Dr Wilbert Kreiss

Le Millénialisme

© CENTRE DE DOCUMENTATION ET D’EUDE CHRÉTIENNE Sherbrooke, 2010

Le millénialisme

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Le millénialisme

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INTRODUCTION

"De même, nous rejetons certaines doctrines juives que l'on rencontre aussi

actuellement, d'après lesquelles, avant la résurrection des morts, les saints et les

pieux régneront seuls sur la terre et anéantiront tous les impies".

C'est en ces termes que la Confession d'Augsbourg rejette ce qu'on appelle de

nos jours le millénialisme (Article XVII). L'erreur ne date donc pas de notre

époque. Elle reprend à son compte, en les amplifiant, le rêve et les illusions

plusieurs fois millénaires du peuple d'Israël. Depuis l'an 63 avant Jésus-Christ,

date à laquelle Pompée, à la tête des légions romaines, après un siège de trois

mois, pénétra dans la forteresse du temple de Jérusalem et soumit la Judée à

l'empire romain, après l'avoir amputée de la Samarie, des villes côtières et

d'autres territoires qu'il rattacha à la Syrie, Israël avait perdu son autonomie...,

jusqu'à la fondation de l'État israélien en 1948.

.

L'antique rêve d'Israël serait-il en train de se réaliser? Se pourrait-il que les

événements politiques au Moyen-Orient donnent raison à tous ceux qui

s'appuyant sur des textes bibliques, estiment que le temps est proche où les

Juifs, affluant vers la Palestine, rejoindront les chrétiens dans la foi en Christ, qui

reviendra dans sa gloire et fera de Jérusalem la capitale d'un royaume aussi

grand que la terre, dans un monde de paix, de justice et d'immortalité, où il

régnera avec les siens durant mille ans, avant que ne vienne le grand jour du

jugement?

DU RÊVE TENACE AUX ILLUSIONS DANGEREUSES!

Le rêve est tenace! Il infeste l'eschatologie, c'est-à-dire la doctrine des choses

dernières de nombreuses Églises et communautés protestantes, évangéliques et

autres. Il réapparaît partout, dans les manuels de théologie et de piété, dans

certains films d'évangélisation, et jusque dans la Bible dite de "Scofield" dont il

constitue une véritable grille de lecture. Beaucoup de fidèles analysent à sa

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lumière les événements du présent et supputent l'avenir, dans l'attente de la

réalisation de soi-disant prophéties bibliques, dans l'espoir de pouvoir "connaître

les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité" (Actes 1: 7).

Et au nom de l'Écriture ils retombent dans le rêve charnel de l'humanité, celui

d'un âge d'or, fait de bien-être, de justice et de délices, au lieu de mettre leur

espérance dans les seuls biens qui soient véritables et durables, ceux que Dieu

réserve aux siens dans le ciel!

Les illusions sont dangereuses! Non seulement elles sont contraires à ce

qu'enseigne l'Ecriture, non seulement elles falsifient de claires données de la

Bible, mais elles induisent aussi les âmes dans une grave erreur et les rendent

prisonnières d'une fausse espérance, fondamentalement différente de la

profession de l'espérance que nous devons retenir fermement (Hébreux 10: 23).

C'est ce que la présente étude essaiera de démontrer.

W. Kreiss

Châtenay-Malabry

1994

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I

HISTORIQUE DU MILLÉNIALISME

On distinguait jadis entre le chiliasme ou millénialisme subtil et le chiliasme ou

millénialisme grossier. La distinction était correcte, mais manquait de nuances. De nos

jours, on parle plus volontiers de prémillénialisme et de postmillénialisme, et on

distingue à propos de chacun entre l'ancien et le moderne.

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Le Prémillénialisme :

Cette doctrine enseigne que le Christ reviendra sur terre avant le règne de mille ans,

d'où son nom : "prémillénialisme".

Le Prémillénialisme ancien, dont le plus grand représentant fut Irénée de Lyon (mort

en 202) affirmait que le monde actuel vivrait 6000 ans, correspondant aux six jours de la

création. Après une période de tribulations croissantes et l'apparition de l'Antéchrist, le

Christ reviendrait sur terre, ressusciterait les saints et régnerait avec eux durant mille

ans, correspondant au septième jour de la création, le jour de repos. Jérusalem serait

reconstruite, et la terre produirait des fruits en abondance. Ce règne de mille ans serait

précédé de l'évangélisation du monde entier et de la conversion d'Israël. Durant le

Millénium, les païens se convertiraient en grand nombre et seraient incorporés au

royaume. Puis viendrait la résurrection générale, suivie du jugement dernier et de la

création des nouveaux cieux et de la nouvelle terre.

C'est le type de Prémillénialisme auquel ont souscrit, avec des divergences dans les

détails, de très nombreux théologiens, d'orientation au demeurant fort diverse : Mede,

Bengel, Auberlen, Van Andel, Christlieb, Ebrard, Godet, Hofmann, Lange, Stier, Van

Oosterzee, Alford, Andrews, Ellicott, Guinness, Kellogg, Zahn, Moorehead, Newton,

Trench, etc.

Le Prémillénialisme actuel naquit dans le deuxième quart du 19° siècle, sous le nom

de "dispensationalisme", sous l'impulsion de Darby, puis de Kelly, Trotter et d'autres

théologiens anglo-saxons : Scofield, Bullinger, Grant, Blackstone, Gray, Silver, Haldeman,

Gaberlein, Brookes, Riley, Rogers, etc.

Le dispensationalisme constitue toute une philosophie de l'histoire de la rédemption,

dans laquelle l'histoire actuelle de l'Eglise n'est qu'un interlude. Son programme

eschatologique est des plus complexes et confus : plusieurs parousies (venue du Christ

pour les élus, avant la grande tribulation, avènement général du Christ entre la grande

tribulation et le Millénium, parousie du Christ pour le jugement général), deux, trois,

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voire même quatre résurrections des morts, trois jugements. Selon les uns, Israël sera

intégré à l'Église chrétienne ; selon les autres, Dieu aura deux peuples éternellement

séparés, Israël qui régnera sur terre, et l'Église dans les cieux. Les plus grandes

divergences, allant jusqu'aux contradictions les plus flagrantes, se font jour. C'est sur ce

Prémillénialisme actuel que portera notre étude.

Le Postmillénialisme :

Il diffère du Prémillénialisme en ce qu'il situe le retour du Christ après le Millénium. Il

évolue selon deux variantes : ou bien le Millénium est conçu comme réalisé par

l'influence surnaturelle du Saint-Esprit, ou bien on voit en lui l'aboutissement d'un

processus naturel d'évolution.

Le Postmillénialisme ancien, représenté par des théologiens réformés hollandais du

16° et du 17° siècles, ainsi que certains théologiens modernes (O.Brown, J. Berg, J.H.

Snowdon, T.P. Stafford, A.H. Strong), assimile le Millénium à un âge d'or pour l'Eglise,

une période de grand succès pour l'Evangile, fait de conversions massives de païens et

de Juifs, suivie d'une courte période de tribulations et d'apostasie, et du jugement du

monde. Les opinions divergent quant à la datation de ce Millénium, les uns le situant

dans le passé, d'autres dans le présent, d'autres enfin dans l'avenir.

Le Postmillénialisme moderne conçoit le Millénium comme le résultat d'une évolution

naturelle, à laquelle l'homme doit contribuer par un programme constructif visant à

améliorer le monde. Tel est le point de vue de la grande majorité des postmillénialistes

actuels. La recherche de l'ordre social, de l'équité, de la justice, d'une bonne répartition

des ressources de ce monde, de la victoire des intérêts et préoccupations spirituels sur

le matérialisme inaugurera une ère de bien-être et de bonheur pour l'Église et pour le

monde. C'est la confiance absolue et aveugle dans les progrès de l'humanité et son

ascension sociale et morale. Qu'il faut mal connaître l'homme pour se bercer de telles

illusions! Qu'il faut mal connaître aussi les textes bibliques qui décrivent la fin des

temps! L'homme en révolte contre son Créateur et sans communion avec Dieu ne peut

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en aucun cas à grand renfort de réformes sociales, éducatives et morales, amener

l'instauration du règne divin. Dieu seul peut le faire. Aucun moyen naturel ne peut

établir son règne. Seule la régénération, la conversion à Dieu, peut changer les coeurs, et

donc les vies. Elle seule peut donc réaliser le Royaume du Christ. Là aussi il faut se

bercer d'illusions pour voir dans l'évolution actuelle du monde l'accession à un âge d'or

à venir. Il n'est pas besoin d'être pessimiste pour voir dans le spectacle qu'offre le

monde actuel la preuve de l'inverse.

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I

LE DISPENSATIONALISME

Sa conception de l'histoire :

Le dispensationalisme est une doctrine qui affirme que Dieu traite et gouverne le monde

sur la base de différentes alliances, selon différentes dispensations. Chacune s'achève

sur un jugement, parce que l'homme ne fait pas ses preuves. La Bible de Scofield en

discerne sept :

1) L'état d'innocence : Genèse 1 :28 ss. L'homme, créé innocent, est mis

à l'épreuve à l'aide d'un commandement précis. Il échoue et est chassé du paradis.

2) La Conscience ou Responsabilité Morale : Genèse 3 : 7 ss. L'homme

pénètre dans le domaine de l'expérience morale en péchant, au lieu d'accomplir la

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volonté de Dieu. Le Seigneur traite Adam déchu en homme responsable, en lui

demandant de faire sa volonté et de lui apporter des sacrifices qui préfigureront celui du

Rédempteur annoncé. Nouvel échec de l'humanité, qui est sanctionné par le déluge.

3) Le Gouvernement humain : Genèse 8: 15 ss. Dieu établit avec Noé la

condition de l'homme dans la société et lui défend en particulier, sous peine de mort, de

verser le sang de ses semblables.

4) La Promesse : Genèse 12. Elle est fondée sur une alliance conclue

avec Abraham et qui reste en vigueur jusqu'à la promulgation de la Loi au Sinaï.

Abraham reçoit la promesse qu'il donnera naissance à un grand peuple et que toutes les

nations de la terre seront bénies en sa postérité, c'est-à-dire en Israël, et en particulier

en Jésus, postérité d'Abraham.

5) La Loi : Exode 19 : 1. Fondation de la théocratie au Sinaï. Elle

atteignit son apogée à l'époque de David et de Salomon, mais aboutit à la déportation,

par suite de l'infidélité du peuple

6) L'Église : Actes 2: 1. Dieu avait promis par les prophètes qu'il

restaurerait le trône de David à l'époque du Messie, et que les païens partageraient les

bénédictions d'Israël. Mais Israël ayant persisté dans son incrédulité, le Messie décide de

surseoir au rétablissement du règne de David. En attendant il fonda l'Église. Celle-ci n'a

rien à voir avec le règne du Messie et n'a pas été annoncée par les prophètes. Le Christ

en est non pas le Roi, mais la tête divine. Elle doit annoncer non pas l'Évangile du

Royaume, mais celui de la grâce, et n'aura que peu de succès.

7) Le Royaume : Apocalypse 2O : 4. C'est l'instauration par le Christ,

lors de son premier retour, du règne promis à David. Il est caractérisé par des

conversions massives et une période de bonheur, de joie, de paix et de prospérité sur

terre. Au bout de mille ans, Satan sera relâché et fomentera une dernière révolte. Mais il

sera terrassé par le Christ et jeté dans l'abîme de feu et de soufre. Après quoi, celui-ci

remettra le Royaume à son Père.

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Il va sans dire qu'une telle dissection de l'histoire du monde en sept dispensations

différentes est contraire à l'enseignement de la Bible. L'Écriture n'en connaît que deux :

celle de l'innocence, où l'homme aurait été confirmé dans sa justice et son immortalité,

s'il n'avait pas échoué dans l'épreuve qui lui fut imposée, et celle de la chute, qui fut une

alliance de grâce fondée sur la promesse d'une rédemption. L'alliance conclue avec

Abraham et toute l'histoire du peuple d'Israël jusqu'à la venue du Rédempteur promis

avaient pour seul but de préparer cette dernière. Elle ne fut nullement abrogée au Sinaï

ni remplacée par une alliance de la Loi. La législation du Sinaï était la simple charte

théocratique qui devait présider à l'existence de cette nation que Dieu avait choisie en la

créant, afin de réaliser ses promesses, quand les temps seraient accomplis. Enfin, la

conception dispensationaliste du règne du Messie que Jésus voulait instaurer lors de sa

première venue et dont il retarda l'instauration jusqu'à l'avènement du Millénium, en

raison de l'incrédulité de son peuple, est tout à fait fausse. En aucun cas, le Messie

annoncé par les prophètes ne devait établir un règne de grandeur, de justice et de paix

sur terre. L'argumentation est tout aussi fallacieuse, qui affirme que Jésus aurait établi

un règne, si son peuple ne l'avait pas rejeté. Israël en effet l'aurait accueilli à bras

ouverts, s'il était venu instaurer un tel règne. Le peuple dans son aveuglement

n'attendait que cela, et s'il a rejeté le Messie, c'est parce qu'il était si peu conforme à

l'image qu'il s'en faisait. Les Juifs ne rêvaient que d'un leader politique qui s'assujettirait

toutes les nations et rendrait au peuple de Dieu sa gloire d'antan. Le Nouveau Testament

prouve ainsi exactement le contraire de ce que les dispensationalistes entendent

démontrer!

Son eschatologie :

Nous la présenterons en résumant un ouvrage de René Pache intitulé "Le retour de

Jésus-Christ" (Emmaüs, 1968). Le lecteur n'aura guère de mal à constater ce qu'il y a de

démentiel dans une présentation aussi complexe et confuse, si peu conforme à la clarté

et la sobriété de l'enseignement biblique :

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A une date que tout le monde ignore, lorsque tous les élus se seront convertis au

Seigneur, Jésus apparaîtra soudain pour enlever son Église et la conduire au ciel, après

avoir ressuscité les chrétiens morts. Ce sera un enlèvement instantané qui échappera à

la vue des incroyants. Ceux-ci constateront soudain qu'il manque beaucoup d'hommes

sur terre. Ainsi, les croyants échapperont à la grande tribulation.

Celle-ci durera 1260 jours (un temps, deux temps et la moitié d'un temps, soit trois ans

et demi). Elle sera l'oeuvre de Satan, secondé par l'Antichrist et le faux-Prophète.

L'antichrist, probablement un Juif, se fera acclamer comme Sauveur. Il parviendra à la

domination universelle et exercera une dictature politique, économique et religieuse. Au

bout de trois ans et demi de grande tribulation, les peuples se révolteront contre lui et

lui feront la guerre à Harmaguédon. Un faux-prophète, dont le siège sera sans doute à

Rome, la Babylone de l'Apocalypse, sera son lieutenant. Il sera le chef de la religion

apostate englobant l'Église romaine et les infidèles de toutes les confessions. Deux

témoins de Dieu reviendront sur terre, Elie et Hénoc. Ils feront des miracles et

constitueront le dernier avertissement de Dieu. Elie et Hénoc seront mis à mort, mais ils

ressusciteront trois jours après. Toutes les nations de la terre se ligueront contre

l'Antichrist à Harmaguédon, l'ancienne Méguido en Palestine. Le tiers ou le quart de

l'humanité sera détruit. Mais Jésus viendra délivrer Jérusalem et donner la victoire aux

siens. Satan sera enchaîné durant mille ans, et l'Antichrist et le faux-Prophète jetés dans

l'étang de soufre et de feu. Harmaguédon sera la plus terrible épreuve dans l'histoire du

peuple d'Israël. mais elle l'incitera à se convertir massivement au Christ. Les Juifs

recevront un coeur nouveau et connaîtront dans leur ancienne patrie, reconstruite et

fleurissante, la prospérité et le bonheur.

Puis le Christ apparaîtra sur les nuées avec l'Église qu'il avait ravie au ciel, pour lui

épargner la grande tribulation. Il posera les pieds sur le Mont des Oliviers. Tous

comparaîtront devant lui, pour savoir qui sera trouvé digne de participer au Millénium.

Ce sera un règne de paix et de joie mais sans plaisirs charnels. Les martyrs morts durant

la grande tribulation ressusciteront et régneront avec lui et son Église revenue sur terre,

soit 1/3 des Juifs et une minorité de païens convertis. Ils connaîtront la justice

qu'exceptionnellement. Une prospérité paradisiaque s'établira. Les Juifs, convertis en

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masse au Christ, deviendront les missionnaires du monde. Les nations dans leur

ensemble se tourneront vers le Seigneur. Seule une petite minorité persistera dans son

incrédulité. Il y aura encore des péchés, mais ils seront moins nombreux. Les hommes

vivront en général tout le temps que durera le Millenium.

