pas

    d’une organisation très structurée […] les activistes contestataires vont utiliser les médias comme

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 24.49

     Agence inconnue, op. cit.50

     Agencia EFE, op. cit.51

      sur16 28

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

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    substitut d’une structure de coordination” . En effet, l’apparition de l’information dans les journaux52

    télévisés a fait multiplier les soutiens aux mobilisations. Lourdes le décrit ainsi: “on a eu beaucoup

    de chance, parce qu’au mois d’août il n’y avait pas d’informations, et on est passés même au

    Sálvame [émission de télévision people de la chaîne nationale Telecinco]. […] C’est ça qui a fait

    […] que [les personnes âgées] viennent aux manifestations. Parce qu’ils disaient, si Ana Rosa dit

    qu’ils sont illégaux… Ben c’est vrai!” (Ana Rosa Quintana est l’animatrice l’émission people  El

     Programa de Ana Rosa, de Telecinco aussi).

    Lorsque Vicens Forner, photographe résidant à la Barceloneta, a capturé l’image des touristes

    nus et l’a partagée sur Twitter, la presse et la télévision locales, régionales et nationales se sont

    intéressées par ces photographies choquantes et l’ont contacté pour avoir une exclusive. Puisque les

    médias cherchent à atteindre des audiences maximales et des financements publicitaires, les

     journalistes sont sous la pression de “produire des images dotées d’une forte charge émotionnelle et

    spectaculaire” . Les mobilisations contre les appartements touristiques de la Barceloneta ont été53

    suivies par les médias et le mouvement est apparu dans les journaux télévisés pendant quelquessemaines. Cependant, après la manifestation du 30 août, la presse écrite a accordé moins

    d’importance au mouvement et la télévision l’a oublié. À son tour, la dégression de l’attention

    médiatique a fait descendre le nombre de personnes mobilisées. Comme dans le cas du  Movement ,

    “le déplacement de l’intérêt des médias vers d’autres dossiers vont provoquer une chute rapide de

    l’impact de l’agitation”. Faute d’une organisation forte, le mouvement perd rapidement la force que

    les médias lui avaient conféré. “En évitant ainsi les coûts de maintenance d’une forte organisation,

    les activistes fragilisent la mobilisation” .54

    Mais la faiblesse d’une organisation sans hiérarchie et la fin de la médiatisation dumouvement ne sont pas les seules raisons de déclin du mouvement. La gestion du conflit faite par la

    Mairie de Barcelone a institutionnalisé et domestiqué le mouvement.

    3. La réponse de la Mairie

    “Le contrôle social que peut exercer l’État ne se limite jamais à l’usage des forces de police.

    […] Il joue, lui aussi, du symbolique, des gestes qui, à défaut de toujours dissiper les tensions,

    marquent le souci d’y répondre” . Quatre jours après la manifestation du 30 août, le maire Xavier55

    Trias a annoncé “des mesures pour mettre fin au phénomène des appartements touristiques et

    reconduire la situation” . En effet, il a adopté des normatives pour endurcir les sanctions (qui vont56

    de 9.000 jusqu’à 90.000 euros) et pour retirer la licence d’appartement touristique aux propriétaires

     NEVEU, Érik, op. cit., p. 94-95.52

      Ibid ., p. 95.53

      Ibid ., p. 94-95.54

      Ibid ., p. 45.55

     MUMBRÚ ESCOFET, Jordi, “La presión fuerza a Trias a duplicar los inspectores de pisos turísticos”, El País [en ligne], 456

    septembre 2014, http://ccaa.elpais.com/ccaa/2014/09/03/catalunya/1409773727_260122.html (page consultée le 14 mai 2015)

    sur17 28

    http://ccaa.elpais.com/ccaa/2014/09/03/catalunya/1409773727_260122.html

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    20/30

    qui auraient été sanctionnés par troisième fois. De plus, il a doublé le nombre d’inspecteurs

    d’appartements touristiques (60 avant les mobilisations, 120 après l’adoption de ces mesures).

    Bien que Sergio et Fernando disent qu’ils refusent toute forme d’institutionnalisation, le

    mouvement s’est cristallisé en groupe de pression et dispose désormais d’accès routinisés aux lieux

    de décision . “Au début on faisait une réunion avec la conseillère municipale du district et une57

    réunion mensuelle avec le maire. Et maintenant que la plus grosse partie est faite, une réunion

    mensuelle avec la conseillère”, explique Sergio. Mais malgré cette expression de succès, la grande

    majorité d’appartements touristiques de la Barceloneta continuent à être loués aux étrangers pour y

    séjourner pendant leurs vacances. Selon le calcul fait par le mouvement et, selon Sergio, confirmé

     par la Mairie, il y avait au mois d’août de 2014 environ 1.500 appartements touristiques au quartier.

