le grand canal de marseille au rhône, enjeu d'avenir pour aix

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Auteur : Philippe Marin Directeur de mémoire : Michel Chiappero Octobre 2013 IUAR - MASTER 2 Urbanisme durable et projet territorial Le GRAND CANAL de MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir pour Aix Marseille Provence Métropole ?

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Auteur : Philippe MarinDirecteur de mémoire : Michel ChiapperoOctobre 2013

IUAR - MASTER 2 Urbanisme durable et projet territorial

Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

pour Aix Marseille Provence Métropole ?

2 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

REMERCIEMENTS

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Ce document est l’aboutissement d’une année riche en découvertes, rencontres, apprentissages, mais je souhaite qu’il puisse être l’acte fondateur de réflexions plus abouties sur le sujet.

Ce travail n’aurait pas pu exister sans la qualité de l’enseignement que nous avons reçu à l’institut d’urbanisme et aménagement régional. Je reste, en particu-lier, touché par l’approche que nous a présenté René Borruey. Je remercie aussi Michel Chiaperro, qui me fait l’honneur de diriger ce mémoire, et qui aura été le mentor de la promotion, toujours positif, toujours disponible.

Mes collaborateurs au sein du grand port maritime de Marseille ont su m’ap-porter l’expertise nécessaire à mes travaux : Régis Martin pour le fluvial, Phi-lippe Guillaumet pour la simulation économique, Véronique Dubrocard pour le graphisme, Vincent Petisi pour ses archives, François Giraud pour la partie historique, et Jean-Michel Bocognano pour sa critique constructive. Je remer-cie l’équipe du département formation, Mélissa Rodriguez et Olivier Cross, pour leur réactivité et professionnalisme. Je remercie enfin mes supérieurs hiérarchiques Magali Deveze qui m’a offert ce formidable sujet et qui m’a fait confiance depuis le début de cette aventure, et Hervé Moine pour tout ce qu’il m’apporte au quotidien.

Le soutient de mes proches aura été source d’énergie. Je remercie en particulier ma petite Alice qui pour sa première année a imprimé un rythme nocturne rela-tivement calme me permettant le repos nécessaire, ainsi que sa maman pour son soutient inconditionnel.

Mes pensées vont aussi à ceux qui me manquent et pourtant tellement présents.

4 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Une somme de contextes favorables pour le canal de Marseille au Rhône ..........p 6 Aix Marseille Provence Métropole, de nouvelles ambitions pour le territoire ..........p 8 La réforme portuaire de 2008 : du port exploitant au port aménageur ..........p10 Larévolutionfluviale,modedetransportdufutur ..........p12 La région marseillaise, laboratoire environnemental de l’Europe ..........p14

PARTIE 1 - L’ÉPOPÉE DU CANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE

1-1Marseille,villefluviale ..........p16 1-1-1Unerégionportuairedynamiséeparletraficdemarchandises ..........p16 1-1-2 La ruée vers l’ouest ..........p18

1-2Lesfonctionsduréseaufluvialen2013 ..........p26 1-2-1 Le fret en hausse n’utilisant qu’un quart de la capacité du Rhône ..........p26 1-2-2 Des usages culturels et récréatifs ..........p28

1-3 Un paysage exceptionnel entre Camargue et Calanques ..........p30 1-3-1 Un patrimoine riche ..........p30 1-3-2 Les espaces publics propices à la promenade ..........p32 1-3-3 Séquences controversées du parcours entre le Rhône et Marseille ..........p34 1-3-4 La mauvaise réputation de l’étang de Berre est elle fondée ? ..........p36

PARTIE 2 - PISTES DE RÉFLEXIONS POUR UN DÉVELOPPEMENT FLUVIAL À DEUX ÉCHELLES

2-1 Les enjeux à l’échelle internationale, le modèle des ports d’Europe du nord ..........p38 2-1-1Renforcerlacompétitivitéportuaireparuntransportmassifié ..........p38 2-1-2 Accroître l’hinterland par la voie d’eau ..........p40

2-2 Le canal comme accélérateur de développement local ..........p42 2-2-1Lefluvialvecteurdel’économiecirculaire ..........p42 2-2-1-1 Vers une logistique urbaine maîtrisée ..........p38 2-2-1-2 Vers la valorisation des matériaux ..........p44

2-2-2 Quatre ambitions urbaines pour un ouvrage ..........p46 2-2-2-1Densifierlelongducanal ..........p48 2-2-2-2 Se déplacer sur le canal ..........p50 2-2-2-3 Se divertir par le canal ..........p52 2-2-2-4 Se promener au bord du canal ..........p54

2-2-3 La réouverture du tunnel du Rove, un gain pour le territoire ..........p56

Conclusion : Faire émerger un grand projet métropolitain ..........p58

Bibliographie ..........p60

Annexes cartographiques ..........p62Annexe du business plan du tunnel du Rove ..........p72

SOMMAIRE

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de notoriété publique pour la population des bouches du Rhône. Pour cause, il n’a jamais existé. Lorsque l’on inaugura le tunnel du Rove en 1926, il était présentait comme le dernier chaînon du canal reliant Marseille au Rhône. Mais les navires étaient tout de même obligés de passer en mer, traversant le Golfe de Fos. Ce n’est que dans les années 80 que sera construit le canal de Fos au Rhône, évitant ainsi la traversée maritime. Mais la liaison marseillaise était depuis longtemps rompue à cause de l’effondrement du tunnel du Rove.

Néanmoins l’infrastructure est bien là. Utilisée à des fins commerciales ou de loisirs, elle remplit sa fonction avec sobriété mais sans ambition. La réouverture du tunnel du Rove semble être chimère; la fonction commerciale est dirigée de Fos au Rhône, condamnant Marseille à utili-ser d’autres modes de transports; la fonction récréative se contente des quelques usages de loisirs possible sur le ca-nal. Entre Martigues et le tunnel du Rove, plus aucune ac-tivité commerciale ne s’y produit, les berges s’effondrent, la vase s’accumule, l’eau stagnante pollue les milieux aqua-tiques, la pêche y est proscrite.

Pourtant, le potentiel d’un canal est unique. On le voit dans de nombreuses villes européennes, Venise, Amster-dam, Paris, qui exploitent tout le potentiel du cours d’eau.Il est évident que le canal de Marseille au Rhône n’est pas comparable avec les canaux de Venise, ni avec la Seine. Le canal est atypique puisqu’il traverse sur une courte dis-tance, 65 km, de l’urbain, des espaces naturels, et des industries.

Un canal est un cours d’eau artificiel, qui présente l’avan-tage d’être emprunter par tout temps, puisqu’il protège les embarcations des intempéries. Cette définition permet de situer exactement le canal de Marseille au Rhône. Il débute sur le quai de la fraternité du Vieux Port à Marseille, puis il longe la digue du large, pour entrer dans le tunnel du Rove côté Estaque. Le canal ressort à Marignane, traverse une partie de la ville, puis la réserve naturelle de Bolmon, et longe la rive sud de l’étang de Berre. Le canal passe ensuite par Martigues, Port de Bouc, puis Fos dans un milieu plu-tôt urbain, pour finir à Port Saint Louis, entre industries et Camargue, et se connecter au Rhône.

De plus, si l’on réactualise le coût de revient du canal de Marseille au Rhône dans son intégralité, cela coûterait aujourd’hui plusieurs dizaines de milliards d’Euros (le tunnel du Rove à lui seul est évalué à 18,5 milliards d’Euros). C’est incontestablement un des trois grands ouvrages de la région avec la ligne ferroviaire de la côte bleue, et la digue du large à Marseille. Il est d’intérêt public d’optimiser l’utilisation de l’infrastructure.

Fos sur mer

Istres

UNE SOMME DE CONTEXTES FAVORABLESpour le canal de Marseille au Rhône

MER MEDITERRANNEE

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Le canal de Marseille au Rhône n’est pas L’objet de ce mémoire est de réaliser un document de sensibilisation pour le canal de Marseille au Rhône, afin d’une part de mieux connaître l’ouvrage et son histoire, et d’autre part d’explorer des pistes de développement à résonance inter régionale et locale.

Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Fos sur mer

Istres

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

MARSEILLE

AIX en Provence

MER MEDITERRANNEE

Etangde

BerreMartigues

Salon

Aubagne

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Il semble qu’une fenêtre de tir soit favorable au projet du canal de Marseille au Rhône puisque 4 contextes pour-raient enfin déclencher des actions concrètes :

• la création de Aix Marseille Provence Métropole • la réforme des ports autonomes • un nouvel intérêt pour le transport fluvial • la situation atmosphérique de la région

CHAÎNONS DU CANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE

Marseille, deuxième ville de France, Capitale européenne de la culture en 2013, baignée de soleil, multiculturelle, etc. bénéficie d’icônes et de clichés ne pouvant laisser in-sensible. Mais Marseille malgré ses atouts de par sa posi-tion géostratégique, et les ressources de son territoire n’a jamais réussi à prendre son destin en main historiquement lié à celui de son port d’envergure internationale. Louis XIV et son fidèle ministre Colbert, dans leur politique de développement des ports français contribueront à ce que Marseille deviennent une grande ville prospère. Lors de la révolution industrielle une deuxième intervention de l’état visera à agrandir de manière exponentielle le port accélé-rant l’économie de la ville notamment grâce à la naviga-tion à la vapeur. Puis c’est sous les trente glorieuses du Général De Gaule que le complexe de la zone industria-lo-portuaire de Fos sera construit, qui n’est autre qu’une troisième extension du port, impulsée pour la troisième fois par l’état.

A cette même époque, 1966, alors que Strasbourg, Lyon, Bordeaux, créent leur communauté urbaine, Marseille, alors dirigé par Gaston Deferre, pourtant «père» fonda-teur de la décentralisation, refuse une coopération avec les communes voisines qui représentent pour lui une menace puisque plus riche et sous influence communiste.Depuis le territoire métropolitain des bouches du Rhône est composé de six établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui mènent une politique refer-mée sur leur territoire. René Borruey, architecte chercheur marseillais, parle de « métropole partagée » à la fois reliée et divisée.

Le canal de Marseille au Rhône traverse 9 communes fai-sant parties de 3 EPCI différents qui représentent 2/3 de la population de l’aire métropolitaine.

La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, en cours d’approbation au Sénat à l’heure actuelle, vise notamment à « obliger » les élus locaux à changer d’échelle. « La région métropolitaine marseillaise s’est constituée ces trente dernières années autour d’évo-lutions très contrastées : désindustrialisation et tertiarisation de la ville centre, repositionnement du Port, nouveaux territoires industriels autour de l’étang de Berre, technologies à haute valeur ajoutée dans le pays d’Aix. Mais la pleine valorisation de ces atouts est entravée par la frag-mentation territoriale et la juxtaposition de gouvernances locales qui ne permettent pas de conduire un projet unifié sur l’ensemble du territoire de l’unité urbaine et de gérer les services publics en réseau. Ces différents freins ont conduit le Gouvernement à proposer d’ins-tituer une gouvernance unifiée sur le périmètre de l’aire métropoli-

taine tout d’abord pour remédier au difficile problème des transports, levier important de développement économique et social mais aussi pour favoriser l’accroissement et le rééquilibrage de la solidarité financière de territoires aux richesses disparates » extrait du texte de loi.(sénat.fr)

Aix Marseille Provence Métropole,DE NOUVELLES AMBITIONS POUR LE TERRITOIRE

SANOUEST

PROVENCE

PAYSDE

MARTIGUES

Lesbénéficesdurégimejacobin

8 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

MARSEILLEPROVENCE

METROPOLE

PAYSDE

MARTIGUES

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Ce nouvel outil d’aménagement, qui sera créé le 1er jan-vier 2016, devrait donc faciliter les projets de transports intercommunaux, en ayant une gouvernance commune et une capacité de financement plus grande.

CANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE & GOUVERNANCE

la modernisation des ports autonomes contribue elle aussi à placer le projet du canal de Marseille au Rhône dans un contexte favorable. L’objet de cette loi était : « Transfert de l’exploitation des ter-minaux, outillages et personnels, aux entreprises de manutention du secteur privé ; Recentrer les ports sur : • les missions d’autorité publique (accès maritimes et écluses, réception et accueil des navires, police, sécurité, sûreté), • le développement, l’aménagement et la gestion du do-maine portuaire, • le développement et la promotion de la place portuaire et des interfaces mer / terre et port / terre, le port devant être un acteur du transfert multimodal, • la définition par le port d’un cadre général de régulation des activités portuaires. »Extrait du texte de loi.

Il est à noter que le périmètre du grand port maritime de Marseille (GPMM) est de 22 000 hectares (terre et mer confondues), soit l’équivalent de la commune de Marseille ce qui représente 5% de la superficie de l’aire métro-politaine.

Dans un souci d’efficacité pour l’aménagement des infras-tructures portuaires, la loi prévoit aussi que les biens de l’Etat soient remis en pleine propriété aux grands ports maritimes. De ce fait, certaines voies fluviales et certains ouvrages gérés auparavant par le service annexe des voies navigables (SAVN), organisme de l’Etat, reviennent de plein droit au GPMM.

Enfin, la loi a changé le mode de gouvernance. Le conseil de surveillance a remplacé le conseil d’administration, plus réduit (17 membres au lieu de 26) il comprend : • 5 représentants de l’Etat : le préfet de région et les représentants des ministres chargés : des transports, de l’environnement, de l’économie et du budget. • 4 représentants des collectivités territoriales : le conseil régional PACA, le conseil général des bouches du Rhône, le conseil municipal de la ville de Marseille et le syndicat d’agglomération nouvelle ouest Provence. • 3 représentants du personnel de l’établissement public dont un représentant des cadres. • 5 personnalités qualifiées sont choisies en raison de leur compétence dans les activités intéressant les ports, l’amé-nagement, l’environnement, la navigation maritime, les trans-ports, l’économie régionale ou nationale (dont 1 représentant de la CCIMP et 1 représentant du monde économique).

Le conseil de surveillance du GPMM a été officiellement installé le 23 janvier 2009 par le préfet de la région PACA. Le mandat des membres du Conseil de surveillance est de 5 ans. Il peut être renouvelé.

Réforme portuaire de 2008DU PORT EXPLOITANT AU PORT AMÉNAGEURLa loi du 4 juillet 2008 ayant pour but Il arrête les orientations stratégiques et exerce le contrôle

permanent de sa gestion.Le directoire, composé actuellement de 3 membres duGPMM (Directeur général, Directrice des finances, et Directeur de l’aménagement), assure la direction de l’établissement et est responsable de sa gestion. A cet

10 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

effet, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom du GPMM. Il pro-pose au conseil de surveillance les orientations générales de la politique de l’établissement. Il prépare, soumet à l’approbation du conseil et met en œuvre le projet stra-tégique. D’une manière générale il est responsable de

l’exécution des décisions du conseil de surveillance.En toute logique, cette nouvelle gouvernance, plus proche de son territoire, permet d’aménager et développer le port en accord avec les collectivités territoriales et les profes-sionnels de la place portuaire.

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

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PROPRIÉTAIRES ET GESTIONNAIRESCANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE

synonyme de développement économique dont la plu-part des grandes villes Européennes ont su exploiter ces infrastructures naturelles. Mais au XIXeme siècle d’abord concurrencé par le transport ferroviaire, puis au XXeme-

siècle par la route, le transport fluvial a peu à peu perdu des parts de marché, particulièrement en France qui pen-dant les 30 glorieuses a massivement investit dans son ré-seau autoroutier délaissant les autres modes de transports.

Cette politique a largement contribué à l’asphyxie du ré-seau routier, autant en terme de pollution atmosphérique, qu’en terme de fluidité du trafic.

On considère aujourd’hui qu’un quart des gaz à effet de serre (GES) proviennent du transport (source ADEME) et que cette proportion tend à augmenter par rapport aux autres sources d’émissions qui ont malgré tout fait de gros progrès (secteurs de l’industrie et de l’énergie).

Dans ce contexte, la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement 1 prévoit :« Pour le transport des marchandises, le développement de l’usage du transport fluvial, ferroviaire, du transport maritime, et plus particulièrement du cabotage, revêt un caractère prioritaire. A cet effet, l’Etat accordera, en matière d’infrastructures, une priorité aux investissements ferroviaires, fluviaux et portuaires, tout en tenant compte des enjeux liés au développement économique et à l’aménage-ment et à la compétitivité des territoires. Il soutiendra le développe-ment des trafics massifiés de fret ferroviaire et fluvial, du transport combiné ferroviaire, fluvial et maritime, des autoroutes ferroviaires et des autoroutes de la mer.L’Etat accompagnera le développement des capacités portuaires et créera les conditions d’une desserte terrestre efficace des grands ports maritimes français par les modes de transport massifiés, ferroviaire et fluvial, en respectant les milieux aquatiques continental et estuarien. La desserte ferroviaire entre les ports et leur arrière-pays devra ainsi être fortement améliorée par le développement de lignes dédiées au fret et par sa prise en compte dans le cadre de projets d’amélioration du réseau de grandes lignes ou la réalisation de sections nouvelles. La desserte fluviale des ports maritimes sera significativement accrue par un traitement efficace des flux de transports fluviaux, l’optimi-sation des coûts de manutention, la révision des pratiques fiscales pénalisantes et la réalisation d’infrastructures assurant l’interface entre les voies d’eau et les zones portuaires. » extrait du texte de loi (légifrance)

Cette loi prévoit également de budgétiser le projet du ca-nal à grand gabarit Seine-Nord Europe, ainsi que l’étude de la liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins de la Saône et le Rhin, ce qui aurait pour effet de relier le port de Marseille au réseau nord européen, hyper dynamique dans le transport de marchandises, en particulier par le mode fluvial.

par voies navigables intérieures est le troisième moyen de transport intérieur de marchandises après la route et le rail, avec environ 500 millions de tonnes et 140 milliards de t-km, soit l’équivalent d’une file de camions qui irait de Helsinki jusqu’à Palerme.

