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Le dépistage du cancer du sein :

un enjeu de santé publique

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Coordonné parBrigitte Séradour

Le dépistage du cancer du sein :un enjeu de santé publiqueDeuxième édition

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ISBN-13 : 978-2-287-39694-6 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

© Springer-Verlag France, Paris, 2004, 2007Imprimé en France

Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, latraduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’en-registrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banquesde données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproductionintégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation,reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnéepar la loi pénale sur le copyright.

L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sansspécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection desmarques et qu’ils puissent être utilisés par chacun.

La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modesd’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature exis-tante.

SPIN : 11855989

Maquette de couverture : Jean-François Montmarché

Brigitte Séradour

Association ArcadesHôpital de la TimoneBat.FRue Saint-Pierre13005 Marseille

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ALLIOUX Corinne Association MADAMEBP 96531 44265 Nantes Cedex 02

ANCELLE-PARK Rosemary Institut national de veille sanitaire Département maladies chroniques et traumatismesDépistage des cancers12, rue du Val d’Osne 94415 Saint-Maurice

ASAD-SYED Maryam Institut BergoniéService de radiodiagnostic229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex

BARREAU Béatrice Axular radiologie - Centre Futura62, avenue de Bayonne64600 Anglet

de WOLF Chris Cellule Développement et perspective auprès de la Direction Générale de la Santé20, rue des Caroubiers 1205 Genève, Suisse

DIGABEL-CHABAY Christine Association Cap Santé Plus 4414, rue Albert Dory44300 Nantes

Liste des auteurs

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DILHUYDY Marie-Hélène Institut BergoniéService de radiodiagnostic229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex

ESTÈVE Jacques Site Lacassagne Service de biostatistique162, avenue Lacassagne 69424 Lyon Cedex 3

GAIRARD Béatrice Association pour le Dépistagedes Maladies du sein (ADEMAS)69, route du RhinBP 90314 67411 Illkirch

GRUMBACH Yves CHU Hôpital NordPlace Victor-Pauchet80054 Amiens Cedex 1

HAEHNEL Pierre 18, rue du 22 Novembre67000 Strasbourg

HEID Patrice Association ARCADESHôpital de la TimoneBat. FRue Saint-Pierre 13385 Marseille Cedex 5

NOËL Alain Centre Alexis-VautrinUnité de radiophysique médicaleRoute de Bourgogne54511 Vandœuvre-les-Nancy

KOSCIELNY Serge Institut Gustave Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex

MARCHESSOU Philippe 29, avenue des Vosges67000 Strasbourg

QUINZIN Claire Centre René-Gauducheau Boulevard Jacques-Monod 44805 Nantes - Saint-Herblain Cedex

6 Le dépistage du cancer du sein

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SANCHO-GARNIER Hélène Épidaure CRLC Val d’Aurelle 208, rue des ApothicairesParc Euromédecine 34094 Montpellier Cedex 2

SCHARPANTGEN Astrid Programme MammographieVilla LouvignyAllée Marconi L-2120 Luxembourg

SÉRADOUR Brigitte Association ARCADESHôpital de la TimoneBat. FRue Saint-Pierre13005 Marseille

TARDIVON Anne Institut CurieService de radiologie26, rue d’Ulm75248 Paris Cedex 05

TUBIANA Maurice Centre Antoine-BéclèreFaculté de médecine45, rue des Saints-Pères 75006 Paris

VALENTIN Fabienne Institut BergoniéService de radiodiagnostic229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex

Liste des auteurs 7

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Préface de la deuxième édition............................................................................................. 11Préface de la première édition............................................................................................... 13

Histoire naturelle du cancer du sein ............................................................................ 17M. Tubiana et S. Koscielny

Incidence et mortalité du cancer du sein en France.Quelle relation avec le dépistage ? ................................................................................... 41

J. Estève

Principes généraux du dépistage :application au cancer du sein ............................................................................................... 53

H. Sancho-Garnier

Les programmes de dépistage du cancer du sein dans les différents pays ................................................................................................................. 63

C. de Wolf, B. Gairard et A. Scharpantgen

Le programme de dépistage français :historique et premier bilan de la généralisation............................................. 71

B. Séradour

La mammographie de dépistage ....................................................................................... 87C. Digabel-Chabay, C. Quinzin et C. Allioux

Le contrôle qualité en mammographie ..................................................................... 99P. Heid et A. Noël

Sommaire

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Les images détectées ......................................................................................................................... 115A.Tardivon

Le suivi des femmes dépistées :classification des images détectées et conduite à tenir ........................... 131

M-H. Dilhuydy, F. Valentin et M. Asad-Syed

L’évaluation du programme de dépistage du cancer du sein .......... 147R. Ancelle-Park

Indications de la mammographie en dehors du dépistage organisé du cancer du sein ................................................................. 157

C. Digabel-Chabay, M.-H. Dilhuydy, Y. Grumbach et B. Séradour

La communication vers les femmes et leur information ..................... 171B. Barreau

La responsabilité encourue dans le cadre du dépistage du cancer du sein ................................................................................................................................. 185

P. Haehnel et Ph. Marchessou

10 Le dépistage du cancer du sein

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Quinze années se sont déroulées entre les premières expérimentations de dépistageorganisé du cancer du sein en 1989 et la généralisation du programme à l’ensembledu territoire national en 2004. Le dépistage organisé du cancer du sein est actuelle-ment en France un programme exemplaire et unique, de par son ampleur et sesenjeux, parmi les programmes de dépistage. En effet, le cancer du sein est en Francele cancer le plus fréquent avec plus de 40 000 nouveaux cas annuels ainsi que lapremière cause de mortalité par cancer avec près de 12 000 décès annuels. Parailleurs, la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein constitue pour laFrance une démarche tout à la fois ambitieuse et exemplaire en y associant étroite-ment les professionnels de santé (au premier chef les radiologues et les gynéco-logues), mais également l’administration sanitaire et sociale (directions régionalesdes affaires sanitaires et sociales), l’Assurance maladie et les acteurs de terrain quesont les structures de gestion du dépistage.

Ce programme aborde maintenant une phase de développement plus complexeoù la nécessité de concilier les objectifs ambitieux de participation des femmes audépistage, de qualité des actions mises en œuvre et de contrôle des coûts, doiventse conjuguer avec les indispensables évolutions organisationnelles qu’impliquentnotamment un changement d’échelle pour le dépistage du cancer du sein, denouvelles dispositions réglementaires et l’arrivée de nouvelles technologies.

Je tiens ainsi à rendre hommage à tous les acteurs, et notamment aux acteurs deproximité œuvrant dans les structures de gestion et sur le terrain, mais aussi auxprofessionnels de santé qui ont cru et qui se sont engagés depuis des années sans sedécourager pour mettre en place sur le continent européen un programme originalcar décentralisé, en sachant s’adapter aux spécificités du système de santé français.Cet engagement de tous s’est retrouvé au niveau national, marqué par la coopéra-tion exemplaire qui s’est établie au sein du Groupe technique national présidéjusqu’à la fin de l’année 2005 par le docteur Brigitte Séradour, groupe dont je tiensà remercier les membres pour l’excellence de leur travail qui a permis de faire

Préface de la deuxième édition

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progresser le programme dans ses aspects techniques, qualitatifs et organisation-nels. Cette collaboration s’est traduite par la rédaction d’un cahier des chargesactualisé très complet qui sera publié dès cette année. Grâce au travail de toutes etde tous, et même si beaucoup d’efforts restent à accomplir, un dépistage de qualitéest maintenant accessible à toutes les femmes concernées. Le plan Cancer repris parla loi de santé publique du 9 août 2004 a renforcé et structuré l’élan qui a permisla généralisation et la pérennité du dispositif.

À cette phase de mise en place du programme de dépistage organisé succèdemaintenant une phase de développement et de consolidation dont le pilotage estassuré conjointement par l’Institut national du cancer (INCa) et la direction géné-rale de la Santé. La participation croissante de la population, de 33 % en 2003 à45 % en moyenne en 2005, doit encore être améliorée, notamment en obtenantl’adhésion des femmes non ou insuffisamment dépistées et de celles ayant recoursau dépistage individuel. C’est un enjeu majeur qui nécessitera une implicationencore plus grande des professionnels et des associations, afin de relayer lescampagnes d’information auprès des femmes. Parallèlement, aux doutes quecertains expriment sur de possibles effets délétères consécutifs à un excès dediagnostic, des réponses claires et appropriées doivent être apportées sans délai à lapopulation et aux professionnels de santé, sur la base de l’expertise apportée parl’INCa.

La réussite du dépistage organisé dépend de l’engagement de tous les profes-sionnels dont je tiens une nouvelle fois à saluer la mobilisation. Une politique activeen faveur du dépistage organisé n’a d’intérêt que si elle s’inscrit dans une démarched’amélioration globale de notre système de santé visant à mieux articuler dépistageet prise en charge rapide des personnes dépistées.

L’actualisation de cet ouvrage collectif, passionnant et à forte valeur pédago-gique, outre qu’elle permet de faire le point sur les progrès réalisés, met en évidencela nécessité d’une constante vigilance en termes d’expertise, de veille scientifique etd’évaluation afin d’améliorer les conditions, la qualité et l’efficacité du dépistageorganisé. Que ses auteurs et particulièrement son auteur principal, Brigitte Séra-dour, soient vivement remerciés de leur contribution qui permet de disposer d’unouvrage national de référence dans un domaine majeur de la santé publique.

Didier HoussinDirecteur général de la Santé

Août 2006

12 Le dépistage du cancer du sein

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Le Plan de Lutte contre le Cancer présenté le 24 mars 2003 par le Président de laRépublique doit contribuer à rééquilibrer la place de la prévention dans notre stra-tégie globale de lutte contre le cancer. L’information, la sensibilisation auxconduites à risques sont des composantes essentielles de l’action engagée. Danscette politique, le dépistage qui doit permettre la détection précoce des tumeurs àun stade où les chances de guérison sont les plus élevées, est tout aussi essentiel.

Dans notre pays, le cancer du sein entraîne plus de 11 000 décès par an. Réduirela mortalité liée à cette maladie est donc un véritable enjeu de santé publique. Lagénéralisation du dépistage organisé du cancer du sein, qui doit y répondre, s’im-pose par conséquent aujourd’hui clairement. Mais la mise en œuvre d’une politiquede dépistage ne s’improvise pas. Elle est même d’une exigence particulière et chacundes acteurs trouvera dans ce remarquable ouvrage les fondements de cette exigence.

Il faut bien intégrer que le dépistage s’adresse à des personnes en bonne santéet qu’il s’agit d’identifier le petit nombre d’entre elles qui devront subir des examenscomplémentaires. L’importance des bénéfices dépend donc de la participation de lapopulation dans laquelle se trouve le plus de bénéficiaires potentiels. Le programmenational, tenant compte des données scientifiques internationales, prévoit ainsid’inclure les femmes appartenant à la tranche d’âge allant de 50 à 74 ans. Efficacitéet équité imposent de faire participer au programme le plus de personnes possiblesdans cette tranche d’âge, tout en respectant le principe incontournable du volonta-riat. L’on comprend bien, dès lors, dans un système de santé libéral, l’importancede l’information et de la communication, question qui fait légitimement l’objetd’un chapitre entier de cet ouvrage.

La seconde exigence d’une politique de dépistage est de s’inscrire dans unprocessus de suivi assurant la connexion avec le soin. L’articulation entre la préven-tion et le soin est, d’une manière générale, un impératif pour notre système desanté. Elle est essentielle au dépistage qui, naturellement, se situe à l’interface.Comme la prévention, il s’adresse en effet à des personnes n’ayant pas de signescliniques de la maladie. Comme les soins, il fait appel à un examen médical et peut

Préface de la première édition

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constituer le premier acte d’une prise en charge du cancer, même si, fort heureuse-ment, dans la majorité des cas, l’examen vient confirmer que tout va bien. Le dépis-tage doit donc s’inscrire dans le système de santé et être organisé de telle sorte qu’ilpuisse effectivement sauver les vies de quelques uns, sans soumettre à unecontrainte inutile l’ensemble de ceux qui n’en tireront pas de bénéfice direct.

La qualité de l’organisation du dépistage et sa capacité d’adaptation au contextegénéral du système de santé dans lequel il s’inscrit, sont donc des composantes cléspour atteindre les objectifs visés. Les chapitres consacrés aux programmes de dépis-tages dans les différents pays et en France montrent bien l’originalité duprogramme français qui, faisant appel aux structures médicales existantes, se déve-loppe dans un contexte où le dépistage individuel a atteint une importance consi-dérable. Le nouveau cahier des charges met ainsi en cohérence le programme dudépistage organisé et les pratiques existantes du dépistage individuel.

Programme original dans son organisation, le programme français dont lesbases méthodologiques d’assurance qualité sont conformes aux références euro-péennes est de ce fait parfaitement intégré dans une politique de santé européenne.

L’historique du programme de dépistage du cancer du sein en France illustrebien l’importance, en ce domaine comme en beaucoup d’autres, de l’expérimenta-tion. Le Comité National de Pilotage puis le Groupe Technique présidé par ledocteur Brigitte Séradour ont effectué un remarquable travail d’analyse et d’élabo-ration sur la base des expérimentations d’un cahier des charges auquel doivent seconformer aujourd’hui l’ensemble des acteurs. S’il apparaît encore contraignant àcertains, ils trouveront dans cet ouvrage tous les éléments qui justifient qu’il ait étéretenu. Les différents chapitres éclairent pleinement sur la nécessité d’une assurancequalité à chaque étape, de la détection de l’image radiologique à la prise en charge,qualité qui conditionne les bénéfices que la population pourra tirer du dépistage.

Le programme français de dépistage du cancer du sein est ambitieux. Il estl’aboutissement d’une démarche structurée. Son ampleur et la réussite de la colla-boration entre l’État, les caisses d’assurance maladie et les professionnels en font unprogramme de santé publique exemplaire intégrant, et c’est essentiel, le suivi desindicateurs précoces et des indicateurs d’impact. Le chapitre consacré à l’évaluationdécrit bien l’ensemble de ces indicateurs qu’il est impératif de mesurer chaqueannée pour vérifier que le programme propose aux femmes un niveau de qualitémaximal.

Annoncé dans le Plan Cancer comme l’une des mesures phares de l’année 2003,la mise en place du dispositif de dépistage sera effective dans l’ensemble des dépar-tements. Une accélération considérable se sera ainsi produite puisqu’en débutd’année on comptait moins de 50% de départements impliqués. Il fallait pour cefaire que soient réunies trois conditions : la volonté politique, le financement, lamise en place d’une organisation adéquate. Aujourd’hui, l’engagement politique aété exprimé au plus haut niveau de l’État, le financement a été assuré et l’organisa-tion, après les diverses phases expérimentales indispensables, est d’ores et déjàopérationnelle dans la majorité des départements. Mais surtout, le succès du dépis-tage organisé dépend de l’engagement des professionnels. Je tiens à saluer leur

14 Le dépistage du cancer du sein

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remarquable mobilisation. Leur adhésion à ce programme contribue, au delà dudépistage, à améliorer la qualité globale de notre système de santé.

Ce livre vient donc à point nommé. Que les auteurs en soient remerciés et toutparticulièrement Brigitte Séradour qui voit aujourd’hui le fruit des expérimenta-tions diffuser largement sur une base qu’elle a grandement contribué à élaborer.

Jean-François MatteiMinistre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées

Août 2003

Préface 15

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L’histoire naturelle d’un type de cancer a pour objectif de reconstituer son évolu-tion depuis sa naissance jusqu’à son émergence clinique, puis celle de ses méta-stases. L’événement le plus important de cette longue histoire est la disséminationmétastatique à distance. En effet, avant qu’elle ne survienne, le cancer est unemaladie locorégionale curable par un traitement local : chirurgie ou radiothérapie ;après qu’elle a eu lieu, le cancer est devenu une maladie généralisée dont le traite-ment est beaucoup plus aléatoire. Une caractéristique essentielle de l’histoire natu-relle d’un type de cancer est donc la taille de la tumeur primitive au moment de ladissémination. Il faut également analyser les facteurs influençant cette taille, c’est-à-dire les facteurs pronostiques. Enfin, il faut considérer les étapes anatomiques dela dissémination métastatique, car les théories que l’on a pu avoir à leur sujet ont,depuis le XIXe siècle, influencé la stratégie thérapeutique.

L’histoire naturelle du cancer du sein chez la femme a longtemps été unique-ment qualitative. Ce n’est qu’avec l’analyse statistique de vastes séries de ce cancer,au moyen de nouvelles méthodologies statistiques, qu’on a pu obtenir des donnéesquantitatives sur la vitesse de croissance des différents sous-groupes de tumeurs, larelation entre la taille de la tumeur et les probabilités d’envahissement des ganglionslymphatiques et de dissémination à distance, ainsi que l’influence des différentsfacteurs pronostiques (nombre de ganglions envahis, grade histopathologique) surces tailles (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8). Grâce aux progrès de la biologie moléculaire et dela génomique, de nouveaux facteurs pronostiques ont été introduits mais leur étudeest difficile quoique pleine de promesses. Par ailleurs, le rôle des récidives locales apu être quantifié (9).

De longs délais séparent la naissance du cancer mammaire et le moment oùcelui-ci devient décelable cliniquement, mais malgré les variations importantesde la taille de la tumeur primaire au moment de la dissémination métastatiqueen fonction des caractères biologiques et cliniques de la tumeur, il est possible

Histoire naturelle du cancer du seinM. Tubiana1 et S. Koscielny2

1. Directeur honoraire de l’institut Gustave-Roussy (Villejuif).2. Docteur ès science, biostatisticien à l’institut Gustave-Roussy (Villejuif).

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d’estimer la proportion de disséminations métastatiques qui pourraient être évitéesen diagnostiquant les cancers plus précocement grâce aux examens de dépistage.

Les résultats exposés ci-dessous sont fondés sur l’analyse d’une série de plus de7000 malades traités et suivis prospectivement depuis 1953 (2, 3, 6, 8), et traitésavant l’introduction de la chimiothérapie adjuvante (1975) dont l’effet aurait pumodifier l’histoire naturelle. L’analyse de ces cas a débuté en 1975, à Villejuif. Nousn’évoquerons que brièvement ici la méthodologie statistique qui a été exposée dansplusieurs publications (2, 3, 9). Les conclusions de ces travaux ont été largementconfirmées par les résultats d’autres équipes que nous ne ferons que citer (4, 7, 10).L’application de modèles construits à partir de ces données explique l’efficacité dudépistage (11,12). Les données numériques doivent néanmoins être considérées avecprudence, car les calculs font l’hypothèse d’une efficacité très grande du dépistage.Des études complémentaires sont indispensables surtout chez les femmes jeunes(< 50 ans) chez qui l’identification de l’image est plus difficile en raison de l’opacitédu sein.

L’introduction du concept de cellules souches tumorales a récemment ouvert denouvelles perspectives.

Naissance d’un cancer du seinLe cancer du sein naît au niveau des cellules de la partie terminale des canalicules(13). Une série de lésions bénignes a été décrite ; celles-ci constituent vraisembla-blement les étapes successives de l’évolution des lésions précancéreuses : hyperpla-sie simple, c’est-à-dire une augmentation modérée du nombre d’assises cellulaires,hyperplasie atypique où, à l’augmentation nette de l’épaisseur des lésions,s’ajoutent des anomalies cytologiques, enfin cancer in situ, c’est-à-dire proliférationanarchique avec respect de la membrane basale. L’étape finale est celle du passagedu cancer in situ au cancer invasif. Chacun des passages d’une étape à la suivanteest peu fréquent, ce qui explique que seule une petite proportion des lésionsprogresse jusqu’au stade de cancer invasif (13).

Par exemple, des autopsies effectuées au Danemark sur des jeunes femmesmortes accidentellement ont montré chez 20 % d’entre elles la présence d’un cancerin situ, alors que la fréquence cumulée des cancers invasifs du sein est d’environ5 %. Parallèlement, les femmes chez qui une biopsie montre des lésions d’hyper-plasie atypique ont un risque quatre fois plus grand que les autres d’avoir un cancerdu sein. Ce risque est plus faible, d’environ deux fois, chez les femmes atteintes demastopathie bénigne de type maladie fibrokystique (13).

Évolution cliniqueIl est peu de cancers humains dont l’évolution soit aussi variable et apparemmentaussi imprévisible que celle du cancer mammaire. Parfois la maladie est

18 Le dépistage du cancer du sein

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foudroyante (14). En quelques mois, ou même quelques semaines, un nodule àpeine perceptible à la palpation atteint un volume notable ; malgré un traitementchirurgical précoce et radical, la tumeur récidive localement, résistant à toutes lesthérapeutiques ; des métastases à distance apparaissent et la malade meurt enquelques mois. Inversement, tous les médecins ont connu des malades qui pour desraisons diverses refusent longtemps toute intervention. La tumeur grossit lente-ment, paraît même parfois rester stable pendant plusieurs années. Quand la malade,enfin, se décide à faire faire l’exérèse d’une masse devenue gênante par son énormevolume, à la surprise générale, la tumeur peut ne pas récidiver et la malade vivresans métastase.

Classer les premières en formes malignes, avec poussée évolutive, et les secondesen formes « bénignes » a le mérite de poser le problème mais n’apporte aucuneréponse. S’agit-il de deux ou plusieurs maladies distinctes par leur étiologie et leurévolution (15) ou des extrêmes d’une distribution continue allant des formes les plusmalignes à celles ayant l’évolution la plus lente? Faut-il expliquer ces différences parles caractéristiques de la relation hôte-tumeur ou par celles de la tumeur (14)? Cesdiscussions ne restent pas académiques, car elles ont des implications cliniques. Parexemple, dans les formes dites évolutives, la constatation d’un délai très bref entrel’intervention chirurgicale et l’apparition des métastases fit naître l’hypothèse quel’intervention provoquait la dissémination métastatique et donc qu’il fallait refroidirla tumeur avant de l’opérer, attitude dont on sait, maintenant, qu’elle est dépourvuede fondement. Cependant, ces théories eurent l’intérêt de provoquer des contro-verses, donc de stimuler les recherches. Les tentatives pour caractériser ou modifierd’hypothétiques relations hôte-tumeur suscitèrent ainsi des études fécondes surl’immunologie tumorale et les immunomodulateurs. Les théories sur les pousséesévolutives conduisirent à mesurer la vitesse de croissance (1, 5, 16, 17, 18) et stimu-lèrent l’analyse des facteurs pronostiques, d’autant que l’introduction vers 1976 dela chimiothérapie adjuvante nécessita que soient définis les groupes à risque chezlesquels l’administration de chimiothérapie était justifiée. Le nombre de ganglionsaxillaires envahis, le grade histologique, le stade clinique furent ainsi identifiés enanalyse multivariée comme ayant la plus grande valeur prédictive (4, 7, 20, 21, 22).

Parallèlement, les réticences des malades devant une intervention aussi mutilanteque la mastectomie radicale d’Halsted firent s’interroger sur son bien-fondé. D’autres,tel Lister lui-même, avaient pratiqué avant Halsted une mastectomie avec curage axil-laire. Le but de l’élargissement préconisé par Halsted était de faire l’exérèse des plexuslymphatiques le long des muscles pectoraux, car il pensait que ceux-ci constituaientla voie de dissémination métastatique. Pour lui, les cellules malignes migraientd’abord jusqu’aux ganglions axillaires puis, éventuellement, de là par voie sanguine,jusqu’aux lieux de métastases. Cette thèse n’a commencé à être discutée que quand lesuccès des interventions conservatrices fit douter de la nécessité d’une interventionaussi radicale (23). Nous allons voir qu’on doit maintenant la rejeter.

Histoire naturelle du cancer du sein 19

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Taille de la tumeur au moment de la dissémination métastatiqueAnalyser la probabilité de dissémination métastatique en cours de la croissancetumorale est, nous l’avons vu, l’objet essentiel des recherches sur l’histoire naturelle(1, 2, 3, 5, 8, 23, 24, 25). Pour y parvenir nous avons utilisé une méthode simple (2),inspirée des recherches effectuées en cancérologie expérimentale (26). Après avoirgreffé une tumeur sur une patte de souris, on procède, à intervalles régulierspendant la croissance de la tumeur, à l’amputation de cette patte chez quelquesanimaux. En surveillant ceux-ci, on établit chez combien d’entre eux des métastasespulmonaires avaient été initiées avant l’amputation. On peut donc connaître la rela-tion entre la taille de la tumeur et la probabilité de dissémination métastatique.Pour divers types de cancers expérimentaux, on a ainsi montré que lorsque latumeur est petite, il n’y a pas de dissémination, puis qu’à partir d’une certaine taillela proportion d’animaux porteurs de métastases croît et atteint rapidement 100 %.Il existe donc une taille critique à partir de laquelle s’effectue la dissémination.Nous avons effectué le même type d’étude sur les cancers du sein. En effet, si la taillede la tumeur a été notée au moment du traitement initial et si, d’autre part, lesmalades ont été ensuite suivies suffisamment longtemps pour que toutes les méta-stases aient eu le temps d’atteindre une taille détectable, on peut déterminer pourchaque taille de tumeur la proportion de celles-ci ayant donné naissance à unemétastase préalablement au traitement (2).

Le V50, taille pour laquelle la moitié des tumeurs ont initié une disséminationmétastatique, a été mesuré sur l’ensemble des cancers du sein traités à l’institutGustave-Roussy de 1953 à 1975 (fig. 1), qu’il y ait eu ou non des métastases clini-quement détectables au moment du diagnostic initial (2). Aucune de ces malades

20 Le dépistage du cancer du sein

Figure 1 - Relation entre le diamètre de la tumeur mammaire et la probabilité de dissémina-tion métastatique (en coordonnées semi-logarithmiques). Pour comparaison, à gauche, rela-tion entre le diamètre d’une tumeur expérimentale de la souris et la probabilité de dissémi-nation métastatique.

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n’avait reçu de chimiothérapie adjuvante puisque celle-ci n’a été introduite dans lesprotocoles qu’en 1975. Depuis cette date, il n’est plus possible d’évaluer le V50.

Les travaux initiaux ont été effectués sur l’ensemble des malades en y incluantles malades chez lesquels des métastases avaient été découvertes lors du bilan initialainsi que les malades chez qui la tumeur n’avait pas été détruite par le premier trai-tement comme en témoignait l’existence d’une récidive locale. Quand nous avonsmontré que la tumeur résiduelle ainsi que les récidives locorégionales peuvent êtreà l’origine d’une proportion non négligeable de métastases (9), l’étude a été reprisesur les malades n’ayant pas présenté de récidive locale au cours du suivi post-théra-peutique (fig. 2). Cette correction a légèrement augmenté la taille moyenne de latumeur au moment de la dissémination métastatique (le V50 est passé de 3,5 à3,8 cm). Le rôle des récidives locales dans l’apparition des métastases a, depuis, étéconfirmé par d’autres groupes (27).

Influence des facteurs pronostiquesPour comprendre la grande variabilité des tailles lors de la dissémination métasta-tique, nous avons analysé l’influence des facteurs pronostiques disponibles pour lesmalades de cette série.

Histoire naturelle du cancer du sein 21

Figure 2 - Relation entre le volume clinique de la tumeur (en coordonnées logarithmiques)et la proportion de métastases (en coordonnées probit). Chaque symbole correspond à ungroupe de patients : malades sans récidive locale, malades avec récidive locale, ■■ maladesavec métastases découvertes au moment du diagnostic. Les pentes des courbes des maladesavec métastases synchronomes étant apparu pendant les vingt années après traitement initialmais sans récidive locale sont égales. En revanche, pour les malades avec récidive locale il n’ya pas de corrélation entre la taille de la tumeur et la probabilité de dissémination métasta-tique qui est dans tous les cas très élevée.

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Envahissement ganglionnaireAu fur et à mesure qu’un cancer mammaireaugmente de volume, la probabilité pour qu’existeun envahissement des ganglions axillaires croîtprogressivement. Nous avons décrit la méthodeutilisée pour extraire ces informations du registredes cancers du sein de l’institut Gustave-Roussyà Villejuif, dans lequel sont colligées plus de7 000 observations (6).

La figure 3 montre la proportion de maladesayant des ganglions envahis en fonction dudiamètre de la tumeur. On y voit une diminutionrapide de la proportion de malades sans ganglionsenvahis, cependant que le pourcentage des maladesavec un ou deux ganglions envahis reste constantet que la proportion des malades avec quatre ouplus de quatre ganglions croît rapidement. À l’aide

d’un modèle mathématique dans lequel la seule hypothèse est d’admettre que, chezun malade donné, le nombre de ganglions envahis peut uniquement croître (et nondécroître) au cours de l’évolution de la maladie, on peut calculer la taille médianede la tumeur primitive au moment de l’envahissement du premier puis dudeuxième, troisième, etc., ganglion axillaire. Les résultats sont donnés dans letableau 1. En moyenne, le volume de la tumeur est multiplié par dix entre les enva-hissements du premier et du deuxième ganglion, par quatre entre le deuxième et letroisième, et par deux entre les suivants. Par ailleurs, l’envahissement est progressifet régulier avec un rythme très variable selon le malade, mais toujours avec unmême accroissement relatif du volume quand croît le nombre de ganglions envahis.

22 Le dépistage du cancer du sein

Figure 3 - Proportion de maladesavec n ganglions axillaires envahis.

Tableau 1 - Diamètre moyen à l’initiation des ganglions axillaires (d’après 6).

Tous malades Quadrants Quadrants(n = 2 408) externes internes

(cm) (n = 1 880) (n = 926)(cm) (cm)

0-1 1,32 1,30 1,371-2 2,86 2,76 3,112-3 4,53 4,38 4,803-4 6,27 6,03 6,674-5 7,74 7,48 8,515-6 10 9,77 10,64

Dissémination métastatique 2,87 3 2,6

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L’envahissement est donc toujours régulier, tout en étant dans certaines tumeurstrès rapide et, dans d’autres, beaucoup plus lent, ne débutant que pour des tumeursbeaucoup plus grosses.

Ce résultat permet, connaissant dans un sous-groupe de malades le nombremoyen de ganglions axillaires envahis, en fonction de la taille de la tumeur, decalculer la taille moyenne au moment de l’envahissement du premier ganglion axil-laire pour les tumeurs de ce sous-groupe (6, 8).

À taille égale de la tumeur, la probabilité d’envahissement des ganglions axillaireset des ganglions mammaires internes varie en fonction de la localisation de la tumeurdans le sein (puisque le drainage lymphatique n’est pas le même dans les tumeurs desquadrants internes et externes du sein). L’analyse des résultats montre que l’envahis-sement ganglionnaire, en particulier celui des ganglions axillaires, est plus tardif pourles tumeurs internes que pour les tumeurs externes (tableau 1). Ce résultat prouveque l’hypothèse d’une dissémination métastatique en deux étapes sur laquelle étaitfondée l’opération d’Halsted ne tient pas (6, 8). En effet, selon cette hypothèse, quelque soit le siège de la tumeur dans le sein, il devrait exister la même relation entre lestailles de la tumeur lors de l’envahissement ganglionnaire et au moment de la dissé-mination métastatique. Or ce n’est pas ce qui est observé. Comme le montre letableau 1, la taille de la tumeur lors des envahissements des ganglions axillaires estsignificativement plus grande quand la tumeur siège dans les quadrants internes dusein que quand elle siège dans les quadrants externes. Cela est sans doute dû à ladisposition anatomique des voies lymphatiques. Malgré cette différence, le volumetumoral au moment de la dissémination métastatique est le même, que la tumeursiège dans les quadrants externes ou internes. Les ganglions mammaires internes quisont envahis plus précocement dans les tumeurs internes ne peuvent pas expliquercette constatation, car leur envahissement ne survient que lorsque la tumeur est plusvolumineuse (diamètre médian : 3,9 cm). Cette observation confirme l’inexactitudedu modèle de dissémination en plusieurs étapes. La primauté de la disséminationsanguine directe à partir de la tumeur primaire sur la dissémination d’origineganglionnaire n’exclut cependant pas la possibilité de cette dernière voie. Les cellulestumorales présentes dans les ganglions lymphatiques possèdent la même capacité dedissémination métastatique que les cellules de la tumeur primitive (47). Cette obser-vation est importante puisqu’elle montre que le fait d’avoir migré dans un ganglionn’accroît pas la probabilité de donner naissance à une métastase.

L’analyse des données sur l’envahissement des ganglions axillaires et la dissémi-nation métastatique montre l’existence d’une corrélation très forte entre le volumede la tumeur lors de l’envahissement du premier ganglion axillaire et le volumetumoral au moment de la dissémination métastatique (6, 8). L’envahissement deganglions axillaires n’est pas la cause des métastases, mais est un indice très perfor-mant de la possibilité des cellules tumorales d’acquérir la capacité de migrer etd’aller donner naissance à une colonie dans un autre tissu. Cependant, la dissémi-nation tumorale survient en moyenne après l’envahissement d’un deuxièmeganglion axillaire et pour une tumeur environ vingt fois plus grosse qu’au momentde l’envahissement du premier ganglion. L’acquisition de la capacité à donner nais-sance à une métastase par voie sanguine est donc un événement beaucoup plus rare

Histoire naturelle du cancer du sein 23

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que l’acquisition de la capacité à migrer par voie lymphatique et à proliférer dansun ganglion. On calcule ainsi (en admettant un coefficient de perte cellulaire de75 %), que c’est en moyenne après vingt milliards de mitoses dans la tumeur qu’ap-paraît le premier envahissement ganglionnaire et que cent milliards de mitosessupplémentaires surviendront avant que ne se produise le second envahissementganglionnaire. La première dissémination métastatique s’effectue en moyenne aprèsmille milliards de mitoses. Ces chiffres montrent qu’il s’agit dans les deux cas d’évé-nements très rares, ce qui n’est pas surprenant car ils correspondent à l’acquisitionpar les cellules cancéreuses de propriétés nouvelles très complexes.

Ces données sont en contradiction avec le modèle de Slack (15) qui admettaitl’existence de deux groupes de tumeurs du sein : celles avec une propension soitforte, soit faible à l’envahissement ganglionnaire. Il n’y a, en effet, aucune tendanceà la bimodalité, mais au contraire une distribution continue autour d’une valeurmodale tant en ce qui concerne la vitesse de croissance (ou de l’indice de marquage)et la capacité d’essaimage, que ce soit la taille à l’envahissement du premier ganglionaxillaire ou à la dissémination métastatique (25). Il n’y a pas de tumeurs soit« malignes », soit « bénignes », mais une variation continue de la malignité (6, 8, 9)et il existe tous les intermédiaires entre les formes avec dissémination très précoceet les formes avec envahissement tardif. Dans les formes avec envahissementprécoce, la vitesse de croissance des métastases n’est pas plus rapide que dans cellesavec dissémination tardive contrairement à ce qui serait observé si la disséminationprécoce correspondait à une plus grande malignité (25). En revanche, plus la taillede la tumeur au moment de la dissémination métastatique est grande plus la vitessede croissance est rapide, ce qui s’accorde avec la notion de progression tumorale(12, 29).

Le grade histologique de la tumeurCelui-ci a, comme l’ont montré de nombreuses études, une influence pronostiqueconsidérable (20, 21) et les tumeurs de grade 1 ont un V50 considérablement plusgrand que celles des autres grades (8). Cependant, dans les trois groupes, distinguésen fonction de la valeur du grade histologique, on trouve une corrélation entre levolume et la probabilité d’envahissement ganglionnaire et de dissémination ; seulevarie la valeur modale.

Une observation inattendue a été faite : dans les tumeurs de petite taille, il y aune proportion élevée de tumeurs de grade 1 et faible de grade 3, alors que dans lestumeurs de grande taille, l’inverse est vrai (8). Cette même observation a été ulté-rieurement rapportée par Tabar et al. (24). Ces données montrent que pendant lacroissance tumorale il y a une augmentation de grade, ce qui est en accord avecl’idée de progression tumorale : la tumeur devenant de plus en plus maligne aucours de sa croissance (28). Les données permettent de calculer le rythme deprogression et la taille moyenne de la tumeur lors du passage de grade 1 à un gradesupérieur (8). Pour une tumeur de diamètre aussi faible de 0,35 cm, la moitié des

24 Le dépistage du cancer du sein

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tumeurs ont déjà un grade supérieur à 1 (tableau 2). La liaison entre l’acquisitionde ces nouvelles caractéristiques, sans doute en partie distinctes, pourrait s’expli-quer par la progression tumorale, c’est-à-dire par l’instabilité génétique des diffé-rents types de tumeurs. On a supposé que les tumeurs dont l’instabilité est la plusgrande sont celles qui ont la probabilité la plus élevée d’acquérir ces nouvellespropriétés et sont donc les plus malignes, mais d’autres hypothèses peuvent êtreenvisagées.

Histoire naturelle du cancer du sein 25

Tableau 2 - Taille tumorale et facteurs de pronostic (d’après 25).

Tableau 3 - Proportion des malades avec dissémination métastatique en fonction du grade his-tologique et du nombre de ganglions axillaires envahis. Grâce au dépistage, on peut espérerréduire la dissémination de la tumeur au moment du diagnostic de 2 cm à 1 cm, ce qui corres-pond à une réduction moyenne d’environ 30 % de la proportion des malades avec dissémina-tion métastatique. De plus, on peut espérer avec le dépistage ne plus avoir à traiter des tumeursde 4 cm de diamètre.

Diamètre tumeur

1. Grade 1 ➞ Grade > 1 0,35 cm2. Grade < 3 ➞ Grade 3 7 cm3. Ganglion axillaire 1,3 cm

0 ➞ 14. Chaîne mammaire interne 3,9 cm

0 ➞ 1(quadrants internes)

5. Métastases à distance 3,8 cm(malades sans récidive locale)MO ➞ MA

Diamètre médian de la tumeur pour lequel chez 50 % des malades :1. le grade histologique devient plus grand que 1.2. le grade histologique devient égal à 3.3. le premier ganglion axillaire est envahi.4. le premier ganglion de la chaîne mammaire interne est envahi pour des malades avec une tumeur du sein située

dans les quadrants internes.5. la dissémination métastatique à distance a eu lieu.

Diamètre tumoral

1 cm 2 cm 4 cm

N Gr 1 2 + 3 Gr 1 2 + 3 Gr 1 2 + 30 - 4 12 8 19 16 351 – 3 11 36 17 44 35 584 – 9 16 51 24 59 45 68≥ 10 19 68 29 67 59 79

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Modèle de croissance tumoraleCet ensemble de résultats permet de calculer laprobabilité de dissémination en fonction dugrade et du nombre de ganglions envahis et leV50 pour les différents sous-groupes demalades. Même pour les tumeurs de très petitedimension, la probabilité de disséminationn’est jamais nulle et est de l’ordre de 10 % pourdes tumeurs de 1 cm de diamètre (tableau 7),mais elle varie fortement en fonction defacteurs pronostiques tels le grade et l’envahis-sement des ganglions axillaires (tableau 3).

Bien que la distribution des différents para-mètres soit unimodale, on peut, en se fondantsur la progression de l’envahissement ganglion-naire, subdiviser l’ensemble des sujets en troisgroupes dont les rythmes d’envahissementganglionnaire et de dissémination métastatiquesont très différents (6, 8). Il faudrait mainte-nant comparer les types d’anomalies molécu-laires (oncogènes et gènes suppresseurs) dansces trois groupes, ce qui malheureusement n’apas encore été fait. Comme on le voit sur lafigure 4, il apparaît que les tumeurs les plusmalignes sont celles dont la vitesse de crois-sance est la plus rapide. On retrouve là une idéedéfendue par les cliniciens depuis plus de trenteans (14), à savoir l’existence d’une corrélationentre la vitesse de croissance (ou de proliféra-tion cellulaire) et le pronostic. Mais l’estima-

tion de la vitesse de croissance était fondée sur l’interrogatoire, donc exposée auxsubjectivités de la malade et du médecin (14). En mesurant le temps de doublementsur des mammographies successives, Kusama et al. (17) montrèrent que les cancersdont le temps de doublement est le plus long avaient le taux de survie le plus élevé.Deux réserves avaient été faites sur ce travail : son caractère rétrospectif et le faitque les malades dont il avait été possible de mesurer le temps de doublementpouvaient ne pas être représentatifs de l’ensemble des malades.

C’est pourquoi, en 1972, nous entreprîmes une étude prospective dans laquellenous mesurâmes (grâce à l’incubation in vitro de fragments tumoraux dans unmilieu contenant de la thymidine tritiée, précurseur spécifique de l’ADN) le pour-centage de cellules en phase de synthèse de l’ADN (1) qui est corrélé à la vitesse decroissance sur une cohorte de 150 malades. Avec un recul de plus de quinze ans, ontrouve une proportion de survie sans rechute et un taux de survie significativement

26 Le dépistage du cancer du sein

Figure 4 - Histoire naturelle danstrois sous-groupes de malades définispar la taille de la tumeur au momentde l’envahissement du ganglion axil-laire. Les chiffres indiquent lesmoments où est envahi le 2e, 3e…ganglion axillaire ; la flèche horizon-tale M, le moment de la dissémina-tion métastatique. Les temps de dou-blement des tumeurs ont été calculés(d’après 6).

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supérieurs dans le groupe de malades chez qui le pourcentage de cellules tumoralesen prolifération est le plus faible (28). Dans d’autres études analogues (30, 31, 32,33) mais avec des reculs plus courts (environ six ans), les résultats sont voisins. Plusrécemment, le pourcentage de cellules en prolifération a été mesuré par cytofluo-rométrie avec les mêmes résultats (33, 34).

Cependant, même avec le recul de quinze ans, il serait concevable que lamoindre incidence de métastases à distance soit simplement due à une vitesse decroissance plus lente. C’est pourquoi nous avons étudié avec le modèle de l’histoirenaturelle l’influence de la vitesse de croissance (8, 25). Les résultats sont superpo-sables à ceux obtenus avec la proportion de cellules en phase de synthèse de l’ADN.Avec un recul de vingt-cinq ans, le taux de survie demeure nettement plus élevédans le groupe de malades à lente vitesse de croissance (8, 25).

Il existe une corrélation entre la vitesse de prolifération et le grade histologique(tableau 4), le type anatomopathologique (les tumeurs les plus indifférenciées sontcelles dont la vitesse de prolifération est plus grande), l’absence de récepteurshormonaux, la présence de récepteurs à l’EGF, la densité cellulaire, l’aneuploïdie, laclonogénicité in vitro. Néanmoins, la vitesse de prolifération a, en analyse multiva-riée, une signification pronostique propre.

Une analyse de l’ensemble des résultats publiés a montré que dans la grandemajorité des types de cancers on observe cette même corrélation entre vitesse decroissance (ou prolifération et probabilité de dissémination) (33).

Histoire naturelle du cancer du sein 27

Grade Envahissement Dissémination Délai TMdu premier métastatique entre traitement

ganglion axillaire et émergence de première métastase

1 2,8 4,8 65 mois2 1,27 2,8 44 mois3 0,89 2,4 21 mois

Tableau 4 - Diamètre de la tumeur au moment de l’envahissement du premier ganglion, etde la dissémination métastatique en fonction du grade histologique. Le tableau indiqueégalement la durée de l’intervalle entre le traitement initial et l’émergence clinique de lapremière métastase. Ce délai est d’autant plus court que le grade histologique est plus élevé(à comparer avec la durée de la croissance donnée dans le tableau 5 qui correspond à lasomme de la durée de cet intervalle et de celui entre Vm et le traitement initial).

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Vitesse de croissance des métastases et traitement adjuvantPour estimer la vitesse de croissance des métastases dans les divers sous-groupes detumeurs du sein, nous avons utilisé le modèle qui avait été proposé dès 1985 (3) enaméliorant la méthodologie statistique (9, 12, 25). Ce modèle est schématisé sur lafigure 5 qui montre que l’intervalle entre le traitement et la détection de la méta-stase dépend de la taille Vm à laquelle la dissémination métastatique est survenue,de la vitesse de croissance de la tumeur primitive, de la taille de la tumeur aumoment de l’intervention et enfin de la vitesse de croissance des métastases.

Comme dans chaque sous-groupe de tumeurs, cet intervalle est connu et queles trois autres paramètres sont connus ou peuvent être calculés, on peut détermi-ner la durée médiane de croissance des métastases entre le début de leur croissanceet le moment où elles sont devenues cliniquement détectables (9, 25). Cette duréeest égale à la somme : intervalle entre le traitement et la détection de la métastase+ durée de la croissance entre la naissance de la métastase et le traitement initial.Le tableau 5 donne ces valeurs chez les malades avec ou sans récidive locale. On voitque :

– la proportion de récidives locales est notablement augmentée dans les grossestumeurs (ce qui n’est pas surprenant) et dans les tumeurs de grade élevé quisont celles où la vitesse de croissance est la plus rapide (durée de la croissanceavant émergence clinique la plus courte) ;

– les tumeurs avec récidive locale ont des vitesses de croissance plus rapides etdes probabilités de dissémination plus grandes que celles qui n’en ont pas ;

– parmi les tumeurs sans récidive locale, la vitesse de croissance des métastasesest plus rapide chez les malades ayant de grosses tumeurs, un grand nombrede ganglions axillaires envahis ou un grade élevé et que ces caractères s’ac-compagnent d’une probabilité de dissémination plus élevée ;

28 Le dépistage du cancer du sein

Figure 5

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– en moyenne, la durée médiane de la phase occulte de la vie des métastases estd’environ 4 ans, soit environ la moitié de celle qui était précédemment estiméeavec un modèle exponentiel. Cela a une importance pratique, car avec l’an-cienne hypothèse gagner quelques mois sur la date du traitement initial n’au-rait eu qu’un intérêt limité, alors que l’expérience de la prévention montre legain obtenu grâce à un diagnostic précoce. Cette durée de 4 ans, par ailleurs,est en accord avec l’expérience clinique selon laquelle la période de risquepour une récidive après traitement initial est d’environ 5 ans. Après ce délai,le risque, sans disparaître, décroît notablement. La démonstration de ce délaientre la naissance de la métastase et le moment où celle-ci devient détectablea été très importante en montrant la possibilité d’un traitement adjuvantayant pour but la destruction des métastases occultes à un moment où ellessont très petites, ce qui les rend plus vulnérables.

Le traitement adjuvant a été pour la première fois mis en œuvre par Bonadonnaà Milan. Il a amélioré le taux de survie des maladies, mais au prix d’un traitementinutile dans une proportion notable d’entre elles. C’est pourquoi l’étude desfacteurs pronostiques est si importante.

En conclusion, il apparaît donc que la malignité des tumeurs telle qu’on peut ladéfinir à partir de la probabilité de dissémination métastatique et d’envahissementganglionnaire est fortement corrélée avec la vitesse de croissance de la tumeur. Untravail reste à accomplir : corréler ces divers paramètres avec les caractéristiquesmoléculaires des tumeurs.

Rôle des récidives localesPar ailleurs, sur le plan thérapeutique, l’écart considérable de la fréquence des dissé-minations métastatiques chez des malades avec ou sans récidive locale (RL) pose laquestion du traitement locorégional (9, 25). Cet écart est en partie dû à la plusgrande malignité des cas où existent des récidives locales, mais il est trop grandpour être expliqué seulement par ce facteur. D’autant que dans les formes à bonpronostic, (grade 1 ou sans ganglion axillaire envahi), cet écart est particulièrementélevé (tableau 5).

Chez les malades sans RL, le taux de dissémination métastatique baisse réguliè-rement tous les mois après chirurgie. Au contraire, chez les malades avec RL, ce tauxaugmente pendant la première année après traitement et le délai traitement-émergence clinique des métastases est plus long que chez les malades sans RL (12).Or si toutes les métastases avaient eu pour origine la tumeur primitive avant trai-tement, comme les malades avec RL ont des tumeurs plus malignes, le contraireaurait dû être observé. Pour rendre compte du délai plus long entre le traitementet l’émergence clinique des métastases, il faudrait admettre une vitesse de croissanceenviron quatre fois plus lente chez les malades avec RL, ce qui n’est pas plausible.Au contraire, en admettant que certaines métastases ont pour origine la tumeurrésiduelle après traitement, la durée de croissance devient plus rapide chez lesmalades avec RL, conformément à la liaison entre malignité et vitesse de croissance.

Histoire naturelle du cancer du sein 29

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On observe chez l’ensemble des malades une corrélation entre la vitesse decroissance des métastases et l’intervalle entre l’apparition des métastases et le décès(18). Ce délai chez les malades avec RL est conforme à cette relation si l’on admetque les métastases ont été initiées par le reliquat tumoral ; il ne le serait pas dansl’hypothèse où les métastases auraient été initiées par la tumeur primitive avant larésection tumorale ou si l’on admettait qu’elles sont nées pendant l’interven-tion (9).

Ainsi, l’ensemble de ces observations confirme que le reliquat tumoral initie denombreuses métastases, ce qui souligne l’intérêt d’un RT postopératoire (9, 44, 45),même dans les sous-groupes à pronostic favorable, contrairement à la doctrine clas-sique (9).

30 Le dépistage du cancer du sein

Vitesse de croissance Proportion Proportiondes métastases (mois) de malades de malades

avec RL avec métastases

Groupes de pts sans RL pts avec RL pts sans LR pts avec LR

Ensemble popul. 67 45 18 % 0,45 0,86Âge ≥ 40 58 42 19,6 0,51 0,7841 – 60 65 44 16,5 0,46 0,88

≥ 60 69 48 19,8 0,41 0,85Diamètre tumeur

0 – 3,9 cm 112 71 13,2 0,31 0,794 – 5,9 cm 71 72 11,4 0,47 0,86

> 6 cm 49 33 27,6 0,68 0,93Envahissementganglion axillaire

0 100 67 11,7 0,22 0,70(∞ 0,75)

1-3 103 71 12,1 0,43 0,85> 4 71 48 14,1 0,64 0,95

Grade histol.I 115 157 10 0,22 0,66

(∞ 0,85)II 94 61 16 0,47 0,88III 55 33 20,3 0,49 0,90

Tableau 5 - Valeur de la durée médiane de croissance (en mois) des métastases, c’est-à-direde l’intervalle de temps entre la naissance de la métastase et le moment où elle devient détec-table (cf. fig. 5). Cette durée médiane caractérise la vitesse de croissance des métastases. Letableau indique ces valeurs en fonction de l’âge de la malade, du diamètre de la tumeur, del’envahissement ganglionnaire et du grade histologique (dans tous ces sous-groupes, en fonc-tion de l’existence ou de l’absence d’une récidive locale). Le tableau indique également la pro-portion de malades chez qui dans ces différents sous-groupes des métastases ont été détectéespendant les vingt années ayant suivi le traitement initial et la proportion de malades avecrécidive locale, ou après un temps infini.