    Seulement 72 avaient la licence nécessaire et le reste étaient loués illégalement. Selon les

    informations obtenues par Sergio lors des réunions avec les autorités municipales, seulement entre 9

    et 12 appartements ont été fermés, approximativement 300 ont été sanctionnés et 500 ont des

    dossiers en cours de traitement pour être sanctionnés. Néanmoins, à l’exception des appartementsfermés, ils peuvent continuer à être loués et les voisins craignent l’arrivé du tourisme de la saison

    estivale de 2015. “Pour les pâques on a eu une petite avance de ce qui va nous arriver”, dit

    Fernando, faisant référence aux nuisances du tourisme incivique. Sergio dit “qu’il faut faire

    attention et penser stratégiquement”; il croit qu’actuellement le mouvement n’a pas la force pour

    mobiliser un grand nombre de personnes et si la Mairie s’en aperçoit, leur pouvoir pour négocier

    diminuera. C’est pourquoi, pour le moment, ils ne convoqueront pas de manifestations.

    Une des possibles trajectoires d’un mouvement est l’institutionnalisation, qui “domestique le

    mouvement social en groupe de pression” . L’institutionnalisation a affaibli le mouvement contre58

    les appartements touristiques, et bien que la normative, les sanctions et le contrôle des appartements

    touristiques ont été endurcis, le but de la mobilisation —l’abolition— n’a pas été atteint, puisque

    seulement un pourcentage infime d’appartements ont été fermés. Toutefois, le mouvement a eu un

    fort impact sur l’agenda politique et médiatique car il a lancé le débat sur le modèle de promotion et

    gestion du tourisme de Barcelone. La politique de Xavier Trias sur cette matière a été durement

    critiquée par tous les partis de l’opposition, et modèle touristique est un des enjeux centrales dans la

    campagne des les élections municipales du 24 mai 2015.

    ConclusionL’appartenance à une même classe sociale et la particulière forme urbaine de la Barceloneta

    sont à l’origine des forts liens sociaux qu’il y a entre ses habitants. Historiquement habité par des

     pêcheurs et puis par des ouvriers, le quartier est aujourd’hui le lieu de résidence de travailleurs de

    services et d’ouvriers non-qualifiés, ainsi que d’un grand nombre de retraités. Ils vivent dans les

    appartements de 30 mètres carrés construits entre le XVIIIe et le XIXe siècle, leurs immeubles

     NEVEU, Érik, op. cit ., p. 19.57

      Ibid ., p. 28.58

      sur18 28

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

    21/30

    forment des rues étroites où les échanges sociaux ont lieu. À la Barceloneta tout le monde se

    connait et un appartement touristique ne passe pas inaperçu.

    Les tensions sociales engendrées par le chômage et la hausse des prix des loyers, exacerbées

     par l’incivisme des visiteurs, accompagnées de la médiatisation des images des touristes nus, ont

    rapidement déclenché un mouvement de grande force mobilisatrice. Ses protagonistes ont utilisé les

    réseaux de solidarité préexistants, c’est-à-dire les savoir-faire et contacts au sein des autorités

     politiques que fournit le tissu associatif du quartier. En outre, les exemples de lutte contre la

    spéculation immobilière prouvent que les mobilisations précédentes ont eu du succès.

     Néanmoins ils refusent d’être identifiés comme une organisation politique, ils se mobilisent

    “seulement en tant que voisins”. En effet, il y a dans le quartier deux associations de voisins, mais

    la plus ancienne ne sert pas les intérêts des habitants du quartier et a des liens avec le PSC; l’autre

    n’a pas de pouvoir de mobilisation. C’est pourquoi les personnes mobilisées se méfient des

    associations et pour éviter le clientélisme potentiel, ils ne se dotent pas d’une organisation

    hiérarchique.Ainsi, la faible organisation du mouvement le fragilise. À son début ce problème a été pallié

    grâce à l’apparition dans les médias, mais lorsqu’ils ont déplacé leur intérêt vers d’autres sujets, le

    mouvement a perdu sa force. En même temps, le maire de Barcelone, Xavier Trias, a réagit

    rapidement après la manifestation du 30 août pour annoncer un ensemble de mesures qui devaient

     permettre d’endurcir le contrôle sur les appartements touristiques. La conseillère municipale du

    district de Ciutat Vella a accordé avec les membres du mouvement de célébrer des réunions

     bihebdomadaires avec elle, et mensuelles avec le maire, pour surveiller ensemble les avances pour

    combattre les appartements touristiques illégaux. Donc le mouvement a été institutionnalisé et parconséquent, domestiqué.

