le lettrisme et la philosophie

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Le lettrisme et la philosophie En fonction des dimensions complémentaires de la culture - de l'art, de la science, de la théologie et de la technique -, la philosophie se définit comme le domaine de la réflexion générale de l'homme sur lui-même et sur les autres disciplines du Savoir qu'elle examine d'un point de vue supérieur, abstrait ou extérieur. Le besoin d'aller plus loin dans la découverte et l'invention de valeurs culturelles a conduit le créateur du lettrisme à considérer les notions exaltées, tour à tour, par les philosophes passés en tant que fondements de la vie – les « règles de l'ordre classique », la « passion romantique », la « charité », « dieu », le « bien », la « vertu », le « moi subjectif », « l'inconscient », sinon la « patrie » ou le « prolétariat », etc – comme de simples notions partielles et fragmentaires engendrées par un foyer unique et permanent : la création, seule capable de les expliquer. La révélation ou la novation de la culture et dans la culture, la découverte et l'invention multiplicatrices dans les disciplines du savoir, devenaient le point de départ de la connaissance et de l'action passées et à venir. Seules les novations successives ont apporté plus de joie réelle et durable à l'humanité en lui laissant espérer dans son développement un système de création perpétuelle, un

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Le lettrisme et la philosophie

En fonction des dimensions complémentaires de la culture - de l'art, de la science, de la théologie et de la technique -, la philosophie se définit comme le domaine de la réflexion générale de l'homme sur lui-même et sur les autres disciplines du Savoir qu'elle examine d'un point de vue supérieur, abstrait ou extérieur.

Le besoin d'aller plus loin dans la découverte et l'invention de valeurs culturelles a conduit le créateur du lettrisme à considérer les notions exaltées, tour à tour, par les philosophes passés en tant que fondements de la vie – les « règles de l'ordre classique », la « passion romantique », la « charité », « dieu », le « bien », la « vertu », le « moi subjectif », « l'inconscient », sinon la « patrie » ou le « prolétariat », etc – comme de simples notions partielles et fragmentaires engendrées par un foyer unique et permanent : la création, seule capable de les expliquer.

La révélation ou la novation de la culture et dans la culture, la découverte et l'invention multiplicatrices dans les disciplines du savoir, devenaient le point de départ de la connaissance et de l'action passées et à venir.

Seules les novations successives ont apporté plus de joie réelle et durable à l'humanité en lui laissant espérer dans son développement un système de création perpétuelle, un paradis qui, à travers toutes les doctrines justifie la marche en avant, l'effort de l'homme pour un monde meilleur.

Cette valeur principale pouvait seule expliquer l'évolution du monde, le progrès, la lutte pour des approfondissements toujours plus importants, permettant un meilleur déchiffrement de l'univers.

Dans la connaissance de ce principe, la philosophie, de Platon à Heidegger, en passant par Descartes, se découvre n'être qu'une réflexion sans fin sur des valeurs partielles, non établies dans leurs sources, qu'Isidore Isou va remplacer, avec La Créatique ou la Novatique (1941 – 1976) [13], par le système même du dévoilement permanent, incessant, ayant pour vecteur une société paradisiaque [8].

Si la création s'exprime concrètement dans l'ensemble des domaines culturels et vitaux, c'est la Kladologie (à partir du terme grec Klados = branche) ou la science intégrale des

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branches de l'esprit et de la matière, qui fixe les secteurs d'activité spirituelle et matérielle de ces branches, et qui définit les richesses que l'on peut attendre ou que l'on peut espérer, en évitant aux chercheurs et aux producteurs les illusions et les pertes de temps dialectiques.

A la méthode de connaissance philosophique, Isidore Isou oppose la méthode de connaissance kladologique.

Alors  que les conceptions passées privilégiaient telle ou telle discipline du savoir, au détriment des disciplines complémentaires, également importantes, la kladologie embrasse l'intégralité des dimensions spirituelles de chaque être et de l'univers, dans un ensemble organique, complet, où ces parties sont classées par domaines, en leur offrant, pour la première fois, une définition précise et cohérente, apte à envisager la totalité de leurs œuvres passées, présentes et possibles, futures.

Etablies à partir de la distinction des matières qui constituent les bases de leur secteur, les grandes divisions de la culture kladologique sont représentées par la théologie, qui réunit l'ensemble des disciplines préoccupées du surnaturel, des forces sacrées, comme les religions, la voyance ou la télépathie, etc ;  la science qui regroupe l'ensemble des disciplines préoccupées par la connaissance objective de l'univers et de l'être ; l'art qui réunit l'ensemble des disciplines préoccupées par l'organisation émouvante des matières, des éléments et des associations ; la philosophie qui réunit l'ensemble des disciplines préoccupées de la réflexion générale sur l'univers et sur l'être ; et enfin, la technique qui réunit l'ensemble des disciplines préoccupées par la satisfaction des besoins courants de l'individu.