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Bénéfice dû au dépistageLe moment où s’est effectué l’essaimage métastatique permet de quantifier l’intérêtdu dépistage et du diagnostic précoce. Grâce aux mammographies systématiques dedépistage, on peut espérer diagnostiquer des tumeurs dont la taille moyenne serade plus en plus petite, mais ce diagnostic plus précoce n’a d’intérêt clinique que s’ilaccroît la proportion de malades traitées avant que ne survienne la disséminationmétastatique. Il faut donc évaluer la proportion de malades chez qui la dissémina-tion métastatique ne s’est pas encore effectuée lorsque la tumeur est traitée avec undiamètre de 5 à 10 mm, alors qu’elle serait survenue si la tumeur avait été traitéeavec un diamètre de 20 mm.

Pour répondre à cette question, nous avons construit un modèle permettantd’établir l’âge des métastases au moment du traitement initial. Le principe de laméthode consiste à ajuster les courbes d’apparition des métastases, telles qu’elles ontété établies par la surveillance clinique, pour des malades porteuses de tumeurs dediverses tailles (11). Comme dans les paragraphes précédents, on considère qu’ilexiste pour chaque tumeur une taille critique où s’effectue la dissémination méta-statique, et donc que si la tumeur est traitée avant qu’elle n’atteigne cette taillecritique, la malade n’aura pas de métastase, alors que si elle est traitée après, desmétastases apparaîtront au cours de l’histoire clinique, après un délai plus ou moinslong. Les résultats montrent que des disséminations existent entre 0 et 10 mm dediamètre, mais la probabilité de dissémination est un peu plus grande entre 10 et20 mm et entre 20 et 30 mm puis diminue ensuite (tableau 7) (25).

Pour obtenir un bon ajustement des courbes de proportion cumulative desmalades avec métastases, nous avons fait varier deux paramètres : le rapport entrele temps de doublement de la tumeur primitive et celui des métastases, et la rela-tion entre le temps de doublement de la tumeur primitive et la taille de la tumeurau moment de la dissémination métastatique.

Histoire naturelle du cancer du sein 31

Intervalle entremammographies Pourcentage des malades avec métastases

(années)

Femmes < 35 ans Femmes 35-45 ans Femmes > 46 ans

1 35 20 222 42 25 283 47 29 314 50 32 345 52 34 36

pas de dépistage 66 47 52

Tableau 6 - Proportion calculée avec le modèle de malades avec métastases en fonction del’intervalle entre les mammographies de dépistage. Ce calcul suppose l’absence de faux-négatif. Il suggère qu’environ 30 % des métastases pourraient être évitées.

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32 Le dépistage du cancer du sein

Tableau 7 - Probabilité d’induction des métastases en fonction de la taille de la tumeur et dugrade. On voit que la probabilité d’induction varie peu avec la taille. Donc la probabilité n’estpas liée au nombre de cellules tumorales, ce qui pourrait s’expliquer par l’existence d’uncompartiment de cellules souches (46).

Diamètre de tumeur(données 2005)

Nombre maximalde cellules tumorales

par milliardde cellules

(109)

% de patienteschez qui s’est

effectuéeune dissémination

métastatique

Probabilitéde passage de

non métastatiqueà métastatique

par cellulestumorales

0-10 mm 0,5 11 % 20,9 %

10-20 mm 4,2 16 % 3,9 %

20-30 mm 14,1 13 % 0,9 %

30-40 mm 33,5 10 % 0,3 %

40-50 mm 65,4 18 % 0,1 %

Grade 1

0-10 mm 0,5 7 % 13,3 %

10-20 mm 4,2 9 % 2,2 %

20-30 mm 14,1 8 % 0,6 %

30-40 mm 33,5 7 % 0,2 %

40-50 mm 65,4 6 % 0,1 %

Grade 2

0-10 mm 0,5 15 % 28,9 %

10-20 mm 4,2 16 % 3,8 %

20-30 mm 14,1 12 % 0,8 %

30-40 mm 33,5 9 % 0,3 %

40-50 mm 65,4 7 % 0,1 %

Grade 3

0-10 mm 0,5 18 % 33,8 %

10-20 mm 4,2 16 % 4,8 %

20-30 mm 14,1 11 % 0,8 %

30-40 mm 33,5 8 % 0,3 %

40-50 mm 5,4 6 % 0,1 %

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Sans entrer dans les détails de la méthode de calcul, le tableau 6 donne lenombre de disséminations métastatiques évitées, grâce à un dépistage régulier, enfonction de l’intervalle entre les mammographies (11, 12). Ces calculs montrentque si les malades avaient été traitées douze mois plus tôt qu’au moment où ellesl’ont été, le nombre de patientes chez qui existent des métastases aurait été réduitd’environ 30 % (11). Ce résultat est compatible avec ce qui a été observé dans lesrégions avec dépistage systématique (51). Cela apporte un argument en faveur dela validité du modèle.

Cependant, ces résultats théoriques (tableau 6) peuvent être fortement influen-cés par les conditions du dépistage et la capacité de détection du système de dépis-tage (qualité de l’image radiologique et efficacité de la lecture par le radiologiste).Ils doivent donc être considérés avec prudence.

PerspectivesDes progrès ayant des retombées cliniques peuvent être faits dans deux directions.

Les facteurs pronostiquesLes facteurs pronostiques traditionnels (taille, envahissement des ganglions axil-laires, grade, vitesse de croissance et indice de marquage, présence ou absence derécepteur des œstrogènes, etc.) sont utiles mais insuffisants, même en les associanttous (40). Cette insuffisance conduit à l’administration d’une chimiothérapie adju-vante agressive à des femmes qui n’en ont pas besoin et chez qui elle est nuisible(psychologiquement et physiquement). Inversement, on voit apparaître des méta-stases chez des femmes dont les tumeurs ont un pronostic apparemment excellent.La recherche de facteurs pronostiques plus performants est donc cruciale.

Le génomique semble la voie la plus prometteuse pour y parvenir (40) mais nousne discuterons que très brièvement cette question.

– L’Erb – B2 (récepteur de l’EGF) a un grand intérêt (3, 7) mais son intérêt pratiqueest limité (38, 40).

– Les facteurs enzymatiques capables de dégrader la matrice extracellulaire tels quel’activateur de plasminogène (u PA) et l’inhibiteur (PAII) sont apparus dans uneétude portant sur 8 000 malades avec une valeur pronostique élevée, quoique assezinsuffisante (39). Remarquons que ces facteurs sont secrétés non pas par lescellules tumorales mais par les cellules stromales.

– Les profils génétiques fondés sur l’étude avec des puces à ADN (microarrays)de 70 à 76 gènes paraissent extrêmement intéressants (39, 40). Les gènes quiapparaissent intéressants sont impliqués dans la régulation du cycle cellulaire, la

Histoire naturelle du cancer du sein 33

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prolifération des cellules, leur mort. Ces études sont prometteuses mais pas encoreprobantes.

Les études génomiques sont extrêmement difficiles à conduire, car elles nécessitentdes milliers de malades avec une bonne connaissance de leurs caractéristiquescliniques, biologiques et de leur devenir. Elles ne peuvent donc être conduites qu’àéchelle multinationale.

De plus, les techniques sont difficiles et doivent être rigoureusement standardi-sées et soumises à une assurance de qualité efficace, ce qui n’est souvent pas le cas.

Enfin, l’interprétation statistique des résultats est extrêmement délicate et peutentraîner des conclusions injustifiées (42). Des efforts dans le domaine de la métho-dologie statistique sont indispensables. Malgré ces difficultés, la génomique reste leplus grand espoir pour l’avenir, mais la route sera longue et difficile.

Les modèles de croissance et les cellules souches tumoralesDepuis 1970, un grand nombre de modèles de croissance des tumeurs du sein ontété proposés pour expliquer l’histoire naturelle du cancer du sein avec l’extrêmediversité de son mode évolutif (3, 15, 40). Leur but est de rendre possibles des prévi-sions à la fois pour le dépistage et les soins. Certains de ceux-ci postulent l’existencede deux types de cancers du sein, d’une part des formes rapidement évolutives avecdissémination métastatique très précoce (15), voire même d’emblée disséminées(40) et d’autre part des cancers plus lentement évolutifs avec une disséminationaugmentant progressivement en fonction de la taille de la tumeur. Nous avons vuque cette hypothèse de plusieurs types de cancer ne cadre pas avec les donnéescliniques. Ces modèles suggéraient que pour les formes d’emblée systémiques,le traitement local (chirurgie et radiothérapie) n’avait que peu d’importance etpouvait même être nuisible en provoquant ou en favorisant des disséminationsmétastatiques (43). On en déduisait de plus que les récidives locales ne modifient pasle pronostic. Ces modèles suggèrent aussi que le dépistage est inutile ou peu efficace.L’unimodalité des vitesses de croissance, la relation entre la taille de la tumeur et laprobabilité de dissémination, l’influence du traitement locorégional sur la fréquencedes métastases sont incompatibles avec ces modèles (2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 27, 44, 45) etpermettent de les rejeter. Au contraire, la RT après chirurgie est indiquée si l’onconsidère que la récidive locale est source de métastases (9, 27, 44, 45).

Certaines données cliniques sont ininterprétables avec les modèles actuels. Letableau 7 montre que pour les petites tumeurs (< 10 mm) la probabilité de dissé-mination par cellule est relativement grande et varie fortement selon le grade histo-logique. Malgré l’augmentation exponentielle du nombre de cellules tumorales, laprobabilité de dissémination par tumeur n’augmente pas ou peu. Ce tableau 7montre que la probabilité par cellule diminue avec la taille de la tumeur (46). Lamême observation a été faite par ailleurs (47). Il y a deux interprétations possibles :

– a) soit le vieillissement de la tumeur s’accompagne d’une forte baisse de laprobabilité de dissémination par cellule (d’environ 200 fois) et dans ce cas

34 Le dépistage du cancer du sein

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l’acquisition de la capacité à donner naissance à une métastase n’est pas due àune modification du génome (47) ;

– b) soit que, conformément à la théorie classique, ce sont les changements géno-miques (génétiques ou épigénétiques) qui donnent à une cellule incapabled’essaimer la capacité d’essaimer (48), mais celles-ci ne peuvent le faire qu’auniveau de certaines cellules tumorales et le nombre de ces cellules aptes àacquérir cette propriété varie peu au cours de la croissance de la tumeur (46).Dans le cadre de ce modèle, on peut supposer que ces cellules sont des cellulessouches tumorales et que lorsqu’une tumeur augmente de volume, cela est dûà l’augmentation du nombre de cellules tumorales plus différenciées ayantperdu tout ou partie de leur potentiel de prolifération, la proportion de cellulescapables d’essaimer (cellules souches) diminue fortement avec l’augmentationdu volume parce que leur nombre varie peu (tableau 7). Ces cellules souchestumorales se comporteraient comme les cellules souches de tissus normaux,par exemple des tissus hématopoïétiques (49, 50). Ces cellules souches tumo-rales, comme les cellules souches des tissus sains se diviseraient de façonasymétrique, une cellule souche donnant, en moyenne, naissance d’une part àune cellule qui se différencie et prolifère dont les descendantes perdentprogressivement la capacité de prolifération et d’autre part à une cellulesouche. Il y aurait ainsi constance du nombre des cellules souches tandis quele nombre de cellules différenciées augmente progressivement. Dans cettehypothèse, seules ces cellules souches tumorales donnent naissance à des méta-stases, les cellules tumorales en voie de différenciation et de prolifération enétant incapables peut-être parce que leur durée de vie est limitée. Ce modèleinspiré par nos données cliniques remet en question les modèles tumorauxactuels (46).

Ce modèle peut expliquer pourquoi la vitesse de croissance des métastases néesà partir de petite tumeur n’est pas plus rapide que celle des métastases nées de plusgrande (comme cela serait logique dans les modèles actuels). Par ailleurs dans cemodèle, la taille du pool de cellules souches aurait une influence pronostiquemajeure et pourrait varier selon le grade des tumeurs (plus important dans lestumeurs de grade élevé).

ConclusionL’ensemble de ces résultats permet deux conclusions : l’histoire naturelle du cancerhumain peut être étudiée avec la même précision que celle d’un cancer expérimen-tal grâce à l’analyse statistique d’un grand nombre d’observations. Cela n’est possibleque si l’on dispose de données précises, enregistrées prospectivement pour un grandnombre de malades, et de l’outil informatique et mathématique approprié. Dans lecas du cancer du sein, les résultats montrent qu’il n’y a pas, contrairement à ce quiest souvent dit, différentes variétés de cancers du sein. Les données suggèrent plutôtune distribution continue, des formes les plus agressives à celles dont l’évolution est

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la plus bénigne. Cependant le degré de malignité, qui s’exprime essentiellement parla précocité plus ou moins grande de la dissémination métastatique, varie considé-rablement.

Par ailleurs les connaissances qui ont été acquises depuis vingt ans sur l’histoirenaturelle des cancers soulignent l’intérêt du dépistage, qui est susceptible deréduire considérablement la proportion de dissémination métastatique et donc enparallèle le nombre de décès, à condition qu’il soit suffisamment bien fait pourdiagnostiquer précocement (quand le diamètre est de l’ordre de 10 mm) lescancers invasifs tout en évitant les surdiagnostics liés à la détection de cancers insitu. L’analyse de l’impact du dépistage organisé sur la mortalité par cancer du seinqui vient d’être effectuée en Suède confirme ce bon résultat : baisse de 40 à 45 %de la mortalité par cancer du sein chez les femmes se soumettant au dépistage, etde 39 % sur l’ensemble de la population ; mais il faut reconnaître qu’en Suède75 % des femmes se soumettent régulièrement au dépistage (51).

Plus que jamais, les recherches clinique et moléculaire doivent s’allier à la foispour mieux analyser les facteurs pronostiques et parvenir à des modèles tenantcompte de l’hétérogénéité des cellules tumorales à l’intérieur des tumeurs et del’existence vraisemblable de cellules souches.

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Histoire naturelle du cancer du sein 39

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IntroductionCet article a pour premier objectif de rappeler les faits essentiels de l’épidémiologiedescriptive du cancer du sein en France. Un second objectif sera d’analyser l’inci-dence et la mortalité du cancer du sein en relation avec l’histoire du dépistage decette maladie telle qu’elle s’est déroulée durant les vingt dernières années dans cepays. Cette discussion se fondera sur les données d’incidence recueillies par le réseauFRANCIM des registres de cancer et sur les données de mortalité assemblées parl’INSERM (CépiDc). Ces données ont été récemment analysées et publiées (1).Notre discussion reprendra et mettra à jour deux publications faites sur le sujet en2001 (2) et 2005 (3).

Le dépistage du cancer du sein a pour objectif de détecter la maladie dans saphase préclinique afin d’augmenter ses chances de guérison. Ce dépistage, contrai-rement à celui du cancer du col et à un moindre degré à celui du cancer du côlon,ne détecte pas la maladie dans une phase précancéreuse mais essentiellement à unephase plus précoce de la maladie invasive. Il ne diminue donc pas l’incidence de lamaladie mais au contraire l’augmente transitoirement par anticipation du diagnos-tic et, éventuellement, durablement en détectant des tumeurs qui n’auraient peut-être jamais fait surface en l’absence de dépistage. En revanche, s’il est efficace, ildevrait diminuer la mortalité associée à la maladie.

Il semble donc naturel de se demander quelle information sur l’efficacité dudépistage peut être tirée des données de mortalité, qui sont disponibles sur l’en-semble de la population. La complexité de cette recherche est toutefois rarementperçue par ceux qui veulent utiliser ces données à cette fin. De même, les donnéesd’incidence recueillies par les registres permettent difficilement d’extraire l’infor-mation pertinente pour comprendre l’influence du dépistage sur l’incidence de la

Incidence et mortalité du cancer du sein en France.Quelle relation avec le dépistage ?J. Estève1

1. Biostatisticien (Lyon).

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maladie. Les données sur le stade au diagnostic ne sont pas recueillies en routine etlorsqu’une étude est mise en place pour les obtenir, elles sont difficilement compa-rables d’un pays à l’autre et même d’un registre à l’autre (4).

Ces réserves étant faites, nous rendrons compte de l’information disponible enFrance et tenterons néanmoins de la lire et de l’interpréter dans le contexte de lapratique très particulière du dépistage du cancer du sein en France, où deuxsystèmes contradictoires, le dépistage « individuel » et le dépistage « organisé », ontcohabité jusqu’à présent (5).

L’épidémiologie descriptive du cancer du sein en FranceComme dans la plupart des pays développés, les données épidémiologiques sontcaractérisées par une forte augmentation de l’incidence et une quasi-stabilité de lamortalité. Entre 1980 et 2000, le nombre de cas est passé de 21000 à 42000 et lenombre de décès de 8600 à 11600 (1). Après correction pour les changements démo-graphiques, taille de la population et distribution de l’âge, ces chiffres correspondentà une augmentation de l’incidence de 60 % sur 20 ans et à une augmentation de lamortalité de 5 % sur la même période. Avec un taux standardisé d’incidence de 90/105

et un taux de mortalité de 20/105 en 2000, la France se situe dans les pays à haut risquede cancer du sein et à taux moyen de décès (cf. ci-dessous).

Les modèles de projection suggèrent que la croissance du taux d’incidencecontinue et que le taux de mortalité commence à diminuer (fig. 1). Ce dernier avaitaugmenté régulièrement jusqu’au début des années 1980 (6) indiquant sans ambi-guïté une augmentation du risque de cancer du sein depuis la fin de la SecondeGuerre mondiale. L’augmentation récente de l’incidence n’est pas accompagnéed’une augmentation de la mortalité. Cette divergence ne peut être que très partiel-lement expliquée par les progrès thérapeutiques. Un phénomène analogue s’étaitproduit aux États-Unis entre 1950 et 1980, et ce n’est que récemment que l’inci-dence américaine s’est stabilisée et qu’on a vu la mortalité diminuer dans ce pays àpartir de 1990 (7). Plusieurs auteurs ont suggéré que : « certaines lésions qualifiéeshistologiquement de cancer du sein pourraient être cliniquement bénignes » (voir ladiscussion de Doll et Peto [8] dans leur ouvrage sur les causes du cancer p 1270-1281). L’augmentation récente de l’incidence du cancer du sein pourrait être, souscette hypothèse, le reflet de la découverte de tumeurs qui étaient ignorées avant lamise en œuvre du dépistage systématique.

L’hétérogénéité géographique du cancer du sein en France est modérée. En utili-sant les estimations pour l’année 2000 pour les dix registres disponibles, le taux stan-dardisé d’incidence pour la population mondiale variait de 76,6 dans le Tarn à 91,8dans l’Isère et les taux de mortalité de 16,8 dans le Tarn à 22 en Loire-Atlantique(tableau 1). Pour l’ensemble de la France et sur l’ensemble de la période 1991-1997,seules données à notre disposition après 1990, le taux relatif de mortalité (SMR) desdépartements par rapport aux taux prédits par le modèle pour la France entière pources années variait de 0,75 à 1,28. Les taux élevés se trouvent dans le nord de la France(Pas-de-Calais et Nord), en région parisienne, en Loire-Atlantique et dans le Rhône.

42 Le dépistage du cancer du sein

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Incidence et mortalité du cancer du sein en France 43

Figure 1 - Taux standardisé d’incidence (A) et de mortalité (B) pour le cancer du sein enFrance. Les données sont lissées à l’aide d’un modèle « âge-période-cohorte », sans effetpériode ou avec un effet période pour la France entière décrit par un seul terme du seconddegré (B). L’effet cohorte est propre à chaque département et décrit par un polynôme du troi-sième degré (A) ou du second degré (B). Les modèles ont été choisis par le critère d’Akaike.Les numéros des départements sont listés par ordre décroissant de la valeur du taux dans ladernière période.

A

B

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44 Le dépistage du cancer du sein

Les taux bas se trouvent dans le Sud/Sud-Ouest (Lot, Gers, Dordogne, Haute-Garonne, Aude), en Bretagne (Finistère, Côtes-d’Armor et Morbihan), dans leCentre/Sud (Vienne, Tarn, Hautes-Pyrénées) et quelques départements des Alpes(Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes). La distribution géographique de lamortalité est restée sensiblement celle décrite dans l’Atlas publié en 1997 (9), avectoutefois quelques changements de position de certains départements qui mérite-raient examen. Les dix départements où un dépistage organisé existe depuis dix anssont plutôt à taux élevé et se situent en moyenne au 60e rang, si on range les dépar-tements selon la valeur du SMR.

La tendance de la mortalité dans les différents départements peut être sensible-ment différente de celle rapportée pour la France entière (figure 1 B). Pour lirecorrectement ce graphique, il faut se rappeler que la tendance des taux standardiséssur la population mondiale met l’accent sur la tendance des groupes d’âge 35-74.L’utilisation de la population européenne aurait fait apparaître des tendances diffé-rentes (voir par exemple le site du CepiDc). L’évolution de la mortalité dans certainsdépartements est caractérisée par une décroissance dans les groupes d’âge 35-74associée à une croissance dans les groupes d’âge suivants. Ce phénomène pourraitêtre la conséquence de progrès thérapeutiques qui devraient en principe retarder ledécès et conduire à son enregistrement à un âge plus élevé. Il est donc conseillé d’in-terpréter les données standardisées avec prudence quel que soit le standard utilisé.

La décroissance de la mortalité dans le département du Bas-Rhin, et à unmoindre degré dans celui de l’Isère, est particulièrement marquée et antérieure àl’instauration du dépistage organisé. Elle explique très certainement l’observationfaite par l’InVS (10) d’une décroissance plus rapide de la mortalité dans les dixdépartements ayant mis en place un dépistage organisé depuis plus de dix ans, carles 8 autres départements répondant à cette définition n’ont rien de remarquable

Département (code) Incidence Mortalité

Bas-Rhin (67) 88,5 18,2Calvados (14) 89,4 20,0Doubs (25) 79,9 18,9Haut-Rhin (68) 89,6 18,9Hérault (34) 90,9 20,0Isère (38) 91,8 18,0Loire-Atlantique (44) 87,7 22,1Manche (50) 73,8 19,7Somme (80) 88,5 20,0Tarn (81) 76,6 16,8

France 90,8 19,6

Tableau 1 - Taux standardisé (monde). Données des registres français. Estimation 2000.

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Incidence et mortalité du cancer du sein en France 45

Figure 2 - Incidence et mortalité standardisée sur la population mondiale pour une sélectionde pays européens et pour les États-Unis. Données de Globocan2000.

Pays Incidence Mortalité

Pays-Bas 91,6 27,8États-Unis 91,4 21,2Danemark 86,2 29,2France 83,2 21,4Suède 81,0 17,5Finlande 78,4 17,9Royaume-Uni 74,9 26,8Suisse 70,1 25,2Italie 64,9 20,7Slovaquie 58,5 20,3Espagne 47,9 18,1Slovenie 45,6 18,4Estonie 45,4 19,3Japon 31,4 7,7

Moyenne (Japon exclu) 70,7 21,8

Tableau 2 - Estimation Globocan2000.

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46 Le dépistage du cancer du sein

quant à l’évolution de leur mortalité par cancer du sein, comparée à celle de laFrance entière. Cette observation ne met pas en cause l’efficacité du dépistage. Elleindique simplement que l’évolution de la mortalité n’est pas un indicateur perti-nent pour en juger, si on se contente de l’examiner aussi grossièrement.

Les données descriptives internationalesLors de la première édition de cet ouvrage, les données internationales les plusrécentes publiées sur l’incidence étaient les observations sur la période 1993-1997(11), des estimations européennes pour 1995 (12) et des estimations mondialespour l’année 2000 (13) (http//:www.iarc.fr). Peu de données nouvelles sont dispo-nibles. En revanche, une nouvelle estimation mondiale a été réalisée (14). Malheu-reusement, ces estimations sont difficilement comparables en termes de tauxstandardisés, car les méthodes, les groupes d’âge et les standards varient d’unepublication à l’autre. Les estimations mondiales en particulier utilisent une seuleclasse d’âge, 75 et plus (Globocan2000), ou 65 et plus (Globocan2002), pour lespersonnes âgées. L’Institut national du cancer américain quant à lui publie sesdonnées en utilisant la population américaine de 2000 comme standard. Lesdonnées de mortalité par cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sontmaintenant disponibles sur le site du Centre international de recherche sur lecancer (CIRC) jusqu’en 2002. Les taux standardisés y sont conformes à ceux publiésdans l’ouvrage de Remontet et al. (15). Il faut toutefois savoir que le standard de lapopulation mondiale y est appliqué à des taux spécifiques de l’âge trop jeune d’unedemi-année. La correction ad hoc a été faite pour les taux standardisés, publiés dansle présent article.

Les estimations internationales du CIRC pour l’année 2000 permettent, faute demieux, une comparaison internationale utilisant les taux standardisés sur la popu-lation mondiale pour l’incidence et la mortalité. On a donc sélectionné quelquespays où des registres existent pour donner un aperçu de cette comparaison(tableau 2). Nos estimations, rappelées plus haut, suggèrent que la mortalité fran-çaise est légèrement surestimée et l’incidence légèrement sous-estimée, mais lesordres de grandeur sont respectés. Le message que délivrent ces données est impor-tant : a) L’incidence et la mortalité ont une faible corrélation (fig. 2) et certains paysont un rapport incidence/mortalité très défavorable. b) Le risque de cancer du seinest associé au développement économique, mais aussi à d’autres caractéristiques dumode de vie qui font que, par exemple, le risque reste très faible au Japon alors qu’ildevient élevé après deux générations pour les Japonaises migrant aux États-Unis(16).

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Quelle relation avec le dépistage ?Les données qui précèdent montrent que le dépistage a certainement eu un effet surl’incidence du cancer, mais que le simple examen des données de mortalité est peuutile pour évaluer l’impact d’un programme de dépistage. Des tentatives un peuplus sophistiquées reposent sur la prédiction de ce que serait la mortalité en l’ab-sence de dépistage et sur la comparaison de celle-ci aux données observées.Le premier effort dans ce sens a été fait par une équipe hollandaise (17) qui a déve-loppé le programme MISCAN qui prédit la mortalité par cancer en l’absence dedépistage et sa modification prévue lorsqu’un programme de dépistage est mis enplace. Le calcul dépend de la connaissance d’un certain nombre de paramètresincluant en particulier la structure démographique de la population, sa table demortalité, l’incidence du cancer du sein selon l’âge dans cette population, la proba-bilité de survie selon l’âge et le stade, le taux de participation au dépistage et lesparamètres spécifiques au programme tels que la sensibilité et la durée moyenne dela période préclinique détectable. Ce modèle utilisé pour les données duprogramme de dépistage de Florence en Italie prévoit qu’avec une participation de70 % et une population de 216 000 femmes – dont 63 000 âgées de 50 à 69 ans sontinvitées au dépistage au début du programme en 1990 – 28 % des cancers(2 563/9 095) seront détectés entre 1991 et 2020 par le dépistage qui évitera 13 %des décès (472/3 720) (18). La confrontation de la réalité à cette évolution théoriquede la mortalité est un moyen de vérifier que le dépistage a peut-être l’impact espéré.Le modèle a été utilisé récemment pour les données néerlandaises et il montre queles données observées pour les femmes de 60-69 ans sont raisonnablement compa-tibles avec la réduction de mortalité prévue par le modèle (19, 20). Il faut noter,cependant, que cela n’exclut pas que la réduction de la mortalité soit due, au moinspartiellement, à d’autres causes.

L’analyse de la mortalité par cancer du sein en Angleterre entre 1971 et 1999montre que la mortalité a diminué de 21,3 % chez les femmes âgées de 55 à 69 ans.Les auteurs (21) sont capables d’attribuer 6,4 % au dépistage et 14,9 % à l’amélio-ration du traitement et de la prise en charge des patientes. Ces résultats sontobtenus sur la base d’un modèle âge-cohorte qui prévoit la mortalité attendue en1990-1998 à partir de celle observée entre 1971 et 1989 avant que le dépistage nesoit mis en place.

Enfin, une publication plus récente rend compte de l’effort de modélisation desept groupes de recherche qui ont, comme les chercheurs anglais, tenté d’expliquerla réduction de la mortalité par cancer du sein aux États-Unis. Tous les groupesaboutissent à la conclusion que ni le dépistage ni l’amélioration des thérapeutiquesne peuvent expliquer séparément cette réduction, mais les estimations obtenuesmontrent que le pourcentage de réduction attribuable au dépistage est grandementincertain !… (22).

Le principal intérêt de ces études est de montrer que la réduction de mortalitéa peu de choses à voir avec les 30 % des essais randomisés. Elles donnent une idéede ce qu’il est raisonnable d’attendre d’une étude fine de la mortalité et nous

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indique aussi pourquoi il n’est probablement pas raisonnable d’attendre d’effetvisible en France où le dépistage a été mis en place dans une population déjà large-ment soumise au dépistage parfois qualifié d’individuel (5). Comme l’a montré lacomparaison des cancers détectés par les programmes de dépistage dans lesBouches-du-Rhône et en Angleterre (East Anglia) (24), les tumeurs diagnostiquéesen France hors programme ont des caractéristiques plus favorables que celles obser-vées en Angleterre.

ConclusionL’utilisation des données de routine pour évaluer l’impact du dépistage pose denombreux problèmes (24). Parmi ceux-ci, la fiabilité et la comparabilité desdonnées publiées accentuent encore les difficultés. Dans cette nouvelle édition nousavons essayé de guider le lecteur dans l’utilisation des sources disponibles et nousavons mis à jour quelques chiffres en les remplaçant par des estimations que nousjugeons plus adéquates.

Il est assez difficile de savoir comment et quand le dépistage s’est installé enFrance avant qu’il ne soit organisé et suivi dans quelques départements français. Enconséquence la mortalité par cancer du sein a pour dénominateur un mélange depersonnes-années de femmes n’ayant pas participé au dépistage ou ayant participéau dépistage « individuel », au dépistage organisé ou aux deux avec des fréquencesvariables. Les données de mortalité sont connues selon l’âge au moment du décèsqui diffère considérablement de l’âge au moment du diagnostic. Ainsi, les décèsobservés entre 50 et 60 ans correspondent en majorité à des femmes qui n’auraientpas dû être dépistées, or il est impossible avec les données dont nous disposonsactuellement d’éliminer des décès ceux des femmes qui n’étaient pas censées êtredépistées. Des tentatives de ce genre ont été faites en Suède avec soin (25, 26) maisfournissent un niveau de conviction moyen en ce qui concerne les résultats quan-titatifs obtenus et leur interprétation.

L’analyse des données d’incidence et de mortalité suggère que l’incidence ducancer du sein en 2000 n’a pas encore atteint son maximum et que l’incidence fran-çaise rejoindra fort probablement celle des États-Unis. Selon notre estimation, lamortalité a amorcé sa décroissance. Notre projection jusqu’à l’an 2000 à partir denotre base de données limitées à 1997 est conforme jusqu’en 1999 aux donnéespubliées par l’OMS. La décroissance s’est accentuée entre 2000 et 2002 mais cette «cassure » correspond au changement de classification et de méthodologie duCépiDc, organisme de l’INSERM responsable de la gestion et du codage des certi-ficats de décès (27). Il est encore trop tôt pour interpréter sa signification. End’autres termes, il est à peu près impossible à partir de ces seules données de savoirquelle est la contribution du dépistage à cette évolution.

Il est donc nécessaire d’avoir d’autres outils pour juger de l’efficacité d’unprogramme de dépistage dans une population où aucun essai d’efficacité n’a étéréalisé. Il existe des méthodes aujourd’hui bien codifiées pour estimer l’efficacité

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potentielle d’une telle méthode de prévention (28, 29). Elles impliquent toutefoisdes recueils de données que les systèmes de santé publique ont du mal à mettre enplace. En particulier, il n’existait pas toujours un registre du cancer et un recueilhistopathologique des lésions du sein là où le dépistage organisé était mis en placeet l’on est le plus souvent dans l’impossibilité d’avoir le tableau de bord nécessaireau contrôle de l’efficacité de cette méthode de prévention. Le seul moyen de savoirsi elle a l’impact promis est d’organiser le dépistage de telle sorte qu’on puisserecueillir partout les données sur la participation et les caractéristiques des lésionsdétectées et suivre en outre les femmes invitées pour l’incidence et la mortalité dansun certain nombre de départements choisis en fonction de l’existence de ressourcesépidémiologiques adéquates. Si le premier objectif est à peu près réalisé dans lenouveau cahier des charges, on est encore très loin du second. En l’absence de ceteffort, toutes les discussions sur les bénéfices du dépistage dans ce pays et sur l’exis-tence possible d’un « surdiagnostic » restera vaine. Ce travail ne représenteraitpourtant qu’une faible partie de la dépense engagée pour la généralisation du dépis-tage en France.

RemerciementsLes données d’incidence utilisées sont celles du réseau de registres de cancer fran-çais (FRANCIM). Les données de mortalité sont celles de l’unité CépiDc de l’INSERM. Nous les remercions d’avoir mis ces données à notre disposition.

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« La médecine n’est certes pas un jeu de piste. Pourtant la métaphore du dépis-tage lui convient. Le mot de piste est venu de l’italien, et remonte à un verbe latinqui correspond à “piétiner”, ce qui explique qu’il s’agit d’une trace. Les piedspeuvent écraser et broyer – le basilic broyé, c’est le pesto italien, le pistou proven-çal – mais aussi, par des marques répétées, constituer une voie. Autre bizarrerie,pister, suivre à la piste, c’est-à-dire à la trace, ne s’oppose nullement à dépister,“découvrir le gibier en suivant ses traces”. Une recherche rendue possible par lestraces, cela correspond assez bien au diagnostic, qui s’appuie sur des symptômes.Symptômes et traces sont des signes dont la signification démasque un (ou une)coupable, la maladie. Un simple mot pris au figuré, dépistage, peut se déplier enallégorie. La médecine traque et dépiste, décrypte et détecte les maladies : c’est unchasseur et un détective. Ce qui permet de coincer le mal, de le forcer et, si tout vabien, de l’achever. Que les écologistes ne s’en offusquent pas, car ce gibier-là estvraiment nuisible. Le dépistage est une chasse collective au monstre. »

Alain Rey

IntroductionLes cliniciens ont observé que la détection d’un cancer à un stade initial leur permet-tait de réaliser plus souvent un traitement curatif, et les a amenés à l’hypothèse quela détection de lésions à un stade préclinique permettrait de les traiter avec encoreplus de chance de guérison. Cette hypothèse repose en fait sur deux postulats :

– le premier est que les cancers évoluent progressivement au cours du tempsdepuis des anomalies génétiques jusqu’au cancer invasif, en passant par desphases de lésions cytologiques et tissulaires bénignes, de transformationmaligne locale et finalement d’invasion tissulaire. Ce modèle évolutif permet

Principes généraux du dépistage :application au cancer du seinH. Sancho-Garnier1

1. Médecin, professeur de santé publique, épidémiologiste (Montpellier).

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de penser que l’on peut détecter ces lésions avant le stade invasif, voire avantla transformation maligne ;

– le second est que l’action thérapeutique qui est associée à un diagnostic austade préclinique conduit plus souvent à la guérison. C’est-à-dire que laséquence « dépistage-traitement » donne de meilleurs résultats que laséquence classique « diagnostic-traitement ».

Le dépistage consiste donc à identifier, à l’aide d’un examen simple (dit test),dans une population définie, les sujets à très haut risque d’être atteints d’un cancerà un stade initial ou d’une lésion précancéreuse n’ayant pas donné lieu, jusque-là,à des symptômes et à un traitement. Ce test doit donc permettre, avec suffisammentde rigueur, de faire le partage entre les personnes probablement atteintes d’uncancer ou d’une lésion précancéreuse et celles qui en sont exemptes à ce moment-là. Les personnes dont le test est dit « positif » doivent nécessairement subir desexamens complémentaires pour vérification du diagnostic et traitement si besoin.

Il ne faut pas confondre le dépistage avec le diagnostic précoce ce dernier consisteà diagnostiquer un cancer le plus tôt possible à partir de l’apparition de signescliniques, donc chez des sujets demandeurs de soins. Le dépistage, lui, s’adresse à dessujets se considérant en bonne santé, afin d’identifier le petit nombre de personnesdevant subir des examens complémentaires. En conséquence le dépistage, pourobtenir un bénéfice qui s’exprime en années de vie gagnées en bonne santé, doit êtreproposé à l’ensemble des sujets susceptibles d’obtenir ce gain de vie, sujets non discer-nables a priori du reste de la population; il faut donc que le dépistage soit généraliséà toute cette population, même si la grande majorité n’en tirera qu’un bénéfice deréassurance temporaire. Toute diminution du nombre de bénéficiaires, par manquede participation ou absence de suivi par exemple, ou toute augmentation d’effetsnocifs induits par des tests de qualité insuffisante ou à risque, entraînera une réduc-tion de l’efficience (balance coût/bénéfice). Cela amène à énoncer diverses conditionsimportantes pour la justification de la prescription des actes de dépistage.

Les conditions d’efficience du dépistage

Le modèle évolutifCe modèle est apparu plausible pour un certain nombre de tumeurs parce que l’onobservait effectivement soit des lésions précancéreuses à probabilité forte de trans-formation (col, côlon), soit des phases initiales d’extension limitée d’une duréesuffisamment longue pour être détectée (sein, prostate). Mais cela suppose que laquasi-totalité de ces lésions deviendront effectivement des cancers invasifs et méta-statiques. Ce modèle ne fait donc aucune hypothèse sur l’hétérogénéité biologiquede ces lésions et sur leurs diverses probabilités d’évolution. Si la probabilité d’évo-luer vers un cancer invasif des lésions découvertes n’est pas de 100 % (ce qui esttoujours le cas, même pour les cancers in situ), il existe un risque de surdiagnosticet donc de surtraitement. Ce risque doit donc être limité et si le traitement proposé

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est simple et sans séquelle, il peut être parfaitement acceptable. Si le modèle évolu-tif est différent, comme des lésions invasives sans phase transitoire, le dépistage seraimpossible (fig. 1).

Le test de dépistageS’adressant à des millions de personnes dont plus de 90 % ne présentent pas delésions décelables, ce test doit être simple et acceptable, sans risque, sensible etspécifique. Son coût doit être supportable par le système de santé du pays.

Si le test est peu sensible, il passera « à côté » de beaucoup de lésions, diminuantainsi le nombre de bénéficiaires ; si le test est peu spécifique, il entraînera beaucoupde faux positifs conduisant à de trop nombreux examens complémentaires et à uneangoisse inutile pour les « faux positifs » (ceux dont le test est positif et dont lesexamens complémentaires ne confirment pas l’existence d’une lésion à traiter).

S’il est compliqué ou rejeté par la population, le taux de participation sera baset l’efficience diminuée ; enfin les risques de lésions physiques ou d’atteintepsychique doivent être très faibles et bien sûr évalués en fonction de la populationconsidérée.

Les conditions de réalisation du test doivent faire l’objet d’une assurance dequalité, ainsi pour les cancers du sein elle comprend :

– la formation des intervenants (les manipulateurs et les radiologistes), lecontrôle des appareils, les normes de réalisation du test, la sécurisation de l’in-terprétation (double lecture), l’évaluation des lecteurs, la gestion et l’archivagedes résultats (voir chapitres ultérieurs).

– les faux négatifs pouvant donner lieu à des cancers d’intervalle (cancersdiagnostiqués entre deux tests) ; il est important de pouvoir juger ultérieure-ment s’il s’agissait d’une erreur d’interprétation ou d’une réelle absenced’image, donc de pouvoir relire les radios.

Figure 1 - Relation temps/diffusion tumorale et bénéfice potentiel.

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Démonstration de la supériorité des résultats de la séquence« dépistage-traitement » versus « diagnostic-traitement »Le dépistage ne peut être recommandé que s’il permet : soit d’éviter l’apparitiond’une proportion notable de cancers par la découverte et le traitement efficace delésions précancéreuses, l’indicateur est alors la baisse de l’incidence ; soit de réduirela mortalité due à ce cancer par un traitement plus efficace, l’indicateur est alors labaisse de la mortalité due à ce cancer dans la population ciblée. Du fait de l’avanceau diagnostic (diagnostic fait avant l’apparition de symptômes, donc avant la dateusuelle), la survie ne peut être un bon indicateur puisqu’elle est prolongée d’em-blée de cette avance par rapport aux sujets diagnostiqués sur symptômes (fig. 2).

Connaître deux ou trois ans avant que l’on a un cancer n’améliore pas la qualité devie… sauf si l’on est plus sûr d’en guérir.

Cette supériorité de la séquence « dépistage-traitement » doit être démontrée,préalablement à la généralisation à toute une population, par des études dont laméthodologie permet de conclure sans risque de biais majeur. Les polémiquesrécentes sur les résultats des essais randomisés de dépistage des cancers du sein (1,2) montrent que la méthodologie des essais randomisés, considérée comme lameilleure, peut également être contestée ! Par ailleurs, la valeur quantitative desrésultats obtenus dans le cadre de ces études expérimentales n’est pas reproductibledans les conditions de routine qui aboutissent toujours à une réduction du béné-fice observé.

Ainsi pour les cancers du sein, les résultats globaux issus d’une méta-analyse (3)concernant les différents essais ont permis d’attribuer au dépistage une diminutionde la mortalité liée au cancer du sein d’environ 30 % pour les femmes de 50 à

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Figure 2 - Modèle d’intervention : dépistage/diagnostic.

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69 ans. En revanche, pour les femmes de moins de 50 ans, la diminution de lamortalité par cancer du sein n’est pas significative (tableau 1). En situation deroutine, les résultats en Angleterre, où il n’existait pas de dépistage spontané, sontde l’ordre de 20 % de réduction de mortalité (4). Une estimation adaptée aucontexte français pour les femmes de 50 à 69 ans, parmi lesquelles il existe déjà undépistage individuel d’environ 30 %, et dans le cadre d’un dépistage organisé inté-grant une participation de 60 %, et moins de 10 % de faux négatifs et de perdus devue lors du suivi, nous permet d’espérer environ de 10 à 15 % de réduction demortalité par cancer du sein, après au moins six ans de réalisation du programme.Pour les femmes de moins de 50 ans, la réduction de mortalité serait inférieure à5 % (5).

Le taux de participationL’importance des bénéfices dépend de la participation de la population dans laquellese trouve le plus de bénéficiaires potentiels (sujets en phase préclinique détectable).

Si ce sont les tranches de la population présentant les taux les plus élevés decancers qui ne participent pas (les femmes plus âgées, par exemple), et celles où laprévalence des lésions détectables est faible qui participent (les plus jeunes), l’effetglobal peut apparaître nul. Il faut donc s’efforcer d’attirer dans le programme latotalité de la population cible ; une telle démarche répond aussi au principe d’équitéqui régit notre système de santé. La difficulté de la démarche réside dans la néces-sité de faire participer le plus de personnes possible tout en respectant le principe,incontournable dans ce domaine, du volontariat.

Pour les cancers du sein, une première estimation du niveau minimal de parti-cipation, compte tenu des bénéfices attendus, avait été fixée à 60 %, mais la révi-sion à la baisse des bénéfices escomptables amène à élever ce taux minimal à 75 %.Le taux de couverture en France dans les départements où existe un programmepour les femmes de 50 à 69 ans est probablement de cet ordre (40-50 % dans leprogramme et 30 % hors programme).

Études RR global* 40-49 ans 50-74 ans

Méta-analyse5 essais** 0,77 [0,68-0,87] 0,95 [0,74-1,22] 0,71 [0,61-0,83]5 essais suédois 0,76 [0,66-0,87] 0,87 [0,63-1,20] 0,71 [0,68 0,73]# Méta-analyse13 essais*** 0,75 [0,68-0,83] 0,93 [0,76-1,13] 0,74 [0,66-0,83]

* risque relatif 40-74 ans**Day N., Hurley S., Kaldor J. 1992# 50-69*** Kerlikowske 1999

Tableau 1 - Efficacité du dépistage des cancers du sein par mammographie.

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Le suiviLa finalité du dépistage ne peut être réduite à l’identification d’anomalies, car celane serait pas très utile ! La démarche ne peut se concevoir que si elle s’accompagned’une séquence complète : test, examens complémentaires pour les « positifs » ettraitement pour les cas. Si les sujets dépistés positifs ne sont pas rapidement pris encharge, alors le dépistage devient plus nuisible qu’utile. En effet, les sujets positifsn’en retireront aucun bénéfice, tout en conservant l’angoisse de se savoir positifs, etle reste de la population aura subi un examen médical sans contrepartie de béné-fice pour la collectivité.

L’organisation

Objectifs

Certes le dépistage peut potentiellement prolonger la vie pour quelques-uns, maispour la grande majorité des sujets qui s’y soumettent il sera une contrainte inutile,voire une nuisance plus ou moins grave. Ainsi s’adressant d’une façon plus oumoins contraignante à des sujets qui ne se considèrent pas malades, il paraît nonseulement raisonnable, mais même indispensable de s’assurer d’un maximum debénéfices et d’un minimum d’effets néfastes. Un tel résultat ne peut s’obtenir qu’enrationalisant le dépistage, c’est-à-dire en l’organisant.

Dans de nombreux pays les programmes de dépistage ont donné des résultatsdécevants en raison des mauvaises conditions dans lesquelles ils ont été organisés.Ce manque d’efficacité a été dû à des facteurs variés tels que mauvaise participationdes médecins et/ou du public, manque de coordination entre les différents élémentsdu système, non-respect de la périodicité, mauvaise qualité des examens. Le dépis-tage n’est justifié que si l’on est capable de fournir à l’ensemble de la populationpouvant en bénéficier un programme de qualité optimale. En invitant la populationbien portante à se soumettre à un examen médicalisé, les autorités responsables seportent garantes de sa qualité. Le dépistage dit individuel ou spontané, outre qu’ilest contraire au principe d’équité en n’atteignant qu’une partie socialement sélec-tionnée de la population, ne permet de fournir qu’un service dont la qualité ne peutêtre mesurée donc non assurée, et dont les coûts sont totalement incontrôlés.

Intégration dans le système de santéUn tel programme ne peut être que multipartenarial (politiques, professionnels desanté, financeurs, administratifs, représentants des usagers…) et doit s’inscrirenaturellement dans le système de santé. Des liens étroits entre le système de dépis-tage et les structures de soins doivent donc être établis. Une coordination au niveaunational et régional est tout autant indispensable qu’une gestion au niveau local.

58 Le dépistage du cancer du sein

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Principes généraux du dépistage : application au cancer du sein 59

Résultats visés et mise en placeL’organisation du dépistage doit permettre d’approcher les résultats obtenus par lesétudes ayant démontré l’efficacité de l’action. Si l’on désire atteindre le mêmeniveau de résultat « en routine », il faut reproduire au plus près les conditions expé-rimentales, ce qui est d’autant plus difficile que la population est déjà partiellementcouverte par un dépistage spontané comme en France pour les cancers du sein.

L’organisation des campagnes doit donc permettre de réaliser le dépistage pourrépondre au mieux aux exigences énoncées ci-dessus. C’est pourquoi la généralisa-tion d’un système de dépistage ne peut être effectuée qu’après avoir testé, par desexpériences pilotes, les différentes composantes de l’organisation dans le cadre dusystème de santé du pays où on l’organise. Ainsi, en France, il est apparu que seulun système décentralisé utilisant les structures déjà en place (les radiologistes et lesmédecins généralistes) pouvait permettre d’obtenir un taux de participationoptimal et un suivi de qualité. En ce qui concerne les cancers du sein, il était indis-pensable d’intégrer l’ensemble des cabinets de radiologie possédant un mammo-graphe (dont 90 % sont privés) dans les programmes, sous peine de laisser la filièrediagnostique en dehors du contrôle de qualité mis en place par le programme et deperdre ainsi tout le gain espéré sur la mortalité.

Un plan d’assurance de qualité permettra de vérifier si le programme se dérouledans des conditions optimales et de remédier, au fur et à mesure, aux insuffisancesobservées. L’évaluation de divers indicateurs, en particulier de l’incidence et/ou dela mortalité au cours du temps, permettra de savoir si les bénéfices obtenuscompensent les nuisances induites et les coûts, mais cela ne peut être observé qu’àlong terme (cinq à dix ans après la mise en place du programme). L’évaluationdevra aussi comporter des indicateurs à court et à moyen terme (cf. §).

Les composantes de l’organisationElles doivent permettre d’assurer :

un équilibre optimal entre les cas de faux positifs et de faux négatifs par :– la formation des professionnels qui réalisent les tests et ceux qui les interprètent

dans une optique spécifique de dépistage ;– la mise en place d’un système de recueil d’indicateurs pour s’assurer de la

qualité permanente des tests ;– la création d’accréditations pour les structures chargées des tests.

une participation optimale de la population cible par :– un programme de communication pour toute la population ciblée ;– une communication spécifique vis-à-vis des professionnels susceptibles de

jouer un rôle, en commençant par les médecins généralistes et spécialistes,mais aussi les pharmaciens, corps infirmier, associations de consomma-teurs… ;

– un accès facile aux tests proposés (proximité, rapidité, gratuité) ;– des invitations personnalisées (médecins traitants et courrier), d’où la néces-

sité de gérer un fichier d’invitations ;

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– des réponses rapides pour les résultats, un soutien psychologique en casd’anomalie et la prise en charge immédiate de ces sujets.la suppression des perdus de vue (tests positifs sans examens complémen-taires) par :

– la création d’un système de suivi permettant de recueillir et de centraliserrapidement les données afin d’assurer la surveillance. Cela demande uneparticipation active des professionnels impliqués, l’utilisation d’un outil degestion informatique, l’existence d’un comité de suivi ;

– l’assurance de qualité de l’ensemble du programme permettant d’évaluertoutes les étapes, ce qui implique de recueillir les données, de les centraliser etde les analyser de façon régulière.

Tout cela ne peut être obtenu sans une bonne coordination entre les diverspartenaires et donc des moyens informatiques et humains pour assurer la bonnegestion de l’ensemble du programme. Des responsabilités séparées sans lien entreelles ne permettront pas d’assurer un bilan bénéfice/risque acceptable.

Les coûts financiersLa mise en place d’un dépistage organisé nécessite l’octroi, par les partenaires finan-ciers, de budgets reconductibles chaque année permettant d’assurer le déroulementdes programmes dans des conditions adéquates. Ce budget doit comprendre lescoûts liés aux campagnes d’information, à la formation des partenaires, au paie-ment des tests pour toute la population ciblée (délivrance et réalisation), à lagestion du programme, au recueil de données, audit et analyse pour l’assurance dequalité et à l’évaluation.

