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UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
MASTER 2 RECHERCHE DROIT DU MARCHE
Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions d’avocat et de médecin.
PAR CHLOE CALAME
DIRECTEUR DE RECHERCHE :
MONSIEUR VINCENT CADORET
Docteur en droit à la faculté de Montpellier
Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Recherche Droit du Marché
Année Universitaire 2010/2011
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :
Monsieur Vincent Cadoret pour ses enseignements, pour m’avoir guidée et soutenue
avec patience, tout en me laissant la liberté nécessaire à l’accomplissement de ce
mémoire et d’avoir fait preuve d’autant de disponibilité et de gentillesse à mon égard ;
Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur
du Master Recherche Droit du marché, pour m’avoir permis de suivre ce parcours et
pour ses riches enseignements ;
Monsieur Malo Depincé, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Co-directeur
du Master Recherche Droit du Marché, pour ses enseignements, pour sa gentillesse, ses
encouragements, et son soutien durant cette dernière année universitaire ;
Toute l’équipe du Centre du droit du marché de la Faculté de droit de Montpellier avec
qui ce fut un plaisir de travailler,
Plus particulièrement, Melle Mathilde Cayot, Melle Pauline Castelot, Monsieur Jean-
Benoit Belda, Monsieur Grégoire Mercier, et Melle Tatiana Boudissa, pour leur
soutien inconditionnel durant cette année universitaire ;
Et enfin l’ensemble de la promotion 2010/2011 du Master Recherche Droit du Marché,
son équipe doctorale et plus particulièrement Melle Brunelle Fessard.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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SOMMAIRE
Introduction .................................................................................................................... 5
Partie 1- La définition du contrat de collaboration libérale. ................................... 21
Titre 1- La prise en compte des obligations prescrites : une exigence
traditionnelle de qualification. ................................................................................. 23
Chapitre 1- Les obligations du fournisseur de travail parti au contrat de
collaboration libérale. ............................................................................................. 24
Chapitre 2- Les obligations du collaborateur parti au contrat de collaboration
libérale. ................................................................................................................... 37
Titre 2- La prise en compte des obligations exclues : une exigence originale de
qualification. .............................................................................................................. 49
Chapitre 1- La nécessaire absence d’exclusivité incompatible avec l’exigence
d’une faculté de clientèle personnelle pour le collaborateur. ................................ 50
Chapitre 2- La nécessaire absence de lien de subordination incompatible avec
l’exigence d’indépendance inhérente au contrat de collaboration libérale. .......... 70
Partie 2- Le contexte du contrat de collaboration libérale. .................................... 100
Titre 1- Le contexte « intrinsèque » du contrat de collaboration libérale. ........ 102
Chapitre 1-La difficile délimitation des périmètres issus du contrat de
collaboration libérale. ........................................................................................... 103
Chapitre 2- Le régime du contrat de collaboration libérale et ses effets en fonction
du contexte intrinsèque du contrat. ....................................................................... 136
Titre 2- Le contexte « extrinsèque » du contrat de collaboration libérale. ........ 164
Chapitre 1- Le professionnel libéral et le droit de la concurrence. ...................... 169
Chapitre 2- L’évolution du contrat de collaboration libérale selon que l’on se
trouve dans un secteur concurrentiel ou non concurrentiel (Regard croisé entre les
professions d’avocats et de médecins). ................................................................. 182
CONCLUSION GENERALE .................................................................................... 196
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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Abréviations
Al. Alinéa
Aff. Affaire
Art. Article Ass. Plèn. Assemblée plénière de la Cour de cassation
Bull.Civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (Chambres Civiles)
C. cass. Cour de cassation
Civ. 1ère
Première Chambre civile de la Cour de cassation
Civ. 3ème
Troisième Chambre civile de la Cour de cassation
C. civ. Code civil
C. Com. Code de commerce
CE Conseil d’Etat
CEDH Cour Européenne des droits de l’homme
CJCE Cour de Justice des communautés Européennes
D. Dalloz
Décr. Décret
Déc. Décision
Defrénois Répertoire du notariat Defrénois
Dir. Direction
Fasc. Fascicule
Hebdo. Hebdomadaire
JCl. Jurisclasseur
JCP E Jurisclasseur Périodique édition entreprises et affaires
JCP G Jurisclasseur Périodique édition générale
L. LME Loi de modernisation de l’économie
Obs. Observations
Règl. Règlements
RJDA Recueil de jurisprudence de droit des affaires
RTD Civ. Revue trimestrielle du Droit Civil
RTD Com. Revue trimestrielle du droit commercial et droit économique
TPICE Tribunal de première instance des Communautés Européennes
V. Voir
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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Introduction
1.- Le contrat de collaboration libérale est un outil au service des professionnels
libéraux qui permet leur insertion dans la vie professionnelle et les prépare à l’exercice
indépendant.
Les professionnels libéraux qui ont le projet de s’installer hésitent souvent à le faire
d’emblée, et éprouvent le besoin d’acquérir une expérience aux côtés d’un professionnel
déjà installé. Face à ce besoin, la situation des différentes professions réglementées ou
dont le titre est protégé est très différente.
De manière générale constitue une profession libérale l’activité professionnelle
indépendante dans laquelle prédominent les prestations d’ordre intellectuel, et qui
consiste à pratiquer une science, une technique ou un art1.
L’activité libérale se distingue de l’activité salariale, car elle est exercée en toute
indépendance sans qu’il existe de lien de subordination ; ainsi que de l’activité
commerciale, car elle relève du droit civil et non du droit commercial.
De plus, l’activité salariale ne fait pas l’objet de définition juridique :
La profession n’est pas définie juridiquement en tant que telle et de manière précise.
Aussi, pour savoir si telle ou telle catégorie de personnes exerce une profession libérale,
il convient de se référer à des critères fiscaux et sociaux.
Cette absence de définition juridique implique une possible contrariété entre le régime
fiscal et le régime social.
Par exemple, la profession d’avocat est traditionnellement classée parmi les professions
libérales et, pourtant, le Code de la Sécurité sociale2 ne la mentionne pas.
1 Les échos, 11 Juin 2011.
2 Article L. 622-5 du Code de la sécurité sociale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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2.- La loi du 2 Août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, définit le
collaborateur libéral comme le membre non salarié d’une profession libérale qui dans le
cadre d’un contrat de collaboration libérale exerce auprès d’un autre professionnel la
même profession.
Dès lors, il relève du statut social et fiscal du professionnel libéral exerçant en qualité de
professionnel indépendant.
3.- La loi définit donc le contrat de collaboration libérale ainsi :
Il s’agirait d’un acte par lequel un praticien confirmé met à la disposition d’un confrère
les locaux et le matériel nécessaire à l’exercice de l’activité ainsi qu’une partie de la
clientèle qui y est rattachée.
4.- Cette mise à disposition entraîne le versement d’une redevance correspondant à
un certain pourcentage des honoraires encaissés par le collaborateur ainsi qu’aux
services et à l’assistance technique fournie par le praticien. Le statut de collaborateur
libéral a été prévu à l’origine pour les professions d’avocats.
5.- Mais ce statut a été consacré et étendu avec la loi de 20053.
Ainsi, avec cette loi, la possibilité d’exercer leur activité en tant que collaborateur
libéral est reconnue aux :
« Membres des professions libérales soumis au statut législatif ou réglementaire où
dont le titre est protégé, à l’exception des professions d’officiers publics ou ministériels,
des commissaires aux comptes et des administrateurs judiciaires et mandataires
judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises4 ».
6.- Il s’agit d’une tentative d’harmonisation du statut de collaborateur libéral.
La profession libérale est valorisée par certains et notamment dans les professions
d’avocats :
3 Loi 2 août 2005 n°2005-882.
4 Article 18 de la loi du 2 Août 2005.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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Brigitte Longuet avocate au barreau de Paris5, pense que le secteur des professions
libérales est un acteur économique permettant de créer des emplois, conduisant à une
nécessaire valorisation de la profession.
Cette avocate entend défendre les professions libérales réglementées et non
réglementées, secteur que cette dernière connait bien puisqu’elle fait partie de la
Commission nationale de concertation des professions libérales, instance consultative
siégeant aux côtés des ministres en charge de l’économie et des entreprises.
Cette commission a beaucoup travaillé sur le contrat de collaboration libérale.
7.- Brigitte Longuet souhaite donner un nouvel élan aux professions libérales en
mettant en valeur leur spécificité.
Le but est ainsi de les rapprocher de leur clientèle. Pour cette dernière, l’avenir de ces
professions, est « un corps homogène dont le ciment serait les principes commun
comme la déontologie, à défaut, il est voué au déclin ».
Elle propose donc une harmonisation des règles, en envisageant des plateformes de
services.
Le regroupement au sein d’une même plateforme est une solution qu’elle juge adaptée
aux évolutions du marché. Selon elle, les professions libérales doivent tendre vers des
façons plus modernes d’exercer pour être toujours plus efficaces auprès de la clientèle.
8.- La loi de 2005 précise que le collaborateur libéral, d'une part, exerce « auprès
d'un autre professionnel » et, d'autre part, « exerce son activité professionnelle en toute
indépendance, sans lien de subordination » en ayant la possibilité de « se constituer une
clientèle personnelle » ; ce dernier critère revêtant une importance toute particulière,
dans la mesure où il représente le véritable révélateur de l’indépendance du
collaborateur.
Ces contrats sont bénéfiques pour les jeunes diplômés dans la mesure où ils peuvent
tirer profit de l’expérience de praticiens alors confirmés, et beaucoup plus expérimentés.
5 B. Longuet, Avocate au service des professions libérales, Semaine juridique Edition générale, n°39,
21 Septembre 2009.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
8
Les termes « assistant » ou « assistant collaborateur » correspondaient à la situation de
collaboration libérale telle qu’elle avait été fixée par la loi, il n’y a donc plus lieu
dorénavant d’employer ces termes.
Deux cas sont uniquement prévus par la loi pour exercer la profession pour le compte
d'un autre professionnel: le collaborateur salarié et le collaborateur libéral.
En dehors de ces deux modalités, le professionnel peut exercer sous la forme
individuelle ou en qualité d'associé.
Le rapport du projet de loi déposé à l'assemblée indique notamment :
"Très attendu par les professions libérales, déjà possible pour les avocats, le contrat de
collaborateur libéral donne un cadre juridique aux collaborateurs de professionnels
libéraux qui ne disposaient jusqu'à présent que du statut de salarié en les préparant à
l'installation en tant que professionnel libéral comme associé ou indépendant."
A la lecture de ce rapport, et notamment dans l'exposé des motifs, on peut remarquer
que les modes d'exercice d'une profession libérale réglementée ou dont le titre est
protégé, sont limitativement énumérés et ne permettent pas d’autres modalités.
D'ailleurs, puisque la loi a voulu étendre cette possibilité qui était jusque là offerte aux
seuls avocats, on peut se référer à la profession d'avocat qui ne connaît que la
collaboration salariée ou libérale pour les avocats exerçant leur profession auprès d'un
autre avocat, sans être associé.
Le contrat de collaboration est destiné à permettre à deux personnes exerçant la même
profession, de travailler ensemble au sein d’un cabinet.
Depuis cette loi du 2 août 2005, le contrat de collaboration est obligatoirement un écrit
sous peine de nullité.
9.- Le titulaire confie une partie de sa clientèle à un confrère qui va pouvoir exercer
à ses côtés en toute indépendance et met à sa disposition pour un usage en commun les
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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moyens d’exercice du cabinet : locaux, matériel (à l’exclusion des logiciels nécessitant
une licence personnelle) et éventuellement le secrétariat.
Si le titulaire exerce dans le cadre d’une association, soit en SCM, soit sous contrat à
frais partagé, il devra obtenir l’accord de son (ou de ses) associés pour l’utilisation par
son collaborateur des moyens matériels appartenant au groupe.
Cette formule peut s’utiliser pour une période d’essai avant association.
10.- Le contrat de collaboration libérale est un contrat formel au contenu libre. Le
critère principal devant être respecté, est l’exercice d’une activité indépendante,
puisqu’un manquement pourrait entraîner le cas échéant, une requalification du contrat
de collaboration libérale en contrat de travail comme nous le verrons plus loin, ou bien
encore en contrat de sous-traitance.
Mais qu’est ce que l’« indépendance » ? Comment délimiter son périmètre ?
C’est ce que nous étudierons plus loin dans la démonstration.
11.- L’indépendance du collaborateur implique que celui-ci soit également
personnellement responsable des ses actes.
En effet, le collaborateur libéral est responsable de ses actes professionnels, et son
indépendance implique qu’il soit affilié aux organismes de protection sociale dont
relève tous les professionnels libéraux. On lui applique également le régime fiscal des
travailleurs non salariés.
Il conviendra de revenir sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du
collaborateur que celui-ci soit médecin ou bien avocat, au cours du développement.
12.- De plus, nous avons vu que dans tous les cas, le collaborateur peut bénéficier
d’une partie de la clientèle du praticien confirmé déjà installé, mais la reconnaissance de
son indépendance est un gage pour lui de pouvoir se constituer une clientèle
personnelle, même si celui-ci ne possède qu’un droit à la clientèle personnelle, ceci
n’étant pas une obligation.
C’est à ce stade que vont apparaitre les problèmes relatifs aux clauses de non
concurrence et aux clauses de non réinstallation puisque la constitution de sa clientèle
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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par le collaborateur ne doit pas se faire au détriment de celle préexistant appartenant au
praticien mis en place.
Les clauses de non concurrence et de non réinstallation sont elles compatibles avec la
faculté pour le collaborateur de se constituer une clientèle personnelle et avec le grand
principe reconnu par la jurisprudence « la liberté de choix du patient » ?
Ou s’agit-il finalement d’une « hypocrisie » juridique, ou une manière « déguisée »
d’empêcher le collaborateur de partir avec sa clientèle lors de la rupture du contrat de
collaboration libérale ?
Le principe de « faculté de clientèle personnelle » est-elle une réalité ou un fantasme ?
Cette faculté de constitution d’une clientèle propre posera également des soucis quant
au fonds libéral : la clientèle est-elle cessible ? Peut-elle appartenir à quelqu’un ? Et si
oui dans quelles conditions ?
Ces questions se poseront dans le cas d’une éventuelle rupture d’un contrat de
collaboration libéral.
13.- Nous l’avons vu, les clauses de non concurrence et de non réinstallation
empêchent parfois le collaborateur de se constituer sa propre clientèle.
C’est la raison pour laquelle ces clauses peuvent être légalement introduites dans les
contrats de collaboration libérale, mais de manière mesurée, afin de respecter les règles
de confraternité ainsi que le principe de liberté de choix du patient ou du client.
Ces deux clauses ont pour effet d’empêcher d’éventuels actes déloyaux venant de l’une
ou l’autre des parties dans le cadre du contrat de collaboration libérale.
14.- Ce contrat doit sous peine de nullité être conclu dans le respect des règles
applicables à la profession et doit être établi par écrit6.
Il convient en effet de préciser la durée du contrat de collaboration libérale afin de
savoir s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée, pour pouvoir
déterminer les modalités de rémunération.
6 Cass Soc, 11 Avril 2002.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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15.- Dans un second temps, il est important de préciser les conditions d’exercice de
l’activité, et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur libéral devra
satisfaire aux besoins de sa clientèle.
Enfin, il faudra déterminer les conditions de la rupture du contrat de collaboration afin
de déterminer le délai de préavis.
Le contrat de collaboration libérale doit également contenir des clauses imposées alors
que d’autres sont interdites.
Les éléments essentiels d’un contrat de collaboration libérale sont la faculté de clientèle
personnelle, l’indépendance, l’exploitation d’un fond et des locaux communs.
Il sera dès lors intéressant d’étudier les caractéristiques du fonds de commerce et du
fonds libéral.
16.- Les contrats de collaboration sont très complexes et font souvent l’objet d’une
requalification en contrat de travail par la chambre civile de la Cour de cassation.
En effet, si l’on conclut un contrat de collaboration libéral, il existe un risque de
requalification de la prestation en relation de travail subordonnée.
Les juges recherchent le plus souvent la présence ou non d’ « un lien de subordination »
entre les collaborateurs.
Si ce lien est établi, il ne peut dès lors pas s’agir d’un contrat de collaboration libérale
(dans la mesure où les collaborateurs doivent être totalement indépendants), mais d’un
contrat de travail.
17.- Il convient de définir ce qu’est le « lien de subordination ». Ce lien semble se
caractériser par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a la
légitimité pour donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de
sanctionner les manquements du subordonné.
Or, comme nous l’avons vu précédemment, il apparaît que le collaborateur libéral doive
être l’égal de celui avec qui il établit la collaboration, gérant lui-même son exercice au
point de vue fiscal et comptable.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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Ainsi, du moment où un lien de subordination peut être établi entre les deux
collaborateurs, le contrat de collaboration libérale qui les unit est automatiquement
requalifié en contrat de travail.
Nous verrons que le lien de subordination est toujours très difficile à établir : il faut en
effet parvenir à trouver la limite entre la collaboration et l’indépendance et faire en sorte
que l’un n’empiète pas sur l’autre.
Il est dès lors très difficile de délimiter le périmètre issu du contrat. C’est là encore toute
la spécificité du contrat de collaboration libérale.
De plus, dans les contrats de collaboration libérale, les collaborateurs doivent disposer
d’une « faculté de clientèle personnelle ».
Si le propriétaire du fond ne souhaite pas que son collaborateur dispose d’une clientèle
propre, le contrat de collaboration libérale sera requalifié en contrat de travail également
puisque la clientèle appartiendra dans son intégralité au propriétaire du fond.
Par exemple, la rémunération d’un avocat qui serait salarié ne peut être qu’un salaire ;
de plus celui-ci ne peut pas avoir de clientèle personnelle puisque la clientèle
« appartient » au dirigeant de l’avocat salarié.
Ces différences permettent de distinguer les contrats de travail des contrats de
collaboration libérale afin d’opérer ou non des requalifications.
18.- Le salarié contrairement au collaborateur ne peut échapper à une certaine
subordination à l’égard de son employeur, mais la loi indique que cette subordination ne
concerne que la détermination des conditions de travail.
Dans le cas d’un avocat salarié, celui-ci est lié par un contrat de travail écrit qui ne peut
cependant pas porter atteinte au principe déontologique d’égalité entre avocats.
Ainsi, il semble qu’il faille faire cohabiter le lien de subordination inhérent au salariat et
l’égalité entre avocats employeurs.
Il faut alors opérer une distinction entre les conditions matérielles du travail et l’activité
intellectuelle de l’argumentation.
19.- De plus, l’avocat salarié peut demander à être déchargé d’une mission qu’il
estime contraire à sa conscience ou susceptible de porter atteinte à son indépendance.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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Il s’agit de l’application de la clause de conscience qui est très difficile à mettre en
œuvre dans les contrats de collaboration libérale, ainsi que dans les contrats de travail,
dans la mesure où le salarié est totalement intégré au cabinet.
L’image du cabinet est très importante et il n’est pas acceptable que les salariés refusent
les affaires qui ne leur conviennent pas. La clause de conscience est donc très peu mise
en œuvre et n’apparait que lors d’un licenciement afin de départager les
responsabilités7.
Le contrat de collaboration libérale autant que le contrat de travail, ne doivent pas
comporter de stipulations limitant la liberté d’établissement ultérieure du salarié.
Néanmoins, cette liberté d’établissement suivant l’expiration du contrat de collaboration
libérale ou de travail, ne signifie pas que tout est permis pour l’ancien collaborateur ou
l’ancien salarié.
Il ne peut pas emporter avec lui la clientèle dont il s’occupait en son ancienne qualité.
En effet, les collaborateurs ne peuvent pas détourner la clientèle de leur ancien
employeur.
Tout cela leur est interdit par le droit commun, puisque dans ce cas, le collaborateur ou
le salarié se rendraient coupables de concurrence déloyale tombant sous le coup d’une
sanction civile8.
20.- L’activité salariée en médecine s’est beaucoup développée en France9. Le Code
de déontologie des médecins interdisait jusqu’en 2006, qu’un médecin puisse être le
salarié d’un autre. Ainsi, le régime du salariat ne pouvait exister que par l’intermédiaire
d’une personne morale.