Chaque domaine est partagé en plusieurs dimensions retrouvées dans chacun d'eux et constituant la toméïque, notion forgée à partir du terme grec, tomeus = section.

Ainsi, toute discipline possède :

Une mécanique, ou les moyens d'investigation et de réalisation (les stylos pour écrire, les pinceaux pour peindre, les microscopes d'analyse, l'outillage technique, etc.) ; des éléments de plus en plus fins, définis comme des stoïchéiodynamiques (des éléments en mutation), par exemple, en chimie, les quatre éléments grossiers, antiques ou moyenâgeux, approfondis par les éléments atomiques, par les particules élémentaires (les électrons, le protons, les neutrons, etc.), puis par les quarks ou les catherines, etc. ; en mathématiques, les entiers rationnels, approfondis par les fractions, les nombres infinis, complexes, etc. ; en poésie, les épopées approfondies par les mots de la versification symboliste, hermétique, puis par les lettres de la versification phonétique, etc. ; des associations de plus en plus denses, constituant les rythmidynamiques ; les thèmes ou les finalités de chaque discipline, comme par exemple, le sujet en poésie, dans le roman ou la peinture ; de manière générale le but de chaque territoire scientifique, technique, philosophique, artistique, théologique.

Entre autres dimensions supplémentaires, comme le rendement, le nombre de réalisateurs, la pathologie, etc., figure la dimension de la notation, incarnée par la super-écriture ou l'hypergraphie et qu'il faut préciser, ici, du fait qu'à des niveaux différents, elle sera une des constantes de l'ensemble des créations du lettrisme.

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Elaborée dès 1950, dans Essai sur la définition, l'évolution et le bouleversement total de la prose et du roman, où elle était liée à la transformation de la prose, l'écriture métagraphique, par la suite appelée hypergraphique, était proposée pour dépasser la destruction formelle joycienne. Il s'agissait de visualiser les mots et d'introduire dans la transcription romanesque des éléments jusqu'alors réservés à la peinture et au dessin.

Allant au-delà de cette étape de plasticisation de l'écriture alphabétique, Isidore Isou ouvrait la notation aux signes de l'ensemble des catégories, idéographiques, lexiques ou alphabétiques, de toutes les écritures passées et à venir, elles-mêmes augmentées des données de la graphologie, du rébus, de la calligraphie, de la reproduction sonore et de la photographie, puis du cinéma, du théâtre et de l'architecture.

En 1952, avec les Nombres, la structure hypergraphique s'approfondissait encore sur le plan scientifique de la linguistique, de la sémantique, de la grammaire et des mathématiques, pour finalement se présenter, en 1953, avec Amos ou Introduction à la métagraphologie comme la discipline de tous les secteurs – théologiques, scientifiques, philosophiques, esthétiques et techniques – des moyens de communication.

Par les apports conjoints de précisions accrues, dues aux aptitudes des différentes catégories de ses composants, l'hypergraphie ou l'écriture intégrale dépasse en possibilités d'expression les écritures antérieures, séparées et limitées à une classe déterminée d'éléments. De toutes les transcriptions connues jusqu'à ce jour, elle est la seule à pouvoir concilier la traduction, sur le plan de la notation, des expressions digitales et analogiques, constamment manifestées dans le comportement, à la fois verbal et non verbal, de l'être humain.

La caractéristique d'exactitude de la multi-écriture sera d'une aide considérable pour le secteur de la notation de l'ensemble des disciplines culturelles et techniques. Nous la retrouverons plus loin, dans les études concernant les apports neufs dans les dimensions des mathématiques, de la psychokladologie, ou de la psychologie fondée sur la connaissance, de la technologie, notamment.

Mais comment l'écriture alphabétique pouvait servir, en même temps, à des fins pratiques et –dans des arrangements particuliers, émouvants – esthétiques, la nouvelle écriture va également dépasser les emplois utilitaires de la simple notation, pour se constituer, dans des buts exclusifs de recherche de beauté, en éléments inédits des ensembles esthétiques visuels.

Envisagée sous l'angle formel, l'hypergraphie est l'art basé sur l'organisation de l'ensemble des signes phonétiques (non-conceptuels), lexiques, idéographiques, acquis ou possibles, existants ou inventés.

Les arts de la peinture, du roman, du théâtre, du cinéma, etc. ; que nous envisagerons au cours des pages suivantes, seront bouleversés par l'intégration, dans leur cadre respectif, des composants unifiés, en même temps exacts et harmonieux, de l'expression hypergraphique.

