le monde hellénistique

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Le monde hellénistiquede la mort d’Alexandre

à la paix d’Apamée

323-188

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Du même auteur

L’Épire, de la mort de Pyrrhosà la conquête romaine (272-167)

Annales littéraires de l’Université de Besançon, 186Les Belles Lettres, 1976

L’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’AntiquitéActes du Colloque international de Clermont-Ferrand

Clermont-Ferrand, Adosa, 1988

Les Illyriens, de Bardylis à GenthiosIVe-IIe siècle av. J.-C.

SEDES, 1988

Introduction à l’histoire de l’AntiquitéArmand Colin, 2e éd. 1995

L’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’Antiquité, IIActes du 2e Colloque international de Clermont-Ferrand

De Boccard, 1993

Grecs et Illyriens dans les inscriptions en langue grecqued’Épidamne-Dyrrhachion et d’Apollonia d’Illyrie

Actes de la Table rondeERC, 1993

L’Albanie, le pays des aiglesphotographies de Paul Lutz

Aix-en-Provence, Édisud, 1994

Corpus des inscriptions grecques d’Épire et d’Illyrie méridionale

t.I A, Les Inscriptions d’Épidamne-DyrrhachionDe Boccard, 1995

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Pierre Cabanes

Nouvelle histoirede l’Antiquité

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Le monde hellénistiquede la mort d’Alexandre

à la paix d’Apamée323-188

Éditions du Seuil

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ISBN

© EDITIONS DU SEUIL, OCTOBRE 1995

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelqueprocédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue unecontrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

978-2-75-784090-0

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à Édouard Will

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Introduction

Comme Athéna, l’époque dite hellénistique a surgi toutarmée de l’imagination d’un homme, Johann Gustav Droysen,qui voyait dans l’empire d’Alexandre une unité et une cohé-rence que l’historiographie moderne ne lui reconnaît plus1.Pour cet historien hégélien, favorable à l’unification d’un Étatnational allemand sous le contrôle de la Prusse, l’épopée dePhilippe et d’Alexandre n’était pas l’histoire de la liberté descités saccagée par les rois de Macédoine, mais celle, glo-rieuse, d’une civilisation à son apogée. Pour lui, pour sescontemporains, l’histoire du monde grec s’arrêtait de ce fait àla mort du Conquérant, en 323, au moment même où s’ou-vrait à l’inverse l’histoire du monde romain, dont les débutsétaient à peu près négligés. En un mot, de 323 à 188, depuis ladisparition du souverain argéade jusqu’à la première interven-tion romaine en Asie, il n’y avait plus de place que pour unelongue décadence.

Le thème de l’épuisement de la vie publique à la fin duIVe siècle et au IIIe siècle est apparu malheureusement depuislors sous les meilleures plumes : dans L’Invention de la poli-tique, M.I.Finley qualifie de « postpolitique » la périodehellénistique qui correspond, selon lui, à un monde « où lavraie politique disparut dans les cités grecques ». Ce à quoiréagit Philippe Gauthier lorsqu’il invite plutôt à réfléchir surles nouvelles modalités de la vie politique après Alexandre,en élaborant un autre modèle que celui de l’Athènes classiquepour l’essentiel du tissu politique du monde grec, fait demédiocres ou petites cités2.

1. Voir, à ce sujet, R. Bichler, « Hellenismus ». Geschichte und Proble -matik eines Epochenbegriffs, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesell-schaft, 1983.

2. Ph. Gauthier, « Grandes et petites cités : hégémonie et autarcie »,Opus, VI-VIII (1987-1989), p. 187-202.

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En effet, proposer une autre interprétation du IIIe sièclerevient d’abord à se désolidariser de l’idéaltype de MaxWeber3, comme le fit d’ailleurs M.I.Finley lui-même, enreconnaissant le caractère exceptionnel de la cité athéniennequi interdit toute généralisation. « Une trop parfaite statuetaillée dans un marbre trop blanc », avait écrit MargueriteYourcenar. Encore faut-il s’en désolidariser tout à fait, et nepas extrapoler à partir du destin d’Athènes, qui perd son indé-pendance en 322. Non, la période qui s’étend de 323 à 188n’est pas celle d’une décadence ou d’une défaite annoncées.Et les deux dates qui l’encadrent n’ont jamais été perçues parles hommes de ce temps comme des moments décisifs où toutbascule, où un monde nouveau apparaît.