LA RÉVOLUTION FLUVIALE,mode de transport du futurHistoriquement,letransportfluvialaété

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Au sein de l’union européenne, le transport

Source : Voies Navigables de France

Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Lisbonne

Belgrade

Bucarest

BarceloneMadrid

Berlin

Hambourg

Prague

Budapest

Trieste

Munich

Milan

Zurich

Francfort

Bruxelles

Amsterdam

Londres

Paris

Lyon

Marseille

Zagreb

Vienne

Varsovie

Rome

Kiev

Valence

Seville

DublinBirmingham

Leeds

Rotterdam

Cologne

TurinGènes

Naples

Athènes

Sofia

Bratislava

CracovieLodz

Copenhague

Oslo Stockholm Riga

Vilnius

Osijek

flux maritime asiatique

flux maritime américain

Philippe Marin, fond google earth

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RELIER LA FRANCE AU RESEAU FLUVIAL NORD EUROPEEN

Le report modal n’est pas une utopie, les 2 premiers ports français, Marseille et Le Havre, réussissent depuis 10 ans ce pari, voyant leur trafic fluvial en constante augmenta-tion. Augmentation qui n’est pour l’instant pas liée aux futurs efforts programmés sur les infrastructures. Le plus grand port européen, Rotterdam, utilise plus la voie d’eau que la route comme desserte terrestre.

Source : Voies Navigables de France

La Commission européenne a adopté, le 19 octobre 2011,la proposition de transformation du Réseau Transeuro-péen de Transport RTE-T en un Réseau de transport unifié et multimodal d’ici à 2030. L’objectif est de créer un système permettant le déplacement sans entrave des marchandises et des personnes dans l’Union européenne.Ces projets seront financés au sein d’un «mécanisme pour l’interconnexion en Europe» notamment pour supprimer les maillons manquants des réseaux de transport euro-péens. Il assurera également la promotion de modes de transport plus propres et facilitera l’utilisation des éner-gies renouvelables conformément à la stratégie Europe 2020, faisant ainsi de l’économie européenne une écono-mie plus verte. La nouvelle définition du réseau RTE-T sera à double niveau. Il comprendra un réseau central, qui donnera la priorité aux liaisons et aux noeuds les plus

importants du réseau RTE-T et qui devra être achevé d’ici 2030, et un réseau global venant l’alimenter, qui devra être fonctionnel au plus tard en 2050. La mise en oeuvre du réseau central sera facilitée par un système de corridors multimodaux pour prendre en compte les pôles multimo-daux que sont les ports maritimes, les ports intérieurs et les chantiers multimodaux. Ces dix corridors permettront le développement coordonné des infrastructures et relie-ront entre eux les États membres concernés, ainsi que les acteurs principaux du transport, tels que les gestionnaires et les utilisateurs des infrastructures. Des «plates-formesde corridors», présidées par des coordonnateurs euro-péens, réuniront toutes les parties prenantes et joueront un rôle essentiel dans la coordination, la coopération et la transparence.

qu’a été mis en place le processus de lutte contre l’effet de serre. Aujourd’hui, le contexte mondial est inquiétant, pour contenir l’élévation de température à 2°c il faut divi-ser par 2 les émissions, et par 4 pour les pays industrialisés.La région marseillaise n’est pas épargnée par la pollution atmosphérique. Au contraire, le territoire est celui où les seuils de pollution ozone sont les plus fréquemment dé-passés. Le cocktail des conditions météorologiques favo-

La région marseillaise,LABORATOIRE ENVIRONNEMENTAL DE L’EUROPE

Ce contexte défavorable, renforcé par le vieillissement des industries lourdes et certainement leur requalification à court ou moyen terme, doit pousser le territoire à s’inven-ter un nouveau futur. L’économie circulaire pourrait être une des solutions. S’inscrivant dans le cadre du développe-ment durable, l’économie circulaire à pour but de pro-duire des biens et des services tout en limitant fortement la consommation et le gaspillage des matières premières, et des sources d’énergies non renouvelables. Quatre théma-tiques sont étudiées afin de produire plus et mieux : - La valorisation de déchets, ou matière première secondaire, provenant de la déconstruction, de dragage, ou process industriel (laitier des hauts fourneaux d’Arce-lor Mittal par exemple) ; - La synergie inter industries pour que le déchet de l’un soit la matière première de l’autre ; - La mutualisation des moyens (centrale d’achat, formation, transport en commun, etc.) - La décarbonisation, ou la réduction d’émission de CO2, par le développement d’énergies propre (éolien, photovoltaïque, géothermie), et bien sûr le transfert mo-dal de la route vers le fleuve ou le fer.

La navigatrice Ellen MacArthur, à travers sa fondation, tente de populariser l’économie circulaire, la certification « cradle to cradle » ou « berceau au berceau » va dans l’idée qu’un produit lors de sa conception dot-être réu-tilisé lorsqu’il arrive en fin de vie. Un étude réalisé par le cabinet McKinsey pour sa fondation assure que ce choix permettrait d’économiser 380 milliards de dollars (280 milliards €) par an en matériaux.

«ça chauffe», Ecole de design de Nantes

ADEME

EconoCircleFondation Helen MacArtur

C’est au sommet de Rio de Janeiro, en 1992

Se nourrir du problème pour en faire un atout

rables à la pollution photochimique, la forte densité des usines de Fos-Etang de Berre, et l’étalement urbain qui engendre des déplacements toujours plus long expliquent la pollution exceptionnelle du territoire.

14 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

On peut ainsi rêver à un futur plus vert, sans pour autant délaisser l’économie, et croire à l’un des scénarios « Ter-ritoires 2040 », le programme prospectif de la DATAR :«Les bâtiments, qui incorporent les toutes dernières innovations de systèmes communicants, d’autonomie énergétique et de matériaux recyclés, accueilleront dès la rentrée prochaine les étudiants en master et les chercheurs en sciences de l’environnement.M. Ginesti, qui était entouré du président de l’université, du pré-sident de la chambre régionale de commerce et d’industrie, et du président du syndicat d’agglomération Ouest Provence, s’est adressé aux chercheurs et aux étudiants, en se félicitant du rayonnement

Le contexte semble donc favorable à un nouveau départ pour le canal, reste à savoir quelles opportunités peuvent être saisies au travers du grand projet de réhabilitation du canal de Marseille au Rhône ?

Pour approfondir l’analyse, l’objet de la première partie sera d’abord de comprendre pourquoi et comment l’homme a-t’il pu réaliser un tel ouvrage ? Ensuite, faire un inventaire exhaustif des fonctions que joue le canal de Marseille au Rhône. Enfin, capter quelle est notre approche sensible du parcours.La deuxième partie donnera des pistes de réflexions afin que l’infrastructure «canal» puisse jouer un rôle majeur d’abord à l’échelle inter régionale dans la bataille du transport de marchandises, puis à l’échelle métropolitaine pour appréhender en quoi il peut apporter une nouvelle façon de vivre le territoire.

international de l’université Aix-Marseille en matière de recherche en biotechnologies dépolluantes, de prévention des risques des côtes basses, en conduite du changement dans les zones inondables, qui font de ce territoire Ouest Provence un lieu d’excellence pour faire face aux défis environnementaux et économiques de nombreuses zones de la planète. Il est vrai que ce campus d’Ouest Provence est un des symboles les plus frappants des transformations radicales qu’a connu le bassin de Fos-sur-Mer, le territoire de l’étang de Berre et la Camargue dans les trente dernières années.» (DATAR, ter-ritoires 2040, http://territoires2040.datar.gouv.fr/spip.php?article196)

L’enquête ménages et déplacements 2008-2009 des Bouches du Rhône affirme que nous réalisons au quoti-dien plus de 7 millions de déplacements, ce qui représente 3,85 déplacements par personne. Environ 4,5 millions se font par véhicules motorisés, dont 90% en voiture contre seulement 10 % en transport en commun.L’offre de transport en commun n’est pas adaptée à nos déplacements métropolitains. Si les réseaux intercommu-naux semblent bien fonctionner, les déplacements entre EPCI sont plus compliqués. Seule la liaison Aix-Marseille bénéficie de moyens calibrés aux besoins, grâce au ferro-

viaire mais surtout aux autocars mais cette liaison soufre de ne pas bénéficier du site propre (voie dédiée aux trans-ports en communs). La sur fréquentation des réseaux routiers ne fait qu’aggraver la pollution atmosphérique, le taux d’accidents, le temps de parcours. Le réseau fluvial peut-il capter une part significative des déplacements métropolitains ?

AGAM

Déplacements métropolitains

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PARTIE 1 - L’ÉPOPÉE DU CANALde Marseille au RhôneLa majeure partie des grandes villes d’Europe ont été bâties sur un grand fleuve. Longtemps le fleuve a été le moyen de transport de marchandises et de personnes privilégié à travers la vieille Europe. Marseille serait une des exceptions, mais Marseille fait aussi office d’exception dans le sens où elle a bénéficié d’une liaison fluviale qu’elle a perdue lors de l’effondrement du tunnel du Rove. Quel a été le cheminement pour décider que Marseille soit connectée au fleuve ? Quel rôle remplie aujourd’hui l’infrastruc-ture construite au cours des siècles ?

1-1 Marseille, VILLE FLUVIALE

Dès la Préhistoire et plus spécialement au paléolithique supérieur, les hommes ont laissé des traces parfois remar-quables de leur présence sur le littoral de la Provence. Ainsi les peintures et gravures de la grotte Cosquer, dans les calanques de Marseille, témoignent pour deux périodes différentes du passage des chasseurs-cueilleurs des der-niers temps glaciaires. C’était à une époque se situant entre 27 000 et 17 000 ans av JC, où la mer était 120 m plus bas qu’aujourd’hui et où l’on rejoignait les îles de la baie de Marseille à pied sec.

1-1-1 une région portuaire DYNAMISÉE parletraficde MARCHANDISES

Depuis sa fondation il y a 26 siècles, Marseille a toujours cherchée à étendre son territoire. Mais c’est au XIXeme siècle, d’abord en favorisant sa connexion au Rhône, puis en annexant de nouveaux territoires comme les rives de l’étang de Berre, Lavera, ou encore Fos sur mer. La continuité fluviale semble avoir été, avec le recul, qu’un prétexte pour sortir les industries de la ville. Mais la révolution industrielle, puis la mondialisation furent si rapides que les infrastructures à peine inaugurés s’avé-raient déjà obsolètes.

ville de Martigues

Des traces préhistoriques

En débarquant sur la côte française, vers 600 av. J.-C., et en y fondant Massalia, les Grecs rencontrèrent les Celtes qui peuplaient déjà le littoral Provencal. Rapidement l’em-prise grecque, commerciale et portuaire, se prolonge vers l’ouest pour le contrôle de l’embouchure du Rhône avec la fondation d’un petit comptoir sur le site d’Arelate (Arles). Tout au long de la période de l’âge du Fer, et au contact des Gaulois, Marseille exprime sa volonté d’instaurer une continuité territoriale côtière de la colonie jusqu’au delta du Rhône.

Il y a XXVI siècles, Massalia

16 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

En 46 av. J.-C., Jules César prend les commandes d’Are-late, colonie de droit romain au carrefour d’une route terrestre côtière et d’une voie fluviale pénétrant au coeur de la Gaule. Il y rattache la majeure partie du vaste ter-ritoire de Marseille, qui pour son malheur avait choisi le parti de son rival, Pompée. Passant alors sous la tutelle d’Arles, toute la région du delta, de la Camargue à l’étang de Berre, participe à la prospérité de la nouvelle colonie romaine. Elle y contrôle et structure une population nom-breuse, mêlant substrat indigène, colons grecs et vétérans romains, dont l’économie agro-pastorale et maritime se tourne davantage vers les échanges.L’axe rhodanien devient en effet le grand vecteur d’un commerce international, qui voit par exemple les vins de l’Italie et du Midi de la Gaule, l’huile de la péninsule ibé-rique ou les salaisons d’Afrique du Nord partir à destina-tion des camps militaires de la région rhénane.Le port de Fos, sur la table de Peutinger, carte antique du IVeme siècle, est le seul port qui est représenté de la même façon que Citevecchia, le port de Rome. Ce qui traduit toute l’importance qu’avait cette porte aux yeux des romains.

MarseilleFos sur merArles

Carte de Peutinger (350 ap JC)

Association des amis du Vieux Corbie

L’essor d’Arles : «la petite Rome de Gaule»

Malgré les crises et guerres répétées qui ont marqué la longue période comprise entre la chute de l’Empire ro-main et la fin du Moyen Age, le bas-Rhône, le golfe de Fos et l’étang de Berre demeurent des hauts lieux de l’habitat et de l’activité maritime et commerciale en Provence.

La période médiévale

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1-1-2 La ruée vers l’OUEST

siècle, ne comprend qu’un bassin naturel : le vieux port. La colonisation de l’Algérie à partir de 1830 et l’ouverture du canal de Suez en 1869 placent Marseille à une position géostratégique pour capter les flux de marchandises. Ce contexte favorable va pousser le port à s’étendre vers le nord, d’abord de la Joliette à l’Estaque et rapidement en s’étalant toujours vers l’ouest franchissant ainsi les fron-tières administratives.

Louis XIV marquera le premier, depuis les romains, l’inté-rêt de rapprocher Marseille au Rhône et constituera ainsi la première intention métropolitaine. Seignelay, ministre de la marine, dépêche, en 1682, Barras de la Penne, capi-taine des galères du Roy, et hydrographe arlésien réputé, étudier l’embouchure du Rhône. Il constate que les Fosses mariennnes sont comblées. Ses conclusions sont simples : soit on imite les Romains, soit on construit un autre canal pour conduire les bâtiments jusqu’au port de Bouc. De nombreux contres projets sont étudiés, mais Louis XIV ne prendra pas de décision. Les études vont néanmoins se multiplier au cours du XVIIIeme siècle, Fabre en 1794, ingénieur « hydraulique », rédige un mémoire pour l’utilisation de l’étang de Berre : « la navigation sur l’Etang de Berre serait susceptible de diverses améliorations. Pour cela, la première chose à faire est de donner de la profondeur aux canaux de Mar-tigues. Si cette opération avait lieu, l’étang de Berre rece-vrait des navires de même grandeur que ceux du port de Marseille». (source : le tunnel du rove, Méténier et Revilla, Paul Tacussel éditeur)

Ci-contre les 24 projets étudiés pour l’extension du port de Marseille, entre 1834 et 1843, qui illustrent les mul-tiples visages que l’on aurait pu connaître. Il sera choisit le numéro 24, dans le quartier de la Joliette, la ville s’oriente vers le nord et l’ouest, le destin du reste du département bascule (source : Marseille ville & port, Jean-Lucien Bo-nillo, éditions parenthèses).

Le port de Marseille, au début du XIX eme

18 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

19

Fort des études du XVIIIeme siècle, Napoléon Bonaparte, devenu premier consul, approuve, en 1802, le projet de canal de navigation et de dessèchement des marais d’Arles, présenté depuis 1796, et décrète la construction du canal d’Arles à Bouc. Après plusieurs difficultés finan-cières, le canal sera enfin livré à la navigation le 27 juin 1834. Ses 47,400 km relient Arles à Port de Bouc auront coûté 15 millions de francs.A peine ouvert, il se trouve déjà en face de la révolution que la vapeur accomplit dans la navigation des rivières. Il n’a pas la dimension suffisante pour livrer passage aux bateaux à vapeur naviguant sur le Rhône. L’établisse-ment d’une voie de navigation interne entre le port de Marseille et le Rhône surgit alors pour la première fois, en 1820, par l’entreprise de M. Becquey, directeur général des Ponts et Chaussées. Becquey propose de prolonger le canal d’Arles à Bouc en passant par la rive sud de l’étang de Berre jusqu’à Marignane, puis remonter le vallon du

Merlançon jusqu’aux Pennes Mirabeau, puis s’engager en sous-terrain dans la chaîne de l’Etoile pour déboucher sur l’Estaque. Un deuxième canal partant de Tarascon, passant par Orgon, remonterait le canal de Craponne, la rivière de la Touloubre laissant Aix à l’ouest, emprunte-rait l’Arc pour aboutir à Marseille après un parcours de 165 km. Travaux pharaonique qui manifestent toutefois l’intérêt réel d’une liaison Marseille-Arles. D’autres études viennent alimenter l’idée de la liaison fluviale, l’ingénieur De Montricher parmi d’autres, présente un avant projet en 1840 : il comporte un canal à écluses, au nombre impres-sionnant de 48 que l’on réduira à 24 ! Ce canal traverse la chaîne de collines de l’Estaque par un souterrain de 5 km de longueur percé à une altitude de 50 mètres au dessus du niveau de la mer. Le tunnel proposé sera le tunnel fer-roviaire de la Nerthe pour la fameuse liaison ferrée Paris-Lyon-Méditerranée.

LE CANAL D’ARLES À BOUCle premier acte manqué

ville de Martigues20 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

A la même période, le canal d’Arles à Bouc n’est que très peu utilisé, une solution alternative sera lancée par décret impérial en 1863 : la création d’une embouchure artificielle, le canal Saint Louis dont on veut faire un véritable port. Le canal partant de la tour Saint Louis au Golfe de Fos, long de 4 km pour 60 mètres de large et 6,5 mètres de tirant d’eau sera achevé le 15 août 1865. Pourtant, Henri Verne avait pro-posé qu’au lieu de creuser ce canal, l’on conduisit les eaux du Rhône jusque dans le port de Marseille par l’intermédiaire d’une idée qu’il croyait nouvelle : un tunnel. En vain.