Selon l’article 87 du Code de déontologie médicale10
il était interdit à un médecin
d’employer pour son compte, dans l’exercice de sa profession, un autre médecin ou un
étudiant en médecine.
7 Taquet, La clause de conscience chez l’avocat salarié, JCP E 1994.
8 R.Martin, Avocats et modes d’exercice de la profession, Jurisclasseur Procédure civile, fasc 83-3, 1et
Juillet 2006. 9 D. Velardocchio, Cas particulier du collaborateur libéral, Revue Lamy Droit de la santé, 246-58,
2009. 10
Code de la santé publique : Article R. 4127-87.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
14
Récemment, il a été établi qu’il était possible pour un médecin d’employer un autre
médecin en tant que collaborateur libéral et/ou en tant que salarié.
21.- C’est donc la loi de 2005 sur les petites et moyennes entreprises11
qui a crée le
statut de collaborateur libéral en mettant fin à une situation instable que connaissaient
les travailleurs indépendants des professions libérales en contrat de collaboration.
22.- Avant que cela ne soit reconnu au médecin, la collaboration était déjà admise
pour les avocats et les chirurgiens dentistes.
Cependant, dans le cas des avocats, le collaborateur libéral avait le droit de se constituer
une clientèle personnelle alors que les chirurgiens dentistes ne pouvaient pas le faire se
voyant imposer une clause de non concurrence en cas de rupture de la collaboration.
Le régime n’était donc déjà pas le même selon qu’on se trouve dans un contrat de
collaboration libérale conclu entre avocats ou bien entre chirurgiens dentistes.
23.- La loi de 2005 a voulu harmoniser ce régime de collaboration libéral qui
s’avérait complexe et inégal en fonction de tous les praticiens concernés.
Nous avons en effet vu précédemment que les collaborateurs libéraux étaient avant la
loi de 2005 constamment exposés au risque de se voir imposer une requalification de
leur contrat de collaboration libéral en contrat de travail12
.
Une loi de 1997 avait aggravé cette situation en imposant qu’en cas de requalification
d’un contrat de collaboration en contrat de travail, les parties se trouvaient assujettis
rétroactivement aux cotisations du régime général avec des années de retard13
à régler,
ce qui n’était absolument pas avantageux pour les personnes en cause.
24.- Ainsi, au vue de ce qui a été dit, le collaborateur se situe d’une certaine
manière entre le remplaçant et l’associé tout en exerçant une activité en toute
indépendance, dénuée de tout lien de subordination.
11
Loi du 2 Août 2005 n°2005-882. 12
Loi du 11 Février 1994 n°94-126, article L. 8221-6 du Code du travail. 13
Loi du 11 Mars 1997 n°97-210, Sur le renforcement de la lutte contre le travail illégal.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
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Il a la possibilité de se constituer une clientèle personnelle et son statut fiscal et social
est celui d’un professionnel indépendant.
Ce dernier est responsable personnellement de tous ses actes professionnels.
Il perçoit des honoraires et doit reverser une redevance au titulaire du cabinet. Les
rémunérations forfaitaires sont exclues au risque de voir le contrat de collaboration être
requalifié en contrat de travail.
25.- Un décret de 200614
portant sur le statut du médecin collaborateur libéral et du
médecin salarié a modifié le Code de la santé publique en mettant le Code de
déontologie médicale en conformité avec les dispositions réglementaires relatives au
médecin collaborateur libéral et au médecin salarié.
Cette modification va dans le sens de la volonté d’harmoniser le statut du contrat de
collaboration libéral.
26.- Dans le cas où le praticien confirmé fournisseur de travail et le collaborateur
souhaiteraient rompre le contrat de collaboration libérale qui les unit, ces derniers se
doivent de respecter un délai de prévenance.
27.- En effet, l’article 14.4 du Règlement intérieur national a été modifié en son
second alinéa.
Cet article fixe ainsi un délai de prévenance obligatoire dans tous les contrats de
collaboration libérale. Le délai est augmenté d’un mois par année au-delà de trois ans de
présence révolue et sans qu’il puisse excéder six mois.
En cas de rupture d’un contrat de collaboration libéral, la durée du préavis sera ainsi
fixée sauf volonté différente des parties en cause : pendant la période d’essai le délai
sera de 8 jours, puis si on observe 3 ans de présence le préavis sera de trois ans, s’il y a
4 ans de présence le délai de préavis sera de 4 ans …15
.
28.- Ces mesures sont donc applicables à tous les contrats de collaboration libérale
en cours et ont pour but d’améliorer la compétitivité des professions libérales.
14
Décret n°2006-1585, du 13 Décembre 2006, Relatif aux médecins collaborateurs. 15
Allongement du délai de prévenance en cas de rupture du contrat de collaboration libéral.
Semaine juridique Entreprise et affaires, n°18, 6 Mai 2010, act. 262.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
16
La chancellerie16
reprend d’ailleurs ces dispositions dans son avant projet de réforme en
droit des contrats, et entend l’insérer dans le projet de loi de modernisation des
professions judiciaires et juridiques réglementées afin que ces dispositions trouvent à
s’appliquer à toutes les professions libérales.
Il s’agit là encore une fois d’une volonté d’harmonisation du statut de collaborateur
libéral.
Au regard de ce qu’il vient d’être dit, il est difficile d’apporter une définition uniforme
du contrat de collaboration puisque cette définition varie selon le contexte dans lequel le
contrat évolue.
29.- Le contrat de collaboration libérale semble a priori poser des problèmes de
définition. En effet, la loi a tenté d’apporter un cadre légal bien distinct afin d’unifier ce
statut qui peut s’appliquer désormais à de multiples professions.
Néanmoins, nous verrons que le régime du contrat de collaboration libérale change en
fonction du contexte dans lequel évolue le contrat.
Selon que nous soyons en présence d’un contrat de collaboration libérale conclu entre
deux médecins ou entre deux avocats, il semble que les règles et les conséquences du
contrat ne soient pas les mêmes. La tentative d’unification du statut semble donc avoir
échouée et c’est ce que nous verrons plus loin dans la démonstration.
30.- Par ailleurs, il est intéressant de faire un parallèle avec le projet de réforme en
droit des contrats initié par l’avant projet Catala17
et de la Chancellerie18
.
Le Code civil s’étant développé « dangereusement » hors du code lui-même19
, il a
semblé important pour certains auteurs, de tenter une réforme formelle en droit des
contrats afin d’aboutir à une harmonisation des règles en un seul et même code.
16
Projet de la chancellerie sur une réforme en droit des contrats visant une harmonisation du droit des
contrats en général, 2008. 17
P. Catala, Avant projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, Sept. 2005. 18
Projet de la Chancellerie sur une réforme en droit des contrats, 2008. 19
R. Cabrillac, La recodification civile, Droits, 1997.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
17
31.- Les auteurs des avants projets cités précédemment semblent s’orienter vers une
approche normativiste positiviste en mettant en avant des réformes sur les textes en eux
même.
De la même manière, on a souhaité réformer le statut du collaborateur en réformant les
textes à proprement parler.
32.- Jean Carbonnier insistait sur le fait que « le droit est plein de correctifs,
d’interprétations et de notions souples ». Il est évident en effet que le droit est
majoritairement constitué de différentes combinaison telles que loi/jurisprudence;
procédure/fond ; règle/décision20
.
33.- La jurisprudence n’est donc pas une source de droit au plein sens du terme,
mais elle est une « autorité privilégiée »21
.
Ainsi, le droit est constitué d’un enchevêtrement entre la loi, la doctrine et la
jurisprudence ; et espérer unifier un statut en modifiant seulement formellement la loi
n’est pas suffisant.
34.- Selon les auteurs P. Puig et P. Deumier, il n’est pas opportun de modifier la loi,
et la réforme en droit des contrats ne doit pas porter sur ce que contient la loi (c'est-à-
dire sur la technique), mais plus sur la manière dont elle sera appliquée. Il faut
abandonner la conception de l’auteur Hans Kelsen, au profit d’une conception adaptée à
son temps22
.
35.- Envisager une réforme formelle en droit des contrats semblait donc inopportun
dans la mesure où le droit ne vit que par sa réalisation, que la loi semble inefficace, et
qu’un rôle prépondérant est accordé au juge et à l’interprétation.
Une réforme en droit des contrats est donc nécessaire mais il faudrait s’orienter vers une
réforme sur la substance du droit et non pas simplement sur la forme.
20
J.Carbonnier, Droit civil, Introduction, PUF, 27ème édition, 2002. 21
J.P Gridel, J. Carbonnier et la jurisprudence : une analyse du droit en action, Revue Lamy Droit
civil, Avril 2006. 22
P. Deumier et P.Puig, Chronique : Sources du droit en droit interne, RTD Civ, n°1, Recueil Dalloz.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
18
C’est la thèse que soutient également D. Mainguy dans son article23
« Défense, critique
et illustrations de certains points de réforme en droit des contrats », où il met en avant
le « fossé » existant entre ce que dit la loi et ce qui est finalement appliqué.
36.- Dans le cas du contrat de collaboration libérale, nous verrons que des auteurs
ont voulu modifier formellement le statut de collaborateur, mais qu’au final, la loi
n’apparait pas très claire, la jurisprudence fait la loi en fonction du contexte dans lequel
évolue le contrat et il existe différents régimes rattachés au statut de collaborateur
libéral.
La tentative de réforme formelle n’a pas eu beaucoup d’efficacité, mais une réforme
substantielle aurait été intéressante.
Le contrat de collaboration libérale n’a pas les mêmes conséquences et les mêmes effets
selon qu’on se trouve dans le cadre d’une convention conclue entre deux médecins ou
deux avocats.
37.- Tout l’intérêt d’étudier le contrat de collaboration libérale réside dans le fait
que la nature du contrat dépend de la nature même du contrat et du contexte dans lequel
il a été conclu. C’est la problématique essentielle quant à ce sujet.
38.- Le contrat de collaboration libérale est une convention originale quant à sa
définition. Nous verrons en effet que ce contrat contient des obligations prescrites mais
essentiellement des obligations exclues pour les parties.
C’est en cela que la qualification du contrat apparait originale et complexe.
39.- Nous avons vu que le contrat de collaboration avait pour but de permettre à de
jeunes praticiens de bénéficier de l’expérience d’un praticien déjà installé et possédant
déjà un réseau de clientèle propre.
Le « fournisseur de travail » a donc l’obligation de mettre tout son matériel à
disposition du collaborateur ainsi que de la rémunérer.
23
D.Mainguy, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des
contrats, Recueil Dalloz 2009.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
19
Ces obligations sont exigées que l’on se situe dans un contrat de collaboration libérale
conclu entre deux médecins ou bien encore entre deux avocats.
Or, dans les faits, nous verrons que les collaborateurs ne tirent pas toujours avantage de
l’expérience du fournisseur de travail comme l’exige le contrat.
Conclure un tel contrat apparait alors parfois dénué d’intérêt et même désavantageux
pour le collaborateur lui-même.
40.- En effet, la nature du contrat de collaboration libérale dépend du contexte de
marché.
Le secteur médical apparait comme un secteur peu concurrentiel. Il est donc facile pour
le collaborateur de se constituer une clientèle propre, tout en bénéficiant de l’expérience
du fournisseur de travail.
Conclure un contrat de collaboration libéral est donc très avantageux pour le
collaborateur.
41.- Cependant, le secteur des avocats apparait comme un secteur très concurrentiel.
Il est donc très difficile pour l’avocat collaborateur de se constituer une clientèle
personnelle.
Est-il dès lors intéressant pour un jeune avocat de conclure un contrat de collaboration
libérale au début de sa carrière ?
Cette remarque rejoint la question de savoir si cette faculté de constitution de clientèle
personnelle est un fantasme ou une réalité…
42.- Les effets du contrat de collaboration libérale ne sont donc pas les même en
fonction du contexte et c’est ce que nous verrons plus tard.
Dès lors, est- il est toujours opportun de conclure un tel contrat ?
Nous verrons que cela dépend toujours du contexte dans lequel il a été conclu.
Cela illustre donc l’importance du contexte extrinsèque du contrat de collaboration
libérale.
43.- De plus, il est important de prendre en compte le contexte « intrinsèque » de la
convention.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
20
La délimitation des périmètres issus du contrat est très difficile.
En effet, la valeur de la clientèle n’est pas la même selon que l’on soit dans un contrat
de collaboration libérale conclu entre deux médecins ou entre deux avocats.
Il en est de même pour les conditions de la responsabilité des praticiens parties au
contrat de collaboration.
44.- Le contrat de collaboration libéral est donc une convention complexe tant par
sa nature que par le contexte dans lequel il évolue.
Au regard des contradictions inhérentes au contrat de collaboration libérale, sommes
nous en présence d’un contrat « schizophrène » à double facette ?
Peut-on parler d’un « pseudo » statut libéral ?
Quand est-il des conditions d’application du droit de la concurrence dans les contrats de
collaboration libérale ?
Il apparait opportun de tenter dans un premier temps d’apporter une définition au
contrat de collaboration libérale (Partie 1), pour ensuite étudier le contexte du contrat de
collaboration libérale (Partie 2).
En effet, nous verrons que la nature du contrat de collaboration libérale dépend de la
nature du contrat et du contexte dans lequel il a été conclu : Est-ce un contrat conclu
entre médecins ? Entre avocats ? Est-ce que l’application est la même ?
L’activité libérale est-elle uniforme ? La tentative d’unification du statut de
collaborateur est-elle pertinente ?
- PARTIE 1 : LA DEFINITION DU CONTRAT DE
COLLABORATION LIBERALE.
- PARTIE 2 : LE CONTEXTE DU CONTRAT DE
COLLABORATION LIBERALE.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
21
Partie 1- La définition du contrat de collaboration libérale.
45.- Dans un premier temps, il apparait intéressant de tenter d’apporter une
définition au contrat de collaboration libérale, afin de mieux comprendre de quoi il
s’agit.
Nous avons relevé en introduction une définition générale du contrat qui ne nous donne
finalement que très peu d’informations sur ce qu’est réellement un tel contrat.
Nous savons que ce contrat doit être un écrit qui doit comporter certaines stipulations
obligatoires afin de tenter d’encadrer les obligations de chacune des parties.
Mais il est indéniable que le contrat de collaboration libérale contient beaucoup plus
d’interdictions que d’obligations à la charge des parties et c’est ce qui fait son
originalité.
46.- Comme tout contrat, le contrat de collaboration libérale se caractérise par des
obligations imposées aux deux parties au contrat.
En effet, le contrat de vente se caractérise par exemple par une obligation de délivrance
de la chose pour le vendeur, et par une obligation de complet paiement du prix par
l’acheteur. Il s’agit d’obligations prescrites.
Le contrat de collaboration prend donc en compte ce type d’obligation pour qualifier le
contrat. (Titre 1).
Le fournisseur de travail aura l’obligation de fournir du travail au collaborateur, de lui
fournir les moyens de travailler et de le rémunérer comme il aura été convenu dans le
contrat initial.
De son côté, le collaborateur devra fournir une certaine prestation de travail dont les
modalités d’exercice seront prévues dans la convention signée par les parties, et devra
surtout exercer son activité en toute bonne foi afin de respecter le principe de loyauté
contractuelle24
.
24
Article 1134 du Code civil, Les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne
foi.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
22
47.- Mais le contrat de collaboration libérale revêt plus particulièrement une
certaine originalité quant à sa qualification dans la mesure où il se définit également à
travers des obligations exclues (Titre 2).
Il s’agit en effet, de différentes obligations de ne pas faire, afin d’éviter diverses
requalification du contrat en contrat de travail (le plus courant), ou encore en contrat
d’association, ou de sous-traitance…
Nous verrons que l’indépendance du collaborateur est une condition essentielle pour
que le contrat ne soit pas requalifié par la juge, et cette indépendance n’est pas
compatible avec la constatation d’un éventuel lien de subordination.
Peut-on parler d’une para- subordination ?
A partir de quand peut-on dire qu’on a porté atteinte à l’indépendance du collaborateur ?
De plus, le fournisseur de travail ne peut pas se prévaloir d’une exclusivité sur la
clientèle personnelle du collaborateur, puisque cela serait incompatible avec la
reconnaissance de la faculté de se créer une clientèle personnelle pour le collaborateur.
Toutes ces questions seront traitées dans cette première partie.
- TITRE 1 : LA PRISE EN COMPTE DES OBLIGATIONS PRESCRITES :
UNE EXIGENCE TRADITIONNELLE DE QUALIFICATION.
- TITRE 2 : LA PRISE EN COMPTE DES OBLIGATIONS EXCLUES : UNE
EXIGENCE ORIGINALE DE QUALIFICATION.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
23
Titre 1- La prise en compte des obligations prescrites : une exigence
traditionnelle de qualification.
48.- Afin de qualifier le contrat de collaboration libérale au regard d’obligations
prescrites, il convient dans un premier temps de mettre en évidence les obligations de
chacune des parties au contrat.
Il convient de voir dans un premier temps les obligations prescrites pesant sur le
fournisseur de travail partie au contrat de collaboration (Chapitre 1), pour voir ensuite
les obligations pesant sur le collaborateur également partie au contrat (Chapitre 2).
- CHAPITRE 1 : Les obligations du fournisseur de travail parti au contrat de
collaboration libérale.
- CHAPITRE 2 : Les obligations du collaborateur parti au contrat de
collaboration libérale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
24
Chapitre 1- Les obligations du fournisseur de travail parti au contrat de
collaboration libérale.
49.- Le praticien expérimenté accueillant le collaborateur dans son affaire sera
qualifié comme étant le « fournisseur de travail » ou encore « le fournisseur
d’affaires ».
Dans le cadre du contrat de collaboration libérale et des obligations prescrites pour
chacune des parties, ce dernier a des obligations quant aux conditions de travail
(Section 1), ainsi qu’à la rémunération du collaborateur (Section 2).
- SECTION 1 : Les obligations du fournisseur de travail quant aux conditions
de travail.
- SECTION 2 : Les obligations du fournisseur de travail quant à la
rémunération du collaborateur.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
25
Section 1- Les obligations du fournisseur de travail quant aux conditions de
travail.
50.- Dans un premier temps, le fournisseur d’affaires a donc l’obligation de fournir
du travail au collaborateur (§1), ainsi que de lui fournir les moyens de travail afin que
celui-ci puisse exploiter une partie de la clientèle du fournisseur du travail, ainsi qu’une
clientèle propre (§2).
§1-L’obligation pour le fournisseur de travail de fournir du travail au collaborateur.
51.- Le collaborateur libéral n’est en aucun cas un salarié : il travaille en toute
indépendance.
« Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité
d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler
l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné … le travail au sein
d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque
l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ((horaires
de travail définis, fourniture de matériels divers, existence d’un règlement intérieur,
obligation de rendre compte...)25
.
Le collaborateur est donc l’égal de celui avec qui il collabore. Son indépendance
implique qu’il soit responsable de ses actes professionnels, et qu’il relève du statut
social et fiscal du professionnel libéral.
52.- Le fournisseur de travail se doit de fournir du travail au collaborateur qu’il
emploie. Il doit mettre à disposition les moyens dont le collaborateur a besoin afin de
travailler au mieux au sein du cabinet.
Mais le fournisseur d’affaires ne doit pas fournir une quantité de travail trop importante
au collaborateur afin que ce dernier puisse disposer du temps nécessaire à la création de
sa clientèle personnelle.
25
Cass, Soc, 13 novembre 1996.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
26
Il appartient au juge d’apprécier le volume de travail exigé par le fournisseur de travail
qui, s’il est trop important, peut conduire à une requalification du contrat de
collaboration libérale en contrat de travail.
Le collaborateur doit se voir confier régulièrement du travail. Le fournisseur de travail
ne doit pas lui confier des missions de manière seulement « occasionnelle ».
Le critère d’indépendance est un critère nécessaire pour qualifier un contrat de
collaboration libérale.
53.- Or, le collaborateur ne semble pas véritablement indépendant dans la mesure
où il est attaché au cabinet et où il doit principalement, et en premier lieu, consacrer son
activité pour la clientèle du cabinet.
Il s’agit là d’une illustration de l’hypocrisie du régime et notamment, l’illustration d’une
activité pseudo libérale.
Le fournisseur de travail ayant « acquis »une force de travail, a l’obligation de fournir le
travail à réaliser, et doit permettre au collaborateur d’exécuter ses obligations.