La mort d’Alexandre à Babylone en juin 323 met un pointfinal précoce à un règne qui a changé le monde grec en pro-fondeur, notamment par l’extension territoriale de l’hellé-nisme. Mais nombreux sont ceux qui attendent la possibilitéd’un retour à la situation antérieure, facilité par l’affaiblisse-ment de la monarchie macédonienne qui entre dans unephase de minorité dynastique et de régence indispensable : à Athènes, dans beaucoup d’États grecs aussi, les opinionspubliques espèrent une revanche de Chéronée (338), et unrenouveau de la puissance des États de Grèce européenne.

En 189, l’intervention romaine en Asie n’est pas non plusun événement de première grandeur. Depuis 230 au moins, lesRomains sont fréquemment présents dans les affairesgrecques. Souvent les légions ont traversé la mer Adriatiquepour débarquer à Apollonia d’Illyrie, à Orikos, à Corcyre.Souvent elles ont lutté contre les Illyriens, les Macédoniens etleurs alliés grecs. A chaque fois les Grecs sont habitués à lesvoir repartir, lorsque les opérations militaires sont achevées.Les marchands italiens, quant à eux, circulent dans la Médi-terranée orientale et en mer Égée pour faire du commerce,

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3. « Le travail historique aura pour objectif de déterminer dans chaquecas particulier combien la réalité se rapproche ou s’écarte de ce tableauidéal, dans quelle mesure il faut par exemple attribuer, au sens conceptuel,la qualité d’“économie urbaine” aux conditions économiques d’une citédéterminée » (M. Weber, Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre,5e éd. Tübingen, J.C.B.Mohr, 1988, cité par M.I. Finley, Sur l’histoireancienne, Paris, La Découverte, 1987, p. 117). Sur la notion d’idéaltype, ilfaut lire désormais Éd. Will, « Weberiana. En marge d’un livre récent »,Topoi, III/1 (1993), p. 23-38.

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ils fréquentent les ports de Rhodes, de Délos, ceux de la côteégyptienne, ceux d’Antioche, de Phoiniké, d’Issa ou de Cor-cyre. En 192, il est vrai, l’intervention séleucide en Grèced’Europe a entraîné l’armée romaine à poursuivre la guerrejusqu’à Magnésie du Sipyle, et Rome songe dès lors à proté-ger la souveraineté lagide, comme elle avait déjà tenté de le faire comprendre à Antiochos III à Lysimacheia en 196,sans grand succès. Mais ce n’est qu’un pas de plus dans unedémarche déjà ancienne. De ce fait, comment marquer claire-ment la naissance de l’impérialisme romain ? Gaston Colin,Maurice Holleaux et tant d’autres s’y sont essayé. ÉdouardWill a bien montré par exemple comme il est délicat de défi-nir les seules causes de la deuxième guerre de Macédoine.Pourquoi les Romains, qui sortent à peine de la terribledeuxième guerre punique grâce à leur victoire de Zama en202, se lancent-ils dans un nouveau conflit dans la péninsulebalkanique ? Leurs motivations sont sans doute multiples, eton peut privilégier les unes ou les autres sans convaincreabsolument.

Notre projet est donc d’essayer une histoire globale duIIIe siècle, qui saurait décrire et expliquer la diversité du mondetouché par l’hellénisation. Cela passe bien sûr par une valori-sation des sources archéologiques et épigraphiques, qui per-mettent de pallier le vide laissé entre la fin du livre XIX deDiodore et le début de l’œuvre de Polybe. On doit aussi par-fois, afin de sortir de leur silence des pans entiers de l’empired’Alexandre, utiliser par analogie la littérature sociologique etethnologique, tenter cette « anthropologie coloniale » dumonde hellénistique, à laquelle appelait Édouard Will, dans unarticle d’il y a dix ans.