Celui-ci connaîtra cependant un dénouement déconcertant. Satan sera relâché pour un

peu de temps et s'attaquera à Jérusalem et aux saints. Mais il sera foudroyé par le

Seigneur, et ceux qui l'auront suivi seront consumés par le feu.

Enfin viendra la deuxième résurrection, celle des incroyants de tous les temps, qui

seront jugés et périront en enfer. Mille ans, plus la durée de la grande tribulation

sépareront donc la résurrection des croyants de celle des incrédules. D'autres

dispensationalistes intercalent une troisième résurrection entre ces deux, celle des

croyants qui seront morts durant la grande tribulation, avant le Millénium.

Si tous les Prémillénialistes s'accordent sur les grandes lignes de cette eschatologie, ils

divergent beaucoup dans les détails. Des réponses différentes, voire contradictoires sont

données aux questions suivantes : Le règne du Christ sur terre, durant le Millénium,

sera-t-il visible ou spirituel? Les 1000 ans sont-ils à interpréter littéralement ou non? La

conversion des Juifs précédera-t-elle ou suivra-t-elle leur retour en Palestine? Les

conversions durant le Millénium se feront-elles par l'Évangile ou par d'autres moyens?

Les saints ressuscités vivront-ils durant le Millénium sur terre ou dans le ciel? Qu'en est-

il du péché et de la mort durant le Millénium?... Ces divergences, qui sont loin d'être

minimes, montrent l'incohérence de tout le système.

Il n'est pas possible dans le cadre de cette étude de procéder à une réfutation complète

de tous les éléments de l'eschatologie millénialiste. Un livre y suffirait à peine. De plus,

cela nécessiterait une étude préalable des chapitres de l'Apocalypse et de certains

prophètes (Ezéchiel, Daniel), que nous ne pouvons faire ici. Nous nous bornerons donc à

réfuter deux affirmations-clé de tout ce système : le concept de Millénium et le rôle

attribué au peuple d'Israël.

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II

L E M I L L É N I U M

L'examen de la doctrine que nous venons de résumer permet de dégager la séquence

suivante :

- Première résurrection des morts (croyants) et enlèvement de

l'Eglise au ciel,

afin de lui épargner la grande tribulation.

- Grande tribulation de trois ans et demi, déclenchée par Satan,

l'Antichrist et le Faux-Prophète, suivie de la bataille d’Harmaguédon en Palestine : mort des 2/3 de Juifs et de 1/3 ou 1/4 des hommes en général.

- Satan est lié. Retour des Juifs en Palestine, et leur conversion

massive au Christ. Instauration du règne de mille ans.

- Satan est relâché pour un peu de temps, mais sera foudroyé par le

Seigneur.

- Deuxième résurrection : celle des incroyants, qui iront en enfer.

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Une telle séquence est antiscripturaire. Elle fait appel presque exclusivement à des

affirmations prophétiques de l'Ancien Testament et de l'Apocalypse. Certes, ces livres

sont inspirés au même titre que les autres écrits de la Bible. Il ne s'agit pas de mettre

leur autorité en question. Ils sont Parole de Dieu, et donc source et norme de doctrine.

On ne peut nier toutefois que leur interprétation soulève, en tout cas dans leur textes

eschatologiques, des difficultés qui sont inhérentes à la nature même de leur message.

Leur explication, si elle veut être saine et correcte, doit se fonder sur des principes

d'interprétation rigoureux, notamment sur les suivants :

- Toute interprétation d'un texte biblique doit être conforme à

l'ensemble des vérités révélées dans la Bible.

- Les textes difficiles doivent être interprétés à la lumière de textes

clairs et facilement compréhensibles qui traitent de la même doctrine.

- L'Ancien Testament, annonçant à l'avance la venue de Jésus-Christ,

son oeuvre rédemptrice et l'histoire de l'Église chrétienne jusqu'à la fin

des temps, doit être interprété à la lumière du Nouveau Testament.

Or que constatons-nous? Que ni le Christ ni les apôtres, si on fait abstraction de certains

chapitres difficiles de l'Apocalypse, ne disent rien des affirmations fondamentales de

l'eschatologie millénialiste. Que ces affirmations sont contraires à leur enseignement.

Qu'elles font même, avec leur conception du Millénium, violence au chapitre 20 de

l'Apocalypse, sur lequel elles entendent se fonder.

1) Le Christ est considéré par le millénialisme comme le Chef suprême du règne

de mille ans qu'il est censé établir sur terre. Si donc quelqu'un peut parler de ce

règne de façon autorisée, c'est bien lui. Or que constatons-nous? Qu'il n'en dit pas un

traître mot et que l'on fait violence à toutes les paroles de Jésus sur lesquelles on croit

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pouvoir se fonder. Et il en va de même de ceux qu'il avait chargé d'enseigner aux nations

tout ce qu'il leur avait prescrit (Matthieu 28 : 20) et à qui il avait promis le Saint-Esprit,

pour qu'il leur rappelle tout ce qu'il leur avait dit (Jean 14 : 26) et les conduise dans

toute la vérité (Jean 16 : 13).

Ni Jésus ni les apôtres ne parlent d'un enlèvement au ciel des chrétiens avant la

fin du monde, d'une conversion massive des Juifs, d'un retour d'Elie et d'Hénoc,

d'un règne terrestre, visible, politique, social, moral et spirituel de Jésus et d'une

double résurrection!

Pour étayer sa doctrine de l'enlèvement de l'Église au ciel, avant la grande tribulation,

René Pache, dans l'ouvrage déjà cité, recourt à des textes qui annoncent le retour du

Christ à la fin des temps, pour le jugement du monde:

"Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils

rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu'à

l'autre...Alors, de deux hommes qui seront dans un champ, l'un sera pris et l'autre laissé ;

de deux femmes qui moudront à la meule, l'une sera prise et l'autre laissée" (Matthieu

24 : 31.40.41).

Enlèvement de l'Église avant la grande tribulation, dit R. Pache! Cependant ce texte ne

dit rien d'une résurrection des croyants avant cet enlèvement. D'autre part, le contexte

montre clairement que ce retour du Christ aura lieu, non pas avant la grande tribulation

et le Millénium, mais à la fin des temps, pour le jugement : "Aussitôt, après ces jours de

détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont

du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Alors le signe du Fils de l'homme

paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils

de l'homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire...Il le mettra

en pièces et lui donnera sa part avec les hypocrites ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des

grincements de dents" (Matthieu 24 : 29.30.51).

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"Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au

son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront

premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble

enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs et ainsi nous

serons toujours avec le Seigneur" (1 Thessaloniciens 4: 16.17)

Enlèvement de l'Église au ciel avant la grande tribulation, dit R. PACHE! Mais dans le

verset précédent, l'apôtre déclare : "Nous, les vivants, restés pour l'avènement du

Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui sont morts" (1 Thessaloniciens 4: 15). Or,

chaque fois que la Bible parle de l'avènement du Seigneur, elle annonce sa venue à la fin

des temps, pour le jugement du monde.

"Voici, je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous

nous serons changés, en un instant, en un clin d'oeil, à la dernière trompette. La

trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons

changés" (1 Corinthiens 15 : 51.52).

Enlèvement de l'Église dans le ciel, avant la grande tribulation et son retour sur terre

pour le Millénium? Non, mais son entrée définitive dans le ciel, "à la dernière trompette",

quand Jésus reviendra pour juger les vivants et les morts et introduira les siens dans la

gloire céleste!

2) Non seulement la Bible ignore la doctrine du Millénium, mais celle-ci est aussi

contraire à certaines de ses plus importantes vérités.

Le millénialisme contredit la doctrine biblique du règne du Christ. Le règne de Jésus est

- céleste, et non terrestre,

- spirituel, et non politique, social et moral

- caché et dans les coeurs, et non visible,

- toujours le même, et non pas tantôt terrestre et tantôt céleste,

Le millénialisme

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- fait de bénédictions spirituelles qui parviendront à leur plénitude

dans ciel, et non de biens temporels et matériels.

"Mon Royaume n'est pas de ce monde... Mon Royaume n'est pas d'ici-bas" (Jean

18: 36)

"Le Seigneur me délivrera de toute oeuvre mauvaise et il me sauvera, pour me

faire entrer dans son "Royaume céleste" (2 Timothée 4 : 18)

"Jésus, sachant qu'ils allaient venir l'enlever pour le faire roi, se retira de

nouveau sur la montagne, lui seul " (Jean 6:15)

"Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards. On ne dira

point Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le Royaume de Dieu est au milieu de vous"

(Luc 17: 20.21)

" Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu. Quand Christ,

votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire" (Colossiens

3:3.4)

"Désormais, la couronne de justice m'est réservée. Le Seigneur, le juste juge, me

la donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui

auront aimé son avènement" (2 Timothée 4: 8)

"Nous attendons selon sa promesse de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où

la justice habitera" (2 Pierre 3: 13)

"Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le

monde donne" (Jean 14: 27)

"Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des

tribulations dans le monde : mais prenez courage, j'ai vaincu le monde".

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La seule paix que le Christ offre aux siens n'est pas celle d'un paradis terrestre, mais

celle que Dieu offre dans l'Évangile et qu'on obtient par la certitude du pardon des

péchés :

"Étant justifié par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-

Christ, à qui nous devons d'avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle

nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de

Dieu. Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions! (Romains 5: 1.2)

De même que la justice que nous offre le Christ n'est pas de nature politique et sociale

dans un paradis terrestre, mais le pardon des péchés que le croyant porte dès

maintenant dans le coeur, de même sa paix n'est rien d'autre que la sérénité de l'âme

dans la certitude de l'amour divin, une paix qui accompagne et réconforte le chrétien au

milieu même des afflictions qu'il connaît dans ce monde et qui dureront jusqu'à la fin

des temps. C'est la merveilleuse arme que Dieu lui tend dès maintenant et qui lui permet

d'affronter la tribulation, jusqu'au jour où le Seigneur le délivrera par la mort ou par son

retour dans la gloire. C'est ce qui permet à Jésus de dire à la fois

"Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le

monde donne" (Jean 14: 27), et

"Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée" (Matthieu 10: 34).

3) L'eschatologie millénialiste est encore contraire aux données suivantes de la

Bible :

La Bible ne promet aux croyants aucun âge d'or, aucun bonheur paradisiaque sur terre,

mais décrit leur vie comme une vie de combats et leur condition comme faite de luttes et

de tribulations. Ils ne seront consolés et récompensés que dans le ciel.

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"Heureux les affligés, car ils seront consolés!... Heureux ceux qui sont persécutés

pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux! Heureux serez-vous,

lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de

vous toute sorte de mal à cause de moi! Réjouissez-vous et soyez dans

l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux" (Matthieu

5: 10-12)

"C'est par beaucoup de tribulations qu'il nous faut entrer dans le Royaume de

Dieu" (Actes 14: 22)

"Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et

cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d'être glorifiés avec

lui" (Romains 8: 17)

"Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l'homme, au renouvellement de toutes

choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m'avez suivi, vous serez de

même assis sur douze trônes et vous jugerez les douze tribus d'Israël. Et

quiconque aura quitté à cause de mon nom, ses frères ou ses soeurs, ou son

père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres ou ses maisons,

recevra le centuple et héritera la vie éternelle" (Matthieu 19: 28.29)

"Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons

n'a pas encore été manifesté, mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté,

nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est" (1 Jean 3:

2)

"Nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu" (Romains 5: 2)

"Réjouissez-vous au contraire de la part que vous avez aux souffrances de

Christ, afin que vous soyez aussi dans la joie et dans l'allégresse, lorsque sa

gloire apparaîtra" (1 Pierre 4 : 13)

Le millénialisme

21

"Quand Christ, notre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la

gloire" (Colossiens 3: 3)

"Nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de

toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non aux

choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont

passagères, et les invisibles sont éternelles" (2 Corinthiens 4: 17.18)

L'Écriture enseigne aux croyants à se détacher des biens et voluptés de ce monde, pour

rechercher le Royaume de Dieu par la patience dans l'épreuve (Ro 5: 3.4 ; Héb 10: 36). Il

n'est pas vrai que les persécutions et les afflictions ne concernent l'Église qu'avant

l'instauration du Millénium, car l'ivraie ne sera séparée du blé que lors de la moisson qui

n'est autre que le jugement dernier (Mt 13 : 30). Les tribulations persisteront jusqu'à la

fin (Mt 24: 13). Aucune période de rémission n'est promise au monde avant sa

destruction, aucune délivrance aux croyants avant leur entrée dans le paradis céleste :

"Quelles ne doivent pas être la sainteté de votre conduite et votre piété,

tandis que vous attendez et hâtez l'avènement du jour de Dieu, à cause

duquel les cieux enflammés se dissoudront et les éléments embrasés se

fondront! Mais nous, nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux

cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera" (2 Pierre 3: 11-13)

Ce n'est que dans la Jérusalem céleste, celle que Jean vit "descendre du

ciel", que s'accomplira la promesse : "Il essuiera toute larme de leurs yeux,

et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les

premières choses ont disparu" (Apocalypse 2I: 2.4)

L'ivraie et le blé, les bons et les méchants seront mêlés jusqu'au jour du

jugement :"Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à la moisson et, à

l'époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d'abord

l'ivraie et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon

grenier... La moisson, c'est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les

Le millénialisme

22

anges... Il en sera de même à la fin du monde. Les anges viendront séparer

les méchants d'avec les justes, et ils les jetteront dans la fournaise ardente,

où il y aura des pleurs et des grincements de dents" (Matthieu13 :

30.39.49.50)

La seule séparation des bons et des méchants que connaisse l'Écriture

n'est pas un enlèvement de l'Église dans le ciel, avant la grande tribulation,

mais le jugement dernier :"Toutes les nations seront assemblées devant

lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis

d'avec les boucs (Matthieu 25: 32)

4 ) L'Écriture oriente les regards des chrétiens, non sur un règne terrestre fait de

délices, mais sur la délivrance finale à la fin du monde. Elle présente cette fin du

monde comme proche. Or, elle ne pourrait s'exprimer ainsi, si, en plus des temps

derniers que nous vivons depuis la venue du Christ, il fallait ajouter une période de mille

ans.

"Nous sommes parvenus à la fin des temps" (Corinthiens 10: 11)

" La fin de toutes choses est proche" (1 Pierre 4: 7)

"L'avènement du Seigneur est proche" (Jacques 5: 8)

C'est ce que laissent aussi présager les signes avant-coureurs de la fin (Matthieu 24 ;

Marc 13 ; Luc 21 ; 1 Thessaloniciens 5 ; 2 Thessaloniciens 2 ; 1 Timothée 4 ; 2 Pierre 2).

L'argument que mille ans sont devant Dieu comme un jour n'est pas valable, car c'est à

des hommes qu'il s'adresse, en disant que la fin du monde est proche : "Instruisez-vous

par une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres et que

les feuilles poussent, vous connaissez que l'été est proche. De même, quand vous verrez

toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, à la porte" (Mt 24 : 32.33)

Le millénialisme

23

5) Le Christ ne reviendra pas avant la fin de toutes choses

"Le jour du Seigneur viendra comme un voleur. En ce jour, les cieux

passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront et la terre

avec les oeuvres qu'elle renferme, sera consumée" (2 Pierre 3: 10)

"Alors le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le ciel ; toutes les nations

de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l'homme venant sur

les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire... Le ciel et la terre

passeront, mais mes paroles ne passeront point" (Matthieu 24 : 30 ss)

"Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il

s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées

devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres" (Matthieu 25: 31.32)

Il n'y aura pas selon l'Écriture deux parousies à la fin des temps, l'une pour le Millénium

et l'autre pour le jugement. La Bible parle de son avènement au singulier. Et lors de cet

avènement, il remettra le règne à son Père (1 Cor 15: 23.24) et ne l'exercera pas mille

ans de façon visible sur la terre. La Bible nous dit que le Christ vient deux fois dans le

monde, la première fois pour sauver l'humanité, la deuxième fois pour donner la vie

éternelle à ceux qui auront cru en lui :

"Christ, qui s'est offert une seule fois pour porter les péchés de plusieurs,

apparaîtra sans péchés une deuxième fois à ceux qui l'attendront pour leur

salut” (Héb 9:28).