Le 5 Août 1844, une loi permet de lancer les travaux du canal de Caronte. La lagune de Caronte, encombrée de vases impraticables, de nombreux petits canaux et bour-digues était un dédale infranchissable. Livré en 1873, le canal fut porté à 6 mètres de tirant d’eau et 12 de largeur. Il ouvrait désormais l’accès à l’étang de Berre aux navires qui avaient moins de 80 mètres de longueur. Le coût des travaux était alors de 32 millions de francs.

LE CANAL SAINT LOUISextension du port de Lyon ?

Hubert Giraud, en 1865, alors que les travaux d’agrandisse-ment du port de Marseille gagnent toujours plus vers le nord, nourrissait le débat : « On peut se demander si, au lieu d’aug-menter encore l’étendue des ports de Marseille, ce ne serait pas profitable de porter une partie de l’activité commerciale de cette ville dans l’étang de Berre ». Cela traduit l’inquiétude des armateurs marseillais qui voyaient en Port Saint Louis le port avancé de Lyon, s’affranchissant ainsi de leur assujettis-sement vis à vis de Marseille.

LE CANAL DE CARONTEla porte de l’étang de Berre

Carte de l’Etat Major, 1867

ville de Martigues

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En 1873, Camille Krantz propose à l’assemblée Natio-nale, un nouveau projet reliant Marseille au Rhône. Le « canal-boulevard »se ferait par le rivage, en construisant une digue qui suivrait la côte protégeant ainsi la naviga-tion. Au même moment le lieutenant colonel du génie Marchand proposait pour la première fois un tunnel au niveau de la mer, et l’idée faisait son chemin. Le 28 juillet 1878 est votée la loi relative au classement des travaux à exécuter dans les ports maritimes, partie d’un vaste pro-gramme de grands travaux dit plan Freycinet. Un projet comme celui du canal entrerait dans le cadre de la loi.Le 4 août 1879, l’avant projet est présenté aux collectivités territoriales représentées par la ville, la chambre de com-merce et le conseil général. Mais 24 ans allaient s’écou-ler jusqu’à l’exécution des travaux. Malgré les insistances de la chambre de commerce de plus en plus pressantes, inquiétée par les progrès rapides des ses concurrents eu-ropéens (Hambourg, Anvers, Rotterdam, ou Gènes) et par la déchéance relative de Marseille, qui perdait son rang de premier port du continent en 1889 pour céder ensuite la seconde puis la troisième place. Le coût élevé de la dépense, évaluée dès le début à 71 millions de francs, les discussions sur le curieux projet de « canal-boulevard », l’hostilité des partisans de Port Saint Louis, l’impuissance du parlement de 1892 à 1903 (deux projets de lois ont été caducs fautes d’avoir été discutés avant la fin de la législature), expliquent les longs retards qu’il a fallut subir. Jules Charles Roux, industriel et armateur marseillais, est un des nombreux défenseurs du projet : « l’abaissement des frais de transport dans l’intérieur de notre pays, l’aménagement de voies fluviales permettant à la marchandise de circuler à meilleur compte que sur les voies ferrées, la création de centres industriels pla-cés dans des conditions absolument favorables pour leur installation, la fabrication et l’expédition de leurs produits ». (Revue des deux mondes, tome 115, 1893)

La transformation de l’étang de Berreest en route. L’image d’un espace récréatif va bientôt s’effacer au profit d’un paysage industriel. Pour autant, ce nouvel aménagement semble bien accueilli par la majorité des riverains, parce qu’à cette époque l’in-dustrie est synonyme de richesse et de travail. Au sortir de la guerre ces nouvelles usines portent l’espoir d’un avenir meilleur.

288 millions de francs en 1932 (CCI Marseille), soit 18,5 Milliard d’Euros de nos jours(source Insee), soit 50 fois le coût du viaduc de Millau.

Longueur : 7 118 mètresHauteur : 15,40 mètresLargeur entre piedroits : 22 mètresSection : 320 mètres carrésPorfondeur : 4 mètresDéblais : 2 300 000 mètres cubesBéton : 400 000 mètres cubes

A titre comparatif, du tunnel du Mont Blanc, long de 11 600 mètres, ont été extrait 950 000 mètres cubes de déblais soit 2,4 fois moins.

LE TUNNEL DU ROVEde l’exploit à la catastrophe

«Ce que deviendra Marseille», 1928, source René Borruey

le tunnel du rove, Méténier et Revilla, Paul Tacussel éditeur

22 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

La période des travaux pour la réalisation du tunnel du Rove, et du canal de Marseille au Rhône en général sera une formidable aventure humaine qui durera une tren-taine d’années. Outre les travaux du tunnel, de nombreux aménagements sont nécessaires afin d’avoir une liaison jusqu’au Rhône, parée à accueillir les navires annoncés. D’abord sur Marseille par l’agrandissement du bassin de la Lave, puis la réalisation du canal de Marignane à Mar-tigues, ainsi que les adaptations nécessaires au futur tra-fic sur les canaux de Caronte et d’Arles à Bouc. Au plus fort du chantier, ce sont 3 000 personnes qui travaillent à l’ouvrage.

Le 30 avril 1927, Gaston Doumergue, président de la république, inaugure enfin le tunnel du Rove, et dira ceci : « J’aurais voulu qu’à cette inauguration n’assistassent pas seulement des Français, mais qu’à un succès pareil fussent présents tous ceux de nos amis, qui, au dehors, regardent la France et se demandent si, même victorieuse, elle a pu se rele-ver complètement et être, après l’effort sans précédent qu’elle a fournit pour vaincre, capable d’entreprendre et mener jusqu’au succès final une entreprise que les plus grand peuples, au milieu de toute leur prospérité et des bienfaits de la paix, n’auraient peut-être pas pu exécuter aussi vite et avec le même perfec-tion ».L’illustration.

Le trafic sous le tunnel, bien que moins important que les prévisions, n’était pas négligeable, on comptait à la fin des années 50 pas moins de 3 500 passages (2000 de Martigues à Marseille et 1500 dans l’autre sens) pour 1 200 000 tonnes transportées annuellement soit environ 3% du trafic total du port. Mais le 16 juin 1963, entre les anneaux 900 et 920, sur une longueur d’environ 120 mètres à une distance de 2 km de la tête nord, des roches se sont effondrées et ont obstruées le tunnel. Depuis ce jour, malgré quelques études sur la structure, et sur l’opportu-nité de la réouverture du tunnel à la navigation, le port de Marseille, gestionnaire de l’ouvrage pour le compte de l’état, s’est contenté de maintenir en l’état le tunnel afin de préserver la sécurité des riverains.

le tunnel du rove, Méténier et Revilla, Paul Tacussel éditeur

Archives du port de Marseille

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16 juin 1963, la catastrophe

Au sortir de la seconde guerre mondiale, la France doit se reconstruire. L’état, alors tout puissant, bénéficiant d’une croissance exceptionnelle, œuvrera dans la construction d’infrastructures majeures. La zone industrialo-portuaire de Fos en fait partie. Devant répondre à des installations industrielles et portuaires toujours plus grande le projet d’extension du port de Marseille dans le golfe de Fos proposé en 1963 par l’ingénieur Barillon sera finalement approuvé en janvier 1967. Se dotant, en 1966, d’outils comme le port autonome de Marseille (le PAM), qui se verra confié les missions de développement, de gestion, et d’exploitation des installations portuaire, ou l’organisation pour les études d’aménagement de l’aire métropolitaine marseillaise (l’OREAM), l’état du général De Gaule inves-tit massivement sur la région marseillaise et sur l’aména-gement de son territoire.

D’énormes complexes industriels voient le jour au cours des années 70, les échanges de marchandises se mondia-lisent, ne laissant qu’une part marginale au mode de trans-port fluvial lui préférant la route qui est plus rapide et beaucoup plus souple.

LE COMPLEXE DE FOSoutil de la mondialisation

Schéma d’aménagement de l’aire métropolitaine, OREAM, 1969

Plan d’urbanisme approuvé par Georges Pompidou, Gaston Jaubert, 1967

24 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Plan d’urbanisme approuvé par Georges Pompidou, Gaston Jaubert, 1967

En 1981, sera terminé, ce qui devait être le dernier chaî-non manquant entre Marseille et le Rhône avant l’effon-drement du tunnel du Rove, le canal de Fos au Rhône shuntant ainsi toute la partie nord qui n’était ni entretenue, ni fréquentée, du canal d’Arles à Bouc. Les embarcations devaient franchir l’écluse de Port Saint Louis du Rhône avant de s’engager dans le golfe de Fos où elles étaient confrontés aux difficultés de la navigation maritime. Cette traversée étant interrompue de 60 à 100 jours par an en raison des mauvaises conditions météorologiques, notam-ment à cause du Mistral. Le trafic fluvial, se dirigeant vers l’étang de Berre, Caronte, ou la darse 1 allait gagner en temps de parcours et surtout en facilité de navigation.

La liaison fluviale entre le pôle conteneurs et le canal de Fos est un des projets d’infrastructure porté par le GPMM. Inscrit au contrat de projet « état-région » (CPER) 2007-2013, et financé par l’état, la région et le GPMM pour un total de 42 Millions d’euros, le projet en est encore au stade de la pré-faisabilité en raison de son impact environnemental. En effet, le tracé, pourtant situé sur le ZAC du Caban Nord instruite en 1995, passe aussi sur une zone classée natura 2000, riche en biodiversité et donc ardemment défendue par les associations riveraines. Pourtant, la liaison permettrait de développer la massifi-cation du conteneur sur barge, leur évitant ainsi le passage de darse 1 à darse 2 qui implique un transit en mer et une exposition aux risques technologiques générés par les industries implantées le long de la darse 1.La liaison fluviale s’inscrit dans la logique de développe-ment logistique du port de Marseille-Fos, qui affiche dans son projet stratégique 2012 la création, après les deux nouveaux terminaux à conteneurs 2XL, de deux autres terminaux, 3XL et 4XL, pour obtenir une capacité de traitement totale de 5 millions d’EVP, contre 1 million aujourd’hui.

LE CANAL DE FOS AU RHÔNEle dernier chaînon

LA LIAISON FLUVIALEbarrée par la biodiversité

Archives du Port de Marseille, 1980

Plan d’aménagement de liaison fluviale, GPMM, 2009

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1-2 Les fonctions du RÉSEAU FLUVIAL

Marseille bénéficie d’une desserte fluviale qui lui permet de desservir son hinterland. L’exceptionnelle situation géographique du GPMM permet à des bateaux à grand gabarit d’accéder au Rhône et à la Saône jusqu’à St Jean de Losne (Côte d’Or). Sur 550 km, le port dessert un hin-terland fluvial composé notamment des villes de Valence, Lyon, Chalons sur Saône. Sur cet itinéraire, la voie flu-viale permet la circulation des bateaux 7 jours sur 7, de jour comme de nuit. En outre la marchandise peut circu-ler sous douane, ce qui permet d’effectuer les formalités pendant le trajet.Le gabarit 5b autorise des convois poussés de deux barges pour une capacité allant de 3 200t à 6 000t par convoi. Pour le conteneur cela équivaut à des convois pouvant transporter 288 EVP, soit l’équivalent de 3 trains ou 250 camions. Le gabarit du réseau permet le chargement de 3 hauteurs de conteneur sur le Rhône et seulement deux sur la Saône du fait des contraintes de tirant d’air des ponts de la ville de Lyon. L’accès fluvial de Fos est actuellement suffisant et peu encore supporter le quadruplement du volume de son trafic. (source VNF)

Le port de Fos bénéficie d’un accès privilégié au Rhône grâce à deux écluses : l’écluse de Barcarin et l’écluse de Port St louis du Rhône. L’écluse de Barcarin est majori-tairement utilisée car elle évite le passage en ville de Port Saint-Louis et de lever un pont dans la même ville. Elle a les dimensions standard des écluses du réseau Rhône-Saône à grand gabarit (12m de large et 190 m de long). Les bateaux accèdent aux différentes darses et peuvent charger ou décharger soit directement sur les terminaux maritimes soit à Brûle Tabac, terminal dédié au transport fluvial.Deux opérateurs, Logirhône et River Shuttle Container, ont mis en place des navettes fluviales hebdomadaires à partir de Fos vers Valence, Lyon, Mâcon et Chalon. Sans grande surprise, la destination de Lyon, est particulièrement bien desservie par les deux opérateurs, qui traitent, avec les cinq allers/retours par semaine, 85% du trafic fluvial de conte-neurs de Fos. Cependant, la priorité donnée aux navires par rapport aux bateaux fluviaux, pose des problèmes de circu-lation au sein du port pour les bateaux. Afin d’atteindre la Darse 2 (terminaux à conteneurs), les bateaux provenant du canal du Rhône, doivent encore parcourir 9 km dont une partie en mer.Le port de Marseille Bassins-Est, en revanche n’est pas acces-sible aux bateaux fluviaux, depuis l’effondrement du tunnel reliant Marseille à l’étang de Berre. Les enjeux en terme de massification ne sont pas considérables (environ 20 00 EVP).En 2012, le port de Marseille-Fos a traité 85 millions de

1-2-1 Le fret en hausseN’UTILISANT QU’UN QUART DE LA CAPACITÉ DU RHÔNE

tonnes de marchandises (-3% par rapport à 2011). Le tra-fic fluvial comptabilisé est de 3,1 millions de tonnes (+2% par rapport à 2011). Cependant, le champ de la concur-rence des 3 modes terrestres se limite à 17 MT (hors tra-fics maritimes destinés à des transformations locales, à des trafics internes dans la circonscription du Port, aux transbordements, et les trafics maritimes pré ou post

A l’instar des grands ports d’Europe de Nord

26 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Le trafic de conteneurs est particulièrement propice pour un transport fluvial et en pleine expansion depuis 10 ans.

acheminés par oléoducs et gazoducs à partir des quais du port) où la navigation intérieure, estimé par le port à un volume de 2,1 MT, s’octroie une part de marché de 12 %. En 2012, La typologie des marchandises transpor-tées par voie fluviale en pré/post acheminement de/vers l’hinterland est diversifiée : • Céréales : 636 000 tonnes• Produits pétroliers : 407 000 tonnes• Produits chimiques : 530 000 tonnes• Métallurgie : 150 000 tonnes• Autres produits (dont marchandises diverses conteneu-risées, divers vracs solides) : 1 360 000 tonnes

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

27

USAGES INDUSTRIELS DU CANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE

Terminal céréalier, Altivue

Terminal minéralier, Altivue

Terminal conteneurs, Laure Chaminas, GPMM

1-2-2 Les usages CULTURELS ET RÉCRÉATIFS

Les pêcheurs amateurs de la région connaissent tous le coin, le canal de Caronte est surpeuplé sur ses berges lorsque dorades et loups rentrent et sortent dans l’étang de Berre. La densité est telle que certains pêcheurs en viennent aux mains pour se positionner aux meilleures places. A tel point que plusieurs arrêtés préfectoraux in-terdisent la pratique de la pêche à certaines périodes.

La densité de poissons est telle que les pêcheurs profes-sionnels prennent le risque d’être verbalisés en pratiquant la « sinche » dont le principe est de lancer un filet de nuit au dessus d’un banc de poissons, puis d’effrayer les pois-sons en tapant sur la coque du bateau, les poissons sont alors pris dans le filet, en quelques minutes l’équipage peut faire plusieurs centaines de kilos.

Tout au long du canal de Martigues au Rhône la pêche est pratiquée avec plus ou moins d’affluence selon les en-droits et la technique employée.

Haut lieu de la pêche

Le caviar provençalLa Poutargue de Martigues, ou caviar provençal, est un produit exceptionnel, dont la raréfaction et la succulence contribuent à en faire un produit de luxe à un prix élevé. Le nom poutargue provient de boutargo, mot proven-çal, lui-même dérivé du mot arabe bitarikha désignant des oeufs de poissons salés. Spécialité de Martigues, la poutargue est préparée entre juillet et mars, période où la pêche au mulet est autorisée. Les «muges» quittant l’étang de Berre pour aller frayer sont capturés dans un grand filet horizontal, le calen, descendu aux heures chaudes et remonté quand se présente un banc de mulets. Les femelles pleines sont délicatement récupérées pour extraire les deux petites poches d’oeufs. Intactes, elles sont mises à dégorger dans du sel pendant quelques heures puis séchées pendant plusieurs jours... Ainsi concentrée, la poutargue peut alors se consommer !

Le calen est aussi le cabanon qui abrite les pêcheurs au bord du canal de Caronte. Autrefois on dénombrait plu-sieurs dizaines de calens, aujourd’hui il en reste deux que fabrique la fameuse poutargue. C’est un véritable témoi-gnage du passé, à l’époque où le canal n’était qu’un marais salin.

28 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

Le club d’aviron de Martigues utilise le canal de Martigues à La Mède. Le club nautique de La Mède utilise lui le bas-sin à l’Est du rocher des trois frères.

Chaque année, des tournois de joutes provençales ont lieu à l’Estaque et sur le canal de Caronte. Cette année les deux embarcations de « la fine lance estaquienne » se sont retrouvées en finale de la coupe de Provence qui s’est déroulée sur le canal de Caronte.

Les activités nautiquesEnfin, avec ces 11 500 places de plaisance, le canal re-groupe environ 2/3 de l’offre du département. Les ports génèrent une activité économique importante liée à la fabrication, l’entretien et la réparation des bateaux.

