le désherbage du chéno- - cobionat

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Organisée par la commission « éthique sanitaire et humain » le 16 no- vembre 2015, quelques coopérateurs ont fait la visite de la ferme de Franck et Amandine Boyer, maraîchers bio à Barjols. Ces trentenaires ont pris conscience de la né- cessité de changer de vie à la naissance de leur fils (quatre ans aujourd’hui) et ont quitté leur vie ur- baine de Nice en même temps que des métiers qui ne les rendaient plus heureux. Ils ont acquis au bord de la rivière l’Eau Salée, à Barjols, 6 hec- tares de terre, dont 2 cultivables et 4 de pentes boisées, avec un petit cabanon et une citerne. Après une formation diplômante en CFPPA horticole-maraîchage, Franck a obtenu son Brevet Professionnel. Ce diplôme, bien que non obli- gatoire pour démarrer une activité agricole, est en revanche nécessaire pour accéder aux aides de l’Etat et à la Dotation Jeunes Agriculteurs.

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Page 1: Le désherbage du chéno- - Cobionat

Organisée par la commission « éthique sanitaire et humain » le 16 no-vembre 2015, quelques coopérateurs ont fait la visite de la ferme deFranck et Amandine Boyer, maraîchers bio à Barjols.

Ces trentenaires ontpris conscience de la né-cessité de changer de vieà la naissance de leur fils(quatre ans aujourd’hui)et ont quitté leur vie ur-baine de Nice en mêmetemps que des métiersqui ne les rendaient plusheureux. Ils ont acquis aubord de la rivière l’EauSalée, à Barjols, 6 hec-tares de terre, dont 2 cultivables et 4 de pentes boisées, avec un petitcabanon et une citerne.

Après une formation diplômante en CFPPA horticole-maraîchage,Franck a obtenu son Brevet Professionnel. Ce diplôme, bien que non obli-gatoire pour démarrer une activité agricole, est en revanche nécessairepour accéder aux aides de l’Etat et à la Dotation Jeunes Agriculteurs.

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Au bord de l’Eau Salée - qui est vraiment salée - se succèdent sur les 2hectares cultivables 4 grands abris : des serres-tunnels non chauffées,de 400 m 2 chacune (50m x 8m). On y trouve en cette époque automnaleblette, fenouil, cébette, chou chinois, chou pack choï, carotte, mesclun etencore quelques retardataires de l’été : courgette, tomate, aubergine, ha-ricot vert, …

Comme la pluie ne pénètre pas sous les serres, et que l’évaporation yest rapide, des asperseurs assurent l’arrosage. Au regret des deux maraî-chers, l’eau utilisée est actuellement l’eau de la ville. Ils préfèrent ne pasutiliser l’eau salée de la rivière voisine, qui risquerait de stériliser un soldans lequel ils s’efforcent de stimuler la vie. Ils espèrent pouvoir bientôteffectuer un forage pour devenir autonomes en eau.

En été, afin de limiter l’échauffement solaire et d’éviter que la tempé-rature n'y atteigne les 50°C, les épais plastiques des serres-tunnels (200microns d’épaisseur = 5 ans de vie, contre 100 microns d’épaisseur = 2 ansde vie... en théorie) sont badigeonnés et blanchis à la chaux. Cette astucelimite aussi le vieillissement de ces plastiques soumis à de forts rayonne-ments, car leur remplacement est une opération fastidieuse et coûteusequi nécessite l’intervention d’une mini-pelle : ils sont enterrés le long destunnels à 60 cm de profondeur !

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Le désherbage du chéno-pode, de l’amarante et desautres adventices, repré-sente 40% du temps de tra-vail !

Afin de lutter contre le re-tour de l’herbe, des essais decouverture avec de la toile dejute ont été réalisés, mais sesont révélés peu fructueux àcause de la décompositiontrop rapide de la jute. La so-lution qui a été temporaire-ment retenue est l’utilisationde bandes de toile horticole,percées à la demande enfonction des diamètres etdes espacements des plants,et réutilisées pendant 10 ans (pérennité nécessite aussi entretien etstockage).

Des « faux » semis sont également effectués : les planches de culturesont préparées exactement comme si elles allaient être mise en place :préparation du sol, arrosage, ... mais sans aucun légume ! Les graines desadventices se développent alors et une fois détruites, cette ruse permetaux maraîchers de semer ou planter des légumes dans un sol contenantconsidérablement moins de graines, ce qui leur économise à la clé beau-coup de temps de désherbage.