6) Le millénialisme enseigne une résurrection des croyants longtemps avant le

jugement, lors de l'enlèvement de l'Église, à la veille de la grande tribulation. La

Bible, au contraire, affirme que les croyants ressusciteront le dernier jour.

"La volonté du Père qui m'a envoyé, c'est que je ne perde rien de tout ce

qu'il m'a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour... Je le

ressusciterai au dernier jour" (Jean 6: 39.40.54)

Le millénialisme

24

"Je sais, lui répondit Marthe, qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier

jour" (Jean 11:24) (Jean 11: 24)

"Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix de l'archange et au son

de la trompette de Dieu descendra du ciel, et les morts en Christ

ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés,

nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre

du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur"

(1 Thessaloniciens 4: 16.17)

Dans ce dernier texte, les expressions "à un signal donné", "à la voix de l'archange", "au

son de la trompette", qui n'est autre que la dernière trompette du jugement (1

Corinthiens 15: 52), montrent clairement que l'enlèvement de l'Église se situe, non pas

avant la grande tribulation et le soi-disant Millénium, mais au dernier jour.

7) Loin d'épargner la tribulation aux croyants, Dieu la leur impose et leur promet

le salut pour prix de leur persévérance.

"Alors on vous livrera aux tourments et on vous fera mourir ; et vous serez

haïs de toutes les nations, à cause de mon nom... Mais celui qui

persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. Cette bonne nouvelle du Royaume

sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les

nations. Alors viendra la fin... Si ces jours n'étaient abrégés, personne ne

serait sauvé ; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés... Il s'élèvera

de faux Christ et de faux prophètes, et ils feront de grands prodiges et des

miracles, au point de séduire, s'il était possible, même les élus. Voici, je

vous l'ai annoncé d'avance. Si donc on vous dit : Voici, il est dans le désert, n'y allez pas! Voici, il est dans les chambres, ne le croyez pas! Car, comme l'éclair

part de l'orient et se montre jusqu'en occident, ainsi sera l'avènement du

Fils de l'homme" (Matthieu 24: 9-27)

Le millénialisme

25

8) Le millénialisme situe la résurrection des croyants avant la grande tribulation

et le millenium, et celle des incrédules à la fin du monde. L'Ecriture, au contraire, ne

connaît qu'une résurrection ; elle sera simultanée pour les croyants et les incrédules.

"Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se

réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l'opprobre, pour

la honte éternelle" (Daniel 12: 2)

"L'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix

et en sortiront. Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais

ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement" (Jean 5: 28.29)

"Comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ,

mais chacun en son rang : Christ comme prémices, puis ceux qui

appartiennent à Christ, lors de son avènement. Ensuite viendra la fin" (1

Corinthiens 15: 24)

D'autre part, les croyants ressuscités seront semblables aux anges (Mt 22 : 30 ; Lc 20 :

36 ; Mc 12: 25), héritiers de la vie éternelle (Dan 12:3 ; Mt 25 :46), possesseurs du

Royaume préparé dès la fondation du monde (Mt 25: 34).Ce Royaume n'est pas le

manger et le boire, mais la paix et la justice (Rm 14: 17). Il ne se marieront plus (Mt 22:

30) et ne vivront pas de nourriture terrestre, mais de nourriture céleste (Apoc 7: 17; Mt

5: 12; 22: 15). Le corps ressuscité des croyants sera spirituel ; leurs joies le seront donc

aussi (1 Cor 15: 47). Il est donc clair qu'avec le corps de la résurrection, les croyants ne

peuvent mener le genre de vie qui leur est réservé dans le Millénium des chiliastes.

9) Le millénialisme permet de calculer la date du jugement, du moins à partir de

la grande tribulation: 3 ans et demi + 1000 ans! Or la Bible affirme que le jour de

l'avènement du Christ est inconnu des hommes.

"Prenez garde, veillez et priez, car vous ne savez quand ce temps viendra"

(Marc 13 : 33)

Le millénialisme

26

"Veillez donc, puisque vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra.

Sachez-le bien, si le maître de la maison savait à quelle veille de la nuit le

voleur doit venir, il veillerait et ne laisserait pas percer sa maison. C'est

pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de l'homme viendra à

l'heure où vous n'y penserez pas" (Matthieu 24: 42-44)

Les Millénialistes bien sûr appliquent ce genre d'exhortations au jour où Jésus est censé

venir pour enlever son Église. Mais une telle interprétation est impossible. Tout le

contexte de Marc 13 et de Matthieu 24 montre que Jésus parle de son avènement à la fin

du monde.

10) Le dispensationalisme affirme que Jésus, en venant sur terre et en constatant

l'opposition de son peuple, décida de surseoir à l'établissement de son règne

théocratique, et d'instaurer en attendant la dispensation de l'Évangile et de

l'Église parmi les païens. La Bible ignore tout d'une telle décision.

On affirme que Jean-Baptiste et Jésus ont annoncé que le Royaume théocratique de Dieu

était proche. Mais, constatant l'incrédulité des Juifs, le Christ aurait décidé d'en retarder

l'établissement. Cette décision aurait été prise à l'époque où se situe Matthieu 11 (Jésus

y reproche à Chorazin, Bethsaïda et Capernaüm leur incrédulité).

Mais il est faux de dire que Jésus ne se soucia pas des païens avant Matthieu 11. Cf. la

guérison du serviteur du centenier de Capernaüm (Mt 8: 5 s), du fils de l'officier royal

(Jn 4: 46 ss), le dialogue du Christ avec la Samaritaine (Jn 4: 4 ss), etc.

Il est également faux de dire qu'il cessa d'annoncer le Royaume de Dieu, pour prêcher

l'Évangile. Cf. les paraboles du Royaume dans Mt 13. Du reste, l'Évangile proclamé par le

Christ n'est rien d'autre que l'Évangile du Royaume, le message par lequel il fonde son

règne de grâce et édifie l'Église. Enfin, aussi longtemps qu'il fut sur terre, le Christ a

offert le salut aux Juifs, ses compatriotes. Cf. entre autres l'envoi des 7O disciples dans

les villes et villages de la Galilée.

Le millénialisme

27

Il est faux aussi d'affirmer que le Christ vint dans le monde pour instaurer un règne

théocratique, semblable à celui de Dieu dans l'Ancien Testament. La théocratie de

l'ancienne alliance ne devait pas déboucher sur une théocratie nouvelle, mais fut le

simple prototype du règne spirituel que le Christ devait établir dans le monde par la

prédication de son Évangile, un règne qui doit s'étendre sur les Juifs et sur les païens.

L'unique règne que Jésus devait fonder, loin d'en retarder l'établissement, il l'a fondé

dès sa venue :

"Depuis le temps de Jean-Baptiste, jusqu'à présent, le Royaume des cieux

est forcé, et ce sont les violents qui s'en emparent" (Matthieu 11: 12)

"Si c'est par l'Esprit de Dieu que je chasse les démons, le Royaume de Dieu

est donc venu vers vous" (Matthieu 12: 28)

"On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. car voici, le Royaume de Dieu est

au milieu de vous" (Luc 17: 21)

"Mon Royaume n'est pas de ce monde... Si mon Royaume était de ce

monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi, afin que je ne fusse

pas livré aux Juifs ; mais maintenant, mon Royaume n'est point d'ici-bas.

Pilate lui dit : Tu es roi? Jésus répondit : Tu le dis, je suis Roi" (Jean 18:

36.37)

"Dieu nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés

dans le Royaume du Fils de son amour, en qui nous avons la rédemption

par son sang, la rémission des péchés" (Colossiens 1: 13)

Toute théorie d'un sursis dans l'instauration du Royaume du Christ rompt l'unité de la

bible, le rapport du prototype et de l'antitype, de la prédiction et de l'accomplissement

qui lie l'Ancien Testament au Nouveau. Selon le dispensationalisme, l'Ancien Testament

aurait prédit l'établissement du règne théocratique du Christ, mais celui-ci ne fut pas

Le millénialisme

28

instauré par lui, au contraire. L'Église qui ne fut pas prédite par les prophètes, il la fonda

en venant dans le monde. Aveuglement et ignorance indescriptibles! Nous affirmons

exactement l'inverse : Jésus n'établit pas de théocratie, car les prophètes n'en avaient

rien dit, mais fonda l'Église chrétienne faite de Juifs et de païens convertis, dont sont

remplies les pages des prophètes.

11) La doctrine du Millénium détruit le caractère universel et définitif de

l’Evangile et revient aux rudiments de l’ancienne alliance.

L'Écriture enseigne que les adorateurs de la nouvelle alliance adoreront Dieu en esprit

et en vérité. Or les millénialistes affirment que le culte lévitique, avec ses fêtes, ses

célébrations et ses sacrifices, sera restauré durant le Millénium, dans une Jérusalem

reconstruite, dotée d'un nouveau temple surpassant tous les précédents. Ainsi, ce qui

était, selon les mots de l'apôtre Paul, l'ombre des choses à venir (Colossiens 2: 16.17) la

préfiguration de l'oeuvre que le Christ devait accomplir pour le salut du monde, doit

redevenir l'essence du vrai culte de Dieu. C'est abroger l'alliance nouvelle pour

réinstituer l'ancienne, qui pourtant trouva son accomplissement en Jésus. Une telle

doctrine dégrade l'Évangile, en lui ôtant sa couronne. Elle le dépouille de son droit de

religion définitive et permanente, et rapporte en Dieu le dualisme historique de

l'alliance légale et de la révélation en Christ.

12) Le millénialisme rompt l’unité de l’Eglise chrétienne, une et indivisible.

Le dispensationalisme distingue entre deux peuples de Dieu : l'Église de Jésus-Christ et

le peuple d'Israël, comme si par la conversion on ne devenait pas membre de plein droit

de l'Église chrétienne :

"Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à

une seule espérance par votre vocation" (Ephésiens 4 : 1)

Le millénialisme

29

"C'est pourquoi, vous autrefois païens dans la chair, appelés incirconcis

par ceux qu'on appelle circoncis et qui le sont en la chair par la main de

l'homme, souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés

du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans

espérance et sans Dieu dans le monde”.

”Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez

été rapprochés par le sang de Christ. Car il est notre paix, lui qui des deux

n'en a fait qu'un, et qui a renversé le mur de séparation, l'inimitié, ayant

anéanti par sa chair la loi des ordonnances dans ses prescriptions, afin de

créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en établissant la

paix, et de les réconcilier l'un et l'autre en un seul corps, avec Dieu par la

croix, en détruisant par elle l'inimitié" (Ephésiens 2 : 11-16)

L'exposé d'un tel système est la meilleure critique qu'on puisse en faire et bouleverse

des affirmations fondamentales de l'Écriture Sainte. Il laisse Israël distinct de l'Église

jusqu'à la fin, et fait pour ainsi dire de la nouvelle alliance une parenthèse dans

l'ancienne. En d'autres termes, on juxtapose Évangile et judaïsme, au lieu de voir dans le

premier l'aboutissement du second. Rappelons avec quelle vigueur Paul et tous les

apôtres, lors du concile de Jérusalem (Actes 15), ont lutté, au nom de la justification par

la foi seule, contre une telle tendance, dont il a mis à jour les prétentions et les

inconsistances. Or, ce que Paul a fermement expulsé de la doctrine de la justification et

du salut, les millénialistes l'introduisent avec acharnement dans l'eschatologie, la

doctrine des choses dernières. L'eschatologie est en quelque sorte le dernier refuge de

cette grave erreur. De nombreux théologiens, qui désirent être des disciples de Paul

dans la doctrine de la justification, redeviennent judaïsants en matière de prophétie

eschatologique, réintroduisant dans leurs espérances de la fin des temps des rudiments

qui sont irrévocablement tombés avec le culte de l'ancienne alliance!

Nous constatons ainsi que le millénialisme est en contradiction avec tout ce que révèle

l’Ecriture Sainte sur l’avènement du Christ, son Royaume, son Evangile, la signification

Le millénialisme

30

des rites de l’Ancien Testament, la condition des croyants dans ce monde, la proximité

de la fin du monde, la résurrection des morts, les bénédictions et les biens que le Christ

a acquis aux croyants, et l’espérance chrétienne. nts dans ce monde, la proximité de la fin du monde

Il nous reste, dans ce premier chapitre de notre étude, à examiner un point important :

Que penser des textes prophétiques qui décrivent le bonheur des croyants dans le

règne du Christ, et du règne de mille ans d’Apocalypse 20 ?

1) De nombreux textes prophétiques parlent de l'affluence des païens et des Juifs à

Jérusalem, à la fin des temps, et de la paix et du bonheur paradisiaques que les croyants

connaîtront dans le Royaume de Dieu ; en voici quelques-uns :

"Il arrivera, dans la suite des temps, que la montagne de la maison de

l'Eternel sera fondée sur le sommet des montagnes, qu'elle s'élèvera par-

dessus les collines, et que les nations y afflueront. Des peuples s'y rendront

en foule et diront : Venez, montons à la montagne de l'Eternel, à la maison

du Dieu de Jacob, afin qu'il nous enseigne ses voies et que nous marchions

dans ses sentiers! Car de Sion sortira la Loi, et de Jérusalem la parole de

l'Eternel. Il sera le juge des nations, l'arbitre d'un grand nombre de

peuples. De leurs glaives ils forgeront des hoyaux, et de leurs épées des

serpes. Une nation ne tirera plus l'épée contre une autre, et l'on

n'apprendra plus la guerre" (Esaïe 2 : 2-4)

"Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le

chevreau. Le veau, le lionceau et le bétail qu'on engraisse seront ensemble,

et un petit enfant les conduira. La vache et l'ourse auront un même

pâturage, leurs petits un même gîte. Et le lion, comme le boeuf, mangera de

la paille. Le nourrisson s'ébattra sur l'antre de la vipère, et l'enfant sevré

Le millénialisme

31

mettra sa main dans la caverne du basilic. Il ne se fera ni tort ni dommage

sur toute ma montagne sainte, car la terre sera remplie de la connaissance

de l'Eternel" (Esaïe 11 : 6-9)

"Ainsi parle l'Eternel des armées : Il viendra encore des peuples et des

habitants d'un grand nombre de villes. Les habitants d'une ville iront à

l'autre, en disant : "Allons implorer l'Eternel et chercher l'Eternel des

armées!" Nous irons aussi! Et beaucoup de peuples et de nations viendront

chercher l'Eternel des armées à Jérusalem et implorer l'Eternel. Ainsi parle

l'Eternel des armées : En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues

des nations saisiront un Juif par le pan de son vêtement, et diront : Nous

irons avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous" (Zacharie 8

: 20-23)

Ce sont, affirment les millénialistes, autant de textes qui annoncent l'établissement d'un

règne terrestre du Messie, dont la capitale sera Jérusalem et dont les sujets connaîtront

le bonheur et la paix. Ils soutiennent qu'il faut les interpréter littéralement et les

appliquer à un royaume messianique qui sera instauré à la fin des temps, longtemps

après la première venue du Christ et peu de temps avant sa seconde. Ce sont là autant

d'affirmations que nous devons rejeter.

a) Ces textes ne peuvent pas être interprétés littéralement. Ceci conduirait à des

absurdités. Il faudrait alors affirmer que la montagne de la maison de l'Eternel, c'est-à-

dire le mont Sion, la colline de Jérusalem sur laquelle se trouvait le temple de Jérusalem,

dépassera en altitude toutes les montagnes de la terre, que les peuples du monde entier

iraient séjourner à Jérusalem (Esaïe 2: 2.3), que le lion deviendra un herbivore (Esaïe

11: 7), que les peuples de l'Antiquité, qui ont disparu depuis longtemps, réapparaîtront

à la fin des temps (Égyptiens, Babyloniens, Assyriens, Moabites, Ammonites, Edomites,

Philistins : Es 11: 14; Am 9: 12; Joël 3: 19; Mi 5: 5.6), que le temple de Jérusalem sera

effectivement reconstruit (Es 2: 2.3; Mi 4: 1.2; Za 14: 16-22; Ez 40-48), que les fils du

sacrificateur Zadok seront à nouveau prêtres (Ez 44: 15-41; 48: 11-14), qu'on apportera

à nouveau des sacrifices, après que le Christ eut apporté le sien, le seul qui sauve le

Le millénialisme

32

monde (Ez 42: 13; 43: 18-27)! Sans compter tout ce qu'il y a par ailleurs d'insensé dans

la description du "règne de mille ans" qu'on trouve dans tant d'ouvrages.

b) Non seulement une interprétation littérale de ces textes conduit à l'absurde et est

pour cela impossible, mais elle ignore encore délibérément les particularités de la

prophétie hébraïque. Quiconque connaît bien les prophètes de l'Ancien Testament, sait

qu'ils ont l'habitude de décrire les réalités spirituelles du Royaume de Dieu en

recourant à des images empruntées à la vie de tous les jours et en particulier à la vie

religieuse et cultuelle de l'ancienne alliance. Ces textes sont des paraboles ou des

allégories. D'autre part, ils sont non pas eschatologiques, mais messianiques. En

d'autres termes, ils ne décrivent pas un Royaume du Christ à venir, mais son Royaume

de grâce actuel. Ces prophéties n'attendent pas leur accomplissement à la fin des temps,

mais sont dès maintenant, et depuis la venue du Christ il y a 2OOO ans, en train de

s'accomplir.