29

USAGES CULTURELS ET RÉCRÉATIFSDU CANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE

Port Saint Louis, ville de plaisance, Altivue

Calen à Martigues, drones pictures

1-3 Un paysage exceptionnelENTRE CAMARGUE ET CALANQUESLe canal de Marseille au Rhône traverse, selon l’atlas de paysages des bouches du Rhône, 4 unités paysagères que sont le bas-sin marseillais, la chaîne de l’Estaque et de la Nerthe, la bassin de l’étang de Berre, et le Golfe de Fos. Chaque unité regroupe un espace caractéristique selon l’occupation de l’espace, la typologie urbaine, les usages et pratiques. Le canal est aussi le trait d’union entre les deux espaces les plus singuliers du département, à la fois antagonistes et simi-laires : la Camargue et les Calanques. Au milieu de ces deux grands sites, l’étang de Berre, qui retrouve peu à peu ses richesses d’antant, jouera certainement un rôle majeur en terme de qualité de territoire dans les années à venir.

Les peintres furent les meilleurs annonceurs pour le sud de la France, bien avant la démocratisation du tourisme et l’accès pour tous aux grands paysages de méditerranée. Les paysages que propose le canal de Marseille au Rhône ont été eux aussi sublimés par les grands noms de la peinture.

Le port de Marseille, Paul Signac, 1907 Le viaduc de L’estaque, Georges Braque, 1908

Les Martigues, Raoul Dufy, 1903 Le pont Langlois, Vincent VanGogh, 1888

Bleu sombre du Rhône

gris du sable provenant des dragages des années 70

rouge bauxite du quai minéralier

marron noir des laminoirs des aciéries

vert colline des berges de Port de Bouc

Jaune orangé des façades de Martigues

1-3-1 Un PATRIMOINE richeSource d’inspiration des grands maîtres

Colorimétrie ressentie du parcours

30 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Jaune orangé des façades de Martigues

blanc calcaire du rocher des trois frères

vert amazone étang de Bolmon

bleu profond de la méditerranée

doré éclatant de la Bonne Mère

noir caverne du tunnel du Rove

gris salé du Mucem

LEGENDEParcs naturels régionauxZPS - Directive oiseauxZSC - Directive habitatsRéserves naturelles nationalesArrêtés de protections biotopes

Biodiversité et territoire

De par la diversité des paysages découle une biodiversité incroyable. Plus de 50 % du département est soumis à divers outils réglementaires ou contractuels de protection des espaces naturels. Après des années de consommation frénétique de l’espace, un mouvement pendulaire consiste

à sanctuariser l’espace naturel. Une énorme pression fon-cière a lieu sur le reste du territoire. Nous suivons plutôt une politique qui consiste à séparer l’habitat naturel de l’urbain. Il faudra peut-être modifier les règles d’aménage-ment du territoire afin de concilier l’homme et la nature.

31

1-3-2 Les espaces publics PROPICES À LA PROMENADE

et l’apaisement du vieux port sont sans contestation pos-sible une totale réussite. Si le point de départ choisit pour la canal de Marseille au Rhône est un peu extrapolé, néa-moins la continuité est là, c’est bien pour montrer que le changement d’usage est possible par l’aménagement ur-bain. Le vieux port de Marseille a retrouvé toute sa magie, on prend de nouveau plaisir à arpenter ses quais, monter les ruelles du quartier du panier, pour survoler, via les pas-serelles béton de Rudi Ricciotti, la ville puis le port. L’on aimerait prolonger la balade, rejoindre la digue du large que l’on fréquentait autrefois, mais une clôture, longue de plus 8 km assure la fracture urbaine entre la ville et le port. Le port fait alors place à un autre port, le port de plaisance de l’Estaque, tout aussi hermétique à la ville. De l’esplanade J4 à l’Estaque, impossible de se promener le long de la côte...

L’entrée majestueuse du tunnel du Rove, se situant dans un port de plaisance, est confidentielle, masquée derrière une nuée de bateaux.De l’autre côté de la chaîne de la Nerthe, quelques petits aménagements urbains commencent à émerger tel l’amé-nagement d’un parcours cyclable à Marignane ou la mise en valeur des espaces naturels au bord de l’étang de Bol-mon par l’intervention du conservatoire du littoral. Mais ces initiatives sont encore marginales et peu ambitieuses. Les berges du canal sont le plus souvent en friches, et l’ab-sence de mise en valeur renforce le sentiment de l’aban-don de l’ouvrage.

Philippe Marin

Philippe Marin

La réhabilitation de l’esplanade J4

32 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Philippe Marin

Philippe Marin

Philippe Marin

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1-3-3 SÉQUENCES CONTROVERSÉESdu parcours entre le Rhône et MarseilleEmbarcation depuis le Rhône à 10h00, vitesse moyenne : 16 noeuds

PK 31.4 - 11h03Le spledide pont tournant ferroviaire de Caronte

PK 27.9 - 10h54Sortie du canal d’Arles à Bouc, au loin le fort de-Bouc

PK 33.2 - 11h07Adieu, Venise provençale

PK 17.6 - 10h39Coup d’oeil en arrière,la plage du Cavaou puis l’in-dustrie

PK 1.80 - 10h04L’écluse de Barcarin, puis le canal du Rhône à Fos

PK 0 - 10h00En quittant le Rhône, cap vers le Vieux Port

Carte et photos Philippe Marin (fond photo IGN 2009)

PK 38.4 - 11h17Le rocher des 3 frères abandonné

34 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

PK 33.2 - 11h07Adieu, Venise provençale

PK 47.3 - 11h35Le Voilà, Le plus grand tunnel du monde !

PK 62.6 - 12h05Le nouveau visagede Marseille

PK 45.4 - 11h31Une centrale à béton fluviale ? Non, pas encore

PK 37.3 - 11h15Installations portuaire de Total La Mède, de l’autre côté de l’A55

PK 54.8 - 11h50L’entrée Sud du tunnel privatisée par la plaisance

PK 38.4 - 11h17Le rocher des 3 frères abandonné

PK 65.1 - 12h10Le Vieux Port, déjà...PK 44.0 - 11h28

Au bord de l’étang de Bolmon, derrière soi l’indus-trie, encore

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1-3-4 LA MAUVAISE RÉPUTATIONde l’étang de Berre est-elle fondée ?

est en partie lié au devenir de l’étang de Berre. L’attracti-vité de l’étang, notamment touristique, impactera la fré-quentation et l’utilisation du canal.

L’étang de Berre fut pendant des siècles le garde à man-ger de tout son pourtour, par la présence généreuse de poissons. Mais au début du XXeme siècle, il fut la cible du développement industriel de Marseille, qui allait y implan-ter 3 raffineries. L’étang devient le bassin d’évacuation des eaux polluées des industries, à tel point qu’en 1957 la pratique de la pêche professionnelle sera interdite. Dans les années 60, deux événements vont sinistrer les écosystèmes aquatiques : l’effondrement du tunnel du Rove en 1963, et la mise en service de la centrale hydro-électrique de Saint-Chamas en 1966. Dorénavant, ce sont, en moyenne, 4 milliards de m3 d’eau douce par an qui sont jetées dans le nord de l’étang de Berre. La salinité de l’étang chute considérablement, une stratifica-tion se met en place de manière permanente isolant les eaux du fond plus salées du reste de la masse d’eau. A partir des années 70, grâce aux normes de rejets impo-sés aux industriels de la chimie et pétrochimie, la qualité chimique de l’eau s’améliore. La pêche professionnelle est de nouveau autorisée en 1994. La mise en place de plu-sieurs stations d’épurations ainsi que la réglementation du débit d’eau douce rejetée par la centrale (environ 1 mil-liard de mètres cube) améliore la qualité de l’eau. En 2000, le GIPREB (groupement d’intérêt public pour la réhabi-litation de l’étang de Berre) est créé suite à la volonté des élus locaux de réhabilitation environnementale de l’étang de Berre. En 2010, le GIPREB (Gestion intégrée, pros-pective et restauration de l’étang de Berre) évolue vers un syndicat mixte , dont les membres sont le Conseil régio-nal Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Conseil général des Bouches-du-Rhône, le SISEB, la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône et la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence. Le syndicat a pour objet de participer à la connaissance, l’aménagement, la mise en valeur et la réhabilitation de l’étang dans le cadre d’une gestion intégrée et concertée.

Le Gipreb vient de recevoir la certification « Démarche qualité des eaux de baignade » qui valorise l’ensemble des efforts engagés par les 10 communes du pourtour de l’étang de Berre pour assurer une bonne maîtrise de la qualité des eaux de baignade. Un label qui indique que vous pouvez vous baigner en toute confiance dans l’étang de Berre car celui-ci présente toutes les garanties de sur-veillance nécessaire : surveillance de la qualité bactério-logique avec plus de 400 contrôles dans la saison, sur-veillance visuelle journalière, recherche d’amélioration sanitaire systématique, information du public permanente. C’est une récompense pour le Gipreb qui avait fait le pari de mobiliser l’ensemble des acteurs pour que l’étang de Berre devienne une destination touristique.

En revanche, les fortes perturbations anthropiques exer-cées sur l’étang de Berre depuis des décennies ont conduit à l’établissement d’une communauté zooplanctonique pauvre et caractéristique d’un milieu perturbé. Cependant, les changements hydrologiques et biolo-giques, résultant de la diminution des rejets par le canal EDF depuis 2004-2005, ont permis une diversification des espèces.

GIPREB

GIPREB

Le destin du canal de Marseille au Rhône

36 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Le GIPREB étudie la possibilité de rejeter les eaux de la Durance directement dans le Golfe de Fos (coût estima-tif entre 1 et 2 milliards d’Euros !), il est aussi partenaire du GPMM dans l’expérimentation de la réouverture à la courantologie du tunnel du Rove. Cette opération est un projet de restauration écologique de l’étang de Bolmon, du canal du Rove et, à terme, de l’étang de Berre. Appor-ter de l’eau de mer de bonne qualité et de façon adaptée dans ces milieux devrait permettre d’améliorer significati-vement l’environnement aquatique et favorisera le retour des usages de pêche traditionnelle et de loisirs nautiques. La démarche choisie pour mener à bien ce projet consiste à expérimenter : pomper de l’eau de mer avec un débit variable entre 0 et 20 m3/s et l’ajuster en fonction des ré-sultats du suivi des milieux récepteurs. «Ce concept s’ap-plique parfaitement au projet de restauration de l’étang de Berre : il s’agit non pas de viser le retour à un modèle historique strict, mais de faciliter la reprise des processus qui permettront le retour de l’écosystème vers sa trajec-toire attendue.» GIPREB

Le GIPREB est aussi maître d’ouvrage du «contrat étang», un outil de planification sur 5 ans au service des acteurs du territoire. C’est un engagement entre financeurs et maîtres d’ouvrage qui porte sur la nature de l’action, ses délais de mise en œuvre et son plan de financement. Le but affiché est de «retrouver un fonctionnement équilibre des écosystèmes; rétablir, développer et harmoniser les usages; assurer le suivi écologique.»

Même si on ne peut qu’encourager le GIPREB dans sa quête pour une meilleure qualité environnementale de l’étang, on peut lui reprocher sa vision atrophié du terri-toire qui se projette uniquement sur les activités de loisirs et la pêche professionnelle. La vraisemblable reconver-sion de son activité chimique et pétrochimique à cours ou moyen terme, passe certainement par le développement touristique, mais l’on pourrait rêver un étang multi-usages, où se cotoient touristes et hautes technologies, pêcheurs et éco-quartier flottant, véliplanchistes et industries nou-velles générations.

GIPREB

Prospective et développement

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2-1 Les enjeux à l’échelle internationaleLE MODÈLE DES PORTS DU NORD

Jeremy Rifkin, économiste américain, dans son livre « la troisième révolution industrielle », décrit les mutations en cours de l’économie. Il démontre qu’après l’alliance de la vapeur et de l’imprimerie au XIXeme siècle, et celle du moteur à explosion et de la télétransmission au XXeme siècle, la troisième révolution industrielle basée sur la combinaison des énergies renouvelables et de la communication en réseaux dématérialisés a débuté.Jeremy Rifkin considère que les énergies fossiles, utilisées dans la quasi-totalité de nos activités, devront être remplacées par des sources d’énergie renouvelables : éolien, solaire, hydroélectricité, géothermie, transformation de déchets agricoles.

Quelque soit le motif du développement fluvial, économique ou sociétal, il sera toujours couvert par le besoin de répondre à la demande environnementale : décarboniser pour mieux respirer.

PARTIE 2 - PISTES DE RÉFLEXIONSpourundéveloppementfluvialàdeuxéchelles

A l’échelle internationale, les enjeux du fluvial sont liés à l’explosion du trafic de marchandises maritimes, plus de 80% de la marchandise mondiale passe par les voies mari-times (ADEME), et leur acheminement vers les bassins de consommation. On assiste a une concurrence accrue entre les grands port européens largement dominée par les ports du Nord qui bénéficient d’infrastructures extra-ordinaires, notamment un réseau fluvial très dense.Pour le port de Marseille-Fos les enjeux sont de proposer un mode alternatif de transport de marchandises com-pétitif, et d’accroître son hinterland afin de récupérer des parts de marchés.

Les industriels savent gérer les flux de marchandises et ne sont plus réticents à utiliser un mode de transport lent, le fluvial devient même un atout publicitaire !

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Source : ministère de l’écologie, du développement durable, des transports, et du logement

Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

2-1-1 Renforcer la compétitivité inter portuairePAR UN TRANSPORT MASSIFIÉLe projet stratégique du grand port maritime de Marseille, adopté le 3 avril 2009, s’est fixé des objectifs de crois-sance ambitieux à l’horizon 2020 ; il table tout particu-lièrement sur un développement de l’activité des ports méditerranéens sur la route Asie-Europe, dont il entend tirer parti, en tant que « porte sud de l’Europe ». Il est vrai que certains ports du Nord particulièrement attractifs parviennent à capter des trafics pourtant destinés à des régions situées plus au sud (Italie, Suisse, sud de l’Alle-magne) ; le port de Marseille entend donc jouer sa carte notamment sur ces trafics.Parmi les cinq orientations stratégiques visant à conquérir de nouvelles part de marché, la première priorité consiste à fluidifier et massifier l’acheminement à partir/vers l’hin-terland pour relever le défi de la massification du conte-neur à Fos. L’ambiton de traiter 5 millions d’EVP (équi-valent vingt pied soit un conteneur de 6 mètres de long) était alors affichée à l’horizon 2020. L’actualisation 2012 du projet stratégique reste sur ce chiffre mais décale la date à 2030.

Ces hypothèses s’appuient sur l’évolution anticipée de l’offre et de la demande sur le marché des conteneurs. S’agis-sant de l’offre, à l’horizon 2030, le port de Marseille-Fos disposera d’une capacité d’accueil de 4,8 millions d’EVP due aux capacités additionnelles des terminaux 2XL (1,6 MEVP), du terminal 4XL (1,2 MEVP) et du terminal 3XL (0,8 MEVP). Pendant les deux décennies à venir comme ce fut le cas précédemment, les gains de productivité en termes d’exploitation des terminaux permettent d’envisa-ger un accroissement sensible de cette capacité physique. Ainsi, le Port de Marseille-Fos dispose pleinement en 2012 d’une capacité de traitement des marchandises conteneuri-sées de 2,8 MEVP puis avec l’ouverture de Fos 4XL d’une capacité de 4 MEVP en 2020 et enfin avec 3XL d’une capacité totale de 4,8 MEVP en 2030. S’agissant de la de-mande, la croissance permettant d’atteindre l’objectif de 5 millions d’EVP en 2030 se décompose en une croissance « naturelle » du marché et une croissance liée à la reconquête de parts de marché sur son hinterland.

Pour absorber ces nouveaux volumes de trafic, les opéra-teurs s’appuient sur une logistique multimodale. En effet, sans la mise en place de navettes ferroviaires et fluviales adaptées, leurs projections sont intenables, du fait d’une congestion inévitable de l’accès routier aux terminaux. Les ambitions exposées lors du débat public de Fos 2XL concernant le report modal s’inscrivent dans les objectifs rappelés par le Grenelle Environnement qui consistent à doubler la part du fret transporté sur des modes propres.

Pour le fleuve, avec 66 5000 EVP transportés par barge en 2011, le port connaît une part modale de 12% pour l’acheminement des marchandises conteneurisées. Toutes choses égales par ailleurs, un trafic de 4 MEVP acheminé à 10% par le fleuve représenterait à terme 400 000 EVP, soit près de 6 fois plus qu’aujourd’hui. VNF indique que le Rhône peut absorber une hausse d’activité d’un fac-teur 3 à 4 avec les infrastructures actuelles. Or, le trafic marchandises sur le Rhône représente aujourd’hui 7 MT, dont les conteneurs maritimes pèsent pour environ 10% (700 000 tonnes). En passant à terme à 400 000 EVP, le trafic fluvial lié au port pèserait environ 4 MT, soit 20% du trafic total envisagé sur le Rhône par le schéma por-tuaire de VNF en 2020.

Le terminal trimodal : machine à faire des trains et des bargesLe grand port maritime du Havre lance cette année les tra-vaux de construction d’une plateforme trimodale route-fer-fleuve. La société LH2T, qui exploitera le terminal, disposera d’un faisceau de réception des trains, une cour de manutention fluviale, une zone de stockage de conte-neurs, une cour de manutention ferroviaire, des bâtiments d’exploitations et équipements divers. Le terminal aura la capacité de traiter 500 000 EVP par an soit 20% de son trafic actuel.