Le fournisseur de travail doit, de plus, mettre en mesure le collaborateur de travailler
pour lui-même ainsi que pour le compte de celui-ci.
§2-L’obligation pour le fournisseur de travail de mettre en mesure le collaborateur de
travailler pour lui-même et pour le compte de celui-ci.
54.- Le fournisseur de travail a l’obligation de mettre le collaborateur libéral en
mesure de travailler.
Le collaborateur doit en effet pouvoir travailler avec une partie de la clientèle de son
fournisseur de travail, mais il doit aussi pouvoir se constituer une clientèle personnelle.
Le fournisseur d’affaires a donc l’obligation de moduler le temps de travail du
collaborateur pour le cabinet, afin que celui-ci puisse se réserver un temps suffisant pour
travailler avec sa clientèle personnelle.
Le collaborateur sera rémunéré par le fournisseur pour l’exploitation de la clientèle du
cabinet.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
27
55.- Le titulaire a donc l’obligation de fournir au collaborateur des moyens
matériels nécessaire au bon accomplissement du travail demandé (A) ; mais il doit
également lui fournir le temps nécessaire afin que celui-ci se constitue sa clientèle
propre (B).
A- Une obligation pour le fournisseur de travail de mise à disposition des moyens
matériels nécessaires à l’accomplissement du travail demandé.
56.- Que doit obligatoirement fournir le fournisseur d’affaires ?
Le titulaire n’est pas dans l’obligation de fournir tout ce qui est ordinateur ou logiciel.
Plus le titulaire fournit de matériel et plus il sera en droit de demander une rétrocession
élevée.
De plus, si le fournisseur possède et fournit tout le matériel nécessaire à l’exploitation,
le contrat de collaboration libérale peut alors faire penser à un contrat de travail et le
collaborateur peut se sentir « obligé » vis-à-vis du fournisseur.
Cela peut en effet porter vivement atteinte à son indépendance puisque cela entraverait
à sa liberté de choix.
De plus, si le collaborateur se procure une partie du matériel, il pourra les récupérer
lorsque le contrat de collaboration libérale prendra fin : cette acquisition constituera les
prémisses de son propre fond.
57.- Si le collaborateur libéral prend à son compte le matériel informatique et
négocie la rétrocession, cela soit beaucoup plus avantageux pour lui.
En effet, ce dernier a alors la possibilité de déduire ces acquisitions des frais
professionnels, et de plus, le jour où le collaborateur souhaite se séparer du fournisseur
d’affaires, il peut dès lors partir avec ce matériel qui lui appartient.
Cette solution semble beaucoup plus avantageuse pour lui, dans la mesure où cela est
beaucoup plus rentable pour le collaborateur.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
28
58.- Le fournisseur de travail a l’obligation de présenter la clientèle au
collaborateur, de lui fournir un bureau, de mettre à sa disposition le matériel du cabinet,
la papèterie et les timbres. Il doit pouvoir obtenir un espace de travail indépendant.
Il n’a pas d’obligations particulières concernant l’informatique.
La rétrocession comprend le loyer, les charges (eau, EDF, téléphone, internet…), la
présentation de la clientèle, et la charge de faire tourner le cabinet. Le collaborateur doit
donc bien vérifier cette rétrocession afin que le fournisseur de travail ne lui demande
pas plus de participation financière que nécessaire.
La rétrocession et le reste peuvent toujours se négocier avec le collaborateur libéral parti
au contrat.
Le fournisseur d’affaires doit également mettre à disposition du collaborateur le temps
nécessaire afin que celui-ci puisse se constituer une clientèle propre.
B- L’obligation pour le fournisseur de travail de mettre à disposition le temps nécessaire
à la constitution d’une clientèle personnelle.
59.- Le collaborateur libéral est d’une certaine manière attaché à l’entreprise avec
laquelle il est en collaboration. Il a l’obligation de collaborer avec le fournisseur de
travail en exploitant une partie de sa clientèle déjà établie.
60.- Mais le fournisseur de travail doit mettre le collaborateur en mesure de se
constituer une clientèle propre comme nous l’avons vu. A cet effet, ce dernier doit
disposer d’un temps nécessaire que doit lui fournir le fournisseur :
La cour de cassation26
a jugé dans un arrêt :
« Que le traitement d’un nombre dérisoire de dossiers propres à l’avocat lié à un
cabinet par le contrat de collaboration libérale ne fait pas obstacle à la qualification de
ce contrat en contrat de travail lorsqu’il établit que cette situation n’est pas de son fait,
26
Cass. Civ 1ère, 14 mai 2009, et les observations de G.Auzero, Requalification d’un contrat de
collaboration libérale en contrat de travail : l’importance de la clientèle personnelle, Lexbase Hebdo
n° 353 du 4 juin 2009.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
29
mais que les conditions d’exercice de son activité ne lui ont pas permis de développer
effectivement une clientèle personnelle ».
En résumé, c’est moins le nombre de dossiers personnels qui compte pour la Cour de
cassation, que les moyens qui ont été mis à la disposition du collaborateur libéral pour
pouvoir la développer.
Dans cette affaire, le collaborateur a pu prouver qu’il n’avait pas été mis en mesure de
développer sa clientèle propre et qu’il n’avait pu explorer que quelques dossiers en
dehors de son temps de travail au cabinet.
L’absence de cette faculté de constitution de clientèle propre conduit à une
requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail.
61.- De plus, l’arrêt Colmar27
met également en avant le caractère dérisoire de la
clientèle du collaborateur libéral, mais indique également que :
« Les moyens matériels mis à disposition par son cabinet à son collaborateur afin qu’il
puisse développer sa clientèle personnelle ».
La Cour d’appel en l’espèce semble faire une appréciation beaucoup plus stricte.
En effet, en première instance, la Cour a refusé de requalifier le contrat de collaboration
libérale en contrat de travail, en se fondant sur la motivation de l’arrêt de 2009, au motif
que « même en nombre limité, le collaborateur avait eu la possibilité d’avoir des
dossiers personnels ».
Le cabinet d’avocat a alors expliqué à la Cour que le collaborateur libéral avait eu la
possibilité, en raison des moyens matériels mis à sa disposition, de développer sa
clientèle personnelle.
Il a également ajouté que si le collaborateur n’avait pas développé sa clientèle propre
s’était finalement en raison de sa propre volonté de ne pas la développer davantage.
La Cour d’appel s’oppose donc à la première décision en requalifiant ce contrat en
contrat de travail.
27
CA, COLMAR, 10 Janvier 2011.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
30
Elle apprécie donc « l’existence de moyens matériels mis à la disposition du
collaborateur libéral pour pouvoir développer sa clientèle personnelle ».
Elle utilise comme critère de requalification, le nombre dérisoire de dossiers personnels
du collaborateur.
Mais la Cour va au-delà de cette qualification puisqu’elle ajoute que le nombre de
dossiers compte moins que le chiffre d’affaires engendré par lesdits dossiers personnels.
Le chiffre d’affaire est considéré comme dérisoire au regard de la différence des
sommes déclarées au titre de son revenu par rapport à la somme des honoraires
rétrocédés par le cabinet.
La Cour d’appel retient également un autre critère :
« Il s’agit de l’amplitude horaire très importante du collaborateur passée au
développement des clients du cabinet ainsi que l’attitude hostile des associés du cabinet
concernant le développement d’une clientèle personnelle ».
Cela a permis de conclure que le collaborateur n’avait pas été mis en mesure de
développer sa clientèle propre.
Les fournisseurs de travail n’avaient pas accordé au collaborateur le temps nécessaire
pour développer sa clientèle, lui confiant beaucoup trop de travail au profit du cabinet.
Finalement, le seul fait que le cabinet d’avocats mette à la disposition de son
collaborateur, une salle de réunion, une assistante, un téléphone et un ordinateur et que
le collaborateur ait quelques dossiers personnels ne suffirait plus à éviter une éventuelle
requalification.
Cet arrêt semble venir faciliter la requalification du contrat de collaboration libérale en
contrat de travail, puisqu’il semble que beaucoup de collaborateurs libéraux se plaignent
de l’organisation et de l’amplitude horaire passée par semaine à la gestion des clients de
leurs cabinets d’avocats respectifs.
62.- Le problème est qu’il a été constaté que pour être rentable, il semble que le
collaborateur avocat soit dans l’obligation de travailler de manière importante pour le
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
31
compte des clients du cabinet. Cette obligation réduit considérablement le temps de
travail nécessaire pour développer la clientèle personnelle.
La création d’une clientèle personnelle pour le collaborateur semble plus relever du
fantasme que le la réalité.
Cet arrêt est une illustration de la complexité du régime du contrat de collaboration
libérale. Un tel contrat semble très difficile à mettre en œuvre et les requalifications par
les juges sont très fréquentes.
Peut-on dès lors parler d’un « pseudo statut » de collaborateur libéral systématiquement
requalifié en statut de salarié ?
C’est ce que nous étudierons dans cette analyse.
Le fournisseur de travail a également une obligation de rémunérer le collaborateur qu’il
recrute.
Section 2- Les obligations du fournisseur de travail quant à la rémunération du
collaborateur.
63.- La collaboration était réservée aux avocats démarrant dans la profession avant
la loi de 1992.
La collaboration peut s’aménager à mi-temps ou bien à plein temps. Cela dépend du
contrat qui aura été conclu par les parties.
L’avocat collaborateur libéral se voit autoriser la possibilité d’une création de clientèle
personnelle.
Il existe un contentieux énorme sur le problème de requalification du contrat de
collaboration libérale en contrat de travail.
Il est alors intéressant d’étudier les avantages financiers que peuvent apporter le contrat
de collaboration libérale par rapport au contrat de travail.
Nous verrons dans un premier temps le régime juridique de la rémunération du
collaborateur (§1) ; pour voir ensuite le contentieux relatif à la rémunération du
collaborateur (§2).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
32
§1-Le régime juridique de la rémunération du collaborateur.
64.- La collaboration peut être fixée à mi-temps, plein temps ou bien
ponctuellement.
Elle sera rémunérée en rétrocession convenue sur les honoraires encaissés sur les
dossiers ainsi traités.
La rémunération est une rétrocession au collaborateur des honoraires encaissés par son
fournisseur d’affaires.
La rémunération prévue l’est hors taxes.
65.- La rémunération de l’avocat salarié est un salaire qui peut être fixe ou bien
comporter une part variable selon la volonté des parties28
.
Le principe de liberté d’organisation de travail de l’avocat salarié exclut le fait que
celui-ci soit payé en heures supplémentaires. Sa rémunération demeure forfaitaire.
Le contrat est soumis au droit du travail et doit être établi par écrit.
Dans les contrats de collaboration libérale, chacune des parties perçoit directement ses
honoraires.
Dans le cas des contrats de collaboration signés entre médecins, les parties signent
personnellement les feuilles de sécurité sociale, les mutuelles et les documents
nécessaires à la prise en charge des actes réalisés auprès de la clientèle personnelle du
collaborateur et de la clientèle appartenant au cabinet.
66.- Il est nécessaire de prévoir les modalités de rémunération dans le contrat initial
conclu entre les deux parties. Normalement, le collaborateur libéral perçoit directement
ses honoraires et signe donc lui-même les feuilles de soin.
Du moment où le collaborateur est un médecin conventionné de plein exercice, il
dispose de feuilles de soins pré-identifiées à son propre nom.
Cela est nécessaire pour la bonne information de la clientèle : s’agit-il de la clientèle du
cabinet ou de la clientèle personnelle du collaborateur ?
28
Hamelin et Damien, Régles de la Profession d’Avocat, Dalloz 1995, 8ème
édition.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
33
Cette pratique permet de mieux faire la distinction entre la clientèle personnelle du
collaborateur et la clientèle du cabinet, afin de garantir une concurrence loyale entre les
parties au moment de la rupture du contrat et de la répartition de la clientèle.
67.- Ainsi, le collaborateur est en mesure de percevoir les honoraires et de voir
ensuite la redevance qu’il doit reverser au titulaire du cabinet. Ce système permet de
respecter totalement la loi qui interdit tout lien de subordination entre le collaborateur
libéral et le fournisseur d’affaires.
La redevance envisagée doit être justifiée par les services attendus par le collaborateur
libéral.
Cette redevance peut être calculée en pourcentage et versée mensuellement comme
prévu dans le contrat type, comme elle peut prendre une autre forme, notamment des
versements forfaitaires, trimestriels, annuels, à la convenance des parties dès lors que
ces versements correspondent à des frais justifiés.
En toute hypothèse, la redevance doit faire l’objet d’un réexamen annuel.
Au niveau fiscal, la redevance est comme un loyer en contrepartie de la mise à
disposition de locaux équipés ainsi que du matériel. Ces sommes entrent dans le champ
de l’application de la TVA.
Chacun des cocontractants est personnellement assuré pour son activité lorsqu’il exerce
une activité libérale.
Par essence, la rémunération d'une collaboration libérale varie en fonction du volume
d'activité et s'accommode mal d'une « rémunération forfaitaire mensuelle fixe ».
68.- Le mode de rémunération est propre à chaque structure et choisi en fonction de
son type d’activité et de ses objectifs de développement.
Certains préfèreront que la rémunération soit adossée aux seules recettes générées par le
collaborateur, d’autres choisiront de l’adosser à une ou à des variable(s) de l'entreprise :
chiffre d’affaires ou résultat de l'entreprise, chiffre d’affaires généré par le collaborateur
etc…
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
34
La rémunération peut reposer sur plusieurs de ces variables à la fois. Elle peut prévoir
des pourcentages différents s’appliquant sur la vente de produits, sur les honoraires de
médecine, sur les honoraires des actes de chirurgie, ou sur ceux des actes spécialisés
etc…
Elle peut être encadrée par un plafond et un plancher pour protéger chacune des parties
des effets indésirables d’une activité en dents de scie.
Elle peut aussi être calquée sur le mode de répartition du résultat entre les associés.
Il est conseillé d’établir une formule mathématique simple, intégrant de préférence une
seule variable.
Si la valeur exacte de cette variable, par exemple le résultat, n’est connu qu’à la clôture
des comptes de l’exercice, le collaborateur perçoit tout au long de l’année des acomptes
mensuels proches de la réalité et un solde (positif ou négatif) une fois l’exercice clos.
69.- Quel que soit le mode de calcul choisi, la meilleure démarche consiste à viser
un certain niveau de rémunération de la collaboration et à établir une formule
mathématique simple entre la ou les variable(s) de l'entreprise choisies et la
rémunération visée.
La transparence et la sincérité des comptes sont indispensables.
La rémunération s’impose dès lors que les conditions d’existence du contrat de
collaboration libérale sont établies.
Voyons désormais le contentieux de la rémunération du collaborateur libéral.
§2-Le contentieux de la rémunération du collaborateur.
70.- Un contentieux résiduel mais lourd de conséquences existe sur la
requalification possible d’un contrat de collaboration libérale en contrat de travail (A) ;
ce qui engendre des problèmes quant à un éventuel départ du collaborateur libéral au
niveau des indemnités de départ (B).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
35
A- Un contentieux résiduel mais lourd de conséquences relativement à la requalification
du contrat de collaboration libérale en contrat de travail.
71.- Il est important que le contrat initial soit bien rédigé par les parties.
Le contrat de collaboration libérale peut très facilement être requalifié en contrat de
travail si le contrat est mal rédigé.
La requalification repose le plus souvent sur des problèmes quant à l’indépendance du
collaborateur qui est mise à mal, ou bien encore sur un contentieux relatif au
développement de la clientèle propre du collaborateur.
Mais la requalification peut également intervenir dans le cas où les modalités de
rémunération du collaborateur sortent du cadre fixé par la loi.
Les diverses requalification de contrat qui peuvent intervenir ont une influence évidente
sur la rémunération du collaborateur ou du salarié, puisque nous avons vu
précédemment que les deux régimes de rémunération étaient totalement différents.
Si l’on se situe dans un contrat de collaboration libérale et que le collaborateur libéral,
au lieu de se voir verser des rétrocessions comme il est légalement prévu, se voit verser
un « salaire » fixe tous les mois, ce dernier pourra revendiquer une requalification du
contrat en contrat de travail fondé sur un mode de rémunération erroné.
Quels problèmes engendrent le départ d’un salarié ou d’un collaborateur libéral ?
B- Le problème du départ du collaborateur ou du salarié.
72.- La jurisprudence29
souhaite censurer les clauses qui visent à restreindre la
liberté d’établissement ultérieur du collaborateur.
La liberté d’établissement est complète pour le collaborateur sauf en cas de pratique de
concurrence déloyale ou autres manquements aux principes essentiels.
29
Cass, Civ 1ère
14 Octobre 1997.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
36
73.- Il existe un contentieux sur le licenciement du collaborateur salarié au regard
de ces motifs et du montant des sommes réclamées.
Les solutions aux contentieux apportées par les juges influent lourdement sur le montant
de la rémunération et sur le montant des sommes perçues au titre de dommages et
intérêts.
Les juges vont donc regarder s’il y a ou non un licenciement économique fondé, si un
licenciement comporte ou non une cause réelle et sérieuse, si le licenciement est le fruit
d’une faute grave du salarié, si la procédure de licenciement a été respectée au regard du
droit du travail.
De plus, les juges devront regarder s’il existe ou non une modification substantielle du
contrat de travail ou du statut pouvant ouvrir droit à des dommages et intérêts.
Si les salaires paraissent en volume moins importants que les revenus des libéraux le
statut de salarié est financièrement plus sûr mais l’emploi est plus précaire (on peut être
licencié).
En exercice libéral indépendant, il existe une meilleure maîtrise de l’activité avec plus
d’autonomie mais aussi plus de risques financiers car le travail dépend des prescriptions
médicales, et de la fidélité des patients (souvent en rapport avec la qualité de son
travail).
74.- Le fournisseur de travail a donc des obligations vis-à-vis de son collaborateur
(fournir du travail, mettre celui-ci en mesure d’exécuter au mieux la prestation, et lui
fournir une rémunération conformément à ce que prévoit la loi).
Mais le collaborateur libéral s’oblige également lui-même vis-à-vis de son fournisseur
d’affaires dans le cadre des contrats de collaboration libérale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
37
Chapitre 2- Les obligations du collaborateur parti au contrat de
collaboration libérale.
75.- Le collaborateur libéral partie au contrat se voit imputer en premier lieu une
obligation de fournir une prestation de travail moyennant une rémunération (Section
1) ; mais il a aussi une obligation de loyauté et de bonne foi vis-à-vis de son fournisseur
d’affaires (Section 2).
- SECTION 1 : L’obligation de fournir une prestation de travail.
- SECTION 2 : L’obligation de loyauté et de bonne foi.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
38
Section 1- L’obligation de fournir une prestation de travail.
76.- Il apparait opportun de s’intéresser dans un premier temps à la notion de
prestation de travail elle-même (§1).
Nous verrons ensuite que le collaborateur libéral doit fournir cette prestation de travail
sans que se crée de lien de subordination avec le fournisseur de travail (§2).
§1-La prestation de travail.
77.- Nous verrons quel est le contenu de cette prestation de travail (A), et ce qu’elle
devient lorsqu’elle est insérée dans une relation de pouvoir dans le cadre des contrats de
travail (B).
A- Le contenu et la détermination de la prestation de travail.
78.- La prestation de travail est l’objet de l’obligation contractuelle du salarié
caractéristique du contrat de travail.
Elle est également une obligation contractuelle pour le collaborateur libéral puisque
celui-ci conclut un contrat avec le fournisseur de travail, et moyennant une
rémunération, il doit satisfaire à ses obligations.
En consentant au contrat de collaboration libérale, le collaborateur s’oblige à accomplir
la tâche convenue avec le fournisseur de travail.
79.- Dans le cas des contrats de travail, le travail s’exécute sous la direction et le
contrôle de l’employeur. Le collaborateur est quant à lui, totalement indépendant.
L’activité que doit exercer le collaborateur peut revêtir des formes diverses : en
l’occurrence, dans le cas d’un contrat de collaboration libérale entre médecins, il s’agira
de recevoir les patients du fournisseur de travail et de tenter de leur apporter les soins
nécessaires.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
39
Dans le cas des contrats de collaboration libérale concluent entre avocats, il s’agira pour
le collaborateur de recevoir les clients et de les conseiller et les défendre au mieux en
fonction de leur contentieux.