Prenons par exemple l'afflux des nations à Jérusalem (ou Sion). La Bible n'affirme pas

qu'elles se rendront un jour en Palestine pour adorer Dieu dans le temple reconstruit de

Jérusalem. Par contre, elle affirme qu'elles sont dès maintenant à Jérusalem. Jérusalem

est en effet dans les textes prophétiques le symbole de l'Église chrétienne. De même que

dans l'ancienne alliance Dieu habitait dans le temple de Jérusalem, de même il habite

maintenant dans l'Église, dans le peuple que rassemble l'Évangile du Christ crucifié :

"Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu

vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le choeur des anges,

de l'assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux" (Hébreux 12:

22.23)

"Vous n'êtes plus des étrangers, ni des gens du dehors, mais des

concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu. Vous avez été édifiés sur

le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la

pierre angulaire. En lui , tout l'édifice, bien coordonné, s'élève pour être un

Le millénialisme

33

temple saint dans le Seigneur. En lui vous êtes aussi édifiés pour être une

habitation de Dieu en esprit" (Ephésiens 2: 19-22)

"La Jérusalem actuelle est dans la servitude avec ses enfants. Mais la

Jérusalem d'en haut est libre, c'est notre mère ; car il est écrit : Réjouis-toi,

stérile, toi qui n'enfantes point! Éclate et pousse des cris, toi qui n'as pas

éprouvé les douleurs de l'enfantement! Car les enfants de la délaissée

seront plus nombreux que les enfants de celle qui était mariée (Galates 4 :

25-27)

Cette Jérusalem dont parlent les prophètes et les apôtres n'est donc rien d'autre que

l'Église chrétienne. Saint Jean, dans l'Apocalypse, nous la décrit dans la condition qui

sera la sienne dans l'éternité bienheureuse. Et il le fait lui aussi dans des termes qui

sont empruntés à la vie ici-bas (fleuve, muraille, portes, or, pierres précieuses, etc.: Apoc

21 et 22). Les nations n'ont pas besoin d'affluer en Palestine et de se rendre à Jérusalem,

car Jérusalem, l'Église chrétienne, est chez elles, dans la mesure où elles entendent chez

elles l'Évangile du salut. Et c'est de cette Jérusalem, de l'Église chrétienne que sort la Loi

et la Parole de l'Eternel (Es 2). Aller à Jérusalem signifie tout simplement entrer par la

repentance et la foi dans l'Église chrétienne, devenir membre du peuple des rachetés.

Si Jérusalem est dans les textes prophétiques le symbole de l'Église chrétienne, du

peuple de l'alliance qui réunit les Juifs et les païens convertis au Christ, les termes

utilisés pour décrire le bonheur et la paix dans le Royaume du Christ sont les symboles

du bonheur et de la paix spirituels que le pécheur trouve dans l'Église chrétienne : paix

de l'âme, pardon, salut, espérance, connaissance bienheureuse de l'Évangile, victoire sur

le péché, Satan et le monde, dons du Saint-Esprit, etc. : Es 9 : 4; 11: 6-9; Za 9: 10; Mi 4: 1-

4. Après avoir annoncé la paix, Esaïe déclare :

"Un enfant nous est né, un Fils nous est donné, et la domination reposera

sur son épaule. On l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père

éternel, PRINCE DE LA PAIX" (Es 9: 5).

Le millénialisme

34

Après avoir proclamé le bonheur dans le Royaume du Messie, il déclare :

"En ce jour, le rejeton d'Isaï sera là comme une bannière pour les peuples.

Les nations se tourneront vers lui, et la gloire sera sa demeure" (Es 11: 10)

Et peu avant, il venait de dire :

"Un rameau sortira du tronc d'Isaï et un rejeton naîtra de ses racines.

L'Esprit de l'Eternel reposera sur lui, Esprit de sagesse et d'intelligence,

Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de

l'Eternel. Il respirera la crainte de l'Eternel ; il ne jugera point sur

l'apparence, il ne prononcera point sur un ouï-dire. Mais il jugera les

pauvres avec équité, et il prononcera avec droiture sur les malheureux de

la terre. Il frappera la terre de sa parole comme d'une verge, et du souffle

de ses lèvres il fera mourir le méchant. La justice sera la ceinture de ses

flancs, et la fidélité la ceinture de ses reins" (Es 11: 1-5)

Tout cela s'est déjà réalisé et continue de le faire. Cette justice, cette paix, cette

abondance, ce bonheur, les chrétiens les possèdent dès maintenant par la foi.

"Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé. Il entrera et il sortira, et il

trouvera des pâturages... Je suis venu, afin que les brebis aient la vie, et

qu'elles l'aient même avec abondance" (Jn 10: 9.10).

"L'Eternel est mon berger ; je ne manquerai de rien. Il me fait reposer dans

de verts pâturages, il me dirige près des eaux paisibles. Il restaure mon

âme, il me conduit dans les sentiers de la justice, à cause de son nom... Je

ne crains aucun mal, car tu es avec moi ; ta houlette et ton bâton me

rassurent. Tu dresses devant moi une table, en face de mes adversaires. Tu

oins d'huile ma tête, et ma coupe déborde. Oui le bonheur et la grâce

m'accompagneront tous les jours de ma vie, et j'habiterai dans la maison

de l'Eternel jusqu'à la fin de mes jours" (Psaume 23)

Le millénialisme

35

"Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour

la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ. Car en lui vous

avez été comblés de toutes les richesses qui concernent la parole et la

connaissance, le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi

vous, de sorte qu'il ne vous manque aucun don, dans l'attente où vous êtes

de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ" (1 Corinthiens 1 : 4-7).

Cf. encore Eph 6: 14-17; Ph 1: 3-11; Col 3: 12-17; 1 Cor 3: 23.

"Le Royaume de Dieu , ce n'est pas le manger et le boire, mais la justice, la

paix et la joie par le Saint-Esprit" (Romains 14: 17)

"Que le Dieu de l'espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix

dans la foi, pour que vous abondiez en espérance, par la puissance du

Saint-Esprit" ( Romains 15: 13)

Cf. encore Romains 2: 10; 5: 1 ss; 8: 6; 15: 33; 1 Cor 7: 15; 2 Cor 3: 11; Ph 4:

7; 2 Th 3: 16; 1 Pi 1: 2; 5: 14; Apoc 1: 4; Jn 16: 20.22.24; 2 Cor 1: 24; 1 Th 1:

6; 1 Pi 1: 8; 4: 13; Ro 10: 12; 1 Cor 1: 5; 2 Cor 6: 10; Apoc 2: 9; 1 Cor 1: 30; 2

Cor 5: 21: Ph 1: 11; 2 Ti 4: 8; 2 Pi 3: 13.

Il vaut la peine de noter qu'en parlant de la fin de toutes choses et de l'espérance des

chrétiens, centrée sur la justice de Dieu, l'apôtre Pierre tourne les regards de ses

lecteurs non pas vers un Millénium à venir, mais vers les nouveaux cieux et la nouvelle

terre :

"Nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle

terre, où la justice habitera" (2 Pierre 3: 13)

La Bible ignore tout d'une ère de justice politique, sociale et morale dans ce monde. Par

contre elle exalte la justice qui sera la parure des élus aux noces de l'Agneau :

Le millénialisme

36

"Réjouissons-nous et soyons dans l'allégresse, et donnons-lui gloire, car les

noces de l'Agneau sont venues, et son épouse s'est préparée, et il lui a été

donné de se revêtir d'un fin lin, éclatant, pur. Car le fin lin, c'est la justice

des saints" (Apocalypse 19: 7.8)

Répétons-le encore une fois : L'Église chrétienne, constituée d'hommes de toutes les

nations et langues, Juifs et païens convertis au Seigneur, est le lieu où Jésus, le Sauveur

du monde, règne dans sa grâce, le lieu où il proclame la paix, la grâce, le pardon et le

salut. Elle est le lieu où est offerte au pécheur la seule justice qui lui permette de

subsister devant Dieu, et la paix que peut seul offrir celui qui a expié les péchés du

monde. Tous les sujets de ce Royaume sont de nouvelles créatures qui, étant l'objet de

toutes les richesses et bénédictions que Dieu réserve aux siens, se renouvellent dans la

sainteté et la justice, et vivent dans l'amour et la paix. Les prophéties de l'Ancien

Testament décrivent le statu quo actuel de l'Église du Christ. Elle est à la fois un

Royaume de la croix, car elle vit dans un monde hostile, et un Royaume de paix, un

authentique paradis pour tous ceux qui aspirent au pardon et au salut. "Paix sur la

terre!" Elle est sur terre, dans l'Église du Seigneur, depuis que les anges de Bethléhem

ont entonné ce merveilleux cantique. L'Église est le Royaume divin de la justice et le la

paix. Le fait que ses membres sont des pécheurs, que le mal leur colle encore à la peau,

que leur sanctification est bien imparfaite, n'y change rien. ils sont recouverts de la

justice du Christ et s'efforcent de vivre sur ses traces. Ils ont la paix avec Dieu et

s'appliquent à vivre dans la paix. Le jour viendra où l'imperfection cédera la place à la

perfection glorieuse. Mais pas ici-bas! Dans les nouveaux cieux et sur la nouvelle terre,

disent les apôtres! Ne vendons pas la merveilleuse espérance chrétienne contre un plat

de lentilles, contre de dangereuses illusions!

2) Et Apocalypse 20 ? Apocalypse 20 ne dit rien d'un règne millénaire,

théocratique et paradisiaque du Christ dans ce monde!

"Je vis descendre du ciel un ange, qui avait la clef de l'abîme et une grande

chaîne dans la main. Il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable

Le millénialisme

37

et Satan, et il le lia pour mille ans. Il le jeta dans l'abîme, ferma et scella

l'entrée au-dessus de lui, afin qu'il ne séduisit plus les nations, jusqu'à ce

que les mille ans fussent accomplis. Après cela, il faut qu'il soit délié pour

un peu de temps. Et je vis des trônes ; et à ceux qui s'y assirent fut donné le

pouvoir de juger. Et je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à

cause du témoignage de Jésus et à cause de la Parole de Dieu, et de ceux

qui n'avaient pas adoré la bête ni son image, et qui n'avaient pas reçu la

marque sur leur front et sur leur main. Ils revinrent à la vie et ils régnèrent

avec Christ pendant mille ans. Les autres morts ne revinrent pas à la vie

jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis. C'est la première

résurrection! La seconde mort n'a point de pouvoir sur eux, mais ils seront

sacrificateurs de Dieu et de Christ, et ils régneront avec lui pendant mille

ans. Quand les mille ans seront accomplis, Satan sera relâché de sa prison.

Et il sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre,

Gog et Magog, afin de les rassembler pour la guerre ; leur nombre est

comme le sable de la mer. Et ils montèrent sur la surface de la terre, et ils

investirent le camp des saints et la ville bien-aimée. Mais un feu venant de

Dieu descendit du ciel et les dévora. Et le diable, qui les séduisait, fut jeté

dans l'étang de feu et de soufre, où sont la bête et le faux-prophète. Et ils

seront tourmentés jour et nuit, aux siècles des siècles" (Apocalypse 20: 1-

10)

Voilà donc le fameux texte, cheval de bataille des chiliastes! Il a été depuis les origines

de l'Église chrétienne interprété dans le sens millénialiste, aussi bien par les hérétiques

gnostiques (Cérinthe), que par bon nombre de Pères de l'Église (Papias, Justin, Irénée).

D'autres, au contraire, ont récusé une telle interprétation (Clément de Rome, Polycarpe,

Ignace, Athénagoras, Origène, Denis-le-Grand, Eusèbe). Les Réformateurs (Luther,

Calvin) lui furent farouchement hostiles.

Constatons tout d'abord la haute teneur symbolique de ce texte. Pour l'interpréter

littéralement, il faut ignorer les particularités de la prophétie apocalyptique. D'autre

part, si on l'interprète littéralement, il faut être logique avec soi-même. Si on estime par

Le millénialisme

38

exemple que ce "Millénium" dure effectivement mille ans, il faut affirmer que Satan sera

effectivement lié par une chaîne métallique, qu'il sera jeté dans un abîme, que

l'ouverture de cet abîme sera réellement scellée, etc. Même les chiliastes n'osent aller

jusque là.

Mais constatons d'abord deux faits importants :

- Le texte ne fait aucune mention d'une venue du Christ en vue du Millénium, en

attendant sa dernière venue pour le jugement!

- Le texte ne dit pas un mot d'un règne terrestre du Christ avec les croyants!

- Le texte ne parle ni du monde, ni de la Palestine, ni de Jérusalem, ni du temple.

La vision est manifestement céleste. Ceux qui participent à ce règne sont au ciel

(V. 4), et rien ne porte à croire qu'ils redescendent sur terre pour y régner! La

Bible ne connaît qu'un règne glorieux des chrétiens, celui auquel ils

participeront dans le ciel ( 2 Ti 2: 10; 1 Pi 5: 10; 2 Cor 4: 17; 1 Cor 15: 26 Apoc

21: 4 ; Lc 20: 36; 2 Ti 4: 18).

Cependant, l'Écriture annonce que dès maintenant, dans ce monde, les chrétiens

régneront avec le Christ, d'une façon spirituelle est invisible. Ils constituent un

"sacerdoce royal" (1 Pi 2: 9). Ils sont "un royaume des sacrificateurs pour notre Dieu, et

ils régneront sur la terre" (Apoc 5: 10).

En Christ, ils remportent une victoire après l'autre :

"Grâces soient rendues à Dieu, qui nous fait toujours triompher en Christ'"

(2 Cor 2: 14)

"Les armes avec lesquelles nous combattons, ne sont pas charnelles, mais

elles sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser des forteresses"

(2 Cor 10: 4)

Le millénialisme

39

"La victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi" (1 Jean 5:4)

"En toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui

nous a aimés" (Romains 8: 31 ss)

Nous constaterons aussi que le texte ne parle pas d'une résurrection corporelle. Que

veulent dire les mots : "C'est la première résurrection"? Ils veulent tout simplement

expliciter ce qui vient d'être dit : "Ils revinrent à la vie et ils régnèrent avec Christ".

Ce retour à la vie, appelé encore première résurrection, a été souvent assimilé à la

conversion, par laquelle le pécheur, de spirituellement mort qu'il était par nature,

devient participant de la vie divine, de la vie éternelle, donc à la régénération qui n'est

autre qu'une nouvelle naissance (Jn 3: 3.5.6; Ti 3: 5; Jn 5: 24.25; Eph 2: 5.6). Dans ce cas,

le texte affirme qu'on entre par la régénération dans le Royaume du Christ. On

comprend que le texte ajoute : "heureux et saints ceux qui ont part à la première

résurrection! La seconde mort n'a pas de pouvoir sur eux". Par la conversion on

échappe à la mort spirituelle et à la damnation, appelée seconde mort.

Une deuxième explication est possible. Elle fait du retour à la vie ou de la première

résurrection l'entrée du croyant, par la mort, dans la vie éternelle. Le passage de la vie

terrestre à la vie éternelle est ainsi identifié à une résurrection. Quoique morts à cause

du Christ, les martyrs vivent éternellement.