Un hub logistique est un emplacement géographique où se situent toutes les utilités liées à la logistique. On y re-trouve tous les moyens de transports. La pertinence de réaliser un hub à l’intérieur d’un port est de réduire au maximum les distances de brouettage entre le quai et l’aire de chargement de la marchandise, un terminal combiné fer/fleuve. Le terminal combiné a l’avantage de pouvoir constituer des barges ou des trains remplis, puisqu’il réu-nit plusieurs terminaux maritimes. Une fois la marchan-dise chargée, plus elle ira loin plus elle sera rentable, plus le port augmentera son hinterland.

Vers un Hub logistique intra-portuaire à Fos

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Philippe Marin

2-1-2 ACCROÎTRE L’HINTERLAND par la voie d’eau

La gouvernance des villes portuaires est de plus en plus influencée par les processus de développement des cor-ridors de commerce. L’objectif consiste à intégrer le sys-tème portuaire au sein d’un réseau de transport multimo-dal dans le but d’améliorer l’accès au marché, la fluidité des échanges commerciaux et le maillage industriel. Dans ce contexte, un port doit disposer d’interfaces majeures entre le commerce maritime océanique et les activités éco-nomiques des ports et des terminaux intérieurs qui four-nissent les structures intermodales et les connexions entre les avant et arrière-pays du monde. De toute évidence, les transactions commerciales exigent un effort d’adaptation des moyens d’acheminement. Inversement, l’amplifica-tion des capacités des modes de transport peut permettre l’expansion du commerce. Ces liaisons de causalité mu-tuelle sont désormais présentes dans les trafics des villes portuaires. La qualité et la capacité des modalités d’ache-minement, des routes et des relais sont indispensables à toute expansion du commerce. Le corridor Rhodanien apparaît comme une extension linéaire d’un réseau de villes s’étendant des eaux de l’es-tuaire vers le coeur du continent européen. Délimité par quelques-unes des plus grandes concentrations urbaines et un réseau de routes, de voies ferrées et de ports, le système présente en effet plusieurs caractéristiques d’un corridor, soit une structure d’échanges qui se produit le long d’un réseau linéaire d’artères de transport entre un chapelet de villes. Le corridor urbain du Golfe du Lion n’est pas vraiment intégré avec les villes du range nord-européen. Par ailleurs, il existe d’autres corridors nord-sud qui concurrencent l’axe Rhodanien, notamment le corridor Gênes-Rotterdam et l’axe Barcelone-Lyon-Alle-magne méridionale qui contournent la ville portuaire de Marseille. Des efforts considérables ont été faits afin d’améliorer la connexion avec l’arrière-pays via le rail et les voies navi-gables. Les ports de Marseille-Fos et de Lyon ont depuis 1999 adopté une stratégie commune pour améliorer leur connectivité, sous la forme d’une plateforme multimodale (rail, route et fleuve). En plus de ça, ils se sont accordés sur un accord douanier permettant de réduire le temps d’acheminement fluvial des biens entre Marseille-Fos et Lyon à 24 heures, et sur un projet d’amélioration de l’offre fluviale pour les conteneurs. Afin de rendre l’offre flu-viale et ferroviaire cohérentes, le Port de Lyon accueille et redistribue les conteneurs acheminés par rail. Le port de Fos a organisé un traitement dédié pour le déchargement des barges de céréales. Une infrastructure innovante per-met de transférer directement les produits céréaliers de la péniche au cargo. Une analyse détaillée des arrière-pays portuaires en France, montre que les principaux rivaux de Marseille-Fos pour l’arrière-pays sont Le Havre et Anvers (rapport OCDE2012). La zone desservie par Marseille-Fos repré-sente grossièrement le tiers sud de la France. L’arrière pays

du port de Marseille-Fos n’inclut pour le moment pas les régions des pays voisins, tels que la Suisse, l’Allemagne, ou le Nord de l’Italie. Ces flux sont limités, en particu-lier en comparaison avec ceux en provenance d’Anvers et de Rotterdam. Les grands couloirs ferroviaires tels que ceux reliant Rotterdam-Gênes et Barcelone-Lyon-Turin-Trieste-Budapest, court-circuitent le port de Marseille-Fos et compliquent les tentatives de conquérir ces zones d’arrières pays.

Cependant, la concentration du développement européen se situant sur l’arc Gênes-Rhur-Londres, communément appelée « banane bleue », donne des signes de saturation malgré l’extrême compétitivité de ces infrastructures ma-ritimes et terrestre. Cela représente une opportunité pour Marseille-Fos pour enfin devenir la véritable porte sud de l’Europe. Le Rhône étant l’un des principaux atouts puisque les concurrents méditerranéens de Marseille-Fos, Barcelone, Gênes, et voir Trieste, ne disposent pas d’une desserte fluviale.

Afin d’accroitre son rayonnement, le port de Marseille-Fos fait parti d’un réseau de plateformes multimodales sur l’axe Rhône Saône : MedLinkPorts. Constitué de 9 pla-teformes multimodales couvrant 4 régions françaises, et 2 ports maritimes (Sète et GPMM), MedLinkPorts déve-loppe une gamme de services à valeur ajoutée pour ses clients (chargeurs, transitaires, transporteurs) afin de favo-riser le report modal, fluidifier le transport sur le réseau, fiabiliser l’information diffusée en temps réel, et augmen-ter la productivité des ports partenaires.

Philippe Marin, fond google earth

40 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Paris fait parti d’un ensemble portuaire majeur en Europe, dotant la capitale d’une façade maritime de dimension in-ternationale.4ème dans la hiérarchie des grands ports nord-européens, le GIE HAROPA réunit les Ports de Paris, et les Grands Ports Maritimes de Rouen et du Havre.Hub maritime majeur en Europe, HAROPA se positionne comme un système logistique compétitif et durable inté-grant la chaîne logistique de bout en bout avec une des-serte compétitive, efficace et écologique de l’hinterland. Connecté au monde entier grâce à une offre maritime inter-nationale de premier plan, HAROPA génère un total de près de 130 millions de tonnes de trafics maritimes et fluviaux. Disposant de 14.000 hectares de terrains et réserves foncières destinés à des implantations industrielles et logistiques, les retombées économiques de cet ensemble portuaire sont très importantes, notamment en termes d’emplois. Les activités d’HAROPA génèrent 40 000 em-plois directs et 120 000 emplois indirects.Aujourd’hui, ce corridor économique participe déjà à l’amélioration de la logistique d’approvisionnement du quart Nord-Ouest de la France, génère de nouveaux tra-fics et concourt au développement économique des terri-toires dotant la France d’une façade maritime de dimen-sion internationale.HAROPA, Ports de Paris Seine Normandie, s’inscrit dès aujourd‘hui dans les grands flux logistiques internationaux avec une offre de services unique, efficace et compétitive.Au cours des 6 premiers mois de l’année 2011, Ports de Paris enregistre une croissance de 7,7 % du trafic voie d’eau de marchandises en Ile-de-France. Le trafic flu-vial de conteneurs connaît lui une hausse record avec + 17,7 %. Ces nouvelles performances font de Ports de Paris le 1er port fluvial européen pour le fret fluvial (en tonnage manutentionné devant le port de Duisbourg en Allemagne) et le 1er port intérieur français pour le tra-fic de conteneurs (en EVP). Elles confirment, après deux années consécutives de croissance, que le transport fluvial est une alternative écologique et économique de plus en plus crédible en Ile-de-France.

Pour la France, il s’agit de ne pas se trouver marginalisée et à l’écart des grands flux d’échanges de marchandises, à l’heure où le centre de gravité européen se déplace vers l’Est. L’enjeu est aussi de valoriser les investissements qui ont été consentis pour l’aménagement et l’équipement du Rhône, de la Saône et de la Moselle. Après le canal Seine Nord Europe, la liaison Saône-Moselle s’inscrit parmi les étapes suivantes destinées à hisser la France au rang des grands pays fluviaux.Les enjeux économiques et d’aménagement du territoire pour les régions concernées, concernent le développe-ment portuaire, industriel, logistique, et secondairement touristique. Les ports maritimes du Nord de l’Europe sont confrontés à la congestion de la desserte de leur hin-

terland, et comptent très fortement sur les modes massi-fiés pour y faire face, en particulier sur la voie d’eau dont ils ont vraiment la culture. Le port de Marseille est concer-né au premier chef par la performance économique de l’axe fluvial Nord-Sud et donc par cette liaison, en parti-culier dans le cadre de FOS2XL et de la compétition pour accueillir des escales des services conteneurs d’Extrême-Orient.Le développement des ports fluviaux tout le long de l’axe est aussi un enjeu important d’aménagement du territoire pour les régions traversées et concernées. Pour les char-geurs industriels et de la grande distribution qui pronos-tiquent un renchérissement des prix de transport routier, leur offrir une alternative de transport économique et sûre peut contribuer à leur compétitivité et donc à maintenir voire générer leur localisation dans ces régions. L’enjeu du développement des activités logistiques et de l’emploi correspondant est lui aussi essentiel, d’autant plus que si la densité économique et industrielle attire la logistique, réciproquement les chargeurs sont attirés par une densité et une qualité de prestations logistiques. Pour la Lorraine comme pour Rhône-Alpes, l’enjeu est celui de l’ouver-ture (vers le Sud pour la première, vers le Nord pour la seconde), de la décongestion des réseaux routiers et fer-roviaires, du renforcement de leur position logistique, et de la compétitivité industrielle. Pour les régions situées aux extrémités de l’axe Nord-Sud, l’enjeu est aussi celui de leurs ports maritimes et des activités engendrées par ceux-ci. Pour les régions traversées par l’aménagement lui-même, l’enjeu est de dynamiser l’économie de leurs territoires à travers le développement industriel, des acti-vités logistiques, et du tourisme lié à la voie d’eau. Pour le port de Marseille et les chargeurs de PACA d’approfon-dir leur hinterland vers le nord avec une solution-trans-port économique et massifiée. Cet avantage contribue (même modestement) à la compétitivité des chargeurs de ces régions, et donc à freiner les délocalisations ou attirer des implantations. Offrir une alternative économique aux autres modes de transport ne peut aussi que renforcer l’at-tractivité logistique de ces régions, ce qui non seulement génère des emplois de plus en plus qualifiés, mais parti-cipe également à l’attractivité générale de la région : une bonne logistique attire les industriels et les distributeurs.

Le développement du transport fluvial dans la val-lée du Rhône entraine un dynamisme pour le terri-toire traversé. Pour amorcer ce mouvement, le port de Marseille-Fos a un grand rôle à jouer dans le fait de créer un outil qui catalyse la marchandise et qui la redistribue par n’importe quel moyen de transport, de préférence ferroviaire ou fluvial, et le plus profond possible dans le territoire au travers son réseau de plateformes intérieures.

La liaison fluviale Saône-Moselle

HAROPA, exemple de coopération territoriale

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Pour Aix-Marseille-Provence métropole, le canal de Marseille au Rhône peut d’abord décongestionner le réseau routier en proposant un moyen de transport plus « vert », il peut ensuite être au centre d’un nouveau modèle économique basé sur une consommation raisonnée de la ressource, enfin il offre l’opportunité d’un nouvel art de vivre, plus apaisé grâce à la présence de l’eau.

2-2 Le canal comme ACCÉLÉRATEURDE DÉVELOPPEMENT LOCAL

2-2-1LefluvialVECTEUR DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

La logistique urbaine concerne l’acheminement des mar-chandises dans le coeur des agglomérations, leur traite-ment sur ces territoires, leur livraison au destinataire final ainsi que la gestion des flux retours (produits ren-voyés, à recycler et déchets). Il s’agit donc du « dernier maillon » de la chaîne logistique, le plus visible aux yeux des consommateurs finaux comme l’un des plus coûteux (environ 20 % du coût total de la chaîne logistique, source PIPAME). En effet, l’espace urbain, qui rassemble une grande partie de la consommation, est aussi celui où la cir-culation des marchandises est la plus difficile et complexe.Le phénomène de la mondialisation et l’expansion tou-jours plus intense des échanges internationaux, a engen-dré une mutation de l’activité logistique. Un des chan-gements est la disparition progressive, depuis les années 1980, de l’activité logistique en ville. Le coût du foncier, la planification territoriale (ouverture de vastes zones logis-tiques hors la ville, et programme immobilier sur d’an-ciens entrepôts), et la facilité du transport routier sont identifiés comme les facteurs de cette évolution. Cepen-dant, les plateformes de distribution situées à la périphérie des bassins de consommation engendrent une augmen-tation des kilomètres parcourus, la congestion des voi-ries aux abords des villes ainsi qu’une augmentation de la pollution atmosphérique. Ce que l’on appelle la «livraison du dernier kilomètre», soit le dernier trajet parcouru par la marchandise entre la plateforme de dégroupage et le destinataire de la marchandise, est la plus problématique et celle qui cause le plus de nuisances. Les livraisons se font pour une grande part en véhicules utilitaires légers, souvent anciens, qui émettent proportionnellement beau-coup plus de GES à la tonne/km que les poids lourds. Sur Marseille, le transport de marchandises participe à 25% des GES.(source OCDE)Cet effet est aussi renforcé par l’expansion du e-com-merce en croissance constante depuis 2005. La livraison à domicile, préférée par les web-acheteurs, vient polluer de manière anarchique la circulation des centre villes.Face à ce constat plusieurs pistes sont expérimentés dans les grandes villes. Londres a opté notamment pour un ac-cès règlementé de son centre ville, la plateforme logistique urbaine Sogaris au pied de la tour CMA/CGM à Marseille permet à une douzaine de société (La Poste, Auchan, DHL, etc.) d’organiser la distribution au coeur de la zone de consommation, Les commerçants des Allées proven-

çales à Aix en Provence sont elles livrées par des camions électriques. Des points relais contribuent aussi à ce que la livraison des colis du web soient mieux structurée et mutualisée. Une prise de conscience collective poussent les acteurs de la logistique à rivaliser d’ingéniosité afin de diminuer leur coût de transport «du dernier kilomètre» et donc leur bilan carbone. L’institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux, l’IFST-TAR, a participé de 2009 à 2012 au projet européen SUGAR(Sustainable Urban Goods logistics Achieved by Regional and local policies) centré sur la transmission des savoirs et les bonnes pratiques en matière de logis-tique urbaine. La publication finale du projet SUGAR, «city logistics best parctices : a handbook fir authorithies» regroupe une cinquantaine d’expériences de logistiques urbaines menées dans le monde, et en évalue les résultats, les succès et les difficultés. Ces expériences peuvent ainsi être reprises par les collectivités locales, si elles s’avèrent adaptées à leur environnement.

2-2-1-1 Vers une logistique urbaine maîtrisée

42 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

choix du mode de transport sera ensuite fonction de la destination finale. Pour les marchandises à destination locale, elles pourront être conteneurisées et transportées par barges, empruntant le canal de Marseille au Rhône. Tout au long du canal seront implantées des plateformes logistiques fluviales pour récupérer et reconditionner la marchandise. La marchandise est ensuite acheminée par camion électrique ou wagon vers des hôtels logistiques situés au coeur des aires de consommation. L’hotel logis-tique, grâce à son implantation stratégique, pourra dis-tribuer la marchandise par triporteur électrique, sur des courtes distances, ou camion électrique, hybride, ou GNV, sur des plus longues distances qui ne représenteront pas plus de 10 km (rayon de compétence maximum d’un hôtel logistique).

Localement, la voie d’eau constitue, pour Aix Marseille Provence Métropole, une artère où l’on imagine déjà une chaîne logistique «idéale». Suite à l’explosion des trafics de marchandises conteneurisés, des plateformes logistiques nouvelle génération se sont implantées un peu partout dans le monde. C’est le cas dans les bouches du Rhône, qui a vu, en 10 ans, l’aménagement de 5 plateformes logis-tiques, à Salon, Miramas, Saint Martin de Crau, Fos sur Mer, et Port saint Louis, représentent en tout 350 000 m² de surface logistique bâties. Les plateformes sont toutes connectées au fer, Clésud, à Miramas, est même dotée d’un chantier combiné fer-route, cependant le mode prin-cipal utilisé reste la route pour 85%. Ces gigantesques plateformes ont vocation à traiter la marchandises qui sortent du département. Le schéma de la logistique urbaine vise à distribuer par un autre moyen de transport les aires urbaines de la métro-pole. L’idée est de créer un hub logistique à l’intérieur de la zone de Fos, dans la ZAC du Caban Nord qui n’est pas encore aménagée, afin de réduire au maximum les distances de brouettages. Le hub bénéficie d’une des-serte quadrimodale par le maritime, le fluvial, le fer et la route. Les marchandises sont ainsi réparties en 2 groupes, à destination ou provenance locale ou inter-régionale. Le

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

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DISTRIBUTION DOUCE PAR LE CANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE

Le département des bouches du Rhône consomme, de-manière assez stable depuis dix ans, une moyenne de 10 millions de tonnes de granulat par an hors grands travaux. Ces matériaux sont extraits d’une trentaine de carrières réparties sur le territoire de façon a approvisionner à un coût raisonnable l’ensemble des zones de consommation. L’extrait de granulat est indispensable à la vie économique et au développement du territoire. Chaque français uti-lise en moyenne 20kg de granulat par jour. Il faut donc veiller au bon approvisionnement du marché, dans des conditions économiques acceptables et dans le respect des règles de la concurrence.L’analyse de l’évolution des exigences réglementaires, environnementales, et des règles d’urbanisme fait naître des inquiétudes quant à la poursuite de cette activité. Le schéma départemental des carrières (SDC) des bouches du Rhône, réalisé par la DRIRE PACA, approuvé par le prefet en 2007, définit bien des orientations pour l’avenir mais ne constitue pas, du fait de son statut non oppo-sable, un véritable document de planification permettant de préserver les intérêts de chacun. En effet, bien que le département recèle de nombreux gisement de matériaux de bonne qualité, la pression foncière et la qualité du pa-trimoine naturel rendent souvent ces gisements inexploi-tables.Les projections que donne le SDC à l’horizon 2020 montrent que sur le 10 millions de tonnes consommées, la moitié des granulats proviendront de l’extérieur du département alors qu’il arrive aujourd’hui à équilibrer sa production et sa consommation. La conséquence de cette future importation est l’impact sur les coûts induits par le transport des matériaux puisque le gisement est plus éloi-gné , et par effet de cascade les coûts environnementaux.