Le collaborateur est tenu de fournir cette prestation de manière personnelle, même si ce
dernier peut également organiser son remplacement avec l’accord du fournisseur de
travail.
La prestation de travail que demandera le fournisseur doit être une activité
correspondant aux qualifications professionnelles du collaborateur. Cette prestation doit
être fixée dans le contrat initial et les modalités d’exécution doivent être prévues à cet
effet.
Le fournisseur d’affaires ne peut pas exiger de prestations allant au-delà des capacités
du collaborateur.
Quand est-il de la prestation de travail insérée dans une relation de pouvoir ?
B- La prestation de travail insérée dans une relation de pouvoir dans les contrats de
travail.
80.- Dans les contrats de travail, l’employeur doit pouvoir surveiller et contrôler
l’exécution de la prestation de travail, mais également évaluer le salarié à partir de cette
exécution.
La surveillance, le contrôle et l’évaluation du salarié relèvent de l’exercice patronal.
Les procédés de surveillance et de contrôle se sont diversifiés avec, notamment, le
développement de l’informatique.
Cependant, quelques dispositions du Code du travail ou de la loi « Informatique et
libertés » ont introduit des restrictions à ces contrôles.
Ainsi, tout dispositif permettant de collecter des informations personnelles sur le
salarié doit préalablement être porté à sa connaissance30
. Une information ainsi
collectée ne pourrait être utilisée comme moyen de preuve.
30
Article L.1222-4 du Code du travail.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
40
L’employeur pourra recueillir des témoignages sur le comportement critiquable du
salarié dans l’exécution de sa prestation, ou encore recourir à un huissier afin d’établir
certains faits.
L’opération de contrôle de l’exécution de la prestation de travail peut se heurter à la
protection des libertés du salarié; ainsi, par exemple, l’employeur ne peut prendre
connaissance des messages émis ou reçus par le salarié grâce à l’ordinateur de travail
mis à sa disposition.
81.- Néanmoins, les choses sont différentes dans le cas des contrats de collaboration
libérale, qu’ils soient conclus entre plusieurs médecins ou plusieurs avocats.
La prestation de travail réalisée par le collaborateur doit se faire sans que l’on puisse
établir de lien de subordination entre lui et le fournisseur de travail.
§2-La réalisation d’un travail sans lien de subordination avec le fournisseur de travail.
82.- Le collaborateur se doit de fournir une prestation de travail pour le compte de
son fournisseur de travail.
Cependant, la réalisation du travail ne doit pas se faire en situation de subordination,
c'est-à-dire sous l’autorité du fournisseur d’affaires.
83.- Contrairement au salarié d’une entreprise, le collaborateur dispose d’une totale
autonomie. Il peut lui-même fixer ses horaires, il peut posséder un matériel propre, et a
la possibilité d’avoir du personnel sous ses ordres.
De plus, le collaborateur n’a pas à respecter les instructions et directives données par le
fournisseur de travail, alors que si le salarié ne le fait pas, ce dernier peut se voir
imputer une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
Le travail effectué par le collaborateur n’est pas soumis au contrôle du fournisseur de
travail.
84.- En l’absence de définition légale, la jurisprudence considère qu’il y a contrat
de travail lorsqu’une personne s’engage à effectuer une prestation de travail pour le
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
41
compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération. Parmi ces trois
critères, celui de la subordination juridique est décisif31
.
Dès lors aucun lien de subordination ne doit être établi entre le collaborateur libéral et le
fournisseur d’affaires.
Le collaborateur libéral possède également une obligation de loyauté vis-à-vis de son
fournisseur.
Section 2- L’obligation de loyauté et de bonne foi.
85.- Il semble opportun de s’intéresser dans un premier temps au régime de cette
obligation de loyauté/bonne foi dans le cadre des contrats de collaboration libérale (§1),
pour étudier ensuite les conséquences d’un éventuel manquement à cette obligation se
traduisant pas une condamnation pour déloyauté des parties (§2).
§1-Le régime de l’obligation de loyauté et de bonne foi.
86.- Nous tenterons dans un premier temps d’apporter une définition à la notion de
bonne foi (A), pour ensuite étudier son application dans les contrats et notamment dans
les contrats de collaboration libérale (B).
A- Définition de la notion de bonne foi.
87.- L’article 1134 du Code civil dispose que :
« Les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ».
Selon la Cour de cassation, la notion de bonne foi s’entend largement : il s’agit de la
loyauté, la solidarité dans un souci d’équilibre contractuel.
31
Cass, Soc. 13 Novembre 1996.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
42
Cette notion s’impose dans toutes les phases du contrat : négociation, formation,
conclusion, exécution, interprétation, renégociation et modification32
…
Cette notion se rapproche du concept de confiance légitime et constitue un principe
général du droit communautaire33
.
Egalement, le Convention de Vienne34
consacre cette notion de bonne foi contractuelle.
De plus, la notion est reprise dans les principes Unidroit35
:
« Les parties sont tenues de se conformer aux exigences de la bonne foi dans le
commerce international. Elles ne peuvent limiter cette obligation ni en limiter la portée.
Chaque partie est tenue d’agir conformément aux exigences de la bonne foi ».
La force obligatoire des conventions (1), conduit à la mise en œuvre de l’obligation de
bonne foi entre les parties au contrat de collaboration libérale (2).
1-La force obligatoire des conventions.
88.- Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites : ceci illustre la
force du contrat sur lequel les parties ne peuvent normalement pas revenir.
En raison du principe de la force obligatoire des conventions, le contrat apparait dès lors
comme irrévocable.
89.- Cependant, ce principe est mis à mal dans la mesure où les parties peuvent
révoquer le contrat par un consentement mutuel36
.
De la même manière, le juge a dans son pouvoir interprétatif, la possibilité de
s’immiscer dans le contrat conclu par les parties afin de remédier lui-même à un
déséquilibre.
32
Rapport de la Cour de cassation sur l’avant projet de réforme du droit des contrats : Projet Catala, 15
Juin 2007. 33
TPICE, 17 Janvier 2007, Grèce contre Commission. 34
Convention des Nations unies de 1980, sur les contrats de vente internationale de marchandise :
Convention de Vienne. 35
Article 1-7 des principes Unidroit relatifs aux contrats de commerce international, 2004. 36
Article 1134 al. 2 du Code civil.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
43
De plus, le législateur peut lui-même permettre à une partie de résilier unilatéralement
le contrat dans des conditions bien spécifiques.
Il peut s’agir d’accorder aux parties un délai de rétractation permettant de ne pas donner
suite au contrat conclu.
Dans le cas des contrats de travail à durée indéterminée, le salarié ou l’employeur
peuvent rompre unilatéralement le contrat de travail37
.
90.- Contractuellement les parties peuvent prévoir des clauses permettant à l’un ou
l’autre de se désengager : cela peut se traduire par l’insertion de clauses de résiliation
dans les contrats à exécution successive (contrat de bail), ou bien encore des clauses de
dédit permettant à une partie de se délier moyennant le versement d’une certaine somme
d’argent.
Le fait que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites implique un devoir de bonne foi de la part des parties dans l’exécution du contrat.
2-Le devoir de bonne foi.
91.- La notion de bonne foi est la croyance qu’a une personne de se trouver dans
une situation conforme au droit et la conscience d’agir sans léser les droits d’autrui et
sans fraude.
Cette notion de bonne foi est une notion qui revêt une grande influence dans beaucoup
de règles juridiques. Il s’agit d’une notion de fait où une personne de bonne foi doit
avoir un comportement régulier dépourvu d’intention de nuire, ou d’abus.
La bonne foi est toujours présumée. Celui qui allège la mauvaise foi doit l’établir.
92.- L’obligation de bonne foi est formulée à l’article 1134 alinéa 3 du Code civil.
Même si cette notion apparait comme une notion « floue », la jurisprudence l’utilise
souvent afin d’imposer des obligations aux parties au contrat.
37
R. Cabrillac, Droit des obligations, D, 2008.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
44
Les deux parties doivent notamment exécuter le contrat de manière loyale et doivent
coopérer à la bonne exécution du contrat. Dans ce cas, cette obligation de bonne foi
dans les contrats peut obliger l’une des parties à renégocier le contrat en cause devenu
déséquilibré en raison de bouleversements des circonstances économiques (il s’agira
alors ici de l’application de la théorie de l’imprévision).
Comment s’applique ce principe de bonne foi dans les contrats ?
B-L’application du principe de bonne foi dans les contrats.
93.- De manière générale, les parties à un contrat de collaboration libérale se
doivent de respecter les stipulations prévues par elles dans la convention.
Dans le cadre des contrats de collaboration libérale, le collaborateur a l’obligation
d’exécuter le contrat de bonne foi. Il doit être loyal vis-à-vis de son fournisseur de
travail.
Le collaborateur a un devoir de loyauté et d’honnêteté vis-à-vis de l’autre partie.
Il doit respecter ses obligations principales inhérentes au contrat de collaboration
libérale : fournir une prestation de travail, travailler en priorité avec la clientèle du
cabinet, ne pas « voler » la clientèle du praticien déjà établi...
94.- De son côté, le fournisseur d’affaires se doit de rémunérer le collaborateur via
une rétrocession d’honoraires, il doit lui laisser le temps nécessaire à l’exploitation de sa
clientèle propre, et doit notamment mettre à sa disposition tout le matériel nécessaire
pour travailler.
95.- Les parties au contrat de collaboration libérale ont le devoir implicite de
coordonner leurs efforts pour une coopération et exécution ponctuelle de leurs
obligations.
De cette manière, les obligations se multiplient : obligations d’informer, de se
renseigner, d’assister, de se concerter…
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
45
Le collaborateur doit agir au mieux dans les intérêts du fournisseur de travail et doit
rendre compte à ce dernier de toutes initiatives qu’il souhaite mettre en œuvre.
Ainsi, l’application du principe de bonne foi dans le contrat de collaboration libérale
engendre toute une série d’obligations diverses et variés à la charge des deux parties, de
manière à ce que ni le fournisseur d’affaires, ni le collaborateur ne soient sanctionnés
pour déloyauté dans l’application du contrat.
§2-La déloyauté des parties au contrat.
96.- Nous verrons dans un premier temps le principe de déloyauté (A), pour voir
ensuite la mise en œuvre de la concurrence déloyale dans les contrats de collaboration
libérale (B).
A- Le principe de déloyauté.
97.- La sanction de concurrence déloyale a un lien direct avec la notion de bonne
foi que nous avons vu précédemment.
Sera jugé de mauvaise foi l’auteur d’une manœuvre frauduleuse ou d’une dissimulation
déloyale grâce auxquelles l’autre partie aura été incitée à contracter dans les conditions
qui lui étaient proposées, ou encore aura été dissuadée de résilier ou de modifier le
contrat au moment où elle aurait pu encore le faire.
98.- La mauvaise foi constitue une faute délictuelle38
engageant la responsabilité de
son auteur et l’obligeant à réparer le préjudice causé.
Lorsque la mauvaise foi se manifeste au stade de la formation du contrat, on peut y
relever parfois un dol ou encore un vice du consentement, pouvant constituer un motif
d’annulation du contrat.
38
Article 1382 et suivant du Code civil : Responsabilité délictuelle.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
46
La déloyauté peut se manifester au stade de l’exécution du contrat ou bien encore au
stade de l’extinction du contrat (contentieux de la clause de non concurrence et de la
clause de non réinstallation imposées au collaborateur).
Comment la concurrence déloyale se manifeste t- elle dans les contrats de collaboration
libérale ?
B- La mise en œuvre de la concurrence déloyale dans le contrat de collaboration
libérale.
99.- L’absence imprévue du collaborateur peut poser des problèmes. Le contrat doit
prévoir dans ce cas que le collaborateur puisse trouver lui-même son propre remplaçant,
après avis favorable du fournisseur de travail.
100.- De plus, si le contrat le prévoit, le collaborateur peut exercer une autre
activité dans un autre cabinet mais il doit en avertir son fournisseur de travail.
Par exemple, si l’on prend le cas d’un collaborateur soumis à une clause de non
concurrence insérée dans le contrat, celui-ci ne pourra pas faire concurrence à son
fournisseur de travail en raison du risque de concurrence déloyale.
La sanction pourrait être une interdiction d’exercer la profession concernée et le
collaborateur libéral ne pourra alors plus jamais conclure de contrat de collaboration
libérale.
Nous étudierons la clause de non concurrence dans la seconde partie de cette
démonstration, puisque c’est elle qui constitue la source de concurrence déloyale
principale, et de conflit dans les contrats de collaboration libérale.
101.- En présence de clauses de non concurrence ou de clauses de non
rétablissement, la concurrence déloyale de la part de l’une des parties peut être établie
dans la mesure où ces clauses s’avèreraient « démesurées ».
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
47
En effet, elles ne doivent pas empêcher le collaborateur d’exercer une nouvelle activité
à la fin de son contrat de collaboration libérale, de plus, ce dernier doit être en mesure
de prendre avec lui la clientèle qu’il aura crée pendant sa collaboration.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
48
CONCLUSION Titre 1
102.- Afin de « tenter » de définir le contrat de collaboration libérale, il convient
dans un premier temps d’identifier les obligations prescrites de chacune des parties au
contrat.
Le fournisseur de travail a donc l’obligation de fournir du travail au collaborateur, ainsi
que les moyens nécessaires à la réalisation de ce travail.
Il doit, de plus, rémunérer le collaborateur pour ses services via une rétrocession sur
honoraires.
103.- Aucune subordination ne doit être établie dans la relation que ce dernier
entretient avec le collaborateur ; sans quoi le contrat se verrait requalifié en contrat de
travail. De la même manière, s’il est accordé au collaborateur libéral une trop grande
indépendance, et que les moyens nécessaires à l’exploitation de la clientèle du
fournisseur de travail, ainsi qu’à l’exploitation de sa clientèle propre ne sont pas fournis,
alors le contrat sera requalifié en contrat de sous-traitance.
104.- De son côté, le collaborateur libérale a lui aussi des obligations prescrites à sa
charge : il doit fournir la prestation de travail demandée en toute loyauté et en toute
bonne foi pour éviter que la concurrence ne soit entachée de déloyauté.
105.- Afin de tenter d’apporter une définition complète au contrat de collaboration
libérale, il convient d’envisager les obligations « exclues », à la charge de chacune des
parties, illustration de la spécificité du contrat.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
49
Titre 2- La prise en compte des obligations exclues : une exigence
originale de qualification.
106.- Le contrat de collaboration libérale contient beaucoup plus d’obligations de
ne pas faire que d’obligations de faire.
Il est notamment totalement exclu qu’il soit porté atteinte à l’indépendance du
collaborateur par la présence d’un lien de subordination entre le fournisseur de travail et
le collaborateur, ou bien encore que ce dernier ne soit pas mis en mesure de se
constituer une clientèle personnelle en plus de celle qu’il empruntera au fournisseur
d’affaires.
107.- Dans un premier temps, nous étudierons la nécessaire absence d’exclusivité
qui serait incompatible avec l’exigence de faculté de clientèle personnelle, gage de
l’indépendance du collaborateur libéral (Chapitre 1) ; puis nous verrons que la présence
d’un éventuel lien de subordination est également incompatible avec l’indépendance du
collaborateur libéral et donc interdit dans les contrats de collaboration libérale
(Chapitre2).
- CHAPITRE 1 : La nécessaire absence d’exclusivité incompatible avec
l’exigence d’une faculté de clientèle personnelle pour le collaborateur.
- CHAPITRE 2 : La nécessaire absence de lien de subordination incompatible
avec l’exigence d’indépendance inhérente au contrat de collaboration libérale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
50
Chapitre 1- La nécessaire absence d’exclusivité incompatible avec
l’exigence d’une faculté de clientèle personnelle pour le collaborateur.
108.- Le collaborateur libéral exploite une partie de la clientèle du fournisseur
d’affaires mais de par son indépendance, a également la faculté de se constituer une
clientèle personnelle.
Il exerce donc une double activité qu’il faut bien délimiter.
109.- Le collaborateur libéral possède une double casquette : il a le devoir
d’exploiter une partie de la clientèle de son fournisseur d’affaires, mais il possède
également une faculté de se constituer une clientèle personnelle (Section 1).
Cette double fonction implique que le fournisseur de travail ne puisse pas exiger d’avoir
un droit d’exclusivité sur la clientèle du collaborateur (Section 2).
- SECTION 1 : La double « casquette » du collaborateur libéral : une
exploitation de la clientèle de son fournisseur d’affaires, et une faculté de
constitution de clientèle personnelle.
- SECTION 2 : L’absence d’un droit d’exclusivité du fournisseur de travail sur
la clientèle propre du collaborateur libéral.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
51
Section 1- La double « casquette » du collaborateur libéral : une exploitation de la
clientèle de son fournisseur d’affaires, et une faculté de constitution de clientèle
personnelle.
110.- Le collaborateur libéral peut donc tirer profit d’une partie de la clientèle de
son fournisseur de travail (§1), mais il peut également se créer sa propre clientèle (§2).
§1- La faculté pour le collaborateur de profiter d’une partie de la clientèle de son
fournisseur d’affaires.
111.- Dans un premier temps, il apparait opportun de voir les conditions
d’exploitation de la clientèle du fournisseur de travail par le collaborateur (A) ; pour
observer ensuite quels sont les avantages et les inconvénients d’un tel contrat dans les
professions d’avocats et de médecins (B).
Les différences notables entre les deux régimes illustreront la « schizophrénie » du
contrat de collaboration libérale.
A- Les conditions d’exploitation de la clientèle du fournisseur de travail par le
collaborateur.
112.- A moins que les parties n’en conviennent autrement, la loi du 2 Août 2005
n’octroie au collaborateur aucun droit de propriété sur la clientèle du titulaire qu’il
exploite ou qu’il développe contrairement à ce que la clause d’acquisition de clientèle
(article 11) du projet de contrat de collaboration libérale proposé par l’Ordre peut
laisser penser39
.
113.- Certains ne souhaitent pas que le collaborateur développe en parallèle une
clientèle personnelle afin que ce dernier se consacre principalement au développement
de la clientèle de l’entreprise.
39
P.Bonnemaison, Le contrat de collaboration libérale : un modèle qui ne doit pas être érigé en
dogme, D. 2009.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
52
La loi impose seulement aux parties de préciser dans quelles conditions le collaborateur
peut éventuellement exploiter et développer une clientèle personnelle qui ferait l’objet
d’une facturation directe du collaborateur au client, en utilisant ou pas l’outil de travail
mis à disposition par le titulaire.
A défaut d’une clause contraire explicitée dans le contrat de collaboration libérale, le
Code de déontologie offre au collaborateur libéral la possibilité d’exercer dans plusieurs
domiciles professionnels.
114.- Le collaborateur libéral, dans le cadre du contrat, se voit confier par le
fournisseur d’affaires une partie de la clientèle appartenant au cabinet. Il doit l’exploiter
mais cette dernière ne lui appartient pas et ne lui appartiendra jamais. Le fournisseur de
travail garde l’exclusivité sur cette clientèle.
115.- Mais le contrat de collaboration libérale semble surtout dans les faits, créer un
régime différent selon que l’on soit dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale
conclu entre médecins ou entre avocats. Ces constatations faites, cela semble illustrer la
schizophrénie du contrat de collaboration libérale.
B- Les avantages et les inconvénients du contrat de collaboration libérale dans les
professions d’avocats et de médecins : Illustration de la « schizophrénie » du contrat de
collaboration libérale ?
116.- Nous nous intéresserons aux avantages et aux inconvénients que le contrat de
collaboration libérale peut apporter aux parties dans le cadre des professions médicales
(1), pour voir ensuite les avantages et les inconvénients d’un tel contrat pour les
professions d’avocats (2).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
53
1-Les avantages et les inconvénients du contrat de collaboration libérale pour les
professions médicales.
117.- Ce contrat présente un double intérêt :
Il permet à un médecin titulaire d’un cabinet de s’offrir les services d’un confrère, et
pour le collaborateur d’entrer progressivement dans l’activité libérale sans avoir à
supporter les frais d’installation.