En outre, ce livre voudrait suggérer que le IIIe siècle n’est passeulement le temps où, dans les métropoles, sur les routes ducommerce, comme l’a écrit à juste titre Arnaldo Momigliano,« cinq civilisations se rencontrent pour la première fois ». Au-delà du dynamisme incontestable né du contact entre lasagesse grecque et les « sagesses barbares », c’est aussi letemps où la Grèce du Nord et celle du Nord-Ouest, ce mondede l’ethnos et de la transhumance, connaissent leur apogéepolitique et commercial.

L’essor des régions septentrionales de la Grèce, si souventnégligé en regard des contacts entre l’Orient et l’Occident,

Introduction 11

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est cependant essentiel, à nos yeux, pour comprendre leIIIe siècle : les armées lancées avec Alexandre ou Pyrrhos enAsie Mineure, en Sicile ou en Grande-Grèce puisent dansleur vaste réservoir d’hommes ; les idéologies royales déve-loppées par les diadoques et leurs successeurs s’inspirent lar-gement des modèles de la Grèce du Nord ; enfin le dyna-misme économique de ces régions renforce le commerceinternational entre les deux rives de l’Adriatique, et ouvre laporte à la pénétration romaine. Or ce souhait de revaloriser laGrèce septentrionale ne vient pas seulement de la faiblessequ’un spécialiste de l’Épire et de l’Illyrie pourrait éprouverpour des territoires qui lui sont un peu plus familiers. Ils’agit plutôt de faire comprendre ce que l’extension del’hellénisme au IIIe siècle doit à des régions très différentesde l’idéaltype de la cité classique – sans prétendre toutefoisavancer un autre modèle utilisable pour l’ensemble dumonde touché par l’hellénisation.

Sans doute, au total, les lecteurs désireux de connaîtrel’histoire politique et militaire du IIIe siècle dans sa com-plexité seront-ils déçus par la place qui lui est consacréedans ce livre. Ses dimensions réduites auraient suffi à l’ex-pliquer. Mais il aurait été inutile, surtout, de tenter dereprendre une œuvre aussi magistrale que l’Histoire poli-tique du monde hellénistique d’Édouard Will4. Il convient,bien sûr, de s’y reporter.

Qu’il me soit permis, enfin, d’exprimer mon extrême grati-tude à Michel Winock qui a bien voulu réserver un excellentaccueil à ma proposition de réaliser une « Nouvelle Histoirede l’Antiquité » et la conduire à son terme. Je remercie tousles collaborateurs de cette entreprise : Jean-Claude Poursat,Edmond Lévy, Pierre Carlier et Claude Vial pour l’histoirede la Grèce antique, et ceux qui ont maintenant entreprisl’histoire du monde romain. Un des collaborateurs de cettesérie, Claude Orrieux, nous a malheureusement quittés bru -talement avant d’avoir pu rédiger l’Histoire d’Israël qu’ilavait accepté d’écrire et qu’il aurait parfaitement su mener àbien, en excellent spécialiste du monde juif qu’il était. Pource livre même, je suis très reconnaissant à Édouard Will, qui

Le monde hellénistique12

4. Éd. Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av.J.-C.),Presses universitaires de Nancy, 2e éd. 1979-1982, 2 vol.

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a bien voulu relire le manuscrit et me suggérer bien des amé-liorations, grâce à sa parfaite connaissance de la période.Toutes les imperfections demeurant dans cet ouvrage mesont entièrement imputables. Je remercie également monfils aîné, Bruno, historien à son tour mais d’un monde plusrécent, qui a souvent relu et amélioré mes esquisses.