La liaison fluviale de Marseille au Rhône est au coeur de ces enjeux. L’utilisation du transport fluvial s’avère parti-culièrement adaptée au matériaux. Une barge peut trans-porter un grand volume, à un prix très compétitif, ayant un impact environnemental très faible. Mais fort de ces 65 km de long, le canal est aussi idéalement placé le long de sources de gisements de type nouveau : les matériaux alternatifs. L’usage de matériaux non traditionnels tels des sous produits industriels et des matériaux issus du recy-clage se développe petit à petit du fait de l’augmentation constante du coût des matériaux traditionnels.Identification des gisements : - Les ballasts de chemin de fer réformés : leur quantité reste marginale, mais il n’existe à ce jour aucune exploitation dans la région agréée par la SNCF. - Les laitiers issus de la siderurgie (potentiel de 2 MT/an) : la production annuelle de ces matériaux par Arcelor Mittal est de 1 400 000 tonnes de laitiers de Hauts fourneaux dont environ 330 000 tonnes de laitiers cris-tallisés valorisés, 600 000 tonnes de laitier d’aciérie, dont environ 400 000 tonnes valorisables, vient s’ajouter un

crassier existant d’environ 6 500 000 tonnes de laitiers d’aciérie. Si la valorisation des laitiers de hauts fourneaux cristallisés est aujourd’hui opérationnelle, celle des lai-tiers d’aciéries est encore non exploitée car le matériaux est considéré comme non inerte, donc impropre à la construction. Cependant, des experts cherchent la solu-tion pour rendre le matériaux inerte. - Les matériaux issus de la démolition (potentiel de 3,2 MT/an) : ils sont issus de la démolition de bâti-

2-2-1-2 Vers la valorisation des Matériaux

44 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

ments, ouvrages génie civil en béton, ou routes. Cette fi-lière est performante, mais doit être encore améliorée, il subsiste encore 13 % (450 000 Tonnes) de matériaux de démolition dont la valorisation n’est pas maîtrisée. - Les déblais de grands travaux (potentiel 2 MT/an): notamment les travaux d’entretien ou d’extension des darses de la ZIP de Fos, la future réalisation de la liaison flu-viale entre le pôle conteneurs et le canal de Fos au Rhône, mais aussi les travaux d’entretien de dragage du Rhône.

La zone industrielle-portuaire de Fos semble être le site idéal pour regrouper les matériaux à l’emplacement des futurs projets afin de précharger le terrain in situ, pour réunir plusieurs acteurs afin de valoriser ces matériaux, du fait de la présence de plusieurs gisements de grande enver-gure, et enfin parce que la zone est aussi l’une des prin-cipales consommatrices en matériaux, environ 1 MT/ an.(Source GPMM)

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

45VALORISATION DES MATERIAUX PAR CANAL DE MARSEILLE AU RHÔNE

2-2-2 QUATRE AMBITIONS URBAINES pour un ouvrage

Le fleuve, à la fois obstacle à franchir et voie de commu-nication, lien et coupure, ouverture sur le monde et porte d’invasion, renvoie à d’innombrables images et permet de nombreuses métaphores. La symbolique de l’eau et ses mythes fondateurs – l’eau pure et purifiante, mais aussi violente et dangereuse, le cycle de l’eau comme source de vie et de mort – relèvent d’une dichotomie attirance-répulsion que l’on peut observer au fil des siècles et à travers des cultures très différentes. Les eaux du fleuve étaient considérées simultanément comme bénéfiques et maléfiques, porteuses de trafic et d’activités économiques et génératrices d’inondations. Le danger permanent des fluctuations du fleuve rendait les relations entre la ville et son fleuve incertaines, mais aussi mouvantes en raison des progrès des techniques du génie civil. « L’eau : une des matières premières de l’urbanisme.Sans eau, pas de vie ni de ville. Mais trop d’eau empêche ou dilue l’assise de ses fondations. De ce paradoxe naî-tront deux attitudes fortement ancrées dans la mémoire collective. L’une amenant l’eau à force d’ouvrages, l’autre n’ayant de cesse de l’éliminer. » (source : dossier «présence de l’eau», Urbanisme, n°201»

La réconciliation entre la ville et l’eau est désormais ac-tée. Le phénomène est facilité par la délocalisation des installations portuaires, des années 1950, en faveur de sites suburbains plus performants. D’abord aux Etats-Uins, dans les années 1960, où les ports de Boston et de Baltimore sont les premiers à réaffecter des friches por-tuaires, naissant ainsi l’expression « waterfront », puis dans les années 1980, de nombreuses villes portuaires, ont su saisir l’opportunité de reconquérir leurs sites industriels en coeur de ville pour se construire une nouvelle iden-tité. Londres en fut l’un des pionniers en Europe, avec la reconquête progressive des docklands qui eurent un suc-cès retentissant. Les villes européennes situées au bord de l’eau – Rotterdam, Amsterdam, Anvers, Barcelone, Séville, Bilbao, Lisbonne, Gênes, Copenhague, Oslo, Hambourg, Francfort, Duisburg… – commencent à réaménager les emprises de leurs anciens ports.

En France, de nombreuses villes suivent le mouvement de la reconquête de leur berges. Lyon sera la première à élaborer un plan d’ensemble pour le réaménagement des berges qui s’étirent sur plus de 200 km. Le «plan bleu», première version de 1991, schéma d’aménagement des berges de la Saône et du Rhône, a pour objectif de propo-ser un schéma global d’aménagement des espaces «bleus» et de fédérer tous les projets autour des berges des 27 communes riveraines des fleuves. La révision de ce plan en 1997 porte une plus grande attention aux liaison entre les quartiers et les fleuves et s’inscrit davantage dans une stratégie d’ensemble de recomposition de la ville, en inté-grant, par exemple, les logiques de déplacements urbains. le Plan bleu vise trois objectifs principaux : revaloriser

l’environnement et le patrimoine fluvial, construire des continuités et développer des usages en relation avec l’organisation urbaine, et prendre en compte la dimension économique des fleuves. Sans caractère juridique d’oppo-sabilité aux tiers comme d’autres documents d’urbanisme, tels les plans d’occupation des sols, le Plan bleu doit se comprendre comme « un outil prospectif et incitatif ». Il participe d’une démarche globale de requalification de l’espace public, leitmotiv des opérations d’urbanisme en-treprises dans l’agglomération lyonnaise. Il s’articule aussi avec d’autres plans élaborés par l’Agence d’urbanisme qui contribuent à valoriser le patrimoine fluvial, comme le Plan lumière, éclairant les bas-ports et façades sur les berges, les passerelles et les équipements portuaires, le Plan cou-leur, visant la recoloration des immeubles des quais, ou encore le Plan vert, prenant en compte les couloirs verts que forment les fleuves. Toute une série d’opérations des-tinées à réanimer les rives, à Lyon ou dans les autres com-munes de l’agglomération, sont programmées ou ont déjà été menées à bien : création de pistes cyclables, mise en place de haltes nautiques, d’embarcadères et de rampes de mise à l’eau, aménagement de places ouvrant sur le fleuve, paysagement ou aménagement de tronçons de bas-port. La mise en place d’une desserte fluviale, envisagée à un moment donné, a été différée en raison des coûts d’inves-tissement élevés et de la faible rentabilité économique.

Le grand nombre de monuments et de places historiques bordant la Seine, les quais hauts et bas qui se déroulent sur une trentaine de kilomètres à travers la capitale, font du fleuve un axe majeur de la composition urbaine de Paris. Au cours du XXeme siècle, l’installation de constructions parasites, l’absence d’entretien de leurs murs et leur uti-lisation comme parkings ou comme fourrière ont donné peu à peu aux quais un aspect sale et délabré. L’expansion de la circulation automobile dans Paris les a transformés en axes routiers, le point culminant étant atteint avec la réalisation de la voie express entre 1961 et 1967 en rive droite sur toute la traversée de la ville. Les protestations soulevées en 1976 par le projet de créer une voie express rive gauche, révèlent aux autorités l’attachement des Pari-siens à l’espace des quais. Un premier schéma directeur de la Seine destiné à accompagner l’évolution des berges est alors élaboré par l’Atelier parisien d’urbanisme et adopté par le Conseil de Paris en 1978. Depuis, les quais font l’objet de soins constants. La suppression dominicale de la circulation automobile sur la voie express, dévolue alors aux piétons et cyclistes, l’opération «Paris-Plage », le ras-semblement de bateaux-restaurants comme on en trouve au quai de la Gare où sera également construite une nou-velle piscine flottante, renouent avec un usage convivial des bords de la Seine. Accueillant déjà péniches-loge-ments et bateaux-mouches, l’espace fluvial s’ouvre au-jourd’hui à une plus grande diversité d’usages. Mais Paris, avec 20 millions de tonnes transportées en 2009, est aussi

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le premier port fluvial français, et le deuxième port euro-péen derrière Duisbourg. Les projets d’aménagement des bords de Seine doivent par conséquent composer avec les installations portuaires et garantir leur bon fonctionne-ment. Après un période de flottement, de nombreux pro-jets intégrants les deux vocations de la Seine peuvent voir le jour grâce aux acteurs qui jouent le jeu. Les initiatives des cimentiers ou marchands de matériaux de construc-tion qui acceptent d’ouvrir leurs sites dans les périodes de non-utilisation, le soir et les week-ends, sont encouragées par Ports de Paris qui propose en échange la recomposi-tion des espaces publics en bordure des établissements. Au terme de restructurations et de rénovations des instal-lations portuaires, ces ports urbains sont appelés à deve-nir des espaces à vocation mixte, d’industrie et de loisirs, partiellement accessibles aux promeneurs. Pour atténuer l’impact négatif des installations industrielles sur le pay-sage urbain, une nouvelle attitude tend même à les mettre en scène.

Marseille, dans les années 1990 par elle aussi à la recon-quête de son littoral et de ses friches industrielle par l’intermédiaire du projet Euro-Méditerrannée. Force est de constater que l’esplanade du J4, mais aussi l’apai-sement du vieux port, offre un nouveau visage à la cité phocéenne ainsi qu’un espace public remarquable à ses habitants. L’opération Euro-Méditerrannée 2, en cours actuellement, vise elle aussi à retrouver des liens avec le port. Depuis la révolution industrielle, et l’extension du port de Marseille vers le nord, la ville et son port n’avait plus aucune communication. Les uns convoitaient le fon-cier pour y développer les fonctions urbaines, les autres ne cherchaient qu’à augmenter de trafic, chacun restant sur ses positions provoquant le statut quo. Dès lors que l’opération d’intérêt national Euro-Méditerrannée réunis-sait enfin la ville et son port autour d’un projet commun, la réhabilitation du front de mer du vieux port à l’Estaque pouvait alors démarrer. L’aménagement de l’esplanade du J4 réussie, le port et la ville ont plusieurs projets en cours qui tendent à rendre le port plus poreux de façon à tisser de nouveaux liens avec la ville. Dans son document de planification, le PADD, la ville réaffirme son identité maritime, et l’on peut noter quelques intentions qui contribuent à rapprocher la ville et son port comme «rechercher une continuité pour la promenade littorale», «améliorer l’interface ville/port», ou encore «améliorer les échanges avec les zones arrières portuaires».

On sent que les mentalités évoluent, qu’il est possible que Marseille réussisse sa mutation vers une ville plus ouverte, plus attractive, mais ces intentions sont encore trop ti-mides. Au travers de l’exemple du canal de Marseille au Rhône, mais cela aurait pu être sur un autre «outil du territoire», comme Plan de Campagne, l’étang de Berre, la liaison Aix-Marseille, ou encore l’université, il est possible de rêver à de profondes mutations.

Parc Gerland à Lyon, Courajoud, grandlyon.com

Lyon confluence, grandlyon.com

Paris-plage, paris.fr

Centrale béton, quai de la Seine, paris-ports.fr 47

L’étalement urbain de ces dernières décennies, en parti-culier dans les bouches du Rhône, a petit à petit grignoté des espaces agricoles et naturels. En cinquante ans, on estime avoir autant urbanisé que depuis la création même des villes il y a plusieurs siècles. La densification est le mot d’ordre que l’état veut faire passer aux collectivités locales qui sont tiraillées entre un aménagement moins consom-mateur de ressource, et le souhait de son électorat à qui l’on vend depuis des années la réussite sociale par la mai-son individuelle à la campagne avec piscine. Aujourd’hui, l’occupation du sol de l’aire métropolitaine est peut-être grossièrement divisée en 3 parties : espaces naturels 53%, espaces agricoles 27%, espaces urbanisés 16% (AGAM)

Un potentiel foncierLe canal de Marseille au Rhône, situé au sud de la métro-pole Aix-Marseille-Provence, au cœur même de l’intensité du territoire, bénéficie de réserves foncières non négli-geables. Si la voie d’eau est longue de 65 km, la surface de plan d’eau navigable représente 160 ha, la surface de plan d’eau résiduel 190 ha, et le foncier associé au plan d’eau 285 ha. Ce foncier correspond aux berges du canal auquel l’on peut par endroit lui associer les espaces en friches qui lui sont juxtaposés.

Un axe économiqueL’axe Marseille-Fos, bien que secondaire dans le fonction-nement métropolitain, Aix-Marseille étant bien plus dyna-mique, est situé sur un bassin d’emploi dense, et le canal traversant les communes de Marignane, Chateauneuf, Martigues, Port de Bouc offre l’opportunité a ces villes d’avoir un lien commun qui leur donne une unité tout en gardant leur propre identité.

L’utopieUne des utopies urbaines la plus connue est la ville linéaire d’Arturo Soria Y Mata. En 1882, il publie ces premières réflexions sous le nom de « la chose de Madrid ». Le modèle de la ville linéaire qu’il projette s’avère relativement simple : un axe, une rue principale de 500 mètres de large qui , dans l’idéal, ne connaîtrait pas de fin en soi. Soria voit dans ce modèle urbain, une solution à l’intégration de toutes les po-pulations, quelle que soit leur catégorie sociale. Il plaidera en faveur d’une ville horizontale, en opposition à la ville spéculative, verticale et petite bourgeoise qu’il combat. Une ville de l’égalité sociale sur le plan spatial, une ville de l’in-clusion où la petite propriété généralisée trouvera sa place, où tout le monde pourra disposer d’un lopin de terre. Une opportunité de « ruraliser la ville » permise par la relative étroitesse de la ville et sa proximité avec le milieu naturel.

«Dans l’avenir, ne faudra-t’il pas bâtir sur les mers ?» se demandait Jules Verne. Il ne se doutait pas que de nom-breux peuples de pêcheurs, notamment en Asie, avaient déjà réalisée la prouesse, bâtissant des hameaux de for-tunes dans l’eau. Depuis, l’idée à fascinée de nombreux ar-chitectes et maîtres d’ouvrages ambitieux. Dubaï en est le clinquant exemple. Des projets tout aussi ambitieux, mais plus vertueux sont étudiés, comme celui de l’architecte Vincent Callebaud, Lilypad. Lilypad est une véritable ville flottante, 50 000 habitants, pour faire face à la montée des eaux. Lier l’homme et la nature au coeur d’un projet no-made qui suit les courants marins Un lagon central d’eau douce alimenté par l’eau des pluies permet à la faune et à la flore d’investir la ville. Trois baies, des marinas, per-mettent son accès par les bateaux. Autour du lagon, trois montagnes : une pour le travail, une pour les commerces et la dernière, consacrée aux loisirs.

les maisons flottantes du peuple Bajo (internet)

Dubaï, Palm island (google pictures)

Lilypad (vincent.callebaud.org)La ville linéaire, Arturo Soria (google pictures)

2-2-2-1Densifierlelongducanal

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L’hôtel logistiqueLiés aux besoins de logistique urbaine, le groupe Sogaris développe un concept afin de mixer les usages du bâti-ment. En effet, face à la pression foncière des grandes villes, il apparaît opportun de promouvoir ce type de pro-

Le canal de Marseille au Rhône est situé en partie au milieu de zones agglomérés. La proposition qui est faite ici pour densi-fier le territoire repose sur 3 axes : - Permettre la construction sur l’eau afin de proposer aux villes de Marseille, Martigues et Fos une alternative au grignotage des terrains agricoles, mais aussi d’avoir une visibilité internationale dans l’ambition de la construction, - Expérimenter l’aménagement en bande sur les berges du canal pour densifier Marignane, et Port de Bouc, et désen-claver Salins de Giraud, - Promouvoir un usage mixte des futures zones logistiques tri-modales, pour y placer bureaux et logements.

Sogaris, SAGL Architectes associés

jet. L’hôtel logistique se trouve au plus près des bassins de consommation, ce qui réduit le transport du «dernier kilo-mètre»; et offre la possibilité, au dessus de l’activité logis-tique, de construire commerces, bureaux, ou logements.