La décision de mise en place d’un programmePour les diverses raisons énoncées ci-dessus, la mise en place d’un dépistage doitreprésenter un choix stratégique fondé sur des arguments scientifiques et sociaux,dans le cadre d’une politique de santé publique et non s’imposer spontanément,sans justification de son efficacité, et sans une organisation permettant de maximi-ser les bénéfices et de minimiser les coûts. Pour que le dépistage ait un effet globa-lement positif sur la santé d’une population, au moins trois conditions sontnécessaires : une volonté politique, un financement, une organisation adéquate.

Afin d’éviter l’induction de coûts non compensés par des bénéfices de santé, ladécision de mettre en place une campagne de dépistage devrait reposer sur leséléments suivants :

– l’importance de la maladie concernée par le programme dans la populationciblée (fréquence, gravité) ;

– la démonstration, par des études adéquates, qu’un programme de dépistageutilisant un test simple, non agressif et peu coûteux, permet d’améliorer lasanté de la population ciblée ;

– l’identification des nuisances ;

60 Le dépistage du cancer du sein

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Principes généraux du dépistage : application au cancer du sein 61

– l’absence de meilleures possibilités (prévention primaire) pour améliorer lesrésultats ;

– l’évaluation des coûts financiers directs et indirects ;– la priorité du problème (la masse financière disponible n’étant pas infinie,

toute opération mise en œuvre obère la possibilité d’en effectuer d’autres) ;– la possibilité d’une organisation efficiente en termes d’infrastructures et de

moyens humains disponibles. Les conséquences qui résulteraient de l’impos-sibilité de prendre en charge pour des raisons techniques ou budgétaires lespersonnes dont le test est positif seraient sans nul doute très contestables…

Une évaluation a priori de la taille de la population cible, des moyens nécessairespour lui offrir une couverture adéquate, des surcoûts par rapport à la situation exis-tante et des gains en santé qui résulteront de l’action permettrait de décider, enmeilleure connaissance de cause, de l’intérêt et de la priorité de la mise en place detelles interventions.

Par exemple, en France, le cancer du sein est apparu, suite aux essais montrantune réduction de la mortalité par l’utilisation systématique de la mammographie àpartir de 50 ans, comme un bon candidat au dépistage car :

– la maladie est fréquente, grave, les taux de guérison augmentent peu, et laprévention primaire est difficilement réalisable en l’absence de facteurs derisques connus sur lesquels on pourrait agir efficacement ;

– le diagnostic précoce est dans l’ensemble assez satisfaisant : plus de 60 % detumeurs diagnostiquées au stade I (T1-T2, N0 de la classification TNM) ;

– le système de santé permet la prise en charge de tous les cas de cancers dépis-tés (remboursement à 100 %) ;

– il est possible de réaliser des mammographies de dépistage de qualité adéquatesur l’ensemble du territoire ;

– le coût de l’organisation et de la généralisation est supportable par le pays ;– les recommandations de la commission européenne (6), dont un extrait figure

ci-dessous sont appliquées.« Le dépistage par la mammographie doit être proposé aux femmes asympto-

matiques, seulement dans le cadre de programmes organisés comprenant une assu-rance qualité à tous les niveaux. Lorsque la mammographie de dépistage estproposée, seules les femmes de 50 à 69 ans doivent être invitées. (Cette classe d’âgeest maintenant étendue jusqu’à 74 ans.) L’intervalle de dépistage est de deux ans enmoyenne. Les programmes de dépistage du cancer du sein doivent être organisésconformément au guide méthodologique européen. » (7).

Les effets secondaires du dépistage par mammographie chez les femmes de40 à 49 ans pourraient être non négligeables, étant donné la valeur prédictive plusfaible de la mammographie dans cette tranche d’âge, de la détection plus fréquentede cancers non évolutifs et des risques plus élevés d’irradiation.

La gestion de la qualité doit être assurée et doit comprendre : la formation etl’éducation en stratégie de management, la formation et le recrutement à longterme d’un personnel qualifié, l’assurance qualité pour la protection des consom-mateurs ainsi que la gestion des aspects politiques, gouvernementaux, écono-miques, sociaux et techniques du programme ».

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ConclusionToute intervention de santé publique et, en particulier, celle qui implique desactions médicalisées (examens, prise de médicaments…) devrait – avant d’êtreorganisée pour la collectivité – faire l’objet d’une réflexion préalable approfondiesur les avantages et les inconvénients engendrés par une telle décision. Ce type dedémarche nécessite d’admettre la primauté de l’intérêt collectif sur l’intérêt indivi-duel. En effet, il s’agit d’une démarche non sollicitée par l’individu (la spontanéitéde la demande des sujets, invoquée par les médecins, est toujours relative puis-qu’elle se rapporte à une prescription dont la promotion a été faite au départ par lemonde médical), et dont la probabilité de bénéfice pour le sujet impliqué est faibleet lointaine.

Ces actions participent directement à une transformation du contrat habituelmédecin-malade où le malade est le demandeur. Ici la relation est inversée : lesmédecins sont les « proposeurs » et ils demandent aux personnes de prendre encharge leur santé. Pour ce faire, ces personnes doivent d’une part être correctementet totalement informées, et d’autre part être assurées d’une qualité de prise encharge optimale que seule une organisation efficace peut leur apporter.

Références1. Gotzsche P, Olsen O (2000) Is screening for breast cancer with mammography

justifiable? Lancet 335: 129-34

2. Olsen O, Gotzsche P (2000) Cochrane review on screening for breast cancerwith mammography. Lancet 358: 1340-2

3. Nystrôm L et al. (1996) An overview of the Swedish randomised mammographytrials: Total mortality pattern and the representativity of the study cohorts. JMed Screen 3(2): 85-7

4. Blanks RG et al. J (2000) Effects of NHS breast screening programme on mor-tality from breast cancer in England and Wales, 1990-98: Comparison of obser-ved with predicted mortality. BMJ 321: 665-9

5. Sancho-Garnier H, Schaffer P (2000) Epidémiologie des cancers du sein, effetpotentiel du dépistage organisé. Epidemiology of breast cancer, a potential effectof organised screening. J Le Sein 10 (1-2): 11-4

6. Recommandations CEE (1999) Dépistage du cancer dans l’Union européenne.Comité Consultatif sur la Prévention du Cancer suite à la Conférence sur ledépistage et la détection précoce des cancers, Vienne, 18 et 19 novembre

7. De Wolf C, Perry NM (eds.) European guidelines for quality assurance in mam-mography screening – 2nd Ed. June 1996, Europe against cancer programme.Commission of the EC. (ISBN 92 – 827-7430-9)

62 Le dépistage du cancer du sein

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IntroductionLe dépistage du cancer du sein est réalisé différemment selon les pays en fonctionde leur système de santé, des prises en charge financières et de leur culture. On peutdistinguer les pays qui ont mis en place des programmes de dépistage organisé dansles différentes régions du monde (Asie, Europe, Océanie, Canada) et ceux quiproposent un service fondé sur des recommandations présentées par plusieursorganismes nationaux (États-Unis, Amérique latine). Nous ne parlerons pas despays qui ne présentent pas de facilités pour le dépistage (Afrique du Sud) ou dontles données sont insuffisantes (Moyen-Orient). Les différents essais qui ont débutéen particulier aux États-Unis en 1963 (1), aux Pays-Bas (1974), en Suède (1976) (2),au Royaume-Uni (1979) et au Canada (1980) ont montré que le dépistage organisédu cancer du sein pouvait conduire à une réduction de mortalité liée à cettemaladie. C’est à la suite de cette démonstration que de nombreux pays ont débutédes expériences de dépistage organisé de cancer du sein à la fin des années quatre-vingt (Finlande, France, Islande, Irlande, Italie, Grèce, Belgique) et au cours desannées quatre-vingt-dix (Australie, Israël, Luxembourg, Autriche, Danemark,Norvège, Portugal, Espagne, Suisse, Allemagne, Hongrie, Japon, Uruguay). Selon lespays, on observe une progression plus ou moins rapide dans les procédures de miseen place d’un dépistage organisé : depuis le projet pilote, en passant par leprogramme régional avant d’atteindre une extension nationale.

Ces étapes ne sont pas présentes dans tous les pays, mais elles ont eu l’avantaged’aider au choix de la méthodologie de dépistage la plus appropriée aux caractéris-tiques du pays, en particulier le choix d’un système centralisé, décentralisé ou mixtetout en conservant le même bénéfice. Nous insisterons plus particulièrement dans

Les programmes de dépistage du cancerdu sein dans les différents paysC. de Wolf1, B. Gairard2 et A. Scharpantgen3

1. Médecin, MD MPH (Genève, Suisse)2. Médecin, MCU-PH en oncologie (Illkirch, France).3. Médecin, RN MPH (Luxembourg).

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ce chapitre sur les expériences européennes qui ont davantage contribué à notreréflexion pour l’élaboration du programme français.

Programmes organisés européensLes premiers programmes organisés ont débuté en 1986-1989 dans les paysnordiques et en 1989 au Royaume-Uni. En 1986 un réseau de projets pilotes euro-péens a été mis en place sous la tutelle du programme Europe Contre le Cancer (3) :sept pays ont débuté en 1989 (Belgique, France, Grèce, Irlande, Italie, Portugal etEspagne) et d’autres pays se sont joints progressivement (Danemark, Allemagne etLuxembourg) pour atteindre seize projets dans dix pays différents. Les Pays-Bas, leRoyaume-Uni et la Suède qui mettaient en place leur programme national étaientreprésentés dans le réseau des projets pilotes et participaient en tant qu’experts.

Pays ayant participé au réseau européen (4, 5)

Objectifs

En créant un réseau, l’objectif majeur du programme Europe Contre le Cancer aété de faciliter le dépistage organisé du cancer du sein par le partage de l’informa-tion et la mise en place de structures appropriées. Ce programme souhaitait jouerun rôle de guide, apporter stimulation au cours des différentes étapes et favoriserdes encouragements politiques.

La participation au réseau européen de dépistage du cancer du sein (EBCN :European Breast Cancer Network) fondé par le programme Europe Contre le Cancera été motivée par une recherche d’aide non seulement financière mais surtout orga-nisationnelle et éventuellement politique dans les axes définis dans les trois plansd’action qui se sont succédé. Le premier plan d’action (1988) (6) visait la mise enplace des programmes de dépistage et la sensibilisation du grand public. Ledeuxième (1990-1994) (7) s’orientait sur l’introduction des recommandations enassurance-qualité et la création d’un European Reference Organisation for QualityAssured Breast Screening and Diagnostic Services (EUREF). Enfin le troisième (1996-2000) (8) était responsable de la révision des recommandations sur l’assurancequalité (9) et de l’amélioration de la détection précoce du cancer du sein par la créa-tion des centres multidisciplinaires au sein du réseau EBCN.

Caractéristiques

Dès le départ, il était clair que la Commission européenne ne pouvait subvention-ner de programmes de dépistage du cancer du sein locaux/régionaux ou nationaux.De tels services sont sous la responsabilité des systèmes de santé nationaux/régio-naux et doivent être financés par des ressources nationales publiques ou privées(principe de subsidiarité). Il a été montré que la mise en œuvre de ressources

64 Le dépistage du cancer du sein

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publiques par un système de santé centralisé était plus efficace dans la mise en placed’un programme de dépistage systématique que les systèmes décentralisés, bien queces derniers aient apporté des exemples réussis. L’existence de registres de cancerspeut apporter une aide non seulement pour fournir l’incidence et la mortalité parcancer du sein à chaque instant, mais aussi pour participer au suivi et à l’évaluationdes programmes.

Outre les différences de systèmes de santé parmi les pays européens, il existe desdifférences culturelles particulières en pratique médicale, dans la délivrance et laperformance des services. Dans certains pays, le principe de multidisciplinarité etde revue par ses pairs est de pratique courante. L’active vérification des qualifica-tions, la mise en place des objectifs, la définition de standards minimaux, la forma-tion, la certification et la transparence des services de dépistage du cancer du seinont été souvent des nouveautés pour les différents acteurs et n’étaient pas toujoursbien acceptées. Cependant ces critères de qualité ont amélioré la délivrance et lesrésultats de ces services et réduisent les effets négatifs du dépistage.

Parmi les seize projets dans dix pays européens, sept fonctionnent dans unsystème de santé centralisé (Copenhague (DK), Navarre (Sp), Galice (Sp), Valence(Sp), Florence (I), Turin (I) et Coïmbra (P)) huit dans un système décentralisé(Bruxelles (B), Cologne (D), Dublin (Irl), Louvain (B), Luxembourg (L), Marseille(Fr), Ormylia (Gr) et Strasbourg (Fr)) et un dans un système mixte (Athènes (Gr)).Douze des seize projets ont introduit pour les activités de dépistage des nouvellesstructures, sous forme d’unités statiques ou semi-mobiles, quatre opèrent avec lesstructures existantes de radiologie (Bruxelles, Luxembourg, Marseille et Stras-bourg). Douze des seize projets utilisent également ces structures existantes, surtoutpour le diagnostic des lésions dépistées. Depuis la création du réseau, neuf payseuropéens ont instauré ou sont sur le point d’instaurer un programme national dedépistage : Belgique, France, Espagne, Irlande, Norvège, Hongrie, Républiquetchèque et Allemagne emboîtant le pas aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, à laFinlande, à la Suède et à l’Islande. Le Luxembourg a été le seul pays, dans le cadredu réseau, à démarrer dès le début un programme national. En 2005, lesquinze premiers États membres de l’UE disposaient d’un programme national oud’au moins plusieurs programmes régionaux.

Résultats

Au cours des dix années de suivi du réseau (1989-1999) se dessine une homogé-néité conforme aux recommandations des European Guidelines for Quality Assu-rance in Mammography Screening edition 1-3 (4th edition - European Guideliens forBreast Cancer Screening and Diagnosis) (9) surtout en ce qui concerne les critèresopérationnels : gratuité, tranche d’âge 50-64 ans s’étendant progressivement à69 ans, deux incidences au moins à la première vague, intervalle de deux ans,double lecture des mammographies.

Au cours des années, les seize projets ont amélioré leurs activités dans ledomaine de l’assurance qualité en appliquant les European Guidelines dans les acti-vités de dépistage : formation des radiologues et des manipulateurs, adaptation des

Les programmes de dépistage du cancer du sein dans les différents pays 65

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66 Le dépistage du cancer du sein

Indicateur Niveau Niveau de performance acceptable souhaitable

Proportion de femmes participant au dépistage parmi les femmes invitées > 70 % > 75 %Proportion de femmes rappelées pour des examens complémentaires :– au dépistage initial < 7 % < 5 %– aux dépistages ultérieurs < 5 % < 3 %Taux de détection de cancer exprimé en multiple du taux d’incidence attendu en absence de dépistage (IR) :– au dépistage initial 3 × IR > 3 × IR– aux dépistages ultérieurs 1,5 × IR > 1,5 × IRTaux de cancer d’intervalle en proportion du taux d’incidence de cancer du sein attendu en absence de dépistage :– la 1re année (0-11 mois) 30 % < 30 %– la 2e année (12-23 mois) 50 % < 50 %Proportion de cancers invasifs parmi les cancersdépistés 90 % 80-90 %Proportion de cancers stade II + parmi les cancers dépistés :– au dépistage initial < 30 %– aux dépistages ultérieurs 25 % < 25 %Proportion de cancers dépistés sans envahissement ganglionnaire– au dépistage initial 75 % > 70 %– aux dépistages ultérieurs > 75 %Proportion de cancers ≤ 10 mm parmi les cancers dépistés invasifs :– au dépistage initial ≥ ≥ 25 %– aux dépistages ultérieurs ≥ 25 % ≥ 30 %Taux bénin/malin en biopsie chirurgicale au dépistage ≤ 1 : 2 ≤ 1 : 4initial et aux dépistagesultérieurs

Tableau 1 - Indicateurs de performance dans un programme organisé de cancer du sein. Lesobjectifs sont indiqués pour une population de plus de 50 ans. Ce tableau est tiré de EuropeanGuidelines for Quality Assurance in Breast Cancer Screening and Diagnosis, 4e édition (9).

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protocoles de qualité technique, standardisation des comptes rendus anatomopa-thologiques et de la collecte des données épidémiologiques. Ces collectes ont permisde comparer les indicateurs précoces d’efficacité dans les différents projets. Ceux-ciparaissent répondre aux normes des recommandations européennes quel que soitle système utilisé (taux de détection et stade des cancers dépistés) (tableau 1). Il esttrop tôt pour apprécier les résultats en termes d’effet sur la mortalité. On sait quecet effet est difficile à mesurer, car il dépend de la situation avant et en dehors dudépistage dans la région considérée.

Autres pays européens (10)

– Pays ayant des programmes nationaux : Finlande, Islande, Norvège, Pays-Bas,Suède, Royaume-Uni.

– Pays ayant des programmes régionaux : Autriche, Suisse.Dans les programmes les plus anciens comme en Suède, au Royaume-Uni et

aux Pays-Bas, les effets sur la mortalité apparaissent après plus de dix ans de suivi.Une réduction de la mortalité a été observée dans les comtés suédois (treize comtésreprésentant 45 % de la population) qui offrent un service de dépistage organisé(11). Il est intéressant de noter que l’effet se manifeste à l’ensemble de la popula-tion (soumise ou non au dépistage) mais qu’il est toujours plus important dans lapopulation soumise au dépistage (40-45 % versus 33 %). Au Royaume-Uni, leseffets étaient moins visibles en raison de l’intervalle de trois ans entre les vagues,mais en 1998 une réduction de la mortalité estimée à 21,3 % était obtenue dont6,4 % était attribuable au dépistage (12). Aux Pays-Bas le rapport le plus récent faitétat d’une réduction significative de la mortalité par cancer du sein de 25,5 % dansla tranche d’âge 55-74 ans (Rapport 2005 LETB XI1).

En Italie, dans la région de Florence, il a été observé une réduction du taux demortalité (rapporté à l’incidence et comparant la situation avant et pendant ledépistage) de 55 % chez les femmes dépistées par rapport à 41 % chez les femmesnon invitées (13).

NorvègeEn Norvège le dépistage s’adresse aux femmes de 50 à 69 ans. Le premier projet

pilote a débuté en 1995 dans quatre comtés et s’est étendu à sept en 1999. À cettedate, le Parlement a décidé une extension nationale. Le programme est administrésur un plan national par le Registre du Cancer en collaboration avec le NationalHealth Screening Service, le Norvegian Radiation Protection Authority et les comtés.

IslandeL’Islande a mis en place depuis 1989 un programme national de dépistage du

cancer du sein de l’ensemble de la population. Le programme est organisé et menépar la Icelandic Cancer Society grâce à un contrat passé avec le ministère de la Santé.Il est associé au dépistage du cancer du col qui fonctionne depuis 1964, si bien que

Les programmes de dépistage du cancer du sein dans les différents pays 67

1. LETB XI. Landelijke evaluatie van bevolkingsonderzoek naar borstkanker in Nederland, 2005 (XI). Fracheboud J, OttoSJ, Draisma G, Grœnewoud JH, Broeders MJM, Verbeek ALM, Otten JDM, Holland R, de Bruyn AE, de Koning HF,Rotterdam, 2005.

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les femmes peuvent passer les deux tests lors de la même visite. Le programme dedépistage mammographique s’adresse aux femmes de 40 à 69 ans et 15 000 femmesenviron sont dépistées chaque année. Les femmes de plus de 69 ans sont acceptéesmais ne reçoivent plus de lettre régulière d’invitation. L’intervalle entre les vaguesest de deux ans avec un minimum de une année et demie pour les femmes qui seprésentent spontanément.

FinlandeLa prise en charge de la santé publique incluant le dépistage du cancer du sein

est sous la responsabilité de centres de santé municipaux. Il existe au total265 centres de santé. Les autorités locales sont légalement tenues d’offrir le dépis-tage du cancer du sein seulement aux femmes de 50 à 59 ans, ce qui est très parti-culier puisque c’est le seul pays offrant ce service pour cette seule tranche d’âge. Lescentres de santé réalisent une moyenne de six mammographies par femme dans cegroupe d’âge et près de 90 % des femmes invitées participent au dépistage de massedu cancer du sein. Depuis 1989, le pays est couvert dans sa totalité.

SuisseParmi les vingt-six cantons, seuls les cantons romandes (de Vaud, de Genève, de

Fribourg, du Jura, du Valais, et de Neufchâtel) ont mis en œuvre des programmesde dépistage du cancer du sein par mammographie en accord avec les prescriptionslégales. Dans le canton de Vaud, un programme pilote a été instauré en 1993permettant à ce dernier de disposer d’une expérience dans ce domaine vieille desept ans. Les résultats obtenus par le programme expérimental qui s’est prolongéjusqu’à la fin de 1998 sont très favorables et s’inscrivent pour la plupart dans leslimites des valeurs prescrites par l’Union européenne. Ils sont même parfoismeilleurs que ceux obtenus dans certains programmes. Le canton de Vaud a doncfait la preuve qu’il était possible, dans un environnement suisse, de satisfaire auxnormes de qualité européennes. Genève et le Valais ont commencé leur programmecantonal en 1999, Fribourg en 2004, le Jura en 2005 et Neufchâtel en 2007.

AutricheLe dépistage n’est pas une priorité de la politique de santé fédérale autrichienne.

Bien que la promotion de la santé et la prévention soient un objectif, les examenspour obtenir une détection précoce de maladies spécifiques telles que les cancerssont laissés aux systèmes d’assurance maladie qui délèguent à leurs assurés méde-cins la décision d’offrir un diagnostic précoce. Dans ce dépistage opportuniste, lesmédecins généralistes ou les spécialistes sont encouragés par leur caisse d’assurancemaladie ou motivés par des recommandations professionnelles pour offrir certainsexamens. Depuis 1999, il y a deux programmes de dépistage régionaux en Autriche.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les programmes de dépistage duréseau européen EBCN sont relativement jeunes et n’ont pas la masse critiquenécessaire pour montrer une réduction de mortalité statistiquement significative.Cette situation devrait changer rapidement puisque de nombreux programmeslocaux ou régionaux évoluent vers un programme national.

68 Le dépistage du cancer du sein

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Autres pays (10)

Nous nous limiterons volontairement aux pays qui ont organisé un programme dedépistage.

Au Canada, le dépistage du cancer du sein est proposé dans le cadre d’unprogramme national délivré et financé par les provinces. Il existe également undépistage opportuniste dont les performances ne sont pas évaluées. Le testcomporte une mammographie avec deux vues tous les deux ans. L’examen cliniqueest pratiqué en plus dans cinq programmes. Les femmes de 50 à 69 ans sont invi-tées personnellement, celles de 40 à 49 ans ou les femmes au-delà de 70 ans peuventêtre incluses sur demande. Les mammographies sont soumises à un contrôle dequalité sur la base de critères adoptés par l’association canadienne des radiologistes.

En Australie, le programme de dépistage du cancer du sein a débuté progressi-vement à partir de 1991. Il concerne les femmes de 50 à 69 ans. Le test comportedeux clichés répétés tous les deux ans avec double lecture. Une accréditation natio-nale est requise et un minimum de données est demandé pour l’évaluation.

En Nouvelle-Zélande, depuis 1998, le programme national invite les femmesasymptomatiques de 50 à 64 ans avec deux clichés tous les deux ans. Des critères dequalité ont été développés au niveau national.

Au Japon, un programme a été mis en place depuis 1999 proposant l’examenclinique et l’auto-examen chez les femmes à partir de 30 ans.

Il n’est pas possible de terminer cette revue sans citer la situation aux États-Unisoù il n’existe pas de programme organisé. Plusieurs sociétés (Preventive ServicesTask Force, National Cancer Institute et American Cancer Society) recommandentune mammographie tous les un à deux ans avec éventuel examen clinique pour lesfemmes à partir de 40-50 ans et jusqu’à 70 ans.

ConclusionÀ la suite de résultats des essais randomisés menés dans différents pays, et en parti-culier en Europe, ayant mis en évidence une réduction de la mortalité par cancerdu sein, de très nombreux pays de tous les continents ont proposé aux femmes undépistage systématique de ce cancer. Ces pays ont cherché à définir une méthodo-logie de dépistage applicable à leur système de santé, à leurs ressources et à leurculture tout en obtenant la même efficacité. En Europe, différents groupes se sontréunis pour échanger leurs expériences et discuter de leurs résultats (InternationalBreast Cancer Screening network (IBSN) et le réseau ECN subventionné par laCommission européenne). La diffusion en Europe des European Guidelines dont laquatrième édition publiée en 2006 constitue une base méthodologique d’assurancede qualité sert actuellement de référence et de lien entre de nombreux programmes.

Les programmes de dépistage du cancer du sein dans les différents pays 69

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70 Le dépistage du cancer du sein

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Le programme de dépistage français de 1989 à 2001Les premiers essais randomisés de dépistage du cancer du sein ont apporté la preuvedans les années quatre-vingt que la mortalité par cancer du sein pouvait diminuerd’environ 30 % chez les femmes de 50 à 69 ans soumises à un dépistage mammo-graphique.

En France dès 1989, dans le cadre du Fonds national de prévention, d’éducationet d’information sanitaire (FNPEIS), six programmes expérimentaux de dépistagedu cancer du sein ont été mis en place puis quatre autres en 1991. En 1994, leministre de la Santé a décidé d’étendre graduellement ce programme aux autresdépartements. Un Comité national de pilotage a été créé, dont la mission a été d’ho-mogénéiser l’organisation et les pratiques des divers programmes, de promouvoirl’assurance de qualité et l’évaluation. Pour passer de l’étape expérimentale à unprogramme national, un cahier des charges a été établi, et en 1996, vingt départe-ments y participaient puis en 1999 trente départements. Le Comité national depilotage rassemblait l’ensemble des partenaires : administratifs, financeurs, profes-sionnels, et il rendait un jugement aux décideurs sur la conformité des programmesavec le cahier des charges. Son Groupe permanent instruisait les dossiers de miseen route et de suivi des programmes, et pouvait jouer le rôle de consultant à l’égarddes acteurs départementaux. Deux programmes départementaux (Bas-Rhin etBouches-du-Rhône) ont fait partie comme projets pilotes du programme EuropeContre le Cancer et ont bénéficié d’échanges d’expériences entre les seize projets dedix pays différents.

La particularité du programme français a été de faire appel aux structuresmédicales existantes, en particulier de radiologie, sans créer d’unités spécialisées.Ce modèle décentralisé a été adapté à notre système de soins, mais plus difficile à

Le programme de dépistage français :historique et premier bilande la généralisationB. Séradour1

1. Médecin, radiologue, membre du comité stratégique du dépistage des cancers, médecin coordinateur de l’AssociationARCADES (Marseille).

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organiser et à gérer (1). Cette organisation devait se substituer au dépistage oppor-tuniste auquel la population française avait eu accès avant le démarrage duprogramme. En effet, le dépistage spontané avait atteint auparavant une impor-tance considérable puisque le nombre des sénographes était passé de 900 à 2 300entre 1989 et 1993.

Le programme de dépistage du cancer du sein a eu en France entre 1989 et 2000une gestion départementale. Chaque programme, coordonné par une équipe locale,possédait son centre de gestion, son système d’invitation, ses centres de radiologie.Deux programmes sur trente-deux ont utilisé des unités mobiles en plus des centresfixes. La population concernée était âgée de 50 à 69 ans. Un radiologue duprogramme, librement choisi par la femme, effectuait l’examen de dépistage quiconsistait en un cliché oblique externe par sein sans examen clinique ; les filmsétaient adressés à la structure de gestion pour relecture. Chaque examen radiolo-gique était ainsi interprété par deux radiologues : celui qui réalisait l’examen(premier lecteur) et un deuxième lecteur. La deuxième lecture était effectuée par unradiologue qui, dans certains départements, était particulièrement spécialisé enmammographie, et dans d’autres était de formation identique au premier lecteur,les modalités retenues pour la deuxième lecture étant variables selon les sites. Encas d’avis discordant, une troisième lecture décidait de l’interprétation définitive.Les radiologues des programmes avaient ainsi des niveaux de formation et unvolume d’activité différents. Les résultats étaient communiqués aux femmes et àleur médecin traitant (là aussi selon des modalités variables suivant les départe-ments).

En cas d’examen « négatif », la femme était invitée de nouveau trois ans plustard. En cas d’examen dit « positif » (anomalie sur la mammographie méritant desexamens complémentaires), la femme s’adressait à son médecin traitant, quil’orientait vers un bilan diagnostique et une éventuelle prise en charge thérapeu-tique. Le programme n’intervenait pas dans le choix de la filière de soins et necontrôlait pas les modalités du diagnostic et du traitement, mais il devait enrecueillir les résultats. Le suivi épidémiologique d’évaluation du programme dedépistage était assuré par la structure organisatrice. Les départements disposaient,pour certains, de registres de cancers et, pour d’autres, de recueils anatomopatho-logiques de biopsies mammaires. La mise en place de tels recueils exhaustifs(ensemble des chirurgies bénignes et malignes) dans le programme et horsprogramme a connu des difficultés dans la majorité des départements. Les résultatshistologiques complets ont surtout concerné les cas de cancers détectés par lesprogrammes. Cela explique en partie le caractère incomplet des données concer-nant les cancers de l’intervalle en l’absence de registre.

Des programmes d’assurance qualité de la chaîne radiologique ont aussi été missystématiquement en place à partir de 1994. Le protocole français a suivi les recom-mandations européennes de 1992 puis de 1996 (2). Des programmes spécifiques deformation pour les radiologues et les manipulateurs de radiologie ont été dévelop-pés. De même, une démarche d’assurance qualité en anatomocytopathologie s’estmise en place très progressivement pour encourager la standardisation des résultatset le contrôle de qualité interne et externe (3).

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En 1996 et 1997, les résultats départementaux ont été étudiés lors de deux sémi-naires organisés à Marseille à l’initiative du Comité national de pilotage et de ladirection générale de la Santé. L’analyse des résultats des cinq départements ayantdémarré en 1989-1990 a été publiée en 1997 (4). Elle concernait les donnéesexhaustives sur 380 000 dépistages réalisés entre 1989 et 1994. Ces résultats étaientglobalement satisfaisants mais la participation variait de 21 à 46 %. Il était alorstrop tôt pour mesurer l’impact du contrôle de qualité radiologique et de la forma-tion des professionnels.

À partir de 1998, l’Institut national de veille sanitaire (InVS) a été chargé del’évaluation. Il a édité un rapport annuel comprenant l’ensemble des donnéesdépartementales qui lui sont adressées chaque année. Les indicateurs précoces d’ef-ficacité définis à l’échelon européen, à la suite des actions de dépistage réalisées avecsuccès en Europe du Nord, ont permis de guider et de surveiller l’impact, la qualitéet l’efficacité potentielle du dépistage. Les résultats de 1989 à 2000 ont été hétéro-gènes, mais les programmes ayant démarré après la mise en place du cahier descharges en 1994 ont connu moins de difficultés que les premiers programmes expé-rimentaux. Globalement, les indicateurs précoces d’efficacité ont été conformes auxstandards européens, bien que le système de santé soit décentralisé (5).

Les résultats ont montré aussi une amélioration au cours du temps entre 1990et 1998 : le taux de dépistages positifs est passé en prévalence de 9 % à 6,6 %, lenombre de biopsies chirurgicales de 1,1 % à 0,9 % et la valeur prédictive positivede la biopsie de 48 % à 57 %. Le pourcentage de cancers invasifs de taille inférieureou égale à 10 mm est passé de 30 à 35 %. La deuxième lecture systématique a permisde détecter selon les départements de 10 à 25 % de cancers supplémentaires (6).

Le point négatif a été le faible taux de participation des femmes au programme,qui a varié entre 30 et 50 %, alors que dans les départements ayant un programmeorganisé le taux de couverture de la population a atteint ou même dépassé large-ment les 60 %. De plus, les femmes répondantes n’ont pas participé régulièrementau programme : 40 % seulement d’entre elles ont accepté deux invitations consé-cutives. L’intervalle de trois ans entre deux mammographies peut en partie expli-quer ce comportement.

En 1999, de nouvelles recommandations sur les modalités du dépistage ont étépubliées par l’ANAES (7) : la mammographie devait comprendre deux incidencespar sein (face et oblique externe), la deuxième lecture devait être de préférencecentralisée et le rythme entre deux examens devait passer de trois à deux ans. Cesrecommandations étaient en accord avec les European Guidelines for Quality Assu-rance in Mammography Screening. Au Royaume-Uni, l’utilisation de deux clichéspar sein au lieu d’un a permis, en effet, d’augmenter d’environ 20 % le nombre decancers invasifs de moins de 10 mm détectés (8) et le bénéfice a été majoré lorsqueles films avaient une densité optique élevée, comme cela est recommandé par leprotocole européen de contrôle qualité (9).

Les trente-deux départements ont modifié progressivement à partir de 2000 lenombre d’incidences et l’intervalle entre deux dépistages.

Un premier groupe technique a été constitué en 1999 auprès du directeur généralde la Santé en remplacement du Comité de pilotage. Il a été chargé d’apporter son

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expertise sur les aspects de l’assurance de qualité dans le dépistage du cancer dusein. Son rôle était de proposer une mise à jour et une adaptation des protocolesdes examens de dépistage, de définir des objectifs pour la formation des profes-sionnels et de participer à l’interprétation des résultats épidémiologiques en propo-sant des mesures d’amélioration. Ce groupe technique nommé pour trois ans necomportait pas de représentants des financeurs, mais surtout des professionnels.

Un nouveau cahier des charges a été rédigé par le groupe entre 1999 et 2000. Sonobjectif était de conserver les bénéfices acquis par les anciens programmes mais demieux s’adapter au système de soins français. En effet, le protocole précédent avaitété inspiré par des programmes étrangers se déroulant dans des systèmes de santénon libéraux, très centralisés, ne permettant pas un accès libre des femmes à lamammographie, en particulier avant 50 ans. En France, les femmes et les médecinsconsidéraient ce modèle de dépistage comme un service de moindre qualité (10).

La participation au programme restait insuffisante et une compétition entredépistage organisé et dépistage par prescription individuelle s’accentuait au coursdes ans. L’évolution progressive vers un acte unique de dépistage est apparuesouhaitable. Ce changement de stratégie dans le programme n’a pas permisd’étendre rapidement le dispositif, à l’inverse des pays d’Europe du Nord, car lesfuturs acteurs et les financeurs ont attendu de connaître les nouvelles modalitésavant de s’engager.

Les nouvelles modalités du programme en vue de sa généralisation (2001-2003)En 2001, les cahiers des charges concernant la future organisation des dépistages etles protocoles radiologiques ont été publiés (Journal officiel du 03/10/2001). En2002 un nouveau groupe technique sur le dépistage des cancers du sein a été misen place pour trois ans auprès de la direction générale de la Santé. Il a réuni tousles acteurs du programme comme dans l’ancien Comité national de pilotage. Il aeu, par sa composition, des compétences organisationnelles et scientifiques. Il aveillé au maintien de la stratégie du programme dans les régions et a travaillé encollaboration avec les agences nationales InVS, ANAES, AFSSAPS.

Dans le nouveau cahier des charges l’organisation du programme a compristrois niveaux :

– un niveau national, chargé de l’impulsion, de la surveillance et de la coordi-nation (ministère, Comité national du cancer, Institut national de veille sani-taire) ;

– un niveau régional de pilotage (Comité régional des politiques de santé etComité régional des dépistages des cancers), chargé de l’appel à candidaturedes structures de gestion, du plan de formation et d’information, du suivi desindicateurs de qualité ;

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– un niveau départemental de mise en œuvre par la structure de gestion, encharge des invitations, de la deuxième lecture et du suivi des femmes dépis-tées.

La population concernée par le programme national a été étendue de 50 à74 ans. Les invitations sont envoyées par le programme à la population cible à partird’un fichier centralisé, mais les femmes ou les médecins peuvent aussi obtenir de lastructure de gestion une invitation sur leur demande à la date souhaitée par rapportà la dernière mammographie. Ce double mode d’entrée doit permettre d’améliorerle taux de participation tout en gérant les invitations avec rigueur.

La mammographie de dépistage est prise en charge à 100 % tous les deux ansdans le dispositif.

Pour s’assurer de la qualité des actes de radiologie, un accord pour le Bon Usagedes Soins (ACBUS JO mars 2002, avenant JO juillet 2003) relatif à la mammogra-phie a été négocié entre les professionnels et les caisses d’assurance maladie. Il ainstitué un débit minimal par radiologue de 500 mammographies réalisées par an.La formation des professionnels au dépistage est devenue obligatoire. Un enseigne-ment spécifique de trois journées a été mis en place pour les radiologues, portantsur la lecture des clichés, le contrôle du matériel et les aspects épidémiologiques. Unautre enseignement s’est adressé aux manipulateurs de radiologie pour valider leurscompétences en dépistage. La Fédération nationale des médecins radiologues s’estimpliquée dans le programme depuis ses débuts en soutenant activement cettedémarche de santé publique auprès des radiologues libéraux.

Les centres de radiologie volontaires publics et privés doivent être accrédités parle programme s’ils répondent aux critères concernant la formation des personnelset la qualité des matériels.

Le contrôle des matériels radiologiques est de la compétence de l’Agence fran-çaise de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui a dû valider lesprotocoles techniques. À partir d’octobre 2003, les appareils de mammographie quin’ont pas satisfait au contrôle de qualité n’ont plus dû être utilisés quel que soit lecadre de la prescription (Journal officiel n° 83 du 8 avril 2003).

Dans le nouveau cahier des charges, la mammographie de dépistage organisé estdevenue identique à celle du dépistage individuel : elle comprend un examenclinique par le médecin radiologue et deux clichés par sein (plus un cliché complé-mentaire si nécessaire). La seule différence est la deuxième lecture systématique encas d’examen normal. Cette deuxième lecture centralisée est clairement préconiséepar les experts européens pour les pays où les examens de dépistage sont réalisésdans des centres non dédiés. Elle doit se dérouler dans des conditions optimalespour la lecture et la saisie des résultats. Elle est effectuée par des radiologues dési-rant se spécialiser dans cette procédure et lisant au moins 2 000 mammographiespar an. Elle tend à améliorer la sensibilité du programme sans générer trop de fauxpositifs. Le taux souhaitable d’examens anormaux en deuxième lecture ne doit pasdépasser 3 %, il correspond au taux de femmes réellement « rappelées ». Ces clichéspeuvent faire l’objet d’un consensus entre deuxièmes lecteurs. Dans lesprogrammes européens, la deuxième lecture a permis de détecter de 10 à 15 % decancers supplémentaires (11, 12). En France, dans le nouveau protocole, le nombre

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de cancers détectés uniquement par le deuxième lecteur peut être plus faible qu’au-paravant, car le premier lecteur dispose de deux incidences et s’aide de l’examenclinique et de clichés complémentaires au moment du dépistage. Par ailleurs, si unbilan de diagnostic immédiat est réalisé et qu’il infirme le caractère suspect d’uneimage détectée en première lecture, le dossier est aussi adressé en deuxième lecture.Ce deuxième avis après diagnostic est une démarche nouvelle et doit contribuer àéviter encore quelques faux négatifs.

La formation des professionnels à la deuxième lecture a fait l’objet d’un ensei-gnement spécifique, car la deuxième lecture est un point essentiel pour améliorerla qualité des résultats. Enfin, la deuxième lecture permet aussi de surveiller laqualité des clichés qui doivent être refaits gratuitement par le premier radiologueen cas de défaut technique.

Les clichés sont rendus aux femmes après la deuxième lecture. Si l’examen dedépistage est anormal, le bilan de diagnostic complémentaire est réalisé par leradiologue le même jour pour éviter une perte de temps et une angoisse liée à l’at-tente du résultat. En effet, le délai moyen entre le dépistage et le résultat étaiten 2000 de quatorze jours et le délai moyen entre le dépistage et le premier traite-ment des cancers de 2,6 mois (13). La prise en charge des cas suspects devrait êtredonc plus précoce et les effets délétères liés aux faux positifs atténués en explorantimmédiatement les images anormales. Du fait de la nouvelle organisation, certainesdéfinitions des indicateurs de qualité décrits dans les recommandations euro-péennes ont été légèrement modifiées, par exemple le taux de rappel (14).

L’examen de dépistage dans le nouveau programme comprend, comme cela esthabituel dans le dépistage individuel, un examen clinique par le radiologue. Cettemodalité n’a pas de protocole précis standardisé et son impact en dépistage n’a pasencore été bien établi. Quelques programmes régionaux l’ont utilisé avec lamammographie au Canada et aux États-Unis. Une étude publiée en 2002 (15) aconclu que l’augmentation du nombre de cancers détectés grâce à l’examenclinique était de trois pour 10 000 dépistages. En France, l’impact de l’examenclinique sur le nombre de cancers détectés et le nombre de faux positifs n’a pas étéétudié auparavant.

L’ensemble du protocole de dépistage par mammographie est détaillé dans leschapitres suivants : technique de l’examen radiologique, interprétation, classifica-tion des résultats et suivi des femmes dépistées. Plusieurs aspects de l’organisationde l’ancien programme ont été modifiés afin de rendre le système plus efficace etplus attractif.

Contrairement à l’ancien, le nouveau cahier des charges permet d’évaluer lesrésultats des diagnostics et les modalités de prise en charge des cas anormaux enstandardisant les interprétations radiologiques (classification Bi-Rads de l’Ameri-can College of Radiology). Cela conduit à mieux évaluer les pratiques pour lesaméliorer.

D’autres modifications induisent certains inconvénients ou risques déjà connusdans le cadre du dépistage hors programme : absence d’archivage des clichés utilespour étudier les cancers d’intervalle, absence de deuxième lecture des examensanormaux pour partage des décisions entre premier et deuxième lecteur et, enfin,

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prescriptions de bilans de diagnostic immédiats plus nombreux avec un risquemajoré de faux positifs surtout au démarrage du programme. En particulier, le rôlede l’échographie dans les seins normaux, mais de densité élevée, doit être évalué,car cette nouvelle modalité entraîne des prescriptions avec avance de frais pour lesfemmes.

Au niveau organisationnel, ce nouveau protocole est plus complexe que leprécédent pour les professionnels et les organisateurs. Il augmente la charge detravail des structures, et une collaboration étroite entre les coordinateurs et lesradiologues est indispensable.

Premier bilan de la généralisation du programme (2004–2006)En mars 2004 l’ensemble des départements français avait mis en place le dépistageorganisé, hormis la Guyane qui a demandé quelques mois supplémentaires. Le planCancer, dès 2003, a joué un rôle moteur décisif dans cette généralisation. Nousrappellerons les principales étapes concernant l’évolution du dispositif entre 2004et 2006 avant d’énumérer et de commenter les premiers résultats du programmefrançais.

Les aspects organisationnels et règlementairesLes comités régionaux des dépistages ont désigné les structures de gestion départe-mentales ou interdépartementales (89 pour le cancer du sein) en charge duprogramme. Progressivement, les fichiers des différents régimes d’assurancemaladie, qui sont plus de 30, ont été centralisés, les outils informatiques départe-mentaux ont été adaptés pour inviter et relancer les femmes et pour suivre les cassuspects. L’organisation de la deuxième lecture centralisée a été réalisée rapidementdans 85 départements, plus lentement dans 13, avec persistance de quelques diffi-cultés liées aux particularismes géographiques.

Les radiologues ont été associés aux programmes pour obtenir une homogé-néité des centres de dépistage. Plus de 5 000 lecteurs ont suivi les formations spéci-fiques pour le dépistage ou le diagnostic et 1 700 pour la deuxième lecture.L’ACBUS de 2002, signé entre l’Assurance maladie et les radiologues libéraux, fixantles conditions de réalisation des mammographies de dépistage organisé et indivi-duel a été reconduit en 2006 pour maintenir l’égale qualité des actes sur tout leterritoire. L’AFSSAPS a désigné les sociétés accréditées pour assurer le contrôle obli-gatoire des matériels radiologiques (plus de 3 000 appareils analogiques ont étécontrôlés 2 fois par an). Un chapitre de l’ouvrage est consacré à ce sujet. L’applica-tion du protocole de contrôle a entraîné une amélioration générale du niveau dequalité sans provoquer trop d’arrêts pour défauts graves dès la première année. LaFédération nationale des médecins radiologues (FNMR) a développé un observa-toire de sénologie permettant le recueil informatique de toute l’activité des centresde radiologie à l’aide du logiciel SENOLOG. Cette démarche devrait apporter une

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vision globale sur le type des examens prescrits à l’ensemble de la population etaider à mieux analyser les pratiques hors programme. Plus d’un million d’examensde dépistage ont déjà été enregistrés chez les femmes de 50 à 74 ans, mais tous lesradiologues ne transmettent pas encore leurs données.

Le Groupe technique national (GTN) auprès du directeur général de la Santénommé en 2002 a terminé son mandat en décembre 2005. Il a aidé les régions àmettre en place le programme en participant à des réunions avec les DRASS et àdes visites dans divers sites. Il a été associé à certaines campagnes de communica-tion régionales ou nationales comme celles de l’Institut national du cancer.

La collaboration avec l’AFSSAPS a conduit à compléter le protocole de contrôlequalité des mammographes analogiques et à mener une réflexion sur la mammo-graphie numérique avant la publication en mars 2006 du protocole de contrôlenumérique par l’AFSSAPS. C’est l’association de radiologues, d’ingénieurs, dephysiciens et de responsables administratifs, dans le même groupe qui a été parti-culièrement efficace pour obtenir un consensus des professionnels et de l’industrieà chaque étape.

La principale action du GTN en 2004 et 2005 a été la réécriture des Cahiers desCharges publiés en 2001. Ceux-ci méritaient des précisions et des éclaircissementsdemandés par les structures de gestion et les professionnels. Un travail pédagogiqueimportant a été réalisé pour répondre aux attentes de tous les acteurs sans modi-fier le protocole et les objectifs de départ. Ces nouveaux Cahiers des Charges pourles structures de gestion et les radiologues, publiés en 2006 (16), insistent encoresur l’intérêt d’homogénéiser l’organisation et les pratiques et donnent les outilspour suivre les résultats détaillés par départements. Ils définissent mieux des indi-cateurs d’activité pour le pilotage et des indicateurs de qualité pour l’évaluationépidémiologique. Ces indicateurs utilisés par l’InVS sont détaillés dans le chapitrede cet ouvrage sur l’évaluation. Le cahier des charges des radiologues développeaussi les points techniques et le suivi des professionnels. La standardisation desrésultats sur une fiche nationale d’interprétation permet de mesurer leurs perfor-mances au niveau individuel, ou à l’échelle du département ou de la région.

Les premiers résultats du programme national Nous commenterons les résultats obtenus entre 2003 et 2005 qui sont déjà globa-lement analysables (19), puis les points du protocole qui restent encore à appro-fondir en raison de données soit incomplètes, soit difficilement interprétables dansl’état actuel.

Les indicateurs de qualité mis en place pour suivre le programme de dépistagecomprennent des indicateurs classiques issus des indicateurs européens (17) et desindicateurs spécifiques au programme français.

Le taux de participation

Il est calculé sur la population INSEE qui est au total de 6 680 000 femmes. Entre2003 et 2005, 4 371 662 mammographies de dépistage ont été réalisées et le taux de

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participation a augmenté de 33 % à 45 %. Plus de la moitié des femmes dépistéessont âgées de plus de 60 ans.

En 2005, 40 départements avaient un taux de participation égal ou supérieur à50 %. Le nombre exact de mammographies de dépistage individuel n’a pas étépublié, mais la couverture de la population dépasse 60 % et doit se rapprocher del’objectif des 70 % souhaité pour le programme (18). Des stratégies locales ont étédéveloppées pour améliorer la participation des femmes les moins informées ou ensituation de précarité, mais d’autres gains restent encore possibles si l’adhésion desmédecins augmente, en particulier là où le dépistage individuel reste très actif. Laparticipation de la population pour être élevée doit aussi être régulière et onconstate lors de la deuxième vague du programme que le taux de fidélisation desfemmes est encore très hétérogène, variant de 40 à 70 %, ce qui pénalise certainsdépartements. Un effort de communication important doit être poursuivi pourexpliquer aux femmes l’intérêt de ne pas multiplier les mammographies et d’êtreprises en charge par le programme.

Le médecin traitant devrait dans l’avenir les inciter à respecter l’intervalle de2 ans entre deux dépistages en évitant de prescrire des examens de dépistage orga-nisé et de dépistage individuel sans tenir compte du rythme conseillé.

Les indicateurs de qualité du programme (données InVS 2003-2004)

Le pourcentage des femmes ayant nécessité un bilan complémentaire immédiataprès la première lecture a été de 11,4 % sur 2 439 842 dépistées. Il a varié de 12,7 %à 8,9 % entre prévalence et incidence. Le cahier des charges préconise un taux infé-rieur à 10 % au début, puis inférieur à 7 % aux vagues suivantes. Ce taux plutôtélevé est cependant prévisible, car 66 départements ont démarré entre 2003 et 2004et le taux de dépistages positifs est toujours plus élevé au début par défaut d’expé-rience. Cependant, les variations interdépartementales sont très importantes etreflètent des pratiques très hétérogènes : par exemple, en 2004, 16 départements ontdes taux supérieurs ou égaux à 15 % et 42 ont des taux inférieurs à 10 %.

Le pourcentage de femmes « anormales » ou suspectes après bilan de diagnos-tic immédiat a été en revanche assez homogène et se situe à 4,2 %. Il a varié de4,8 % en prévalence à 3 % en incidence. (61 % des départements ont un taux≤ 5 %.) Dans 79 % des cas le bilan s’est résumé à une échographie.

Le pourcentage de femmes rappelées pour une anomalie détectée en deuxièmelecture a été de 1,6 %. Ce résultat est conforme au cahier des charges (taux souhaité< 3 %). Il a été inférieur à 2 % pour 73 départements et égal ou supérieur à 3 %pour 4 départements. Ce taux de rappel a été identique entre prévalence et inci-dence et n’a pas été influencé par l’âge. Ce résultat est rassurant, car les effets anxio-gènes des reconvocations après dépistage doivent être minimisés, mais ce taux estdifficilement comparable au taux de rappel des recommandations européennes quine comportent pas de bilan diagnostique immédiat (20).

Le taux de biopsies chirurgicales a été de 0,8 % parmi les femmes dépistées. Cetaux est assez homogène sur l’ensemble des programmes et est comparable à celuiobtenu avec l’ancien cahier des charges. Cependant, la proportion de cancers dans

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les biopsies atteint 82 % contre 57 % en 2000, vraisemblablement en raison de lafréquence accrue des biopsies percutanées préopératoires.