L'une et l'autre de ces interprétations peuvent se défendre. Celle des millénialistes, par

contre, ne tient pas compte du texte et y introduit une notion qui lui est étrangère, celle

d'une résurrection corporelle des croyants morts, en vue de leur ravissement dans le

ciel avant la grande tribulation. Rien dans le texte ne suggère une résurrection des

corps. Par contre, il est question de la résurrection corporelle à la fin du chapitre (V. 11-

15), mais celle-ci se situe, conformément à tout l'enseignement de la Bible, au dernier

jour, au moment du jugement : "Et je vis les morts, les grands et les petits, qui se

tenaient devant Dieu. Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, qui est le

livre de la vie. Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit

Le millénialisme

40

dans ces livres" (Apoc 20: 12). On notera encore une autre contradiction. Le texte

affirme que les martyrs et ceux qui n'ont pas adoré la bête et son image revinrent à la

vie pour régner avec le Christ durant 1000 ans. Les millénialistes, au contraire,

soutiennent que la première résurrection aura lieu, quand le Christ viendra enlever son

Église dans le ciel, pour lui épargner la grande tribulation, intercalant ainsi entre cette

résurrection et leur Millénium une période de tribulations qui durera 3 ans et demi.

Si la "première résurrection" est, comme le veulent les chiliastes, la résurrection

corporelle des croyants, il s'ensuit que la résurrection dont parle la fin du chapitre ne

peut s'appliquer qu'aux incroyants. Or les V. 12 ss ne permettent en rien une telle

limitation.. Ils parlent d'une résurrection de tous les morts, la seule qu'affirme la Bible,

la résurrection simultanée des croyants et des incrédules pour le jugement : "L'heure

vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix et en sortiront. Ceux

qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais ceux qui auront fait le mal

ressusciteront pour le jugement" (Jn 5: 28.29).

C'est une erreur d'affirmer que le temps viendra où Satan sera lié, et qu'en raison de

cela le monde connaîtra un âge d'or. Satan est en effet déjà lié ; il l'est depuis que le

Christ l'a vaincu sur la croix. Faisant allusion à sa victoire sur le diable, Jésus dit :

"lorsqu'un homme fort et bien armé garde sa maison, ce qu'il possède est

en sûreté. Mais si un plus fort que lui (i.e. le Christ lui-même) survient et le

dompte, il lui enlève toutes les armes dans lesquelles il se fiait, et il

distribue ses dépouilles" (Luc 11: 21.22)

"ll a dépouillé les dominations et les autorités et les a livrées

publiquement en spectacle, en triomphant d'elles par la croix" (Colossiens

2: 15)

"Le Fils de Dieu a paru, afin de détruire les oeuvres du diable" (1 Jean 3: 8)

"Le prince de ce monde est jugé" (Jean 16: 11)

Le millénialisme

41

"Ainsi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, il y a

également participé lui-même, afin que, par la mort, il anéantit celui qui a

la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable" (Hébreux 2: 14).

Cf. encore Genèse 3: 15.

C'est par la foi en Christ, qui le délivre du péché et de la mort, que l'homme échappe a

pouvoir de Satan. Pour lui, Satan est lié! Dès maintenant!

"Il a été précipité, l'accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant

Dieu jour et nuit. Ils l'ont vaincu à cause du sang de l'Agneau et à cause de

la parole de leur témoignage, et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre

la mort. C'est pourquoi, réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les

cieux. Malheur à la terre et à la mer! car le diable est descendu vers vous,

animé d'une grande colère, sachant qu'il n'a que peu de temps"

(Apocalypse 12: 10-12)

"Il nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans

le `royaume du Fils de son amour, en qui nous avons la rédemption par son

sang, la rémission des péchés" (Colossiens 1: 13.14)

Nous le disons bien haut, à la gloire du Christ, qui n'attend pas pour lier Satan, mais qui

l'a effectivement lié et réduit à l'impuissance par sa mort sur la croix : par la foi, le

pécheur réconcilié, justifié et sauvé entre dès maintenant dans son règne, et échappe

par là au pouvoir du diable! Il existe à la fois un enchaînement de Satan et un

"Millénium", un règne bienheureux avec le Christ, depuis que celui-ci a versé son sang à

Golgotha!

Les millénialistes fondent leur théorie de la double résurrection sur la phrase suivante :

"les autres morts ne revinrent point à la vie, jusqu'à ce que les mille ans fussent

accomplis" (Apoc 20: 5). Ils en concluent : donc, les incroyants ressusciteront après le

Le millénialisme

42

Millénium, mille ans après les croyants! Mais nous avons déjà vu que cette dernière

résurrection n'était pas une résurrection corporelle ; rien dans le texte ne l'indique.

D'autre part, l'expression "jusqu'à ce que" ne signifie pas nécessairement que la chose

énoncée se réalise par la suite, que les autres morts ressusciteront mille ans après les

premiers. Elle peut simplement vouloir affirmer que pendant tout ce temps il n'y aura

pas de nouvelle résurrection, sans que cela signifie qu'elle aura lieu par la suite. Voici

quelques exemples pour le prouver : "Le peuple s'accrut et se multiplia en Égypte,

jusqu'à ce que parût un autre roi qui n'avait pas connu Joseph" (Act 7: 17). Cela ne veut

pas dire que le peuple cessa de s'accroître, lorsque ce nouveau roi monta sur le trône.

"Mical, fille de Saül, n'eut point d'enfants jusqu'au jour de sa mort" (2 Sam 6: 23). Elle

n'en eut pas davantage après! "Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de tes

ennemis ton marchepied!" (Ps 110: 1) Cela ne signifie pas qu'après cela, il cessera d'être

assis à sa droite. Ainsi, la particule "jusqu'à ce que" dans notre texte peut simplement

vouloir dire que les incrédules restèrent dans leur mort spirituelle, tandis que les autres

étaient passés par la foi de la mort spirituelle à la vie, ou que les incrédules restèrent

dans la mort éternelle, dans la damnation, tandis que les croyants étaient passés, en

mourant, dans la vie éternelle.

Qu'est en fait ce règne de mille ans? Selon le dispensationalisme, il s'agit d'un règne

théocratique et terrestre, à la fois politique, social, moral et spirituel, que le Christ doit

établir sur terre à la fin des temps et qui durera effectivement mille ans. Nous affirmons

au contraire que ce chiffre, comme tant d'autres données de ce chapitre et de

l'Apocalypse en général, a une valeur symbolique. On sait que certains chiffres ont dans

la Bible, surtout dans les textes apocalyptiques, une signification symbolique : 7 est le

chiffre divin (Cf. le sabbat, en souvenir du repos de Dieu après la création du monde), 12

le chiffre de l'Église (12 patriarches, 12 apôtres, 144000 élus, soit 12 x 12 x 1000), 666

le chiffre de l'Antichrist et des ennemis de l'Église, 10 le chiffre de la perfection et de la

plénitude. 1000 = 10 x 10 x10, soit la plénitude puissance 3! A ce titre, le chiffre

caractérise le règne du Christ dans tout ce qu'il a de parfait, ou bien il le présente

comme un règne éternel.

Dès lors, deux interprétations sont possibles :

Le millénialisme

43

Ou bien, le "millénium" est toute l'époque durant laquelle le Christ fonde et édifie son

règne de grâce sur terre. Certains font débuter cette époque avec la résurrection du

Christ, d'autres en virent le point de départ à l'époque de l'empereur Constantin qui

marqua la fin des persécutions des chrétiens de la part des incroyants (enchaînement

de Satan). Mais tous s'accordent à dire que le "Millénium" prendra fin lors du retour du

Christ pour le jugement.

Ou bien, le chiffre 1000 exprimant l'éternité, le "Millénium" est conçu comme étant le

règne éternel du Christ, l'éternité ou la vie éternelle dans laquelle le croyant entre dès

maintenant par la foi :

"Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il

serait mort ; et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais" (Jean 11:

25.26)

"En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et qui croit à

celui qui m'a envoyé, à la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais

il est passé de la mort à la vie" (Jean 5: 24)

"Celui qui a le Fils à la vie ; celui qui n'a pas le Fils de Dieu, n'a pas la vie" (1

Jean 5: 12)

Les millénialistes déclarent que Satan est pour l'instant libre et à l'action, que le jour

viendra où il sera enchaîné pendant mille ans, et qu'après ces mille ans il sera de

nouveau relâché pour un peu de temps. Nous affirmons au contraire, que Satan est ,

depuis la mort et la résurrection du Christ, lié et enchaîné, car le Millénium a commencé

depuis ce jour ; il couvre toute la période de l'histoire de ce monde où le Christ, ayant

racheté l'humanité, offre aux hommes, par l'Évangile, le pardon et la vie éternelle. Jean

contemple en vision des âmes, c'est-à-dire des défunts qui n'ont plus de corps. Ce sont

les martyrs et tous ceux qui, durant leur vie entière, n'ont pas adoré la bête, mais ont

servi Dieu et leur Sauveur. Il dit d'eux : "Ils revinrent à la vie, et ils régnèrent avec Christ

Le millénialisme

44

pendant mille ans". Par leur mort il les voit, tout au long de cette dernière période de

l'histoire de l'humanité, accéder à la vie éternelle, rejoindre le Christ dans le ciel et

régner avec lui. Pendant mille ans, aussi longtemps que Jésus rassemble les élus sur la

terre. "Il régnèrent avec Christ pendant mille ans". Ce qui ne veut pas dire qu'ils

cesseront de régner au terme de ces mille ans, quand viendra le jour du jugement. "Les

autres morts ne revinrent pas à la vie, jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis".

Ceux qui durant toute cette période meurent dans leur incrédulité, passent dans la

seconde mort, la mort ou damnation éternelle. Mais le texte ne dit pas davantage qu'au

terme de ces mille ans ils revinrent à la vie! En un mot : durant toute la période qui

sépare la mort et la résurrection du Christ de la fin du monde, des hommes meurent : les

uns meurent pour entrer dans la vie éternelle et régner avec le Christ ; les autres

meurent pour toujours, d'une mort éternelle en enfer. "Jusqu'à ce que les mille ans

fussent accomplis" dit le texte. Cela veut dire qu'ils ressusciteront un jour, mais pour le

jugement, et pour périr cette fois-ci corps et âme, dans la géhenne (V.123-15). Mais

avant cela, Satan sera délié pour un peu de temps, pour séduire les nations. Il s'alliera

Gog et Magog (V. 8), d'antiques ennemis du peuple d'Israël (Ez 38 et 39), qui

symbolisent toutes les puissances hostiles à l'Évangile et à l'Église qui se ligueront

contre le troupeau du Seigneur. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'une action militaire et

politique, semblable à la bataille d'Harmaguédon chère aux témoins de Jéhovah et à

certains chiliastes comme René Pache, mais d'une guerre spirituelle, d'un combat

désespéré de Satan, qui sait qu'il n'a que peu de temps, et de tous ceux qui portent sa

marque sur le front, de tous ses fils incrédules, pervers et hostiles à Jésus et son divin

message. En d'autres termes, l'hostilité que le diable manifeste de tout temps à l'Église

chrétienne, croîtra et atteindra des proportions considérables à la fin des temps, au

point que, " si ces jours n'étaient pas abrégés, personne ne serait sauvé. Mais à cause

des élus , ces jours seront abrégés" (Matthieu 24: 22). Il n'aura à sa disposition qu' "un

peu de temps" (Apoc 20: 3). Ceci dit, il ne faut sans doute pas presser l'ordre

chronologique des faits racontés dans notre texte. Nous avons vu que le "Ils régnèrent

avec Christ pendant mille ans" ne veut pas dire qu'il cesseront de régner avec lui par la

suite, et que le "Ils ne revinrent point à la vie jusqu'à ce que les mille ans fussent

accomplis" ne signifie pas qu'il reviendront ensuite à la vie, pour rejoindre les croyants

dans le ciel et régner avec eux, en compagnie du Christ. Ceci pourrait s'appliquer aussi

Le millénialisme

45

au "Après cela, il faut qu'il soit délié pour un peu de temps" (V. 3). Le règne millénaire

du Christ, la période durant laquelle il offre le salut à toutes les nations, débouche

immédiatement sur le jugement du monde :

"Cette bonne nouvelle du Royaume sera prêchée dans le monde entier,

pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin"

(Matthieu 24: 14)

C'est pourquoi, le peu de temps durant lequel Satan sera relâché et séduira les nations,

se situe, non pas après le règne de mille ans, mais à la fin de cette période de grâce qui

sera suivie immédiatement du jugement.

Nous rejetons l'interprétation millénialiste de notre texte, premièrement parce qu'elle

introduit dans le texte des éléments qui ne s'y trouvent pas, deuxièmement parce

qu'elle est contraire à tout ce que le Christ et les apôtres disent de la fin des temps.

Si avant de revenir pour juger le monde, le Christ doit instaurer sur terre un règne

théocratique, on doit en tirer une conclusion qui contredit de façon flagrante

l'enseignement et les exhortations pressantes de la Bible, à savoir que la fin du monde

est loin d'être là, que nous tous qui lisons ces lignes n'avons pas à nous y préparer,

qu'elle est pour des générations lointaines, que tout ce que nous observons autour de

nous n'en constitue pas des signes avant-coureurs. Bien que nous ne sachions pas

quand reviendra le Fils de l'homme pour juger les vivants et les morts, nous devons

vivre dans une attente de tous les jours, comme s'il allait revenir d'un instant à l'autre.

Et Dieu dans sa providence s'arrange pour que nous puissions voir dans tout ce qui

nous entoure l'accomplissement de tout ce qu'il a prédit pour la fin des temps. Il nous

est demandé de voir dans les cataclysmes, les guerres, la dégénérescence morale, la

dissolution des valeurs fondamentales que sont par exemple la famille, le mariage, le

travail, la paix, la justice, la tolérance, l'ordre, dans la désaffection croissante que

connaît l'Évangile, l'expansion de l'athéisme et toutes les hérésies et erreurs qui

infectent la chrétienté, autant de signes de la fin des temps et de la proximité du

Le millénialisme

46

jugement. Or, tout cela n'a plus de raisons d'être, si on interprète Apocalypse 20 comme

le fait le millénialisme.

Le règne de mille ans n'est pas à venir. Nous y sommes bel et bien, et nous nous

acheminons vers sa fin. "Quand vous verrez toutes ces choses s'accomplir, sachez que le

Fils de l'homme est proche, à la porte" (Matthieu 24: 33). "C'est pourquoi, vous aussi,

tenez-vous prêts, car le Fils de l'homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas"

(Matthieu 24: 44). Et comment y penser, si plus de mille ans nous en séparent?

Le millénialisme

47

III

L E P E U P L E D' I S R A Ë L

La restauration de l'État d'Israël et la conversion massive des Juifs jouent un rôle

prépondérant dans l'eschatologie de l'école dispensationaliste. Toute l'histoire future

du monde tourne autour du destin qui est réservé au peuple issu d' Abraham. On peut

dégager de cette théologie les affirmations suivantes :

- Israël est l'unique nation de l'Antiquité à subsister de nos jours, et ceci malgré

d'innombrables persécutions qui auraient dû rayer ce peuple de la carte du

monde. Pourquoi? Parce qu'Israël demeure le peuple élu de Dieu.

- Israël n'a pas été rejeté définitivement, mais est provisoirement privé,

pendant tout le "temps de l'Église", c'est-à-dire jusqu'au seuil du Millénium, des

prérogatives de l'alliance. A ce titre, le pays de Canaan lui appartient encore de

droit divin.

- En son temps, le peuple d'Israël tout entier rentrera en Palestine, préparant

ainsi le retour du Christ pour l'instauration de son règne théocratique visible.

- Israël tout entier se convertira au Christ, confirmant ainsi son titre de peuple

élu de Dieu.

Le millénialisme

48

Nous examinerons et réfuterons une à une ces différentes thèses, et nous terminerons

notre étude par une analyse de Romains 11: 25.26, le texte de prédilection, auquel

recourt le Millénialisme. Mais avant de faire cela, nous voudrions dissiper un

malentendu. Il ne s'agit en aucun cas de prendre ici position pour ou contre le peuple

d'Israël, d'être prosémite ou antisémite. Trop souvent ceux qui ne partagent pas

l'espérance millénialiste sont accusés d'antisémitisme. or, l'antisémitisme ne relève pas

de la théologie. Il s'agit d'une attitude hostile ou méprisante à l'égard des Juifs, dont la

seule motivation est raciale ou politique, et non d'une perspective biblique du passé, du

présent et de l'avenir de ce peuple. S'il n'en était pas ainsi, il faudrait stigmatiser Paul, le

Juif, comme antisémite. Et même Jésus, le Sauveur issu de ce peuple! Il ne s'agit

nullement de porter un jugement personnel, racial et politique, sur ce peuple, mais de

déterminer ce que l'Écriture enseigne à son sujet. Ce n'est donc pas une option

personnelle, mais l'affirmation de ce que Dieu a révélé, ce qui n'est nullement

incompatible avec une gratitude profonde et une affection sincère à son égard.