Introduction 13

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Aperçu de l’histoire politique du monde grec

323-230

En quelques années, Alexandre le Grand a porté les limitesdu monde grec des rives de la mer Égée à celles de l’Indus,tandis qu’au sud son empire atteint la Nubie. A sa mort, en 323, les Grecs et les Macédoniens ont reçu le monde en partage. C’est un territoire immense qui a été traversé parl’armée du roi macédonien, mais traverser ne signifie pasconquérir, d’autant que des régions entières ont échappé aupassage de l’armée d’invasion. Une nouvelle organisation doitêtre mise en place rapidement, pour marquer notamment lechangement de maître, et la mort d’Alexandre survient troptôt pour qu’il ait pu mener à bien cette tâche. Ce sont ses héri-tiers qui doivent l’assumer, afin d’éviter que ne s’établissentdes principautés indépendantes dans les zones où aucunecolonie gréco-macédonienne n’a été installée. Un domaineimmense est ouvert à une possible pénétration de l’hellé-nisme ; il dépend donc des héritiers du Conquérant qu’il aitaccompli une œuvre éphémère ou, à l’inverse, une révolutionaux effets prolongés. Certes, Alexandre a montré la voie qu’ilvoulait suivre en créant de nombreuses cités sur le modèlegrec, depuis Alexandrie d’Égypte jusqu’à Aï-Khanoum surles rives de l’Amou Daria, dans l’actuel Afghanistan, et enébauchant un rapprochement avec les Iraniens, le secondpilier de son empire.

Avec le déploiement de l’hellénisme, l’unité de l’Empire estaussi une question d’actualité, d’autant plus pressante que ladynastie argéade n’est pas préparée à une disparition si bru-tale de son chef, à l’âge de trente-trois ans. Le demi-frèred’Alexandre, Philippe Arrhidaïos, ne paraît pas en état d’as-surer la succession. Par ailleurs, l’enfant posthume que porteRoxane, Alexandre IV, né en août 323, ne peut jouer un

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rôle actif qu’à partir de quatorze ans. Une régence s’imposedonc, et l’étendue même de l’Empire rend nécessaires desdélégations de pouvoir qui sont accordées aux chefs locaux,dans les différentes satrapies de l’ancien Empire achémé-nide. L’extrême diversité des paysages, celle des genres devie, ou des modes d’exploitation de la terre et de l’eau, pous-sent encore à l’éclatement de l’empire d’Alexandre, toutcomme les particularismes régionaux, les traditions poli-tiques multiples et les ambitions des généraux macédoniens.

Les terres nouvelles, conquises à la pointe de la lance, nedoivent pas faire oublier, cependant, la Grèce propre et lesrégions profondément hellénisées depuis des siècles. L’espoird’un retour à la situation précédant Chéronée n’est jamaisvraiment mort. La guerre lamiaque, qui éclate dès l’annoncede la disparition d’Alexandre le Grand, témoigne de cettevolonté d’effacer une tutelle macédonienne mal acceptéepar les Grecs : la ligue de Corinthe ou Koinon des Hellènes,fondée par Philippe II après Chéronée, se retourne contre laMacédoine, puisque c’est elle qui viole constamment les dis-positions de la Paix commune par la mise en place de tyransou de garnisons, par des entraves à la liberté de navigation. Cesont en substance les arguments avancés par l’auteur du dis-cours Sur le traité avec Alexandre. Il convient dès lors de défi-nir les nouveaux rapports entre les héritiers d’Alexandre etl’ensemble des États grecs, car leur potentiel humain et éco-nomique n’est plus à la mesure de celui que représentent lesvastes domaines fraîchement conquis. En outre certainesrégions, notamment le royaume macédonien, sont épuisées partant de prélèvements en hommes.

Le temps des diadoques (323-280)

Il correspond à la première génération des successeursd’Alexandre le Grand. Temps d’édification des cadres nou-veaux, il ne s’achève, en réalité, qu’avec l’avènement d’Anti-gone Gonatas sur le trône macédonien (277) après la grandecrise provoquée en Grèce d’Europe par l’invasion celte. Toute -fois, la mise en place d’entités nouvelles ne s’opère pas aumême rythme en Égypte, en Asie, en Thrace ou en Macédoine.