Le taux de cancers détectés a été de 6,9 ‰ en 2003 et de 6,7 ‰ en 2004. Il étaitde 4,6 ‰ en 2000 et a augmenté également dans toutes les tranches d’âge d’envi-ron 40 %. Le taux de cancers détectés par le premier lecteur (15 136 cas) est de6,3 ‰ en 2003 et de 6,1 ‰ en 2004. Dans 77 départements il est supérieur à 5 ‰.Il varie globalement de 3 à 10 ‰, mais les taux très bas sont peut-être liés à un suiviincomplet.

– Le taux de cancers détectés par les deuxièmes lecteurs (1 232 cas) a été de0,5 ‰ en 2003 et 2004. La proportion de cancers dépistés par la deuxièmelecture est hétérogène, elle varie de 0 à 18 %. En 2004, elle est supérieure à10 % dans 16 départements pour se situer en moyenne à 6,7 %.

Les performances des premiers et deuxièmes lecteurs sont difficiles à mesurercar en France des dépistages individuels ont été associés au programme et l’inter-valle entre 2 mammographies a été variable. Or, les taux de détection sont d’autantplus faibles que le délai entre 2 mammographies est plus court et que les femmessont plus jeunes. De plus, les résultats des deuxièmes lecteurs étant liés à ceux despremiers, pour comparer l’efficacité des seconds lecteurs entre eux, il faudrait lestester dans des conditions identiques.

– Des analyses complètes devront être réalisées pour mieux expliciter l’ensembledes variations départementales, mais les résultats montrent déjà des diffé-rences significatives entre les 32 anciens programmes qui représentent 47 %de la population cible, et les programmes plus récents. La pratique prolongéedu dépistage organisé semble avoir induit dans les anciens programmes moinsd’examens complémentaires, sans que cela se traduise par de grandes varia-tions du taux de cancers détectés.

Le taux de cancers in situ (CIS) a peu varié : il a été de 13,5 % en 2004 contre15,5 % en 2001. Le taux de cancers invasifs de taille ≤ 10 mm a été de 37 %, et 15 %des cas mesuraient plus de 20 mm. Les tailles des cancers sont assez homogènes surl’ensemble des programmes.

Ces indicateurs sont globalement en conformité avec les indicateurs européens,mais doivent être étudiés de façon précise par département.

Les effets délétères liés aux faux positifs du programme ont été faibles (0,2 % debiopsies chirurgicales bénignes) et le risque de surdiagnostic est resté dans leslimites prévues par les indicateurs européens avec un taux de CIS de 13,5 % (16).

Les données complémentaires à analyser dans le contexte français

L’examen clinique des seins fait partie du dépistage, mais aucune recommandationne concerne les résultats. En 2004, il a été renseigné chez 94 % des femmes. Il a étéjugé suspect dans 0,2 % des dépistages et a permis de détecter 0,4 % des cancers(44 sur 10 640 cancers). Cette pratique n’était pas systématique chez les radiologuesauparavant, et il faudra s’attacher à mieux signaler ses résultats pour mesurer sonimpact précis. Actuellement, l’examen clinique ne paraît pas induire un nombreélevé de faux positifs.

80 Le dépistage du cancer du sein

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La pratique de l’échographie

Elle est autorisée par le cahier des charges, en l’absence d’anomalie radiologique ouclinique, si les seins sont très denses et difficiles à analyser. Cela devait correspondreà moins de 10 % des femmes compte tenu de l’âge de la population dépistée parle programme. Les résultats 2003-2004 ont mis en évidence des pratiques très hété-rogènes, en particulier des échographies systématiques pratiquées beaucoup plussouvent dans les nouveaux programmes : 21/62 ont eu des taux d’échographiessupérieurs à 20 %, alors que la moyenne pour les anciens programmes a étéde 4,4 %.

Les données doivent être revues localement par département pour s’assurer quetoutes les échographies sont bien signalées, car la mesure d’impact est biaisée si lesseules échographies anormales sont saisies. De même, ces échographies systéma-tiques doivent être bien isolées des échographies de diagnostic réalisées chez desfemmes suspectes. Le nombre de cancers détectés par échographie seule en 2004 aété très faible (52/10 640, soit 0,5 % des cancers), mais en revanche l’impact deséchographies systématiques sur les faux positifs et les surveillances est à mesurerpour l’avenir. Le coût de cette pratique qui n’est pas prise en charge par leprogramme devra être évalué et une réflexion conduite pour mieux préciser lesindications. Actuellement, l’échographie ne fait pas partie des examens de dépistagedans les programmes étrangers.

La prise en charge des images suspectes (classées Bi-Rads 4 et 5) nécessite souventdes prélèvements percutanés. Ils sont réalisés dans un but diagnostique, ou straté-gique pour les cancers. L’impact de ces nouvelles pratiques sur le programme méri-te un suivi particulier. Les centres de radiologie pratiquant ces micro- ou macro-biopsies étant peu nombreux par rapport aux centres de dépistage, chaque régiondevrait pouvoir réaliser un bilan des modalités de la prise en charge des images sus-pectes détectées par le programme (indications des biopsies, qualité technique,délais…). À titre d’exemple, les recommandations européennes 2006 préconisentun taux de prélèvements percutanés de qualité insuffisante inférieur à 20 %.

Les surveillances : Le suivi des femmes « anormales » après bilan complémentairepermet d’identifier un pourcentage de demandes de surveillances à la suite du dia-gnostic du premier ou du deuxième lecteur. Le plus souvent, c’est une surveillanceradiologique qui est prescrite à 6 ou 12 mois. Ce pourcentage de femmes surveilléesest un indicateur très important si on veut limiter à la fois les effets délétères anxio-gènes et les risques de faux positifs ou de faux négatifs. De plus, les surveillancesentraînent des exclusions à plus ou moins long terme du programme, sans compterle coût des bilans répétés.

En 2004, sur 94 départements, 3 % des femmes dépistées ont nécessité unesurveillance après première lecture, ce qui correspond aux dépistages classés Bi-Rads 3 (14).

Dans les 32 anciens programmes, le taux a été de 2,3 % contre 3,7 % dans les62 nouveaux. 4 % des cancers (423/10 640) ont été détectés lors de surveillances.

Le programme de dépistage français : historique et premier bilan… 81

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La version 2006 du cahier des charges préconise un pourcentage total de femmesmises en surveillance ≤ 3% au démarrage. Actuellement, il reste encore à préciser lepourcentage de surveillances après deuxième lecture positive, ou après échographiesystématique.

À titre indicatif, le pourcentage des femmes de 50 à 74 ans dont le dépistageindividuel a été classé Bi-Rads 3 s’élève à 5 % parmi les examens renseignés dansSENOLOG.

Dans le cadre des indicateurs européens, il est conseillé de surveiller aumaximum 1 % des femmes dépistées, mais les systèmes de santé modifient large-ment le contexte des pratiques (20).

Les cancers de l’intervalle

Ces cancers surviennent après un résultat négatif du dépistage ou du diagnosticdans l’intervalle des 24 mois qui sépare deux mammographies. Ils sont un indica-teur de la qualité du programme à moyen terme. Leur nombre doit être maintenuau minimum pour assurer l’efficacité du programme. Deux ans après la générali-sation, il convient d’identifier les données prochainement disponibles. En France,l’absence de registres des cancers sur l’ensemble des départements ne permettra pasun recueil exhaustif de ces cas. En dehors des registres certains départements ontorganisé un recueil global des résultats anatomopathologiques de tous les cancersdu sein, d’autres recueillent uniquement les cas du programme. Ces recueils dedonnées s’amélioreront dans l’avenir grâce à l’organisation des soins de cancérolo-gie en réseaux. Les structures de gestion devraient bénéficier de ces résultats pourle suivi des programmes et la connaissance des cancers de l’intervalle, tout en colla-borant mieux avec les laboratoires d’anatomopathologie. Un premier état des lieuxen ce qui concerne le nombre des cancers de l’intervalle pourra être fait grâce auxrésultats obtenus par les registres sur les données 2003-2004. Les résultats pourrontêtre comparés à ceux obtenus avec l’ancien cahier des charges dans quelquesanciens programmes. Le taux moyen de cancers de l’intervalle sur 24 mois était de1,5 ‰ dans les données publiées en 2000 par l’InVS sur 7 départements.

Par ailleurs, l’absence d’archivage systématique des clichés par les structures degestion rend la classification de ces cancers le plus souvent impossible par manquede relecture comparative a posteriori. Les recommandations européennes sont demaintenir les cas classés comme faux négatifs à moins de 20 % des cancers de l’in-tervalle (16). Pour pallier cet inconvénient du protocole français, lié à notre systèmede santé, la formation des radiologues pour le dépistage doit comprendre des revuesde cancers de l’intervalle pour apprendre à mieux détecter des modificationssubtiles sur les films.

Le délai entre le dépistage et la prise en charge des cancers détectés

Il reflète la qualité de l’organisation après dépistage et l’adaptation du système desoins au programme. En effet, un délai trop long entre le dépistage et le traitementannule en partie le bénéfice d’une détection précoce. Le délai moyen en France en

82 Le dépistage du cancer du sein

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2004 entre le dépistage et le premier traitement a été de 2,4 mois. Un bilan 2003-2006 par région et par département sera nécessaire pour mieux identifier les prio-rités concernant ces délais.

Les indicateurs économiques : le coût par cancer détecté par le programme

Des données nationales seront nécessaires pour connaître l’ensemble des coûts duprogramme et comparer ces coûts par région non seulement au niveau de l’orga-nisation, mais aussi en termes d’efficacité. En 2006, une seule étude départementalea été publiée avec le nouveau cahier des charges dans les Bouches-du-Rhône. Lecoût par cancer détecté a été de 16 919 € (21). Le coût par cancer détecté avait déjàété calculé dans le Bas-Rhin et les Bouches-du-Rhône avec l’ancien protocole sur lapériode 1990-1997. Il était de 13 867 € dans le Bas-Rhin et de 11 610 € dans lesBouches-du-Rhône (22). Ces coûts n’ont pas pris en compte les traitements.

ConclusionLe programme a été généralisé début 2004, 15 ans après les premières expériencespilotes. Entre 2003 et 2004, 66 départements, représentant 53 % de la populationcible, ont mis en place le dispositif de dépistage organisé. Au cours de l’année 2005,2 millions de femmes ont été dépistées, et plus de 10 000 cancers ont été diagnos-tiqués par le programme.

La participation a atteint 45 % et doit augmenter, mais le taux de dépistages parprescriptions individuelles est encore élevé, en particulier dans les régions urbaines.L’objectif d’un taux de participation de 80 % ne sera pas accessible rapidementmalgré des efforts soutenus en raison de notre système de santé, même si on réussità sensibiliser les femmes les moins bien informées. Ensuite, les médecins traitantsdevront s’assurer surtout de la régularité de la participation.

Pour être efficace, il faut parvenir à un haut niveau de qualité, car un dépistagemédiocre est dangereux pour la population. Cette entreprise est très complexe, etmérite une évaluation continue qui a été bien décrite dans les recommandationseuropéennes. Le programme de dépistage français est un exemple unique, fondé surles structures de radiologie existantes, dans un pays où le système de santé estlibéral. Les radiologues jouent un rôle de premier plan en étant responsables de laqualité image et de l’interprétation. Leurs pratiques sont auditées par le programmeet peuvent s’améliorer régulièrement grâce à des indicateurs. Le premier bilan desrésultats nationaux montre des indicateurs de qualité globalement satisfaisants,mais des analyses détaillées par département sont nécessaires pour proposer desactions correctrices sur les points défectueux relevés.

Le programme est à ses débuts, et aucun autre pays n’a testé avant nous ceprotocole original en population. Il faut veiller à maintenir la continuité des moda-lités et des objectifs des Cahiers des Charges avant de vouloir les modifier, car tousles bénéfices n’ont pas encore été identifiés. Cela nécessitera une réflexion docu-mentée sur les résultats de plusieurs années. Des échanges scientifiques avec les

Le programme de dépistage français : historique et premier bilan… 83

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programmes européens en cours permettront de comparer les stratégies adoptéeset les résultats obtenus.

L’arrivée de nouvelles technologies comme la mammographie numérique nedevra pas mettre en péril le programme en modifiant trop rapidement les règles del’organisation. L’adaptation du programme aura pour but de maintenir une égalequalité du dépistage pour toutes les femmes quelque soit le matériel des centres deradiologie.

Ce programme de santé publique ambitieux a bénéficié d’une collaborationfructueuse entre l’État, les caisses d’assurance maladie, et les professionnels dansl’intérêt des femmes. Depuis 15 ans, il a eu un énorme impact sur la qualité dudépistage, et la prise en charge des lésions mammaires. La dynamique qui a été accé-lérée par le plan Cancer devra se poursuivre. Il est encore trop tôt pour attribuerau dépistage une influence précise sur le déclin amorcé de la mortalité par cancerdu sein en France. Les nouvelles modalités de la gouvernance des programmes dedépistage devront consolider les premiers résultats obtenus et les améliorer.

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84 Le dépistage du cancer du sein

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Le programme de dépistage français : historique et premier bilan… 85

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La généralisation du dépistage du cancer du sein au plan national a entraîné desmodifications profondes dans les pratiques. Le cahier des charges publié au Journalofficiel du 3 octobre 2001 a été largement diffusé dans la presse professionnelle (9).Il était adapté à la phase d’installation et de généralisation du programme.

Un nouveau document, publié en 2006 par la direction générale de la Santé (DGS),tenant compte des remontées sur les difficultés, complexités et éventuelles dérivesa été rédigé en 2005 par le Groupe technique de pilotage national. Il est possible dele consulter sur le site Internet de la Société française de sénologie et de pathologiemammaire (SFSPM) www.senologie.com. Désormais, il faut plutôt parler dediagnostic précoce que de dépistage au sens « santé publique » du terme.

L’examen clinique, la réalisation de deux incidences par sein, la possibilité decomparer les clichés réalisés à ceux des bilans antérieurs, l’invitation tous les deuxans pour les femmes de 50 à 74 ans, améliore la participation et optimise la priseen charge.

La mammographie demeure toujours le standard en matière de dépistage du cancerdu sein ; mais il convient de préciser ce qu’est désormais la mammographie dedépistage, différente du mammotest initialement réalisé dans les départementspilotes. Comme pour tout acte de radiologie, les aspects techniques, l’analyse desimages et la rédaction du compte rendu forment un tout indissociable. Les recom-mandations liées au cahier des charges du programme de dépistage et à sa réactua-lisation seront rappelées à travers ces différentes étapes.

La mammographie de dépistageC. Digabel-Chabay1, C. Quinzin2 et C. Allioux3

1. Médecin, radiologue (Nantes).2. Manipulatrice de radiologie (Nantes).3. Radiothérapeute, médecin-coordinateur (Nantes).

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Mammographie de dépistage et mammographie diagnostique :les différences

En dépistage organisé dans le cadre du programme nationalLa mammographie standard comporte deux incidences par sein : l’incidencecranio-caudale et l’incidence oblique externe. Ces incidences de base sont complé-tées, si nécessaire, immédiatement par des incidences complémentaires et/ou desclichés localisés agrandis. Les examens classés au terme du bilan dans les catégories1 ou 2 de l’ACR donnent lieu à une double lecture.

Les femmes dont les examens sont classés dans les catégories 3, 4 et 5 de l’ACRseront prises en charge selon des modalités diagnostiques habituelles. Les femmesentrant dans le programme sont invitées à réaliser cet examen tous les deux ans.

En dépistage réalisé hors programmeLa technique de la mammographie reste la même. La deuxième lecture n’est pascontractuelle, mais reste souhaitable pour les équipes qui peuvent la mettre enœuvre, surtout chez les femmes présentant un facteur de risque identifié. Le rythmedes convocations est déterminé en fonction des indications.

En situation diagnostiqueDevant une image anormale classée dans les catégories 3, 4, 5 de l’ACR, quelles quesoient les circonstances de découverte (signe d’appel clinique, programme national,dépistage individuel, surveillance…), la technique de la mammographie n’est pasmodifiée, les clichés standard sont complétés à la demande par d’autres incidenceset/ou des clichés agrandis. Selon le type d’anomalie, l’échographie et les prélèvementspercutanés viendront documenter le bilan radiologique. Il pourra être alors proposéune surveillance rapprochée ou une prise en charge plus invasive selon les cas.

Dans le cadre du programme national, les résultats de ces examens diagnos-tiques complémentaires seront transmis à la structure de gestion pour évaluation ;mais en dépistage individuel il n’est pas, à ce jour, prévu d’évaluation. Seuls lesdépartements disposant d’un registre des cancers peuvent disposer de donnéesépidémiologiques sur les cancers diagnostiqués. Il est intéressant de rapprocher lesdonnées issues du programme de dépistage des données du registre.

Dans tous les casLa mammographie devra être comparée aux mammographies précédentes s’il enexiste et pourra donc être complétée si besoin par des prélèvements percutanéset/ou une échographie. Elle donnera lieu à un compte rendu permettant de classer

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les images selon les catégories de la classification ACR adaptée par l’ANAES (désor-mais placé sous la responsabilité de la Haute Autorité de Santé).

Aspects techniques

Appareillage : mammographe classique versus numériqueJusqu’à ce jour, seule la technique standard analogique avec film argentique estautorisée pour participer aux programmes de dépistage. Les appareillages doiventrépondre à un certain nombre de critères qui rendent inaptes les installations tropanciennes. Ils doivent être équipés de format 18 × 24 et 24 × 30 afin de couvrir unezone d’exploration mammaire suffisante. Enfin, l’installation doit faire l’objet d’uncontrôle qualité périodique détaillé dans un autre chapitre.

Les évolutions vers la numérisation en radiologie et l’informatisation desdonnées médicales permettent de penser que l’introduction du numérique enmammographie de dépistage ne saurait tarder (2). Différentes études (11, 15, 17)montrent que les techniques de numérisation plein champ ont des performancesdiagnostiques au moins équivalentes à celles de la mammographie analogique. Ilreste que ce matériel est onéreux. C’est donc préférentiellement les centres de séno-logie réalisant un nombre important d’examens qui s’équipent.

Ces appareils numériques peuvent être facilement équipés de logiciels d’analysed’images et d’aide à la détection appelés CAD particulièrement intéressants endépistage (7, 10).

En termes de bénéfice organisationnel, la numérisation en mammographiedevrait avoir un impact positif, faciliter le fonctionnement en réseau et la trans-mission des images pour les doubles lectures. S’il reste encore beaucoup d’obstaclestechniques à régler et si le coût des installations demeure un frein à la diffusion, cestechniques devraient représenter un gain en termes de qualité diagnostique et d’or-ganisation. Elles risquent d’amener les radiologues à concentrer l’activité mammo-graphique sur des sites spécialisés et cela doit être mis en balance avec la nécessitéde conserver un coût et une accessibilité suffisante pour les patientes, dans la pers-pective d’un dépistage généralisé. La mise en place d’un protocole de contrôlequalité des installations numériques restait un préalable incontournable pouraccepter le numérique en dépistage organisé (13). Un protocole validé par l’Agencefrançaise de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) est désormais publiéau JO du 11 mars 2006

Les incidences de baseSi certains essais ont pu montrer leur efficacité avec une seule incidence mammo-graphique oblique externe, les conditions actuelles de réalisation du dépistage systé-matique en France imposent la réalisation de deux incidences : la facecranio-caudale et l’oblique externe (4, 9).

La mammographie de dépistage 89

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Plusieurs études anglaises sont disponibles sur le sujet. L’étude randomisée deWALD (18) portant sur 40 163 femmes montre que la prévalence des cancers détec-tés avec une seule incidence est de 5,52 ‰ femmes, alors qu’avec deux incidenceson arrive à 6,84 ‰ femmes. La proportion de femmes rappelées pour des examenscomplémentaires est diminuée de 15 %.

Dans tous les cas, la réalisation des clichés doit être optimale, en particulier l’in-cidence de face et l’incidence oblique externe. C’est cette dernière qui permet le mieuxd’étaler la glande mammaire et qui était utilisée seule dans les anciens programmes.La réalisation technique de ces deux incidences de base mérite d’être développée, carune réalisation correcte est une garantie de qualité indispensable (16). Il est impor-tant de faire des incidences reproductibles quels que soient les manipulateurs inter-venants. Si ces clichés doivent être comparés aux bilans précédents, des incidences oudes constantes radiologiques inappropriées peuvent altérer cette comparaison.

Dans tous les cas, le choix du Potter et par conséquent du format sera déterminéen fonction du volume du sein. On optera pour le format 24 × 30 en cas de seinsvolumineux et la hauteur du plateau porte-film sera adaptée à la taille de la femme.Les constantes seront choisies entre 24 kV et 30 kV en fonction de l’épaisseur dusein à radiographier, mais aussi en veillant à privilégier la résolution en contraste.

L’incidence de face ou incidence cranio-caudale

La patiente debout face à l’appareil est légèrement tournée, les épaules forment unangle de 30° par rapport au plateau pour adapter celui-ci à la convexité de la cagethoracique. La tête est tournée à l’opposé du sein à radiographier, les bras sontplacés le long du corps, les épaules tombantes.

La manipulatrice se place du côté du sein àradiographier, ce qui lui permettra de bien contrôlerl’étalement de la partie externe de la glande. Elleplace la paume de la main sous le sein, bord cubitalcontre le gril costal de la patiente, elle soulève le seinpour bien dégager le sillon sous-mammaire et affinele réglage en hauteur du plateau (fig. 1).

90 Le dépistage du cancer du sein

Figure 1 - Positionnement de lapatiente et du plateau en inci-dence de face.

Figure 2 - Étalement dusein sur le plateau enincidence de face.

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Avec l’autre main, la manipulatrice va former une pince pour bien engager lesein entre le plateau et le palpateur. Elle va ensuite dégager délicatement la maininférieure en tirant vers l’avant et légèrement en dedans. Avec la main supérieure,elle plaque le sein sur le plateau pour éviter tout recul de la glande (fig. 2).

Avant la compression, elle vérifie que le mamelon est bien tangentiel, la partieexterne du sein bien engagée et que le bord cubital de sa main affleure le bord ducentre lumineux. La compression qui doit être rapide, indolore mais efficace estappliquée à mesure que la main supérieure est dégagée en tirant vers l’avant et lededans.

L’incidence oblique externe

Cette incidence, initialement utilisée seule lors de la réalisation du mammotest despremières campagnes, permet d’étaler la glande de telle sorte que la visualisation enest optimale avec un tissu glandulaire étalé dans sa totalité et sans superposition.

Contrairement aux propositions de l’école hollandaise de Nimègue (12), nousrestons fidèles dans notre équipe aux principes de Tabar et l’angulation du statif estchoisie en fonction de la morphologie de la patiente. L’inclinaison varie entre 45°et 60° selon que la femme est bréviligne ou longiligne.

La patiente est placée bras en abduction à 90°, le coude à la hauteur de l’épaule.Le bord supérieur du plateau vient au contact du bord inférieur du bras, le corps

de la femme forme un angle de 30°avec le plateau qui doit épouser laconvexité du thorax (fig. 3).

La patiente est avancée oureculée de telle sorte que la limiteexterne du sein soit dans l’aligne-ment du bord antérieur du plateauporte-cassette.

La manipulatrice saisit le braset l’épaule de la femme et imprimeun mouvement de translationpour engager le creux axillairedans l’appareil tout en gardant lebras posé sur le plateau. Elle vientse positionner ensuite face à lapatiente pour vérifier qu’il n’existe

pas de superposition avec le ventre au niveau du sillon sous-mammaire.Pour bien libérer la partie externe de la glande qui peut être restée bloquée le

long du champ du plateau, elle glisse la main sous la partie externe du sein, le bordcubital au plus près du gril costal, elle pose l’autre main sur la partie antérieure et,de la même façon que pour l’incidence de face, elle se sert de la pince formée parses deux mains pour bien engager le sein entre le plateau et le palpateur. Elle dégagedoucement la main inférieure tandis que la main supérieure applique la glande surle plateau pour éviter tout recul.

La mammographie de dépistage 91

Figure 3 - Ajustement de la hauteur du plateau etorientation des épaules en incidence oblique.

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Avant d’appliquer la compression, la manipu-latrice vérifie que le bord axillaire antérieur estbien engagé. De la même façon que pour l’inci-dence de face, elle vérifie que le mamelon est bientangentiel et que le bord cubital de la main, aucontact du gril costal, affleure le bord du centreurlumineux. Le sillon sous-mammaire bien engagédans l’appareil est dégagé de toute superposition(fig. 4). Lors de la compression qui respecte lesmêmes règles que pour l’incidence de face, lamain antérieure est retirée progressivement touten tirant vers l’avant et légèrement vers le haut.

Les critères de réussiteDans tous les cas, il faudra vérifier que lemarquage du film est correct. On devra y trouverles renseignements relatifs à l’identification de lapatiente : nom, prénom, date de naissance, éven-tuellement numéro de dossier, mais aussi desindications relatives au cabinet de radiologie et

au radiologue ayant pratiqué l’examen. Les renseignements spécifiques à l’incidencecomporteront : le côté radiographié, le type d’incidence, face ou oblique, et pour laface le marquage de la partie externe ou interne du sein. Dans le souci de faciliterle travail de préparation de la deuxième lecture, ces marquages devront être bienlisibles.

Il ne doit pas y avoir de plis, d’artefact, declichés flous. Le mamelon doit être tangentiel surles deux incidences. Les constantes correctementchoisies privilégient la résolution en contraste.

Caractéristiques d’un bon cliché de face

Sur l’incidence cranio-caudale, le sein doit êtrebien centré au milieu du film, la partie externeentièrement radiographiée, l’espace graisseuxrétroglandulaire bien visible avec parfois visibleégalement le bord antérieur du muscle pectoral(fig. 5).

92 Le dépistage du cancer du sein

Figure 4 - Positionnement du seinet résultat de la compression enincidence oblique.

Figure 5 - Résultat de l’incidencede face.

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Caractéristiques d’un bon cliché obliqueexterne

Sur l’incidence oblique externe, la glandemammaire sera étalée dans son intégralité. Lesillon sous-mammaire est bien dégagé, sanssuperposition avec la voussure de l’abdomen. Lemuscle pectoral visible sous forme d’une surden-sité triangulaire a une pointe inférieure qui seprojette sur l’horizontale passant par le mamelontangentiel (fig. 6).

Lecture des clichés

Conditions de lectureUn négatoscope dédié à la mammographie d’uneintensité lumineuse suffisante, c’est-à-dire d’aumoins 3 000 candelas/m2, avec des volets obtura-

teurs autour des films pour éviter l’éblouissement du lecteur, est un préalable indis-pensable à la lecture des clichés (14). Une analyse fine à la loupe et/ou au spotsurpuissant en lumière froide est souvent nécessaire. Il est donc indispensable depouvoir disposer de ce matériel au poste de lecture.

Lorsque la deuxième lecture est centralisée, un négatoscope déroulant spéci-fique permet de préparer à l’avance tous les examens à relire et ainsi de concentrertoute l’attention du radiologue sur sa tâche de relecture.

La classification ACR : utilisation en dépistageL’analyse doit se faire selon le référentiel BI-RADS de l’American College of Radio-logy (ACR) (1) qui classe les anomalies radiologiques en sept catégories de 0 à 6. En2004, la Société française de radiologie a publié une nouvelle traduction de l’atlasBI-RADS de l’ACR tirée de la quatrième édition américaine. Cette terminologie estdonc accessible et de mieux en mieux appréhendée par les radiologues. Il fautespérer qu’une sémantique commune, utilisée par tous pour décrire les anomalies,permette d’améliorer la reproductibilité de la classification ACR. Les modificationsapportées par cette quatrième édition, à savoir une subdivision en 4 sous-groupespour la catégorie 4 et l’introduction d’une catégorie 6 pour les lésions maligneshistologiquement prouvées, sont sans conséquence pour le classement des images etsur la façon de remplir la fiche d’interprétation du dépistage national. Cette classifi-cation permet de déterminer la conduite à tenir devant une image anormale. En1998, l’ANAES (3) a publié une première adaptation de cette classification à la termi-nologie française. En février 2002, une nouvelle version, publiée après la parution du

La mammographie de dépistage 93

Figure 6 - Résultat de l’incidenceoblique.

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cahier des charges du programme national de dépistage, a été mise en ligne sur lesite Internet de l’ANAES. Cette version qui ne fait plus référence à la classificationfrançaise de LEGAL reste celle qui est utilisée pour lire des mammographies réali-sées en dépistage.

Les examens classés ACR 1 ou ACR 2 par le premier lecteur doivent faire l’objetd’une deuxième lecture dans les jours suivants. Cette deuxième lecture est organi-sée par les structures de gestion.

Les examens classés ACR 3, 4 ou 5 ne font pas l’objet d’une deuxième lecturemais d’un bilan diagnostique immédiat.

À l’issue du bilan standard de base, les circuits seront donc différenciés en fonc-tion de la classification ACR (tableau 1).

Le CAD : système d’aide informatisé à la détectionCes systèmes d’aide à la détection sont encore très coûteux et il ne paraît pas réalistede les utiliser en première lecture, sauf sur un mammographe numérique encorenon admis en dépistage organisé. En revanche, un CAD mis à la disposition desdeuxièmes lecteurs paraît intéressant (8). Il permet d’améliorer l’efficacité de ladeuxième lecture et d’homogénéiser les résultats des différents lecteurs. Il présenteun intérêt en matière de pilotage des campagnes de cancer du sein et de formationdes lecteurs.

L’utilisation d’un CAD comme véritable deuxième lecteur électronique paraîtprématurée compte tenu des performances actuelles et l’intervention humaine resteencore indispensable pour analyser les anomalies signalées par le logiciel. Avec l’ar-rivée des mammographes numériques, il faut cependant s’attendre à une utilisationplus large de ce type de matériel.

94 Le dépistage du cancer du sein

Tableau 1

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Le compte renduComme pour tout examen radiologique, les mammographies de dépistage doiventfaire l’objet d’un compte rendu à la femme et à son médecin. Une fiche d’interpré-tation spécifique aux examens réalisés dans le cadre du programme de dépistagenational doit aussi être documentée. Elle est nécessaire aux transmissions et à lacoordination avec la structure de gestion.

La fiche d’interprétationAprès l’entretien, l’examen clinique, la réalisation et l’interprétation des clichés, leradiologue remplit une fiche d’interprétation dont les différents items ont été préci-sés dans le cahier des charges informatique des structures de gestion. Cette fichecomporte des renseignements d’ordre administratif (nom du médecin correspon-dant, mode d’entrée dans le dépistage, date des dernières mammographies…), maisaussi des renseignements d’ordre médical (antécédents personnels et familiaux decancer du sein, THS, résultat de l’examen clinique…). Sur cette fiche doiventfigurer les examens réalisés en cas de bilan complémentaire, le résultat de la compa-raison avec les examens précédents et le classement ACR à l’issue de la premièrelecture. La présentation peut être différente selon les départements, mais le contenudoit être conforme aux recommandations qui ont été émises par le Groupe tech-nique national.

Le compte rendu du radiologue premier lecteurAu terme de ce bilan, le radiologue devra donner un compte rendu à la femme. Cecompte rendu provisoire, comme l’indique le cahier des charges national, en casd’examen classé ACR 1 ou 2 devra être validé par le deuxième lecteur. La remise d’uncompte rendu « provisoire » pose des problèmes sur le plan pratique. Il a été soulevé,en particulier, des difficultés potentielles en termes de responsabilité médicale.

Selon les départements, voire les radiologues, plusieurs attitudes coexistent. Cepremier compte rendu peut être donné oralement ou par écrit, mais toujoursaccompagné d’une information écrite sur la deuxième lecture et ce qu’elleimplique. Certains radiologues souhaitent attendre le résultat de cette deuxièmelecture avant d’éditer leur compte rendu écrit.

En cas d’anomalies reclassées ACR 1 ou 2 à l’issue d’un bilan diagnostiqueimmédiat, il est cependant nécessaire que le radiologue premier lecteur rédige uncompte rendu suffisamment détaillé et explicite pour la femme, son médecin maissurtout pour le deuxième lecteur qui aura à valider cette classification.

Pour les examens classés ACR 3, 4, ou 5, le compte rendu global sera définitif.Les recommandations de surveillance (5) ou de prise en charge plus invasivedoivent être indiquées à la femme au cours d’un entretien individuel et à sonmédecin grâce à un compte rendu clair, structuré et rédigé selon des règles désor-mais bien codifiées.

La mammographie de dépistage 95

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Celui-ci doit reprendre les antécédents, l’indication de l’examen qui dans ce casest le dépistage et le résultat de l’examen clinique. Le sous-chapitre compte rendude la mammographie comportera des renseignements sur la densité globale desseins, la latéralisation et la description des lésions s’il en existe. Cette descriptionsera d’autant plus reproductible que les termes utilisés seront comme nous l’avonsvu ceux de l’atlas BI-RADS de l’ACR ou ceux de la classification ANAES. La compa-raison avec le bilan précédent, s’il existe et a été transmis, sera notée. Le sous-chapitre concernant l’indication et le compte rendu de l’échographie réaliséefigurera à la suite. Une conclusion globale classant les anomalies et indiquant uneconduite à tenir en cohérence avec la classification ACR, les antécédents et lecontexte terminera ce document.

La femme pourra éventuellement relever d’une surveillance rapprochée ou êtredirigée vers un centre spécialisé pour bénéficier de techniques de mammographieinterventionnelle ou d’une prise en charge chirurgicale. Dans ces cas, il sera adresséà la structure de gestion la fiche d’interprétation, le compte rendu avec la conduiteà tenir proposée et si possible un document iconographique représentatif.

Selon la dernière version du cahier des charges publié sur le site Internet seno-logie.com, le taux de femmes dont la mammographie de dépistage induit desexamens complémentaires à l’issue de la première lecture (agrandissement, écho-graphie, cytoponction) ne devrait pas excéder 10 % pour les femmes ne disposantpas d’examen antérieur. À la deuxième vague ou en présence d’examen antérieur, ilserait souhaitable que ce taux ne dépasse pas 7 % (9).

Le rôle de la structure de gestion dans le cadre du programme de dépistageLes fiches d’interprétation transmises à la structure de gestion par les premierslecteurs font l’objet d’une saisie informatique en vue d’une évaluation du dépistage.Celle-ci est effectuée après deuxième lecture pour les examens classés ACR 1 et 2, àréception pour les examens classés ACR 3, 4 ou 5.

Selon un cahier des charges qui lui est propre, la structure de gestion informela femme et son médecin des résultats définitifs après deuxième lecture. Elle fait ensorte que les clichés classés ACR 1 ou 2 soient rendus à la femme qui pourra ainsiles présenter à un radiologue agréé de son choix lors d’un prochain dépistage.Lorsque à l’issue de la deuxième lecture l’examen est classé ACR 0, 3, 4 ou 5, lastructure de gestion renvoie les clichés au radiologue premier lecteur et le prévientainsi que la femme qu’ils doivent reprendre contact pour organiser le bilan dediagnostic nécessaire. Dans tous les cas, la structure de gestion informe la femme etson médecin qu’elle les recontactera ultérieurement pour connaître le devenir desanomalies détectées.

Le médecin coordinateur de la structure de gestion s’informe donc sur le suivides patientes classées en ACR 0, 3, 4 ou 5 : le résultat des surveillances rapprochées,compléments d’examens réalisés, biopsies, histologie, prise en charge chirurgicale,etc. La base de données ainsi renseignée permet de suivre les indicateurs de qualitéde la campagne.

96 Le dépistage du cancer du sein

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ConclusionÀ ce jour, on peut dire que la mammographie de dépistage organisé est proposéeaux femmes de 50 à 74 ans asymptomatiques et sans facteur de risque identifié. Elleest réalisée en technique standard avec deux incidences par sein. La lecture desclichés donne lieu à une classification en cinq catégories selon la classificationANAES extrapolée de l’ACR. Le radiologue doit comparer les clichés réalisés à ceuxdes mammographies précédentes lorsqu’il en dispose. Il doit remplir une fiche delecture à transmettre à la structure de gestion. Les examens classés ACR 1 et ACR 2vont faire l’objet d’une double lecture suivie d’un compte rendu définitif. Lesmammographies classées ACR 3, ACR 4 et ACR 5 doivent faire l’objet d’un suivipersonnalisé. Dans tous les cas, les résultats sont transmis à la structure de gestion.

Le droit de faire des mammographies de dépistage dans le cadre de l’accordnational implique aussi des devoirs pour le radiologue. Il doit pouvoir justifierd’une activité mammographique suffisante, faire contrôler son matériel, se formerspécifiquement au dépistage et accepter d’être évalué tant sur le plan de la tech-nique que sur celui de l’interprétation.

L’arrivée du numérique en mammographie peut à terme modifier l’organisa-tion du dépistage, en recentrant l’activité sur des centres spécialisés, en favorisantl’échange des images et l’aide à la détection informatisée.

Ce dépistage national dit « à la française » et qui s’apparente plus à du diagnos-tic précoce est consommateur de temps médecin. Il convient de rester vigilant pouranticiper les problèmes de démographie médicale qui ne manqueront pas detoucher la radiologie comme d’autres spécialités. Malgré la spécialisation qui seprofile et le regroupement sur de gros centres qui risque d’intervenir, il faudrasavoir rester proche du terrain et conserver une organisation accessible aux femmespouvant bénéficier de cette mammographie de dépistage.

Références1. American College of Radiology (ACR) (2004) Illustrated Breast Imaging

Reporting and Data System (Illustrated BI-RADS). 4th edition. Reston [VA] :American College of Radiology

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3. ANAES (Novembre 1998) Le cancer du sein : conduite à tenir devant une imagemammographique infraclinique anormale

4. ANAES (Mars 1999) Le dépistage du cancer du sein dans la population générale

5. Barreau B, Stines J (2002) Conduite à tenir dans les lésions mammaires de caté-gorie BI-RAD3 de la classification ACR. J le Sein 1-2 : 102-14

6. BI-RADS (Breast Imaging Reporting and Data System) Atlas d’imagerie du sein-mammographie (2004), 2e édition française basée sur la 4e édition américaine.Société Française de Radiologie, Paris

La mammographie de dépistage 97

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7. Birdwell RL et al. (2001) Mammographic characteristics of 115 missed cancerslater detected with screening mammography and the potential utility ofComputer-Aided Detection. Radiology 219: 192-202

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9. FNMR (2001) Cahier des charges de l’organisation des programmes de dépistagedes cancers. J le Sein ; 10: 260-88

10. Freer TW, Ulissey MJ (2001) Screening mammography with computer-aideddetection : prospective study of 12 860 patients in a community breast center.Radiology 220: 781-6

11. Lewin JM et al. (2001) Comparison of full-field digital mammography withscreen-film mammography for cancer detection : results of 4945 paired exami-nations. Radiology 218: 873-80

12. Netter E, Marelle Ph, Quinquis J, Séradour B, Stines J (2000) L’incidence obliqueexterne : nouvelle technique. J le Sein 10-162-70

13. Noël A, Stines J (2001) Contrôle de qualité en mammographie : du convention-nel au numérique. J Radiol 82: 1263

14. Noël A, Desquerre-Aufort I, Lisbona A, Heid P (Juillet 1998) Groupe techniquedu comité national de pilotage du dépistage systématique du cancer du sein.Protocole de contrôle de qualité des installations de mammographie

15. Pisano ED, Gatsonis C, Hendrick E, Yaffe M, Baum JK, Acharyya S, Conant EF,Falardo LL, Bassett L, D’Orsi C, Jong R, Rebner M (2005) for the DigitalMammgraphic Imaging Screening Trial (DMIST) Investigators GroupDiagnostic Performance of Digital versus Film Mammography for Breast –Cancer Screening. N Engl J Med 353-1773-83

16. Quinzin C (2001) Une technique de la mammographie, CD-ROM présenté à lasession des manipulateurs. Société Française de Mastologie et d’Imagerie duSein (SOFMIS). Nantes France 28-29 juin

17. Venta LA et al. (2001) Rates and causes of disagreement in interpretation of full-field digital mammography and film-screen mammography in a diagnostic set-ting. AJR 179 : 1241-48

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98 Le dépistage du cancer du sein

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Si le contrôle qualité connaît une mise en place quasi systématique dans différentssecteurs d’activité professionnelle, dans l’environnement médical et notamment enmammographie, il apparaît comme très bien codifié avec des protocoles spécifiqueset évolutifs en fonction des avancées technologiques.

Assimilé à ses débuts à une vérification arbitraire et sans appel, la perception parles radiologues du contrôle qualité a évolué. Il permet au praticien de quantifier, deparamétrer la notion abstraite et subjective de qualité de l’image radiologique enmammographie, et de connaître à chaque instant l’état de son installation par desmoyens simples et rigoureux. Que cette vérification s’effectue en interne ou enexterne, les outils utilisés sont performants.

Pourquoi le contrôle qualité ?Améliorer la qualité, la maintenir constante dans le temps, vérifier la stabilité d’unsystème, ces explications que nous connaissons tous ne suffisent pas à définircomplètement les atouts et les enjeux du contrôle de qualité.

Dans le cadre des professions de santé, être au service des patients suppose avoirle meilleur impact en termes de diagnostic et de soin. Or, le « passage obligé » estl’assurance qualité. Et pour nous, en imagerie, la question est : le contrôle de qualitéapporte-t-il une amélioration significative de la qualité des clichés ?

En d’autres termes, les investissements importants en matériel et en tempsconsentis par les médecins radiologues sont-ils vraiment indispensables ? Les gains,du point de vue diagnostique, sont-ils visibles et quantifiables ?

La mammographie a évolué ces vingt dernières années. Nous sommes passésd’un concept de « patiente symptomatique » à celui de « patiente asymptomatique ».

Le contrôle qualité en mammographieP. Heid1 et A. Noël2

1. Ingénieur biomédical (Marseille).2. Physicien (Vandœuvre-les-Nancy).

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On ne cherche plus à confirmer un résultat cliniquement visible mais à anticiper.Dépister, c’est trouver les petits cancers de moins de 10 mm. Plus tôt un cancer seradépisté, meilleur sera le pronostic. Il est donc clair que pour trouver des anomaliesimpalpables et de petites tailles, il faut une qualité irréprochable. Pour être sûr desa qualité, il faut la vérifier.

Le postulat suivant est souvent opposé au principe de contrôle qualité : il suffitd’avoir du matériel neuf et sous contrat de maintenance pour être sûr de la qualitéde ses images ; le contrôle de qualité se révèle donc inutile.

Si « mauvaise qualité d’un matériel » rimait avec « ancienneté » ou si « non-conformité » était synonyme de « non-maintenance », nous pourrions effective-ment penser que le contrôle qualité n’a pas d’intérêt. Si acheter un appareil neufpermet heureusement d’améliorer la qualité de l’image, cela ne veut pas dire systé-matiquement acheter un appareil aux normes.

La question qui se pose alors est : « Un appareil neuf hors normes, est-cepossible ? »

Cette situation incroyable existe encore aujourd’hui dans tous les domaines. Lesraisons en sont diverses et variées, allant d’un problème de conception du produitjusqu’à un défaut de fabrication ponctuel ne touchant qu’un appareil ou une séried’appareils.

Qui est en cause ? Personne (ou tout le monde) : le matériel dans le pire des cas,ou la société qui va l’installer ou en effectuer la maintenance et le réglage.

La première étape vers l’assurance qualité est le marquage CE. Un matériel, pourêtre mis sur le marché, doit obtenir ce marquage, mais il ne suffit pas, car il n’in-tègre pas toutes les règles nécessaires à la bonne pratique du dépistage.

Certains mammographes, systèmes de développement, reprographes ou néga-toscopes peuvent donc être non conformes par construction. Du principe trèsattrayant et innovant de l’appareil sur la documentation publicitaire du construc-teur à son utilisation quotidienne existe une grande différence. Il faut acheter unappareil après avoir défini un cahier des charges énumérant les caractéristiquesindispensables permettant de répondre aux normes de qualité, à « l’état de l’art » àun moment donné. Ce sont les normes de qualité précisées dans les protocoles decontrôle qualité, les cahiers des charges et les décisions de l’Agence française desécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

En envisageant le cas où un appareil neuf de qualité a été choisi, la société quia vendu ce matériel peut l’installer sans effectuer la totalité des réglages et affirmerque tout est en ordre.

Or, chacun sait que les matériels réglés en usine peuvent présenter desproblèmes lors de leur installation sur site par suite d’une absence totale de réglage.

En effet, chaque mammographe nécessite des ajustements spécifiques, propresà chaque site, dépendants du type de film, d’écran ou de cassettes utilisés, du tempsde développement, du type et de la température de la chimie ou des conditionsd’interprétation. Ces réglages devront être vérifiés après chaque modification d’undes éléments de la chaîne.

Pour avoir la certitude que le matériel répond à l’attente de l’exploitant et signerun bordereau de réception, il faut effectuer un contrôle qualité. Cela s’appelle « la

100 Le dépistage du cancer du sein

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recette » de ce matériel. Cette recette doit être effectuée par un organisme agréé parl’AFSSAPS.

Historique dans le cadre des programmes de dépistage descancers du sein en FranceEn France, depuis 1989, plusieurs départements pilotes ont mis en place un dépis-tage organisé des cancers du sein. En 2002, seuls trente-deux départements partici-paient à ce programme national. La généralisation du programme à l’ensemble desdépartements a eu lieu en 2004. Dans le cadre du programme de dépistage, lesinstallations de mammographie qui y participent sont soumises à un contrôle dequalité obligatoire depuis 1993. En outre, les radiologues doivent avoir suivi, en plusde la formation à la lecture des clichés mammographiques, une formation spéci-fique à la qualité. Cette dernière a pour but de les sensibiliser aux défaillancespossibles dans la chaîne image et de leur donner les moyens de prévenir et de recti-fier les dérives quand cela se révèle possible. Une formation spécifique au position-nement, suivi d’un enseignement sur la qualité, est également obligatoire pour lesmanipulateurs des centres de radiologie participant à un programme de dépistage.

Les principaux axes développés dans le programme national pour améliorer lespratiques sont le contrôle qualité externe, le contrôle qualité interne (suivi sensito-métrique quotidien et qualité image) et la formation à la qualité pour les radio-logues et les manipulateurs.

Le protocole de contrôle qualité prévoyait une série de tests réalisés de façon :– semestrielle, pour la partie des contrôles effectués par un organisme indépen-

dant externe ;– quotidienne et hebdomadaire, respectivement pour la sensitométrie et la

qualité image effectuées en interne par le service de mammographie.

Le protocole de contrôle qualitéPour harmoniser les pratiques des différentes équipes de contrôle qualité, un proto-cole national a été rédigé en décembre 1997 par la direction générale de la Santé(DGS). Fondé sur les recommandations du Groupe interdisciplinaire en mammo-graphie (GIM) (1, 2), il reprend en grande partie le document European protocol forthe quality control of the technical aspects of mammography screening » publié en1996 par le programme Europe Contre le Cancer (3) (la dernière version a étépubliée en janvier 2006 (4)). Le document européen ayant pour but premier d’êtreune base et de définir les tests et les valeurs de référence, chaque pays doit en effec-tuer la traduction en y détaillant les procédures de contrôle.

Dans le protocole publié par la DGS, un objet test a été retenu pour la réalisa-tion de certains tests (fantôme MTM 100), et des critères minimaux pour l’inté-gration des centres de radiologie dans les programmes de dépistage ont été définis.

Le contrôle qualité en mammographie 101

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Le document décrit l’ensemble des contrôles et la méthodologie. Pour simplifier lagestion des dossiers techniques par l’association départementale, des critères denon-conformité ont été fixés et des délais pour les contre-visites ont été définis enfonction de la gravité et de l’importance des défauts relevés. Une édition révisée dece texte a été publiée en juillet 1998 par la DGS (5). On peut considérer que depuis1999, le contrôle qualité est réalisé de façon homogène dans les différents départe-ments.

Pour vérifier la situation et l’évolution de la qualité, le Groupe technique natio-nal sur le dépistage des cancers du sein auprès de la DGS a envoyé à l’ensemble desassociations départementales un questionnaire sur l’état des installations radiolo-giques participant aux programmes de dépistage des cancers du sein.

Les résultats de 1998, 1999, 2001 et 2002 ont été analysés et ont permis de véri-fier la qualité des recueils de données, l’évolution du parc et la situation des diffé-rents départements.

Les résultats du bilan 1998 étaient contrastés. Malgré une application du proto-cole de contrôle dans l’ensemble des départements, la qualité des bases de donnéesutilisées par les équipes techniques et la transmission des informations aux asso-ciations départementales se sont révélées insuffisantes. Ces dysfonctionnements onttout de même permis de mettre à jour l’existence de matériel obsolète réalisant desmammographies de dépistage. Cette constatation a amené l’AFSSAPS) à rédigerplusieurs décisions parues dans les journaux officiels de juin et octobre 1999,portant « suspension de mise sur le marché, d’utilisation et d’exportation decertains dispositifs réalisant des clichés de mammographie ». Cette interdictionportait sur dix-sept anciens « mammographes » et s’adressait à l’ensemble descentres de radiologie et non plus seulement à ceux participant aux programmes dedépistage. Ces décisions ont été reprises en 2004 (6), définissant les critères mini-maux auxquels doivent répondre les installations de mammographie analogique.Dans un même temps, le Groupe technique national a rédigé une circulaire s’adres-sant aux associations des départements en campagne, pour définir les sept critèresminimaux acceptables pour un mammographe et donner leurs délais d’application.

Concernant le mammographe, étaient obligatoires en :août 1999 :

– foyer de taille inférieure ou égale à 0,4 (tolérance de la norme IEC/NEMA) ;– distance entre le foyer et le film supérieure ou égale à 600 mm ;– faisceau de basse énergie adapté à l’examen des tissus mammaires, produit par

un tube radiogène alimenté par un générateur délivrant une tension compriseentre 20 kV et 40 kV, et disposant au minimum d’une anode en molybdène etd’une filtration en molybdène ;

– système arrêtant le rayonnement diffusé et ne créant pas d’artefact sur lesclichés.janvier 2000 :

– présence d’un exposeur automatique permettant de fournir des clichés dedensité optique optimale quelles que soient la composition et l’épaisseur dusein, ainsi que l’énergie délivrée ;

102 Le dépistage du cancer du sein

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– présence d’un système permettant la correction du noircissement par réglagedes points de cellule (au moins deux pas au-dessus et au-dessous de la posi-tion couramment utilisée) ;

– présence d’un système de compression motorisé avec commande au pied etsystème de sécurité permettant une limitation de la pression maximale exercée.juillet 2001 :

– Potter 24*30 avec grille antidiffusante ;– une pelle de compression et des diaphragmes pour le format 18 × 24 et pour

le format 24 × 30.mars 2003 :

– l’examen de dépistage comprenant des incidences complémentaires devantêtre réalisé le même jour que l’acte de dépistage, le mammographe doit êtreéquipé d’un système d’agrandissement opérationnel.