La nature même des éléments concernés permettra aux arts de se développer à nouveau, pour édifier, dans chacun, une structure en soi, capable, à l'image des structures antérieures – de la poésie basée sur les mots ; ou de la peinture organisée autour de la

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représentation de l'objet figuratif -, de constituer les périodes de construction et de destruction nécessaires à son affirmation.

A partir du premier roman hypergraphique, Les Journaux des Dieux, qu'Isidore Isou fera paraître en 1950, en complément de son Essai sur le roman, l'art inédit des poly – ou des multi-écritures dynamiques allait découvrir ses lois générales et ses systèmes d'organisation interne. Au terme de l'épuisement de ses combinaisons il aboutira à l'anti-hypergraphie qui représente la renonciation à la positivité de l'ensemble des ses dimensions.

La kladologie et la toméïque apportent la vision la plus complète et la plus profonde des disciplines de la culture et de la vie, ainsi que de leurs secteurs réels – de la mécanique, des éléments, des rythmes, des thèmes et de la notation hypergrahique – et représentent les guides cohérents de la connaissance et de l'action dont elles permettent de mieux saisir et explorer les contenus.

A partir de ces découvertes fondamentales, en permanence enrichies par la création, la réflexion philosophique du lettrisme a proposé d'inédites expressions, depuis l'éthique et la métaphysique – où le principe complétiste, des distinctions et des formes de développement précisés, s'oppose au système idéaliste des divisions éternelles et au système matérialiste des contradictions -, jusqu'à l'esthétique.

Dans ce dernier domaine, notamment, la réflexion générale sur l'art de ce mouvement aboutit, par delà les options antérieures, basées sur des valeurs étrangères, à une vision réduite, pour la première fois, à l'étude des contenus concrets des secteurs formels, le plaisir esthétique ne résultant que de la réception de l'organisation de ces secteurs.

Dans la dimension rythmique des associations des composants propres à chaque discipline de la beauté, le lettrisme a révélé les constantes précises de l'évolution des territoires artistiques.

Ces constantes, exposées par Isidore Isou, en 1947, dans Introduction à une nouvelle poésie et une nouvelle musique, étaient décelées dans le lyrisme, où l'auteur constatait qu'une période de construction et d'enrichissement, représentée de Homère à Hugo et des premiers chants grégoriens à Wagner était suivie, de Baudelaire à Tzara et de Debussy à Stravinsky et Satie, par une période comparable d ‘approfondissement et de destruction.

La même courbe ascendante et descendante se retrouvait, également, dans les développements respectifs de la peinture (des primitifs aux romantiques et des impressionnistes aux abstraits-dada-surréalistes) (de Longus à Hugo et de Stendhal  à Joyce).

Cette constatation, érigée en loi spécifique de l'évolution de tous les arts, a été nommée « loi de l'amplique et du ciselant ». Pour la définir, en reprenant les formulations de son auteur, disons qu'au cours d'une première phase, dite amplique, l'art s'extériorise et se développe au nom d'une anecdote ou d'un but extérieur, pour constituer ses rythmes harmonieux en structures générales larges et vastes. Au cours de la phase suivante, dite ciselante, l'art renonce à son anecdote épuisée pour s'intérioriser et rechercher ses particules fondamentales, qu'il réorganisera en des structures de plus en plus denses et

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hermétiques, en des associations brisées et discordantes, qui, à travers des purifications successives, conduiront à l'anéantissement de ses valeurs.

L'étude de la progression de tous les arts, revue en fonction de cette loi, fera apparaître que certains d'entre eux, comme le théâtre, le cinéma, la photographie ou le ballet, par exemple, étaient restés  à l'exploration  constructive de l'amplique. Ces domaines formels, c'est Isidore Isou qui, par des bouleversements intrinsèques, effectués dans leurs cadres, les conduira vers la purification et la destruction du ciselant, avant de dévoiler des arts neufs, le lettrisme, l'hypergraphie ou l'infinitésimal, qui reprendront à leur compte, sur la base des éléments

propres, les degrés complets, ampliques et ciselants, de cette évolution.

Ainsi, la loi de l'amplique et du ciselant reste fondamentale, non seulement pour la compréhension de l'univers formel spécifiquement lettriste, mais, également, pour la compréhension des univers artistiques, constitués antérieurement à ce mouvement.

Toujours dans le cadre de l'esthétique, mais sur le plan, cette fois, de la dimension mécanique, la structure de la méca-esthétique représente un apport, également fondamental, pour la constitution et la contemplation des œuvres d'art.

En 1952, dans Esthétique du cinéma, Isidore Isou créait une distinction neuve en séparant deux dimensions artistiques qui étaient avant lui confusément mêlées : la forme, d'une part, et la mécanique ou les supports, d'autre part. La seconde section, qui constitue la méca-esthétique généralisée, regroupe l'ensemble des matériaux et des substances acquis et possibles – émis par l'homme, l'animal, le végétal, le physico-chimique, le cosmos, la pensée et les données imaginaires – susceptibles d'intervenir dans la réalisation formelle qui limite l'emploi de ces moyens d'accomplissement à un rôle para-formel de simples supports destinés à fixer, à perpétuer ou à transmettre les formes, seules primordiales.