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

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DENSIFIER LE LONG DU CANAL

Le canal comme moyen de transport urbain est de plus en plus étudié par les municipalités désireuses d’offrir à leurs administrés une alternative plus « verte ». Il y a une dizaine d’années, se mode de déplacement était associé au tourisme, on prenait le bateau mouche pour avoir une vue d’ensemble la ville, on se laissait tranquillement glisser le long de l’eau, et l’on appréciait la quiétude de l’instant. Mais lorsque les contraintes techniques poussent vers ce mode de transport, il s’avère aussi efficace qu’un autre.

Venise est l’exemple le plus frappant. La ville a réussi à maintenir son exceptionnel dynamisme sans avoir besoin de route, autoroute, périphérique... Les déplacements dans la ville se font à pied ou sur l’eau. Cela semble être une évidence, mais c’est la contrainte technique imposée par l’omniprésence de l’eau qui a fait que la ville a déve-loppé un système de transport différent de la norme.

En France, et dans tous les pays développés en général, c’est la contrainte environnementale qui aide à ce que l’on organise les déplacements différemment. Des expériences sont lancées un peu partout, mais sont confrontées aux réalités économiques.A Paris, l’expérience Voguéo, navette fluviale destinée à faire une offre complémentaire aux autres transports en commun pour desservir la périphérie de la ville, est ar-rêtée depuis 2011. Inaugurée en 2008, la navette fluviale s’est avérée trop lente donc trop peu fréquentée, donc trop coûteuse. Lyon vient tout juste de mettre en service sa nouvelle navette fluviale : le Vaporetto. Reliant le centre ville au nouveau quartier branché « Confluence », le Vaporetto, pouvant accueillir 70 passagers, fonctionne avec deux mo-teurs électriques à propulsion, bénéficiant d’une réserve d’autonomie de 5 heures et permettant d’économiser 40 % de gazole.Bordeaux, à son tour, s’est doté de 2 « BatCub », navettes fluviales électriques d’une capacité de 45 places et 6 vélos, s’intégrant dans le réseau des transports en commun de la ville, un billet permettant d’utiliser bus, Tram, Vcub(vélo), ou BatCub. Mises en service début mai 2013, les navettes accueillent 800 personnes par jour, mais contrairement aux attentes de Kéolis, filiale du groupe SNCF qui ex-ploite le réseau, c’est la découverte du fleuve qui attire plus que les parcours rapides. D’autres villes françaises sont dotées ou étudient l’oppor-tunité d’utiliser le transport fluvial comme un maillon de transport en commun.Localement, Marseille, par l’intermédiaire de la régie des transports de Marseille (RTM) à mis en place depuis 2012 une navette maritime faisant la liaison Vieux Port / Pointe Rouge, et Vieux Port / l’Estaque. Le trajet dure 40 mi-nutes, il y a un départ toute les heures, mais les passagers sont généralement des gens qui visitent la ville, et le ser-vice est assuré qu’en période estivale. Enfin à Martigues, le « Mille sabords » propose, gratuite-ment, des navettes entre les différents quartiers de la ville.

Voguéo lorsqu’il naviguait encore sur la Seine, paris.fr

Le Vaporetto Lyonnais, lyon-confluence.fr

Le BatCub sur la Garonne, cub.fr

Le Mille sabords sous le viaduc de Caronte, Philippe Marin

2-2-2-2 Se déplacer sur le canal

50 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Le canal de Marseille au Rhône est au coeur de déplacements métropolitains Est-Ouest qui n’ont d’autre alternative que la voiture. La proposition qui est faite ici pour se déplacer sur le territoire repose sur 3 axes : - Organiser le transport collectif par la mise en place de lignes fluviales le long du canal et à l’intérieur de l’étang de Berre, - Aménager des gares multimodales de transports collectifs connectées au canal, au ferroviaire, et au bus, - Aménager des gares fluviales environ tous les 10 km, pour favoriser les déplacements de courtes distances sur le canal.Grâce au transport fluvial, les déplacements les plus anodins peuvent se transformer en véritables expériences bien plus excitantes que nos déplacements automobiles que l’on subit malgré nous quotidiennement.

Cittaslow attitude

Inspiré du mouvement gastronomique italien slowfood, l’association, italienne, réunit près de 200 villes à travers le monde. Le but est de proposer un urbanisme qui se démarque de la tendance encore actuelle du «toujours plus vite». L’obtention du label s’articule autour d’un manifeste qui compte 70 recommandations. Ce type de démarche autrefois «bobo» se démocratise, et touche désormais une plus grande partie de la population qui souhaite simple-ment mieux vivre. On observe un mouvement pendulaire où l’on est passé de la récession en 1940, à la consomma-tion à partir des années 70. Il faut espérer que le mouve-ment arrive à l’équilibre, que l’aire du jetable est derrière nous, et que nous réussirons à vivre plus sobrement.

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

cittaslow.it

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SE DÉPLACER LE LONG DU CANAL

Enfin, il ne faut pas oublier de parler du tourisme indus-triel, et de l’attrait qu’ajouterait la visite de la zone indus-trielle de Fos aux circuits touristiques traditionnels. Ce type de tourisme se développe, depuis de nombreuses années les usines font en sorte d’ouvrir leur porte à la fois au milieu scolaire, mais aussi à l’ensemble de la population curieuse de découvrir les process industriels.

PlaisanceAvec près de 20 000 emplacements réparties dans 49 ports, les bouches du Rhône est l’un des département qui accueille le plus de plaisanciers. Pour autant, la demande d’anneaux est toujours plus grande. Les réserves foncières et nautiques du canal, hors navigation, pourraient offrir de nouveaux anneaux. L’intérêt du canal pour la plaisance est d’ailleurs révélé par le Club Provence Nautisme, sous la présidence de Franck Recoing, par ailleurs vice-président de la CCI Marseille-Provence, qui porte le projet Med-Ma, pour «Mediterranean Marina». Il s’agirait d’un espace permanent de présentation et de commercialisation de bateaux, neufs ou d’occasion, situé sur l’Étang de Berre. Le site, qui pourrait totaliser presque deux fois l’éten-due du Vieux-Port de Marseille, permettrait d’accueillir 1 500 bateaux immédiatement, et dans un second temps, jusqu’à 4 000. «L’idée est de faire de Marseille le premier salon mondial permanent pour les bateaux de plaisance, incluant tous les métiers et les services associés, mais aussi une base d’essai mise à la disposition des constructeurs.» Outre le fait de répondre à la demande, un port de plai-sance est une source de revenu non négligeable. Un em-placement à flot ou à sec se loue annuellement environ 2 000 € pour une longueur standard de 6 mètres. Les activités économiques qui gravitent autour de cette filière sont importantes. La chambre de commerce et de l’indus-trie évalue le chiffre d’affaire à 450 millions d’euros pour 2 700 emplois dans le département.

La voie d’eau peut être théâtre de nombreuses activités de divertissements, tourisme, activités sportives et culturelles. Le canal de Marseille au Rhône compte parmi ces usages ce type d’activités, mais qui souvent sont pratiquées de manière informelle, ponctuellement le long du canal. Aix-Marseille-Provence Métropole a tout à gagner de combi-ner l’usage commercial du canal avec l’usage récréatif. De plus, il est fort à parier que les usines pétrochimiques im-plantées autour de l’étang de Berre disparaissent à moyen terme, le pétrole sera de préférence raffiné dans les pays producteur en voie de développement, et arrivera prêt à la consommation dans les pays développés. L’étang de Berre redeviendra certainement, une fois les problèmes de re-jets d’eau de la Durance réglés, un espace où l’on viendra prendre villégiature de la ville, comme on le faisait avant la pétrochimie. Le canal sera alors l’artère principale de l’étang, lui offrant des accès maritime à l’Est et à l’Ouest. Attention, le propos tenu n’est pas de faire du canal un centre de loisirs nautique géant, mais plutôt de mixer les usages commerciaux et de loisirs sur la voie d’eau.

Tourisme fluvialLes paquebots fluviaux ne pouvant naviguer que sur des voies d’eau se concentrent sur un nombre limité de bas-sins de navigation. A l’échelle européenne, les circuits les plus vendus se trouvent sur les axes du Rhin, du Danube, et du Rhône-Saône.L’axe Rhône-Saône rencontre un succès sans précédent pour les croisières fluviales depuis quelques années. On recensait 17 paquebots fluviaux en 2011 alors qu’il y en avait 7 en 2000. (schéma directeur des croisières fluviales, agglo Lyon) Les navires accueillent environ 160 passagers, et nécessitent un équipage de 40 personnes. Le profil des passagers est une clientèle aisée, en majorité américaine, mais aussi allemande, russe et brésilienne. Les tendances observées ces dernière années est une montée en gamme avec l’arrivée sur le marché de plus en plus de paquebots de luxe. Pour les clients américains, la croisière est souvent un élément d’un séjour plus long en Europe. Le tour opé-rateur leur propose par exemple des séjours Barcelone/croisière Rhône/Paris pour une quinzaine de jours dont 7 sur le paquebot. Lorsque l’on connaît le succès du port de Marseille pour les croisières maritime, qui a vu son nombre de passagers être multipliés par 7 depuis 10 ans, on imagine l’attractivité de lier le port maritime au fleuve. Autre possibilité avec le canal de Marseille au Rhône, c’est de le relier à l’aéroport Marseille-Provence à Marignane. Ainsi, à la sortie de l’aéroport, la croisière commence, sans avoir les problèmes de transferts.Outre le fait que le canal soit vecteur du dynamisme du tourisme fluvial ajoutant le dernier chaînon au parcours, ce sont aussi les riverains qui pourraient profiter d’excur-sions à la journée pour visiter la Camargue ou le Vieux Port.

CCIM, RTA Architectes

Philippe Marin

2-2-2-3 Se divertir par le canal

52 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Activités nautiquesLe département des bouches du Rhône est l’un des plus développé en matière d’équipements et d’infrastructures de sports nautiques. Sa façade maritime permet la pra-tique de tous les sports d’eau de mer, et le mistral en fait un lieu d’exception pour la pratique de la voile, planche à voile, etc. Le record du monde de vitesse pour lequel se bat Alexandre Caizergues, champion Port Saint Louisien de kite surf, le démontre. Mais le canal offre une possi-bilité pour des sports peu développés dans nos régions, du fait des conditions météorologiques parfois difficile. Ainsi, l’aviron ou le ski nautique trouvent leur place dans le canal, qui les protège des intempéries.

L’activité la plus pratiquée le long du canal est incontes-tablement la pêche. De la digue du large, à Marseille, au canal du Rhône à Fos, à Port Saint Louis, il est assuré de voir un pécheur. Cette activité populaire par excellence, gratuite, ne nécessitant ni permis ni carte d’adhésion à un club, n’est pas reconnue par les pouvoirs publics à sa juste valeur. Aucun aménagement, aucune ombrelle pour se protéger du soleil, aucune protection lorsqu’il pleut ou lorsqu’il fait froid, pas plus de parking pour stationner ni de banc pour se reposer. Pourtant ce sont plusieurs cen-

taines voir plusieurs milliers de personnes qui pratiquent leur passion le long du canal. Ces gens représentent non seulement un potentiel commercial non exploité, mais sur-tout une énergie, un art de vivre qu’il est nécessaire de cap-ter, de canaliser afin d’éviter les ennuis. Il n’est pas rare en effet de voir dans la rubrique des faits divers qu’un pêcheur en a agressé un autre afin de récupérer «sa» place. Avec des aménagements adaptés, ce genre d’incivilité disparaît, lais-sant place au seul plaisir de profiter de sa passion.

Manifestations culturellesUn des moyens les plus efficaces pour animer un territoire est l’organisation de manifestations culturelles ou spor-tives. Ces manifestations permettent à la fois de révéler l’usage des territoires, et d’en inventer un autre. Encore une fois il se passe des choses sur le canal de Marseille au Rhône, les tournois de joutes, le festival de Martigues, mais ces événements restent isolés, non inscrits dans un projet global. La vertu d’un projet global permettrait d’avoir un calendrier répartit sur toute l’année, proposant un mix d’activités sportives et culturelles, justifiant des infrastructures adaptées le long du canal qui le reste du temps seraient utilisées par la population environnante.

Le canal de Marseille au Rhône est un lieu, par ces usages existants, récréatif. La proposition qui est faite ici pour se divertir sur le canal repose sur 4 axes : - Promouvoir l’accueil d’événements sportifs et culturels par l’aménagement de lieux dédiés, - Développer les sports nautiques se pratiquant sur un plan d’eau calme, - Créer des emplacements pour le stationnement de bateaux de plaisance en lien avec la méditerranée et l’étang de Berre, - Aménager l’accueil aux pécheurs par un mobilier adapté, et une offre de services.

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

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SE DIVERTIR PAR LE CANAL

Dans la même démarche que les trames bleues et vertes, nées du grenelle de l’environnement, il est fondamental que le canal de Marseille au Rhône puisse être arpenté sans discontinuité. Le canal doit devenir un lieu de pro-menade, le plus accessible possible, que l’on puisse tra-verser à souhait afin de multiplier les itinéraires. Ce canal a l’avantage d’être moitié urbain, moitié espace naturel, il est une respiration pour les villes qu’il traverse, et le trait d’union qui les relient entre elles. Le mouvement mar-seillais « d’artistes-marcheurs », initiateurs du GR 2013, préconisent une marche vécue, a l’affût du territoire, pour mieux le déchiffrer voir le comprendre.

Régénérécence autour d’un axe piéton : la high line à New YorkL’aménagement piéton de l’ancien tronçon aérien de voies ferrées qui desservait les docks de NewYork dans les années 30, a contribué à la régénérécence de tout un quartier. Fréquentée par les touristes venus du monde entier pour déambuler sur le nouvel espace public de la ville, la high line, longue de 20 km, a vu depuis son inau-guration en 2009, la transformation de l’espace qu’elle traverse. Boutiques, restaurants, bars, ateliers d’artistes se bousculent a ses abords qui était pourtant négligés avant cet aménagement. La high line est un formidable outil de mise en scène de la ville, propice aux manifestations et expositions temporaires.

S’inscrire dans un réseau européenL’itinéraire pourrait aussi s’inscrire dans la « ViaRhôna », la piste cyclable qui a pour objectif de relier les Alpes à la Méditerranée. L’itinéraire complet, long de 700 km est en cours de réalisation, il est aujourd’hui possible de relier Genève à Pont Saint Esprit, soit 450 km. A une autre échelle, le projet européen «EuroVélo» permettra, à l’horizon 2020, de parcourir plus de 70 000 km à travers l’Euope.

Philippe Marin

Newyorkmania.com

Le parcours du «ViaRhôna» long de 700 km, viarhona.com

2-2-2-4 Se promener au bord du canal

54 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Le canal de Marseille au Rhône, situé entre Calanques et Camargue, traversant industries villes, offre des paysages exception-nels et extrêmes. La proposition qui est faite ici pour se promener le long du canal repose sur 4 axes : - Établir une continuité Marseille / Rhône pour les modes doux (piétons et vélos), de manière à inscrire le parcours dans des itinéraires de plus grandes envergures (GR 2013 ou ViaRhôna), - Disposer des refuges aux endroits les plus éloignés des villes, pour permettre l’accueil des randonneurs comme cela se fait en montagne, - Favoriser la porosité du canal par la mise en place de passerelles afin de multiplier les possibilités de parcours, - Mettre en valeur, par une «high line», les 3 sites les plus différents du parcours que sont l’urbain, l’espace naturel, l’industrie, représentatifs du territoire

Philippe Marin, fond CRIGE PACA

Les refugesLorsqu’on parle de refuge de randonnée, on imagine un grand paysage de haute montagne. Mais le refuge peut être un petit cabanon en bord de mer, un chalet dans une plaine. Il offre un hébergement dans un endroit sauvage ou singulier. De fait, son architecture doit s’intégrer au maximum au site. Il est aussi un lieu de convivialité et solidarité.

Les passerellesLa passerelle permet le franchissement de barrières physique. Un sentiment profond de liberté se ressent lorsqu’on la franchit. C’est aussi une continuité territo-riale, le prolongement de quelque chose, le trait d’union. La passerelle peut-être une prouesse architecturale et technique, comme d’une simplicité naturelle qui remplie sa fonction, une planche au dessus d’un ruisseau, elle n’en reste pas moins poétique.

Passerelle reliant l’université à la bibliothèque à Bilbao, Googlepictures Refuge du goûter, 3 838 m, refugedugoûter.fr

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SE PROMENER AU BORD DU CANAL

2-2-3 La réouverture du tunnel du RoveUN GAIN POUR LE TERRITOIRE

Pour cette simulation, nous allons prendre le parti de créer deux filiales. La première, SEMINFRA, gestionnaire de l’infras-tructure, réalisera les travaux de remise en état puis l’entretien de l’ouvrage. La deuxième, SEMEXPLOIT, sera chargée de l’exploitation et du développement du canal et de ses abords. SEMEXPLOIT verse une redevance à SEMINFRA en fonc-tion du bénéfice qu’elle fait. L’équilibre financier n’est possible qu’avec la participation des partenaires publics qui en contre partie justifient leur participation par les gains socio-économiques apportés par le canal.

Il convient dans un premier temps de réactualiser le coût des travaux par l’indice INSEE du coût de la construction.2003 : indice INSEE CC : 1 172 Montant prévisionnel des travaux : 206 M€2013 : indice INSEE CC : 1 649,75 Montant prévisionnel des travaux : 290 M€Soit une augmentation de plus de 40% en dix ans.