De plus, chaque centre de radiologie désirant participer à un programme dedépistage devait être équipé avec :

– un négatoscope dédié à la mammographie :• délivrant une intensité lumineuse de 3 000 cd/m2 en moyenne et homogène,• ayant la possibilité d’obscurcir les zones lumineuses autour du cliché, quelle

que soit sa dimension,• de dimensions permettant de positionner au moins six films 18 × 24 ou quatre

films 24 × 30,• muni d’un variateur électronique pour les négatoscopes délivrant une inten-

sité lumineuse ≥ 3 000 cd/m2,• avec des variations de luminance ≤ 15 % à 10 cm du bord éclairé,• avec une alimentation haute fréquence,• avec une couleur de lumière comprise entre 4 500 et 6 500 K (lumière du jour),• respectant la norme DIN 6 856 du 1er avril 1994 - première partie ;– un sensitomètre et un densitomètre permettant d’effectuer quotidiennement

le contrôle du système de développement. Les films issus du contrôle interneainsi que les courbes réalisées doivent être stockés par le centre de radiologiedurant une période minimale d’un an ;

– un fantôme MTM 100, permettant d’effectuer un contrôle de la qualité imageau moins une fois par semaine (recommandé : contrôle quotidien). Les filmsissus du contrôle interne ainsi que les courbes réalisées doivent être stockéspar le centre de radiologie durant une période minimale d’un an ;

– un système de développement stable (vérifié par la sensitométrie quotidienneeffectuée au moins pendant les deux semaines précédant le passage de l’équipeen charge du contrôle de qualité) et ne créant pas d’artefact sur les clichés ;

– des récepteurs de format 18 × 24 et 24 × 30 ;– des films mammographiques de format 18 × 24 et 24 × 30 ;– un système permettant de marquer les clichés (nom du cabinet, nom de la

patiente et date de l’examen), ainsi que des lettres en plomb permettant derepérer le sein radiographié et le type d’incidence.

Ces critères sont minimaux et l’ensemble de la chaîne image devait répondreaux exigences du protocole de contrôle qualité en vigueur.

Le contrôle qualité en mammographie 103

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Législation et organisation du contrôle qualitéL’AFSSAPS a publié un arrêté en date du 3 mars 2003, qui se place dans le cadre dela transposition de la directive 97/43 EURATOM, et qui fixe la liste des dispositifsmédicaux soumis à l’obligation de maintenance et au contrôle de qualité (7).

D’un contrôle qualité obligatoire pour un centre de radiologie participant à unprogramme de dépistage, nous sommes passés à un contrôle de qualité obligatoirepour l’ensemble des installations réalisant des mammographies en France par unestructure de contrôle externe agréée par l’AFSSAPS Cette dernière doit être indé-pendante de toute entreprise de vente, de maintenance et de fabrication de maté-riel médical. Ces structures privées doivent rendre compte des résultats descontrôles semestriels effectués dans les centres de radiologie. Depuis le 8 octobre2003 (8), toutes les installations de mammographie analogique participant ou nonau programme de dépistage doivent faire réaliser un contrôle de qualité externesemestriel. De plus, chaque centre de radiologie doit avoir mis en place un contrôlede qualité interne quotidien et hebdomadaire.

Les avancées technologiques : la mammographie numériqueEn mammographie, la principale innovation de ces six dernières années est l’appa-rition des appareils numériques. Fin 2006, dans le cadre des programmes de dépis-tage organisé des cancers du sein, seuls les mammographes conventionnels utilisantdes films à surface argentique étaient autorisés.

Les différentes technologies présentes sur le marché peuvent se classer en troisgrandes familles : les capteurs plans, les systèmes numériques à balayage et lessystèmes utilisant des plaques photostimulables ou écrans radioluminescents àmémoire (ERLM). Concernant ces derniers, il faut souligner que nous ne parleronsque des systèmes « CR mammographie ». En effet, il existe des systèmes CR pouvantêtre utilisés en radiologie, mais non en mammographie. Ces derniers sont, bienentendu, interdits d’utilisation dans le cadre de la mammographie. Ils ne seront pascontrôlés et s’ils sont, ou ont été, utilisés dans ce cadre, ils devront être signalés àl’AFSSAPS, ce qui entraînera la reconvocation de l’ensemble des femmes ayantréalisé un examen sur ce type d’installation.

Le contrôle qualité des installations de mammographie, mis en place depuisoctobre 2003 (8, 9) pour les installations analogiques, est obligatoire depuis le11 septembre 2006 pour les systèmes de mammographie numérique (10).

Depuis cette date, pour toute nouvelle installation d’un système de mammo-graphie numérique, le centre de radiologie doit faire procéder à son contrôlequalité, avant la première utilisation clinique, par un organisme externe agréé parl’AFSSAPS, aussi bien sur les systèmes CR (plaques ERLM) que sur les DR (pleinchamp et balayage).

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Les systèmes numériques ayant été installés avant le 11 septembre 2006 ontjusqu’au 11 mars 2007 pour faire réaliser le contrôle externe initial par un orga-nisme agréé par l’AFSSAPS.

En plus du contrôle externe, les centres de radiologie doivent mettre en placedès septembre 2006 un contrôle interne. Comme pour l’analogique, des tests sontà réaliser de façon quotidienne et hebdomadaire. Un registre et un inventairedoivent être tenus à jour.

Le contrôle qualité externe semestriel et le contrôle interne sont obligatoirespour l’ensemble des installations de mammographie analogique ou numérique, surtout le territoire français, participant ou non au programme national de dépistagedes cancers du sein. Tout système de mammographie numérique (plaques, pleinchamp ou à balayage) devra être contrôlé. Un centre de radiologie travaillant enanalogique et en numérique aura donc 2 contrôles de qualité, cela indépendam-ment de toute participation au programme de dépistage.

À l’heure actuelle, aucune des trois technologies citées ne semble avoir pris d’as-cendant sur les autres. Le choix d’un système est donc purement fondé sur uncritère simple : le système installé doit être validé par les tests de contrôle qualité.

Il est important de rappeler que le contrôle qualité ne permet pas de valider unmodèle ou un type de système de mammographie numérique mais accrédite uneinstallation, donc un centre de radiologie.

Il faut signaler qu’aucun des systèmes commercialisés aujourd’hui en France n’areçu une quelconque « accréditation française » lui assurant l’infaillibilité totale lorsdes tests de contrôle. Tous les systèmes commercialisés aujourd’hui sont, en prin-cipe, capables de passer les contrôles qualité. En effet, tant que le contrôle n’a pasété réalisé, rien ne permet d’affirmer qu’un système répond aux valeurs limitesdonnées dans le texte de l’AFSSAPS.

Le marquage CE, indispensable pour la vente d’un appareil, n’implique pas lerespect du protocole de contrôle qualité. Un appareil peut être en panne, mal régléou avoir un défaut de conception rédhibitoire. D’où l’importance du cahier descharges qu’il faut rédiger avec soin et du contrôle qualité de recette qui permettrade vérifier que l’appareil commandé répond aux exigences réglementaires.

Le protocole de contrôle qualité en mammographie numérique (10) a été rédigépar un groupe de travail réuni par l’AFSSAPS. Il est fondé sur les protocoles desdifférents constructeurs ainsi que sur le protocole européen (4). Étaient représen-tés dans ce groupe de travail les industriels par l’intermédiaire de leurs syndicats(SNITEM et SNISI), les radiologues (FNMR, SFR), les ingénieurs biomédicaux(AFIB), les physiciens médicaux (SFSPM), les manipulateurs, les sociétés decontrôle qualité… L’ensemble des fabricants était tenu régulièrement au courant del’avancée des travaux et pouvait faire des remarques sur le document de travail. LeSNITEM et le SNISI organisaient régulièrement des réunions avec l’ensemble deleurs membres pour relire, commenter et proposer des corrections sur le protocole.

Ce document est donc le fruit d’un large consensus. Il a été rédigé par un groupepluridisciplinaire sur la base du protocole européen. Il devait être réaliste. Il fallaitqu’il soit applicable et surtout qu’il garantisse une qualité image au moins équiva-lente à l’analogique pour une dose égale ou inférieure. Les points contrôlés devaient

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permettre d’assurer une qualité diagnostique comparable au « gold standard ». Leprotocole a enfin été testé sur des installations avec la collaboration des industriels,des radiologues et des sociétés de contrôle qualité.

On peut affirmer aujourd’hui qu’il est applicable sur l’ensemble des installa-tions, quelle que soit la technologie. Applicable ne signifie pas que l’ensemble dessystèmes peut passer les tests sans difficulté. Un certain nombre de problèmes et denon-conformités sont mis en évidence. Les causes sont nombreuses et variées.Comme en analogique, la visite de contrôle qualité se prépare. La maintenance doitintervenir avant le passage de l’équipe de contrôle qualité. Un nombre non négli-geable de centres de radiologie déjà équipés doit prévoir des remplacements dematériel (tout ou partie du système, matériel ou logiciel). Le vieillissement a aussiprise sur les systèmes numériques.

L’ensemble de ces matériels est censé répondre à la norme DICOM, et il fautnoter la possibilité de coupler les consoles de travail à des systèmes experts de détec-tion assistée par ordinateur CAD (Computed Aided Detection). Ces logiciels,permettant jusqu’à présent d’analyser des films analogiques numérisés, peuventêtre intégrés directement dans les consoles de revue et travailler sur les imagesbrutes.

De nombreuses études ont été réalisées sur l’apport de la détection assistée parordinateur. Les résultats sont encourageants et devraient permettre, une fois le CADinstallé sur les mammographes numériques, de compenser les limitations tech-niques des moniteurs et l’obligation systématique de travailler sur écran avec laloupe. Cependant, il est important de mettre en place, si l’utilisation des logicielsexperts de CAD se généralisait, une formation spécifique permettant de mieuxappréhender les problèmes. Le nombre de faux positifs est, pour l’instant, élevé etle système ne remplace pas l’expertise ou la formation du radiologue. Il ne doit pasmodifier un pronostic suspect mais doit permettre de détecter des signes anormauxqui auraient pu échapper au praticien.

Pourquoi imposer un contrôle qualité en mammographienumérique ?Quand on parle de la mammographie numérique, le critère le plus souvent évoquéest la dynamique d’exposition. Cet avantage indéniable fait la force, mais aussi lafaiblesse des systèmes de mammographie numérique. Quelles que soient les condi-tions d’acquisition, une image numérique reste une « belle » image, mais cela nesignifie pas forcément une « bonne » image clinique de qualité contenant l’infor-mation nécessaire pour un diagnostic efficace. Les artefacts et les problèmes de trai-tement des films analogiques sont visibles et facilement identifiables, ce qui aboutitimmanquablement à des films qu’il faut refaire. Pour la mammographie numé-rique, l’image sera, dans de nombreux cas, jugée irréprochable quoique technique-ment inacceptable, d’où quelques règles de bonnes pratiques à respecter. En effet,

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on pourrait aisément irradier beaucoup trop ou au contraire réaliser un cliché avecune dose trop faible. L’image paraîtrait tout à fait exploitable sans danger.

Le point de départ de la qualité, c’est le respect des procédures définies par lesconstructeurs. Réaliser les calibrations et les tests demandés aux périodicités préco-nisées : les écrans des consoles et les capteurs se vérifient régulièrement. À la suitedes tests de calibration hebdomadaires et si les résultats ne sont pas satisfaisants, ilne faut pas hésiter à faire intervenir la maintenance dans les plus brefs délais (voire,dans certains cas, ne plus utiliser le système jusqu’à la réparation).

Ces quelques règles élémentaires sont généralement oubliées. Les systèmesnumériques ont trop souvent été présentés comme « quasi infaillibles ». D’où unecertaine surprise quand on parle de contrôle qualité externe et interne, de vérifica-tions quotidienne et hebdomadaire, voire de problèmes de stabilité.

De plus, l’utilisation des plaques ERLM sur un système analogique ne peut pass’effectuer sans un étalonnage précis et complet du mammographe. Monter oudescendre d’un ou deux pas de cellule sur son mammographe lorsqu’on utilise desplaques ne signifie pas que les conditions d’exposition sont optimales. Une instal-lation non étalonnée peut délivrer des doses deux à trois fois supérieures à la valeurmaximale autorisée, et un minimum de dose est nécessaire pour obtenir une imageexploitable. Les premiers tests de contrôle ont mis en évidence sur de nombreusesinstallations une absence d’étalonnage des mammographes utilisant les plaquesERLM aboutissant à une mise en non-conformité.

Le traitement des non-conformitésComme dans le cadre de la mammographie analogique, les non-conformités misesen évidence par les contrôles qualité externes sont de deux types :

– les non-conformités dites graves, pouvant entraîner un incident tel que définià l’article L. 5212-2 du Code de la santé publique. Elles nécessitent l’arrêt del’exploitation sans délai de l’équipement en cause jusqu’à remise en confor-mité ainsi que leur signalement sans délai à l’AFSSAPS dans le cadre dusystème national de matériovigilance dès que l’exploitant en a connaissance.Dans le cadre du contrôle externe, les non-conformités graves détectées parl’organisme de contrôle doivent être notifiées à l’exploitant au maximum sixjours ouvrés après le contrôle, et la remise en conformité doit être attestée parune contre-visite déclenchée à l’initiative de l’exploitant ;

– les autres non-conformités, dites mineures, permettent néanmoins la pour-suite de l’exploitation. La remise en conformité doit être réalisée dès quepossible. Dans le cas du contrôle externe, cette remise en conformité faitl’objet d’une contre-visite dans un délai maximal de six mois ;

Dans le cas où une contre-visite, faite à la suite du constat d’une non-conformité grave ou mineure, révèle une non-conformité persistante mineure,l’organisme de contrôle agréé la signale à l’AFSSAPS dans un délai maximal dedouze jours ouvrés après le contrôle. Si la non-conformité persistante est grave, le

Le contrôle qualité en mammographie 107

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signalement est fait dans un délai maximal de six jours après le contrôle. Dans lesdeux cas, le signalement est accompagné du rapport de contrôle.

Mammographie numérique et dépistage des cancers du seinEn 2006, dans le cadre du programme de dépistage des cancers du sein, la mammo-graphie numérique n’est pas encore autorisée. À cela, plusieurs raisons.

En premier lieu, le contrôle qualité des installations de mammographie, mis enplace depuis plusieurs années sur les installations conventionnelles, n’est pas encoregénéralisé sur les appareils numériques. Le GIM (Groupe interdisciplinaire enmammographie) a travaillé sur la rédaction de recommandations pour la mise enplace d’un contrôle de qualité interne dans les sites déjà équipés. Ces recomman-dations auraient dû répondre aux spécificités de l’ensemble des matériels présentssur le marché (11). Certains tests de faisabilité ont été réalisés en 2002 sur unedizaine d’installations numériques avec le concours des industriels. Ces tests ontmis en évidence quelques dysfonctionnements et des problèmes liés à la calibrationdes systèmes contrôlés (images fantômes, lignes de pixels manquantes, calibrationdes moniteurs non réalisée, logiciels d’étalonnage incomplets ou absents…).

À la même période, le groupe d’experts européens en charge de la rédaction duprotocole de contrôle qualité des installations de mammographie a réalisé unaddendum concernant le numérique (12). Ce dernier document constitue la basedu protocole de contrôle qualité pour la mammographie numérique.

D’autre part, les résultats des évaluations en cours étaient attendus pour compa-rer en situation clinique les performances de détection de la mammographie numé-rique et de la mammographie analogique. Les résultats de ces études ont été publiéscourant 2006 (13, 14).

Enfin, un dernier élément a soulevé un problème important : aucune formationobligatoire n’était encore organisée pour les radiologues et les manipulateurs surl’utilisation des appareils numériques avant 2006. Les calibrations obligatoires àmettre en place en routine pour utiliser ces matériels ne font pas l’objet de recom-mandations précises (hors constructeurs) et leur importance n’est pas clairementassimilée par tous. En revanche, depuis 2001 dans le programme de dépistage fran-çais, les professionnels de santé sont tenus de participer à 3 jours de formation aucontrôle qualité, à la lecture des clichés et à l’organisation du dépistage (formationorganisée par l’association FORCOMED).

L’utilisation des mammographes numériques en dépistage a déjà fait l’objet deplusieurs rapports. En particulier, en mars 2001, l’Institut américain de médecine(composante du NAS, National Academy of Sciences) a remis à la demande duCongrès un rapport sur les différentes méthodes de détection des cancers du sein,incluant la mammographie standard, la mammographie numérique et les systèmesde détection assistée par ordinateur (15). En décembre 2000, l’Agence nationaled’accréditation et d’évaluation en santé a aussi produit un rapport (16).

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Enfin, dernièrement, en 2006, la Haute Autorité de Santé (HAS) a réuni ungroupe de travail qui a donné un avis sur la possible intégration de la mammogra-phie numérique dans le programme de dépistage des cancers du sein en France.

Dans le cas où l’avis de la HAS serait favorable, un addendum à la dernièreversion du cahier des charges, publiée fin 2006, devra être rédigé, précisant lesmodalités d’intégration de cette technologie.

Éléments de réflexion pour la rédaction d’un cahier des chargesEn premier lieu, la base de ce cahier des charges est la décision de l’AFSSAPS du30 janvier 2006, définissant l’ensemble des tests à faire réaliser sur son installationainsi que les valeurs limites qui doivent être atteintes par les systèmes (plaques,plein champ et balayage).

Quelques éléments importants sont aussi à prendre en considération :– La console de diagnostic doit être équipée de deux moniteurs 5 Mégapixels.

Aujourd’hui, il semble que les moniteurs CRT (tube cathodique) ou LCD(cristaux liquides) aient des performances quasi identiques.

– Le diagnostic ne se fait pas sur une console d’acquisition ou sur toute consolene répondant pas au critère précédent.

– Les consoles de diagnostic doivent être calibrées régulièrement.– Sur console, les images doivent être interprétées en utilisant un affichage 1:1

(1 pixel acquis égale 1 pixel affiché).– Les conditions d’interprétation sont beaucoup plus critiques qu’en analo-

gique. La console de diagnostic doit être située dans une pièce sombre (de 10 à20 lux). Souvent les salles d’interprétation contiennent par erreur un négato-scope face aux moniteurs.

– Le centre doit être équipé d’un négatoscope à volets répondant aux critères duprotocole de contrôle en analogique permettant de lire les films laser.

– Le laser doit avoir un pixel d’impression de taille inférieure ou égale au pixeld’acquisition.

– Le film laser choisi doit être un film spécifique dédié à la mammographie.– Le format d’impression du ou des films devra respecter le format d’acquisi-

tion. Une image acquise sur un champ de taille donnée devra être impriméeen gardant un ratio de 1:1.

– Une seule incidence doit être imprimée par film.– Un système permettant l’agrandissement doit être opérationnel.Enfin, il ne faut pas négliger l’archivage des images. Pour maintenir une cohé-

rence et une logique dans le cadre du passage au numérique, l’acquisition d’unPACS (archivage des images radiologiques numériques) connecté au RIS (systèmed’information radiologique) du centre de radiologie s’impose d’elle même.

Le contrôle qualité en mammographie 109

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Le contrôle qualité interne : les testsLa périodicité des tests est identique à celle de la mammographie analogique.

De façon quotidienneLe laser et/ou les moniteurs de la console de diagnostic sont contrôlés. La mireTG18-QC est affichée sur les écrans (la surface de visualisation active doit êtrecentrée sur l’écran) et imprimée sur le laser utilisé en mammographie. Le résultatdu contrôle du jour doit être reporté dans le registre des opérations.

Vérifier visuellement que :

– la mire est affichée et imprimée sans distorsion géométrique en inspectant seslignes et ses bords. Les bords de la mire doivent être complètement visibles etles lignes doivent être droites ;

– sur chacun des 15 carrés de luminance, les 4 coins de plus bas contraste sontvisibles (fig. 1) ;

– les niveaux de gris de 5 % et 95 % sur les 2 carrés du bas peuvent être distin-gués (fig. 1) ;

– toutes les mentions « QUALITY CONTROL » figurant dans les 3 rectanglesde la mire sont visibles (fig. 1) ;

– les transitions de noir au blanc ou de blanc au noir sont sans artefacts et qu’iln’y a pas d’effet de type « marches d’escalier », artefacts de transition, cligno-tements ou flous ;

– aucun artefact gênant n’est visible.La luminosité ambiante de la salle d’interprétation est mesurée à l’aide du

luxmètre. L’éclairement mesuré doit être compris entre 10 et 20 lux.

De façon hebdomadaireUn cliché du fantôme MTM 100 est effectué dans les conditions cliniques habi-tuelles. Les résultats de la semaine sont notés dans le registre des opérations etl’image est enregistrée :

– les paramètres d’exposition sont relevés ;– le score qualité image (fig. 2) est réalisé soit sur la console diagnostique (dans

ce cas, l’analyse se fait sur les images post-traitées, l’image ne doit pas êtrefenêtrée et elle doit être affichée en présentation 1:1), soit sur le film laser (s’iln’y a pas de console de diagnostic). Il doit être supérieur à 32 points et lesgroupes de microcalcifications, de masses et de fibres entièrement visiblesdoivent être au minimum de 4 pour chacun d’eux ;

– la valeur du SDNR (différence du signal rapporté au bruit) est calculée,suivant la formule ci-dessous. En effet, dans le cas de la mammographienumérique, la notion de densité optique disparaît. Il faut utiliser un outil

110 Le dépistage du cancer du sein

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informatique présent sur la console et permettant de mesurer la valeurmoyenne et l’écart type des pixels dans une région d’intérêt. Les deux régionsd’intérêt sont : la zone équivalent 100 % adipeux et la zone équivalent 100 %glandulaire (fig. 2, Zone C).

Le contrôle qualité en mammographie 111

)2

)?2()?1((

21

zonedeécarttypezonedeécarttype

zonesurpixelsdesmoyennevaleurzonesurpixelsdesmoyennevaleurSDNR

+−=

Figure 1

Figure 2

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ConclusionLe contrôle de qualité externe et interne est une base essentielle et maintenant obli-gatoire pour les centres de radiologie participant au programme de dépistage, maisaussi pour ceux n’ayant jamais participé. Ce nouvel outil de diagnostic de la chaîneimage permet, s’il est employé de façon stricte, de prévenir d’éventuelles dérives etde les corriger avant qu’elles ne soient visibles sur les images radiologiques.

Les notions de densité optique (DO) et de contraste sont beaucoup plusabstraites qu’il n’y paraît. L’impression que le cliché que l’on vient de réaliser cadreavec le standard ou s’approche de la perfection n’est et ne reste qu’une impressionsubjective. Seule une mesure de la densité optique du cliché permet de savoir si lesconditions de travail sont conformes avec les règles de bonnes pratiques. En effet,un cliché dont la densité optique serait faible (voisine de 1,00) sur un négatoscopedont l’intensité lumineuse serait largement inférieure à la norme paraîtrait tout àfait correct. À l’inverse, un cliché dont la DO serait dans la norme mais interprétésur un négatoscope de faible intensité lumineuse serait considéré par l’ensemble dela profession comme « grillé » et ininterprétable. Seul un négatoscope répondant àla norme (diaphragmes, potentiomètre, intensité lumineuse supérieure à3 000 cd/m2…) doit être utilisé pour lire un film. Enfin, les conditions d’interpré-tation, si souvent négligées, doivent être strictement contrôlées (17). Une ambiancelumineuse trop élevée dans la salle d’interprétation ou la lecture des clichés sur unnégatoscope non diaphragmé vont diminuer la perception des faibles contrastes(18, 19).

L’œil humain s’habitue à une dérive lente et progressive. Pour pouvoir se situeret juger de la qualité des films à un instant donné, il faut comparer le résultatobtenu avec celui d’un film étalon réalisé dans des conditions optimales. Le prin-cipe de base du contrôle qualité est de mesurer les dérives par rapport aux valeursde référence déterminées sur une installation avec des réglages propres lors de lavisite de recette. La sensitométrie permet de vérifier les dérives de la chimie, et lefantôme MTM 100 de mesurer la DO ainsi que le contraste et d’évaluer un scorepermettant d’apprécier la qualité globale de l’image. C’est en utilisant simultané-ment ces deux instruments que l’on arrive à stabiliser la qualité image et à détecterdes dérives invisibles à l’œil, mais dont l’impact n’est pas négligeable sur la qualitédes clichés et donc de l’interprétation (20, 21).

En ce qui concerne la mammographie numérique, les premiers contrôles ontmis en évidence des différences importantes dans les réglages des appareils. Lesconstructeurs ont mis en place, depuis la parution du protocole de contrôle qualité,tout une série de vérifications sur le parc installé. De nombreuses modifications ontété apportées aux différents systèmes.

Les critères qui posaient le plus de problèmes [accès à la carte des pixels défec-tueux, récupération des images sur CD, insertion des mires de l’AAPM dans laconsole (22), calibration des moniteurs] sont maintenant en passe d’être réglés surpresque toutes les installations. Les logiciels de calibration des moniteurs qui nerépondaient pas à la norme DICOM ont été upgradés. Les doses excessives relevées

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dans certains cas ont été ramenées dans les tolérances. A contrario, dans certains cas,une qualité image insuffisante a amené certains constructeurs à augmenter les dosesdélivrées. Cependant, ces contrôles sont plus longs et plus complexes qu’en analo-gique.

Le contrôle qualité a permis d’harmoniser les pratiques et d’améliorer la qualitéimage. C’est la première étape avant d’introduire une nouvelle technologie, surtouten dépistage. Il doit s’appliquer avec la même exigence en mammographie numé-rique et en mammographie analogique.

Références1. Bouhnik H et al. (1994) Recommandations du Groupe Interdisciplinaire de

Mammographie (GIM) sur l’assurance de qualité en mammographie. Rev ImMed 6: 447-54

2. GIM (1998) Propositions de modifications du protocole du GIM intitulé« Recommandations du Groupe Interdisciplinaire de Mammographie (GIM)sur l’assurance de qualité en mammographie ». J Radiol 79: 187

3. European protocol for the quality control of the physical and the technicalaspects of mammography screening. European Guidelines for QualityAssurance in mammography screening. Europe Against Cancer programme.May 1996

4. European protocol for the quality control of the physical and technical aspectsof mammography screening, part of the European guidelines for quality assu-rance in breast cancer screening, and diagnosis, Fourth edition

5. Noël A et al. (juillet 1998) Groupe Technique du comité national de pilotage dudépistage systématique du cancer du sein. Protocole de contrôle qualité des ins-tallations de mammographie

6. Décision du 26 novembre 2004 portant interdiction de la mise sur le marché, dela mise en service, de l’utilisation de certains dispositifs médicaux destinés à laréalisation et à l’interprétation de clichés de mammographie analogique (NOR :SANM0424065S) - JO n° 299-118 du 24 décembre 2004 p. 21888

7. Arrêté du 3 mars 2003 fixant les listes des dispositifs médicaux soumis à l’obli-gation de maintenance et au contrôle de qualité mentionnés aux articlesL. 5212-1 et D. 665-5-3 du Code de la santé publique (NOR : SANP0320928A) -Journal officiel n° 66 du 19 mars 2003 p. 4848

8. Décision du 27 mars 2003 fixant les modalités du contrôle de qualité des instal-lations de mammographie analogique - Annexe parue au Bulletin Officiel du 21au 27 avril 2003 du JO n° 83 du 8 avril 2003 p. 6228 (NOR : SANM0321133S)

9. Décision du 16 décembre 2005 modifiant la décision du 7 octobre 2005 fixantles modalités du contrôle de qualité des installations de mammographie analo-gique - JO N° 303 du 30 décembre 2005, texte n° 96 - NOR : SANM0524631S

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10. Décision du 30 janvier 2006 fixant les modalités du contrôle de qualité des ins-tallations de mammographie numérique - JO N° 60 du 11 mars 2006, p. 3712,texte n°41 - NOR : SANM0620498S

11. Noël A, Stines J, Heid P et al. (Groupe Interdisciplinaire en Mammographie)(2003) « Recommandations pour un programme d’assurance de qualité enmammographie numérique ». J Radiol 84: 723-9

12. Addendum to the European protocol for the quality control of the physical andtechnical aspects of mammography screening : Digital Mammography

13. Pisano E, Gatsonis C, Hendrick E, Yaffe M et al. (2005) Diagnosis Performanceof Digital versus Film Mammography for Breast cancer Screening. N Engl J Med353: 1773-83

14. Réponses à Pisano E et al. (N Engl J Med 2005 353:1773-1783) à “DiagnosisPerformance of Digital versus Film Mammography for Breast cancer Screening”N Engl J Med 354: 765-7

15. Mammography and beyond : developing technologies for the early detection ofbreast cancer; committee on the early detection of breast cancer; National can-cer policy board; Institute of Medicine and commission on life sciences Nationalresearch council

16. Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES).Evaluation clinique de la numérisation en mammographie pour le diagnostic etle dépistage du cancer du sein. Décembre 2000

17. Kimme-Smith C, Haus Ag et al. (1997) Effects of ambiant light and viewboxluminance on the detection of calcifications in mammography. AJR 168: 775-8

18. Alter A, Kargas GA, Kargas SA, Cameron JR, McDermott JC (1982) The influen-ce of ambient and viewbox light upon visual detection of low-contrast targets ina radiograph. Invest. Radiol 17, 402-6

19. Baxter B, Ravindra H, Normann RA (1983) Changes in lesion detectability cau-sed by light adaptation in retinal photoreceptors. Invest. Radiol 17, 394-401

20. Young KC, Wallis MG, Ramsdale ML (1994) Mammographic film density anddetection of small breast cancers. Clin Radiol 49(7): 461-5

21. Young KC, Wallis MG, Blanks RG, Moss SM (1997) Influence of number ofviews and mammographic film density on the detection of invasive cancers:results from the NHS breast screening programme. Br J Radiol. 70(833): 482-8

22. Assessment of display performance for medical imaging systems, Report N°3,American Association of Physicists in Medicine, Task Group 18, ImagingInformatics Subcommittee, E. Samei (chairman) et al. - April 2005: AAPM TG 18

114 Le dépistage du cancer du sein

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IntroductionAprès avoir décrit la démarche d’analyse d’un bilan mammographique de dépistage,les différents types d’anomalies seront détaillés en soulignant leurs éventuelles parti-cularités sémiologiques, les explorations complémentaires utiles à leur caractérisationet les signes plaidant en faveur de leur bénignité. Les problèmes des faux positifs(images pièges, images typiquement bénignes)et des faux négatifs (erreurs de détection,d’analyse, images aspécifiques) seront abordésainsi que le rôle de la densité mammaire dansla détection des anomalies infracliniques.

Analyse et détectionL’analyse comparative des clichés a pour butde détecter la présence anormale d’uneasymétrie de densité (opacité, masse, asymé-trie), d’une modification anormale descontours de la glande mammaire (bombe-ment anormal, rétraction anormale de lagraisse), d’une distorsion architecturale ou demicrocalcifications. Pour cela, les clichés enmiroir sont analysés de manière systématiqueniveau par niveau, le plus souvent du hautvers le bas pour les obliques externes et d’ex-terne en interne pour les incidences de face

Les images détectéesA. Tardivon1

Figure 1 - Lecture comparative des cli-chés. A) incidence par incidence. B)Seules les incidences de face, en posi-tion centrale, sont analysées en miroir.Les incidences obliques externes sontplacées latéralement et appariées avecl’incidence de face du même sein (faci-litant l’analyse topographique en casd’anomalie détectée comme à gauche).Remarquez que ces deux dispositionscouvrent parfaitement la plage dunégatoscope (pas d’éblouissement).

1. Médecin radiologue (Paris).

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(fig. 1). En première lecture, on appréciera la densité mammaire et sa répartitionhabituelle (densité plus importante dans la région rétroaréolaire et dans lesquadrants supéro-externes) ou atypique (densité diffuse, localisation dans lesquadrants internes, asymétrie). La recherche systématique d’une anomalie se faitincidence après incidence en étant particulièrement vigilant à ne pas se laisserdistraire par une anomalie évidente dès la première évaluation d’ensemble, et enanalysant soigneusement les régions anatomiques inhabituelles pour du tissu fibro-glandulaire normal telles que le prolongement axillaire et le sillon sous-mammaire(sur l’incidence oblique externe), et les quadrants internes (sur l’incidence de face).Il faudra également tenir compte de la topographie pour ne pas négliger à tort uneimage qui ne pourrait être vue que sur une seule incidence : prolongement axillaire,sein insuffisamment tiré sur une des incidences, gradient de densité favorable surune seule incidence (1).

Tabar décrit trois zones interdites (fig. 2) (2) :• la voie lactée, correspondant à la graisse rétroglandulaire siégeant dans lesquadrants supérieurs sur l’incidence oblique externe ;• le no man’s land, correspondant à la graisse rétroglandulaire sur une incidencede face ;• les quadrants internes.

Toute anomalie de densité détectée dans ces régions anatomiques devra fairel’objet d’un complément d’exploration pour éliminer formellement un cancerdébutant (fig. 3). Sur une étude rétrospective de quatre-vingt-neuf petits cancers

116 Le dépistage du cancer du sein

Figure 2 - Zones interdites de Tabar. A) La voie lactée : correspond à la graisse rétroglandu-laire des quadrants supérieurs sur une incidence en oblique externe. B) Le no man’s land : cor-respond à la graisse rétroglandulaire sur une incidence de face et donc à la voie lactée plus lesquadrants inférieurs sur une incidence en oblique externe.

Figure 3 - Cancers dans les zones interdites deTabar. A) Voie lactée (incidence en obliqueexterne) : petite opacité de contours flous sié-geant dans la graisse rétroglandulaire (flèche).B) No man’s land (incidence de face) : opacitésiégeant dans la graisse rétroglandulaire(flèche).

A B

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infiltrants de moins de 15 mm (dont quarante masses), 54 % siégeaient dans unezone interdite, 79 % étaient isodenses au tissu fibroglandulaire normal et dans 18 %des cas, la masse n’était bien visible que sur une seule incidence mammographique(3).

Par ailleurs, deux régions anatomiques doivent faire l’objet d’une analyse atten-tive : la région rétroaréolaire et les quadrants inférieurs sur l’incidence en obliqueexterne (l’œil se portant spontanément dans les quadrants supérieurs).

Les anomalies de contour glandulaire peuvent être les seuls signes de détectiond’une masse maligne survenant dans un sein dense. Elles sont de deux types : soitun bombement anormal dans la graisse sous-cutanée ou prépectorale, soit uneattraction localisée de la graisse (signe de la tente) (fig. 4). Pour détecter ces cancers,il est primordial que le cliché soit correctement exposé et que le radiologue s’as-treigne à regarder « le noir », c’est-à-dire la graisse ; l’œil recherchant spontanémentune densité anormale.

Les distorsions architecturales sont des images de détection difficile et sontsouvent perçues lors de la première lecture d’ensemble des clichés ; l’œil« accroche » sur une région anatomique sans définir précisément le type de l’ano-malie sous-jacente. La distorsion architecturale est également un signe indirect decancer dans un sein dense. De plus, certaines lésions à l’origine de ce type d’imageont un développement plan dans l’espace (cicatrice chirurgicale, cicatrice radiaire) ;c’est-à-dire qu’elles ne seront bien visibles que sur une seule incidence mammo-graphique ; d’où la difficulté d’analyse qui peut en résulter. Il faudra donc être trèsméthodique dans l’analyse de ce type d’image : cliché localisé dans l’incidence oùla lésion est la mieux perçue : persistance ou non ? Incidence de profil strict : l’ano-malie est-elle visible sous cet angle ? Recherche de l’anomalie par des clichés aveccompression localisée dans les autres incidences (fig. 5). L’œil devra alors s’attacherà mettre en évidence des lignes denses ou graisseuses anormalement convergentesdans une zone de distorsion (fig. 6).

La détection de microcalcifications est en règle générale facile lors de la lecturerigoureuse des clichés. Par définition, seules les microcalcifications isolées regrou-pées en foyer doivent faire l’objet d’une analyse poussée. Il faut donc s’assurer, unefois un foyer de microcalcifications détecté sur une incidence mammographique,qu’il est bien retrouvé à la même profondeur sur la seconde incidence (prouvant

Les images détectées 117

Figure 4 - Signes indirects de cancer.A) Bombement anormal dans la graisse(incidence en oblique externe) : opacitémal limitée (flèches) bombant anormale-ment dans la graisse rétroglandulaire.B) Signe de la tente (incidence de profil) :attraction focalisée anormale de la graisse au contact d’une opacité stellaireà centre dense (flèche).

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ainsi son siège intramammaire) et que le caractère groupé des calcificationspersiste. Si tel est le cas, un bilan complémentaire en vue de leur caractérisation seranécessaire (agrandissements géométriques de face et de profil).

Quelques recommandations de bon sens :– n’interpréter que des clichés techniquement satisfaisants. Un positionnement

et une compression optimaux permettent de dégager la graisse rétroglandu-laire offrant un contraste optimal pour la détection d’anomalies ;

– ne pas se laisser distraire par une anomalie évidente en première lecture ;– se méfier des anomalies perçues sur une seule incidence mammographique.• Cette anomalie est-elle dans ou hors du sein ? Aller examiner la patiente

(nævus, molluscum…) et penser aux artefacts liés à la technique.

• L’anomalie n’est détectée que sur une incidence du fait de sa localisation. Véri-fier que la profondeur de sein exploré est la même dans les deux incidences.

• L’anomalie n’est détectée que sur une incidence parce que le contraste ambiantne permet pas de la voir dans l’autre incidence. Ne pas hésiter à réaliser uncliché avec compression localisée (en exposant tout le film afin de s’assurer quela compression est appliquée au bon endroit) dans l’incidence où l’anomalie aété détectée.

118 Le dépistage du cancer du sein

Figure 5 - Où chercher une anomalie en fonction des incidences disponibles ? Installer lesdeux films (en pratique la face et l’oblique externe) comme indiqué sur le schéma, mettre lesmamelons sur une ligne horizontale. Joindre l’anomalie selon une ligne qui indiquera sa pro-jection sur l’incidence de profil. Dans l’exemple pris ici, l’opacité étant externe de face et prèsde l’union des quadrants en oblique, elle siégera dans les quadrants inférieurs sur l’incidencede profil. De plus, si cette anomalie est dans le sein, elle siégera à la même profondeur danstoutes les incidences (flèches).

Figure 6 - Distorsion architecturale. A)Cancer : le cancer est de même densitéque le tissu mammaire adjacent (flèche).Il est détecté par la convergence de lignesopaques (avec signe de la tente). B)Cicatrice radiaire. Elle est détectéedevant la convergence de lignes noiressans centre dense (flèche).

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– L’anomalie n’est détectée que sur une incidence, car cette lésion est plane(désorganisation architecturale, image de convergence).

Les types d’imagesLes anomalies détectées, comme nous l’avons vu, se déclinent en quatre types :masse, distorsion architecturale, asymétrie de densité ou microcalcifications. Unefois détectée sur les clichés de dépistage, le radiologue doit entreprendre une analyseplus fine de l’anomalie visant à la localiser et à la caractériser sur des donnéesmorphologiques. Pour cela, des clichés complémentaires, voire une échographie serévèleront souvent nécessaires. Il faut savoir qu’environ 70 % des cancers détectésen campagne de dépistage consistent en des densités radiologiques (opacité, masse,asymétrie), le reste étant représenté par des microcalcifications.

Les massesIl ne faut pas se contenter des clichés mammographiques de base et aller direc-tement à l’échographie (certains cancers ronds peuvent présenter des aspects échographiques « rassurants » alors qu’ils sont franchement suspects en mammo-graphie). Des compléments simples sont utiles afin d’avancer dans la caractérisa-tion de la lésion (4) :

– incidence de profil permettant de localiser précisément le siège de l’anomalie ;– cliché localisé pour mieux analyser le contour d’une masse partiellement

masquée par du tissu fibroglandulaire. Comme pour les calcifications, lecontour d’une petite opacité s’analysera à la loupe ;

– agrandissement pour analyser le contour d’une petite masse siégeant dans lagraisse et détecter ou non la présence de microcalcifications associées.

Les arguments pour classer une masse comme « bénigne » sont (fig. 7) :– une taille infracentimétrique ;– la morphologie : ronde ou ovale, sans microlobulation, ni angulation du

contour ;

Les images détectées 119

Figure 7 - Masses. A) Masse d’allurebénigne : la forme est ronde ; le contourest net et régulier (fibroadénome : lanature solide a été affirmée à l’échogra-phie). B) Masse bénigne : fibroadénomeavec macrocalcifications de siège péri-phérique. C) Masse d’allure suspecte :alors qu’elle siège en pleine graisse, notezl’aspect flou et irrégulier de son contour(cancer infiltrant).D) Masse suspecte : la forme est irrégu-lière, le contour anguleux (cancer infil-trant).

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– le contour : parfaitement circonscrit ;– sa faible densité ou sa densité mixte (contingent graisseux) ;– l’association de calcifications denses grossières ou arciformes de topographie

périphérique ;– son caractère liquidien en échographie ;– l’absence de critères péjoratifs en échographie si la masse se révèle solide.Les arguments pour classer une masse nodulaire solide comme suspecte sont

(fig. 7) :– une taille de 10 mm ou plus ou s’étant modifiée par rapport à un bilan anté-

rieur ;– une topographie atypique : zones interdites de Tabar, quadrants inférieurs ;– la forme : irrégulière (rayons de courbure variée, rectitude localisée) ;– le contour : indistinct (d’autant plus que la lésion siège en plein tissu grais-

seux), microlobulé, spiculé ;– la présence de microcalcifications associées, de siège central ou périphérique ;– la présence d’un critère péjoratif en échographie (lésion solide).

Distorsion architecturaleCes anomalies sont difficiles à détecter et donc à analyser. Il faudra éliminer lespseudo-convergences par superposition de tissu fibreux par des clichés localisés(souvent visibles sur l’incidence oblique externe à la partie supérieure et antérieurede la glande mammaire). Si l’image persiste et que le sein est dense, il ne faudra pashésiter à réaliser des agrandissements à la recherche de microcalcifications associées.

Les arguments en faveur de la bénignité sont peu nombreux :– la notion dans les antécédents d’une chirurgie mammaire (exérèse d’une

lésion bénigne, réduction mammaire). Il faudra s’assurer de la concordancede topographie entre la chirurgie et l’anomalie (intérêt d’un cliché avecmarquage de la cicatrice cutanée par un repère radio-opaque) ;

– la visibilité sur une seule incidence mammographique dans un sein facile à lireen mammographie (en cas d’ATCD chirurgicaux).

Dans tous les autres cas, ce type d’image sera considéré comme anormal (fig. 6).

Asymétrie de densitéLes asymétries de densité sont le plus souvent bénignes. Elles correspondent soit àune asymétrie de répartition du tissu mammaire normal, soit à une asymétriefocale. Par définition, ce type d’anomalie ne peut être décrit par les autres qualita-tifs de forme. Elles peuvent être détectées sur une ou deux incidences mammogra-phiques. En cas d’asymétrie focale, il ne faudra pas hésiter à compléter le bilanstandard par des clichés localisés, voire des agrandissements, afin d’éliminer laprésence de critères péjoratifs.

Les arguments en faveur de la bénignité sont :– une forme variable dans l’espace selon les incidences ;

120 Le dépistage du cancer du sein

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– l’absence de surdensité centrale, la présence de graisse au sein de la densité ;– des bords concaves ;– l’absence de microcalcifications ;– l’absence de distorsion architecturale associée (bien regarder en lumière forte

l’alignement normal des crêtes de Duret sous-cutanées) ;– la normalité de l’examen clinique de grande valeur lorsque l’asymétrie décrite

est de grande taille.Les arguments en faveur d’une lésion suspecte sont la présence d’un seul des

critères décrits ci-dessus. L’échographie est alors très utile pour rechercher unemasse, une atténuation anormale des ultrasons dans la topographie de l’asymétriemammographique. En cas de normalité de l’échographie et en présence de signescliniques péjoratifs, un prélèvement percutané sera discuté afin de ne pas passer àcôté d’un carcinome lobulaire infiltrant (la clinique prime sur l’imagerie).

Les microcalcificationsLorsque des microcalcifications regroupées sont détectées sur le bilan standard, uneincidence de profil strict et des clichés en agrandissement géométrique de face et deprofil centré sur ce foyer sont nécessaires avant toute analyse morphologique (5, 8).Ces agrandissements doivent être réalisés dans les mêmes conditions d’expositionque pour les clichés standard, mais avec un facteur d’agrandissement entre 1,5 et1,8, une compression localisée sur la région d’intérêt, l’utilisation du foyer le plusfin (0,1-0,3 mm) et sans grille avec exposition complète du cliché (absence de zonesd’éblouissement lors de la lecture du film sur le négatoscope). Du fait de la faibletaille des microcalcifications, le contrôle qualité des clichés doit être rigoureux :cliché net, bien contrasté, région d’intérêt centrée sur les clichés en agrandissement.

Les arguments pour classer des calcifications comme « bénignes » sont (fig. 8) :– leur faible nombre (< 6) ;– leur agencement : épars, de distribution bilatérale, sans regroupement foca-

lisé ;– leur morphologie : ronde, régulière, carrée ou losangique, cupuliforme

(profil) ;

Les images détectées 121

Figure 8 - Microcalcifications. A)Bénignes à centre clair. B) Bénignes, carpunctiformes régulières et éparses danstout le sein. C) Bénignes, car cupuli-formes sur cette incidence de profil. D)Suspectes, car regroupées en foyer, nom-breuses et polymorphes en taille et endensité (carcinome canalaire in situ). E)Typiquement malignes, car allongées etde disposition alignée traduisant leursiège intragalactophorique (carcinomecanalaire in situ).

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– leur disposition spatiale : amas arrondi évoquant une topographie intralobu-laire ;

– leur densité importante par rapport à leur taille.Les arguments pour classer des calcifications comme suspectes sont (fig. 8) :– leur nombre élevé (> 15) ;– leur distribution unilatérale dans un sein, ou centrée sur un seul quadrant

mammaire ;– leur agencement : en foyers ;– leur morphologie : trop fine pour être analysée (amorphes), irrégulières,

anguleuses, allongées ou leur polymorphisme au sein du foyer analysé. Onretiendra toujours le type morphologique le plus péjoratif au sein du foyer ;

– leur disposition spatiale : foyer linéaire, triangulaire ou de forme complexeévoquant une topographie intracanalaire ;

– leur densité hétérogène ;– l’association à une masse sur les deux incidences (siège central ou périphé-

rique des calcifications par rapport à la masse associée).

Faux positifs et faux négatifs

Faux positifsLes faux positifs sont définis par un bilan de dépistage montrant une anomalie quise révèle bénigne après un bilan complémentaire (agrandissements mammogra-phiques, échographie) ou une procédure à visée diagnostique (cytologie, biopsiepercutanée ou chirurgicale). Ces faux positifs sont en rapport soit avec des artefacts,des images pièges ou des lésions mammaires bénignes.

Les artefacts peuvent être liés soit à la patiente, soit au matériel utilisé. L’examenclinique et l’interrogatoire sont très importants afin d’éliminer de « fausseslésions ». Les lésions cutanées (nævus, molluscum, cicatrice) peuvent engendrer desmasses sur les clichés mammographiques. Classiquement, leur topographie cutanéeest évoquée devant : leur détection sur une seule incidence ou une variabilitéimportante de profondeur sur les deux incidences mammographiques, la présenced’un fin liseré d’air périphérique correspondant à de l’air trappé entre le compres-

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Figure 9 - Pseudo-masses en rapport avecdes lésions cutanées. A) Opacité visible surune seule incidence mammographique(flèche). Le siège cutané est suspecté par laprésence d’un fin liseré d’air périphérique.B) Signe de la silhouette : le siège cutané decette lésion (flèche) est suspecté devant ladétection de son contour alors qu’elle pré-sente la même densité que le parenchymemammaire adjacent.

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seur et la peau (de l’air peut également être visible au sein de l’opacité radiologique)ou à la visibilité anormale du contour de la masse dans un sein dense (signe de lasilhouette) (fig. 9). Les tatouages, certaines crèmes corporelles et des déodorantsengendrent des artefacts à type de pseudo-calcifications sur les clichés. Côté maté-riel, les artefacts engendrés se traduisent principalement par des pseudo-microcal-cifications : poussière sur les écrans ou sur le film, écran piqué, empreintes digitalessur les films, d’où l’importance du contrôle qualité du matériel : inspection desécrans, nettoyage des cassettes… (cahier des charges).

Les images piègesIl s’agit d’images construites à type de pseudo-masses ou de fausses distorsionsarchitecturales (entrecroisement de tissu fibreux) liées soit à la compression et à lasuperposition sur le film de tissu fibroglandulaire de répartition hétérogène, soit àde simples asymétries glandulaires. Classiquement, ces images construites ne sontnettement visibles que sur une seule incidence ou varient en taille, en forme et dansleur contour sur les deux incidences ; elles ne présentent aucun gradient de densitépar rapport au tissu mammaire adjacent ; elles n’entraînent aucune désorganisationde voisinage, et ne sont responsables d’aucun signe clinique lors de l’examen de lafemme. Le caractère construit de ces images peut être affirmé par un nouveau clichémammographique simple ou avec une compression localisée selon l’incidence oùl’image est le mieux visible (fig. 10).

Certaines images correspondent à des anomalies toujours bénignes qui nedoivent donc pas être retenues par le lecteur. Certaines peuvent être caractériséesdès la mammographie (images de densité graisseuse ou mixte, calcifications) ;d’autres nécessitent une exploration complémentaire échographique (faux posi-tifs).

Pour les masses, on identifiera :– le ganglion intramammaire : il siège classiquement dans le quadrant supéro-

externe mais peut être détecté dans les autres quadrants. Il est de forme ovale,

Les images détectées 123

Figure 10 - Image construite. A) Aspect pseudo-nodulaire visible sur la seule incidence de face (flèche).B) Même incidence avec compression localisée :disparition de l’image = tissu mammaire normal.

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mesure moins d’un centimètre et présente une encoche ou une clarté correspon-dant au hile graisseux avec présence d’un vaisseau satellite ;

– un hamartome devant une lésion de densité mixte (double contingent : clairgraisseux et isodense au tissu fibroglandulaire) cernée par une fine capsuledense (image du sein dans le sein) ;

– les kystes dont la nature liquidienne ne peut être affirmée que par l’échogra-phie.