Le secteur des matériaux, rendu indépendant, évoluera en lui-même, parallèlement à l'évolution des styles, pour proposer dans tous les arts, un univers élargi de réalisations inédites.

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La poésie lettriste.

« Il importait pour cela de les (les mots) soustraire à leur usage de plus en plus

strictement utilitaire, ce qui était le moyen de les émanciper et de leur rendre tout leur

pouvoir. Ce besoin de réagir de façon draconienne contre la dépréciation du langage,

qui s'est affirmé ici avec Lautréamont, Rimbaud, Mallarmé – en même temps qu'en

Angleterre avec Lewis Carroll -, n'a pas laissé de se manifester impérieusement depuis

lors. On en a pour preuves les tentatives d'intérêt très inégal, qui correspondent aux

"mots en liberté" du futurisme, à la très relative spontanéité "Dada", en passant par

l'exubérance d'une activité de "jeux de mots" se reliant tant bien que mal à la "cabale

phonétique" ou "langage des oiseaux" (Jean-Pierre Brisset, Raymond Roussel, Marcel

Duchamp, Robert Desnos) et par le déchaînement d'une "révolution du mot" (James

Joyce, E.E. Cummings, Henri Michaux) qui ne pouvait faire qu'aboutir au "lettrisme". »

André Breton, Du surréalisme en ses œuvres vives, 1953

De Homère à Hugo : « la phase amplique »

Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique (1947) d'Isidore Isou distingue deux périodes dans l'évolution de la poésie. La phase amplique et la phase ciselante. Historiquement, le phase amplique prend sa source aux origines de la poésie en Grèce pour s'achever avec Victor Hugo.

L'amplique désigne l'amplification, la construction, le perfectionnement des procédés de versification et des thèmes du lyrisme poétique depuis Homère jusqu'aux œuvres romantiques : « La poésie amplique, parce qu'elle disposa de tous les éléments qui

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furent nécessaires, réussit à créer des œuvres immenses traitant de sujets larges et divers ».

Les grandes œuvres ampliques sont : L'Odyssée, l'Enéide, La chanson de Roland, La Divine comédie, les Sonnets pour Hélène jusqu'à La légende des siècles.

De Baudelaire à Tzara : « la phase ciselante »

A partir de Charles Baudelaire, la poésie s'engage dans une mutation profonde. Cette phase, dite ciselante, s'oppose à l'amplique pour se concentrer sur l'essence de la poésie qui procède par destruction, réduction, purification.

Fig. 1 - L'évolution spirituelle de la poésie.

Les sujets ou anecdotes sont éliminés progressivement au profit d'une recherche hermétique sur l'équilibre des vers et l'arrangement des beautés de la langue. Sous les métaphores, les images, les mots précieux et rares, se dégagent les lois d'une poésie qui se déconstruit.

Fig. 2 - L'évolution du matériel poétique.

Pour cela, Isou trace une généalogie d'or. Baudelaire détruit l'anecdote pour la forme du poème. Verlaine détruit le poème pour le vers, Rimbaud détruit le vers pour le mot, Mallarmé perfectionne l'agencement du mot, Tzara et Breton finissent par en détruire la signification par le rien.

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Fig. 3 - L'évolution de la sensibilité technique dans la poésie.

Les grandes œuvres ciselantes sont : Les fleurs du mal, Les romances sans paroles, Les Illuminations, Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, Les Lampisteries, Les champs magnétiques.

1946 La poésie lettriste, forme sonore

La dictature lettriste (1946) annonce la création d'une poésie qui brise le mot pour la lettre. Avec son Manifeste de la poésie lettriste (1942) publié plus tard dans l'Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique (1947), Isou lance la poésie alphabétique, débarrassée de son contenu signifiant.

De l'organisation savante des voyelles et des consonnes doit naître une autre manière de concevoir et de distribuer l'alphabet. Précisons qu'il ne faut pas confondre les poèmes lettristes avec ceux des futuristes et dadaïstes qui s'orientent uniquement vers une destruction du langage annonçant la fin du ciselant.

A l'inverse, Isou, lui, construit un nouvel amplique de plus en plus proliférant. La poésie alphabétique élargit son univers sonore pour intégrer tous les bruits que peut produire le corps humain (aspiration, expiration, soupir, applaudissements…). L'autre caractéristique de cette poésie, c'est qu'elle évolue selon les lois organiques de l'amplique et du ciselant. Enfin la poésie sonore entretient des liens très étroits avec la musique, développée parallèlement par le groupe lettriste.