1) La Bible de Scofield affirme, dans une note à Romains 11: 1 : "Israël n'a pas été rejeté

pour toujours : Tel est le thème de ce chapitre. Six faits le démontrent : 1) la conversion

de Paul : elle prouve bien qu'il subsistait encore un "reste" en Israël (v.1); 2) la doctrine

du "reste d'Israël" (v. 2-6)...; 3) les prophéties au sujet de l'incrédulité actuelle d'Israël

(v. 7-10); elles ne la présentent pas comme une situation définitive; 4) l'accès à la grâce

offerte au monde païen (v. 11-25), conséquence de l'incrédulité d'Israël et moyen de

l'exciter à la jalousie (v. 11); 5) l'expérience d'Israël, retranché de l'olivier, mais destiné

à être greffé à nouveau (v. 17-24); 6) la promesse du Libérateur qui viendra de Sion

pour sauver la nation (V. 25-29). L'Écriture n'enseigne pas que les chrétiens héritent

désormais des promesses particulières faites aux Juifs. Les chrétiens sont la postérité

spirituelle d'Abraham (Ge 15: 5.6; Ga 3: 29) et participent aux bénédictions spirituelles

découlant de l'alliance avec Abram (voir Ge 12: 2, note); mais, comme nation. Israël

conserve sa place privilégiée et doit encore connaître le plus grand bonheur qui lui est

réservé comme peuple terrestre élu par Dieu".

Le millénialisme

49

Toute la théologie millénialiste figure dans ce texte. Retenons-en pour l'instant

l'affirmation qu'Israël est encore à l'heure actuelle, comme nation, comme entité

ethnique, le peuple élu de Dieu. Et ceci, bien qu'il ait été rejeté, car ce rejet n'est pas

"pour toujours", définitif, mais provisoire. Nous aurons l'occasion de revenir là-dessus.

Israël est-il encore le peuple élu de Dieu? A cette question nous répondons par un NON

ferme; Et nous allons plus loin! Nous disons qu'Israël n'a jamais été le peuple élu de

Dieu, si cette expression doit signifier qu'Israël en tant que peuple a été prédestiné à la

vie éternelle. Il n'existe pas de prédestination à la vie éternelle d'un peuple, quel qu'il

soit. Si Israël en tant que peuple avait été, à un moment donné de son histoire, le peuple

élu au salut, tous les Juifs vivant à cette époque-là auraient été sauvés, car quiconque est

prédestiné au salut parvient nécessairement à la vie éternelle. Or il n'existe aucun

moment de l'histoire d'Israël où le peuple tout entier, sans aucune exception, aurait été

fidèle à Dieu. De Moïse jusqu'à Malachie, tous les prophètes ont dû consacrer leur

ministère à lutter contre l'infidélité, l'impiété et l'apostasie au sein d'Israël. Souvenons-

nous des révoltes du peuple dans le désert, du veau d'or, de ce refrain constant dans le

livre des Juges : "Les enfants d'Israël firent ce qui déplaît à l'Eternel ; ils oublièrent

l'Eternel, et ils servirent les Baals et les idoles" (Ju 3: 7.12; 4; 6: 1; 13: 1, etc), du culte

voué par les Israélites à Baal, Astarté, Moloch et tant d'autres divinités païennes, de la

terrible hypocrisie des contemporains d'Esaïe, du pharisaïsme qui s'implantera en

Palestine au lendemain du retour de l'exil. Jamais, à aucun moment de son histoire,

même à ses époques les plus glorieuses, la totalité des membres de cette nation, c'est-à-

dire le peuple d'Israël en tant qu'entité n'a pas été le peuple élu de Dieu au sens où

l'Écriture parle de l'élection.

La Bible ne parlant jamais du peuple élu, il vaudrait mieux éviter ce terme, pour ne pas

donner prise à un malentendu, et en employer un autre, celui qui figure dans la

traduction de Segond, le verbe "choisir" :

Le millénialisme

50

"Tu es un peuple saint pour l'Eternel, ton Dieu. l'Eternel, ton Dieu, t'a

choisi, pour que fusses un peuple qui lui appartînt entre tous les peuples

qui sont sur la face de la terre" (Deutéronome 7: 6)

"Je laisserai une tribu à ton fils, à cause de David, mon serviteur, et à cause

de Jérusalem, que j'ai choisie" (1 Rois 11: 13)

"Mais toi, Israël, mon serviteur, Jacob que j'ai choisi, race d'Abraham que

j'ai aimé!” (Esaïe 41: 8).

"Écoute maintenant, ô Jacob, mon serviteur! O Israël, que j'ai choisi! Ainsi

parle l'Eternel qui t'a fait, et qui t'a formé dès ta naissance, celui qui est ton

soutien : Ne crains rien, mon serviteur Jacob, mon Israël, que j'ai choisi!"

(Esaïe 44: 1.2)

La confusion entre ce choix d'Israël et l'élection est à l'origine des erreurs du chiliasme

relatives aux descendants d'Abraham.

Qu'a fait Dieu en réalité? Il a choisi Abraham à Ur en Chaldée et lui a demandé de se

mettre en route, en lui donnant une triple promesse : 1) Une grande postérité naîtrait

de lui, en dépit de son âge avancé. 2) Il lui offrirait un pays qu'il allait lui montrer. 3) en

sa postérité seraient bénies toute les nations de la terre. Saint Paul explique dans

Galates 3:15 que cette postérité en qui les nations de la terre furent bénies, est le Christ,

fils d'Abraham. Mais il est vrai que le peuple d'Israël tout entier est une source de

bénédictions pour les nations de la terre, car "le salut vient des Juifs", comme le dit

l'Écriture. Dieu a choisi Israël! Cela signifie simplement qu'il a créé ce peuple, qu'il a

conclu une alliance avec son ancêtre Abraham, alliance qu'il a renouvelée au Sinaï avec

le peuple tout entier, qu'il lui a donné sa Loi, charte de son gouvernement théocratique,

qu'il lui a offert une patrie, qu'il lui a donné des prophètes pour lui révéler sa volonté,

qu'il lui a prescrit tout un culte centré autour de sacrifices qui devaient préfigurer le

sacrifice du Messie, qu'il l'a gouverné au milieu de nombreuses vicissitudes, qu'il s'est

préservé un reste au milieu de ses jugements, renonçant à exterminer la nation et lui

Le millénialisme

51

permettant de revenir dans son pays après l'exil, parce que, conformément à la

promesse faite aux patriarches, le Messie devait en son temps jaillir de son sein. Israël

devait, en vertu du choix divin, devenir le berceau du Sauveur du monde. Voilà ce que

signifie l' "élection" de ce peuple. Il va sans dire que le Christ était destiné à sauver

premièrement son peuple, mais aussi , par delà ce peuple, à devenir le Rédempteur du

monde entier. C'est en Jésus que se sont accomplies les merveilleuses promesses

accordées à son peuple, en particulier à David :

"Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères,

j'élèverai ta postérité après toi, celui qui sortira de tes entrailles, et

j'affermirai son règne. Ce sera lui qui bâtira une maison à mon nom, et

j'affermirai pour toujours le trône de son Royaume" (2 Samuel 7: 12.13)

"J'ai fait alliance avec mon élu. Voici ce que j'ai juré à David, mon serviteur

: J'affermirai ta postérité pour toujours, et j'établirai ton trône à

perpétuité" (Psaume 89 : 4.5)

Israël jouissait d'un statut particulier parmi les nations de ce monde, en raison de la

promesse du Messie. Jésus étant venu et ayant accompli l'oeuvre que préfiguraient les

sacrifices et tout le culte de l'ancienne alliance, ce statut particulier n'a plus de raison

d'être. Israël, loin de bénéficier à l'heure actuelle de privilèges particuliers appelés à

devenir manifestes à la fin des temps, est appelé à s'unir aux païens dans la foi en Christ.

Saint Paul est formel. Il affirme que le mur qui séparait Israël des païens, a été renversé,

et qu'ensemble il forment par la foi le peuple unique de Dieu :

"Christ est notre paix, lui qui des deux n'en a fait qu'un, et qui a renversé le

mur de séparation, l'inimitié, ayant anéanti par sa chair la loi des

ordonnances dans ses prescriptions, afin de créer en lui-même avec les

deux un seul homme nouveau, en établissant la paix, et de les réconcilier,

l'un et l'autre, en un seul corps" (Ephésiens 2: 14-16)

Le millénialisme

52

Dieu n'a pas deux peuples élus, d'une part le peuple d'Israël, et de l'autre l'ensemble des

croyants parmi les nations. Il ne possède qu'un olivier, dont il a retranché certaines

branches (Israël dans son ensemble), sur lequel il greffe des branches sauvages (élus

parmi les païens) et regreffe des branches naturelles (élus parmi les Juifs) (Romains 11:

16-24). Juifs et païens convertis au Christ forment dans l'Église "une race élue, un

sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis" (1 Pierre 2: 9).

De nombreux textes affirment le caractère passager de la Loi de Moïse (à l'exclusion de

la Loi morale révélée dans le Décalogue) :

"La Loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que

nous fussions justifiés par la foi. La foi étant venue, nous ne sommes plus

sous ce pédagogue" (Galates 3: 24.25)

"Il y abolition d'une ordonnance antérieure, à cause de son impuissance, -

car la Loi n'a rien amené à la perfection - et introduction d'une meilleure

espérance, par laquelle nous nous approchons de Dieu" (Hébreux 7: 18.19)

"en effet, la Loi qui possède une ombre des biens à venir, et non l'exacte

représentation des choses, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices qu'on

offre perpétuellement chaque année, amener les assistants à la

perfection"(Hébreux 10:1)

Cf. encore Gal 5: 2.3; Act 15: 10.11; Col 2: 16; Gal 4: 9-11. En particulier,

pour les sacrifices : Héb 9: 13.28; 10: 4.11-14.

La grâce de Dieu reste la même, dans l'ancienne et dans la nouvelle alliance. Mais tout ce

qui faisait du peuple d'Israël le peuple visiblement choisi et mis à part par Dieu, en vue

de la mission particulière qui lui était confiée, et tout ce qui faisait d'un Juif un Juif

(circoncision, observance du sabbat et des fêtes juives, rites de purification lévitique,

distinction entre aliments purs et impurs, etc), tout cela a été abrogé. A donc été abrogé

tout ce qui justifie l'existence nationale du peuple d'Israël dans le sein des nations de ce

Le millénialisme

53

monde. En d'autres termes, Israël n'a plus pour vocation divine de subsister en tant que

nation distincte des autres.

L'interprétation de Matthieu est délicate. Le Christ y parle à la fois de la destruction

imminente de Jérusalem (elle eu lieu en l'an 7O, et fut suivie de la dispersion des Juifs

dans le monde entier). Les deux descriptions se chevauchent souvent. Jésus y déclare

notamment : "Je vous le dis, en vérité cette génération ne passera point, que tout cela

n'arrive" (Matthieu 24 : 34). Cette phrase signifie-t-elle que ses contemporains allaient

assister à la destruction de Jérusalem, ou que les Juifs subsisteraient en tant que race

identifiable, jusqu'à la fin du monde? A priori les deux interprétations sont possibles. Le

fait est que les Juifs sont toujours là, malgré les innombrables persécutions dont ils ont

été les victimes (souvent, hélas! au nom de l'Écriture), à une époque où les Cananéens,

les Phéniciens, les Philistins, les Assyriens, les Babyloniens, les Moabites, les Ammonites

et toutes ces nations ont disparu de l'échiquier mondial. Le Seigneur en a décidé ainsi,

afin qu'Israël serve de témoignage au monde entier, et non, comme l'affirment les

millénialistes, parce qu'il réserve à ce peuple un avenir glorieux, différent de tout ce qu'il

réserve aux autres nations, différent aussi de la destinée de l'Église chrétienne!

2) S'il en est ainsi, la Palestine n'appartient plus de droit divin au peuple d'Israël. Si,

bien que les Juifs aient survécu jusqu'à l'heure actuelle, ils n'ont plus pour vocation de

constituer une nation, une entité ethnique et politique, ils ne peuvent plus de droit divin

revendiquer la possession de l'ancien pays de Canaan. Il avait besoin de cette patrie

pour subsister, jusqu'à ce que vienne le Messie, afin que tout le monde sache que le salut

vient des Juifs, conformément à l'alliance conclue avec Abraham et ses descendants.

Nous ignorons si Israël aurait un droit divin sur la Palestine, s'il avait accepté son

Sauveur ; l'Écriture n'en dit rien. Nous n'essayons pas non plus de déterminer si Israël

possède à l'heure actuelle un droit moral et humain sur son ancienne patrie, du fait qu'il

en a été chassé par les persécutions. Nous préférons laisser aux sociologues et

ethnologues le soin de répondre à cette brûlante question. Mais nous affirmons qu'il

n'existe plus en cela de droit divin. Dieu, qui est le Seigneur du ciel et de la terre, qui crée

des nations et les engloutit, qui fixe à chacune ses frontières, est le seul propriétaire de

Le millénialisme

54

la Palestine comme du monde entier. Il n'a fait que prêter Canaan à son peuple, pour

qu'il puisse accomplir sa mission :

"Le pays est à moi, car vous êtes chez moi comme étrangers et comme

habitants" (Lévitique 25: 23)

Le dispensationalisme fonde sa thèse que la Palestine appartient de droit divin à Israël

jusqu'à la fin du monde, sur le texte suivant : "l'Eternel dit à Abram... : Tout le pays que

tu vois, je le donnerai à toi et à ta postérité pour toujours" (Gen 13: 15). L'hébreu

emploie ici un terme (oY1y) qui signifie tantôt l'éternité au sens absolu, tantôt un temps

long et indéterminé. Le Seigneur promit donc Canaan au peuple d'Israël, pour toute la

période où ce peuple devait subsister comme nation, jusqu'à ce que l'heure de

l'accomplissement de la promesse fût venue. D'autre part, la possession de Canaan était

conditionnée par la fidélité d'Israël à son Dieu : "Si tu n'observes pas et ne mets pas en

pratique toutes les paroles de cette Loi, écrites dans ce livre, si tu ne crains pas ce nom

glorieux et redoutable de l'Eternel, ton Dieu..., vous serez arrachés du pays dont tu vas

entrer en possession. l'Eternel te dispersera parmi tous les peuples, d'une extrémité de

la terre à l'autre... Parmi ces nations, tu ne seras pas tranquille, et tu n'auras pas un lieu

de repos pour la plante de tes pieds" (Deutéronome 28: 58.64.65).

Toute la dispensation de l'ancienne alliance préfigurait l'oeuvre rédemptrice du Christ.