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Les premiers partages (323-316)

1er partage – A Babylone, un premier règlement estconclu : dans le cadre d’un Empire maintenu dans son unité,les généraux macédoniens attribuent à Cratère le rôle deprostatès des deux héritiers du trône (Philippe III Arrhidaïoset Alexandre IV); Antipatros est confirmé dans ses fonctionsde stratège d’Europe, où il gouverne la Macédoine et sur-veille les États grecs, comme il l’a fait depuis le début de lacampagne d’Alexandre en Asie (334); Perdiccas quant à lui,qualifié de chiliarque, prend la charge de l’Asie et donc del’armée qui s’y trouve. Les provinces, qui gardent le nom desatrapies, sont réparties, mais uniquement entre les générauxmacédoniens (à l’exception d’Eumène qui est grec), commesi la décision de renoncer à l’association avec les Iraniensavait été tacitement prise : l’Égypte est confiée à Ptolémée,fils de Lagos, la Thrace à Lysimaque, la Grande Phrygie, laLycie, la Pamphylie à Antigone le Borgne, la Cappadoce, quireste à conquérir, et la Paphlagonie à Eumène de Cardia ;Séleucos enfin n’apparaît que comme chef de la cavalerie deshetairoi.

Très rapidement, d’autres problèmes se posent aux succes-seurs d’Alexandre : la seule révolte qui éclate en Asie, après lamort du Conquérant, n’est en rien celle des indigènes ; ellevient des colons militaires établis en Bactriane, qui veulentrentrer dans leur pays d’origine et qui sont massacrés. Cetterépression a-t-elle été totale ? On peut en douter dans lamesure où la Bactriane, lorsqu’elle se constitue en État indé-pendant du royaume séleucide, en 239-238, sous l’autorité deDiodote, demeure un État grec, ce qui suppose l’existenced’un fort peuplement hellène.

A l’annonce de la mort d’Alexandre, la Grèce d’Europe est beaucoup plus agitée encore : les Athéniens obtiennent lesoutien des Étoliens, des Phocidiens, des Locriens, et Anti -patros doit s’enfermer dans la ville de Lamia, après un échecaux Thermopyles face au stratège athénien Léosthénès. Denouveaux alliés se joignent à la coalition : Acarnaniens, Épi-rotes, gens d’Élide, de Sicyone, de Messène, d’Argos. Dans laguerre lamiaque, le succès change brutalement de camp, aprèsla mort de Léosthénès au cours du siège de la ville. La flotte

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athénienne, qui avait gardé sa puissance grâce à la politique deLycurgue, est défaite cependant au large d’Amorgos dans l’été322 ; c’est une catastrophe plus grave que la défaite de Ché-ronée (338), car, brusquement, Athènes cesse d’être une puis-sance navale qui compte. Sur terre, les renforts amenés parCratère permettent de lever le siège de Lamia, et Anti patros batles coalisés à Crannon, en Thessalie, au mois de septembre322. En conséquence, Athènes est très durement traitée par levainqueur : il lui impose que soient livrés les meneurs anti-macédoniens (Hypéride est massacré, Démosthène choisit lepoison à Calauria), tandis qu’une constitution censitaire réduitfortement le corps civique athénien. A partir de cette date, unegarnison macédonienne campe à Mou nychia, Oropos et Samossont abandonnés. L’ensemble de la Grèce retombe sous latutelle macédonienne, à l’exception des Étoliens à l’abri deleurs montagnes. 322 marque également l’effacement d’unegénération d’hommes politiques à Athènes : à la suite deLycurgue, disparu en 324, Démosthène et Hypéride, puis Aris-tote, exilé d’Athènes à Chalcis d’Eubée depuis 323. Eschine,quant à lui, commence une nouvelle carrière en enseignant l’é-loquence à Rhodes.

2e partage – Les rivalités entre les diadoques conduisent à un deuxième partage, conclu à Triparadisos sur l’Oronte, en321, après la mort violente de Perdiccas et de Cratère. Antipa-tros exerce seul la régence de l’Empire et reçoit le titre d’é-pimélète des rois, qu’il conduit en Macédoine, ramenant ainsile centre de l’Empire à Pella, loin de l’Orient asiatique ; Séleu-cos reçoit la satrapie de Babylonie et Antigone, stratège del’Asie, est chargé de combattre Eumène de Cardia.