Pour les microcalcifications :– les calcifications dermiques (glandes sébacées) représentent le piège le plus

fréquent (fig. 8). Souvent visibles sur une seule incidence, il faut savoir lesrechercher en lumière forte sur la seconde incidence dans la graisse sous-cutanée souvent surexposée. Cette topographie peut être confirmée par uncliché tangentiel ;

– les calcifications vasculaires artérielles en début de formation peuvent enimposer pour des calcifications de topographie intragalactophorique ; ilfaudra rechercher l’opacité spontanée du vaisseau concerné ;

– les calcifications séquellaires de galactophorite pouvant également en imposerpour des calcifications suspectes. En rapport avec la calcification de la paroiinflammatoire d’un galactophore ; ces calcifications en « aiguille brisée » sontclassiquement de taille grossière, denses, d’aspect homogène avec un aspect en« rail » sur les clichés en agrandissement.

Faux négatifsLes faux négatifs correspondent à des cancers diagnostiqués entre deux tours dedépistage et qui rétrospectivement sont visibles sur la dernière mammographie (aucontraire des cancers de l’intervalle qui eux ne sont pas visibles). La réalisation dedeux incidences mammographiques par sein, le principe de la seconde lecturepermettant un gain de sensibilité de l’ordre de 7 % (9), l’enseignement et la forma-tion continue des lecteurs, la revue de ces faux négatifs sont indispensables pourréduire leur nombre.

Il y a deux grandes étiologies aux faux négatifs :

124 Le dépistage du cancer du sein

Figure 11 - Cancer avec signe rétrospectifsubtil (deux ans d’écart). L’analyse compa-rative ne retrouve qu’une densité de faibletaille dans la même topographie, son ana-lyse étant gênée par la superposition detissu fibreux. Cette image, à raison, nepouvait être retenue comme suspecte surle premier bilan.

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– une erreur de perception du lecteur : le cancer n’est pas vu ; soit il étaitévident, soit sa traduction était trop subtile et non spécifique pour êtreretenue comme suspecte (fig. 11) ;

– une erreur d’appréciation : le cancer est détecté mais son caractère suspectn’est pas identifié (fig. 12).

Dans l’expérience de l’association pour le dépistage du département du Nord(ancienne campagne avec un seul cliché par sein), les cancers confirmés en troi-sième lecture pour des tests discordants entre les deux premiers lecteurs corres-pondaient à une erreur de perception dans environ 45 % des cas (cancer non vu),dans environ 45 % des cas à une erreur d’interprétation (le cancer est détecté maisinnocenté) et dans 10 % à une erreur grossière faisant évoquer un défaut de codagede la fiche de lecture (1). Les cancers ratés en mammographie se traduisent plussouvent par une masse que par des microcalcifications. Dans une revue rétrospec-tive de 115 cancers non détectés (70 % de masses, 30 % de calcifications), Birdwellet al. ont analysé les causes possibles de ces faux négatifs (10). Pour les paramètresde détection, les causes les plus fréquentes étaient : 34 % de seins denses, 29 % delésions « distrayant » le lecteur, 23 % de cancers siégeant en bordure de films, 14 %de cancers détectés sur une seule incidence et 11 % siégeant en bordure de glandemammaire. Dans les erreurs d’appréciation, l’aspect bénin des microcalcificationsétait le facteur prépondérant (43 %), suivi par le faible nombre de calcifications(26 %). Dans 46 % des bilans, un problème technique était retrouvé, ayant pucontribuer à la non-détection de la lésion ; les raisons les plus fréquemment encause étaient des erreurs de positionnement et de compression. Dans 9 % des cas,aucune explication rétrospective n’était identifiée.

Dans ces faux négatifs, on retrouve également des cancers dont l’aspect radio-logique est trop subtil ou suffisamment non spécifique pour que l’anomalie détec-tée ne soit pas retenue. Ainsi, Ikeda et al. ont revu 172 anomalies de ce type chezdes femmes ayant ultérieurement développé un cancer au dépistage mammogra-phique suivant (dépistage annuel aux États-Unis) : îlot nodulaire focal mimant dutissu mammaire normal, calcifications d’allure bénigne, microcalcifications peunombreuses d’allure bénigne, asymétrie focale de densité visible sur une seule inci-dence (11). À l’analyse rétrospective, 80 % de ces cancers présentaient ce type deséméiologie radiologique. Dans les causes possibles de non-détection étaientretrouvées : la visibilité sur une seule incidence (22 %), plusieurs anomalies à analy-ser dans le sein (13 %), des microcalcifications non détectées et une topographie enbordure de glande (12 %). Dans les causes possibles de mauvaise interprétation :

Les images détectées 125

Figure 12 - Faux négatif du dépistage. A)L’opacité a bien été détectée (flèche) maisinnocentée (remarquez ces contours angu-laires suspects). B) Six mois plus tard. Lalésion est palpable et a nettement progres-sé sur la mammographie (cancer canalaireinfiltrant de grade SBR 3).

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un aspect similaire au tissu mammaire normal (53 %), un aspect bénin des calcifi-cations (31 %) et un faible nombre de calcifications (23 %). À noter que des causestechniques étaient notées dans 18 % des mammographies : défaut de positionne-ment, mauvaise compression, défaut d’exposition, mouvements ou présence d’ar-tefacts.

La détection systématique de ces cancers subtils conduirait cependant à un tauxélevé de faux positifs rendant délétère le dépistage. En effet, Wolverton et Sickles ontévalué, de manière prospective, 583 images subtiles (48 % de microcalcificationsd’allure bénigne, 22 % de masses non calcifiées, 18 % d’opacités visibles sur uneincidence et 7 % d’asymétries) détectées sur 382 mammographies de dépistage.Après un suivi moyen de trente mois, un seul carcinome canalaire in situ de bas-grade était mis en évidence (12). Maes et al. ont montré que ces signes mammo-graphiques non spécifiques étaient retrouvés chez 11 % des cinq cents femmeshollandaises avec des bilans mammographiques normaux ou bénins. Ainsi, entenant compte de la prévalence et de l’incidence du cancer du sein aux Pays-Bas, lerisque additionnel de développer un cancer serait de 0,5 % avec de telles images,indiquant qu’un dépistage est préférable à la poursuite des investigations (13).

Ainsi, une technique parfaite, un apprentissage aux signes minimaux de cancerset une seconde lecture par un radiologue expert doivent réduire le nombre de cesfaux négatifs. Cependant, un certain nombre d’entre eux se manifestent par dessignes suffisamment non spécifiques pour ne pas être d’emblée retenus commesuspects sous couvert, bien sûr, d’un bilan complet. Ces cancers trop subtils ne sontni des erreurs de perception ni des erreurs d’interprétation de la part des radio-logues ; il paraît important d’en prévenir et d’en informer les femmes participantau dépistage.

Densité mammaireLa détection d’une anomalie dépend de sa nature (taille, forme, densité), maiségalement de l’existence ou non d’un gradient de densité avec le tissu mammairenormal environnant. Cela est particulièrement vrai pour les masses survenant dansun sein dense. L’appréciation de la densité mammaire fait partie intégrante de l’ana-lyse des clichés et doit apparaître dans le compte rendu, soulignant ainsi la difficultépotentielle à détecter une lésion. La densité mammaire est classée en quatre caté-gories par la classification de l’American College of Radiology (14) :

– catégorie 1 : le sein est presque totalement graisseux (< 25 % de glande) ;– catégorie 2 : il existe des opacités fibroglandulaires éparses, (graisseux hétéro-

gène, approximativement de 25 à 50 % de glande) ;– catégorie 3 : le tissu mammaire est dense et hétérogène (approximativement

de 51 à 75 % de glande), cela peut diminuer la sensibilité de la mammogra-phie (faux négatifs potentiels) ;

– catégorie 4 : le tissu mammaire est extrêmement dense (homogène, > 75 %de glande), ce qui peut masquer une lésion à la mammographie (faux néga-tifs potentiels).

126 Le dépistage du cancer du sein

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Ainsi en cas de seins denses homogènes ou hétérogènes, le contrôle des clichésest primordial afin de s’assurer de leur exposition correcte et la lecture doit êtreméthodique (analyse du « blanc » puis du « noir » à la recherche de signes indirectsde cancer). Après 50 ans, la répartition des densités mammaires est d’à peu près :20 % pour la catégorie 1, 55 % pour la catégorie 2, environ 20 % pour la catégorie3, les seins extrêmement denses ne représentant que 5 % (15). Par ailleurs, l’exten-sion de la prescription d’un traitement hormonal substitutif (THS) de la méno-pause a conduit à la réalisation d’un grand nombre d’études. Il existe uneaugmentation significative de la densité mammaire chez environ 20 % des femmesprenant un THS (16, 17), l’augmentation de la densité mammaire étant surtoutobservée chez les femmes sous traitement œstroprogestatif.

La forte densité mammaire est responsable de deux effets : une perte de sensi-bilité dans la détection de cancers (avec augmentation des cancers de l’intervalle)et une perte de spécificité (avec une augmentation du nombre de faux positifs). Lasensibilité de la mammographie passe de 85 % pour les femmes avec des seinsradiotransparents à 68 % pour les femmes avec des seins denses ; et de 81 % chezles femmes sans THS à 74 % avec un THS (18). Dans la série de Kolb et al., la sensi-bilité de la mammographie chez les femmes de 50 ans et plus passe de 97,8 % pourdes seins clairs à 51,9 % pour les seins extrêmement denses (19). Si on tient comptede la prise d’un THS, il n’y avait pas, dans cette étude, de différence significative desensibilité de la mammographie entre les femmes sans ou avec un THS, à catégo-ries égales de densité mammaire. Le risque de faux positifs est multiplié par deuxlorsque la densité mammaire est gradée 3-4 par rapport aux catégories de densité1 et 2, ce risque de faux positifs n’étant pas affecté par l’âge de la femme (15). Pourles femmes sous THS, cette perte significative de spécificité est également constatéepar rapport aux autres femmes, mais celle-ci ne semble exister que lors des vaguesincidentes du dépistage (après un premier dépistage) (20, 21).

Pour les cancers de l’intervalle, les femmes sous THS ont un risque relatif signi-ficativement plus élevé par rapport aux femmes non traitées, avec une incidencemultipliée par 1,7 à 3,5 (20, 21).

ConclusionDétecter une anomalie en mammographie repose tout d’abord sur le contrôlequalité des clichés fournis. Cette étape systématique est primordiale pour valider lecontraste, le bon positionnement et la compression optimale de la glandemammaire. Ensuite, la lecture comparative des deux seins, la comparaison avec lesbilans antérieurs et la connaissance de la pathologie mammaire doivent permettreau radiologue de détecter des signes anormaux débutants nécessitant, le plussouvent, des explorations complémentaires pour leur caractérisation. L’expériencemontre qu’il est plus facile de détecter une anomalie que d’affirmer la normalitéd’une mammographie. Il faudra donc garder à l’esprit qu’une anomalie détectéedoit être localisée, décrite précisément et classée selon son degré de suspicion de

Les images détectées 127

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malignité. Cette démarche logique et hiérarchisée évite les incohérences etdébouche sur un compte rendu clair, concis et compréhensible par tous. Enfin,certains cancers débutants se traduisent par des signes aspécifiques qui ne peuventêtre retenus comme suspects lors du bilan mammographique. Ces rares cas doiventfaire l’objet d’une information auprès des femmes.

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128 Le dépistage du cancer du sein

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Les images détectées 129

Page 126: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

L’efficacité du dépistage mammographique ne dépend pas que de l’aptitude àdétecter des anomalies infracliniques. Elle dépend aussi de l’évaluation de la proba-bilité de malignité de ces images et de la conduite à tenir en aval, depuis le diagnos-tic jusqu’à l’élaboration du plan de traitement. Cette démarche doit être fiable etreproductible, s’appuyant sur des recommandations pour les bonnes pratiques vali-dées et s’accompagnant de procédures d’évaluation utilisables par tous. La finalitéde l’ensemble de la démarche est que toutes les femmes puissent bénéficier d’undépistage qui respecte le plus juste équilibre entre la sensibilité et la spécificité, ainsique les principes d’équité et d’absence de perte de chance.

Évaluation de la probabilité de malignité d’une image infraclinique : classification ACR

Historique : le Breast Imaging Reporting And Data System (BI-RADS) del’American College of Radiology (ACR)Pendant les années 80 et au début des années 90 (18, 20, 37, 39), des séries de corré-lations historadiologiques ont permis d’étudier la prévalence des anomaliesmammographiques, la sensibilité et la spécificité de la mammographie de dépistage,la valeur prédictive positive (VPP) (8, 27, 32) et le rapport de vraisemblance (like-lihood ratio, probabilité pour que devant un résultat donné et en tenant compted’autres facteurs tels que l’âge ou la prévalence, la personne soit réellement porteusede la maladie) pour chaque type d’image (24, 26). Elles ont permis une évaluation

Le suivi des femmes dépistées :classification des images détectées et conduite à tenirM.-H. Dilhuydy1, F. Valentin1 et M. Asad-Syed1

1. Radiologue, praticien des Centres de lutte contre le cancer (Bordeaux).

Page 127: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

fiable du degré de suspicion et une définition des images que l’on pouvait surveiller.Des rythmes de surveillance ont pu être proposés (11, 21, 37, 42). Mais cette évalua-tion de la VPP d’une image infraclinique dépend essentiellement de l’expérience dulecteur, la référence étant donnée par des radiologues seniors très spécialisés exer-çant dans des centres de dépistage. L’hétérogénéité des performances et le manquede reproductibilité dans l’interprétation et la rédaction du compte rendu ont faitémerger le besoin d’un outil d’assurance de qualité destiné à standardiser le compterendu mammographique, dans le cadre du Mammography Quality Standard Act(MQSA) : il s’agit d’un vaste programme destiné à optimiser et homogénéiser laqualité sur l’ensemble des sites de mammographie et à mettre en place un auditpermanent des pratiques. Dans cette optique, l’ACR a coordonné un travail colla-boratif (avec le National Cancer Institute, les Centers for Disease Control and Preven-tion, la Food and Drug Administration, l’American Medical Association, l’AmericanCollege of Surgeons et le College of American Pathologists) pour mettre en place unsystème d’interprétation mammographique, le BI-RADS (4, 15, 16), dont laquatrième édition a été publiée en 2004 (1). C’est un volumineux ouvrage dont lechapitre le plus important est un lexique, qui présente une définition et un ouplusieurs termes descriptifs pour chaque caractéristique radiologique d’une image.Chaque mot est utilisé spécifiquement pour décrire une seule caractéristique (parexemple, un terme proposé pour caractériser la forme d’une masse ne peut pas êtreutilisé pour en décrire les contours). Chaque descriptif est illustré par des schémaset des exemples issus d’une « database » d’images mammographiques, collectée parle comité du BI-RADS et enrichie en permanence.

Le chapitre suivant est un système de compte rendu standardisé qui se terminepar une catégorie d’évaluation : la catégorie 0 est utilisée quand les données sontinsuffisantes pour conclure, les catégories 1 à 6 (en fonction du degré de suspicion)sont utilisées quand les données sont suffisantes pour évaluer la probabilité de mali-gnité. Dans le système américain, ces catégories sont destinées à l’évaluation et àl’audit. Il ne s’agit pas d’une classification normative, il n’y a pas dans le BI-RADS,en dehors des images manifestement bénignes, d’énumération exhaustive desimages pouvant être classées dans telle ou telle catégorie.

Les objectifs de ce système d’analyse et de cette classification sont :– de standardiser le compte rendu de mammographie ;– d’augmenter la sensibilité, la spécificité et la VPP de la mammographie de

dépistage ;– d’augmenter la reproductibilité d’un observateur à l’autre ;– de faciliter la transmission des données entre les différents lecteurs et vers les

autres praticiens, ainsi que la compréhension du compte rendu par lesfemmes ;

– d’améliorer l’adéquation et la reproductibilité de la prise en charge de cesimages ;

– de permettre l’évaluation des résultats et des pratiques (outil d’évaluationépidémiologique) ainsi qu’un audit interne et externe des pratiques ;

– de constituer un système de référence médico-légal et de limiter les consé-quences juridiques en aval du dépistage.

132 Le dépistage du cancer du sein

Page 128: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

L’utilisation des catégories d’évaluation du BI-RADS a été largement évaluéeaux États-Unis puis en Europe. Plusieurs études (5, 19, 29, 41) ont montré que cesystème est capable d’augmenter la sensibilité, la spécificité et la VPP de la mammo-graphie de dépistage, ainsi que la reproductibilité intra- et inter-observateurs, quelsque soient l’âge et le niveau d’expérience du lecteur. Cependant, d’autres études(33) soulignent les limites du système, qui portent essentiellement sur la catégorie 3(6, 28), les recommandations pour une surveillance manquant de reproductibilité.Ces études (6, 38, 43) démontrent l’influence bénéfique sur les performances duradiologue de son expérience, de son volume de lecture ainsi que de sa formationspécifique à l’utilisation du BI-RADS.

En France : la « classification ACR », une application contextuelledu BI-RADSAlors que le BI-RADS est en phase d’évaluation, le service des recommandations dela Haute Autorité de Santé (HAS, alors nommée ANAES) édite en 1998, dans la sériedes recommandations pour les bonnes pratiques, « Conduite à tenir diagnostiquedevant une anomalie mammographique infraclinique » (2). En se fondant sur unerevue complète de la littérature et sur une analyse du rapport de vraisemblance desimages, elle recommande d’utiliser une classification en cinq catégories des imagesinfracliniques dont la définition s’inspire des travaux de l’ACR, et en propose uneversion francisée qui englobe la classification des calcifications mammaires deCurie, dite « de Le Gal », dont les radiologues français ont l’habitude.

Il s’avère à l’usage que la classification de Curie étant elle-même peu reproduc-tible, la classification proposée perd en reproductibilité et surtout diverge trop duBI-RADS pour pouvoir bénéficier de l’évaluation en cours du système américain.C’est la raison pour laquelle une nouvelle version plus fidèle au descriptif améri-cain est diffusée sur le site de la HAS/ANAES en 2001, sous la forme d’une fichesynthétique d’une seule page proposant une classification en six catégories de 0 à 5.En respect des travaux de l’ACR, elle est appelée classification ACR (ou BI-RADS/ACR). Elle a été connue sous cette dénomination par l’ensemble des radio-logues français avant qu’ils aient pris connaissance de la traduction françaisedu BI-RADS. La dernière version de cette fiche (cf. tableau 1) proposée dans lenouveau cahier des charges et disponible dans chaque structure de gestion et danschaque cabinet de radiologie ne diffère de la précédente que par quelques précisionssémantiques en accord avec la dernière édition du BI-RADS. C’est cette versionqu’il est recommandé à tous les radiologues d’utiliser. La formation des radiologuesau dépistage, condition préalable à leur participation au programme, est dispenséepar une association de formation permanente à partir de cette classification, illus-trée par une banque d’images.

Cette version française de la classification a été conçue d’emblée sous une formeplus normative que l’outil d’évaluation et d’audit nord-américain, en raison de ladécentralisation du programme français qui utilise toutes les structures radiolo-giques privées ou publiques, ce qui lui confère une grande hétérogénéité initiale en

Le suivi des femmes dépistées 133

Page 129: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

134 Le dépistage du cancer du sein

ACR 0 : Mammographie en attente d’un bilan de diagnostic (comparaison avec les documents anté-rieurs, incidences complémentaires, clichés centrés comprimés, agrandissement, échographie, etc.)C’est une classification « d’attente », avant que le bilan d’imagerie soit complet et permette une classi-fication définitive.

ACR1 : Mammographie normale

ACR 2 : Anomalies bénignes ne nécessitant ni surveillance ni examen complémentaire (VPP de can-cer = 0)– Masses rondes avec calcifications grossières (adénofibrome ou kyste)– Ganglion intramammaire– Masse(s) ronde(s) correspondant à un/des kyste(s) typique(s) en échographie– Masses(s) de densité graisseuse ou mixte (lipome, hamartome, galactocèle, kyste huileux)– Cicatrice(s) connue(s)– Calcifications cutanées, vasculaires– Grandes calcifications en bâtonnets, ou à centre clair, ou pariétales, ou à type de lait calcique, ou dys-

trophiques, ou fils de suture calcifiés– Calcifications rondes régulières diffuses

ACR 3 : Anomalie probablement bénigne, une surveillance à court terme est conseillée (VPP < 2 %) – Calcifications rondes ou amorphes peu nombreuses, en petit amas rond isolé – Petit(s) amas rond(s) ou ovale(s) de calcifications polymorphes, peu nombreuses, évoquant un début

de calcification d’adénofibrome– Masse(s) bien circonscrite(s), ronde(s), ovale(s) ou discrètement polycyclique(s) sans microlobula-

tion, non calcifiée(s), non liquidienne(s) en échographie– Asymétrie focale de densité à limites concaves et/ou mélangée à de la graisse

ACR 4 : Anomalie indéterminée ou suspecte qui indique une vérification histologique (2 % < VPP< 95 %)– Calcifications rondes nombreuses et/ou groupées en amas aux contours ni ronds, ni ovales– Calcifications amorphes ou poussiéreuses groupées et nombreuses– Calcifications grossières hétérogènes ou fines calorifications polymorphes peu nombreuses– Distorsion architecturale en dehors d’une cicatrice connue et stable– Masse(s) non liquidienne(s) ronde(s) ou ovale(s) aux contours microlobulés, ou masqués par du

tissu fibroglandulaire normal, ou ayant augmenté de volume– Asymétrie(s) focale(s) de densité à limites convexes ou évolutive(s)

ACR 5 : Anomalie considérée comme maligne (VPP de cancer > 95 %)– Calcifications fines linéaires ou fines linéaires ramifiées – Calcifications grossières hétérogènes ou fines calcifications polymorphes nombreuses et groupées en

amas– Calcifications fines groupées quelle que soit leur morphologie, dont la distribution est linéaire ou

segmentaire (topographie intragalactophorique)– Calcifications associées à une distorsion architecturale ou à une masse– Calcifications groupées ayant augmenté en nombre ou calcifications dont la morphologie et la dis-

tribution sont devenues plus suspectes– Masse de contour flou ou indistinct– Masse de contour spiculé

2. En dehors des images construites et des variantes du normal.

Tableau 1 - Classification des images mammographiques en fonction du degré de suspicion2 –correspondance avec le système bi-rads de l’Americcan College of Radiology (ACR).

Page 130: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

ce qui concerne le volume d’activité et la performance. Les conditions exigiblesconcernant le volume d’activité (réalisation d’un minimum de 500 mammogra-phies annuelles) sont très en retrait par rapport aux exigences européennes. Dansce contexte, l’objectif essentiel de la classification ACR est de proposer à l’ensembledes radiologues une liste d’images définies comme appartenant à telle ou telle caté-gorie d’évaluation, afin d’homogénéiser rapidement la prise en charge des lésionsdétectées.

Parallèlement, la Société française de radiologie (SFR) a acquis en 2000 les droitspour une traduction française du BI-RADS, sous réserve que ce soit une traductionmot à mot, sans adaptation ni influence. La deuxième édition française, traductionde la quatrième édition américaine du BI-RADS Mammography, a été éditée en2004, accompagnée d’une première édition du BI-RADS échographie et IRM (7). Ilest souhaitable que cet ouvrage de référence soit disponible dans chaque centre dedeuxième lecture et soit accessible à chaque cabinet de radiologie, afin que tous lesradiologues puissent se familiariser avec le lexique et que tous utilisent la mêmeterminologie. Ils ne doivent cependant pas être déstabilisés par les quelques diffé-rences culturelles et contextuelles qui existent entre le BI-RADS nord-américain etla classification ACR, qu’on leur demande d’appliquer dans le programme nationalet qu’on leur conseille d’utiliser dans leur exercice de mammographie en général.Les standards de référence des programmes européens (17) sont différents des stan-dards américains. Dans un contexte médico-légal moins lourd, les seuils de décisionpeuvent mieux tenir compte, en France et en Europe, de la balance entre les béné-fices attendus et les risques du dépistage. Les recommandations pour une biopsiechirurgicale tendent à limiter les faux positifs et le taux de détection des carcinomesin situ afin de réduire le surdiagnostic (découverte d’une anomalie maligne qui neserait pas devenue un cancer et n’aurait pas entraîné le décès) (44, 45). En pratique,la différence porte sur le taux de calcifications qui peuvent être seulementsurveillées (catégorie d’évaluation 3), plus élevé en Europe qu’aux États-Unis. Lesrecommandations de la « classification ACR » vont en ce sens : la catégorie ACR 3(cf. tableau 1) comporte des calcifications « amorphes peu nombreuses en petitamas rond isolé » ou « polymorphes peu nombreuses en petit amas rond ou ovale »

Le suivi des femmes dépistées 135

En présence d’une anomalie mammographique, la classification tiendra compte du contexte clinique et des facteurs derisque. La comparaison avec des documents anciens ou le résultat d’investigations complémentaires peuvent modifierla classification d’une image : une masse ovale à contours réguliers classée 3 mais présente sur des documents ancienspeut être reclassée 2, des calcifications résiduelles après prélèvement percutané contributif bénin d’un amas classé 4peuvent être classées 2, etc.Cette classification concerne les anomalies mammographiques. La découverte sur une échographie systématique d’uneimage anormale sans correspondance mammographique ne modifie pas cette classification.À noter : la dernière édition du BI-RADS introduit une septième classe (catégorie 6) pour les images dont l’histologiemaligne est déjà connue par prélèvement percutané. Cette catégorie ne concerne pas les mammographies de dépistage.Elle propose également une subdivision facultative de la classe 4, qui recouvre un large éventail de VPP, en a, b et c.Ces modifications, qui ne modifient pas la conduite à tenir, sont sans objet pour le programme français.

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probablement classées dans la catégorie 4 du BI-RADS par la plupart des radio-logues nord-américains. Il est intéressant de noter qu’au niveau de l’évaluation, lacatégorie 3 nord-américaine est comptabilisée avec les résultats négatifs du dépis-tage, alors qu’en France les ACR 3 sont comptabilisés avec les dépistages positifs,avec la procédure de suivi qui en découle.

Il n’est pas démontré que la VPP annoncée (< 2 %) pour les ACR 3 peut êtreatteinte dans ce contexte, surtout si un pourcentage trop élevé de lésions in situdont beaucoup sont surdiagnostiquées est révélé par des prélèvements percutanésd’images qui auraient pu être surveillées. Une étude européenne (33) portant surun système de dépistage décentralisé proche du système français montre une VPPde l’ordre de 4-5 % pour les images qui ont fait l’objet d’une recommandation desurveillance. La majorité des cancers excédentaires ont été détectés par prélèvementpercutané de calcifications, et sont in situ. Une étude comparant les performancesde la mammographie de dépistage aux États-Unis et au Royaume Uni (40) montreque le taux de rappel et le taux de biopsies chirurgicales négatives sont deux foisplus élevés aux États-Unis, pour un taux de détection de cancers identique. Enfindans le programme danois (34) la VPP de la biopsie chirurgicale est de 80 % (versus20 à 40 % dans les programmes nord-américains) et le taux de cancers in situ nedépasse pas 11 % de l’ensemble des cancers détectés. L’élévation de l’incidence descancers après introduction du dépistage reste limitée dans ce pays, alors que le tauxde cancers de l’intervalle est bas.

L’évaluation du programme national permettra de contrôler à long terme lavalidité de l’application en France des standards européens.

Conduite à tenir devant une image infracliniqueLa stratégie de diagnostic en fonction du type d’images (indication des clichésagrandis devant des microcalcifications, indications de l’échographie, problèmesliés à la densité mammaire) est exposée dans le chapitre précédent. Nous aborde-rons ici la conduite à tenir en aval en fonction du classement de l’image dans la clas-sification ACR. Ces recommandations sont précisées dans la circulaire DGS/SD5An° 2003-115 du 10 mars 2003 relative au dépistage organisé des cancers du sein etfigurent dans le cahier des charges destiné aux radiologues (9).

À noter : ce classement en catégories d’évaluation dans le cadre du programmede dépistage porte seulement sur les images mammographiques, même si les radio-logues peuvent, dans leur pratique, utiliser le BI-RADS pour classer les imageséchographiques et IRM. La classification s’applique à chaque sein et non pas globa-lement à une mammographie. Le classement et la conduite à tenir qui en découleportent sur la ou les images les plus suspectes.

136 Le dépistage du cancer du sein

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BI-RADS/ACR 0 : bilan à compléterC’est le classement provisoire d’une mammographie de dépistage ayant montré uneanomalie et nécessitant un bilan de diagnostic, avant que celui-ci ne soit réalisé.

Pour le premier lecteur, c’est un classement d’attente donné comme résultat dela mammographie de dépistage sur la fiche d’interprétation, juste avant le bilan dediagnostic immédiat et aussitôt suivi du classement définitif en fonction du résul-tat des examens complémentaires. Ces données doivent apparaître clairement dansle compte rendu, la fiche d’interprétation et le courrier destiné au(x) praticien(s).

À noter que le classement ACR 0 ne concerne pas les images construites par dessommations pour lesquelles des incidences complémentaires (qui font partie de lamammographie de dépistage) ont permis de lever le doute.

Exceptionnellement, le classement définitif par le premier lecteur peut êtredifféré (nécessité de récupérer les documents de référence, patiente repartie avantque l’image ne soit vue, souhait de la femme de ne pas faire le bilan extemporané-ment, refus de l’échographie…). Le classement ACR 0 peut être utilisé en attente.Un examen classé ACR 0 ne doit pas être adressé tel quel en deuxième lecture.Cependant, en cas de refus définitif de la femme et si elle n’exige pas la restitutionimmédiate des clichés, il est recommandé d’adresser les films avec la fiche de lecturesur laquelle le radiologue fait figurer ses recommandations pour des examenscomplémentaires. La structure de gestion engagera une démarche de suivi.

Lorsqu’un examen a été classé ACR 0 puis négativé par un bilan (immédiat oudifféré), il doit être transmis en deuxième lecture ; les éléments de ce bilan (écho-graphie, documents anciens comparatifs) doivent être mentionnés sur la fiche ettransmis en illustration au second lecteur.

Pour le second lecteur, le classement dans la catégorie 0 est utilisé quand ildétecte une anomalie qui nécessite un bilan de diagnostic. Le second lecteur ne peutpas, en particulier, classer ACR 3 et recommander une surveillance sans bilan dediagnostic. Il ne donne un classement définitif que lorsque le bilan de diagnostic adéjà été réalisé par le premier lecteur et lui paraît suffisant pour conclure ou encorelorsque l’image détectée est très fortement évocatrice de malignité. Lorsque lesecond lecteur voit une anomalie que le premier lecteur n’a pas signalée, il estimportant qu’il précise sur la fiche d’interprétation la localisation exacte et ledescriptif de l’image ainsi que les examens complémentaires qu’il propose, afind’orienter le bilan de diagnostic différé du premier lecteur.

À noter : les seins denses en mammographie sans anomalie décelable ne doiventpas être classés ACR 0. Le second lecteur, en particulier, ne doit pas classer ACR 0sous prétexte qu’il estime que le premier lecteur aurait dû réaliser une échographiesystématique en raison de la densité mammaire : le premier lecteur est libre de sapratique de l’échographie systématique, d’autant qu’il dispose des données de l’exa-men clinique. Le rôle du second lecteur se limite à la détection d’anomaliesmammographiques suspectes non signalées par le premier lecteur.

Le classement ACR 0 ne s’applique pas non plus aux anomalies échographiquesisolées (14).

Le suivi des femmes dépistées 137

Page 133: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

BI-RADS/ACR 1 : mammographie normaleCe résultat, utilisé à l’identique par le premier et le second lecteur, n’entraîneaucune recommandation particulière en dehors de la poursuite du dépistage. Lesfemmes doivent cependant avoir été informées qu’un résultat de ce type ne lesdispense pas d’une consultation médicale dans les meilleurs délais en cas de décou-verte d’un symptôme clinique dans l’intervalle entre deux mammographies.

Toutes les mammographies classées ACR 1 et effectuées dans le cadre d’unprogramme organisé seront envoyées en deuxième lecture, le compte rendu défini-tif du radiologue sera remis à la femme avec les mammographies après la deuxièmelecture.

À noter : les seins denses sans anomalie décelable doivent être classés ACR 1,même si une échographie systématique réalisée par le premier lecteur a montré uneanomalie (14). Dans ce cas, la mammographie doit être soumise en deuxièmelecture pour confirmer que les clichés sont techniquement suffisants et qu’il n’y apas d’anomalie décelable. En cas de confirmation du classement ACR 1 par lesecond lecteur, cet examen reste un « dépistage négatif avec échographie anor-male », qui fera l’objet d’une évaluation spécifique. Le fait de modifier le classementde la mammographie reviendrait à positiver le dépistage et ne permettrait pasd’évaluer l’apport de l’échographie systématique des seins denses cliniquement etmammographiquement normaux, en termes de cancers détectés et de faux positifs(biopsies et surveillances inutiles).

BI-RADS/ACR 2 : images sûrement bénignesUne description exhaustive de ces images avec de nombreuses illustrations estprésentée dans la traduction française du BI-RADS (7). Une liste synthétique estproposée dans la classification de la HAS/ANAES (cf. tableau 1).

Un classement ACR 2 n’entraîne pas de surveillance mammographique rappro-chée, ni d’examen complémentaire. Il ne justifie pas qu’un traitement hormonalsubstitutif soit supprimé pour cette seule raison.

Les mammographies classées ACR 2 par le premier lecteur doivent être adres-sées en double lecture. Les examens reclassés ACR 2 après bilan de diagnosticimmédiat ou après comparaison avec des mammographies de référence sont égale-ment envoyés en deuxième lecture. Le résultat du bilan est précisé sur la fiche delecture, un ou plusieurs documents doivent être joints.

La réalisation d’une échographie n’est pas utile devant une image manifeste-ment bénigne en mammographie (images claires ou mixtes, ganglion intramam-maire, adénofibrome ou kyste avec calcification typique). Les adénofibromesconnus et stables depuis 2 ans ou plus sont reclassés ACR 2 et il n’est pas utile deles surveiller, ni par des mammographies rapprochées ni par échographie.

À noter : le classement ACR 2 ne peut pas être utilisé pour les seins denses sansanomalie décelable.

138 Le dépistage du cancer du sein

Page 134: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

BI-RADS/ACR 3 : une surveillance à court terme est conseilléeUne liste synthétique des images qui peuvent faire l’objet d’une surveillance estproposée dans le tableau 1. Il s’agit d’images dont la VPP de cancer est très faible(< 2 % pour la catégorie d’évaluation 3 nord-américaine, < 5 % pour les séries dedépistage européennes). La grande majorité de ces images sont des calcificationsqui ont une probabilité très faible de correspondre à un carcinome in situ. Onpropose en général de réaliser deux contrôles espacés de 6 mois avant de réaliser unan plus tard une mammographie complète de dépistage, que l’on recommande defaire dans le cadre du programme afin de bénéficier de la deuxième lecture. Lorsquel’image est stable au terme de la surveillance de 2 ans elle est reclassée ACR 2. Il n’estplus indiqué de la surveiller par des mammographies rapprochées ni par des écho-graphies.

Le classement dans la catégorie 3 ne peut être utilisé qu’après réalisation d’unbilan de diagnostic qui comporte au moins un cliché de profil et des agrandisse-ments de face et de profil pour les calcifications, une échographie pour les autresimages. Pour cette raison, le classement ACR 3 n’est utilisé en pratique que par lepremier lecteur.

Il n’est pas recommandé de réaliser une biopsie de telles images, même s’il esttechniquement simple de le faire par voie percutanée, afin de ne pas augmenterdémesurément les faux positifs, les interventions inutiles et surtout le surdiagnos-tic et le surtraitement (44, 45). La découverte de mastopathies à risque (hyperpla-sie épithéliale atypique, néoplasie lobulaire) viendrait augmenter la iatrogénicité dudépistage (12). Sous réserve que le classement soit adéquat, le fait de respecter lesconsignes de surveillance permet de diminuer les effets délétères du dépistage, sansperte de chance pour les femmes si le taux de détection des cancers reste élevé et sile taux de cancers de l’intervalle reste bas (34, 40, 43).

Surclasser une image dans la catégorie 4 pour obtenir un prélèvement aggrave-rait les effets iatrogènes du dépistage et empêcherait toute évaluation de la VPP desACR 3 dans le cadre du programme français.

Les indications de biopsie ou de prélèvement percutané sur des images ACR 3sont donc exceptionnelles. Elles tiennent compte de l’impossibilité psychologiqueou matérielle de mettre en route une surveillance ou bien de facteurs de risqueparticuliers (antécédents familiaux multiples ou antécédent personnel de cancer dusein). Ce sont rarement des indications issues d’un programme organisé de dépis-tage, mais plutôt du suivi individuel de femmes plus jeunes ou à risque. Les déci-sions doivent être prises au coup par coup après discussion pluridisciplinaire etconcertation avec la femme. Dans ces cas, les prélèvements doivent être faits parvoie percutanée chaque fois que cela est techniquement possible (13), macrobiopsiesous stéréotaxie pour les calcifications, microbiopsie sous échographie pour lesmasses.

Dans le cadre du programme national, les mammographies classées ACR 3 parle radiologue premier lecteur ne font pas l’objet d’une deuxième lecture. Cettemodification par rapport aux anciens programmes a été introduite dans le souci deraccourcir les délais entre la découverte d’une anomalie et sa prise en charge. Elle

Le suivi des femmes dépistées 139

Page 135: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

permet de responsabiliser le premier lecteur, qui a tous les éléments pour effectuerau mieux ce classement (examen clinique, réalisation des clichés agrandis, réalisa-tion de l’échographie, consultation des clichés antérieurs).

Cela implique cependant que des décisions difficiles de mise en surveillancesont le fait du seul premier lecteur, avec le risque de surveiller à tort des cancers, desurveiller abusivement des images bénignes ou de procéder à des biopsies ou prélè-vements percutanés inutiles. Deux études (19, 41) montrent que l’utilisation de laclassification ACR améliore les performances des radiologues mais que des diffi-cultés persistent pour la catégorie 3. La stratégie préconisée n’est pas toujoursadaptée. Cependant la fiabilité du classement augmente avec l’expérience (45).

Certains praticiens seront tentés d’adresser les dossiers difficiles pour deuxièmeavis au comité de seconde lecture, mais ce n’est ni son rôle ni la spécificité de saformation. Il est plus logique de recommander aux radiologues premiers lecteursainsi qu’aux médecins en charge de la patiente de présenter les dossiers qui leurposent problème à des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) consa-crées aux images infracliniques du sein.

À noter : le classement ACR 3 ne s’applique pas– à une image manifestement bénigne ;– à une image d’apparition récente ou plus suspecte que sur un examen précé-

dent ;– à une image suspecte même stable par rapport à l’examen précédent ;– à une image visible sur une seule incidence peut-être construite par des super-

positions ;– à une anomalie clinique ou échographique sans traduction mammogra-

phique ;– aux seins denses sans anomalie décelable qui doivent être classés ACR 1.

BI-RADS/ACR 4 : image indéterminée ou suspecte ou ACR 5 :image évocatrice d’un cancerCes cas posent moins de problèmes de conduite à tenir, car une vérification histo-logique est indiquée dans tous les cas. Le radiologue premier lecteur fait en généralun bilan de diagnostic qui est plutôt un bilan préthérapeutique : profil pour situerl’anomalie, agrandissements de face et de profil pour les calcifications afin de mieuxapprécier l’extension, échographie pour trouver une cible éventuelle pour orienterle prélèvement, recherche de multifocalité. Ces mammographies ne passent pas enseconde lecture. Le radiologue adresse la fiche de lecture à la structure de gestion,et remet à la patiente, avec les mammographies, un compte rendu et éventuellementun courrier pour son médecin orientant la conduite à tenir.

Le second lecteur peut utiliser ce classement lorsqu’il détecte une anomalie trèsfortement suspecte (distorsion architecturale, ACR 4) ou manifestement maligne(ACR 5), qui n’a pas été signalée par le premier lecteur.

140 Le dépistage du cancer du sein

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Les modalités de prise en charge relèvent d’une décision pluridisciplinaire dansle cadre d’une RCP. Elles portent essentiellement sur les indications diagnostiquesou stratégiques des prélèvements percutanés, et sur le choix de la technique chirur-gicale (traitement conservateur ou non, indication des explorations axillaires).

Les indications des prélèvements percutanés (2, 13, 22, 23) sont bien standar-disées sous forme de recommandations validées. Elles doivent être connues desradiologues afin que les femmes soient d’emblée orientées vers la stratégie la plusadaptée.

Pour les images classées ACR 4, le diagnostic histologique se fait par prélève-ment percutané à chaque fois qu’il est techniquement possible (2), afin d’éviter uneintervention chirurgicale inutile lorsque le prélèvement est contributif et bénin.Cela permet aussi de mieux programmer l’intervention chirurgicale et le plan detraitement lorsque le résultat est en faveur de la malignité. Si le résultat n’est pascontributif ou n’explique pas l’image constatée (résultat discordant), un nouveauprélèvement, percutané ou chirurgical, doit être envisagé. Lorsque le résultat histo-logique montre une hyperplasie épithéliale atypique, une intervention est indiquéeen raison du risque de sous-estimation histologique (36).

Pour les images classées ACR 5, le standard de la prise en charge des petitscancers du sein reste la biopsie chirurgicale dans une optique conservatrice sipossible. Les indications des prélèvements percutanés sont essentiellement straté-giques, pour éviter un temps opératoire de diagnostic lorsque l’analyse histologiqueextemporanée n’est pas possible (microcalcifications, lésions infracentimétriques),avant de programmer une mastectomie pour un carcinome intracanalaire étendu,ou une investigation axillaire lorsqu’il s’agit d’un cancer infiltrant (30). L’expériencedes équipes montre que la prise en charge des calcifications est mieux programmée,mieux adaptée et que l’exérèse est plus souvent effectuée en berges saines, lorsquele diagnostic de carcinome intracanalaire est connu avant l’intervention (31). Lediagnostic histologique préchirurgical des lésions infracliniques est donc recom-mandé à chaque fois qu’il est techniquement possible.

Ces indications dépendent aussi de la nature de l’image (13) (cf. chapitre précé-dent) : macrobiopsie sous stéréotaxie pour les calcifications, microbiopsie échogui-dée pour les masses, lorsqu’elles sont visibles en échographie et accessibles. Lesdistorsions architecturales et les densités focales asymétriques ne sont pas en prin-cipe des indications de prélèvement percutané.

Reproductibilité de la classification ACR :la formation nécessaireLa classification BI-RADS a été évaluée par des séries de corrélations radiohistologiques, des séries de suivi des images mises en surveillance et des études dereproductibilité inter-observateurs (3, 5, 10, 25, 29, 33, 35). Ces études montrentque les divergences portent essentiellement sur les catégories 3 et 4 alors que lareproductibilité est relativement bonne pour les catégories 1, 2 et 5. Une étude où

Le suivi des femmes dépistées 141

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cinq lecteurs expérimentés ont relu les mêmes mammographies (5) montre que letaux de concordance global ne dépasse pas 55 %. L’indice kappa définissant lareproductibilité est bon pour les catégories 1 et 2 (0,59) et pour les 5 (0,63) mais iln’est que de 0,17 pour les 3 et de 0,16 pour les 4. Cette étude a conduit à modifierle BI-RADS en ajoutant la catégorie 0 pour mettre à part les cas où les données sontinsuffisantes pour conclure, et en enrichissant le lexique et la banque d’images.

À côté de la valeur et de la reproductibilité du classement, la qualité de ladémarche dépend de l’adéquation de la conduite à tenir préconisée, l’évaluationportant sur trois catégories décisionnelles : abstention, surveillance, ou prélève-ment. Les erreurs les plus pénalisantes sont celles qui font proposer une conduite àtenir inadaptée (surveiller des cancers, surveiller du bénin évident, prélever dubénin).

Il doit y avoir concordance entre le classement et la conduite à tenir recom-mandée. Par exemple, il n’est pas cohérent de préconiser une surveillance pour uneimage classée 2 ou de préconiser une surveillance rapprochée pour une imageclassée 4. De la même manière, le classement doit être cohérent avec le compterendu, et avec la fiche d’interprétation.

Des études réalisées dans les grands centres de dépistage nord-américains (19,41) montrent que les recommandations pour la conduite à tenir ne sont pastoujours en adéquation avec le classement. Les difficultés surviennent essentielle-ment dans l’utilisation des catégories 0 et 3 : dans 40 % des cas classés 3, il estproposé un complément d’imagerie, dans près de 20 % de ces cas un suivi estproposé mais avec des rythmes de dépistage standard (annuel aux États-Unis) ;dans 40 % des cas classés 4, il est proposé une surveillance rapprochée (41). Cesdifficultés sont plus marquées pour les calcifications que pour les images noncalciques.

Toutes ces études montrent les limites du BI-RADS, mais démontrent aussi queles performances s’améliorent avec la formation initiale, l’expérience et levolume de lecture des radiologues. Les radiologues peu spécialisés en mammo-graphie font plus de faux positifs que les radiologues qui ont des volumes de lectureplus importants (38), l’expérience du lecteur étant le critère le plus déterminant.Une autre étude (6) montre qu’une formation à la classification, en une seulesession avec ateliers, améliore les recommandations pour la conduite à tenir defaçon significative et durable.

Enfin, une étude confrontant deux séries historiques réalisées par la mêmeéquipe (43) a montré une amélioration dans le temps de la capacité à classer 3 desimages à très faible probabilité de malignité, la VPP passant de 1,7 % pour lapériode 1987-1989 à 0,4 % en 1996. La compliance des patientes à la surveillances’est également améliorée entre les deux périodes, probablement grâce à unemeilleure aptitude à l’information.

Cette capacité à améliorer les pratiques justifie la formation des radiologuesavant leur entrée dans le programme organisé, surtout dans le système décentraliséfrançais. Pour que cette formation soit spécifique, adaptée, avec un message péda-gogique fiable et reproductible et des outils pérennes, elle est confiée à un orga-nisme de formation permanente ad hoc répondant à un cahier des charges

142 Le dépistage du cancer du sein

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spécifique à ces formations. Une formation initiale est dispensée pour tous lesradiologues en trois parties (connaissances sur le dépistage, interprétation desimages, contrôle de qualité en mammographie) ainsi qu’une formation spécifiquepour les seconds lecteurs, avec apprentissage approfondi de la classification ACR etateliers (mise en situation de lecture, images subtiles et cancers d’intervalle, qualitédu cliché). Cette formation est évaluée. Cet organisme assure aussi la formation desmanipulateurs (positionnement, contrôle de qualité).

Cette formation initiale ne dispense pas d’une formation permanente pourlaquelle des modules spécifiques de mise à jour des connaissances et de perfection-nement sont prévus.

L’interprétation d’un plus grand nombre de mammographies, la participation àla deuxième lecture, les revues de cas difficiles et de cancers de l’intervalle, le retourdes résultats collectifs et individuels vers les radiologues sont également des occa-sions de formation permanente facilitant la fiabilité et la reproductibilité du classe-ment des images et de la conduite à tenir en aval. L’utilisation de l’informatiquepour le recueil des données, la standardisation des fiches de recueil et des comptesrendus introduisent rigueur et reproductibilité.

La participation à des RCP rajoute une dimension cancérologique qui familia-rise les radiologues avec les décisions stratégiques devant une lésion mammaire.

Les atlas, banques d’images, standards, options et recommandations pour lesbonnes pratiques représentent aussi des outils indispensables à cette formationpermanente. La disponibilité d’un exemplaire du tableau récapitulatif de la classi-fication ACR HAS/ANAES et d’un exemplaire du BI-RADS sur chaque site d’inter-prétation est souhaitable.

ConclusionLe classement des images mammographiques et les recommandations pour laconduite à tenir doivent être fiables et reproductibles. Le système BI-RADS del’American College of Radiology et la classification ACR utilisée dans le programmefrançais contribuent à cette efficacité. Il est souhaitable qu’ils soient utilisés par tousles radiologues qui interprètent des mammographies. Dans le cadre du programmede dépistage organisé, l’utilisation de la classification BI-RADS/ACR est préconiséedans le cahier des charges, donc opposable.

Cette classification est aussi un outil d’audit interne et externe et une base deformation permanente. Il en résultera une optimisation des pratiques à tous lesniveaux et une amélioration des stratégies individuelles.

La prise en charge des cas difficiles au niveau du diagnostic et de la stratégie deprise en charge relève de la concertation pluridisciplinaire, qui est un remarquableterrain de formation permanente, et qui conduit à l’expertise. L’un des objectifs del’organisation du dépistage est d’augmenter le volume d’activité et les performancesde toutes les unités de mammographie, et de partager l’expertise.

Le suivi des femmes dépistées 143

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146 Le dépistage du cancer du sein

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En France, un programme national de dépistage systématique du cancer du sein aété établi par la direction générale de la Santé (DGS) en 1994. Il est fondé sur lesrecommandations européennes pour la formation, le contrôle de qualité et l’éva-luation (1), les dix expériences du programme pilote de la Caisse nationale d’Assu-rance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) mis en place entre 1989 et 1991et les recommandations de bonne pratique de l’Agence nationale d’accréditation etd’évaluation en santé (ANAES) (2).

Une circulaire de la DGS de juillet 2000 relative au dépistage du cancer du seina acté les modalités préconisées par les recommandations de l’évaluation technolo-gique de 1999 effectuée par l’ANAES (3) (intervalle de deux ans entre deuxmammographies, deux incidences par sein, la poursuite du dépistage pour lesfemmes de 70 à 74 ans, la formation des radiologues).

À la même époque l’efficacité du dépistage du cancer du sein a été contestée (4,5). Cette polémique porte essentiellement sur une remise en cause du bénéfice dudépistage sur la mortalité. Le groupe d’experts réuni au Centre international derecherche sur le cancer (CIRC) a conclu dans un communiqué de presse sur le sujetque « les programmes de dépistage sont plus efficaces pour réduire le taux demortalité liée au cancer du sein que le dépistage individuel de certains groupes defemmes » (6). Cela a été confirmé par d’autres groupes d’experts. L’US PreventiveTask Force (7, 8), ou encore la Haute Autorité de Santé néerlandaise (9).

En France, la Haute Autorité de Santé conclut qu’après évaluation de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen « … il n’est pas légitime de remettre en cause lesrecommandations en faveur du dépistage du cancer du sein » (10).