    Une dizaine d’appartements environ, d’entre les 1.500 qui se trouvent à la Barceloneta, ont été

    fermés depuis le mois de septembre 2014, lorsque les inspections se sont intensifiées. Il paraîtrait

    logique de pronostiquer qu’en été de 2015 le même conflit surviendra, cependant les élections

    municipales qui auront lieu le 25 mai 2015 pourraient modifier la situation. Les sondages placent59

    à la tête des résultats la formation de gauche Barcelona En Comú (“Barcelone En Commun”), qui

    regroupe sur sa liste le parti écologiste ICV-EUiA, Podemos (“Nous pouvons”, le parti héritier du

    mouvement des indignés) et Guanyem Barcelona (“Gagnons Barcelone”, une plateforme citoyenne

    créée en 2014 pour se présenter aux élections municipales). La numéro un de la liste, Ada Colau, a

    affirmé au mois de mars qu’elle adopterait des régulations pour protéger la Barceloneta de la

     pression touristique et que “toute possibilité de logement d’usage touristique dans les immeubles

    résidentiels” était écartée . Les membres du mouvement contre les appartements touristiques60

    restent en alerte face à ces possibles changements.

     NOGUER, Miquel, “Colau avança Trias en la cursa per l’Ajuntament de Barcelona”, El País [en ligne], 16 mai 2015, http://59

    cat.elpais.com/cat/2015/05/15/media/1431715838_619071.html (page consultée le 16 mai 2015)

     Agencia EFE, “Colau pide la reforma de la Barceloneta para proteger a vecinos del turismo”,  El Periódico [en ligne], 20 mars602015, http://www.elperiodico.com/es/noticias/politica/colau-pide-reforma-barceloneta-para-proteger-vecinos-del-turismo-4034613(page consultée le 16 mai 2015)

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    http://cat.elpais.com/cat/2015/05/15/media/1431715838_619071.htmlhttp://www.elperiodico.com/es/noticias/politica/colau-pide-reforma-barceloneta-para-proteger-vecinos-del-turismo-4034613

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    MUMBRÚ ESCOFET, Jordi, “La presión fuerza a Trias a duplicar los inspectores de pisos

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    Gràcia", El País [en ligne], 23 mai 2014, http://ccaa.elpais.com/ccaa/2014/05/22/catalunya/

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  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

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  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

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    Figure 2. Le quartier de la Barceloneta à Barcelone (1787)

    DELGADO VIÑAS, Carmen, “Entre el puerto y la estación. La influencia de las infraestructuras de

    transporte en la morfología de las ciudades portuarias españolas (1848-1936)” [en ligne] in Scripta

     Nova, vol. XIV, núm. 330, 20 juillet 2010

    Figure 3. La typologie d’Oberschall

     NEVEU, Érik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, “Repères”, 1996, 128 p.Liens aux groupes

    supérieurs etpouvoirs

    Liens au sein du groupe

    Modèlecommunautaire

    Peu d’organisation Modèle associatif 

    Intégré A B C

    Segmenté D E F

      sur24 28

    La Barceloneta

  • 8/15/2019 Le mouvement contre les appartements touristiques au quartier barcelonais de la Barceloneta en 2014

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    Morphologie socio-démographique du quartier

    Source: Departament d’Estadística, Dades de la ciutat  [en ligne], Ajuntament de Barcelona, http://

    www.bcn.cat/estadistica/catala/ (page consultée le 1 mai 2015)

    Population totale, 2013: 15.503 habitants

    Population par sexes, 2013. Chiffres absolus et pourcentages de la Barceloneta (entre parenthèses

     pourcentages de Barcelone):

    Hommes: 7.767 soit 50,1% (47,4%)

    Femmes: 7.736 soit 49,9% (52,6%)

    Population par grands groupes d’âge et par sexes, 2013. Pourcentages de la Barceloneta (entre

     parenthèses pourcentages de Barcelone):

    Personnes âgées de 65 ans ou plus vivant seules, 2013. Chiffres absolus et pourcentages de la

    Barceloneta:Total: 961 soit 31,0%

    Hommes: 233 soit 20,0%

    Femmes: 728 soit 37,6%

    Population par nationalité, 2013. Pourcentages de la Barceloneta (entre parenthèses pourcentages de

    Barcelone):

    Espagnols: 69,4 (82,4)