3e partage – En 319, la mort d’Antipatros modifie à nou-veau la distribution des rôles. Le vieux régent a confié lagarde des deux rois à Polyperchon, et il a réservé à son proprefils Cassandre le titre de chiliarque. La lutte entre les deuxhommes aboutit à l’élimination d’une partie de la familleargéade : Olympias, la mère d’Alexandre, revenue d’Épire,fait exécuter Philippe III Arrhidaïos ; la même année (317),elle est tuée par Cassandre qui prend la garde de Roxane et de son fils Alexandre IV ; pour renforcer sa position, Cas-sandre épouse alors la seule demi-sœur d’Alexandre encoreen vie, Thessalonikè. Puis il occupe l’Attique et confie lepouvoir à Démétrios de Phalère. Tyran d’Athènes durant dix

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ans (317-307), Démétrios est l’ami et le protecteur de l’Athé-nien Ménandre qui présente, en 316, sa seule comédie quinous soit parvenue complète, Le Dyscolos ou Le Misan-thrope ; dans son entourage figure aussi Théophraste, le suc-cesseur d’Aristote à la tête de l’école philosophique duLycée, tandis que Xénocratès dirige l’Académie fondée parPlaton. Par la suite, les deux successeurs d’Antipatros, Poly-perchon et Cassandre, s’accordent pour se partager la Grèce,le premier prenant le Péloponnèse ; il disparaît vers 303/302.

En Asie Mineure, Antigone le Borgne met à mort Eumèneen 316 et réunit un vaste territoire sous sa seule autorité, de l’Asie Mineure jusqu’à l’Iran. Pour la population égyp-tienne, depuis 323 le pharaon ne s’appelle plus Alexandremais Ptolémée ; après avoir été égyptien, puis perse, le pha-raon est macédonien et Ptolémée fils de Lagos est vénérécomme tel.

La lutte pour l’Empire (315-301)

4e partage – Antigone le Borgne cherche à rétablir à sonprofit l’unité de l’Empire et les autres diadoques s’unissentcontre ses prétentions. Après plusieurs années de guerre contrePtolémée en Syrie-Phénicie et contre Cassandre en Grèce, oùAntigone prône le rétablissement de la liberté et de l’autono-mie des cités et encourage la formation du Koinon des Nésiotes(Fédération des insulaires) en mer Égée, la paix de 311 dressele constat des forces respectives : à Cassandre la stratégie surl’Europe jusqu’à la majorité d’Alexandre IV, à Lysimaque laThrace, à Ptolémée l’Égypte, à Antigone l’Asie, sans qu’il soitfait mention de Séleucos qui ne participe pas à cette paix.C’est pourtant dans l’année 312 que commence l’ère séleu-cide, au moment où Séleucos reprend le contrôle des satrapiessupérieures, en Iran et au-delà, que tenait Antigone depuis savictoire sur Eumène.

En 310, Cassandre anéantit la dynastie argéade en faisanttuer le jeune Alexandre IV et sa mère Roxane. Cet événe-ment marque la fin du royaume argéade, la fiction de l’unitéde l’Empire maintenue en faveur du fils d’Alexandre estdétruite, et l’éclatement (en cinq États à cette date) est inévi-table si l’un des généraux ne réussit pas à rétablir l’unité à

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son profit. C’est le désir d’Antigone le Borgne, épaulé parson fils Démétrios ; il ne peut empêcher néanmoins l’actionde Séleucos dans les satrapies orientales ni celle de la flottede Ptolémée en mer Égée, à partir de Chypre notamment.