Ainsi, la généralisation du programme français a débuté en 2002 après la publi-cation du nouveau cahier des charges (11) et a été parachevée au début de l’année2004. En 2002, 36 départements étaient inclus dans le programme, en 2003, 81 eten 2004, 99.

L’évaluation du programme de dépistage du cancer du seinR. Ancelle-Park1

1. Médecin (Saint-Maurice).

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Ce chapitre présente les indicateurs d’évaluation du programme.

Le cahier des chargesLe programme de dépistage organisé du cancer du sein consiste à inviter l’ensembledes femmes de 50 à 74 ans à effectuer tous les deux ans une mammographie dedépistage prise en charge dans le cadre du tiers payant (sans avance de frais). Ellegarantit un égal accès au dépistage sur l’ensemble du territoire et fait bénéficierchaque femme de la même garantie de qualité et de prise en charge.

L’objectif de ce programme de santé publique est de réduire la mortalité parcancer du sein, ce qui ne peut du point de vue de l’évaluation se mesurer qu’à longterme. Des indicateurs précoces sont donc nécessaires afin de vérifier que leprogramme répond aux normes et se déroule de manière satisfaisante. L’Institut deveille sanitaire est chargé de l’évaluation épidémiologique des programmes dedépistage et du suivi de l’ensemble des indicateurs. Un rapport annuel de la situa-tion française est publié (12).

Ce chapitre présente les objectifs opérationnels des indicateurs du dépistage etla situation française en 2004 (13).

Dans le cadre d’une évaluation, il est nécessaire d’avoir des référentiels quipermettent un jugement impartial sur les résultats observés. Les référentiels utiliséspour l’évaluation des indicateurs du programme sont établis au niveau internatio-nal. Le référentiel utilisé est celui du programme Europe Contre le Cancer(cf. tableau 1 du chapitre « Les programmes de dépistage du cancer du sein dans lesdifférents pays »). Ce référentiel est celui de l’ensemble des pays européens ayantmis en place un programme de dépistage organisé.

Les indicateurs précoces du programme national de dépistage comprennentplusieurs catégories selon que l’on veut analyser l’impact, la qualité ou l’efficacité.Ils sont analysés en fonction de la première participation quelle que soit l’annéed’intégration de la femme dans le programme (appelée prévalence) et des partici-pations suivantes : deuxième, troisième… mammographies (appelées incidence).

Indicateurs d’impactLes indicateurs d’impact permettent d’apprécier l’adhésion des femmes auprogramme. On parle le plus souvent de taux de participation.

Taux de participation

Les taux de participation permettent d’apprécier l’impact du programme sur lapopulation cible en termes de nombre de femmes dépistées, mais aussi en termesde répartition géographique, âge ou niveau socio-économique. Les taux de partici-pation au niveau national sont calculés par rapport à la population INSEE. Le tauxde participation dans le programme français est de 40 % en 2004, alors qu’il estcalculé sur l’ensemble des 81 départements, y compris les 64 départements qui

148 Le dépistage du cancer du sein

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avaient débuté le programme au cours de l’année 2003. Or l’expérience des dépar-tements engagés depuis de nombreuses années dans le dépistage montre que lestaux de participation sont plus faibles en début de programme, ce qui laisse présa-ger une augmentation des taux de participation dans les années à venir. De fait, letaux de participation au programme organisé de dépistage est de 45 % en 2005(14).

La référence européenne sur le taux de participation était de 60 % en 1996. Lesdernières références 2006 indiquent un taux de 70 %. Il faut considérer que le tauxde participation de 60 % est un taux minimal pour atteindre une réduction de lamortalité. Bien évidemment, l’impact sur la mortalité sera d’autant plus importantque le taux de participation sera plus élevé.

Taux de couverture

En France, le dépistage organisé coexiste avec le dépistage individuel, dit spontané. Letaux de couverture correspond à l’addition du nombre de femmes participant audépistage organisé et du nombre de femmes effectuant des mammographies de dépis-tage en dehors du programme. Ce taux de couverture atteint 69 %, mais est plus élevédans les départements avec dépistage (74 %) que dans les départements sans dépis-tage (64 %) (15). En 2005, le taux de couverture des femmes ayant une mammogra-phie de moins de 2 ans est de 72 % dans l’analyse du baromètre cancer (16). D’autre

L’évaluation du programme de dépistage du cancer du sein 149

Prévalence Incidence Total

Nombre de femmes dépistées 1 133 793 474 604 1 608 397

Indicateurs de qualitéMammographies positives 13,6 9,8 12,5en L1 ou L2 avant bilan (%)Taux de biopsies chirurgicales (%) 0,8 0,7 0,8VPP* de la biopsie (%) 82,8 80,4 82,1

Indicateurs d’efficacitéTaux de cancers détectés (‰) 7,0 5,9 6,7Cancers in situ (%) 13,4 13,7 13,4Cancers invasifs ≤ 10 mm (%) 35 ,6 40,2 36,9Cancers invasifs N-* (%) 70,3 76,4 72,1Cancers invasifs ≤ 10 mm (%) & N- (%) 29,0 34,5 30,6

*VPP = Valeur prédictive positive, N- = sans envahissement ganglionnaire

Tableau 1 - Programme de dépistage organisé du cancer du sein. Indicateurs épidémiologiques2004.

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part, parmi les femmes dépistées entrant dans le programme pour la première fois en2004, 62 % avaient déjà effectué une mammographie de dépistage dans les trois ans.

Indicateurs de qualitéLe contrôle de qualité des chaînes mammographiques est effectué systématique-ment et est indépendant des indicateurs épidémiologiques de qualité.

Deux indicateurs de qualité permettent d’analyser les pratiques et de vérifierque les examens complémentaires ainsi que les biopsies sont effectués à bonescient : le taux de mammographies positives et la valeur prédictive positive (VPP)de l’indication de la biopsie chirurgicale.

Le taux de mammographies positives

Il correspond au pourcentage de femmes qui présentent une image suspecte à lamammographie et doivent donc effectuer un ou des examens complémentaires.

L’objectif du programme est de réduire le nombre de cancers non vus, appelésfaux négatifs, mais également de réduire le nombre d’examens inutiles appelés fauxpositifs.

La valeur du taux de dépistages positifs est le reflet de la qualité de la chaînemammographique et de l’expérience des lecteurs. Les références européennes de cetaux sont calculées pour obtenir un équilibre entre les faux négatifs (sensibilité) etles faux positifs (spécificité). Le programme de dépistage organisé français intro-duit dans son déroulement un examen clinique systématique et un bilan diagnos-tique immédiat (BDI) en cas d’image suspecte (agrandissement, échographie,cytoponction) permettant immédiatement de confirmer ou non les images détec-tées par la première lecture (cf. schéma).

En 2004, le taux de mammographies positives du premier lecteur (10,9 %) etdu deuxième lecteur (1,6 %) avant le bilan de diagnostic atteignait 12,5 % (tableau1). Le bilan diagnostique immédiat effectué par le premier lecteur a confirmé 42 %des images suspectes.

Ce bilan (agrandissement, échographie, cytoponction) est très largementdominé par l’échographie. Ainsi 79 % des cas comportent uniquement une écho-graphie et plus de 90 % des bilans comportent au moins une échographie. Lesagrandissements seuls concernent 9 % des femmes positives et 19 % lorsqu’ils sontaccompagnés d’une échographie ou d’une cytoponction. Les cytologies seules sonteffectuées pour 0,1 % des femmes positives et pour 2 % avec une échographie ouun agrandissement.

Concernant la deuxième lecture des clichés normaux ou normalisés après bilan,seules 1,8 % des femmes dépistées ont été rappelées pour faire des examens complé-mentaires (1,6 % négatifs en 1re lecture, 0,2 % négatif après BDI).

La référence européenne pour le taux de positifs avant bilan est appelée taux derappel. Il repose uniquement sur des bilans diagnostiques demandés aprèsdeuxième lecture, c’est-à-dire des bilans différés effectués après rappel de la femme.

150 Le dépistage du cancer du sein

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En 2001 dans le cahier des charges français précédent, 6,3 % des femmes ont étérappelées pour faire un bilan diagnostique différé.

Valeur prédictive positive (VPP) de l’indication de la biopsie chirurgicale

Cet indicateur mesure le pourcentage de cancers détectés parmi les biopsies effec-tuées. Il permet d’évaluer l’adéquation de la prescription de la biopsie. Ce taux s’estamélioré au cours du temps et atteint 82 % (82,8 % en prévalence et 80,4 % en inci-dence). La référence européenne est une VPP d’au moins 70 %.

Les indicateurs d’efficacité (tableau 1)

Ces indicateurs sont les marqueurs de substitution de la mortalité. Ils permettentde présumer de l’efficacité de l’action du programme de dépistage et sont doncessentiels pour savoir si le programme se déroule de manière satisfaisante.

L’analyse par vague ou rang de participation (prévalence et incidence) est parti-culièrement pertinente pour les indicateurs d’efficacité. En prévalence, premièremammographie effectuée par la femme dans le programme, les cancers détectéssont de tailles et de stades variés. En incidence, mammographies successives, lescancers détectés sont les nouveaux cancers survenus entre deux dépistages, donc descancers plus petits et de meilleur pronostic (≤ 10 mm, sans envahissementganglionnaire). L’efficacité du dépistage des cancers est fondée sur ce principe.

Les taux de cancers

Le taux de cancers est le nombre de cancers détectés parmi les femmes venues dansle programme. Ce taux est un indicateur de base de la qualité et de l’efficacité duprogramme. Il est fonction de l’incidence de la maladie et de la sensibilité du testde dépistage. En 2004, le taux de cancers était de 6,7 pour mille femmes dépistées.

Le seuil du taux de cancers détectés pour la première mammographie dans leprogramme doit se situer au moins à 5 ‰. Ce taux diminue chez les femmessurveillées régulièrement par mammographie pour se situer autour de 3 ‰.

Les cancers de bon pronostic sont les petits cancers, et les cancers n’ayant pasenvahi les ganglions. Ils sont de deux types : les cancers in situ qui sont des cancersencore très localisés sans envahissement des tissus avoisinants et les petits cancersinvasifs (qui ont envahi les tissus avoisinants) de taille inférieure ou égale à 10 mm.L’envahissement ganglionnaire se rapporte aux cancers invasifs.

Le pourcentage de cancers in situ

Le pourcentage de cancers in situ ne comprend que les cancers in situ canalaires.Les cancers in situ lobulaires sont considérés comme des lésions à risque mais noncancéreuses.

La proportion de cancers in situ est de 13,4 % dans le programme français. Dansles recommandations européennes, le taux de cancers in situ doit se situer entre

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10 % et 20 % des cancers détectés par le dépistage. Ce pourcentage de détection estplus élevé chez les femmes jeunes que chez les femmes plus âgées. Il est aussi unindicateur de la qualité de l’image (détection principalement des microcalcifica-tions).

Il est important que le taux de cancers in situ ne soit pas trop élevé, car laconnaissance de l’histoire naturelle des cancers canalaires in situ n’est pas complèteet la progression de ces cancers ainsi que les éléments favorisant cette progressionsont encore méconnus. Ainsi, c’est dans cette catégorie et en particulier parmi lescancers in situ de bas grade que vont se situer les cancers indolents (d’évolutionlente). Ces cancers indolents ne deviendront peut-être pas symptomatiques duvivant de la femme et font partie du surdiagnostic.

Le pourcentage de cancers invasifs ≤ 10 mm

Le taux de cancers invasifs ≤ 10 mm est la proportion de cancers invasifs ≤ 10 mmparmi l’ensemble des cancers invasifs. La mesure de la taille correspond à unemesure histologique et non à une mesure radiologique. Les cancers dépistés doiventcomprendre un taux élevé de cancers de « bon pronostic » (taille histologique infé-rieure ou égale à 10 mm et absence d’envahissement ganglionnaire). Ce tauxtémoigne de la qualité de l’image et des performances du radiologue.

Le taux de cancers invasifs égal ou inférieur à 10 mm doit être de l’ordre de 20 %des cancers invasifs détectés en prévalence et de 25 % des cancers invasifs en inci-dence. Dans le programme français, il est de 35,6 % et de 40,2 % respectivement.

Le pourcentage de cancers sans envahissement ganglionnaire

Le pourcentage de cancers sans envahissement ganglionnaire se calcule sur lescancers invasifs. L’envahissement ganglionnaire témoigne du passage des cellulescancéreuses de la tumeur vers d’autres organes. Ainsi l’absence d’envahissementganglionnaire est un indicateur de bon pronostic.

Les cancers dépistés doivent comprendre un taux élevé de cancers de « bonpronostic ». Dans le programme français, ce taux est de 72 %. Le taux de cancersinvasifs sans envahissement ganglionnaire acceptable est de 70 % des cancers inva-sifs détectés en prévalence et augmente en incidence à 75 %.

Les cancers de l’intervalle

Les cancers de l’intervalle sont des indicateurs d’efficacité du programme. Ils sontdéfinis comme des cancers survenant dans l’intervalle entre une mammographie dedépistage négative et la mammographie de dépistage suivante programmée deuxans après.

Il existe plusieurs types de cancers de l’intervalle :– les vrais cancers de l’intervalle qui n’existaient pas lors de la mammographie

de dépistage et qui sont survenus dans l’intervalle entre la mammographie dedépistage et celle programmée deux ans après ;

152 Le dépistage du cancer du sein

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– les faux négatifs qui sont des cancers qui existaient lors de la mammographiede dépistage et qui n’ont pas été identifiés ;

– les cancers occultes qui sont des cancers non visibles à la mammographie(radio occultes = de 2 à 3 % de cancers).

On parle de signes non spécifiques lorsque qu’il existe quelque signes insuffi-sants pour classer le cliché.

Les cancers de l’intervalle (faux négatifs et cancers occultes) peuvent être évitésalors que les vrais cancers de l’intervalle sont inévitables et correspondent à lasurvenue de nouveaux cancers du sein en relation avec l’histoire naturelle de lamaladie.

Les taux de cancers de l’intervalle sont cités dans les références européennescomme la proportion du taux d’incidence du cancer du sein attendu en absence dedépistage (cf. tableau 1 du chapitre « Les programmes de dépistage du cancer dusein dans les différents pays »).

Dans le programme français, à titre indicatif, la moyenne des taux de cancers del’intervalle pour 1 000 a été calculée sur sept départements présentant soit unregistre, soit un recueil de données ayant une bonne exhaustivité. Il est de 0,5 ‰entre zéro et douze mois, 1 ‰ entre treize et vingt-quatre mois et 0,9 ‰ entre 25 et36 mois.

Un programme de dépistage doit veiller à ce que le taux de cancers de l’inter-valle soit le plus faible possible. Cela est assuré par la formation à la lecture, lecontrôle de qualité de la chaîne de mammographie et la double lecture des clichés,compris dans le programme d’assurance qualité du programme de dépistage. Loca-lement, des sessions régulières de lecture de clichés difficiles doivent aussi être orga-nisées. D’autre part, l’intégration de l’examen clinique concomitant de lamammographie a pour objectif d’identifier les cancers palpables mais radiologi-quement occultes.

Situation du programme de dépistage organisé françaisLes indicateurs détaillés sur la qualité, l’impact et l’efficacité du programme dedépistage organisé permettent d’obtenir une évaluation précise et d’apprécier lesaméliorations du programme. Ils permettent aussi d’évaluer les effets délétères, desuivre les évolutions et de guider les interventions à mener.

Dans le programme français, on observe avec le cahier des charges de 2001 uneaugmentation du taux de dépistages positifs avant bilan (13 % versus 6,2 % en2001). Le taux de mammographies positives actuel peut donc paraître élevé, maisle fait de pouvoir faire un bilan diagnostique immédiat pour les images suspecteset de réaliser la deuxième lecture uniquement sur les clichés normaux réduit gran-dement le nombre de femmes rappelées pour examens complémentaires. Ainsi en2004, seules 1,8 % des femmes dépistées ont été rappelées après la deuxième lecturepour faire des examens complémentaires.

La valeur prédictive positive de l’indication de la biopsie chirurgicale est enaugmentation, c’est-à-dire qu’on relève une diminution des biopsies effectuées

L’évaluation du programme de dépistage du cancer du sein 153

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pour des lésions qui ne sont pas des cancers. Il est à noter que les prélèvementspercutanés cytologiques ou histologiques sont de plus en plus utilisés dans la priseen charge des lésions infracliniques. Par ces techniques, le diagnostic de cancer peutêtre infirmé, ce qui permet d’éviter une intervention chirurgicale inutile. L’aug-mentation observée de la valeur prédictive positive de l’indication de la biopsiechirurgicale pourrait être directement liée à ces nouvelles pratiques (12).

Les indicateurs d’efficacité sont pour la plupart au-dessus des normes euro-péennes, alors que le taux global de participation est en moyenne de 45 % pourl’année 2005, mais varie d’un département à un autre (de 20 % à 60 %). Ces tauxde participation faibles s’expliquent en France par le taux de dépistage individuelexistant de manière concomitante au dépistage organisé, comme le montre lepourcentage élevé de femmes (62 %) ayant effectué une mammographie de dépis-tage dans les trois ans avant leur participation au programme organisé et les résul-tats du baromètre cancer (16). Différentes enquêtes indiquent que les femmesrésidant dans un département avec un programme de dépistage organisé ont uneprobabilité plus élevée que les autres d’effectuer une mammographie (15, 17). Parailleurs, la réduction des tailles tumorales au diagnostic a été observée au cours dutemps dans les départements avec dépistage organisé (18-21). Ces observationsétayent l’hypothèse que la mise en place du dépistage organisé a pu, dans un contexte

154 Le dépistage du cancer du sein

Fig 1 - Chronologie du dépistage organisé.

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de renforcement de la qualité des mammographies, améliorer la pratique dudépistage individuel et les filières de soins pour d’autres femmes du département.

ConclusionLe cahier des charges de 2001 actualisé en 2006 comprend des modalités de dépis-tage harmonisées avec celles du dépistage individuel (examen clinique, clichéssupplémentaires et examens radiologiques complémentaires immédiats) et a pourprincipal objectif de permettre aux femmes ayant l’habitude du dépistage indivi-duel de retrouver dans le programme les mêmes modalités.

Le programme français de dépistage organisé du cancer du sein comprend unprogramme important d’assurance qualité qui permet de réduire les effets délétèresdu dépistage. Il intègre l’évaluation dont le référentiel est établi au niveau européen.Cette évaluation permet de calculer les indicateurs et de suivre régulièrement leurévolution. Il est essentiel de rappeler l’importance de la surveillance de ces indica-teurs précoces, car ils permettent, tant au niveau local qu’au niveau national, devérifier qu’à tout moment le programme propose aux femmes un niveau de qualitémaximal.

Références1. Europe Against Cancer (1992, 1996, 2001, 2006) European. Guidelines for

Quality Assurance in Mammography Screening. European Commission

2. Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (1997) Évaluation duprogramme national de dépistage systématique du cancer du sein. Paris : ANAES

3. Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (1999) Le dépistagedu cancer du sein par mammographie dans la population générale. Étude d’éva-luation technologique. Paris : ANAES

4. Gotzsche PC, Olsen O (2000) Is screening for breast cancer with mammographyjustifiable? Lancet 355: 129-34

5. Gotzsche PC (2001) Cochrane review on screening for breast cancer with mam-mography. Lancet: 358 -1340

6. Centre International de Recherche sur le Cancer (2002) Communiqué de pressen°139, 18 mars (http://www.iarc.fr/FR/Press_Releases/archives/pr139f.html)

7. Humphrey LL, Helfand M, Chan BK, Woolf SH (2002) Breast cancer screening:a summary of the evidence for the U.S. Preventive Services Task Force. AnnIntern Med.; 137 (51): 347-60(http://www.annals.org/cgi/reprint/137/5_Part_1/347.pdf)

8. US Preventive Services Task Force. Screening for breast cancer: (2002)Recommendations and rationale. Ann Intern Med.; 137: 344-6http://www.annals.org/cgi/reprint/137/5_Part_1/344.pdf

L’évaluation du programme de dépistage du cancer du sein 155

Page 151: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

9. Health Council of the Netherlands (2002) The Benefit of Population Screeningfor Breast Cancer with Mammography. The Hague, (http://www.gr.nl/)

10. Rapport Anaes (2002) Dépistage du cancer du sein par mammographie : éva-luation de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen (www.anaes.fr)

11. Cahiers des charges relatifs à l’organisation du dépistage des cancers, aux struc-tures de gestion, aux radiologues, annexés à la convention-type entre les orga-nismes d’assurance maladie et les professionnels de santé. (2001) Bulletin offi-ciel 43 du 22 au 28 octobre 2001

12. Ancelle-Park R, Nicolau J, Paty AC (2006) Dépistage du cancer du sein.Évaluation du suivi épidémiologique, situation au 31 décembre 2003. Institut deVeille Sanitaire

13. Paty AC, Ancelle-Park R, Julien M. Bloch J (2006) Dépistage des cancers.Programme de dépistage du cancer du sein : Résultats 2004. Institut de VeilleSanitaire. (www.invs.sante.fr)

14. Le taux de participation au dépistage du cancer du sein 2003, 2004, 2005 (2006)Communiqué de presse du 10 mai 2006. Institut de veille sanitaire.www.invs.sante.fr

15. Duport N, Ancelle-Park R (2006) Do socio economic factors influence mam-mography use of French women? A cross sectional survey. Eur. J. Cancer Prev.15 : 219-24

16. Duport N, Guilbert P, Gautier A (2006) Le dépistage du cancer du sein.Baromètre cancer 2005. Sous presse Edition Inpes

17. Spyckerelle Y, Kuntz C, Giordanella JP, Ancelle-Park R (2003) Pratiques de lamammographie chez les femmes de 50-69 ans. Comparaisons entre les départe-ments avec et sans dépistage organisé. Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire4 : 22-3

18. Exbrayat C, Garnier A, Colonna M et al. (1999) Analysis and classification ofinterval cancers in a French breast cancer screening programme (départementde l’Isère). Eur.J. Cancer Prev. 8: 225-60

19. Aptel I, Grosclaude P, Duchene Y, Sauvage M et le groupe de travail de l’URCAM(2000) Stades des cancers du sein dans une région sans dépistage systématique :Étude à partir des demandes de mise en Affection Longue Durée dans la régionMidi-Pyrénées (1998-1999). Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire 22 : 91-3

20. Schaffer P, Renaud R, Gairard B, Guldenfels C (1996) Le rôle des registres ducancer dans l’évaluation des campagnes de dépistage. Revue d’Épidémiologie etde Santé Publique 44 : S15-S21

21. Mc Cann J, Wait S, Séradour B, Day N (1997) A comparison of the performan-ce and impact of breast cancer screening programmes in East Anglia, U.K. andBouches du Rhône, France. European Journal of Cancer 33: 429-35

156 Le dépistage du cancer du sein

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IntroductionCes recommandations concernent les indications de la mammographie en dehorsdu dépistage du cancer du sein. Elles ne concernent pas les indications des examenscomplémentaires.

Ces recommandations sont destinées aux radiologues et à tous les médecinssusceptibles de prescrire une mammographie. Elles reposent essentiellement sur unaccord professionnel au sein d’un groupe de travail réuni par l’ANAES en 2002. Lapublication de ce texte a été réalisée avec l’accord du service des recommandationsde l’ANAES.

Cette mise à jour à la faveur de la deuxième édition ne modifie pas l’accordprofessionnel sur les indications de la mammographie. Elle actualise seulement lesrappels sur les indications des examens complémentaires et en particulier de l’IRM,ainsi que les procédures de suivi des femmes à risque génétique.

Modalités de prescription de la mammographie : définitions

La mammographie en situation de dépistageEn dehors du cadre du programme national de dépistage, une mammographie peutêtre prescrite en situation de dépistage :

– chez des femmes asymptomatiques en dehors de la tranche d’âge 50-74 ans ;

Indications de la mammographie endehors du dépistage organisé du cancerdu seinC. Digabel-Chabay1, M.-H. Dilhuydy2, Y. Grumbach3 et B. Séradour4

1. Médecin, radiologue (Nantes).2. Radiologue, praticien des Centres de lutte contre le cancer (Bordeaux).3. Radiologue (Amiens).4. Médecin, radiologue. Membre du comité stratégique du dépistage des cancers. Médecin, coordinateur de l’associationARCADES (Marseille).

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– chez des femmes asymptomatiques pour lesquelles on souhaite un délai entredeux mammographies plus rapproché que celui des deux ans prévu dans leprogramme, en raison de facteurs de risque particulier.

Il s’agit alors d’une mammographie identique à l’examen réalisé dans le cadredu programme national de dépistage, mais pour laquelle la double lecture n’est pasprévue de façon systématique, dont le rythme n’est pas prédéfini et dont les résul-tats ne sont pas nécessairement évalués. Elle doit répondre aux mêmes critères dequalité et de formation des intervenants que la mammographie réalisée dans lecadre du programme.

La comparaison avec les mammographies antérieures doit être réalisée à chaquefois qu’elle est possible.

La mammographie en situation de diagnosticElle peut être réalisée :

– devant un symptôme clinique ou devant des situations cliniques particu-lières ;

– dans le cadre de la prise en charge pendant et après le traitement d’un cancerdu sein ;

– pour surveiller une image probablement bénigne classée ACR 3, seulementpendant le temps prédéfini pour cette surveillance ;

– pour faire le diagnostic d’une image anormale révélée par une mammogra-phie de dépistage.

Il peut s’agir d’une mammographie standard identique à celle réalisée en situa-tion de dépistage. Il s’agit plus souvent d’une mammographie ciblée, orientée parun symptôme ou une image anormale, dont le protocole (nombre et type d’inci-dences) est adapté au cas par cas. Elle est souvent complétée par d’autres examens(échographie, prélèvements percutanés).

Elle doit bénéficier des mêmes conditions de qualité et de formation des inter-venants que celles définies par le programme national de dépistage. La comparai-son avec les mammographies précédentes doit être réalisée à chaque fois qu’elle estpossible.

Nous préciserons les indications de la mammographie définie dans les para-graphes II.1 et II.2, en dehors de la mammographie de diagnostic réalisée en avaldu dépistage lorsqu’une image anormale a été détectée, qui est définie dans leschapitres précédents.

Nous envisagerons successivement :En situation de diagnostic :– les indications de la mammographie chez les femmes ayant un symptôme

mammaire isolé ;– les indications de la mammographie devant des circonstances cliniques parti-

culières ;– les indications de la mammographie chez les femmes déjà prises en charge

pour un cancer du sein ;– la surveillance d’une image radiologique anormale.

158 Le dépistage du cancer du sein

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En situation de dépistage :– les indications de la mammographie entre 40 et 49 ans et après 75 ans ;– les indications de la mammographie chez les femmes à haut risque de cancer

du sein.

Indications de la mammographie chez les femmes ayant unsymptôme mammaire isolé

Les mastodyniesLes mastodynies ne sont pas un symptôme motivant l’exclusion du programme dedépistage. Une consultation pour mastodynies dans la tranche d’âge du dépistageest une occasion pour inciter la femme à entrer dans le dépistage.

Un examen clinique et un interrogatoire soigneux précisent le type de douleur,sa rythmicité, sa localisation ainsi que d’éventuels signes associés ou facteurs derisque de cancer du sein.

En cas de mastodynies sans aucun autre symptôme, une mammographie estindiquée devant une douleur non rythmée par les cycles, unilatérale, localisée etpersistante survenant chez une femme en dehors des tranches d’âge du dépistage.

Nodule palpableUn nodule mammaire palpable doit toujours être exploré par des examens à viséediagnostique. Cependant, un nodule antérieurement identifié, stable et dont lecaractère bénin est connu ne doit pas faire modifier le rythme du dépistage.

Chez une femme de moins de 30 ans ou enceinte ou allaitant

La mammographie apporte peu d’informations du fait de la densité des seins. Uneéchographie mammaire est recommandée en première intention, complétée sibesoin par un prélèvement percutané. Une mammographie, en particulier à larecherche de microcalcifications, peut être réalisée en complément, si les autresexamens ne sont pas concluants. Elle consiste souvent en une ou deux incidencesunilatérales.

Chez une femme de plus de 30 ans

La conduite diagnostique associe :– l’examen clinique ;– la mammographie avec les incidences complémentaires éventuellement néces-

saires, très fréquemment complétée d’une échographie ;

Indications de la mammographie… 159

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– le prélèvement percutané si la stratégie diagnostique ou thérapeutique lejustifie.

Écoulement par le mamelonUne mammographie est recommandée devant un écoulement mamelonnaireunipore, spontané, unilatéral, récidivant ou persistant, séreux ou sanglant. Pour unemeilleure localisation de la lésion, elle peut être complétée par une galactographie,si elle est souhaitée par le chirurgien avant pyramidectomie.

Anomalie cutanée du mamelon ou de l’aréole

Maladie de Paget

Une lésion eczématiforme unilatérale peut révéler une maladie de Paget du sein.Une mammographie doit être réalisée, souvent complétée d’une échographie. Lanégativité de ces examens n’exclut pas le diagnostic de maladie de Paget ; en l’ab-sence de cible clinique, mammographique ou échographique permettant d’orien-ter des prélèvements percutanés, un prélèvement cutané mamelonnaire est indiqué.Dans les maladies de Paget sans signe clinique ni radiologique, une IRM doit êtrepratiquée afin de discuter d’une indication thérapeutique conservatrice.

Rétraction du mamelon

Une rétraction d’apparition récente est une indication de mammographie.

Anomalies cutanées en dehors du mamelon et de l’aréole

Signes inflammatoires

En présence de signes inflammatoires, la conduite diagnostique associe :– l’examen clinique avec une échographie complémentaire ;– une mammographie, éventuellement différée après un traitement symptoma-

tique ;– au besoin, un prélèvement percutané, voire un prélèvement bactériologique.

Autres anomalies cutanées

Une fossette, un signe du capiton spontané ou provoqué, une modification du galbedu sein sont des indications à une mammographie souvent complétée d’incidencescomplémentaires (incidences tangentielles) et d’une échographie.

160 Le dépistage du cancer du sein

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Adénopathie axillaire unilatérale sans cause évidenteDevant une adénopathie axillaire que ses caractères cliniques (taille, consistance,mobilité, caractère indolore) rendent suspecte d’être métastatique, une mammo-graphie est recommandée, souvent complétée d’une échographie. En l’absenced’anomalie, une IRM est indiquée.

Métastase(s) révélatrice(s)Une mammographie est réalisée à la recherche d’une lésion primitive mammaire.

Les indications de la mammographie devant des circonstancescliniques particulières

Le traitement hormonal substitutifUne mammographie est recommandée avant le démarrage d’un traitement hormo-nal substitutif (THS).

Si le calendrier du programme le permet, il est recommandé de réaliser cettemammographie dans le cadre du programme, pour bénéficier de la double lecturesystématique des cas négatifs et du suivi des résultats.

La surveillance sous THS ne diffère pas de celle de la population générale, soitune mammographie tous les deux ans, dans le cadre du programme national dedépistage.

Toutefois, lorsque les seins sont difficiles à examiner ou s’il y a des mastodyniessous traitement, certains proposent (option) de faire une mammographie un anaprès le début du traitement avant de reprendre le rythme biennal.

Contrôle postopératoire en cas de lésions histologiquement bénignesIl n’y a pas lieu d’effectuer une mammographie de contrôle postopératoire aprèschirurgie mammaire pour lésion histologiquement bénigne, sauf en cas d’exérèsede microcalcifications lorsque l’on a un doute sur le caractère exhaustif de l’exérèse,ou en cas de microcalcifications étendues pour apprécier les microcalcificationsrésiduelles, ou encore en cas de discordance anatomoradiologique.

Devant une complication postopératoire précoce, l’échographie mammaire estindiquée en première intention. Ce n’est que dans les complications postopératoirestardives (cytostéatonécrose) pouvant poser des problèmes de diagnostic différentielavec une lésion mammaire tumorale qu’une mammographie sera indiquée (cf. indi-cations de la mammographie chez une patiente symptomatique). Si l’imagerie stan-dard ne peut conclure, une IRM est indiquée : l’évolution technique, la possibilité

Indications de la mammographie… 161

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de faire des séquences précoces et tardives en coupes jointives fines de haute défi-nition avec suppression de graisse, les progrès de l’interprétation morphologiquepermettent de faire la différence entre cytostéatonécrose et poursuite évolutive ourechute.

Indications de mammographie chez les femmes porteuses de prothèsesmammaires dans le cadre d’une mammoplastie d’augmentationLes femmes porteuses de prothèses mammaires dans ce cadre strict de chirurgieplastique peuvent participer aux campagnes de dépistage organisé sous certainesconditions techniques, qui seront au mieux respectées dans le cadre du programmedu fait de la formation des manipulateurs, du contrôle de qualité et de la doublelecture : il faut que la manœuvre d’EKLUND (rétropulsion de la prothèse) soitpossible et permette d’exposer la totalité de la glande mammaire de face et enoblique externe. Si cette manœuvre est rendue difficile (rétropulsion incomplète ouimpossible) en raison du volume relatif entre le sein et la prothèse ou en raisond’une coque périprothétique, des clichés complémentaires doivent être réalisés, enparticulier un profil. Une échographie complémentaire est souvent indiquée dansces cas. Ceux-ci ne sortent pas du cadre du programme de dépistage, qui prévoitque des incidences complémentaires ou une échographie puissent être réalisées sibesoin.

Le rythme recommandé de réalisation de la mammographie est celui de lapopulation générale en l’absence de facteur de risque, le port d’implantsmammaires ne favorisant pas la survenue d’un cancer du sein.

Ce n’est qu’en présence d’un symptôme anormal dans un sein porteur deprothèse (cf. indications de la mammographie devant un symptôme mammaire),ou devant des signes évocateurs d’une complication prothétique (rupture intra- ouextracapsulaire, hernie…) qu’une mammographie en dehors du programme, asso-ciée à une échographie et souvent à une IRM, est indiquée.

Indications de la mammographie chez les femmes déjà prisesen charge pour un cancer du seinLes femmes atteintes de cancer du sein de type infiltrant ou canalaire in situ doiventbénéficier d’une surveillance clinique et radiologique régulière dès la fin de leurtraitement, afin de diagnostiquer précocement une récidive locale ou un cancercontrolatéral.

162 Le dépistage du cancer du sein

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Rythme de la surveillance radiologiqueUne première mammographie est recommandée au plus tôt six mois après la fin dutraitement complet (chirurgie et/ou radiothérapie et/ou chimiothérapie) afin dedisposer d’une image post-thérapeutique de référence. Puis, une mammographie,bilatérale en cas de traitement conservateur, est recommandée une fois par an sanslimitation de durée. En cas de mastectomie, la mammographie du sein controlaté-ral doit également être pratiquée annuellement.

Cette surveillance doit être poursuivie même au-delà de dix ans après le traite-ment initial.

Exigences particulières concernant la mammographieLa mammographie doit répondre à toutes les exigences de qualité définies par lecahier des charges du programme national. La comparaison avec les clichés anté-rieurs, en particulier les clichés post-thérapeutiques, est indispensable.

Des incidences complémentaires (profil, clichés tangentiels à la cicatrice)peuvent être nécessaires, ainsi qu’une échographie.

L’IRM n’est pas systématique. Elle est indiquée pour faire la part entre fibrosecicatricielle et récidive lorsque l’imagerie standard ne peut conclure et ne peutpréciser de cible fiable pour orienter des prélèvements percutanés.

Bien que cela ne soit pas prévu en dehors du programme de dépistage, il seraitsouhaitable qu’une deuxième lecture des cas négatifs soit organisée chez ces femmesà plus haut risque d’avoir une rechute dans le sein traité ou une localisation contro-latérale.

Cas particuliers– Une mammographie peut être réalisée plus précocement après l’intervention

(un mois) en cas de doute sur l’exérèse complète de microcalcifications. Ils’agit alors de clichés unilatéraux, éventuellement complétés par des agran-dissements. Cette mammographie postopératoire est systématique aprèsexérèse chirurgicale de microcalcifications quand l’histologie est maligne.

– Lorsque le traitement n’est pas chirurgical d’emblée, et que les critères tumo-raux font poser l’indication d’une chimiothérapie ou d’une hormonothérapiede première intention (SOR 2001), une mammographie est prescrite en coursde traitement (en général à mi-course) pour contrôler l’efficacité thérapeu-tique, puis en fin de traitement pour adapter le traitement locorégional à laréponse thérapeutique. Il s’agit d’une mammographie unilatérale qui doittoujours être comparative avec l’examen précédent. Cette mammographie estsouvent complétée d’une échographie ciblée, qui permet de mieux mesurer levolume tumoral. Le suivi de la régression et/ou de la fragmentation tumoralesous traitement médical d’induction est une excellente indication de l’IRM, en

Indications de la mammographie… 163

Page 159: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

plus de l’imagerie standard : elle apporte une dimension fonctionnelle et non paspurement morphologique de l’efficacité du traitement.

Surveillance d’une image radiologique anormaleDevant une anomalie mammographique vue dans le cadre du programme dedépistage ou en dehors et classée ACR 3 (probablement bénigne) dans la classifica-tion BI-RADS après qu’un bilan de diagnostic ait été réalisé, une surveillance spéci-fique peut être proposée si la certitude de bénignité n’est pas obtenue lors del’examen initial par les incidences complémentaires, l’échographie et la cytoponc-tion.

La surveillance consiste en un premier contrôle par mammographie unilatéraleavec éventuellement une échographie six mois après la découverte de l’anomalie,puis 6 mois plus tard, soit un an après la découverte de l’anomalie, puis un an plustard, soit deux ans après la découverte de l’anomalie.

La mammographie faite à 6 mois et un an comporte en général deux incidencesorthogonales centrées sur l’anomalie, s’il s’agit de microcalcifications un agrandis-sement est souvent pratiqué.

Cette mammographie doit être impérativement comparée aux documentsprécédents.

Celle qui est pratiquée au terme de la surveillance deux ans après la découvertede l’anomalie est complète et bilatérale et il est recommandé de la faire pratiquerdans le cadre du programme.

Au terme de ce protocole de surveillance, il est possible de reprendre le rythmed’une mammographie tous les deux ans en situation de dépistage, si l’image n’a passubi de modification péjorative.

Indications de la mammographie entre 40 et 49 ans et après 75 ans

Indications de la mammographie entre 40 et 49 ansLe dépistage systématique du cancer du sein n’est pas actuellement organisé enFrance entre 40 et 49 ans. Dans cette tranche d’âge, le bénéfice du dépistage entermes de mortalité est faible et apparaît au moins après dix ans de suivi mammo-graphique régulier et réalisé dans des conditions optimales. Les risques d’un teldépistage ne sont pas nuls, en particulier le risque de faux positifs qui vont générerdes examens complémentaires et une angoisse inutiles. Il est indispensable enFrance de faire d’abord la preuve de la qualité et de l’efficacité du dépistage chez lesfemmes de plus de 50 ans avant de l’étendre à la tranche d’âge 40-49 ans (ANAES,

164 Le dépistage du cancer du sein

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mars 1999 : le dépistage du cancer du sein par mammographie dans la populationgénérale).

Dans cette tranche d’âge, une mammographie est indiquée dans toutes les situa-tions cliniques retenues par les présentes recommandations, ainsi qu’en présence defacteurs de risque. Des difficultés d’analyse ou des facteurs de risque particulierspeuvent faire resserrer le délai entre deux mammographies.

En l’absence de tout signe clinique qui justifierait des investigations spécifiques,il est recommandé de prescrire une mammographie tous les deux ans chez unefemme désireuse de bénéficier d’un dépistage individuel et informée des bénéficespotentiels et des possibles effets délétères de ce dépistage.

Indications de la mammographie après 75 ansEn l’absence de tout signe clinique qui justifierait des investigations spécifiques, ilest recommandé de poursuivre la surveillance régulière par une mammographietous les deux ans, en fonction toutefois des conditions de vie et de la comorbidité.

Indications de la mammographie chez les femmes à haut risquede cancer du seinSont considérées comme à haut risque de cancer du sein et doivent faire l’objetd’une surveillance particulière les femmes ayant :

– une prédisposition familiale ;– des antécédents personnels d’hyperplasie épithéliale atypique ou de néoplasie

lobulaire in situ ;– des antécédents d’irradiation thoracique thérapeutique avant l’âge de 30 ans.La dystrophie fibrokystique sans caractère suspect au terme du bilan sénolo-

gique (mammographie, échographie, voire cytoponction) ne représente pas unfacteur de risque connu de cancer du sein et ne nécessite donc pas de modalitéparticulière de surveillance.

Femmes ayant des antécédents familiaux de cancer du sein ou de l’ovaireSi une attitude chirurgicale prophylactique n’est pas choisie, une surveillance radio-logique spécifique est recommandée pour les femmes ayant une mutation géné-tique prédisposant au cancer du sein ou de l’ovaire, ou très fortement suspectes del’avoir (probabilité supérieure à 25 %). [Expertise collective INSERM/FNLCC1998 ; Eisinger F. et al. Identification et prise en charge des prédispositions hérédi-taires aux cancers du sein et de l’ovaire (mise à jour 2004). Bull Cancer 2004 : 91(31) : 219-37.]

Indications de la mammographie… 165

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L’efficacité de cette surveillance sur la mortalité par cancer n’est cependant pasdémontrée.

Le risque d’avoir une mutation génétique est fonction du nombre des antécé-dents familiaux et de leur position dans l’arbre généalogique. Il faut prendre encompte les apparentés du premier, du deuxième ou du troisième degré :

– apparentés du premier degré : père ou mère, frère ou sœur, fils ou fille ;– apparentés du deuxième degré : grand-père ou grand-mère, oncle ou tante,

neveu ou nièce ;– apparentés du troisième degré : un des arrière-grands-parents, grand-oncle ou

grande-tante, cousins germains.La décision de proposer une surveillance particulière en raison d’un haut risque

génétique et/ou une intervention thérapeutique prophylactique doit être prise aprèsune ou plusieurs consultations pluridisciplinaires d’oncogénétique confirmant lerisque, délivrant toutes les informations nécessaires et comportant un entretienpsychologique.

Femmes à très haut risque (femmes ayant une probabilité supérieure à 25 % deposséder la mutation génétique BRCA1 ou BRCA2)

Femmes concernées– femmes porteuses d’une mutation constitutionnelle délétère BRCA1 ou

BRCA2 ou d’une autre mutation prédisposant au cancer du sein (TP 53,pTEN, ataxie télangiectasie) ;

– femmes ayant au moins trois cas de cancer du sein ou de l’ovaire chez desapparentés du premier ou du deuxième degré de la même branche parentale ;

– femmes ayant deux cas chez des apparentés du premier degré (ou degré 2 sitransmission paternelle), dont l’un a été diagnostiqué avant 40 ans ou étaitbilatéral ou est survenu chez un homme ;

– femmes ayant, chez des apparentés du premier degré, deux cas de cancer del’ovaire ou des trompes, ou un cas de cancer du sein et un de l’ovaire ou destrompes, ou un cancer du sein avant 30 ans ou un cancer médullaire du sein.

Date de début de la surveillanceL’examen clinique semestriel et l’échographie annuelle sont recommandés à

partir de 20 ans.Il est recommandé que la surveillance mammographique démarre à 30 ans ou

cinq ans avant l’âge de survenue du cancer familial le plus précoce.

Rythme de la surveillanceL’examen clinique semestriel est recommandé. Une surveillance par l’imagerie

annuelle est recommandée, bien que la radiosensibilité et le risque de cancer radio-induit ne soient pas actuellement connus chez ces patientes.

166 Le dépistage du cancer du sein

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Examens réalisésUne mammographie est recommandée. Elle doit bénéficier de toutes les condi-

tions de qualité et de formation des intervenants définies dans le cadre du dépis-tage, une double lecture est recommandée, la comparaison avec lesmammographies précédentes doit être réalisée à chaque fois qu’elle est possible.

Une échographie mammaire est systématiquement pratiquée. Elle doit êtreréalisée avec un équipement performant et par un radiologue spécialisé en écho-graphie mammaire.

Une IRM annuelle est recommandée, qui doit être réalisée par des radiologuesspécialisés en IRM mammaire dans le cadre de protocoles de suivi évalués. Dansd’excellentes conditions techniques, et à condition de savoir limiter les faux positifs(la spécificité doit être maintenue à 90-95 %), cette technique multiplie par unfacteur 2 ou 3 la sensibilité de l’imagerie. Elle ne remplace pas l’imagerie standardmais doit lui être associée, car si 50 % des cancers ne sont vus que par l’IRM, 8 %ne sont vus que par la mammographie. L’association des techniques diminue consi-dérablement le taux de cancers de l’intervalle dans cette population et confère unesensibilité de 95 % [ Warner et al., JAMA, 2004 – Kriege et al., NEJM 2004].

Femmes à risque (femmes ayant une probabilité inférieure à 25 % d’être porteusesde la mutation génétique BRCA1 ou BRCA2, mais ayant un risque de survenue decancer du sein supérieur à celui de la population générale)

Femmes concernées– femmes ayant un cas chez un apparenté du premier degré de cancer du sein

avant 40 ans ;– femmes ayant deux cas chez des apparentés du premier ou du deuxième degré

de cancer du sein survenu avant 60 ans ou de l’ovaire quel que soit l’âge desurvenue ;

– femmes ayant un cas chez un apparenté du premier degré de cancer du seinbilatéral ou survenu chez un homme ou un cancer médullaire.

Date de début de la surveillanceIl est recommandé que la surveillance démarre à 35 ans.

Rythme de la surveillanceUne surveillance annuelle est recommandée de 35 à 49 ans. À partir de 50 ans,

il n’y a pas de données ni de consensus permettant de définir le rythme optimal,une option empirique étant de choisir un rythme annuel ou biennal en fonctiondes difficultés d’analyse.

Examens réalisésIl s’agit d’une mammographie standard à deux incidences accompagnée d’un

examen clinique. Ces femmes à plus haut risque doivent bénéficier de toutes lesconditions de qualité définies par le programme et de la double lecture ; il est donc

Indications de la mammographie… 167

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logique à partir de 50 ans de la réaliser dans le cadre du programme, une fois surdeux si on a opté pour un rythme annuel.

En fonction de la densité et des difficultés d’analyse, une échographie peut êtreréalisée. La place de l’IRM n’est pas parfaitement précisée dans cette population. Sielle est pratiquée, elle doit l’être dans les mêmes conditions de qualité que dans lescas précédents, et dans le cadre de protocoles de suivi évalués. Les premiers résul-tats laissent à penser que c’est l’examen de choix à réaliser chez des femmes mutées.

Femmes à risque modéré

Le risque est considéré comme modéré dans tous les autres cas :– antécédents familiaux moins nombreux, plus éloignés ;– antécédent familial survenu après la ménopause chez une apparentée du

premier degré.Il n’y a pas lieu de mettre en place une surveillance particulière : ces femmes

peuvent être incluses dans le dépistage organisé du cancer du sein, avec unemammographie tous les deux ans à partir de l’âge de 50 ans. Elles bénéficierontainsi des conditions de qualité requises.

Certains recommandent (option) une mammographie annuelle lorsque lesconditions d’analyse sont difficiles. Elle peut être réalisée une fois sur deux dans lecadre du programme.

Les indications de la mammographie de 40 à 49 ans rejoignent celles de la popu-lation générale (cf. paragraphe sur les indications de la mammographie dans cettetranche d’âge). Toutefois ces patientes qui ont des antécédents familiaux sontsouvent plus motivées pour demander un suivi mammographique dès l’âge de40 ans. Elles doivent être informées des avantages potentiels et des possibles effetsdélétères.

Femmes ayant des antécédents d’hyperplasie épithéliale atypique ou denéoplasie lobulaire in situDans les suites d’une intervention où une hyperplasie épithéliale atypique ou unenéoplasie lobulaire in situ est découverte, il est recommandé d’effectuer unemammographie unilatérale du sein opéré au plus tôt six mois après la chirurgie.Puis, une mammographie bilatérale annuelle est recommandée pendant au moinsdix ans.

Chez ces femmes à plus haut risque, la mammographie doit bénéficier desconditions de qualité définies dans le programme de dépistage, une double lectureest recommandée. La mammographie peut être réalisée une fois sur deux dans lecadre du programme.

168 Le dépistage du cancer du sein

Page 164: Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique ||

Femmes ayant des antécédents d’irradiation thoraciqueLes femmes traitées par irradiation thoracique, le plus souvent pour une maladiede Hodgkin, ont un risque accru de cancer du sein, surtout si l’irradiation a eu lieuavant l’âge de 30 ans. Le cancer peut survenir plus de quinze ans après l’irradiation.

Une surveillance annuelle est recommandée dix ans après la fin de l’irradiation :– avant l’âge de 30 ans, une échographie systématique est recommandée après

examen clinique, complétée au besoin d’une ou plusieurs incidences mammo-grahiques essentiellement à la recherche de microcalcifications ;

– après l’âge de 30 ans : une mammographie standard avec examen clinique, etéchographie si besoin,

L’apport de l’IRM ne peut être précisé dans cette population qui représente unéchantillon restreint. Il est possible d’extrapoler les indications de cet examen desrésultats chez les personnes à risque génétique, d’autant qu’il s’agit d’une méthodenon irradiante. Si elle est pratiquée, elle doit l’être dans les mêmes conditions dequalité que dans les cas précédents, et dans le cadre de protocoles de suivi évalués.

Indications de la mammographie… 169

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« Le savoir de l’un ne dit rien sur la vérité des autres ; cependant, tous les acteurs seretrouvent sur une même scène et chacun joue sa partition intime, tout en restant reliéà celle des autres ». 2

Communiquer renvoie à des concepts différents. Communicatio correspond à « l’ac-tion de faire part » et donc de transmettre un message, une information. Cepen-dant, les femmes ne vivent pas seulement d’informations : il leur faut aussi dessignifications. Les perceptions et les représentations profanes ne correspondent pastoujours à la logique biomédicale. Communicare évoque l’idée de « mise encommun », c’est-à-dire de partage dans la relation à l’autre, d’acceptation de l’alté-rité, de compréhension de l’autre et du semblable, dans ce colloque singulier. Lafemme n’est ni une malade ni une patiente mais une invitée de la campagne dedépistage. Les médecins ont de ce fait un « rôle de passeur », « d’initiation » à cesconcepts de santé, de prévention, de dépistage et de maladie. Les informationsdoivent être accessibles à la pensée populaire en tenant compte du contexte socio-biographique. Il nous faut communiquer par un langage ajusté – trouver les bonsmots –, établir cette mise en tension entre la logique vernaculaire et les conceptsbiomédicaux parfois en inadéquation. Ce don d’information se situe dans unespace singulier, à un niveau individuel mais aussi socioculturel. Certaines femmesne souhaiteront pas avoir beaucoup d’informations, le « trop informer » peutaugmenter leur angoisse. A contrario, certaines femmes souhaiteront avoir le plusd’informations possible et le « pas assez informer » les rendra anxieuses.