118.- Dans ce cadre, il faut souligner que le collaborateur libéral n’est ni un
remplaçant ni un associé, il n’est pas non plus le salarié du confrère avec lequel il
travaille.
Comme tout professionnel, le collaborateur libéral dispose d’imprimés professionnels
personnels, faisant mention de sa qualité de collaborateur.
Il peut également apposer une plaque professionnelle, identique à celle du titulaire du
cabinet.
119.- La loi autorise le médecin collaborateur à se constituer sa propre clientèle, ce
qui constitue un avantage considérable pour ce dernier.
En effet, si le collaborateur décide de s’établir un jour seul, il pourra « emporter » avec
lui cette clientèle crée.
Cette disposition pose problème puisqu’en cas de litige, et si la collaboration venait à
être rompue, le collaborateur se verrait bien souvent opposer une clause de non
réinstallation ou une clause de non concurrence, pouvant lui faire perdre de fait le
bénéfice de cet embryon de clientèle.
120.- En effet, pour se protéger contre un éventuel détournement de clientèle, le
titulaire est bien souvent tenter d’ajouter une telle clause au contrat, faisant interdiction
au collaborateur de se réinstaller dans un périmètre donné et pendant une durée
déterminée, en cas de rupture du contrat de collaboration.
Or, le législateur a entendu permettre au collaborateur libéral de se constituer une
clientèle propre.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
54
L’ajout d’une clause de non réinstallation reste donc une faculté pour les signataires,
mais il faut bien comprendre « qu’elle altère la nature même du contrat de
collaboration ».
En tout état de cause, pour éviter les litiges sur la répartition de clientèle, on peut
préconiser d’opérer un recensement régulier des clientèles respectives du titulaire et du
collaborateur.
121.- Ce qui distingue la collaboration de l’association, est que le titulaire reste
propriétaire du cabinet.
Néanmoins, dans l’esprit des textes, la collaboration est censée aboutir à terme à la
conclusion d’un contrat d’association.
En effet, l’intérêt de ce type de contrat pour le titulaire est de lui permettre de
s’adjoindre les services d’un confrère pour faire face à une clientèle croissante, ou de
diminuer son activité en vue d’une cessation d’activité.
En matière de responsabilité professionnelle, les textes ont prévu que le collaborateur
libéral est responsable de ses actes professionnels dans les conditions prévues par la
réglementation applicable à chacune des professions.
122.- Le médecin collaborateur est donc pleinement responsable de ses actes
professionnels, et comme tout médecin exerçant à titre libéral, le collaborateur doit
souscrire une assurance Responsabilité Civile Professionnelle.
L’inconvénient majeur est donc que le collaborateur est personnellement responsable de
ses actes alors que dans les contrats de travail, la responsabilité du salarié s’impute sur
le salarié et sur l’employeur : il s’agit d’une responsabilité partagée. Le salarié bénéficie
donc d’une plus grande protection.
123.- Enfin, il convient d’ajouter que les professions médicales se situent dans un
secteur peu concurrentiel au regard du marché actuel. Conclure un contrat de
collaboration libérale implique dès lors des avantages économiques indéniables
puisqu’il est aisé de se constituer une clientèle personnelle.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
55
Pour que le contrat de collaboration libéral bénéficie réellement au collaborateur, il ne
faudra pas que la clause de non concurrence ou la clause de non réinstallation viennent
l’empêcher de récupérer sa clientèle propre.
Mais nous développerons cette idée dans la seconde partie de cette démonstration.
Les avantages et les inconvénients d’un tel contrat ne sont pas les même dans le cadre
des contrats de collaboration libérale concluent entre avocats.
2-Les avantages et les inconvénients du contrat de collaboration libérale pour les
professions d’avocats : l’avocat collaborateur comme « variable d’ajustement » à
l’activité du fournisseur d’affaires ?
124.- A partir du moment où il y a, dans un cabinet, des avocats liés par un contrat
de collaboration libérale, l’ambiguïté est présente40
.
En effet, le collaborateur libéral dispose, de la faculté de traiter une clientèle personnelle
aux frais du cabinet de son fournisseur d’affaires.
Cependant, « la fiction qui sous-tendrait le lien contractuel instauré par le contrat »
donne au fournisseur d’affaires le droit de mettre fin au contrat à tout moment sans que
le collaborateur ne bénéficie de garanties grâce au droit du travail par exemple.
125.- Le collaborateur libéral payant ses cotisations sociales, ce contrat est donc
très avantageux pour les cabinets.
Les règlements intérieurs des Ordres, puis le règlement intérieur national, ont placé
quelques règles protectrices souvent dans des contrats-types proposés aux avocats en
matière de congés de maternité en s’inspirant de la pratique des contrats de travail.
Il n’y a pas de rémunération garantie dans la collaboration libérale, contrairement à ce
que prévoient la convention collective des avocats salariés et les recommandations des
Unions de Jeunes Avocats sont loin d’être unanimement appliquées.
40
G.Cazelles, Convention préparatrice ACE-CNB Structures des cabinets, Atouts et faiblesses des
cabinets français, 20 Mars 2008.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
56
126.- Ce contrat constitue un atout économique indéniable pour les cabinets
d’avocats.
Très souvent, lorsqu’un cabinet est en difficulté, le fournisseur d’affaires se sépare en
premier lieu des collaborateurs avant de toucher aux salariés car cela lui coûte beaucoup
moins cher. Le collaborateur semble donc être une sorte de « variable d’ajustement » de
l’activité du fournisseur d’affaires !
De plus, au regard de l’expérience, il semble que les collaborateurs libéraux avocats
perdent en compétences lors de l’exécution de leur contrat de collaboration libérale.
En conclusion, les faiblesses du contrat de collaboration libérale dans le monde
juridique l’emportent sur ses atouts. « Il semble qu’il empêche toute vision à moyen et
long terme et conduit à privilégier une gestion à court terme en fonction des aléas de la
trésorerie du cabinet ».
127.- Enfin, le secteur des professions d’avocats est un secteur très concurrentiel au
regard du marché actuel. Dès lors, conclure un contrat de collaboration libérale semble
moins opportun que dans les professions médicales dans la mesure où il est difficile de
se constituer une clientèle propre. En effet, nous avons vu que déjà, de base, le
collaborateur a dans tous les cas des difficultés pour se constituer sa clientèle propre.
Mais cette difficulté est renforcée dans le cas des avocats puisqu’au regard de la
concurrence croissante présente dans le métier, il lui sera d’autant plus difficile
d’acquérir une telle clientèle.
Le collaborateur libéral travaillera donc essentiellement pour le compte du cabinet sans
véritablement percevoir les fruits de son travail, mis à part la rémunération à laquelle il
a droit.
128.- Les avantages essentiels qu’il en retirera seront la possibilité d’exploiter le
matériel du fournisseur de travail, sa clientèle. Mais malgré cela, de part son
indépendance, celui-ci doit supporter ses propres charges.
Il n’apparait pas que le contrat de collaboration libérale soit le plus opportun pour
l’avocat dans le contexte de marché actuel.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
57
§2- Le développement d’une clientèle personnelle par le collaborateur.
129.- La notion de clientèle personnelle fait partie du régime du contrat de
collaboration libérale (A), et les critères de la mise en œuvre de cette faculté de création
de clientèle propre sont bien particuliers (B).
A- La notion de clientèle personnelle.
130.- Nous verrons la définition de la notion de clientèle personnelle (1), pour
ensuite étudier la notion d’intuitu personae (2) qui permet de conclure que la clientèle
civile se rapproche énormément de la clientèle commerciale, et que dans cette mesure,
la clientèle civile est dans le commerce.
Le collaborateur peut « posséder » cette clientèle personnellement, la transmettre, dans
la mesure où la liberté de choix du patient est respectée.
1-La définition de la notion de clientèle personnelle.
131.- Depuis la loi du 2 août 2005, le contrat de collaboration doit prévoir les
"conditions dans lesquelles le collaborateur libéral peut satisfaire les besoins de sa
clientèle personnelle".
132.- La notion de clientèle peut recouvrir tous les clients d'un avocat, d'un
avoué…
D'une manière générale, il s’agit de « Tous ceux qui s'attachent à la personne d'un
homme puissant pour en obtenir des faveurs41
».
133.- On se représente la clientèle civile comme un ensemble de clients, « une
communauté d’hommes et de femmes ».
41
Wikipedia.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
58
Une telle définition empêche l’assimilation de la clientèle à une chose, et l’exclut du
commerce. Le Code civil42
indique qu’ « Il n'y a que les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l'objet des conventions ».
Or, la clientèle peut être cédée comme élément constitutif du fonds de commerce.
Ainsi, la clientèle commerciale est définie non pas comme un ensemble d’individus,
mais comme le ou les facteurs attractifs de clients.
On considère que les clients sont séduits par des éléments objectifs : l’emplacement
géographique, qualité des conditions dans lesquelles la marchandise est vendue....
134.- La clientèle peut donc être définie comme étant une chose dans le commerce
ayant alors une valeur au niveau économique.
La clientèle est donc :
« L’ensemble des relations d’affaires habituelles ou occasionnelles qui existent et
seront susceptibles d’exister entre le public et un poste professionnel (…) dont ils
constituent l’élément essentiel et qui généralement trouvent leurs sources dans des
facteurs personnels et matériels conjugués43
».
Cette définition convient pour la clientèle commerciale mais quant est-il de la clientèle
civile ?
L’auteur Roblot indiquait que « La clientèle est finalement un espoir de contrat futur et
renouvelé ».
Le rôle du professionnel libéral semble donc beaucoup plus important que le rôle du
professionnel commerçant.
135.- Dans le cadre des contrats de collaboration libérale, nous avons que le
collaborateur devait travailler avec une partie de la clientèle de son fournisseur
d’affaires moyennant une rémunération par ce dernier.
42
Article 1128 du Code civil. 43
Vocabulaire juridique, sous la dir. De G.Cornu, Travaux de l’association H. Capitant, Puf, 2005, 7ème
éd.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
59
Il s’agit d’une obligation essentielle du collaborateur inhérente au contrat de
collaboration libérale.
136.- Cependant, le collaborateur possède désormais une faculté de se constituer
une clientèle personnelle, étrangère à celle de son fournisseur de travail. C’est grâce à
son indépendance qu’il possède alors cette faculté.
Il ne s’agit néanmoins pas d’une obligation découlant du contrat mais d’une simple
faculté.
Le fournisseur d’affaires a donc l’obligation de mettre le collaborateur en mesure de se
créer cette clientèle propre.
137.- Le collaborateur ne doit cependant pas usurper la clientèle crée par son
fournisseur de travail. Il convient donc de bien distinguer les deux clientèles afin de ne
pas engendrer de contentieux.
La clientèle personnelle du collaborateur est donc celle avec laquelle ce dernier travaille
en dehors de ses heures de travail et en dehors des locaux mis à sa disposition par le
praticien.
En cas de rupture du contrat de collaboration, le collaborateur pourra partir avec cette
clientèle et ne sera pas dans l’obligation de la laisser au fournisseur d’affaires. Il s’agit
du fruit de son propre travail.
2-Le déclin du caractère inaliénable de l’intuitu personae.
138.- L’existence d’une clientèle civile tient pour une grande part dans la relation
de confiance particulière inspirée par la personne du médecin ou de l’avocat.
Une telle relation de confiance est difficilement transmissible. Le lien entre
professionnel libéral et clientèle est donc un lien intuitu personae. Il est de ce fait
incompatible avec la cession d’une clientèle civile.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
60
Cependant on peut contester cette vision dichotomique de la relation
professionnel/clients, opposant d’un côté les relations commerciales fondées
uniquement sur des éléments matériels, et de l’autre des liens fondés uniquement sur la
confiance.
La différence dans l’importance de l’intuitu personae entre clientèle commerciale et
clientèle civile semblait donc tenue par la jurisprudence jusqu’alors.
Mais, cette différence a tendance à s’atténuer aujourd’hui.
La multiplication des recours à un professionnel libéral entraîne qu’un client s’adresse à
tel ou tel médecin ou avocat en raison de sa proximité géographique ou de sa
disponibilité du moment, plus que pour sa personne propre.
À partir de cette approche, on comprend mieux le revirement de jurisprudence de la
Cour de cassation44
. Ce revirement ne serait que le reflet de l’évolution sociologique,
qui consacre l’entrée de la clientèle civile dans le commerce juridique.
139.- Il est intéressant de remarquer que, la Cour de cassation a posé cette solution
innovante, alors qu’elle n’était pas utile dans le litige en cause.
Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation ne se base pas sur la constatation de cession
d’une clientèle civile, mais retient que la liberté de choix du patient doit être
sauvegardée.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation évoque l’existence d’un « fonds libéral d’exercice ».
La Cour ne définit pas la notion, mais renvoie au concept de « fonds de commerce ».
Cette jurisprudence nouvelle a été confirmée dans un autre arrêt45
.
Là encore, la cession a été déclarée illicite au motif qu’elle ne préservait pas la liberté
de choix des patients.
Le fait de préserver la liberté de choix du patient semble donc être le critère de validité
de cession d’une clientèle civile.
44
Cass, Civ 1ère
, 7 Novembre 2000. 45
Cass, Civ 1ère
30 Juin 2004.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
61
Le collaborateur a donc le droit de « posséder »une clientèle, mais quoi qu’il arrive, il se
doit de respecter la volonté de cette dernière, ainsi que sa liberté de choix.
140.- Cet arrêt de 2000 semble un peu hypocrite dans la mesure où avant celui-ci,
les médecins utilisaient les contrats de présentation de clientèle en plus des engagements
de non concurrence, lorsqu’une cession de clientèle était nécessaire.
Dans ce cas, la liberté de choix du patient était respectée puisque ces contrats étaient
totalement aléatoires. Il n’y avait aucune certitude que le patient suive le praticien lors
de la cession.
Si la clientèle civile et désormais cessible c’est dans le respect de la liberté de choix du
patient.
De plus, si cette clientèle peut être cédée, c’est qu’elle constitue un bien, une chose dans
le commerce.
En effet, pour qu’une cession soit licite, la clientèle civile doit être considérée comme
commercialisable46
.
Même si la relation patient/médecin est une relation forte en intuitu personae, semblant
exclure le côté mercantile de la clientèle, il semble que cet intuitu personae ait perdu de
sa valeur aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, il n’y a plus aucun obstacle pour
comparer et assimiler la clientèle civile et la clientèle commerciale.
La notion d’intuitu personae traditionnellement présente dans la relation entre les
médecins et les patients par exemple, semble ne plus avoir beaucoup de sens
aujourd’hui.
Nous verrons plus tard que les frontières entre la clientèle civile et la clientèle
commerciale sont vraiment très minces et quasi inexistantes.
La clientèle peut donc « appartenir » au collaborateur libéral ou bien au fournisseur de
travail initialement implanté dans la mesure ou en cas de cession, ou de rupture du
contrat, la liberté de choix du patient soit respectée.
46
Article 1128 du Code civil.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
62
B- Les critères de mise en œuvre de cette « faculté » de création de clientèle propre.
141.- Dans tous les cas, le collaborateur sera autorisé à exercer sa profession sans
limitation en dehors de la zone de non concurrence définie au contrat.
Le collaborateur et le titulaire fixent ensemble, dans un esprit de confraternité, la
répartition du temps nécessaire aux deux activités du collaborateur.
Le collaborateur ne doit pas accorder trop de temps à sa faculté de création de clientèle
propre puisqu’il doit également travailler avec la clientèle que lui propose le fournisseur
de travail.
La faculté, pour le collaborateur, d’avoir une clientèle personnelle au sein du cabinet
(médecin ou avocat) doit être expressément reconnue par le contrat :
Il s’agit, pour le titulaire de mettre à la disposition du collaborateur le temps et les
moyens nécessaire pour prendre en charge et développer une clientèle personnelle.
142.- Dès lors plusieurs solutions sont envisageables.
Dans le cas d’un collaborateur libéral exerçant en qualité de médecin, si ce dernier
pratique une technique spécifique, il pourra être convenu que les patients venant au
cabinet pour cette spécialité constituent sa clientèle personnelle.
143.- En dehors de ce cas, la détermination d’un quota horaire raisonnable devra
être convenue pour permettre au collaborateur de créer sa clientèle personnelle :
Les patients dont le collaborateur s’occupera pendant ses « heures libres » constituent
sa clientèle personnelle, pendant le reste du temps le collaborateur consacrera son
activité à la clientèle du fournisseur de travail.
144.- Régulièrement, lors de l’établissement du solde de tout compte, le
collaborateur remettra au titulaire la liste de ses patients personnels, et en cas de
résiliation du contrat de collaboration, pour quelque cause que ce soit, le collaborateur
pourra informer ses patients du transfert de son activité en dehors de la zone de non
réinstallation prévue dans le contrat par les parties.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
63
145.- Si, en principe, la clientèle personnelle est exclusive du salariat, le traitement
d'un nombre dérisoire de patients propres au collaborateur ne fait pas obstacle à la
requalification de ce contrat en contrat de travail lorsqu'il est établi que cette situation
n'est pas de son fait mais que les conditions d'exercice de son activité ne lui ont pas
permis de développer effectivement une clientèle personnelle.
Ainsi, il appartient au juge de vérifier que les conditions d’exercice de l’activité du
collaborateur libéral lui ont permis dans tous les cas de développer sa clientèle propre de
manière effective. Le juge se base donc sur des critères subjectifs et la loi ne semble
prévoir aucun critère particulier sur lesquels pourrait se fonder le juge.
Là encore, il apparait difficile de délimiter les périmètres issus du contrat. La
jurisprudence semble occuper une très grande place dans la détermination du régime du
contrat de collaboration libéral.
146.- La collaboration se distingue du salariat en ce que le praticien doit pouvoir «
satisfaire à sa clientèle personnelle ».
À l'inverse, un professionnel salarié ne peut normalement pas avoir de clientèle
personnelle.
Ceci étant, la présence de quelques clients personnels ne suffit pas à écarter tout risque
de requalification d'un contrat de collaboration libérale en contrat de travail.
En effet, une requalification est toujours possible par le juge qui n'est pas lié par les
termes du contrat.
Les juridictions s'attacheront à rechercher, pour retenir la qualification de collaboration
libérale, si l'intéressé disposait d'une « autonomie suffisante pour constituer une
clientèle personnelle »47
.
147.- La Cour de cassation48
vient de nouveau, par une décision du 14 mai 2009
sanctionner un cas où le collaborateur ne disposait pas de moyens pour développer sa
clientèle personnelle et a requalifié la collaboration en contrat de travail, avec toutes les
47
Cass.Civ. 1re
, 16 Janvier 2007 ; et Cass, Ch. mixte, 12 Février1999. 48
Cass.Civ. 1ère
, 14 Mai 2009.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
64
conséquences très lourdes qui en découlent pour le titulaire : paiement des charges
sociales salariales et employeur, congés payés, indemnités de licenciement…
148.- Mais nous aborderons plus tard les questions relatives à une éventuelle
requalification du contrat de collaboration en contrat de travail.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a retenu comme primordiales les conditions
matérielles de l'exercice de la profession :
Le collaborateur libéral « doit jouir d'une indépendance technique ».
En revanche, si tous les moyens propices au développement d'une clientèle personnelle
sont mis à sa disposition, il ne pourra obtenir la requalification de son contrat s'il est
seul responsable de son échec ou de son refus à constituer une clientèle propre.
En cas de contentieux, il appartient au fournisseur d’affaires d’apporter la preuve que
tous les moyens nécessaire à la création d’une clientèle propre ont été mis à la
disposition du collaborateur.
Section 2- L’absence d’un droit d’exclusivité du fournisseur de travail sur la
clientèle propre du collaborateur libéral.
149.- Le collaborateur libéral possède selon la loi, un droit exclusif sur sa clientèle
propre (§1).
C’est grâce à son indépendance, que celui-ci peut commencer à se constituer un
« carnet d’adresse » tout en bénéficiant des acquis du fournisseur de travail.
Mais il apparait qu’il soit difficile pour lui de se constituer cette clientèle propre (§2) en
raison des effets même du contrat de collaboration libérale.
Les clauses de non concurrence et surtout les clauses de non réinstallation ne permettent
pas toujours au collaborateur d’exploiter correctement ce droit.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
65
§1-Le droit exclusif du collaborateur sur sa clientèle propre.