En 307/306, Démétrios prend Athènes et en chasse le tyranDémétrios de Phalère qui se réfugie à Alexandrie, où il est bientôt à l’origine de la fondation du Musée, transférantainsi d’Athènes à la ville nouvelle le flambeau de la culturegrecque. Le fils d’Antigone le Borgne rétablit la démocratieathénienne ; accueilli en libérateur, il est salué du titre royal,traité avec son père à l’égal d’un dieu : selon Plutarque, Vie deDémétrios, 13, le peuple lui demande de rendre un oracle,puisqu’il est le Sauveur. On peut donc mesurer la rapidité de l’évolution des mentalités au sein de la population athé-nienne : en 324, celle-ci rechignait à conférer les honneursdivins à Alexandre ; en 307, c’est une surenchère de faveurspour les nouveaux rois Démétrios et son père Antigone le Borgne ; deux nouvelles tribus, Antigonis et Démétrias,s’ajoutent aux dix tribus clisthéniennes, le Conseil comprendsix cents bouleutes et l’année est découpée en douze prytanies.La victoire de Chypre pousse Antigone et son fils à prendre letitre de basileus ; ils se veulent les seuls successeursd’Alexandre. Les autres diadoques ne tardent pas à prendreaussi le titre royal (305/304), car ils ne veulent pas laisser à Antigone et à son fils le monopole de la royauté. Certes,Ptolémée était considéré depuis 323 comme pharaon par lesprêtres égyptiens et sans doute une bonne partie de la popula-tion locale, Séleucos était roi dans son domaine oriental. Maislorsque Cassandre, Lysimaque, Ptolémée et Séleucos prennenteffectivement le titre de basileus, c’en est fait de l’unité del’Empire.

En 306, Démétrios contraint Salamine de Chypre à capitu-ler, ce qui est un coup dur pour le roi lagide, mais l’offensivecontre Ptolémée s’essouffle au cours du siège de Rhodes, îlequi reste le seul obstacle à la suprématie maritime des Anti -gonides, entre le Koinon des Nésiotes et Chypre ; le Polior -cète (surnom donné à Démétrios, pour saluer son art deconduire les sièges) doit négocier, en 304, avec les Rhodiensqui saluent Ptolémée du titre de dieu Sauveur (Sôter) etélèvent une colossale statue d’Hélios à l’entrée de leur port.En Grèce même, Démétrios s’établit à Corinthe et dans le

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Antiochos IV, 63, 161.Antiochos Hiérax, 35, 36, 118,

165, 210.Antipatros, 17-19, 43, 113, 114,

116, 136, 141, 177, 220.Antipatros, neveu de Cassandre,

26.Antisthène, 172.Apamè, mère d’Antiochos Ier, 34.Aphtonétos, stratège du nome

Arsinoïte, 155.Apollodore le Stoïcien, 169.Apollonios, diocète de Ptolémée

II, 66, 80, 97, 101, 148.Apollonios de Pergé, 188.Apollonios de Rhodes, 75, 184,

185, 188.Apollonis de Cyzique, 199.Apollophanès d’Antioche, 198.Appien, 99, 165, 206-208, 210,

222.Aratos de Sicyone, 29, 38, 39,

78, 115, 179, 211.Arcésilas de Pitané, 171.Archestratos, 170.Archias, 197.Archidamos de Sparte, 27.Archimède, 187, 188, 192, 195-

197.Archytas de Tarente, 194, 195.Areus de Sparte, 29, 38, 49.Ariarathe III de Cappadoce, 33, 34.Aristarque de Samos, 188, 189.Aristoboulos, 177.Aristodamos, tyran de Mégalo-

polis, 38, 106.Aristodicidès d’Assos, 106, 160,

161.Aristomachos, tyran d’Argos,

38.Aristomédès, père de Diognè -

tos, 83.Aristophane, 170.Aristote, 18, 19, 43, 44, 58, 73,

93, 113, 114, 133, 135, 168,

171, 172, 180, 181, 187, 191.Arrien, 98, 140, 141, 177, 178,

181.Arsace Ier, 37.Arsace II, roi parthe, 213.Arsinoé II Philadelphe, 48, 54,

68, 156.Asoka, 33, 201, 235.Aspasianos, 160.Athénée de Naucratis, 86, 197.Attale Ier de Pergame, 36, 54,

158, 165, 199, 210, 213, 215,216.