1956 La poésie infinitésimale, forme virtuelle

Introduction à l'esthétique imaginaire (1956) révèle les possibilités d'une poésie infinitésimale ou imaginaire composée de phonèmes virtuels. Isou, en se fondant sur les théories infinitésimales de Leibniz et Newton, dépasse dans ses recherches, les données concrètes des lettres sonores pour embrasser l'infini : l'infiniment grand ou les multiplications infinies de la lettre (avec des puissances mathématiques du type a²) et l'infiniment petit ou les divisions infinies de la lettre (du type a/2 ou des racines comme √a). Par conséquent, cette poésie s'actualise par le biais d'une notation de signes concrets qui fonctionne comme une versification de virtualités.

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Ces œuvres sont donc des partitions pour imaginer des éléments possibles voir mêmes inexistants. Le problème de la perception au-delà du concret pose la question des autres facultés perceptives, de leur mutation et même de la création de nouveaux sens au-delà des cinq déjà connus.

Cette poésie centrée sur la communication sensorielle forme une constellation d'élaborations mentales, purement conceptuelle ou imaginaire dans l'esprit du lecteur.

1959 La poésie aphoniste, forme silencieuse

En 1959, Isou codifie les principes d'une poésie aphoniste qui « consiste dans une récitation sans émission de son, muette. Le récitant ouvre et ferme la bouche, sans rien dire ». Contemporain de la poésie infinitésimale qui invente des particules imaginaires, l'aphonisme forme un secteur autonome, véritable négation du lettrisme sonore.

Concrètement, le poème se présente sous la forme d'une notation de signes ou d'un texte avec des consignes renvoyant à des mimiques buccales, faciales ou encore à des gestes à exécuter silencieusement. Le lecteur peut être également invité à réciter de mémoire un texte sans émettre de son. Dans ce cas, la récitation devient inaudible ou silencieuse bien que les éléments à prononcer puissent être d'origine mélodique : articuler les syllabes avec sa bouche et sa langue sans vibration sonore. Le poème devient dès lors une succession de postures de la bouche, du visage et du corps. Pure silence articulé et rythmé.

1960 Le cadre supertemporel, la poésie éternellement réalisée par

tous

Dans ses Poésies II, Isidore Ducasse dit le Comte de Lautréamont, déclarait que « la poésie doit être faite par tous. Non par un ». En 1960, Isou invente le cadre supertemporel qui, pour la première fois dans l'histoire de la poésie, bouleverse, à la fois, le support matériel et l'intervention du lecteur dans le processus poétique.

Au-delà de la page du livre, le lyrisme infinitésimal ou à venir se déploie sur une infinité de supports vierges (objets, corps, nature…) sur lesquels le lecteur lui-même peut intervenir à son tour. Ces pages vierges ou ses surfaces vides fonctionnent comme des supports pour « works in progress » infinis.

Le cadre supertemporel accueille donc sur son plan tous les poèmes passés, présents et futurs écrits par des générations de lecteurs-poètes. Isou parle de « la dimension supertemporelle qui apporte la véritable éternité à l'esthétique, car sa jeunesse n'imite pas le passé, mais résulte d'un jet frais, perpétuellement rénové, d'éléments, d'auteurs et de styles constructifs ou destructifs ».

1991 La poésie excoordiste, forme coordonnable

Dans son Manifeste de l'Excoordisme ou du Téïsynisme mathématique et artistique (1991), Isou élargit l'art infinitésimal pour systématiser les extensions et coordinations

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concrètes et vastes des infiniment grands et des infiniment petits. L'infinitésimal s'occupait de l'imaginaire, l'Excoordisme considère l'au-delà de l'imaginaire, c'est-à-dire « l'inimaginable comme étant divers et varié, dans les expressions de ses contenants et de ses contenus ».

L'Excoordisme recherche donc l'infini des données coordonnables connus (de l'origine de la poésie à l'infinitésimal) et inimaginables. Encore jeune, cet art mystérieux est toujours en court de développement. Par conséquent, le corpus poétique excoordiste reste donc à la fois réduit mais toujours ouvert.

E. Monsinjon

Le roman.

De même que l'objet figuratif, dans la peinture, s'était banalisé avec les abstraits, dada et le surréalisme, la prose alphabétique, après les jeux linguistiques de Finnegans Wake de Joyce, avait inventorié toutes les fictions et toutes les grandes combinaisons stylistiques possibles.

L'épuisement de ces deux formes justifiait la création de la structure hypergraphique qui retrouvait, à la fois sur le chemin de la recherche picturale et romanesque, le foyer des moyens de la communication où les deux arts ne constituaient qu'un seul domaine d'écriture unique.