150.- Le collaborateur a l’obligation d’exploiter une partie de la clientèle du cabinet
afin de contribuer au bon fonctionnement de ce dernier.
Mais la particularité du statut de collaborateur fait que ce dernier a également la faculté
de se créer sa propre clientèle. C’est là l’avantage premier du contrat de collaboration
libérale pour le collaborateur.
L’existence d’une clientèle propre n’est pas obligatoire ; mais dans la mesure où elle est
constituée, la frontière entre la clientèle du cabinet et la clientèle propre du collaborateur
n’est pas toujours facile à établir.
Le collaborateur possède un droit exclusif sur sa clientèle et le fournisseur d’affaires ne
peut pas s’en prévaloir. De la même manière, le collaborateur ne peut pas s’attribuer la
clientèle de l’entreprise.
Le collaborateur peut choisir de ne pas se constituer de clientèle personnelle, mais s’il
est établi qu’on ne lui a pas laissé la simple « faculté » de le faire, le contrat pourra alors
être requalifié en contrat de travail modifiant toutes les conséquences qui en
découleront.
Si le développement d’une clientèle personnelle est pour le collaborateur, une simple
faculté, l’impossibilité d’y procéder résultant d’agissements du titulaire peut aboutir à
une requalification en contrat de travail49
.
151.- Comme nous l’avons vu, rien n’oblige pour autant le collaborateur libéral à
développer sa propre clientèle, et l’absence de clientèle personnelle ne constituera pas
un motif suffisant pour requalifier en contrat de travail un contrat de collaboration s’il
est avéré que le collaborateur a conservé une indépendance professionnelle suffisante.
En toutes hypothèses, le fournisseur de travail ne possède aucun droit sur la clientèle
crée par le collaborateur dans le cadre du contrat de collaboration libérale qui les unit.
49
Cass, ch. mixte, 12 Février 1999.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
66
Or, il apparait difficile pour le collaborateur libéral de faire valoir sa faculté de clientèle
personnelle, notamment si le contrat prévoit des clauses de non réinstallation ou bien de
non concurrence.
§2-Les difficultés pour le collaborateur libéral de faire valoir sa faculté de constitution
de clientèle personnelle : la clause de non réinstallation incompatible avec le statut de
collaborateur libéral ?
152.- La clause de non réinstallation peut être insérée dans le contrat de
collaboration libérale avec l’accord des deux parties au contrat.
Le fournisseur d’affaires possédant déjà sa clientèle, et au vue du droit du collaborateur
libérale de se constituer sa clientèle propre, ce dernier souhaite donc se garantir la
propriété de sa clientèle déjà établie.
Pour ne pas prendre le risque qu’en cas de rupture du contrat de collaboration libérale la
clientèle appartenant au cabinet suive l’ancien collaborateur, les fournisseurs de travail
insèrent souvent au contrat de collaboration libérale des clauses de non concurrence ou
bien des clauses de non réinstallation.
C’est là que les intérêts des deux parties se confrontent :
153.- Nous avons vu que le contrat de collaboration libérale a un intérêt pour le
collaborateur dans la mesure où ce dernier peut commencer à se constituer une clientèle
propre.
Or, si une clause de non concurrence ou bien de non réinstallation est insérée dans le
contrat, le collaborateur aura alors des difficultés pour obtenir cette clientèle propre.
D’un autre côté, le fournisseur d’affaires ne souhaite pas que le collaborateur lui fasse
concurrence car il n’est pas dans son intérêt de perdre de la clientèle.
En effet, pour lui, l’intérêt du contrat de collaboration libérale et de travailler avec un
collaborateur est qu’il puisse faire face à sa clientèle croissante, tout en répondant à la
demande afin de faire prospérer son affaire.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
67
Les intérêts des deux parties se confrontent. C’est la raison pour laquelle il est important
de « mesurer » l’application de ces deux clauses afin que ne soit porté atteinte à aucun
droit.
Dès lors qu’en est-il de la compatibilité de la clause de non réinstallation avec les
contrats de collaboration libérale ?
154.- La clause de non réinstallation interdit à un associé qui se retire de la société
d'exercer sa profession, à titre libéral ou salarié, pendant 3 ans dans un rayon
géographique de 20 km du cabinet, sauf autorisation des autres associés.
Le régime est le même dans les contrats de collaboration libérale.
Elle est par exemple incompatible avec le statut de la Société Civile de Moyen :
La clause de non-réinstallation contenue dans le règlement intérieur est incompatible
avec les statuts d'une SCM car elle est contraire à son objet social, qui est de faciliter
l'exercice de la profession par chacun de ses membres, et restreint considérablement le
droit de retrait des associés50
.
Cependant, cette clause est admise dans les contrats de collaboration libérale en toute
légalité.
Elle ne peut entrer en vigueur que si le contrat a duré plus de trois mois consécutifs.
Elle peut s’appliquer pendant le contrat et après le contrat au choix des parties.
Dans le cas des contrats de collaboration libérale concluent entre médecins, le
collaborateur a surtout soigné des patients qui n’étaient pas les siens mais ceux du
titulaire.
Il serait contraire aux règles de la confraternité qu’il puisse attirer vers lui ces patients
en s’installant immédiatement à proximité du cabinet de celui qu’il assiste ou a assisté.
Il s’agirait d’une tentative de détournement de clientèle, interdite par l’article R. 4127-
262 du Code de la Santé Publique (ancien article 55 du Code de déontologie : "Le
détournement ou la tentative de détournement de clientèle est interdit »), constitutive
d’un acte de concurrence déloyale.
50
Cass, Com, 1er
Mars 2011.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
68
155.- Cependant, la clause de non-réinstallation, si elle est légitime dans son
principe, doit être, comme nous l’avons dit précédemment, modérée.
En effet, elle doit protéger la clientèle du titulaire du cabinet sans porter atteinte de
façon abusive à la liberté d’exercice du collaborateur et à ses droits sur sa propre
clientèle.
Cette clause n’a pas à être rémunérée, puisque la rémunération obligatoire de la clause
de non-réinstallation ne concerne que les contrats de salariat. Il est recommandé aux
candidats collaborateurs de discuter la clause pour la réduire au minimum, ou bien alors
d’obtenir qu’il n’y en ait pas puisqu'elle n’est pas obligatoire dans les contrats de
collaboration libérale.
Il semble en tout état de cause, bien que légalement admise dans les contrats de
collaboration libérale, que la clause de non réinstallation apparaisse très difficile à
mettre en œuvre.
Elle n’est pas incompatible avec un tel contrat, dans la mesure où elle entend protéger
les intérêts des deux parties. Mais les intérêts du collaborateur et du fournisseur
d’affaires sont difficilement conciliables. Les collaborateurs libéraux ne souhaitent pas
de telles clauses dans leur contrat, alors que les fournisseurs d’affaires souhaitent même
parfois en abuser.
156.- Les « conventions d’exclusivité » peuvent être rencontrées au sein
d’établissements hospitaliers privés dont l’objet est de garantir un praticien exerçant en
son sein contre la concurrence d’autres médecins de la même spécialité.
En contrepartie du versement d’une redevance, le praticien bénéficiaire de l’exclusivité
obtient de la clinique un véritable monopole d’exercice. Mais dans le cas où celui-ci soit
soumis à un contrat de collaboration libérale, il doit également mettre en mesure le
collaborateur de se constituer une clientèle personnelle.
L’exclusivité peut donc être incompatible avec la faculté de clientèle personnelle.
157.- Cette situation est sans doute préjudiciable au principe de la liberté de choix
des patients et à l’indépendance des médecins, d’autres spécialités exerçant eux aussi
dans l’établissement concerné.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
69
L’exclusivité ne vaut que dans le cas où le patient n’a pas manifesté un choix contraire,
mais aussi que son accord ne se présume pas par son choix en amont de l’établissement
de soins.
De plus, la convention d’exclusivité n’a d’effet qu’entre les parties contractantes, et la
clinique, en la souscrivant, n’engage pas les autres médecins de l’établissement, lesquels
demeurent en droit de proposer à leurs clients les soins d’un autre confrère.
Il est évident que le droit de faculté de clientèle personnelle pour le collaborateur est
mis à mal face à une telle clause de non réinstallation, dans la mesure où cette dernière
ne serait pas « adaptée » au contrat, ou bien encore « déséquilibrée » au regard des
droits et obligations parties.
L’exclusivité que pourrait avoir un praticien sur une clientèle pourrait mettre à mal la
faculté de clientèle personnelle du collaborateur libéral, et mettre à mal son
indépendance.
158.- Concernant les obligations exclues des parties à un contrat de collaboration
libérale faisant alors toute son originalité, il est important que la relation entre le
fournisseur d’affaires et le collaborateur libéral ne comporte pas de lien de
subordination.
En effet, la subordination est incompatible avec l’indépendance du collaborateur, et si
ce lien est établi, le contrat de collaboration libérale sera automatiquement requalifié en
contrat de travail par le juge. Brèves2011-04-11
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
70
Chapitre 2- La nécessaire absence de lien de subordination incompatible
avec l’exigence d’indépendance inhérente au contrat de collaboration
libérale.
159.- Dans un premier temps il est important d’insister sur l’importance de la
faculté d’indépendance du collaborateur libéral (Section 1) ; pour voir ensuite les
conséquences d’un manquement à cette obligation d’indépendance imposée par la loi de
2005, en étudiant les effets d’une éventuelle requalification par le juge du contrat de
collaboration libérale en contrat de travail ou de sous-traitance (Section 2).
- SECTION 1 : La nécessaire indépendance du collaborateur libéral excluant
la présence d’un lien de subordination.
- SECTION 2 : La requalification possible du contrat de collaboration libérale
en contrat de travail ou en contrat de sous-traitance et ses conséquences.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
71
Section 1- La nécessaire indépendance du collaborateur libéral excluant la
présence d’un lien de subordination.
160.- La loi de 2005 impose que bien que le collaborateur travaille pour le compte
d’un fournisseur d’affaires, ce dernier puisse impérativement conserver son
indépendance.
Le critère d’indépendance est l’essence même du contrat de collaboration libérale (§1).
Le praticien expérimenté n’est qu’un simple fournisseur d’affaires ou de travail.
Si un lien de subordination s’établit dans la relation entre le fournisseur d’affaires et le
collaborateur, le contrat de collaboration libérale est alors courcircuité et le contrat de
collaboration libérale se verra requalifié (§2).
§1-L’exigence d’indépendance du collaborateur imposée par la loi de 2005.
161.- La loi LME de 200851
nous donne une définition du professionnel
indépendant :
« Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies
exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur
d’ordre »52
.
Si un collaborateur d’un cabinet d’avocat voit son contrat de collaboration requalifié en
contrat de travail, il ne relèvera dès lors plus des dispositions applicables aux
professionnels indépendants53
.
162.- Il apparait important de caractériser l’indépendance de l’activité du débiteur
pour déterminer s’il relève ou non des procédures collectives.
51
Loi de modernisation de l’économie, 4 Août 2008, n°2008-776. 52
Lamy Droit commercial, 2011. 53
Cass, Civ 1ère
14 Mai 2009. Requalification d’un contrat de collaboration libérale en contrat de
travail.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
72
La loi du 26 Juillet 200554
étend les procédures collectives à l’ensemble des membres
des professions libérales afin de leur permettre de bénéficier d’un régime de traitement
des dettes en cas de difficultés financières55
, ce qui apparait avantageux pour ces
derniers.
L’article L. 243-5 du Code de la sécurité sociale ne doit pas, sans méconnaitre le
principe d’égalité devant la loi, être interprété comme excluant les membres des
professions libérales exerçant à titre individuel du bénéfice de la remise de plein droit
des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus aux organismes de sécurité
sociale.
163.- Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la deuxième chambre
civile de la Cour de cassation le 16 Décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré
que les dispositions de l’alinéa 1 et 6 de l’article L. 243-5 du Code de la sécurité sociale
ne sont pas contraire ni au principe d’égalité devant la loi ni à aucun autre droit ou
liberté que la constitution garantit.
Mais la combinaison des deux alinéas permet une remise des pénalités, majorations de
retard et frais de poursuite dus par le redevable à la date du jugement d’ouverture quand
ce redevable est un commerçant, un artisan ou une personne morale de droit privé même
non commerçante.
Ainsi, ces dispositions n’incluent pas les professions libérales exerçant à titre individuel
dans le champ d’application de la remise de plein droit alors que les procédures
collectives ont été rendues applicables aux professions libérales par la loi du 26 Juillet
200556
.
La loi de 1971 indique que « La profession d’avocat est une profession libérale et
indépendante quel que soit son mode d’exercice ».
La notion d’indépendance figure donc dans le serment d’avocat.
Le mode d’exercice traditionnel du métier d’avocat est l’exercice indépendant.
54
Loi du 26 Juillet 2005, n°2005-845. 55
Revue Lamy Droit des affaires n°59, Avril 2011 ; Décision Conseil constitutionnel n°2010-101, 11
Février 2011 QPC. 56
Cass Civ 2ème
12 Février 2009.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
73
Mais la loi du 31 Décembre 1971 et le décret du 9 Juin 1972 ont donné à la profession
d’avocat un statut de collaborateur. Il s’agit donc d’une évolution importante par rapport
à ce qui était prévu initialement.
On évoque alors la notion de divisibilité de la notion d’indépendance. Ce qui caractérise
l’exercice d’une profession libéral c’est l’indépendance intellectuelle technique même
dans le cadre de la subordination juridique du contrat de travail.
L’avocat salarié est un professionnel libéral car il bénéficie de l’indépendance. A
contrario, il existe parfois une dépendance de nature économique de certains avocats
exerçant à titre individuel et rémunérés sous forme d’honoraires. Mais la préservation
de l’indépendance technique justifie que les relations contractuelles soient contrôlées
par les ordres.
Ainsi, le collaborateur et l’avocat salarié doivent être indépendants.
164.- Le contrat de collaboration intervient entre deux professionnels indépendants
même s’il établit une certaine subordination du collaborateur à l’égard de son patron.
Le contrat de travail de l’avocat comme le contrat de collaboration est soumis à un ordre
public de protection. L’avocat salarié ne peut pas avoir de clientèle personnelle
contrairement l’avocat soumis au contrat de collaboration libérale. Le lien de
subordination à l’égard de l’employeur concerne la détermination des conditions de
travail.
Quelle indépendance pour l’avocat exerçant en entreprise ?
165.- Titulaire d’un contrat de travail, l’avocat exerçant en entreprise serait un
salarié de l’entreprise. Son employeur ne serait pas membre de la profession.
Relativement à l’indépendance de l’avocat au sein de l’entreprise, on retient le principe
selon lequel le contrat de travail de l’avocat exerçant en entreprise serait nécessairement
régi par le Code du travail, sauf dérogation expresse par la loi spéciale, justifiée par le
respect de l’indépendance technique et la déontologie professionnelle.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
74
Comment s’exécute le contrat de travail de l’avocat exerçant en entreprise ?
166.- Le législateur a crée un nouveau statut pour la profession d’avocat et devrait
donc énumérer les clauses obligatoires et les clauses prohibées des contrats de travail.
L’avocat exerçant en entreprise bénéficierait d’un statut proche de celui de l’avocat
salarié. Il serait soumis à un lien de subordination à l’égard de son employeur pour la
détermination des conditions de travail mais son indépendance intellectuelle et
technique serait garantie.
Toute clause susceptible de porter atteinte à l’indépendance que comporte le serment de
l’avocat serait prohibée.
Mais en dehors de ces deux cas, la liberté contractuelle peut s’exprimer pleinement et
cela et d’autant plus notable au regard des clauses de non concurrence totalement
laissées à la libre appréciation des parties.
Tout cela est contrôlé par le conseil de l’ordre des avocats.
§2-Le lien de subordination : parasite du contrat de collaboration libérale.
167.- Le lien de subordination est très difficile à définir.
Aucune définition légale n’existe véritablement. Son appréciation s’est faite à travers de
nombreuses décisions jurisprudentielles. Le juge se voit attribuer un véritable pouvoir
d’appréciation.
Si ce lien est établi entre un fournisseur de travail et un collaborateur dans le cadre d’un
contrat de collaboration libérale, la qualification est alors mise en échec (A).
Quand est-il dès lors de la notion de « para-subordination » ? (B).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
75
A- Le lien de subordination comme problème d’indépendance pour l’avocat et le
médecin collaborateur : une « pesée » des indices de subordination et d’indépendance
effectuée par le juge.
168.- Il semble opportun de voir dans un premier temps que le juge joue un rôle
prépondérant pour définir le lien de subordination (1) ; et que ce lien de subordination
est parfois présent de manière déguisé dans les contrats de collaboration libérale (2).
1-Dans les contrats de collaboration libérale entre médecins : un lien de
subordination soumis à l’appréciation souveraine du juge.
169.- Afin de déceler un lien de subordination pour qualifier un contrat de travail, il
convient de relever une clientèle imposée ainsi qu’une absence de clientèle propre, des
contraintes d’horaires et des sujétions administratives, l’utilisation du matériel et du
personnel de l’entreprise, et enfin, une rémunération fixe ou une rétrocession
d’honoraire excessive.
Si le juge relève tous ces éléments, il peut décider que le médecin est un salarié de la
clinique dans laquelle il travaille ou du confrère qu’il est conduit à remplacer57
.
170.- Mais la difficulté réside dans le fait que ces indices ne sont pas toujours
réunis de manière évidente.
C’est la raison pour laquelle il est très difficile de mettre en évidence un lien de
subordination, et de savoir évaluer à partir de quand il apparait.
C’est alors que les juges procèdent à une analyse des conditions d’exercice de l’activité
en faisant une pesée des indices de subordination et d’indépendance. Il s’agit donc en
réalité d’une analyse au cas par cas non réellement définie par la loi.
171.- Le lien de subordination n’est pas reconnu lorsque des médecins associés
dans un cabinet et ayant leur clientèle propre assurent en complément indispensable de
leur activité libérale un service à une clinique selon un emploi du temps défini avec
57
Cass, soc, 27 Octobre 1978.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
76
celui-ci pour une clientèle composée pour 90% de leurs propres patients, peu importe
que cette activité soit pratiquée dans les locaux de la clinique avec du matériel et un
personnel apporté par cette dernière58
.
De plus, si un médecin exerce dans une clinique et qu’il n’est soumis à aucune
discipline, qu’il ne reçoit aucune instruction, qu’il peut s’absenter quand il le veut, qu’il
embauche du personnel travaillant sous ses ordres, peu importe que la rémunération des
actes médicaux soit perçue par la clinique, le lien de subordination n’est pas établi59
.
L’embauche par le médecin d’un personnel qu’il rémunère est venue renforcer les
indices en faveur de l’indépendance, l’absence de perception directe des honoraires
versés par les malades étant secondaire.
172.- Les remplaçants d’un médecin qui disposent d’une totale indépendance
technique et déontologique dans l’exercice de leur art, qui ne reçoivent aucune
instruction et qui, de plus, supportent les risques économiques liés à leur activité
temporaire ne permettent pas de caractériser un lien de subordination permettant de
requalifier un contrat de collaboration libéral en contrat de travail60
.
Cependant, il est clair qu’est lié par un contrat de travail un médecin soumis aux
instructions d’une mutuelle au plan administratif, et rémunéré par un salaire fixe61
, dès
lors, l’affaire relève de la compétence des juridictions prudhommales62
.
58
Cass, soc 27 Janvier 1998. 59
Cass, Soc 7 Mars 1979. 60
Cass, Soc 27 Février 2003. 61
Cass, Soc 23 Avril 1975. 62
Cass, Soc 19 Juin 2007.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
77
2-Dans les contrats de collaboration libérale entre avocats : un lien de
subordination déguisé.
173.- La loi de 199063
est venue réaffirmer que la profession d’avocat est une
profession libérale et indépendante.
Cependant, la loi a également reconnue que l’avocat pouvait exercer sa profession en
qualité de salarié.
Cette dernière loi organise les conditions de ce salariat. Le but est de concilier le
principe de subordination juridique attaché au contrat de travail et le principe
d’indépendance dont doit bénéficier l’avocat.
Dès lors il convient d’opérer une distinction entre l’avocat salarié et l’avocat
collaborateur.
La loi de 199064
a prévu que la profession d’avocat puisse être exercée pour le compte
d’un autre avocat selon deux modalités : la collaboration ou le salariat.