Auguste, 45, 73, 203.

Bardylis Ier, roi illyrien, 99, 140.Belgius, 26.Bérénice, fille de Ptolémée II,

deuxième femme d’AntiochosII, 30, 34, 35, 87, 118.

Bérénice, femme de Ptolémée III,54, 157.

Bérénice, fille de Ptolémée III,68.

Bérose, 180.Boéthos de Chalcédoine, 41.Boulagoras de Samos, 118.Brennus, 26.Bryaxis, 199.

Callimaque, 75, 184, 185.Callisthène d’Olynthe, 44, 177.Cambyse, 45, 47.Cassandre, 18-22, 26, 44, 47, 48,

54, 55, 99, 106, 128, 170, 179,215, 220.

Caton l’Ancien, 223, 234.Celse, 189.Chairémon, 170.Charops l’Ancien, 81, 219, 227.Charops le Jeune, 139.Chrémonidès, 29, 38, 49, 107,

117, 168.Chrysippe de Cilicie, 41, 169,

174.

Index des noms de personnes 263

Page 22: Le monde hellénistique

Chrysippe de Cnide, 189.Cinéas, 142.Claude Ptolémée, 73.Cléanthe d’Assos, 169, 174, 175,

189.Cléomène III de Sparte, 39, 109,

115, 137, 175, 176, 182, 210-212.

Cléomène de Naucratis, 180,181.

Cléopatre, fille de Philippe II,femme d’Alexandre le Molosse,95, 136, 138.

Cléopatre VII, 21.Cléopatre, fille d’Antiochos III,

225.Clisthène, 107.Cornelius Lentulus (L.), 224.Cratère, 17, 18.Cratère, demi-frère d’Antigone

Gonatas, 38.Cratès de l’Académie, 171.Cratès de Thèbes, 91.Ctésibios d’Alexandrie, 192,

193.Cyrus, 47.

Darius Ier, 47, 85.Darius III, 141.Déidamie d’Épire, 40.Deinocratès de Rhodes, 181.Démétrios II, 29, 37-40, 109,

136, 137, 168, 209, 210.Démétrios de Magnésie, 91.Démétrios de Phalère, 18-20, 64,

106, 170, 171, 179, 182.Démétrios de Pharos, 209, 211,

214.Démétrios Poliorcète, 20-22, 24,

26, 27, 29, 37, 47, 52, 53, 86,106, 107, 116, 117, 151, 177,195, 211, 221.

Démocharès, 22, 52, 170, 179.Démocrite, 173.Démosthène, 18, 76, 94, 111,

112, 127, 131, 135, 169, 170,176, 177, 179.

Denys d’Halicarnasse, 42.Dicaiarchos, 107, 168.Dioclès de Carystos, 189.Diodore de Sicile, 11, 59, 81, 99,

113, 115, 128, 133, 151, 156,177-179, 220, 221.

Diodôros, fils de Dioscouridès,83.

Diodote de Bactriane, 17, 35-37.

Diodote II, 37, 213.Diogène Laërce, 91.Diogène de Sinope, le Cynique,

168, 169, 172, 173.Diognètos, fils d’Aristomédès,

83.Dion de Syracuse, 51.Dion Cassius, 205-208.Diphile de Sinope, 171.Diyllos d’Athènes, 179.Dorimachos, stratège étolien,

138, 214.Douris de Samos, 51, 53, 178.

Éacide, père de Pyrrhos, 47, 133.Empédocle, 186.Éphore, 126.Épicure, 21, 168, 169, 173, 174.Épigonos de Pergame, 200.Érasistratès de Céos, 189, 190.Ératosthène de Cyrène, 31, 73,

185, 187, 192, 212.Eschine, 18, 170.Eschyle, 170.Étienne de Byzance, 177.Euboulidès, 41.Euboulos, 113.Euclide, 21, 187.Eudoxe de Cnide, 73, 187, 188,

195.Eumène de Cardia, 17-19, 177.Eumène (Ier) de Pergame, 30,

34, 165.

Index des noms de personnes264