Le tunnel du Rove est source de débat. Beaucoup aime-raient voir ce magnifique ouvrage fonctionner à nouveau, ce à quoi d’autres rétorquent le gaspillage financier que cela impliquerait au vue de son inutilité. Mais qu’en est-il ?

Plusieurs études ont été réalisées pour juger de la bonne décision à prendre sur l’ouvrage. La première, en 1965, proposait 3 solutions : -l’abandon du tunnel après remblaiement (10,5 MF) -l’exécution des travaux de remise en état en pre-mière urgence (23 MF) -la remise en état complète (73 MF)Une décision ministérielle retient le principe de la deuxième solution. Mais seule fut poursuivie l’exécution des études et des travaux en cours juqu’à épuisement des crédits. Une servitude de 100 mètres de part et d’autre de l’axe du tunnel fut retenue sur le plan d’urbanisme de Gignac.

L’étude économique sur la réouverture du tunnel du Rove à la navigation, réalisée en 1993 par le bureau d’études IGPC Dubois, concluait ses propos en affirmant que le trafic pré-sumé ne justifiait pas la réouverture à la navigation.

Antony Vassilev, en 2003, pour son sujet de fin d’études à l’école nationale des ponts et chaussées, réactulise cette étude. Il estime que la remise en état complète de la chaîne fluviale s’élèverait à 206 M€ : - 170 M€ pour le tunnel, à savoir la reprise de l’éboulement, la réparation du radier et des pieds droits, la réparation de la voûte, et la mise en sécurité, - 36 M€ pour la réhabilitation des autres éléments de la chaîne fluviale (dragages et mise aux normes euro-péennes).

Le rapport contient une analyse socio-économique qui montre que le projet de réouverture à la navigation de-viendrait rentable au delà d’un gain économique de 10 M€ par an, ce qui correspond à un taux de rentabilité interne (TRI) de plus de 4. Hors, l’estimation des hypothétiques gains seraient de l’ordre de 7 M€ par an.

En 2006, les équipes du port de Marseille-Fos réactua-lisent à leur tour les deux études précédentes. Les experts confirment les chiffres annoncés en y apportant une ana-lyse plus dynamique des flux, et en actualisant la typologie des trafics attendus, notamment en supprimant un hypo-thétique trafic de marchandises diverses, mais en ajoutant un trafic de déchets qui n’était pas pris en compte. Les hypothèses sont les suivantes : Investissements : 206 M€TRI1 : 5,2%VAN2 : 1,4 M€Durée d’exploitation : 50 ans.Les conclusions du rapport sont claires : « aucun intérêt pour la création de richesse financière, avantages socio-économiques réels. »

1 : Le taux de rentabilité interne (TRI) est un outil de décision à l’inves-tissement. Un projet d’investissement ne sera généralement retenu que si son TRI prévisible est suffisamment supérieur au taux bancaire, pour tenir compte notamment de la prime de risque propre au type de pro-jet. Bercy préconise un TRI supérieur à 8 %.2 : La valeur actuelle nette (VAN) est un flux de trésorerie actualisé représentant l’enrichissement supplémentaire d’un investissement par rapport au minimum exigé par les apporteurs de capitaux.

Business plan pour la réouverture du tunnel du Rove

56 Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

Ce tableau regroupe les gains socio-économiques significatifs. Les prix unitaires ont été calculés grâce à des études précé-dentes, la méthode est à consulter en annexe. On peut ainsi analyser que le gain est produit par 3 sources de revenus : - l’économie de carburant et d’entretien de voirie que représente un trafic fluvial de matériaux et conteneurs, - la fiscalité liée aux nouvelles activités et emplois créés, - les retombées économiques liées au tourisme fluvial.

Le chiffre d’affaire de SEMEXPLOIT provient de 2 sources de revenus : - Les droits de passage liés au trafic du canal, - Les locations des plans d’eau et berges.

Le business plan de SEMINFRA est très correct avec un TRI de 8,7% et une VAN de 368 M€. L’amortissement est calculé sur 50 ans. Il est évident qu’une étude plus fine sur chaque filiale devra être menée pour vérifier les nombreuses hypothèses prises pour cet exercice. Néanmoins, cette démonstration permet de tirer 3 enseignements : • La rentabilité de l’investissement que nécessite la réouverture du tunnel du Rove dépasse les 8 % préconisés par l’état, • Les gains socio-économiques véhiculés par la réouverture de tunnel du Rove représentent la plus grosse part des revenus. Le projet nécessite une gouvernance commune entre le port de Marseille-Fos, affirmé comme acteur local, proprié-taire de l’ouvrage, et les partenaires publics, en particulier locaux. La future Aix Marseille Provence Métropole semble être le bon outil pour ce type de projet. • Le trafic modélisé serait de l’ordre de 2 000 navires par an, 500 pour la logistique, 500 pour les matériaux, et 1000 pour le tourisme fluvial, soit deux fois moins qu’avant l’effondrement. Largement acceptable pour le tunnel qui saturerait à 15 000 passages annuel.Au delà de l’intérêt socio-économique d’un tel projet, la réouverture du tunnel du Rove serait un formidable hommage à tous ceux qui y ont cru il y a plus d’un siècle, serait aussi une magnifique campagne publicitaire pour la métropole nous donnant ainsi le sentiment d’une ambition territoriale retrouvée, portée par l’action publique locale.

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Conclusion : faire ÉMERGER un grand PROJET MÉTROPOLITAIN

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Que va changer la métropole ? Voilà la question que se pose la population. Après avoir assisté a un combat pa-gnolesque de nos élus refusant catégoriquement le nou-vel outil de gouvernance, les citoyens sont en droit de se demander si la métropole va réellement apporter un plus à leur quotidien.

La réponse pourrait se trouver dans des projets d’enver-gures, fédérateurs, comme le canal de Marseille au Rhône. En effet, ce type de projet permettrait de toucher la ma-jeure partie de la population d’une part parce qu’il est situé sur un axe à forte densité urbaine, économique, et naturelle à la fois, et d’autre part parce que la finalité ver-tueuse du projet est de réduire nos émissions de gaz à ef-fet de serre. Ce document permet d’appréhender quel rôle la puissance publique, à travers son outil, le port de Mar-seille, a t-elle jouée. Le territoire s’en trouve transformé. Qu’aurait été le visage de Marseille si l’on avait choisit une extension du port par le sud ? Les calanques serait-elles encore sauvages ? Cassis aurait-il été un port accueillant les plus gros Tanker du monde ? Mais aujourd’hui, l’amé-nageur public est moins présent. La décentralisation qui devait permettre aux territoires de s’émanciper n’a pas eu l’effet escompter pour la région marseillaise. Il faut dire que le contexte local est peu propice à la coopération. Des rivalités entre Aix et Marseille depuis des siècles, des communes grandes et puissantes, ne rentrent pas dans le schéma monocentrique d’une aire métropolitaine. Lyon, a su tirer bénéfice de cet outil, et présente aujourd’hui un visage très attractif. La nouvelle gouvernance métropoli-taine doit sonner le retour d’un pouvoir public actif dans l’aménagement de son territoire. L’ambition perdue que nous avions, et qui faisait de Marseille, à la fin du XIXeme

siècle, le premier port d’Europe, doit être retrouvée. Bien sûr l’époque n’est pas comparable, et avec toute la bonne volonté du monde nous ne ferions jamais ce que nous fai-sions il y a cent an. Mais arrêtons de nous focaliser sur la crise économique, les restrictions, la répression. Nous res-tons un pays, et une région hyper dynamique, les modes de financements sont nombreux pour un projet public. Les fonds européens ne sont jamais utilisés à 100 %, idem pour les contrats Etat/Région, les partenariats publics-privés constituent aussi une solution. Le succès de Aix Marseille Provence Métropole passe obligatoirement par des projets d’envergure.

L’aménagement du territoire est un travail de fond qui s’inscrit dans la durée. Nous avons tendance à vouloir aller trop vite. N’oublions pas que plus 130 ans se sont écoulés entre le début des travaux du premier canal, et la mise en circulation du tunnel du Rove. Et bien plus si l’on ajoute les études préalables aux premiers travaux, et la réalisation du dernier tronçon, le canal de Fos au Rhône. Le pro-jet du canal de Marseille au Rhône nécessite d’abord des études précises relatives à son réel impact sur l’économie du territoire. Ensuite, il faudra connaître de manière plus technique l’ouvrage, pour estimer au mieux les coûts liés à la réouverture du tunnel du Rove et la mise aux normes du gabarit européen de toute la chaîne fluviale. Enfin, le projet devra être concerté par l’ensemble des acteurs, ins-titutions publiques, partenaires privés, riverains. L’infras-tructure dont nous disposons permet de raisonner sur le long terme. L’interruption de la liaison entre Marseille et le Rhône ne doit pas être stigmatisée comme un manque de volonté. Le monde du transport à tellement évolué que la priorité d’hier est devenue secondaire aujourd’hui. Au regard de la situation actuelle, la liaison peut redevenir une priorité pour demain. L’amortissement de l’ouvrage ne se fera peut-être pas en quelques décennies. L’ouvrage, à condition de le rendre utile et donc de l’entretenir, peut traverser les siècles à la manière d’un fleuve. Il faut accep-ter qu’il n’ait pas eu l’essor prévu initialement, accepter les baisses de trafic, sans pour autant l’abandonner. Il est nécessaire de se doter d’outils de planification pour se fixer des objectifs concertés à la manière du plan bleu à Lyon. Ce type d’outil permet l’appropriation du projet par la population, et pérennise sa continuité dans le temps au détriment des changements de gouvernance. Le projet ne doit pas dépendre exclusivement de l’intérêt que lui porte les élus, le territoire doit le faire émerger.

Une prise de conscience collective se diffuse peu à peu, les pouvoirs publics doivent relayer les idées pour trans-former nos modes de vie. La transition est amorcée, peut-être faudra t’il plusieurs dizaines voir centaines d’années avant d’arriver à consommer durablement nos ressources, avant d’atteindre à un meilleur équilibre environnemen-tal et sociétal. Mais que représentent quelques siècles à l’échelle de la vie de notre planète ? Nous avons la chance d’être au départ de ce mouvement, AGISSONS.

Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

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Laure Chaminas, GPMM

«Rien n’est plus PUISSANT qu’une IDÉEdont le TEMPS EST VENU»Victor Hugo

BIBLIOGRAPHIE

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Livres

Revues

Rapports

Sites consultés

Le GRAND CANALde MARSEILLE au RHÔNE enjeu d’avenir

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Annexe pour la réouverture du tunnel du Rove

BUSINESS PLAN SEMEXPLOIT

Droit de passage conteneurs : 1,2€/tonne (chiffres GPMM), et 1 EVP = 10 tonnes soit 12€/EVPDroit de passage matériaux: 1€/EVP (chiffres GPMM)Droit de passage passagers : 2,25€/passager (chiffres GPMM)Amodiation (location pour une durée déterminée d’un quai, plateforme, plan d’eau) : 3€/m² (chiffres GPMM)Plaisance (emplacement pour un bâteau moyen de 6 mètres) : 2 000 € / place (CCIM)Logement (terrain mis à disposition pour du logement) : 3€/m² (idem que amodiation)Loisirs/évènementiel : 0,5€/m² (location ouverte à la négociation avec le partenaire public)

Charges (25 salariés et locaux) : 1 845 000 €/an

Explication des GAINS SOCIO-ÉCONOMIQUES

Gain lié au transport fluvial de conteneursTrois types de trafics conteneurs sont susceptibles d’emprunter le tunnel du Rove Le trafic interbassinEtant donné que le terminal Mourepiane, basé à Marseille est lié au trafic du Maghreb, et que les terminaux de Fos sont liés aux lignes Asie et Amériques, une navette interbassin pourrait livrer les deux sites en fonction de la destination finale de la marchandise. Trafic envisagé : 10 000 EVP (GPMM) Le trafic urbainIl correspond à la desserte urbaine de l’agglomération marseillaise en marchandises provenant de Fos (Asie et Amériques). Le ratio du trafic européen de conteneurs d’hinterland (hors transbordement) rapporté à la population européenne est de 0,8 EVP/hab/an (étude???). Si l’on considère que la moitié est pour l’exportation, un européen «consomme» 0,4 EVP/an. Ce qui veut dire que Marseille consomme 0,4*850 000 = 340 000 EVP/an. Si l’on considère que le moitié de cette marchandise passe par Fos, et que l’on puisse acheminer le quart par barge, on obtient un trafic de 42 500 EVP Le trafic Marseille-Rhône AlpesCe trafic est directement lié au trafic du terminal de Mourepiane et les zones overseas principales qui sont l’Afrique du nord, la méditerrannée orientale et mer noire, le Proche Orient et Moyen Orient. Le terminal Mourepiane a une capacité de 400 000 EVP/an, il en traite environ la moitié actuellement. Trafic envisagé : 20 000 EVP (10% du trafic actuel)En tout, le trafic conteneur estimé serait de 72 500 EVP/an, soit 460 barges/an.

Coût du transport d’un EVP Source ADEME (2000)Différentiel de 61 euros pour 1000 tonnes–km fleuve /routeSource Commission Européenne (2002)Différentiel de 19 euros pour 1000 tonnes-km fleuve /routeSource ports de Paris (2009)Différentiel de 24 euros pour 1000 tonnes-km fleuve/routeNous retiendrons les chiffres plus « prudents » et récents du ports de ParisEn supposant que 1 EVP = 10 tonnes 1 EVP engendre une économie de 0,24 euros par Km.La distance Marseille Fos étant de 50 Km, on obtient : 50*0,24 = 12, soit une gain de 12 euros par EVP. La distance Marseille-Lyon étant de 330 km on obtient : 330*0,24 = 79,2, soit un gain de 79 euros par EVP

Coût de la manutention dans le port avancé et brouettage à rayon de 100 km : Route : 425 €Fleuve : 295 €Soit un gain de 130 €/EVP. (source GPMM) En effet, le transport fluvial bénéficie de tarif avantageux pour être plus concur-rentiel. Ce gain s’applique uniquement au trafic de la vallée du Rhône.

Pollution conteneurs (vallée du Rhône) : 20 000 x (130+79) = 4 180 000 €Pollution conteneurs (trajet Marseille-Fos) : 52 500 x 12 = 630 000 €

Gain lié au transport fluvial de matériaux matériauxSur les 10 MT que consomme le département par an, on considère que la moitié transite par la zone industrielle de Fos, et que la zone en consomme 1 MT. Potentiellement ce sont 4 MT qui peuvent naviguer sur le canal, dont la moitié qui serait consommé dans l’agglomération marseillaise, soit 2 MT. On considère que la distance séparant la zone industrielle de Fos à Marseille est de 50 km. Pour une tonne de matériaux, le gain est de (50*24)/1000= 1,2 €.

En tout, le trafic de matériaux estimé serait de 2 MT/an, soit 500 barges/an.

Pollution Matériaux (trajet Marseille-Fos) : 2 000 000 x 1,2 = 2 400 000 €

Gain lié à l’emploiOn estime que 500 emplois seront créés le long du canal. Chaque emploi rapporte en moyenne 10 000 €/an pour le territoire, et 2 000 €/an de fiscalité.

Gain lié à l’entretien de la voirieLe coût indirect de l’entretien ou de la création des chaussées publiques est évalué à 0,25€ la tonne kilométrique par an (source DDE issue du schéma départemental des carrières de 2007). Le trafic passant par le canal est estimé à 2 725 000 tonnes. Pour simplifier le calcul, on prend comme distance de référence la distance entre Marseille et Fos soit 50 km.Entretien voirie : 2 725 000 x 50 x 0,25 = 34 062 500 €Ce chiffre paraissant excessif, nous lui appliquons un coefficient réducteur de 10.

Gain lié au tourisme fluvialEn 2003, Anthony Vassilev estimait un gain de 1 800 000 € pour un volume de 40 000 passagers, soit une dépense équivalent à 45€/personne. Le nombre actuel de passagers est estimé par VNF à 50 800 personnes par an. Le gain estimé aujourd’hui est de 2 286 000€.

D’autres trafics pourront emprunter le tunnel du Rove comme la filière déchets, ou les colis exceptionnels, mais ils ne repré-sentent pas à l’heure actuelle des filières d’avenir étant donné que le trafic des déchets de MPM se fait à 90% par voie ferrée (en direction du centre de valorisation de déchets de Fos), et que les colis lourds ne représentent pas une opportunité pour la ville.D’autres gains socio-économiques peuvent s’ajouter comme la valeur du temps gagné par la décongestion des réseaux rou-tiers, ou la sécurité routière, mais il est, à ce niveau d’études, trop difficile d’en estimer l’impact.

BUSINESS PLAN SEMINFRA

Investissement travaux : 290 M€ répartit sur 5 ans.Aménagement : aménagement de 4 plateformes logitiques et 3 plateformes matériaux bords à voie d’eau de 50 000 m². Achat du foncier estimé à 40€/m², viabilisation plateforme et quai estimée à 200 €/m². Coût d’une plateforme : 12 M€. Total de l’aménagement : 84 M€ répartit sur 5 ans.Entretien du tunnel : 800 000 €/an à compter de la fin des travaux.Fonctionnement : 10 salariés.

COMPETENCES COLLECTIVITES en vue de leur participation

FEDER PACA Axe 5 - développer les modes de transport alternatifs Axe 1 -promouvoir l’innovation et l’économieCPER PACA Améliorer l’accessibilité de la régionCompétences état EmploiCompétences Région Modes doux, sport, cultureCompétences Département Transport, Tourisme, randonnées, centres de loisirsCompétences Communes Habitat, urbanisme

Laurent Ballesta, Une vie dans le port de Marseille