174.- La collaboration bénéficie d’une rétrocession d’honoraire et non pas d’un
salaire. Le praticien acquitte lui-même ses charges sociales et peut détenir une clientèle
personnelle. Comme nous l’avons vu précédemment, un avocat collaborateur qui
n’aurait pas été mis en mesure d’avoir une clientèle personnelle devra être considéré
comme un avocat salarié et non plus collaborateur65
.
175.- L’avocat salarié perçoit donc un salaire et doit consacrer son activité à son
employeur ne pouvant détenir de clientèle personnelle. Un lien de subordination entre
les deux parties est dès lors établi.
L’avocat collaborateur demeure maitre de son argumentation. Si cette argumentation est
contraire à celle que développerait l’avocat auquel il est lié, il est tenu avant d’agir d’en
informer ce dernier. Aucune disposition n’est similaire pour l’avocat salarié.
63
Loi n° 90-1259 du 31 Décembre 1990. 64
Loi n° 90-1259, 31 Décembre 1990. 65
Cass, Ch mixte, 12 Février 1999.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
78
Il semble donc que la frontière entre l’avocat salarié et l’avocat collaborateur soit très
mince contrairement à ce que disent les textes.
La plus grande des différences réside dans la responsabilité de la prise en charge des
cotisations sociales.
176.- Dans le cas de l’avocat salarié, les charges sociales sont partagées entre
l’avocat employeur et l’avocat salarié.
Dans le cas de l’avocat collaborateur, les charges sociales sont acquittées intégralement
par le collaborateur qui est présumé travailler de manière indépendante comme nous
l’avons vu précédemment et ce, même s’il travaille pour le compte d’un autre avocat.
L’avocat collaborateur peut détenir une clientèle personnelle mais de manière restreinte.
Il doit consacrer son activité à la clientèle du cabinet66
, ce qui implique finalement que
la collaboration juridique implique un certain état de subordination juridique tout
comme le salariat mais le régime est différent.
Finalement, dans les cas des avocats, il semble que la faculté de se créer une clientèle
propre n’apparaisse « qu’à titre subsidiaire » et que le lien de subordination soit déguisé
dans le contrat.
C’est la raison pour laquelle la requalification d’un contrat de collaboration libérale en
contrat de travail est très fréquente et pose autant de problème.
B- La para-subordination : illustration de l’hypocrisie du contrat de collaboration
libérale.
177.- La notion de subordination (1), dérive en notion de para-subordination (2). Il
convient d’en apprécier les différences.
Cette dernière notion confirme bien le fait que l’indépendance du collaborateur libéral
n’est jamais véritablement totale alors qu’au regard de la loi, un contrat de collaboration
libérale ne peut pas en être un si le collaborateur n’est pas totalement indépendant.
Dès lors, une requalification en contrat de travail par le juge est obligatoire.
66
Cass, Soc 18 Octobre 2006.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
79
Dans les faits, on observe que le collaborateur est d’une manière ou d’une autre toujours
soumis aux exigences de son fournisseur d’affaires et que les régimes respectifs de la
collaboration libérale, de la sous-traitance, du droit du travail, ou encore des contrats
d’entreprise, sont finalement tous liés.
1-La subordination.
178.- Le droit du travail s’est beaucoup développé et s’est avéré de plus en plus
autonome. C’est la raison pour laquelle il a fallu distinguer le contrat d’entreprise du
contrat de travail. Aujourd’hui les frontières entre ces deux contrats veulent être
effacées afin de rapprocher les deux régimes.
179.- Le contrat d'entreprise est un contrat par lequel une personne se charge de
réaliser un ouvrage pour autrui, moyennant une rémunération, en conservant son
indépendance dans l'exécution du travail :
Exemple : artisan chargé d'aménager une habitation...
De la même manière que dans les contrats de collaboration libérale, l’entrepreneur dans
les contrats d’entreprise doit conserver son indépendance et ce même s’il est rémunéré
par une entreprise et même s’il œuvre pour la clientèle de cette même entreprise.
La distinction entre les deux contrats était importante dans la mesure où en fonction de
la qualification contractuelle retenue il dépendait l’application du droit du travail ou du
droit de la sécurité sociale.
Aujourd’hui le principe de la distinction entre le contrat de travail et le contrat
d’entreprise tient à l’indépendance de l’entrepreneur67
, tout comme la distinction entre
67
Cass. Civ 3ème, 2 octobre 1979: « Les éléments du contrat impliquant que celui qui devait faire le
travail avait conservé une indépendance dans l’exécution des travaux, les juges d’appel ont pu
qualifier de contrat d’entreprise la convention intervenue entre les parties ».
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
80
le contrat de travail et le contrat de collaboration libérale tient à l’indépendance du jeune
collaborateur.
180.- Le salarié quant à lui est subordonné car il est soumis au pouvoir de contrôle
et de direction de son employeur.
Le critère de subordination juridique se détermine à partir de différents indices mais
aucun n’est réellement déterminant. Il appartient alors au juge de l’apprécier
souverainement.
Cette appréciation conduit à une « casuistique parfois déroutante68
».
L’indépendance se fonde alors sur une supériorité dans l’exercice du métier.
Mais l’évolution du contrat d’entreprise qui caractérise aujourd’hui la majorité des
professions libérales met en évidence le rapprochement entre le contrat de travail et le
contrat d’entreprise, tout comme il s’opère également un rapprochement entre les
contrats de travail et les contrats de collaboration libérale, du fait de la confusion quant
à la notion d’indépendance.
Cette remarque met en avant le fait que la frontière entre le contrat de collaboration
libérale et le contrat de travail est alors très mince.
181.- La frontière de la subordination étant difficile à établir, certains auteurs
parlent de l’existence d’un éventuel lien de « para-subordination », « sorte de lien de
subordination déguisé ».
Cette idée met en évidence la complexité du contrat de collaboration libéral, ainsi que la
frontière « sensible » entre le contrat de collaboration libérale et le contrat de travail
68
A. Bénabent, Louage d’ouvrage et d’industrie, Contrat d’entreprise, J.- Cl. Civil, Art. 1787, Fasc. 10,
1992, n° 66 ; La chambre sociale de la Cour de cassation a d’abord eu tendance à consacrer une «
conception extensive et édulcorée », du lien de subordination en le réduisant à la seule participation du
salarié à un service organisé, P. Puig, op. cit., n° 786 ; Puis, le législateur a posé une présomption de non
contrat de travail pour toute personne physique immatriculée au registre du commerce et des sociétés, qui
a été abrogée par la loi « Aubry II » du 19 janvier 2000, mais réintroduite à l’article L. 120-3 du Code du
travail par la loi du 1er août 2003. Aujourd’hui, le lien de subordination est caractérisé par les pouvoirs de
direction, de surveillance et de contrôle de l’employeur. Dès lors, on prend en compte de nombreux
indices mais aucun n’est véritablement déterminant. Il s’agit du lieu de travail, des horaires, des
conditions de travail, etc.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
81
2-Le lien de para-subordination.
182.- Il y a des professionnels qui organisent en apparence librement leur travail
mais qui se trouvent dans une situation de précarité et d’extrême vulnérabilité en face de
donneurs d’ordres directifs auprès desquels ils réalisent l’essentiel de leur chiffre
d’affaires.
Nous verrons que cela peut être le cas pour les entrepreneurs dans le cadre des contrats
d’entreprise.
Cela peut également être le cas du collaborateur puisqu’il ne faut pas oublier que celui-
ci a tout d’abord l’obligation de travailler avec la clientèle de son fournisseur d’affaires,
avant de se préoccuper de la constitution de sa clientèle propre.
183.- Ainsi, les collaborateurs peuvent tout à fait se trouver dans des situations de
précarité face au fournisseur de travail.
C’est la raison pour laquelle, certains auteurs militent pour la création d’un nouveau
statut intermédiaire de « para-subordination »69
ou de « quasi-salariat »70
.
Jacques Barthélémy indique que les frontières du contrat de travail seraient fondées sur
des considérations idéologiques et culturelles et non pas sur des certitudes juridiques.
184.- En effet, il semblerait que la subordination juridique ne soit pas incompatible
avec l’indépendance technique. Or, selon lui c’est l’indépendance qui a pour corollaire
la responsabilité.
Un salarié indépendant techniquement mais subordonné juridiquement pourrait être
responsable et inversement pour un entrepreneur dépendant économiquement ou
techniquement protégé.
Certains auteurs ont donc proposé une qualification de lien de para-subordination.
Ce nouveau lien entrainerait un déséquilibre dans le contrat justifiant alors une
protection qu’il faudrait puiser dans le droit du travail.
69
J. Barthélémy, Le professionnel parasubordonné, JCP E 1996, I, n° 606. 70
J. Barthélémy, Contrat de travail et d’entreprise : nouvelles frontières - réflexion sur la loi Madelin,
JCP E 1994, n°361.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
82
Le contrat de travail, pensé comme un contrat spécial, laisse dessiner une véritable
interaction de régime avec le contrat d’entreprise.
En effet, même si l’entrepreneur travaille pour son compte, et le salarié pour le compte
d’autrui, la subordination économique de ce premier le conduirait à bénéficier d’une
part de protection.
En l’état actuel des choses, la différence fondamentale de régime réside dans le support
des risques.
L’homme libre est responsable, l’homme soumis est, quant à lui, protégé.
Le collaborateur apparait donc intégralement responsable de ses actes alors que le
travailleur est protégé. L’employeur accorde sa protection à son employé.
185.- Le salarié travaille pour le compte et au profit d’autrui ce qui justifie qu’en
contrepartie, il soit protégé par l’employeur et que sa responsabilité civile soit atténuée
en cas de contentieux, tant à l’égard de l’employeur que vis-à-vis des tiers, notamment
des clients de son employeur71
.
En principe l’entrepreneur, à l’inverse, travaille pour son compte. Il assume alors le
risque de la perte et engage sa responsabilité à l’égard de ses clients. Il a donc,
contrairement au salarié, « la propriété de sa clientèle »72
.
186.- Si on considère que l’entrepreneur est dans un état de para-subordination vis-
à-vis de son maitre d’ouvrage, on pourrait dès lors envisager pour lui une protection
spécifique comme c’est le cas pour le salarié.
En effet, suivant cette logique, l’entrepreneur est soumis malgré sa liberté, c’est la
raison pour laquelle il devrait pouvoir bénéficier de règles de protection et notamment
d’un allègement de sa responsabilité.
187.- La responsabilité de l’entrepreneur se manifeste de différentes manières et à
différents stades du contrat.
71
Arrêt Costedoat, Ass. Plén. 25 février 2000, RTD civ. 2000, p. 582, observation. P. Jourdain, arrêt qui
retient l’immunité du préposé agissant dans la limite de ses fonctions. 72
Ph. Malaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux, n°741.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
83
Lorsque le service de l’entrepreneur porte sur une chose mobilière, le droit positif
prévoit, à l’article 1788 du Code civil73
, que si les matériaux sont fournis par le
prestataire, il en assume les risques. Mais que ceci ne vaut que jusqu’à la réception ou la
mise. Aussi, il ne peut prétendre au paiement des coûts des travaux.
Il assume en ce sens le risque du contrat.
Lorsque les matériaux ont été fournis par le maître de l’ouvrage, c’est ce dernier qui en
supporte la perte, à moins que cette perte ne soit imputable à l’entrepreneur.
Dans ce cas, il demeure soumis au risque du contrat, en ce qu’il ne peut réclamer aucun
prix. Si le service ne porte pas sur une chose, seule la règle Res perit debitori
s’applique. L’admission du statut d’entrepreneur para-subordonné, permettrait donc
d’alléger, son régime des risques et de responsabilité, par mimétisme du droit du travail.
188.- De la même manière, dans le cadre des contrats de collaboration libérale, le
collaborateur pourrait se retrouver dans cette situation de para-subordination vis-à-vis
de son fournisseur d’affaires. Il serait alors normal que celui-ci ne voit pas sa
responsabilité personnelle intégralement engagée en cas de contentieux.
Il pourrait bénéficier d’une protection tout comme il l’a été envisagé pour le contrat
d’entreprise.
Le collaborateur est en effet reconnu personnellement responsable de ses actes, ceci
découlant de la reconnaissance de son indépendance. Mais dans les faits, son
indépendance n’est pas totale puisque nous avons vu que finalement la frontière entre le
lien de subordination et l’indépendance était très mince.
189.- Ce statut de collaborateur libéral n’est donc, en cela, pas toujours avantageux,
sauf si le collaborateur se voit reconnaitre un partage des responsabilités entre le
fournisseur d’affaires et le collaborateur en cas de contentieux avec un client. Cette idée
serait un gage de sécurité juridique pour le collaborateur.
73
Article 1788 du Code civil : « Si, dans le cas où l’ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de
quelque manière que ce soit, avant d’être livrée, la perte en est pour l’ouvrier, à moins que le maître ne
fût en demeure de recevoir la chose », La Cour de cassation a précisé que : « l’article 1788 n’a pour objet
que de déterminer à qui incombent les risques en cas de perte de la chose, indépendamment de la
question de la propriété de l’ouvrage », Cass. Civ 3ème
, 23 avril 1974, D. 1974, p. 287, note J.Mazeaud.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
84
190.- De la même manière la confusion quant au lien de subordination existe dans
les contrats de franchise. Un contrat de franchise peut être très facilement requalifié en
contrat de travail si le critère de l’indépendance n’est pas respecté.
Mais il convient d’ajouter qu’en dehors même de toute requalification du contrat de
franchise en contrat de travail, les dispositions du Code du travail peuvent néanmoins
s’appliquer.
Les dispositions du Code du travail sont en effet applicables :
« Aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes
ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une
seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur
profession dans un local fourni ou agrée par cette entreprise et aux conditions et prix
imposés par ladite entreprise ».
Lorsque les conditions de l’article L. 781-1,2° du Code du travail sont vérifiées ce texte
s’applique quoi qu’ai prévu le contrat et sans qu’il faille établir un lien de subordination.
191.- Le franchisé bénéficiaire des dispositions de ce texte pourra notamment
revendiquer
à son profit, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de congés payés, et la
réparation du préjudice résultant du paiement injustifié d’un droit d’entrée lors de la
signature du contrat de franchise.
On peut dès lors établir qu’il existe dans ce cas une para-subordination entre le
franchiseur et le franchisé, puisque même si l’on se trouve dans un contrat de franchise,
les dispositions relatives au contrat de travail trouvent à s’appliquer.
Cette reconnaissance de para-subordination permet au franchisé de bénéficier des règles
avantageuses du Code du travail.
192.- Or, dans le cas d’un contrat de collaboration libérale, le lien de para-
subordination existe déjà, et aucune solution n’est mise en œuvre pour remédier au
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
85
déséquilibre que ce dernier engendre. Les collaborateurs n’ont aucune protection via le
droit du travail, résultant de ce lien de subordination.
193.- Cette notion de para-subordination n’est qu’un lien de subordination déguisé.
C’est donc une hypocrisie de penser que dans le cadre d’un contrat de collaboration
libérale le collaborateur est totalement indépendant, tout comme de dire que dans le
cadre d’un contrat de franchise, le franchisé est lui aussi totalement indépendant.
Section 2- La requalification possible du contrat de collaboration libérale en
contrat de travail ou en contrat de sous-traitance et ses conséquences.
194.- La mise en évidence d’un lien de subordination entre le fournisseur d’affaires
et le collaborateur libéral conduira inévitablement à une requalification du contrat de
collaboration libérale en contrat de travail.
De la même manière, si l’indépendance du collaborateur est trop importante, le contrat
pourra être requalifié en contrat de sous-traitance.
Il apparait opportun de voir dans un premier temps les effets de la requalification d’un
contrat de collaboration libérale en contrat de travail ou en contrat de sous-traitance par
le juge (§1) ; pour ensuite apprécier cette fois ci les effets d’une requalification de ce
même contrat en cas de rupture (§2).
§1- Les effets de la requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de
travail ou en contrat de sous-traitance.
195.- Nous verrons les effets de la requalification du contrat de collaboration libéral
en contrat de travail (A), puis en contrat de sous-traitance (B).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
86
A-L’application directe du régime du droit du travail en cas de requalification du contrat
de collaboration libérale en contrat de travail.
196.- Il apparait opportun de s’intéresser aux conséquences qu’aurait une
requalification d’un contrat de collaboration libérale en contrat de travail au moment de
la rupture du contrat en question.
Normalement les procédures de droit commun devraient s’appliquer en matière de
rupture de ce type de contrat.
Le conseil des prud’hommes est donc compétent pour traiter de ce genre de cas.
Cependant, il a fallu faire une différence entre le juge disciplinaire et déontologique et
le juge du contrat de travail.
L’avocat exerçant en entreprise serait à la fois soumis à l’autorité hiérarchique de son
employeur et à l’autorité ordinale pour ce qui concerne le respect de la déontologie. Le
Conseil des Prud’hommes n’est pas compétent pour traiter des questions relatives à la
déontologie74
.
197.- Donc, le contrat de travail de l’avocat exerçant en entreprise serait régi par le
Code du travail sauf dérogation expresse par loi ou règlement justifié par le respect de
l’indépendance technique et de l’éthique professionnelle.
L’avocat exerçant en entreprise ne serait tenu d’aucune obligation professionnelle,
aucune clause limitant la liberté d’établissement ultérieur de l’avocat exerçant en
entreprise ne pourrait figurer dans son contrat de travail, et la clause de non
concurrence serait laissée à la libre appréciation des parties.
L’avocat pourrait demander à son employeur d’être déchargé d’un dossier en faisant
jouer la clause de conscience, et les clauses portant atteinte à son indépendance seraient
prohibées.
Les dispositions du contrat seraient contrôlées par le Conseil de l’ordre.
Il conviendrait d’appliquer le droit commun de la responsabilité civile où l’employeur
serait responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par l’avocat
salarié.
74
Gazette du Palais 4 Mars 2006, n°63.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
87
L’avocat de l’entreprise serait personnellement tenu responsable du paiement des
cotisations dues pour le fonctionnement de l’ordre et du Conseil National des Barreaux.
Cette requalification, protectrice des salariés et conforme à la réalité, peut avoir de
lourdes conséquences financières pour les entreprises et peut constituer le délit de
travail dissimulé.
198.- Donc dans le cas d’une telle requalification, le salarié ancien collaborateur
pourra bénéficier de toutes les dispositions relatives au Code du travail : dispositions
relatives au licenciement économique, licenciement sans causes réelles et sérieuses,
indemnisations…
Le collaborateur ne pourra plus se prévaloir de posséder une clientèle personnelle, ou
encore d’une éventuelle indépendance.
En cas de litige, le juge s'attache au particularisme de chaque contrat.
Dans le cas du contrat de travail, c’est le lien de subordination qui est pris en compte.
La requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail aura pour
conséquences l’application du droit du travail, c'est-à-dire tout ce qui est relatif à une
rémunération minimale, au temps de travail, aux modalités de rupture du contrat ; ainsi
que l’affiliation au régime de la sécurité sociale.
199.- La mise en place de ce statut est donc beaucoup moins favorable pour le
fournisseur de travail que le statut de collaborateur libéral.
C’est la raison pour laquelle, afin d’éviter une requalification, il faut toujours veiller à
laisser le temps nécessaire au collaborateur libéral pour suivre ses dossiers personnels,
tout en lui donnant les moyens matériels afin d’accroître sa clientèle personnelle.
Ces deux critères ne sont pas toujours respectés et c’est la raison pour laquelle beaucoup
de contrat de collaboration libérale sont requalifiés en contrat de travail.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
88
La frontière entre le statut de travailleur indépendant et le statut de salarié est très mince
ce qui alimente considérablement le contentieux en la matière, entraînant des
conséquences juridiques et financières lourdes.
200.- C’est le caractère dérisoire de la clientèle personnelle qui permet la
requalification d’un contrat de collaboration libérale en contrat de travail.
Un arrêt de la Cour de cassation75
traite de cette requalification.
En l’espèce, une avocate avait demandé la requalification de son contrat de
collaboration en contrat de travail après la rupture de son contrat par la société d’avocats
qui l’employait.
En premier lieu, une instance arbitrale a été saisie, puis les juges en appel ont fait droits
à sa demande de requalification même si l’avocate avait traité quelques dossiers
personnellement pendant sa collaboration.