Elle était l'ombre des choses à venir (Colossiens 2: 16), et pour cela destinée à

disparaître. Ce qui est vrai de la circoncision, des fêtes juives, des sacrifices et de toutes

les ordonnances particulières à Israël, l'est aussi du pays de Canaan. En même temps

que ce pays a cessé d'être la propriété légitime de droit divin du peuple d'Israël, il est

devenu le symbole de la terre de repos qu'est le paradis céleste acquis par le Christ :

"Craignons, tandis que la promesse d'entrer dans son repos subsiste

encore, qu'aucun de vous ne s'en trouve exclus... Pour nous, qui avons cru,

nous entrons dans le repos... Or, puisqu'il est encore réservé à quelques-

uns d'y entrer, et que ceux à qui d'abord la promesse a été faite n'y sont

pas entrés à cause de leur désobéissance, Dieu fixe de nouveau un jour -

Le millénialisme

55

aujourd'hui, en disant dans David : ... Aujourd'hui, si vous entendez sa voix,

n'endurcissez pas vos coeurs... Il y a donc un repos de sabbat réservé au

peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses

oeuvres, comme Dieu s'est reposé des siennes" (Hébreux 4: 1 ss)

3) Dans la logique de sa grave erreur, le dispensationalisme affirme que, le peuple

d'Israël ayant été rejeté pour un certain temps, le jour viendra où il jouira à nouveau de

ses privilèges de peuple élu. Il retournera notamment dans son ancienne patrie. Cette

affirmation se fonde sur un certain nombre de textes :

"Lorsqu'ils seront dans le pays de leurs ennemis, je ne les rejetterai point,

et je ne les aurai point en horreur jusqu'à les exterminer, jusqu'à rompre

mon alliance avec eux ; car je suis l'Eternel, leur Dieu. Je me souviendrai en

leur faveur de l'ancienne alliance, par laquelle je les ai fait sortir du pays

d'Égypte, aux yeux des nations, pour être leur Dieu" (Lévitique 26: 44.45)

"Je les retirerai d'entre les peuples, je les rassemblerai des diverses

contrées et je les ramènerai dans leur pays" (Ezéchiel 34: 13)

"Voici, je prendrai les enfants d'Israël du milieu des nations où il sont allés,

je les rassemblerai de toutes parts et je les ramènerai dans leur pays"

(Ezéchiel 37: 21)

"Je fortifierai la maison de Juda et je délivrerai la maison de Joseph. Je les

ramènerai, car j'ai compassion d'eux, et ils seront comme si je ne les avais

pas rejetés... Je les sifflerai et les rassemblerai, car je les rachète, et ils

multiplieront comme ils multipliaient. Je les disperserai parmi les peuples,

et au loin ils se souviendront de moi. Ils vivront avec leurs enfants, et ils

reviendront" (Zacharie 10: 6.8-10)

Le millénialisme

56

"Les jours viennent, dit l'Eternel, où l'on ne dira plus : l'Eternel est vivant,

lui qui a fait monter du pays d'Égypte les enfants d'Israël! Mais on dira :

l'Eternel est vivant, lui qui a fait monter les enfants d'Israël du pays du

septentrion et de tous les pays où il les avait chassés! Je les ramènerai dans

leur pays, que j'avais donné à leurs pères" (Jérémie 16: 14.15)

"Il y aura là un chemin frayé, une route qu'on appellera la voie sainte ; nul

impur n'y passera; elle sera pour eux seuls. Les délivrés y marcheront. Les

rachetés de l'Eternel retourneront, ils iront à Sion avec chants de

triomphe, et une joie éternelle couronnera leur tête" (Esaïe 35: 8-10)

Les millénialistes voient dans tous ces textes autant de prédictions d'un retour d'Israël

en Palestine, à la fin des temps. La création de l'État d'Israël en 1948 marque une

première étape dans la voie de l'accomplissement . René Pache relève dans son ouvrage

"Le retour de Jésus-Christ" les chiffres suivants qui montrent la progression de la

population de la Palestine depuis le début de ce siècle : "Il y avait en Palestine : en 1908,

41000 Juifs ; en 1920 : 58000; en 1932 : 175000; en 1933 : 227000; en 1934 : 307000;

en 1935 : 375000; en 1939 : 420000; en 1948 : 655000; en 1957 : 1.7OOOOO; en 1968 :

2.775.OOO" (op. cit. p. 263). L'immense essor économique, la prospérité actuelle de la

Palestine, la reconstruction de ses cités, tout cela est considéré comme la réalisation

d'anciennes prophéties. Les millénialistes saluent dans la proclamation de l'État d'Israël,

le 15 Mai 1948, dans la guerre du Sinaï en 1956, dans la guerre des 6 jours, du 5 au 10

Juin 1967 autant d'étapes qui préludent au retour de tout Israël dans son ancienne

patrie. le Pasteur Richard Wurmbrand va jusqu'à affirmer qu'une politique qui

assurerait aux réfugiés palestiniens des enclaves en Palestine, est contraire à la volonté

de Dieu et doit être condamnée par les chrétiens! R. Pache conclut : "Il est évident que

de gros obstacles s'opposent encore au retour de tous les Juifs dans leur pays. Mais les

étapes déjà franchies ne semblent-elles pas plus considérables que ce qui reste à faire?

Dieu peut venir en un instant à bout de ceux qui s'opposent à ses desseins" (op. cit. p.

280).

Le millénialisme

57

Qu'en est-il des textes invoqués par les chiliastes en faveur d'un retour de tout Israël en

Palestine? Certains (Lévitique 26: 44.45, par exemple) sont d'une portée générale et

remontent à l'époque où Israël traversait le désert sous la direction de Moïse. Ils

annoncent simplement les châtiments que Dieu réserve à son peuple, s'il lui est infidèle,

et ce qu'il fera, si son peuple châtié se repent. Rien dans Lévitique 26 ne permet

d'affirmer que cette prophétie concerne la fin des temps. Parmi les autres textes,

certains sont antérieurs à l'exil des Juifs à Babylone (Esaïe 35: 8-10), d'autres

contemporains de l'exil (Jérémie 16: 14.15; Ezéchiel 34: 13; 37:21), d'autres enfin

postérieurs à l'exil (Zacharie 10: 6.8-10). Certaines de ces prophéties visaient

manifestement le retour des Juifs en Palestine, après leur exil de 70 ans à Babylone. Ils

exigent donc une interprétation historique tenant compte des péripéties du peuple

d'Israël sous l'ancienne alliance. D'autres, cependant, ont une portée beaucoup plus

grande ; c'est évident pour Zacharie 10: 6.8-10, qui est postérieur à l'exil et annonce ce

qui se produira dans la suite des temps. Ils ont une signification messianique (et non pas

eschatologique). Ils annoncent donc ce qui se produira durant toute la période de la

nouvelle alliance, qui sépare la première venue du Christ dans le monde, pour

l'accomplissement de son oeuvre de rédemption, de sa seconde en vue du jugement.

C'est ainsi que le prophète déclare :

"En ce temps-là, je relèverai de sa chute la maison de David, j'en réparerai

les brèches, j'en redresserai les ruines, et je la rebâtirai comme elle était

autrefois, afin qu'ils possèdent le reste d'Edom et toutes les nations sur

lesquelles mon nom a été invoqué... Je ramènerai les captifs de mon peuple

d'Israël. Ils rebâtiront les villes dévastées et les habiteront, ils planteront

des vignes et en boiront le vin, ils établiront des jardins et en mangeront

les fruits. Je les planterai dans leur pays, et ils ne seront plus arrachés du

pays que je leur ai donné, dit l'Eternel, ton Dieu" (Amos 9: 11 ss)

Prédiction du retour d'Israël en Palestine, à la fin des temps, disent les millénialistes!

Erreur! Au concile de Jérusalem, les apôtres prennent la parole pour raconter tout ce

Le millénialisme

58

que Dieu a fait par leur prédication de l'Évangile. Ils voient dans la conversion des

païens l'accomplissement de la prophétie d'Amos 9: 11, qu'ils citent textuellement :

"Hommes frères, écoutez-moi! Simon a raconté comment Dieu a d'abord

jeté les regards sur les nations, pour choisir du milieu d'elles un peuple qui

portât son nom. Et avec cela s'accordent les paroles des prophètes, selon

qu'il est écrit : Après cela, je reviendrai et je relèverai de sa chute la tente

de David, j'en réparerai les ruines et je la redresserai, afin que le reste des

hommes cherche le Seigneur, ainsi que toutes les nations sur lesquelles

mon nom est invoqué" (Actes 15: 13-17)

Sous l'image d'un retour d'Israël en Canaan, les prophètes ont annoncé l'entrée dans

l'Église chrétienne du peuple de Dieu, de tous ceux qui sont par la foi fils d'Abraham,

qu'ils soient Juifs ou païens d'origine. Le peuple de Dieu de la nouvelle alliance n'est plus

le peuple d'Israël, mais l'ensemble de tous ceux qui acceptent le Christ comme Sauveur.

on peut être Juifs, sans être fils d'Abraham, et fils d'Abraham, sans être Juifs :

"Tous ceux qui descendent d'Israël ne sont pas Israël, et, pour être la

postérité d'Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants. Mais il est dit : En

Isaac sera nommée pour toi une postérité, c'est-à-dire que ce ne sont pas

les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais que ce sont les

enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité" (Romains 9:

6-8)

"Comme Abraham crut à Dieu et que cela lui fut imputé à justice,

reconnaissez donc que ce sont ceux qui ont la foi qui sont fils d'Abraham.

Aussi l'Écriture, prévoyant que Dieu justifierait les païens par la foi, a

d'avance annoncé cette bonne nouvelle à Abraham : Toutes les nations

seront bénies en toi! de sorte que ceux qui croient sont bénis avec

Abraham le croyant" (Galates 3: 6-9)

Le millénialisme

59

C'est pourquoi les textes prophétiques incriminés s'accomplissent au fur et à mesure

que les hommes, Juifs et païens, entrent par la foi dans l'Église chrétienne:

"Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu

vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le choeur des anges,

de l'assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui est le

Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus qui

est le Médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l'aspersion qui parle

mieux que celui d'Abel" (Hébreux 12: 22-24)

C'est du reste ce que beaucoup de ces textes affirment, en annonçant en même temps

que cette affluence à Jérusalem, la venue du Messie, non pas pour instaurer un royaume

théocratique, mais pour libérer, sauver, délivrer, c'est-à-dire pour procurer à tous ceux

qui se tournent vers lui le pardon de leurs péchés :

"Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où je susciterai à David un germe

juste ; il régnera en roi et prospérera, il pratiquera la justice et l'équité

dans le pays. En son temps, Juda sera sauvé, Israël aura la sécurité dans sa

demeure. Et voici le nom dont on l'appellera : l'Eternel notre justice"

(Jérémie 23: 5.6)

"J'établirai sur elles un seul pasteur, qui les fera paître, mon serviteur

David ; il les fera paître, il sera mon pasteur" (Ezéchiel 34 : 23).

Cf. encore Jérémie 33:14 ss; Ezéchiel 37: 24.

Il existe une autre prophétie, dont les chiliastes affirment qu'elle s'accomplira à la fin

des temps, au seuil du Millénium, celle de Joël :

"Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles

prophétiseront, vos vieillards auront des songes, et vos jeunes gens des

visions... Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Le

Le millénialisme

60

salut sera sur la montagne de Sion à Jérusalem, comme a dit l'Eternel, et

parmi les rescapés que l'Eternel appellera" (Joël 2: 28-32)

Pour la fin des temps, au seuil du Millénium? Non, pour le présent, depuis la fête de la

Pentecôte! L'apôtre Pierre voit cette prophétie réalisée le jour où le Saint-Esprit

descend sur lui et ses compagnons et où ils se mettent à parler en langues (Actes 2: 16-

21).

Disons-le clairement :

Le règne annoncé par les prophètes n'est pas un règne théocratique du Christ, à la fin

des temps, mais le règne qu'il exerce dès maintenant dans le monde, partout où

l'Évangile est proclamé et où des hommes l'acceptent par la foi et deviennent ainsi

participants du pardon et du salut. Aussi les enfants d'Israël affluant à Jérusalem, sur la

montagne de Sion, ne sont-ils pas l'ancien peuple de Dieu retournant en masse en

Palestine, mais les rescapés parmi les Juifs et les nations, c'est-à-dire le "petit reste" au

sein de l'humanité, les élus de Dieu qui deviennent par leur foi en Christ, la postérité

promise à Abraham, les fils spirituels de ce dernier! l'Église chrétienne est à la foi l'Israël

dont parlent les prophètes, et Jérusalem, le refuge, la citadelle du salut pour tous ceux

qui aspirent au pardon et à la vie éternelle! Il n'existe plus d'autre Israël que celui-là,

plus d'autre Jérusalem que celle-là!

Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les deux textes suivants :

"Mon serviteur David sera leur roi, et ils auront tous un seul pasteur. Ils

suivront mes ordonnances, ils observeront mes lois et les mettront en

pratique. Ils habiteront le pays que j'ai donné à mon serviteur Jacob et

qu'ont habité vos pères ; ils y habiteront, eux, leurs enfants et les enfants

de leurs enfants, à perpétuité ; et mon serviteur sera leur prince pour

toujours" (Ezéchiel 37: 24.25)

Le millénialisme

61

"Ce n'est pas par la Loi que l'héritage du monde a été promis à Abraham ou

à sa postérité, c'est par la justice de la foi.. C'est pourquoi, les héritiers le

sont par la foi, pour que ce soit par grâce, afin que la promesse soit assurée

à toute la postérité, non seulement à celle qui est sous la Loi, mais aussi à

celle qui a la foi d'Abraham, notre père à tous, selon qu'il est écrit : Je t'ai

établi père d'un grand nombre de nations" (Romains 4 : 13.16.17)

C'est ce qui permet à l'apôtre Paul d'écrire :

"Pour ce qui concerne toutes les promesses de Dieu, c'est en lui (scil. le

Christ) qu'est le OUI" (2 Corinthiens 1:2)

Ainsi, Jérusalem cesse d'être dans la Bible la capitale de la Palestine, pour désigner

l'Église chrétienne, patrie de tous les croyants :

"Il est écrit qu'Abraham eut deux fils, un de la femme esclave, et un de la

femme libre... Ces choses sont allégoriques, car ces femmes sont deux

alliances. L'une du mon Sina, enfante pour la servitude, c'est Agar, - Agar,

c'est le mont Sina en Arabie, - et elle correspond à la Jérusalem actuelle,

qui est dans la servitude avec ses enfants. Mais la Jérusalem d'en haut est

libre, c'est notre mère ; car il est écrit : Réjouis-toi, stérile, toi qui

n'enfantes point. Éclate et pousse des cris de joie, toi qui n'as pas éprouvé

les douleurs de l'enfantement. Car les enfants de la délaissée seront plus

nombreux que les enfants de celle qui était mariée" (Galates 4: 22.24-27)

Qu'on lise le magnifique chapitre 54 d'Esaïe que Paul a cité dans ce texte, et on se rendra

compte qu'il est une description grandiose de l'Église chrétienne! C'est le propre du

discours prophétique de décrire les réalités spirituelles de l'alliance nouvelle, le

bonheur et la joie dans l'Église et le salut éternel dans la Jérusalem céleste, en recourant

à des termes et des images empruntés aux chose de ce monde, à ce qui était cher et

précieux aux contemporains des prophètes, la prospérité du pays de Canaan, le bonheur

que les Juifs connurent sous le grand roi David, la sécurité dont ils jouirent à cette

Le millénialisme

62

époque, Jérusalem la ville bien-aimée, Sion la colline sainte, le temple, demeure de leur

grand Dieu. Il faut vraiment lire l'Ancien testament avec une grille particulière, pour ne

pas voir, à l'exemple des dispensationalistes, dans la naissance, la croissance et le

devenir de l'Église chrétienne l'accomplissement des prophéties qui constituent ses plus

belles pages! Il faut ignorer que les bénédictions spirituelles que le Christ accorde dès

maintenant à son peuple dans l'Église dépassent de loin tout ce dont l'homme peut

rêver dans ce monde!

L'établissement de l'État d'Israël, le retour de l'ancien peuple de Dieu en Palestine, la

gloire future dont on dit qu'elle lui est réservée, en sont en aucun cas l'accomplissement

des promesses divines. Le plan divin de salut ne fait pas marche arrière, ne vise pas au

rétablissement de l'ancienne alliance. Ce serait nier toute l'oeuvre rédemptrice du

Christ. Bien au contraire, il se réalise dans cette parole : "Cette bonne nouvelle du

Royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les

nations. ALORS VIENDRA LA FIN" (Matthieu 24: 14).

Tous les textes, invoqués à tort en faveur d'un retour d'Israël en Palestine, doivent, dans

la mesure où ils n'annoncent pas la rentrée du peuple dans sa patrie, après l'exil à

Babylone, être interprétés dans le sens que nous venons d'indiquer. Il n'existe pas deux

destinées différentes pour l'Église et Israël, mais une seule, glorieuse et merveilleuse,

réservée à tous ceux, Juifs ou païens, qui entrent par la foi dans l'Israël de la nouvelle

alliance, l'Église chrétienne. Il n'existe plus aucune cloison, aucun mur entre Juifs et

païens, depuis que le Christ est mort, ni aucune discrimination entre les deux en ce qui

concerne le sort qui leur est réservé à l'avenir :

"l'Eternel aura pitié de Jacob, il choisira encore Israël, et il les rétablira

dans leur pays. Les étrangers se joindront à eux et ils s'uniront à la maison

de Jacob. Les peuples les prendront et les ramèneront à leur demeure"

(Esaïe 14: 1.2)

"Beaucoup de peuples et de nombreuses nations viendront chercher

l'Eternel des armées à Jérusalem et implorer l'Eternel. Ainsi parle l'Eternel

Le millénialisme

63

des armées : En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues des nations

saisiront un Juif par le pan de son vêtement, et diront : Nous irons avec

vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous" (Zacharie 8: 22.23)

Cf. encore Esaïe 49:22; 60: 4.9.10; Zacharie 9, 10, 11, etc...)