En proposant, au cours de la phrase, le remplacement des termes phonétiques par des représentations analogiques, mais, aussi, par tous les graphismes cohérents et incohérents, acquis ou inventés, Isou, dans son ouvrage Essai sur la définition, l'évolution et le bouleversement du roman de la prose (1950), restituait l'unité originelle et apportait à l'art du roman, la matière neuve des notations multiples – idéographiques, lexiques et alphabétiques – capables de reconstruire, sur un plan neuf, l'histoire complète, amplique et ciselante, de la narration.

Le roman hypergraphique devait également s'enrichir de la graphologie, de la calligraphie, de tous les genres d'énigmes visuels et des rébus, comme il devait

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s'annexer, en 1952, avec Amos ou introduction à la métagraphologie, la photographie, les différentes possibilités de l'impression superposée, la reproduction sonore, le cinéma, l'architecture, pour intégrer l'ensemble des matières symboliques de la vie, toutes les philosophies et sciences du signe, depuis la linguistique et la grammaire, jusqu'aux techniques d'imprimerie, en passant par les mathématiques.

La prose hypergraphique devait être dépassée en 1956, par la prose esthapéïriste ou infinitésimale, fondée sur des particules romanesques ou non, visibles ou invisibles, dépourvues de tout sens immédiat et employées autant qu'elles permettent d'imaginer d'autres éléments inexistants ou possibles.

En 1960, le roman super-temporel ouvrait ses cadres vides à la participation active et infinie des amateurs intégrés dans l'œuvre à une place latérale, para-formelle, de simples supports actifs.

Le schéma qui suit tente de visualiser la place considérable occupée par le lettrisme, l'hypergraphie et l'esthapéïrisme au sein de l'ensemble visuel, depuis sa constitution utilitaire, dans les premières écritures, et après les explorations esthétiques, d'une part, de l'objet figuratif dans l'art plastique, d'autre part, du mot, dans l'organisation prosodique du roman. Le trait marqué en pointillé figure l'évolution parallèle des supports intervenant dans la réalisation de ces différents arts.

R. Sabatier

La photographie.

L'élément spécifique de la photographie est le calque parfait et immédiat de la réalité. La photographie, art de la reproduction, commence par la mise en relief et l'organisation du modèle, pour en montrer les apparences multiples, objectives, puis subjectives.

Cette édification amplique qui s'achève avec Man Ray, sera relayée, à partir de 1952, avec Esthétique du cinéma, par l'approfondissement du positif, dans la phase ciselante de purification. 

La photographie ciselante force la reproduction au rejet de sa finalité première, pour rechercher dans sa profondeur les éléments purs de sa genèse.

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Des attaques à l'aide de différents procédés constituent la richesse et la séduction du cliché inédit. Cet état premier d'émiettement de la photographie, qui vaut pour cet art une manière d'impressionnisme, se dépassera dans l'hermétisme et la densification pour s'achever dans le dérèglement instinctiviste et l'anéantissement.

La réalité détruite sur la photographie devait ensuite être intégrée dans la structure originale de l'hypergraphie. Le cliché, envisagé pour sa seule valeur idéographique, quitte la reproduction, pour participer en complément des autres éléments de la communication, à la description des données de l'univers.

La photographie esthapéïriste dépasse le réel visible, pour se constituer dans le mental des amateurs, comme des originalités pures, et elle se développe dans la photographie super-temporelle accessible à tous les amateurs invités à travailler indéfiniment  les supports vides de cet art.

R. Sabatier

Les arts du spectacle

Le théâtre

Dans Fondements pour la transformation intégrale du théâtre (1953), le théâtre était défini comme le cadre spécifique de la présentation de l'ensemble des valeurs textuelles, corporelles ou matérielles de la totalité des disciplines de l'esprit et de la matière.

En éliminant l'anecdote, coordinatrice de ces différentes valeurs, à partir de laquelle s'était édifié le théâtre passé de Eschyle à Pirandello et Tzara, Isidore Isou permettait aux composants du texte, des gestes et du décor de se présenter dans une totale indépendance les uns par rapport aux autres, au cours d'une régie divergente ou discrépante des parties rendues distinctes où tout composant devenait capable de s'accomplir intégralement en exposant ses expressions les plus neuves.

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A l'intérieur de ces différentes colonnes, les dialogues à répliques étaient remplacés par des polylogues à impliques – constitués d'une suite ininterrompue de formules autonomes et denses -, suffisants en eux-mêmes.

Le théâtre ciselant et discrépant intégrera dans le cadre renouvelé de la scène les multiples créations du lettrisme dans les autres domaines : la créatique, la poésie lettriste, aphoniste et infinitésimale, dans la dimension du texte ; le mime et le ballet ciselants, le jeu discrépant de l'acteur, dans la dimension corporelle ; les expressions de la peinture, du costume, du cinéma, envisagées dans leurs formes inédites, dans la dimension décorative.