C’est au praticien, grâce à son expérience et à sa formation, de mettre enadéquation son don d’informations et le souhait de la femme qui n’est pas toujoursverbalisé (24).

La communication vers les femmes et leur informationB. Barreau1

1. Médecin, radiologue (Anglet).2. Marie Santiago-Delefosse (2002) Intervention qualitative et complexité du drame humain. Psychologie de la santé,Mardaga, p. 183.

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De l’invitation à la compréhension d’une campagne de dépistageLe dépistage et la prévention ont des représentations complexes dans la pensée popu-laire. Par leurs assignations biologiques et sociales (gender), les femmes pratiquentdes formes de prévention selon leurs représentations. L’« acculturation3 » de lapopulation, réalisée essentiellement par l’information médiatique sur le dépistageet le cancer du sein permet une prégnance de l’observance. Les femmes encomprennent la nécessité et le sens. Nonobstant, elles ont généralement recours àdes comportements de « préventions plurielles » : « Je vais voir mon médecin pourdes problèmes de corps physique… Lourdes, j’y vais régulièrement pour me mainteniren bonne santé, il faut remuer ciel et terre… » Et pour Faizang, consulter une insti-tution divinatoire est considéré comme un acte de prévention (17).

La participation dépend des représentations de la santé, de la préventionprimaire et secondaire (dépistage) et de la maladie. Ce sont des préparations à l’ac-tion. Elles sont modulées par des facteurs déclenchants et des barrières (3). Dansles croyances populaires, le bénéfice perçu du dépistage est souvent supérieur auxinconvénients. Nous devons donc donner des informations justes, loyales etprécises afin que les femmes aient une compréhension objective du dépistage descancers du sein. Il permet de diminuer la mortalité dans une cohorte de femmes ;c’est un acte collectif de santé publique puisque 70 % des femmes au moins doiventparticiper pour que le dépistage soit efficace (13). Ce langage est bien perçu par lapopulation puisque les femmes ont le sens du « don de soi » dans cette classe d’âge.La plaquette de la Ligue contre le cancer est très explicite quant à l’informationdonnée : « À l’heure actuelle, on ne peut pas empêcher la survenue d’un cancer du sein.En revanche, on peut le détecter lorsqu’il est de très petite taille grâce à des examensréalisés dans le cadre d’un suivi régulier et accroître les chances de guérison, tout enbénéficiant de traitements moins lourds (moins de chirurgie mutilante, moins dechimiothérapie.) » (23). S’il est efficient d’être incitatif, il ne faut pas être trop diri-giste dans son langage et penser aux femmes qui n’ont pas ou qui ne veulent pasparticiper aux campagnes de dépistage. Elles pourraient avoir un sentiment deculpabilité si elles sont ultérieurement atteintes d’un cancer du sein. Nous devonségalement savoir expliquer aux femmes qui ne rentrent pas dans la classe d’âge queleur suivi sera personnalisé. Les « plus de 74 ans » pourraient se sentir « délais-sées » d’autant plus qu’elles auront auparavant participé à une campagne de dépis-tage.

Il est nécessaire d’adapter l’information à la demande de la femme, à sa biogra-phie et à son milieu socioculturel. Les informations doivent être données mais cedon est à ajuster en fonction des souhaits. En effet, certaines patientes peuventressentir un fort niveau de stress perçu si elles reçoivent plus d’informations que cequ’elles souhaitent entendre. Il est donc plus approprié de délivrer uniquement les

172 Le dépistage du cancer du sein

3. Le mémorandum du Social Science Research Council (1936) la définit comme « l’ensemble des phénomènes résultantdu contact direct et continu entre des groupes d’individus de l’un ou des deux groupes ».

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éléments nécessaires et suffisants. Un support d’information est pertinent, elles ontla possibilité de consulter cette plaquette et de préparer les questions à poser auxmédecins.

Le don d’information concernant le dépistage du cancer du sein doit être prag-matique. Il y a des faits incontestés : le dépistage permet de faire le diagnostic decancer du sein à un stade plus précoce. La détection de cancers de petites taillesaugmente le nombre de guérisons et diminue la mortalité par cancer du sein.Cependant, elle ne permet pas de guérir tous les cancers. Le dépistage n’est pas uneprévention primaire : il ne prévient pas, il n’évite pas un cancer du sein. La femmeest aussi informée que, malgré la réalisation d’une mammographie, des cancerspeuvent ne pas être vus par les deux radiologues (cela est très exceptionnel). Desinvestigations complémentaires (surveillance rapprochée, IRM, biopsies) pourrontêtre réalisées pour assurer le diagnostic d’une anomalie indéterminée alors quel’image se révèlera bénigne (faux positifs). En France, les recommandations euro-péennes concernant notamment le taux de biopsies sont respectées. Certaineslésions (cancers de petites tailles, états précancéreux) pourraient être « sur-traitées »par rapport au risque réel. La mise en place de réunion de concertation pluri-disciplinaire (RCP) et du dispositif d’annonce permet de pallier cette difficileproblèmatique.

Les femmes peuvent obtenir des renseignements par des associations localeset/ou nationales : comités féminins, Europa Donna, Ligue contre le cancer.

Le médecin traitant (généraliste et/ou gynécologue) a la possibilité d’orienter lesfemmes vers le dépistage organisé. Il est efficient d’expliquer et de faire comprendrel’intérêt et les particularités de cette procédure, car de nombreuses femmes ont déjàeu des mammographies sur prescription individuelle ou un mammotest dans lecadre de « l’ancien dépistage » (dépistage de masse organisé mis en place avant le10 novembre 2001). Actuellement, les modalités entre le dépistage sur prescrip-tion individuelle et le dépistage organisé sont comparables. Cependant, dans ledépistage organisé, la femme bénéficie d’une deuxième lecture des clichés. Lorsde sa venue au cabinet de radiologie, elle rencontre le radiologue. Il examine sesseins, lui fait part des résultats de la mammographie et réalise les examens complé-mentaires si cela est nécessaire. Il y a ainsi une prise en charge personnalisée, cen’est donc pas un dépistage « de masse ». Cette procédure est donc très différentede « l’ancien dépistage » qui comportait une seule incidence tous les trois ans sanspalpation des seins.

De la réalisation de la mammographie à l’attente des résultatsau cabinet de radiologieLa femme choisit le cabinet de radiologie où la mammographie sera réalisée. Lesperceptions de cet examen varient en fonction des équipes. Ce test est considérécomme désagréable ou douloureux pour 20 % des femmes (19), ce pourcentagepeut atteindre 72 % des participantes dans un programme de dépistage organisé

La communication vers les femmes et leur information 173

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sans examen clinique (21). Cette grande variabilité ne s’explique pas uniquementpar des douleurs somatiques perçues. Les facteurs (statistiquement significatifs)influençant la douleur sont : les antécédents de cancer du sein dans la famille, leniveau d’éducation, l’expérience antérieure de mammographie douloureuse,l’anxiété, la sensibilité des seins (les jours précédant la mammographie), la « préve-nance » des manipulateurs. Une étude américaine de dépistage organisé rapporteune « gêne » décrite par les femmes lors de la mammographie, elle est perçue par933 femmes sur 1 800 (52 %) (15). Cette série met en exergue le rôle de la mani-pulatrice et/ou du manipulateur dans la perception de la douleur lors de la réalisa-tion de la mammographie.

Ce geste généralement bien supporté peut être désagréable (28). Au-delà ducliché, la mammographie est une expérience particulière. La femme dévêtue poseson sein sur une plaque de Plexiglas. Le sein est tiré par le manipulateur etcomprimé par un compresseur automatique. L’absence de communication entre lemanipulateur et la femme peut induire des douleurs perçues comme intolérables.Ainsi, une étude montre qu’une approche émotionnelle et informative (soutienpsychologique) permet de diminuer le niveau de douleur perçue par la patiente (8).Cette importance du soutien informatif peut être illustrée par les paroles de cettefemme recueillies lors d’une étude anthropologique sur le dépistage organisé descancers (2). « La première fois, j’ai eu très mal… il a rien dit, m’a pris le sein, l’a tiré,mais l’a tiré, et je me suis retrouvée coincée sous cette machine… La fois d’après, je suisallée ailleurs, les gens sont très gentils, la manipulatrice est très douce, elle m’a bienexpliqué, je n’ai pas eu mal du tout, elle n’a pas serré si vite, ce qui fait que je n’ai paseu mal. »

Le sourire de la manipulatrice et les « explications » pendant l’examen sont undes éléments garant d’un moindre inconfort. Si le sein est à repositionner, cela doitêtre expliqué. Un geste technique donne lieu à des représentations dans l’imagi-naire. « Elle m’a vissée, puis a dévissé, puis a revissé, c’est douloureux… » Le sein n’aété ni vissé ni dévissé mais uniquement replacé par l’intermédiaire d’un compres-seur à commande automatique.

Il est également nécessaire d’informer les femmes de l’irradiation reçue lors dela mammographie de dépistage. Le risque radique est évoqué notamment par lesenseignantes. Ce risque de cancer radio-induit potentiel, probablement surestimé,est négligeable pour une femme participante (29). Les concepts biophysiques d’ir-radiation et leur mesure en mgray ou en msievert sont compris par un nombre trèsrestreint de femmes. Il est ainsi convaincant de préciser l’irradiation naturelle quechaque être humain reçoit et de la comparer à l’irradiation d’une mammographie.Celle-ci correspondrait à l’irradiation naturelle reçue pendant un mois (25). LaSociété française de radiologie (SFR) a édité des fiches d’information patientes (30).L’irradiation de la mammographie est comparée à l’irradiation reçue lors d’untransport aérien : « À titre d’exemple, un cliché simple correspond en moyenne à l’ex-position moyenne naturelle (soleil) subie lors d’un voyage de quatre heures enavion… »

Certaines femmes pensent que le fait de toucher le sein peut induire un cancer :« Le fait de comprimer le sein, est-ce que ça peut pas casser les canaux et provoquer le

174 Le dépistage du cancer du sein

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cancer ? » (3). Dans le savoir populaire, le sein ne peut être touché, pressé sans risqued’être lésé (16). À la lecture de la revue de la littérature scientifique, cette croyanceprofane n’est pas fondée mais doit être prise en compte lors du don d’information.

Des examens complémentaires à la classification finale ACRLors de sa venue au cabinet de radiologie, la femme rencontre le médecin radio-logue. Il examine les seins, analyse la mammographie, réalise si nécessaire desexamens complémentaires et informe la femme des résultats et du diagnostic. Cetteconsultation maintenant personnalisée permet une meilleure compréhension de laprocédure de dépistage.

Si la mammographie est normale (ACR 1), la femme est avertie de ce résultatpar le radiologue. Elle doit également être prévenue qu’une mammographienormale n’exclut pas de manière formelle un cancer du sein et ne la « protège » pascomme certaines représentations populaires le laissent suggérer : « Je n’ai pas decancer, je me fais suivre. »

Dans de très rares cas, un cancer peut être détecté entre deux mammographies(cancer de l’intervalle). Si la femme palpe une masse, il lui est nécessaire de consul-ter son médecin traitant ou son gynécologue.

La structure de gestion est chargée d’avertir la femme de l’existence d’unedeuxième lecture. Le radiologue l’informe également que sa mammographie serarelue par un confrère (deuxième lecteur) afin d’augmenter la sensibilité du test. Lesfemmes l’acceptent facilement, elles apprécient que leurs clichés soient revus parplusieurs médecins. Afin de ne pas perdre confiance dans le premier radiologue,elles sont prévenues que s’il y a une discordance de lecture, elles seront reconvo-quées pour des examens complémentaires.

Lorsque la mammographie est typiquement bénigne (ACR 2), aucun examencomplémentaire, aucune surveillance particulière ne sont proposés. Une informa-tion non adaptée peut induire des propos non appropriés : « Mon médecin m’a faitarrêter le traitement hormonal car j’ai une lésion dans le sein. » Une image typique-ment bénigne n’est pas une lésion. Il n’y a pas à proposer de surveillance particu-lière, il n’y a pas à arrêter un traitement hormonal substitutif, le test est considérécomme « négatif », le risque de cancer du sein n’est pas augmenté.

Ce concept d’« anomalie bénigne » est à expliquer avec précision afin d’évitertoute ambiguïté. La découverte d’une « anomalie » peut être de compréhensiondifficile. D’un point de vue sémantique, nous l’informons que l’anomalie (l’usagede la classification) sur la mammographie est typiquement bénigne. Ce terme signi-fie en biologie une « déviation du type normal » mais dans le langage populaire ilreprésente « ce qui s’écarte de la norme ». L’écart entre le normal et l’anormal estdifficile à « penser », cela peut induire un glissement de l’anomalie vers la patholo-gie, vers le cancer.

À partir du classement ACR 3, la femme « passe » dans la phase diagnostiqueoù le radiologue évalue une probabilité de bénignité ou de malignité. En classant

La communication vers les femmes et leur information 175

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une anomalie, il conceptualise le risque en valeur prédictive positive (VPP) de mali-gnité. Une anomalie est probablement bénigne (ACR 3 : VPP < 2 %), suspecte(ACR 4 : VPP entre 2 et 95 %) ou à haute probabilité de malignité (ACR 5 :VPP > 95 %).

Ce concept de probabilité est difficile à « mettre en mot » dans un langagevernaculaire. Le premier principe est d’expliquer que toutes les anomalies détectéesne sont pas « forcément malignes ».

Avant la classification « diagnostique », le radiologue va pratiquer des examenscomplémentaires afin d’affiner sa classification.

De la nécessité de la réalisation d’examens complémentairesSi une anomalie ne peut être classée avec précision (cela devrait représenter moinsde 10 % des mammographies), le radiologue propose des examens complémen-taires afin de dissocier une image, de localiser ou d’évaluer la VPP d’une anomalie(agrandissement). Chaque cliché « en plus » peut entraîner une augmentation del’anxiété-état puisque dans le dépistage deux incidences sur chaque sein sontnormalement proposées. Ce supplément d’examen est à expliciter avant d’effectuerdes investigations afin de ne pas engendrer une augmentation de l’angoisse de lapatiente.

Une échographie peut compléter le bilan. Avant la réalisation de cet examen, lafemme est prévenue qu’il n’est pas inclus dans le « forfait dépistage ». Elle entre enphase diagnostique (l’anomalie pourra éventuellement être reclassée en bénin). Lesmodalités de prise en charge des échographies sont différentes, elles sont rembour-sées dans les conditions habituelles proposées par la caisse d’assurance maladie etpar les mutuelles : elle n’est pas « gratuite » au sens premier du terme.

La mammographie est classée ACR 3 :il existe une anomalie « probablement bénigne »Ce terme est « bien inquiétant » dans un langage populaire ! Ne pourrait-on pasutiliser le mot « sûrement » ou « très probablement », qui en réalité traduit mieuxcette VPP très faible, ce vocable explique une certitude plutôt qu’une incertitude.D’un point de vue psychologique, cette incertitude induit une augmentation duniveau de stress perçu, car l’absence de « preuve » entraîne une difficulté à faire face,à utiliser une stratégie d’ajustement (coping4). D’un point de vue anthropologique,le glissement normatif de notre culture occidentale vers une « santé parfaite », une« sécurité totale » présente un caractère prescriptif qui induit une inadéquation dueà l’incertitude du diagnostic (gestion du doute).

176 Le dépistage du cancer du sein

4. Coping : les efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants, destinés à gérer les exigences externes et/ouinternes spécifiques perçues comme menaçant ou débordant les ressources d’une personne (22).

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Le médecin propose une surveillance étroite, généralement semestrielle pendantun an, puis annuelle pendant deux ans (1). L’information adaptée sur lasurveillance est nécessaire afin de ne pas « trop inquiéter » (générer du stress perçu),mais doit être suffisante afin d’éviter une non-compliance. Ce message paradoxal(c’est probablement bénin mais une surveillance serrée est proposée) nécessite uneinformation claire et précise. Le pourquoi d’un tel délai de surveillance doit êtreexplicité afin de montrer que ce contrôle est nécessaire d’un point de vue médical,mais que surtout on entend que l’attente durant ce délai peut être difficile à suppor-ter. Le stress perçu pendant cette période va varier de manière sinusoïdale, il seramaximal avant la réalisation de la mammographie, il diminuera ensuite dans letemps au cours des différents contrôles par un phénomène d’habituation à la procé-dure. Dans notre étude sur la surveillance des anomalies « probablement bénignes »les femmes étaient satisfaites de l’information reçue dans 95,5 % des cas : « Lesréponses faites à mes questions m’ont satisfaite et rassurée. Je repars confiante. Merci. »(5). Cependant, si le soutien informatif médical est bien perçu en terme quantita-tif, il reste insuffisant en termes de preuve diagnostique, car les résultats sontdonnés en pourcentage de probabilité : « probablement bénin ». Les femmes onttoujours des difficultés à comprendre un langage où chaque être humain est définien terme mathématique : « Il existe une inadéquation entre la personne humaine etl’unité-objet statistique. » Indubitablement, une femme veut savoir si elle a « uncancer ou non », l’être humain fonctionne selon un mode binaire : « être atteint ounon d’une maladie », « grave ou pas ».

La mammographie est classée ACR 4 - ACR 5 : il existe une anomalie« suspecte ou à haute probabilité de malignité »Dans cette catégorie, la femme commence à « entrer en maladie ». Le terme« suspect » (ACR 4) ou à haute probabilité de malignité (ACR 5) adapté au langagebiomédical est source d’inquiétude de par les représentations du cancer dans l’in-conscient collectif. L’imaginaire populaire évoque ce mal comme pernicieux etutilise souvent le symbole d’un animal perfide comme le crabe (Karkinos), l’écre-visse ou l’araignée. Dans le don d’information, la femme est avertie qu’un diagnos-tic histologique est nécessaire ; il requiert une analyse au microscope des tissusmammaires. Excepté pour les gradients de densité et les distorsions de l’architec-ture, des prélèvements percutanés (micro- et macrobiopsies) peuvent être propo-sés. Le délai entre le diagnostic et la procédure induit une anxiété-état prégnante. Ilest préconisé que la prise en charge soit inférieure à un mois (1). Ces techniques deprélèvement, si nous les expliquons avec précision, sont très bien acceptées par lesfemmes (4). Elles mesurent l’intérêt d’éviter une anesthésie générale et de réaliserainsi cet examen en ambulatoire. Elles considèrent bénéficier de techniques dites« de pointe ». Celles-ci ne sont pas dénuées d’imaginaire : « J’ai eu le pistolet. » « Ilest indispensable de savoir, de comprendre comment on va procéder et par quel miracle,on va atteindre les cellules « douteuses » et comment on va les prélever. » Ces examenssont expliqués avant leur réalisation. Le niveau de stress perçu avant la procédure

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est élevé (augmentation des troubles du sommeil) ; cela est marqué par la peur del’inconnu : « Il faudrait une information plus précise (technique) sur le déroulementdu prélèvement dès que l’on découvre la salle d’examen et son matériel, malgré unaccueil rassurant irréprochable de l’équipe médicale, car l’ignorance engendre la peur. »Le don d’information permet une meilleure adaptabilité à la procédure. Caumo amontré que le fait d’avoir eu une expérience chirurgicale préalable induit uneanxiété-état moindre (10). Cette anxiété-état dépend également du résultat de labiopsie, du niveau d’instruction, de l’âge et de l’existence de femmes atteintes d’uncancer du sein dans la parenté puisque cela représente une expérience sensible (26).Cette information doit être validée ; Handy a montré que 9 % des femmes de sonétude qui croyaient avoir compris la procédure, affirmaient ensuite ne pas avoirréellement assimilé les renseignements donnés (18). Il a également démontré que22 % des femmes n’avaient pas compris la procédure. Les informations à délivrersont : la durée de l’examen, la réalisation d’une anesthésie locale, la non-prised’anti-agrégants plaquettaires, la cicatrisation, l’éventualité d’ecchymoses ou d’hé-matomes, la possibilité de prise d’antalgiques et les usages postprocédures (6). Lesfemmes les plus vulnérables (anxiété-trait5 et anxiété-état élevées, pessimistes,dépressives) sont repérées afin de bénéficier d’une prise en charge adaptée.

Ce n’est pas tant l’examen en lui-même qui inquiète mais le résultat du prélè-vement (92 % des cas) (4). Ces résultats sont parfois difficiles à comprendre. Unrésultat bénin contributif est généralement bien perçu, puisque la femme a unecertitude de bénignité de l’anomalie. Toutefois, elle peut présenter des modifica-tions de « l’estime de soi » et un sentiment de vulnérabilité. En revanche, le conceptbiomédical de bénin non contributif est à expliciter (en fonction de son étiologie),car il est souvent perçu de manière confuse par la pensée populaire : « Je n’ai pascompris que le résultat soit non positif non négatif et que la chirurgie me soit prescrite.Merci de m’expliquer les résultats. »

Si le résultat est malin, elles vont entrer en maladie : « C’est le passage entre “deuxmondes”, celui de la santé et celui de la maladie. » (12).

Il se fait dans le cadre du dispositif d’annonce et le diagnostic de cancer ne peut-être annoncé que lorsque l’on dispose de la preuve histologique (ACR 6).

Le contrôle histologique : la malignité est prouvée (ACR 6) La femme, en pleine santé, vit l’expérience de la maladie et du cancer. Dans ce cadre,nous devenons des « passeurs ». Nous aurons à les conduire de l’autre côté, celui del’initiation à la maladie, de la violence thérapeutique, de la douleur du corps, de lasouffrance de l’âme, de la rupture sociale et du rapport à la finitude de la conditionhumaine.

Le plan Cancer (mesure 40) définit la consultation d’annonce comme étantréalisée par un médecin acteur du traitement (oncologue, chirurgien, spécialiste

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5. L’anxiété-trait se réfère aux différences interindividuelles stables dans la propension à l’anxiété alors que l’anxiété-étatest temporaire et se manifeste par des réactions émotionnelles à une situation spécifique comme les sentiments de tension,d’appréhension, de nervosité et d’inquiétude (31).

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d’organes) exerçant dans un établissement de soins et impliqué dans la mise enœuvre du projet thérapeutique (20). Nonobstant les médecins généralistes, lesradiologues ou les spécialistes d’organes, exerçant en ville, sont aussi amenés àannoncer un diagnostic de cancer à une patiente (annonce du résultat histologiquesuite à un geste interventionnel). Le rôle du médecin communiquant ce diagnosticest, dès lors, d’orienter rapidement la patiente vers un établissement où elle pourrabénéficier du dispositif d’annonce. Cette consultation a pour objectif de l’informerde sa pathologie sans que l’attente soit trop longue, de permettre un dialogueautour de cette annonce, de préparer le relais avec le dispositif d’annonce et de l’in-former que son dossier sera soumis à une concertation d’expertise multidiscipli-naire (RCP). C’est lors de la deuxième consultation, réalisée par un praticien acteurdu traitement oncologique et dans le cadre du dispositif d’annonce, que la propo-sition d’une stratégie thérapeutique et d’un programme personnalisé de soins(PPS) sera abordée.

Le médecin doit donner l’information sur la maladie de manière individualisée,dans des conditions d’intimité, et disposer de temps suffisant afin d’expliquer,d’écouter (une femme a besoin d’au moins une minute de réflexion pour formulerune demande) et de s’assurer qu’elle a compris le corpus de données. Les informa-tions doivent être honnêtes et adaptées. Il est nécessaire de permettre aux femmesd’exprimer leurs émotions. Souvent la patiente demande des informations sur lapathologie cancéreuse, les traitements, le pronostic. Elle recherche le sens de lamaladie, car « le cancer devient un mythe individuel pour pallier l’absence de sensd’un monde que la souffrance a détruit. » (12). Il est nécessaire de répondre aux ques-tions de manière adaptée, de savoir donner suffisamment d’informations mais pastrop. La femme, en situation, est temporairement « sidérée » par le diagnostic. Lemédecin traitant prévoit une nouvelle entrevue afin de discuter des options théra-peutiques et peut l’orienter vers un centre spécialisé. L’ensemble des données médi-cales explicitées se doivent d’être concordantes entre le radiologue, le médecintraitant, le gynécologue, le chirurgien, le radiothérapeute et l’oncologue médical.Des messages différents peuvent induire une perte de confiance. La possibilité d’ob-tenir un soutien de services spécialisés (associations, psychologues, psychiatres,services sociaux, etc.) est proposée dans le cadre des soins de support défini par ledispositif d’annonce.

De la relecture des clichés normaux aux résultats du centre de gestionEn dépistage organisé, dans les conditions les plus fréquentes, la femme déjà infor-mée par le radiologue que sa mammographie est normale ou bénigne est en outreavertie par un courrier du centre de gestion de la normalité de la deuxième lecture.Elle reçoit ses films par envoi postal ou, selon le département, elle est invitée à récu-pérer son dossier complet dans le centre de radiologie. Le compte rendu définitifde la mammographie doit être compréhensible pour la consultante. Son médecin

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traitant en est également averti et la femme bénéficiera d’une nouvelle mammo-graphie deux ans plus tard.

Si le deuxième lecteur découvre une anomalie qui nécessite de nouveauxexamens (ACR 0), la femme est normalement prévenue par courrier. Elle a aussi lapossibilité de changer de cabinet de radiologie s’il y a perte de confiance.

La deuxième lecture permet d’augmenter la sensibilité de la mammographie.Un taux de rappel trop élevé génère des « faux positifs » qui induisent quelquefoisdes difficultés psychologiques et une augmentation de l’anxiété-état. Cette anxiétédécroît avec la connaissance du résultat définitif bénin. Il faut donc permettre auxfemmes d’avoir le complément d’examen rapidement et le médecin doit être enmesure de leur expliquer cette démarche. Malgré cela, 47 % des femmes déclarentêtre plus angoissées qu’auparavant par des mammographies ultérieures (9). Cesrésultats retentissent sur leur qualité de vie (14). Ils sont exacerbés par le manqued’informations et de communication avec les médecins (27). Ces faits auront uneincidence sur leur prochaine participation au dépistage et ils pourront augmenterles délais de consultation si une anomalie clinique apparaît (7). Cependant, lesfemmes signalant une anxiété modérée réalisent significativement plus de gestes deprévention et de dépistage que les femmes qui n’ont aucune anxiété résiduelle, cettelogique populaire se retrouve également chez les femmes qui ont la « perceptiond’être à risque » (9).

Les femmes peuvent être convoquées afin de refaire des mammographies si lesclichés sont jugés techniquement insuffisants par le deuxième lecteur. Dans ce casparticulier et exceptionnel, la femme est informée par le centre de gestion (ou parle premier radiologue). Elle doit revenir dans le cabinet de radiologie pour la réali-sation de nouveaux clichés. Chaque campagne a sa propre lettre d’information, àtitre d’exemple, voici celle de la Charente (ORCHIDÉES) : « Pour des raisons tech-niques, l’examen complet des clichés par un comité de relecture n’a pas été possible.Aussi, nous vous proposons de reprendre rendez-vous avec le même radiologue, afinqu’il refasse gratuitement de nouveaux clichés. » En expliquant les difficultés tech-niques rencontrées lors de la réalisation des nouveaux clichés, la coopération de lafemme pour le positionnement en mammographie sera améliorée et permettrad’effectuer des films de meilleure qualité.

Épilogue, jusqu’à la seconde vagueÀ la suite d’une mammographie normale ou bénigne, les clichés sont envoyés à sondomicile ou ils sont à récupérer au cabinet du radiologue. Il est nécessaire de préci-ser de conserver l’ensemble des mammographies : que cela est essentiel pour le suiviultérieur. Même si les mammographies sont normales, chaque mammographie estunique, c’est une « identité radiologique » comme la photographie du visage surune carte d’identité ou sur un passeport. Certaines modifications ultérieures neseront appréciées qu’en fonction des clichés de référence. Les radiologues le fontimprimer sur les pochettes : « Clichés à rapporter en cas de nouvel examen. » Ces

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mammographies ne doivent être ni égarées ni jetées. Le fait de le répéter vapermettre de faire entrer la femme dans un rituel qui augmentera la compliance.Les patients sont légalement propriétaires de leurs examens ; il est indispensable(primordial) de les éduquer à la gestion de leurs clichés et de leur dossier.

Les médecins traitants proposent à leurs patientes un examen cliniquemammaire annuel. Si elles ne consultent pas régulièrement, il est essentiel de lesinciter à le faire, particulièrement si elles palpent une masse. Comme nous l’avonssouligné, dans les croyances populaires, certaines femmes pensent être « protégées »du cancer du sein par un suivi mammographique. Il est donc nécessaire d’expliquerque cela veut simplement dire qu’« il n’y a pas de cancer visible sur la mammo-graphie ». Bien entendu, il ne s’agit pas de les inquiéter à tort mais d’expliquer quela mammographie est un examen très sensible (S = 85 à 90 % selon les différentesétudes prospectives au premier tour) (1). Cette sensibilité augmente avec l’examenclinique. Cette information est donnée et répétée afin que toute femme consulte sielle « ressent » un nodule. Elle ne perdra pas ainsi confiance en son médecin trai-tant, son gynécologue ou son radiologue. La répétition et la reformulation sontprégnantes, car lors d’une consultation médicale, seulement 59 % des patients enre-gistrent et intègrent de manière exacte des informations médicales (11).

ConclusionL’information et la communication sont les bases d’une compréhension pertinentedes pratiques de dépistage des cancers du sein et de leur mise en sens. La logiquede prévention populaire est une construction culturelle, elle s’intègre dans lerapport à la santé, elle est modulée par les usages et les soins du corps, par lespratiques médicales, par le mode d’être dans le monde. La perception subjective dudépistage dépend de barrières et de facteurs déclenchants. Les femmes, le réseau desociabilité, les médias, le corps médical et les institutions (Institut national de veillesanitaire, direction générale de la Santé, Institut national du cancer) sont les acteursprincipaux de ces pratiques. Les médecins, passeurs d’information, ont un rôle stra-tégique. Par le « colloque singulier » de la consultation, ils gèrent, avec empathie,l’individualité de cette procédure collective de dépistage. Ils sont un lien entre lasingularité et la collectivité, au cœur des tensions psychosociales.

Les instances de santé publique, les associations et l’Institut national du cancerorganisent les informations générales sur le dépistage des cancers du sein. Cesyncrétisme social, médical et médiatique crée une acculturation qui induit denouveaux modèles (patterns) dans la population. C’est par cette co-création de l’in-formation que cette pratique de dépistage des cancers du sein deviendra un rituelpropitiatoire à la santé.

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Références1. Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES) (1998)

Recommandations et Références Professionnelles. Conduite à tenir diag-nostique devant une image infraclinique anormale, Paris

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Congrès de la SFPO). Éditions Dyk, Paris, p. 114

3. Barreau B et al. (2000) L’anthropologie comme approche des faits bioculturelsdans le dépistage de masse organisé des cancers du sein : une étude de terraindans les Bouches-du-Rhône. La Lettre du Sénologue n° 7 : 27-30

4. Barreau B et al. (2002) Le vécu psychologique de la procédure de prélèvementspercutanés du sein. Une étude quasiprospective : à propos de 73 cas. GynécolObstét Fertil 2005; 3: 129-39

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6. Barreau B, Tastet S, Lakdja F et al. (2005) Le don d’information dans les prélè-vements percutanés mammaires. Savoir le dire – Savoir le faire. Bull Cancer; 92:257-65

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8. Bruyninckx E et al. (1999) Risk factors of pain in mammographic screening. SocSci Med 49: 933-41

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12. Delefosse MS (2002) Psychologie de la santé. Perspectives qualitatives et cli-niques. Mardaga, Sprimont, Belgique

13. Dilhuydy MH, Barreau B (1997) The debate over mass mammography: Is itbeneficial for women? Eur J Radiol 24: 86-93

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14. Dilhuydy MH et al. (2002) Apport de l’imagerie et des prélèvements guidés dansl’information et la prise de décision. Impact sur la qualité de vie des patientes.In : Laffargue F, Dubois JB (sous la direction de) Cancer du sein et qualité de lavie. 24e Journées Nationales de la Société Française de Sénologie et de PathologieMammaire (SFSPM). Montpellier, 13-15 novembre. Sauramps Médical, Paris,p. 47

15. Dullum JR, Lewis EC, Mayer JA (2000) Rates and correlates of discomfort asso-ciated with mammography. Radiology 214: 547-52

16. Durif C (1994) Résistances de la population à l’information préventive. Analysepsycho-ethnologique des facteurs de résistances et d’acceptation du dépistagedu cancer du sein dans le département du Rhône. In : Brémond A, Rouëssé J,Kerbrat P, Fumoleau P (sous la direction de) Cancer du sein. 20 ans de progrès.Publications Médicales Internationales, Paris, p. 375

17. Fainzang S (1992) Réflexions anthropologiques sur la notion de santé. In : AiachP, Bon N, Deschamps JP (sous la direction de) Comportements et santé.Questions pour la prévention. Presses Universitaires, Nancy, p. 18

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20. [20] Institut National du Cancer (INCa). Recommandations nationales pour lamise en œuvre du dispositif d’annonce du cancer dans les établissements desanté. Paris, 5 novembre 2005: 1-16

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23. Ligue contre le Cancer : http://www.ligue-cancer.asso.fr

24. Loi n° 2002-2003 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualitédu système de santé. Journal officiel, 5 mars 2002

25. Métayer Y (2002) Estimation des doses délivrées aux patients. Formation de lapersonne compétente en radioprotection. FORCOMED, 8-9 novembre

26. Novy DM et al. (2001) Percutaneous core biopsy of the breast: Correlates ofanxiety. Acad Radiol 8: 467-72

27. Padgett DK et al. (2001) The emotionnal consequences of false positive mam-mography: African-American women’s reactions in their own words. WomenHealth 33: 1-14

28. Poulos A, Rickard M (1997) Compression in mammography and the perceptionof discomfort. Australas Radiol 41: 247-52

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30. Société Française de Radiologie (SFR) : www.sfr-radiologie.asso.fr/fiche infor-mation patientes du 5 juillet 2002

31. Spielberger CD et al. (1983) Manual for the State-Trait-Anxiety Inventory(STAI). Consulting Psychologist Press Inc, Palo Alto

Remerciements à Mme Sandrine Tastet, docteur en Psychologie de la santé qui aaccepté de relire le document en nous faisant part de ses expériences cliniques.

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Le dépistage du cancer du sein s’adresse à une population âgée de 50 à 74 ans, quiest par définition asymptomatique. Les patientes qui répondent à cette convocationn’ont pas demandé à être examinées, par conséquent les conditions de déroulementde cet examen seront considérées de manière particulièrement vigilante par un jugeen cas de problème ; toutefois cet examen est réalisé dans l’intérêt premier despatientes, ce qui tempère la responsabilité du centre.

Le cahier des charges confie une responsabilité substantielle au premier lecteur,c’est ainsi que le radiologue, chez qui la femme se rend pour ses examens, peutdécider de faire des investigations complémentaires au vu d’une anomalie cliniqueou radiologique, ce qui, bien évidemment, augmente sa responsabilité, en contre-partie d’une liberté plus grande dans la réalisation du dépistage.

Seuls les clichés qui, à l’issue de cette première étape, seront considérés commenégatifs, seront relus par un deuxième lecteur qui ne verra donc plus les clichésconsidérés comme positifs par le premier lecteur.

La classification ACR permet de codifier les images (1-2 : normal et bénin ; 4 :nécessitant une vérification histologique ; 5 : très suspect de cancer ; 6 : cancerdiagnostiqué histologiquement). Le deuxième lecteur aura donc la responsabilité derelire des clichés ACR 1 et 2. Une mention particulière pour les images classéesACR 3 : cette catégorie, qui devrait être normalement la plus réduite possible, sertsouvent de classification transitoire pour des images mal interprétées.

C’est ainsi qu’il faut envisager les différentes responsabilités encourues, aussi bienpar le praticien qui réalise les clichés mammographiques, que celles du deuxièmevoire du troisième lecteur dont l’activité se déroule au sein du centre de gestion.

L’essentiel à analyser est la responsabilité du praticien. Celle-ci, comme celle detout opérateur, peut être engagée d’un point de vue civil, pénal et disciplinaire.

La responsabilité encourue dans lecadre du dépistage du cancer du seinP. Haehnel1 et P. Marchessou2

1. Ancien secrétaire général du Conseil national de l’ordre des médecins, membre fondateur de l’ADEMAS (Strasbourg).2. Avocat et professeur des Universités (Strasbourg).

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La responsabilité disciplinaire du praticienCelle-ci doit être évoquée immédiatement parce qu’elle est marginale. Le praticienne peut être poursuivi et sanctionné par les instances disciplinaires de l’Ordre quedans l’hypothèse où il a commis des actes contraires au Code de déontologie. L’en-gagement d’une procédure disciplinaire ne présente ici aucune particularité parrapport à celle encourue dans l’exercice de toute l’activité médicale.

La responsabilité pénale du praticienCette responsabilité est prévue par l’article 223-1 du Code pénal selon lequel :

« Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de bles-sures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la viola-tion manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudenceimposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 €d’amende. »

Cette infraction est fondée sur une faute intentionnelle, l’emploi de l’expression« violation manifestement délibérée d’une obligation particulière » fixe un seuil d’exi-gence qui ne correspond pas à la plupart des fautes professionnelles.

Cette infraction est qualifiée de délit, lequel se prescrit par trois ans à compterde la découverte des faits.

La responsabilité du praticien est engagée soit à l’initiative du Procureur de laRépublique territorialement compétent, soit à la demande de la victime ou de sesayants droit, qui déposent plainte.

Cette plainte peut être simple, et son traitement par le procureur de la Répu-blique lancera l’action publique, ou bien il s’agit d’une plainte avec constitution departie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction.

Toutes deux aboutiront soit à un classement sans suite (qui peut être contestépar le plaignant par la voie de l’appel), soit à un renvoi devant le tribunal correc-tionnel.

Toutefois, une plainte avec constitution de partie civile, assortie de la consigna-tion d’une somme, est plus sûre d’aboutir.

La condamnation du praticien par la juridiction répressive ne peut intervenirque si la faute de celui-ci est établie.

Dans la quasi-totalité des cas, le juge va fonder son appréciation sur le dossierd’instruction et particulièrement sur le rapport du ou des experts désignés par lejuge d’instruction.

La responsabilité civile afférente au dépistageCette responsabilité civile médicale s’insère bien entendu dans le régime général dela responsabilité civile, avec quelques particularités.

186 Le dépistage du cancer du sein

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Deux entités sont responsables, dans des proportions très inégales, la structurede gestion et le praticien.

La responsabilité de la structure de gestion de la campagne de dépistageS’agissant de la structure de gestion, elle est responsable des conséquences de samauvaise organisation : elle devra rendre des comptes de ce point de vue à lapatiente, le cas échéant en cas de retard dans la transmission de clichés, entraînantun retard dans le diagnostic, ou bien dans la perte de ces clichés ou encore, demanière plus sérieuse, dans l’interversion ou la confusion qui pourrait survenir.Pour mémoire, elle est également responsable vis-à-vis du praticien si celui-ci subitun accident dans les locaux du centre.

En revanche, la structure de gestion peut être responsable d’avoir accepté desclichés de mauvaise qualité ou des clichés techniquement insuffisants (CTI). Ilimporte donc de définir de façon claire et reproductible la procédure à utiliser encas de CTI. Le deuxième lecteur qui refuse le cliché le présente, par exemple, à uncomité composé de plusieurs deuxièmes lecteurs qui confirment le caractère nonconforme du cliché. Dans ce cas, c’est la structure de gestion qui doit annoncer auradiologue, qui a fait le cliché, de le refaire dans de meilleures conditions. Cetteprocédure donne donc à la structure de gestion une véritable responsabilité dans lemaintien de la qualité technique.

Le juge ne sera pas insensible à un retard de diagnostic lié à une mauvaisequalité technique du cliché.

La responsabilité sera probablement partagée entre le deuxième lecteur quin’aura pas signalé la mauvaise qualité, et la structure de gestion responsable de l’or-ganisation générale.

La responsabilité des praticiens lecteurs vis-à-vis des patientesIl faut envisager ici successivement le champ matériel de la responsabilité des prati-ciens lecteurs et les conditions jurisprudentielles de mise en jeu de la responsabi-lité.

Le champ matériel de la responsabilité des praticiens lecteurs

Lorsque les clichés afférents à une patiente ont été analysés par un praticien, lasituation de cette patiente appartient objectivement à deux catégories possibles :

– ou bien l’examen mammographique est négatif ;– ou bien il est positif.En approfondissant l’analyse, ce sont en réalité quatre situations qui se présentent,

dont deux seulement soulèvent des problèmes de responsabilité :– Ne posent pas problème les tests positifs, qui vont déboucher sur un diagnos-

tic de cancer ; en effet, le dépistage a joué son rôle et le processus thérapeu-tique va s’ensuivre. Il en va de même, mais pour des raisons diamétralementopposées, des vrais tests négatifs. Ceux-ci représentent l’immense majorité des

La responsabilité encourue dans le cadre du dépistage du cancer du sein 187

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cas et la responsabilité du centre comme du praticien lecteur ne saurait êtrerecherchée à quelque titre que ce soit.

– La catégorie des faux positifs soulève les réflexions suivantes : ces patientessont suspectées de cancer, mais en réalité elles sont indemnes de toute patho-logie cancéreuse. Autrement dit, le praticien a commis une erreur d’apprécia-tion. Cette erreur engage-t-elle pour autant sa responsabilité ?

a) Certes, la patiente pourrait porter plainte, car il lui a été infligé des examensinutiles. Cela étant, cette hypothèse peut être rattachée au principe de précau-tion, qui fait partie de l’air du temps. Les ponctions ou interventions inva-sives qui ont pu être infligées à une patiente l’étaient dans une perspectived’élimination de risques.

Quelles sont les chances d’aboutissement d’une plainte que déposerait unepatiente dans pareil cas ? Elle aurait fort peu de chance d’aboutir, sauf hypothèsed’une mutilation aberrante.

b) L’Assurance maladie pourrait-elle porter plainte ? Elle ferait valoir au soutiende celle-ci que l’erreur de diagnostic a entraîné des dépenses inconsidérées.Sur un plan économique et, par conséquent, civil, elle pourrait peut-êtreobtenir des dédommagements, qui devraient normalement être pris encharge par la compagnie d’assurances du praticien, déduction faite de la fran-chise. Dans la mesure où elle est partenaire du dépistage, la Caisse doitprendre en compte les effets délétères et connus de celui-ci. Il en irait évidem-ment de manière différente si ce faux positif débouchait sur une mutilationinutile de la patiente (amputation du sein).

– Les tests faussement négatifs constituent l’hypothèse de travail la plus drama-tique, aux conséquences les plus lourdes.

À l’analyse, deux cas de figure peuvent être détectés :a) Il y a d’abord le cas des vrais « faux » négatifs : dans ce cas, le cancer n’était

pas visible, la lésion n’était pas décelable et, par voie de conséquence, la miseen jeu de la responsabilité du praticien pour erreur de diagnostic ne résistepas à une expertise objectivement menée. Les conditions d’exercice de l’ex-pertise sont ici essentielles. En effet, habituellement, le juge envoie à l’expertun dossier et lui pose des questions précises pour savoir si la lésion cancé-reuse pouvait être décelée sur les clichés antérieurs. Si l’expert cède à la faci-lité, il examinera immédiatement le cliché litigieux et en fonction de ladescription de la lésion qui lui a été faite, il répondra certainement, demanière positive, à la question posée, tant il est facile quand on connaît undiagnostic de trouver des signes non spécifiques et qui ne permettaient pasde poser un diagnostic de cancer. Au contraire, une expertise menée avecrigueur consistera pour l’expert à faire insérer les clichés litigieux dans unesérie de clichés et d’examiner cette série dans une situation de deuxièmelecture. C’est dans ces conditions, beaucoup plus objectives, qu’il pourrarépondre honnêtement aux questions posées par le tribunal. Il appartient aulecteur et à son conseil de veiller aux conditions de désignation de l’expert,afin que celui-ci soit compétent et indépendant au regard des différents para-mètres du litige. Le praticien détient ici les clés de sa défense dans une étape

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qui l’oppose au plaignant mais devant un auxiliaire de justice qui parle lemême langage que lui.

b) Il y a ensuite le cas des faux « faux » négatifs : le lecteur a véritablementcommis une erreur, car le cancer était décelable, et la responsabilité du prati-cien lecteur se trouve par conséquent engagée.

– Dans ce schéma, deux lecteurs successifs sont normalement intervenus succes-sivement. De là résultent plusieurs cas de figure :

a) ou bien tous deux se sont trompés, dans ce cas chacun est responsable pourmoitié de l’entier préjudice dont il sera demandé réparation par la patiente ;

b) si le premier a commis une erreur de diagnostic et convaincu le secondlecteur, tous deux seront alors également responsables, sauf si le second a sudégager sa responsabilité en adressant sur-le-champ un courrier recom-mandé avec AR à la structure de gestion.

Il est à noter que cette situation – rare au demeurant – ne se produit que lorsquela deuxième lecture est effectuée sur le même site que la première, en l’absence despécialisation du deuxième lecteur.

Les conditions jurisprudentielles de la mise en jeu de la responsabilité

Il faut ici rappeler les principes avant de transposer ces règles au cas du praticienlecteur.

Rappel des principes

La responsabilité encourue est traditionnellement une responsabilité pour faute (a)mais, depuis la loi du 4 mars 2002, l’indemnisation peut aussi être causée par unacte médical commis sans faute (b).

a) Une responsabilité pour fauteL’article 1142-1-I du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi

du 4 mars 2002, dispose désormais que les professionnels de santé « ne sont respon-sables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic et de soins,qu’en cas de faute ».

L’erreur éventuelle du praticien lecteur s’analyse comme une erreur de diagnos-tic. La Cour de cassation (Civ. 1er avril 1974) a considéré qu’une erreur de diagnos-tic ne constituait pas en soi une faute de nature à engager la responsabilité dumédecin. Le juge estime qu’il n’y a pas lieu à condamnation si le diagnostic erronéa été porté avec tout le soin et la conscience nécessaires.

Cette mise en cause du praticien est enfermée dans un délai de prescription.L’article L 1142-28 du Code de la santé publique dit qu’elle est décennale à

compter de la consolidation du dommage.Mais le délai de dix ans ne court à l’encontre de la victime qu’à compter de la

date à laquelle celle-ci a disposé d’informations suffisantes sur l’origine réelle deson préjudice.

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b) Un acte médical sans fauteLa loi du 4 mars 2002 organise la réparation des conséquences des risques sani-

taires. Elle prévoit qu’en l’absence de faute la patiente peut obtenir réparation d’unpréjudice pour cause « d’accident médical » lorsque ce préjudice est directementimputable à un acte de diagnostic. Dans le droit fil de cette pétition, elle ouvre lesmodalités de réparation du préjudice (art. L 1142-1 du Code de la santé publique).Celle-ci est assurée par des commissions régionales de conciliation et d’indemnisa-tion (CRCI), compétentes pour des dommages supérieurs à un seuil de gravitédéfini selon 4 critères possibles :

– un dommage supérieur à 24 % d’incapacité permanente partielle (IPP) ;– ou une incapacité de travail au moins égale à 6 mois consécutifs ou à 6 mois

non consécutifs sur une période de 12 mois ;– plus exceptionnellement, une inaptitude définitive à l’exercice de son travail

antérieur ;– ou des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans

les conditions d’existence.

Sur la licéité du préjudice indemnisableDans l’hypothèse d’une erreur d’appréciation dans l’analyse du test, la patiente doitbien entendu montrer l’existence d’un préjudice, établir ou faire établir une fauteet justifier d’un lien de causalité entre la faute commise par le praticien et le préju-dice subi par elle.

Sur le régime de la responsabilité du praticien lecteurCette responsabilité demeure une responsabilité pour faute. Toutefois, les juridic-tions ont eu tendance récemment à faciliter la démarche de la victime, en faisantpeser sur le praticien une sorte de présomption de responsabilité ou, à tout lemoins, une obligation de justifier qu’il n’a pas commis de faute et a appliqué sesmeilleurs soins à sa démarche de diagnostic.

Toutefois, il faut s’interroger sur le point de savoir si l’obligation du praticienlecteur est une obligation de moyens ou de résultat. Autrement dit, le caractère obli-gatoire du dépistage ne conduit-il pas à une obligation de résultat ? Se pose ici unequestion éthique, le lecteur prend une décision, qui est l’étape immédiatementpostérieure à l’acte médical proprement dit.

Sur les caractéristiques du préjudice proprement ditDeux situations se rencontrent dans la pratique :

– il y a d’abord le cas le plus dramatique, celui dans lequel le cancer nondiagnostiqué connaît une évolution rapide. L’expertise judiciaire menéemontre qu’il était repérable à l’époque du diagnostic et que, s’il avait été pris

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à temps, ce diagnostic adéquat aurait limité les conséquences douloureusespour la patiente et amélioré ses chances. Dans ce cas, le préjudice est avéré etil peut être évalué par rapport aux différentes pertes de chances, ainsi qu’à lasouffrance que cette erreur a provoquée ;

– mais il existe une hypothèse beaucoup plus fréquente et moins dramatique :la patiente a subi un retard de diagnostic, de telle sorte que son traitement n’aété entrepris qu’au bout de plusieurs mois. Elle suit son traitement et l’évolu-tion est favorable. Quelle est ici l’ampleur de son préjudice ? Le praticien pour-rait faire remarquer avec pertinence qu’elle a gagné deux ans de tranquillité.Le juge risque de ne pas suivre cette position, mais la jurisprudence évolueradans une direction encore difficile à déterminer.

À l’heure actuelle, il tend à accorder dans ce cas une indemnité pour préjudicemoral, dont le montant n’excède que très rarement quelques milliers d’euros.

Synthèse1. La responsabilité du praticien lecteur peut être engagée, par principe sur le

terrain de la faute, mais il peut s’en exonérer en montrant qu’il a accomplitoutes diligences pertinentes.

2. La responsabilité pour risques sanitaires (loi de mars 2002) n’interviendraque pour un préjudice d’une particulière gravité.

3. En tout état de cause, c’est devant l’expert puis devant le tribunal que lesconséquences d’une erreur médicale doivent être, sur le plan matériel, rigou-reusement délimitées.

4. La conduite rigoureuse de l’expertise est essentielle dans le cadre d’uneconception saine de l’intérêt général.

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