Dans ces textes, ce sont tour à tour les Juifs qui emmèneront les païens avec eux à

Jérusalem, et les païens qui y entraîneront les Juifs. C'est ainsi que des Juifs, les apôtres,

ont été les premiers missionnaires du monde païen, et qu'à l'heure actuelle ce sont les

païens convertis au christianisme qui annoncent l'Évangile aux Juifs, et qui devraient

sans doute le leur annoncer beaucoup plus qu'ils ne le font...

4) Nous terminerons la présente étude en nous tournant vers le texte de l'Écriture, où

l'on croit voir, généralement, clairement attestée l'affirmation d'une conversion

générale des Juifs, à la fin des temps. Il s'agit de Romains 11 :

"Je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous

regardiez point comme sages : c'est qu'une partie d'Israël est tombée dans

l'endurcissement, jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi,

tout Israël sera sauvé, selon qu'il est écrit : Le Libérateur viendra de Sion

et il détournera de Jacob les impiétés" (Romains 11: 25.26)

Avant d'analyser ce texte, signalons d'emblée qu'une conversion massive d'Israël est

exclue par les données suivantes :

- Le peuple d'Israël a cessé en tant que tel d'être peuple de Dieu. Seul un reste

parmi les Juifs se convertira, selon l'élection de grâce (Ro 11: 25; Es 10: 20; 11:

11; 6: 13; Mi 2: 12; 5: 2). Israël ne jouit plus à l'heure actuelle d'un statut spécial

qui permet d'espérer sa conversion massive à la fin des temps.

- Israël persiste jusqu'à l'heure actuelle dans son rejet du Christ. La restauration

de l'État d'Israël est loin d'être accompagnée d'une conversion au Christ, ne

Le millénialisme

64

serait-ce que d'une minorité tangible de Juifs. En fait, le gouvernement actuel

d'Israël ne se fonde pas sur des principes religieux annonçant la théocratie à

venir. Non seulement les Juifs restent des Juifs, mais le pourcentage de

pratiquants dans le judaïsme d'Israël est aussi faible que celui des autres

communautés religieuses dans le monde occidental.

- Paul ne parle pas d'une conversion massive des Juifs entre l'apparition de

l'Antichrist et le retour du Christ (2 Th 2).

- Il n'y a pas davantage de place pour une telle conversion entre l'entrée des

païens dans l'Église et la fin du monde, les païens devant y entrer jusqu'à ce que

vienne cette fin.

- La Bible, loin de parler de conversions massives, prédit pour la fin des temps

l'apostasie et l'incrédulité générales.

- Les Juifs se convertiront de la même façon au Christ que les païens : d'une

façon progressive, et ce ne sera qu'une minorité.

Dans le texte de Romains 11: 25.26, cité ci-dessus, une lecture superficielle de la phrase

"Une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, jusqu'à ce que la totalité des

païens soit entrée", semble confirmer l'idée d'une conversion massive des Juifs. Elle

aurait lieu après l'entrée des païens dans l'Église. Cependant une analyse plus

approfondie interdit une telle interprétation.

Dans le chapitre onze de l'épître aux Romains, l'apôtre réfute l'opinion selon laquelle

Israël tout entier aurait été réprouvé. Si ce peuple a rejeté le Christ que lui avaient

annoncé les prophètes et qui durant trois ans prêcha l'Évangile dans ses villes et ses

villages, si le sang de Jésus est retombé sur lui, Dieu a cependant des élus parmi les Juifs

comme il en a parmi les païens. La preuve? L'apôtre Paul lui-même, un Juif converti au

Christ. De même les 7000 hommes qui, au temps d'Elie, n'ont pas fléchi les genoux

devant Baal (Romains 11: 1-4). Et Saint Paul d'en tirer la conclusion : "De même aussi

Le millénialisme

65

dans le temps présent, il y a un reste selon l'élection de la grâce" (Romains 11: 5).

L'apôtre explique ensuite quelle est la finalité du rejet d'Israël : c'est le salut des païens,

vers lesquels les apôtres se sont tournés, quand les Juifs refusèrent d'entendre leur

Évangile (Romains 11: 11). Actes 13: 46: "C'est à vous premièrement que la Parole de

Dieu devait être annoncée. Mais, puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-

mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les païens". Ainsi, la

réprobation d'Israël est une source de richesses pour le monde, et la conversion des

païens au Christ doit inciter les Juifs à la jalousie (Romains 11: 14). Ensuite, l'apôtre

invite le païen converti à ne pas se glorifier aux dépens du Juif. Israël a été retranché du

tronc de l'olivier en raison de son incrédulité ; le païen converti y a été greffé par la foi,

gratuitement. Qu'il ne s'abandonne donc pas à l'orgueil, mais qu'il persévère dans la foi.

Paul en déduit l'exhortation suivante :

"Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu! Sévérité envers ceux qui

sont tombés, et bonté de Dieu envers toi, si tu demeures ferme dans cette

bonté. Autrement, tu seras aussi retranché. Eux de même, s'ils ne

persistent pas dans l'incrédulité, ils seront entés, car Dieu est puissant

pour les enter de nouveau. Si toi, tu as été coupé de l'olivier naturellement

sauvage et enté contrairement à ta nature sur l'olivier franc, à plus forte

raison eux seront-ils entés selon leur nature sur leur propre olivier"

(Romains 11: 22-24).

On ne peut pas conclure de ce texte que le temps viendra où Israël en tant qu'entité

ethnique se convertira au Seigneur. Paul n'affirme pas qu'il le fera, mais énonce pour

l'instant une simple hypothèse : si les Juifs se convertissent, Dieu les entera à nouveau

sur l'olivier. Puis viennent les fameux versets 25 et 26 (Cf. ci-dessus).

Paul y affirme : "Ainsi, TOUT Israël sera sauvé". Si TOUT ISRAEL" s'applique à l'Israël

selon la chair, comme l'affirme le sionisme, il s'ensuit qu'au moment du présumé

accomplissement de cette prophétie, tous les Juifs, sans exception aucune, tous les

descendants d'Abraham, se convertiront. Et, pour être logique, il faudrait en conclure

que les Juifs de tous les temps, morts ou vivants, y compris ceux du passé qui sont morts

Le millénialisme

66

sans foi en Christ parviendront au salut éternel. Certains n'ont pas reculé devant une

telle affirmation, tel Petersen, au 18° siècle. Certains, poussés par la logique de leur

pensée, sont allés jusqu'à soutenir que le jour viendra où tous les Juifs décédés

ressusciteront et se convertiront au Christ avant son avènement. La plupart des

millénialistes, cependant, reculant devant une telle thèse, interprètent l'expression

"tout Israël" au sens de "des Juifs en grand nombre".

Une telle interprétation est exclue. La phrase "tout Israël sera sauvé" est opposée à

l'affirmation du verset précédent, selon laquelle une partie d'Israël est tombée dans

l'endurcissement. Opposé à "une partie", le mot "tout" désigne nécessairement la

totalité. D'autre part, l'expression "tout Israël" est mise en parallèle avec cette autre du

verset précédent, "la totalité des païens".

Or seuls les élus seront sauvés. Il ne peut donc s'agir que de la totalité de ces derniers,

selon la phrase de l'Écriture : "Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent"

(Actes 13: 48). Prétendre le contraire, reviendrait à affirmer le salut final de toute

l'humanité. Or, si beaucoup sont appelés, il n'y a que peu d'élus (Matthieu 20: 16).

Il s'ensuit que l'expression " tout Israël" ne peut pas désigner l'Israël selon la chair,

l'ensemble des fils naturels d'Abraham. Ce pourrait être dès lors la totalité des élus

parmi les Juifs et les païens, puisque "ce sont ceux qui ont la foi qui son fils d'Abraham"

(Galates 3: 7) et que l'Église chrétienne est l'Israël de Dieu : "Paix et miséricorde sur

tous ceux qui suivront cette règle, et sur l'Israël de Dieu" (Galates 6: 16). "Si vous êtes à

Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse" (Galates 3:

29).

Nous préférons cependant une autre explication. L'apôtre Saint Paul, opposant à la

totalité des païens, c'est-à-dire au total des élus que Dieu possède parmi les païens, tout

Israël (Romains 11: 25.26), ce dernier terme semble devoir désigner le total des élus

que Dieu possède parmi les Juifs. C'est le reste dont il est dit, Romains 11: 5: "De même

aussi dans le temps présent, il y a un reste selon l'élection de la grâce". Telle

l'interprétation de la plupart des Pères de l'Église et des théologiens luthériens

confessionnels. Israël, à l'exception du "reste", a été endurci. Mais ce reste, Dieu se l'est

Le millénialisme

67

réservé, selon l'élection de la grâce. C'est l'ensemble des Juifs convertis et de ceux qui,

progressivement, jusqu'à la fin du monde, se convertiront encore à Jésus.

Par ailleurs, les chiliastes interprètent la conjonction "jusqu'à ce que", dans la phrase

"Une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, JUSQU'A CE QUE la totalité des

païens soit entrée" (Romains 11: 25) dans un sens exclusif, affirmant que la conversion

des païens prendra fin un jour, pour céder la place à celle des Juifs. L'expression "jusqu'à

ce que" a nécessairement un autre sens dans notre texte, car, selon l'Écriture la période

pendant laquelle les païens se convertiront au Christ s'étendra jusqu'au jour du

jugement lui-même : "Cette bonne nouvelle du Royaume sera prêchée dans le monde

entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin" (Matthieu 24:

14) La fin, et non pas le retour des Juifs en Palestine, leur conversion massive et

l'instauration du Millénium!

Ainsi donc, la phrase : "Une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, jusqu'à ce

que la totalité des païens soit entrée" (Romains 11: 25), ne signifie pas que

l'endurcissement d'Israël cessera ce jour-là, mais que les Juifs dans leur grande majorité

seront endurcis pendant toute la période durant laquelle les païens se convertiront. En

d'autres termes, jusqu'à la fin du monde! Leur endurcissement est partiel. Cela ne peut

signifier qu'il est limité dans le temps et qu'il cessera un jour, mais que, subsistant

jusqu'à la fin du monde, il ne s'étend pas à tous les Juifs. Dieu possède un "reste" parmi

les Juifs comme parmi les nations! Loin d'exclure les Juifs du salut, la conversion actuelle

des païens doit exciter leur jalousie (Romains 11: 14) et les inciter à faire de même. Dieu

veut faire miséricorde à tous (Romains 11: 32). Mais, "il n'y a de salut en aucun autre,

car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel

nous devions être sauvés" (Actes 4: 12). L'Écriture ignore tout d'une conversion massive

à la fin des temps, et l'établissement de l'État d'Israël et l'affluence des Juifs en Palestine

ne s'accompagnent nullement d'une conversion au Christianisme.

"Et ainsi tout Israël sera sauvé". Paul dit bien "Et ainsi", et non pas "Et alors". Et ainsi,

c'est-à-dire à la façon d'un petit reste, tandis que les autres persisteront dans leur

Le millénialisme

68

incrédulité! Et ainsi, c'est-à-dire malgré l'endurcissement partiel d'Israël, celui de sa

grande majorité! Et ainsi, c'est-à-dire durant tout le temps où se convertiront les païens!

C'est là la seule interprétation qui rende justice au texte et à tout ce que la Bible nous dit

de la fin des temps et de la conversion des hommes. Saint Paul avait déclaré qu'Israël en

tant que peuple avait été rejeté par Dieu :

"Mais je dis : N'ont-ils pas entendu? Au contraire! Leur voix est allée par

toute la terre, et leurs paroles jusqu'aux extrémités du monde. Mais je dis :

Israël ne l'a-t-il pas su? Moïse le premier dit : J'exciterai votre jalousie par

ce qui n'est point une nation, je provoquerai votre colère par une nation

sans intelligence. Et Esaïe pousse la hardiesse jusqu'à dire : J'ai été trouvé

par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis manifesté à ceux qui ne me

demandaient pas. Mais au sujet d'Israël j'ai dit : J'ai tendu mes mains tout

le jour vers un peuple rebelle et contredisant" (Romains 10: 18-21)

L'apôtre avait ajouté combien il était affligé par ce sort qui frappait son propre peuple

(Romains 10: 1.2). Mais il s'agit de ne pas en tirer de fausse conclusion, d'en déduire que

tous les Juifs sont à jamais perdus. "Loin de là" réplique l'apôtre (Romains 11: 1). "Il y a

un reste selon l'élection de la grâce!" (Romains 11: 5). Et ce reste sera sauvé!

Enfin, nous voudrions exposer un dernier argument, qui nous semble de taille. Selon le

dispensationalisme, l'Ancien Testament abonde en textes prédisant la conversion

massive des Juifs à la fin des temps (Cf. ci-dessus p. 26.27.30). Si tel était l'enseignement

de Paul, pourquoi, lui qui a l'habitude de se référer à l'Ancien Testament et qui le cite

souvent, ne fait-il appel à aucun d'eux, pour prouver ce qu'il affirme? La raison est

simple : C'est qu'aucun texte de l'Ancien Testament n'affirme cela, et que Paul ne

l'affirme pas davantage. Au lieu de cela, il recourt à des prophéties qui annoncent qu'un

Rédempteur viendra de Sion (Esaïe 59: 20; Romains 11: 26.27) et qui proclament

l'alliance de grâce par le pardon des péchés (Esaïe 29: 7; Romains 11: 27).

Dieu a rejeté Israël, parce qu'Israël n'a pas voulu du Sauveur qu'il lui donnait. Israël

réprouvé... Combien de fois les nations "chrétiennes" n'ont-elles pas cru trouver en cela

Le millénialisme

69

une justification des incessantes persécutions par lesquelles elles tourmentaient ce

malheureux peuple! Peut-être est-ce un légitime sentiment de culpabilité qui incite tant

de chrétiens à lui réserver sur terre, pour la fin des temps, une destinée glorieuse, mais

que n'atteste pas l'Écriture?

Du rêve tenace aux illusions dangereuses!

Certains ont renoncé à toute mission parmi les Juifs, se disant qu'il était contraire à la

volonté de Dieu qu'on leur offre le salut dans la prédication de l'Évangile. D'autres y

renoncent, persuadés qu'ils sont que le jour viendra de toute façon où Israël tout entier

sera sauvé. Non, Israël a besoin du salut, autant que chacun de nous! Et pour cela, il a

besoin du seul Sauveur qui soit, Jésus-Christ! Israël a donc besoin de l'Évangile, dès

maintenant. "Je suis le chemin, la vérité et la vie" a dit le Christ. Pour les Juifs et pour les

Grecs! Pour les Juifs d'aujourd'hui et pour ceux de demain! Aimer les Juifs, car ils

méritent de l'être, puisque c'est d'eux que vient le salut, ce n'est pas s'adonner à un rêve

tenace et à des illusions dangereuses, mais leur annoncer Jésus-Christ et prier Dieu pour

qu'ils l'acceptent!

"L'apôtre prie pour que tout Israël se convertisse, afin qu'il découvre le sens de son

existence..., afin qu'il vive lui aussi, comme les païens, de la seule grâce divine.

Puissions-nous, à la manière de l'apôtre, fixer nos regards sur l'action de Dieu - action

miséricordieuse -, plutôt que de discourir à la manière des prophètes apocalyptiques

qui ont toujours des mystères ésotériques à dévoiler. Nous n'avons pas d'énigmes à

résoudre, même pas concernant Israël, mais nous devons être des témoins et des

proclamateurs de la grâce. L'élection est source de pardon, et elle commande l'humilité

la plus profonde. Il existe dans l'Écriture Sainte une corrélation constante entre le

"chercher" et le "trouver". Mais la Bible annonce aussi une autre nouvelle : "le sang de

Jésus-Christ purifie aussi bien le Juif que le païen, et ceci au-delà de tout ce que l'un et

l'autre pouvaient espérer" (A.R. Kayayan, Espérer contre toute espérance, p.84 )

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