A la suite du théâtre ciselant et discrépant, le spectacle hyperthéâtral ou hypergraphique considérera l'ensemble des éléments de la scène comme les simples particules d'un code de signes neufs, constituant, ainsi, un véritable langage total, où  les catégories lexiques, idéographiques et alphabétiques des sons, des gestes et des objets s'accordent pour propager un discours dans une première période, puis se désaccordent dans une seconde période d'approfondissement.

Au-delà, le théâtre esthapéïriste ou infinitésimal reprendra à son compte, dès 1956 , les développements constructifs et destructifs, envisagés, cette fois, sur l'unique plan des virtualités, à partir de la notation infinitésimale qui transmettra, dans l'imaginaire, les données scéniques inconcevables ou impossibles.

Toujours dans le même ouvrage, les disciplines formelles intervenant dans le théâtre, depuis l'éclairage, le costume, le masque, jusqu'à l'ombre chinoise, la marionnette et le parfum, étaient, à leur tour, plongées dans l'exploration ciselante puis reprises dans les ensembles hypergraphiques et infinitésimaux.

R. Sabatier

La pantomime

p>De Bathylle et Pyllade à Decroux, en passant par la Comedia dell'arte, la pantomime,

fondée sur les gestes conceptuels, avait  constitué ses structures générales et ses rythmes

harmonieux, caractéristiques, de la construction amplique. Un chapitre de Fondements

contraignait cet art à enchaîner les expressions mimiques les unes à la suite des autres,

dans le rejet de l'anecdote générale, pour faire surgir de ces rapprochements de

nouvelles sources d'émotion.

C'est le début de la phase ciselante pantomimique qui,  progressivement, va réorganiser ses particules en des assemblages de plus en plus denses, des associations brisées et discordantes pour aboutir à la pantomime nihiliste n'offrant plus qu'une succession de gestes sans signification.

R. Sabatier

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La danse

Les gestes sans signification conceptuelle, les expressions corporelles pures, sont les éléments fondamentaux du ballet. Le créateur du lettrisme repousse la superficialité des positions de la danse classique et dévoile un ordre plus profond de possibilités gestuelles qui va englober toutes les visions jusqu'alors séparées des différentes écoles de cet art.

Séparant l'anatomie humaine en sections inertes et en sections mobiles, il élargit considérablement le répertoire de la chorégraphie. C'est sur cette base étendue que vont s'organiser les différentes recherches purificatrices du ballet ciselant.

Contre le « nombre », le « rythme » et l' «essor », caractéristiques des structures précédentes, de Bojoyeuls et Beauchamps à Lifar, la danse se fondera sur l' « amorphe », l' « a-rythmie » et le « rampement », notions par lesquelles, tout en renonçant à ses anecdotes extérieures, elle va se dépouiller jusqu'à atteindre l'immobilité complète, représentative de la négation de l'expression gesticulaire.

Au-delà de la chorégraphie et de la pantomime ciselantes, commence l'expression corporelle hypergraphique qui mue tous les mouvements possibles, conceptuels et non-conceptuels, en de simples signifiants acquis ou inédits, grâce à l'association desquels pourront se manifester des discours gesticulaires neufs.

Plus loin encore, la danse et la pantomime infinitésimales notent des postures imaginaires dans le seul mental des spectateurs.

Le cinéma lettriste.

Des frères Lumière à Luis Bunuel, le cinéma amplique

Isou définit la période amplique comme la phase d'expansion des techniques et des thématiques du cinéma depuis son origine jusqu'aux réalisations surréalistes. Sur le plan technique on invente la caméra puis on perfectionne son optique. Au niveau du thème, les cinéastes abordent tous les sujets de manière quasi encyclopédique (historique, burlesque, western, épouvante).

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Isou rend hommage à tous ces auteurs qui ont innovés dans le cinéma : les frères Lumière, Méliès, Griffith, Chaplin, Clair, Eisenstein, Von Stroheim, Flaherty, Bunuel et Cocteau. Cependant, Isou veut rompre définitivement avec cette phase amplique. Selon lui, pour permettre au cinéma de se renouveler, il faut que celui-ci se replie sur ses propres apports passés.

Ce nouveau cinéma appelé ciselant détruit ses bases référentielles pour révéler des beautés destructrices et d'anéantissement. Pour cela, Isou démantèle le synchronisme du son et de l'image et intervient directement sur la pellicule pour la nier, la détruire puis l'oublier. Après des réalisations sur pellicule, les lettristes poseront donc la question suivante : peut-on faire des films sans pellicule ?