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Ceci sans oublier lefameux pousse-poussemultifonctions très ergono-mique, sur lequel on peutadapter plusieurs outils quifacilitent le désherbage etle travail léger du sol(sarclage, …) sans se fairemal au dos.

En plein champ, « au boutdu monde cultivé » ontrouve sur 800 m² despoireaux dont la récolte adéjà en partie commencé,et des carottes en fin derécolte, sous voile d’hiver-nage (un voile très fin et poreux dénommé P17, pour 17g/m²).

Dans l’optique de protéger lesol (rayonnement solaire, éro-sion), limiter les pertes en eauet le désherbage, mais aussipour remplacer les bandes detoile horticoles plastiques,Franck et Amandine projettentde généraliser la technique dupaillage.

Les déchetteries livrent bienà domicile (gratuitement, tantles stocks augmentent - mais àraison de 150 tonnes minimum)des déchets verts broyés etcompostés, mais finalementcette matière se révèle bientrop polluée par des plastiquesdivers pour être épandue dans

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les champs.

C’est le fameux ma-raîcher-pépiniéristebio Maurice Audier, àAix-en-Provence, quifournit pour l’instantles plants. Les Boyerviennent de mettre enplace une pépinièrefroide dans une cin-quième serre pour pro-duire eux-mêmes cer-tains plants. Ils pro-jettent de la doterd’un chauffage passif(nécessaire pour lessemis les plus pré-coces) afin d’être lesplus autonomes pos-sible en plants. La nouvelle pépinière abrite déjà ses premiers semis deroquette, épinard et de mesclun.

Un autre projet pour cet hiver consiste à établir un poulailler, bordé dehaies nourricières (composées d’arbustes produisant des baies : amélan-chier, baguenaudier, argousier, ...). Pour attirer les oiseaux seront plantéségalement sureaux et eleagnus. Un bassin de recueil des eaux de pluiearrivant de la colline est en cours d’aménagement pour favoriser labiodiversité et la richesse du milieu.

À propos de biodversité, puisque les bois sont tout proches, les san-gliers sont tenus à distance des cultures par les clôtures mais surtout parles deux chiennes, Jobi et Joba - très sympathiques par ailleurs

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Sans se revendiquer ducourant biodynamique,Franck et Amandine pla-nifient leurs séquences detravail en fonction ducalendrier lunaire et uti-lisent des extraitsfermentés (les « purins »)d’ortie et de consoudepour mettre toutes leschances réussite de leurcôté.

Paillage, biodiversité, mare, plantation d’arbres fruitiers dans lescultures, chauffage passif, autonomie, réduction du plastique, utilisationd’outils sans pétrole, outils faits maison : l’agroécologie et la permacul-ture transparaissent dans toute l’organisation de la ferme, même si toutn’est pas encore en place. Il ne faut pas l’oublier, ils en sont seulement àleur deuxième saison de culture !

Dans leur mode de vie au grand air (cuisine d’été, grande terrasse cou-verte conviviale et, en attendant l’agrandissement du cabanon... logementen mobil’home), ils accueillent volontiers des bénévoles qui leur donnent uncoup de main le matin en échange du gîte et du couvert (« woofers ») :

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Toute leur production est vendue (les rares denrées non valorisées ali-mentent les Restos du Cœur et, en dernier ressort, le compost) surquatre points de vente :

- le marché de Barjols le dimanche,- le marché de Salernes le mercredi,- Biopaïs à Cotignac (magasin collectif qui regroupe 18 producteursbio et locaux en maraîchage bien sûr, viande, fromage, vin, miel, ...)- et Cobionat à Salernes.

À leurs débuts en 2013, ils avaient initié la vente sur place, « à laferme » (qui est donc aussi leur lieu de vie), mais le non respect des ho-raires et des jours d’ouverture par les visiteurs ne permettait plus deménager leur vie de famille et leur temps de repos, déjà bien accaparépar le travail lui-même.

Outre la nécessité d’accroître leurs volumes de production, d’autresperspectives sont envisagées, notamment celle de la transformation : cou-lis de tomate, chutney de courge et caviar d’aubergine seront condition-nés sur place lorsqu’un laboratoire le permettra.

Les idées ne manquent pas, ni l’énergie ni l’enthousiasme, pour ces re-convertis et courageux jeunes parents, que soutiennent et emmènentleurs convictions.

Texte : Agnès et William. Photos : Céline et William