1951 Le Traité de bave et d'éternité, premier film lettriste

Avec le Traité de bave et d'éternité, scandaleusement présenté au festival de Cannes en 1951, Isou invente le montage discrépant* qui a pour principe la disjonction du son et de l'image. Il les traite de manière autonome comme deux colonnes indépendantes et pures sans aucune relation signifiante.

La colonne sonore s'ouvre avec des improvisations de chœurs lettristes « en boucles » sur lesquels se mêlent une histoire d'amour enchâssée dans un manifeste pour un nouveau cinéma.

La colonne visuelle possède également sa propre structure narrative en présentant une succession d'images banales : Isou errant sur le boulevard Saint Germain, des fragments de films militaires récupérés dans les poubelles de l'armée française, des exercices de gymnastiques, Isou en compagnie de personnalités (Cocteau, Cendrars…).

L'autre travail sur l'image porte sur la ciselure* des photogrammes. Isou intervient, gratte, peint directement sur la pellicule. Le montage discrépant et la ciselure annoncent la mort d'une certaine idée du cinéma. Le Traité sera suivi du très célèbre Le film est déjà commencé ? (1951) de Maurice Lemaître et de son principe de Syncinéma*. Pour la première fois au cinéma, des acteurs in vivo se mêlent à la séance, de la salle de projection à la file d'attente sur le trottoir, élargissant ainsi le film au-delà de l'écran.

1952 Des cinéastes de la revue Ion au film-débat*

Le groupe lettriste publie dans la revue Ion (1952) un numéro spécial sur le cinéma. Dans Ion, Isou élabore une profonde Esthétique du cinéma, capable de dépasser le cinéma sur pellicule. Par sa volonté destructrice, Isou annonce la mort de la réalisation cinématographique qui doit laisser place au film-débat*, c'est-à-dire aux échanges entre les spectateurs dans un débat constructif puis destructif à propos du cinéma.

Les autres lettristes, quant à eux, continuent d'approfondir les procédés du montage discrépant et annoncent leurs projets de films souvent assez différents de leurs réalisations finales : succession d'écrans blancs et noirs pour L'Anti-concept de Gil J. Wolman et Hurlements en faveur de Sade de Guy Ernest Debord. Suppression de la colonne image pour le film uniquement sonore Tambours du jugement premier de

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François Dufrêne. Egalement des projets non réalisés comme le cinéma nucléaire de Marc'O ou réalisés tardivement comme La légende cruelle de Gabriel Pomerand.

Cependant les actions lettristes dissimulent nombres de désaccords dans le groupe. L'année 1952 marque aussi la fin d'une époque. La première génération de cinéastes se divise et certains membres quittent le groupe. C'est le cas de Debord et de Wolman qui fondent l'International Lettriste (1952), un mouvement qui se veut dissident de la mouvance isouienne.

1953 Le cinéma hypergraphique, les signes au-delà de la pellicule

Isou poursuit sa radicalisation avec Amos ou Introduction à la métagraphologie, en 1953, le premier film hypergraphique de l'histoire. Comme le film-débat précédemment, Amos renonce définitivement à la pellicule. Le film est composé d'une succession de 9 photographies rehaussées de signes peints relatant une journée de la vie d'Isidore Isou. Un texte manifeste pour la métagraphologie (premier nom de l'hypergraphie), récité par un orateur dans la salle de cinéma, en forme la colonne sonore. Encore une fois l'usage disjoint du son et de l'image permet un autre approfondissement du montage discrépant.

Le cinéma hypergraphique se définit donc comme un nouveau langage composé de l'intégralité des signes sonores et visuels (lettres, phonèmes, idéogrammes). Il s'agit d'un nouveau cinéma organisé selon les lois organiques de l'amplique. Plus tard, l'art hypergraphique décomposera ses rapports pour nier ses propres apports et ainsi former sa phase ciselante. Le cinéma hypergraphique comporte peu d'œuvres à ses débuts. Considérons quelques films hypergraphiques plus tardifs : Episodes (1969), Narrations (1969), Phrases (1980) de Roland Sabatier.

1960 Le cinéma infinitésimal ou imaginaire et le cinéma

supertemporel

Dépassant le monde des signes concrets de l'hypergraphie, Isou invente un système de notation basé sur des signes imaginaires qu'il nomme art infinitésimal. Il s'agit de donner naissance à des réalisations conceptuelles que le spectateur met en place mentalement par l'intermédiaire d'une proposition ouverte (phrase, énoncé, image).

Différent de nature, le cinéma supertemporel, à la suite du film-débat, invite le spectateur à participer à la construction du film à travers la mise à disposition de supports vierges. Contre l'auteur unique, le supertemporel s'ouvre à la liberté totale des spectateurs sans limitation de durée dans le temps.

Il est à noter que le cadre supertemporel devient par conséquent le support idéal pour le déploiement de l'art imaginaire.