La première chambre civile confirme ce jugement en indiquant que :
« Si, en principe, la clientèle personnelle est exclusive du salariat, le traitement d’un
nombre dérisoire de dossiers propres à l’avocat lié à un cabinet par un contrat de
collaboration libérale ne fait pas obstacle à la qualification de ce contrat en contrat de
travail lorsqu’il est établi que cette situation n’est pas de son fait mais que les
conditions d’exercice de son activité ne lui ont pas permis de développer effectivement
une clientèle personnelle ».
La cour insiste sur le fait que l’avocate en cause n’avait traité que trop peu de dossiers
en dehors des heures de cabinet.
La cour de cassation a également jugé que :
« L’avocat salarié est celui qui est lié par un contrat de travail à un autre avocat et
dont le lien de subordination est caractérisé notamment pour lui par l’impossibilité
d’avoir et de développer une clientèle76
».
75
Cass, civ 1ère
, 14 Mai 2009. 76
Cass, ch mixte, 12 Février 1999.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
89
Elle justifie un refus de requalification d’une collaboration en contrat de travail par
l’existence d’une clientèle personnelle et la perception d’honoraires au titre de cette
activité personnelle, indépendamment de la rémunération forfaitaire prévue pour
l’activité77
, pour le cas d’un avocat stagiaire néerlandais et une entreprise en se fondant
sur l’absence de clientèle personnelle et le contrôle de l’activité de l’intéressé par son
employeur.
Le 14 mai 2009, la Cour de cassation a donc requalifié un contrat de collaboration
libérale en contrat de travail en considérant que le collaborateur libéral avait été privé de
son indépendance technique et n’avait pas été en mesure de développer sa clientèle
personnelle.
Cet arrêt de la Cour de cassation confirme bien l’importance du critère de faculté de
clientèle personnelle, ainsi que de celui de l’indépendance.
201.- Le Code du travail ne donne pas de définition permettant de caractériser le
contrat de travail ; il est possible, conformément à la doctrine et à la jurisprudence, de le
définir de la façon suivante:
« Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à mettre
son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle elle se place,
moyennant une rémunération ».
La prestation de travail représente la tâche physique, intellectuelle que s'engage à
réaliser le salarié.
Toutefois, la prestation de travail n'est pas déterminante pour qualifier un contrat de
travail, puisque la prestation de travail existe aussi dans le contrat d'entreprise ou dans le
contrat de sous-traitance par exemple.
Dans les contrats de travail, la rémunération est appelée aussi salaire.
77
Cass, Civ 1ère
16 Janvier 2007.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
90
Cet élément permet de distinguer le contrat de travail du bénévolat, mais l'absence de
rémunération ne permet pas d'exclure la qualification de contrat de travail, il peut s'agir
de l'inexécution, par l'employeur de son obligation contractuelle.
Le lien de subordination juridique est le critère déterminant. Il permet de distinguer le
travail salarié du travail indépendant.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution du travail sous l'autorité d'un
employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler
l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
La subordination s'apprécie en fonction de divers éléments :
La subordination est établie lorsqu’il existe une intégration dans un service organisé :
détermination d'un lieu de travail, des horaires de travail, fourniture du matériel, des
matières premières ou des produits.
Un médecin qui n'a pas de cabinet propre, ne choisit pas librement ses malades, et
dispense ses soins dans une clinique, avec un matériel et du personnel fourni par
l'établissement, et est soumis à des horaires et au règlement intérieur de la clinique, a été
considéré comme un salarié, peu important qu'il reçoive des honoraires reversés par la
clinique78
.
La même solution a été adoptée pour les avocats79
.
De plus, la subordination peut être établie avec la reconnaissance d’une direction et d’un
contrôle effectif du travail.
Il s’agit de la mise en œuvre du pouvoir de commandement l'employeur qui se traduit
par le fait de donner des ordres, des directives.
Le salarié doit rendre des comptes et peut être sanctionné pour manquement à ses
obligations.
202.- Finalement, les problèmes posés par cet arrêt de la cour d’appel de Colmar
semblent aller bien au delà de la simple requalification du contrat de collaboration
libérale en contrat de travail, en nous permettant de s’interroger sur le statut même de
78
Cass, Soc, 7 Décembre 1983. 79
CA, Montpellier, 6 Mai 1996.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
91
l’avocat collaborateur libéral dans un système dont la tarification syndicale suggérée du
montant de la rétrocession d’honoraires, impose une rentabilité du collaborateur
engendrant de manière quasi systématique la requalification de son pseudo statut libéral
en contrat de travail.
B- Les effets d’une requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de
sous-traitance.
203.- Le contrat de sous-traitance est une variété du contrat d’entreprise, c’est une
opération par laquelle un maître d’ouvrage confie un travail à un entrepreneur principal
(donneur d'ordres), qui recours à un tiers (sous-traitant) pour réaliser tout ou partie d'un
bien, d'un service…
Le contrat de sous-traitance entre dans la catégorie des contrats d’entreprise.
Dans ce type de contrat il n’existe pas de lien de subordination entre les parties. Il
s’ensuit que l’entreprise sous-traitante doit exécuter ses travaux en toute indépendance,
technique et organisationnelle, et exercer l’autorité directe sur ses salariés. Le contrat
doit porter sur une relation professionnelle et non sur une mise à disposition de main-
d’œuvre.
Le régime de ce contrat se rapproche beaucoup du régime du contrat de collaboration
libérale.
Le travail à effectuer doit être spécifique ou d’une technicité spéciale. Le délit de prêt
illicite de main-d’œuvre est constitué dès lors que le contrat de sous-traitance ne
présente pas les caractères d’un contrat d’entreprise.
L’indépendance de l’entreprise sous-traitante doit être établie.
Le sous-traitant doit être autonome dans la réalisation de ses travaux et doit s’engager à
exécuter les travaux conformément aux conditions prévues dans son contrat et dans les
délais convenus.
Le personnel du sous-traitant doit rester sous l’autorité exclusive de l’entreprise sous-
traitante qui dirige ses travaux et les surveille.
Les salariés de l’entreprise sous-traitante doivent avoir un savoir-faire spécifique,
distinct de celui de l’entreprise utilisatrice.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
92
Ils doivent avoir leurs matériels et leurs tâches doivent être clairement identifiées.
Les travaux exécutés par le sous-traitant doivent être rémunérés au forfait.
204.- Si l’on compare le contrat de collaboration libérale avec le contrat de sous-
traitance, on peut observer que la sous-traitance implique beaucoup plus
d’indépendance que la collaboration libérale ; et ce, même si les statuts sont très
proches.
En effet, le contrat de sous-traitance porte sur une prestation professionnelle, et il n’y a
pas de mise à disposition de matériels.
Or, dans les contrats de collaboration libérale, le fournisseur d’affaires se doit de mettre
à la disposition de son collaborateur tout le matériel dont il aura besoin. Le sous-traitant
ne bénéficiera pas de la secrétaire de l’entreprise qui l’emploie contrairement au cas du
collaborateur libéral.
Dès lors, si l’on constate une « indépendance démesurée » dans un contrat de
collaboration libérale, où le collaborateur ne recevrait aucun avantage et aucune aide du
collaborateur, le contrat pourrait être requalifié en contrat de sous-traitance.
§2-Les effets de la rupture d’un contrat de collaboration libérale.
205.- Il apparait opportun de voir tout d’abord les modalités de la rupture d’un
contrat de collaboration libérale (A), pour voir ensuite le nécessaire respect du délai de
prévenance (B).
A- Les modalités de la rupture du contrat.
206.- Le principe est que tout rapport entre confrère doit être empreint de
confraternité.
Cette règle s'applique aussi pour la rupture du contrat de collaboration.
Cette rupture peut être verbale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
93
Mais il est cependant préférable de matérialiser la rupture du contrat par l'envoi d'un
courrier en recommandé avec accusé de réception ou la remise en main propre
comportant la signature du collaborateur et du patron.
207.- La rupture n’a pas à être motivée, mais les conditions de la rupture peuvent
donner lieu à dommages et intérêts si elles caractérisent une faute dans l’exécution de la
relation contractuelle, notamment en raison des conditions vexatoires de la rupture.
Le fait que la rupture n’ait pas à être motivée est source d’insécurité pour le
collaborateur qui peut voir son contrat se terminer à tout moment. Si une rupture
survient à l’initiative du collaborateur, le fournisseur de travail n’aura pas de mal à
retrouver un autre jeune collaborateur. La rupture est donc plus désavantageuse pour le
collaborateur.
Néanmoins, même si la rupture n’a pas à être motivée, il convient néanmoins de
respecter un délai de prévenance.
B- Le nécessaire respect du délai de prévenance.
208.- Le délai de prévenance est une période normale d’exécution du contrat de
collaboration.
Le contrat de collaboration libérale doit être exécuté normalement par les parties, mais
en cas de rupture, un temps nécessaire doit être accordé au collaborateur afin de trouver
une nouvelle collaboration ou bien une association…
209.- Le délai de prévenance est aussi destiné à permettre au cabinet d’assurer le
remplacement du collaborateur et la « succession » dans la gestion de dossiers : si celui-
ci n’est pas exécuté du fait du collaborateur, ce dernier peut être tenu d’indemniser le
cabinet du « préjudice » subi.
Le cabinet doit permettre à son collaborateur de pouvoir effectuer son délai de
prévenance, dans les conditions normales et loyales.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
94
Toutefois, si le collaborateur n'est pas en mesure d'effectuer le délai de prévenance, du
seul fait du cabinet, il sera indemnisé du montant de sa rétrocession pour le temps
correspondant à ce délai de prévenance.
En tout état de cause, la dispense d’effectuer le délai de prévenance donnée par le
cabinet au collaborateur ne concerne que les dossiers que le collaborateur traite pour le
compte du cabinet : elle ne prive pas le collaborateur du droit de bénéficier, au sein du
cabinet, d’une structure d’accueil de travail et de réception pendant le restant du délai de
prévenance80
.
Le but est qu’il puisse, notamment, continuer à traiter sa clientèle personnelle81
.
Le cabinet peut toutefois mettre un terme unilatéralement au délai de prévenance et à la
domiciliation du collaborateur en invoquant un « manquement grave flagrant aux règles
professionnelles » conformément à l’article 14.4 du RIN.
La jurisprudence est très stricte sur la définition et sur la preuve du « manquement grave
flagrant aux règles professionnelles ».
80
Sentence Arbitrale du 23 Février 2006. 81
Avis de la Commission de la Déontologie du 12 Novembre 2004.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
95
CONCLUSION Titre 2
210.- Les obligations exclues dans le cadre du contrat de collaboration libérale sont
notamment la présence d’une subordination dans la relation établie entre le fournisseur
et le collaborateur. Il est essentielle dans le cadre de ce contrat de respecter
l’indépendance du collaborateur, sans quoi, le contrat pourrait se voir requalifié en
contrat de travail.
Néanmoins, il y a des professionnels qui organisent en apparence librement leur travail
mais qui se trouvent dans une situation de précarité et d’extrême vulnérabilité en face de
donneurs d’ordres directifs auprès desquels ils réalisent l’essentiel de leur chiffre
d’affaires.
Ceci se caractérise par un lien de para-subordination ou encore un lien de subordination
déguisé présent dans tous les contrats de collaboration libérale et portant atteinte à
l’indépendance du collaborateur et à sa faculté de se constituer une clientèle
personnelle.
Cette para-subordination devrait en toute logique engendrée une protection du
collaborateur par le droit du travail.
Ce lien peut se caractériser par le fait que le collaborateur se doit en premier lieu,
d’exploiter la clientèle du cabinet. Ceci implique que le fournisseur puisse exercer un
contrôle sur les agissements de ce dernier.
Du moment où un contrôle du fournisseur est établi, le lien de para-subordination est
également caractérisé.
211.- De plus, le fait que le collaborateur soit dans l’obligation d’exploiter la
clientèle du fournisseur en priorité peut, dans certains cas porter atteinte à sa faculté de
clientèle personnelle.
En effet, le collaborateur ne possède pas toujours le temps nécessaire pour « jouer sur
les deux tableaux » au détriment de la constitution de son « patrimoine de clientèle ».
Le collaborateur ne doit pas s’attribuer la clientèle du cabinet, et le fournisseur de
travail ne doit pas s’attribuer celle du collaborateur : cependant, il est dans la majorité
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
96
des cas très difficile de déterminer à qui doit revenir la clientèle. La délimitation à
opérer n’a jamais été clairement établie, et il arrive souvent que l’un empiète sur l’autre.
Le fournisseur d’affaires ne possède pas de droit exclusif sur la clientèle personnelle
crée par le collaborateur en dehors des cadres du contrat.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
97
CONCLUSION Partie 1
212.- Le contrat de collaboration libérale ne comporte pas de cadre précisément
prévu par la loi. Les tentatives d’harmonisation du statut par la loi de 2005 ont
échouées.
Il contient des obligations prescrites : le fournisseur de travail se doit de fournir du
travail au collaborateur, de lui fournir les moyens matériels pour pouvoir travailler, et de
rémunérer son collaborateur, comme nous l’avons vu dans le développement précédent.
De son côté, le collaborateur se doit surtout d’exécuter le contrat de collaboration de
bonne foi et de respecter ainsi une obligation de loyauté. Il doit répondre à la demande
du fournisseur de travail en exécutant une prestation de travail.
213.- Mais la définition de ce contrat contient essentiellement des obligations
exclues à la charge des parties, illustration de l’originalité de ce contrat quant à sa
nature.
Il s’agit en effet du devoir de ne pas créer de lien de subordination entre le fournisseur
d’affaire et le collaborateur, et de ne pas envisager d’exclusivité quant à la clientèle
dans la mesure où le collaborateur a une faculté de se constituer une clientèle
personnelle.
La mise en évidence de tels éléments pourrait conduire à requalifier le contrat de
collaboration en contrat de travail si le lien de subordination était constaté, ou bien
encore en contrat de sous-traitance dans le cas où l’indépendance du collaborateur serait
trop importante (car le collaborateur doit être « indépendant », mais en aucun cas
« autonome »).
214.- C’est donc là que réside toute la difficulté de qualification du contrat de
collaboration libérale. Le lien de subordination est très difficile à définir, et la notion
d’indépendance, bien plus que la faculté de se constituer une clientèle personnelle pour
le collaborateur, apparait comme une condition essentielle de validité du contrat de
collaboration libérale très difficile à évaluer également.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
98
215.- Nous avons vu que la frontière entre la relation de subordination et
l’indépendance est très mince et que finalement certains contrats de collaboration
libérale sont des contrats de travail déguisés. On observe alors une « divisibilité de la
notion d’indépendance ».
Un lien de para-subordination est presque toujours établi dans la relation entre le
fournisseur d’affaires et le collaborateur sans que celui-ci ne bénéficie pour autant de
certaines protections du Code du travail.
216.- Le législateur a donc voulu crée un contrat propre aux activités libérales, en
instaurant un statut unique.
Dans les faits, le contexte dans lequel évolue le contrat pose problème et la nature du
contrat de collaboration libéral n’est jamais la même en fonction du contexte dans
lequel il se trouve.
Il est donc impossible finalement d’apporter une définition unifiée de ce contrat.
217.- Parmi les remarques que nous avons faites au cours de ce développement,
nous avons relevé qu’il est en réalité très difficile de délimiter le périmètre issu du
contrat.
Par exemple, le collaborateur a une double fonction : celle de se constituer une clientèle
propre mais également celle de profiter d’une partie de la clientèle de son fournisseur
d’affaires.
Dès lors, ou se situe la frontière permettant de séparer la clientèle appartenant au
collaborateur à proprement parlé, et la clientèle attachée au fond du fournisseur de
travail ?
218.- C’est donc le manque de clarté quant à la définition du contrat en lui-même,
qui nous conduit à étudier le « contexte » dans lequel évolue le contrat de collaboration
libérale afin de mieux appréhender ses conséquences, ses effets sur le marché en
général, et son intérêt économique par rapport à un contrat de travail traditionnel par
exemple, ou bien encore par rapport à un contrat de sous-traitance ou d’association.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
99
219.- C’est en observant la manière dont est appliqué le contrat dans les faits, et
donc en travaillant avec la jurisprudence que nous pourrons tenter de mieux comprendre
les intérêts et les enjeux de cette qualification.
Le statut du collaborateur libéral semble être un statut « pseudo libéral », la faculté de
création de clientèle personnelle et le critère d’indépendance se heurtent en permanence
avec les clauses de non concurrence et de non réinstallation ; l’exigence d’indépendance
du collaborateur n’est pas toujours respectée puisque ce dernier doit en premier lieu
travailler pour le compte du cabinet…
L’intérêt du recours à ce contrat dépend du contexte dans lequel il évolue.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
100
Partie 2- Le contexte du contrat de collaboration libérale.
220.- Tout l’intérêt de ce contrat réside au niveau du contexte dans lequel il évolue.
L’activité libérale n’est pas un tout uniforme.
Nous verrons que le contrat de collaboration libérale n’a pas la même application dans
le cadre des professions de médecins et des professions d’avocats en l’occurrence.
L’unité de l’activité libérale n’est qu’une « façade » qui rend compte du fait que le droit
n’évolue pas seulement dans un cadre légal mais principalement par rapport à la
doctrine, la jurisprudence…
Il est important d’étudier le contexte dans lequel évolue le contrat pour mieux le
comprendre car comme nous l’avons vu, la loi à elle seule ne suffit pas à délimiter le
périmètre issu du contrat.
221.- On remarque donc que dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale, le
collaborateur va agir dans le cadre du contrat même en respectant ses obligations de
fournir la prestation demandée, et en respectant son devoir de loyauté et de bonne foi
vis-à-vis du fournisseur de travail ; mais il va également agir en dehors du contrat en
utilisant son droit création de clientèle personnelle.
Le collaborateur se voit attribuer ce droit grâce au contrat de collaboration libérale mais
ne l’exerce pas dans le cadre de la convention conclue entre les parties.
Il s’agit là d’une idée novatrice : il est possible d’exécuter un contrat en dehors du
contrat.
Dès lors, quelles en sont les conséquences par rapport au contrat lui-même ?
222.- C’est là tout le paradoxe du contrat de collaboration libérale, puisqu’on se
situe dans un statut a priori unifié par la loi mais dans les faits, la définition du contrat
dépend du contexte intrinsèque et extrinsèque dans lequel évolue la convention. Le
régime du contrat de collaboration libéral n’est pas le même dans le cadre des
professions de médecin et d’avocat.
Il n’existe pas de définition de ce contrat, et sa mise en œuvre apparait dans tous les cas
ambigüe.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
101
Le fait que les obligations des parties se manifestent dans le cadre du contrat, ainsi
qu’en dehors du contrat, nous amènera à étudier dans un premier temps le contexte
intrinsèque dans lequel évolue le contrat de collaboration libérale (Titre 1), pour
apprécier ensuite le contexte extrinsèque dans lequel évolue le même contrat (Titre 2).
- TITRE 1 : LE CONTEXTE « INTRINSEQUE » DU CONTRAT DE
COLLABORATION LIBERALE.
- TITRE 2 : LE CONTEXTE « EXTRINSEQUE » DU CONTRAT DE
COLLABORATION LIBERALE.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
102
Titre 1- Le contexte « intrinsèque » du contrat de collaboration
libérale.
223.- Le régime du contrat de collaboration diverge en fonction du contexte
intrinsèque du contrat de collaboration libérale.
Cette divergence découle de la difficile délimitation des périmètres issus du contrat de
collaboration libérale (Chapitre 1).
De cette manière, en fonction du contexte intrinsèque du contrat, le régime et les effets
diffèrent (Chapitre 2).
- CHAPITRE 1 : La difficile délimitation des périmètres issus du contrat de
collaboration libérale.
- CHAPITRE 2 : Le régime du contrat de collaboration libérale et ses effets en
fonction du contexte intrinsèque du contrat.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
103
Chapitre 1-La difficile délimitation des périmètres issus du contrat de
collaboration libérale.
224.- Les périmètres du contrat de collaboration libérale sont difficiles à établir, et
ce notamment au regard de la faculté de clientèle personnelle du collaborateur et de la
notion de « fonds libéral » (Section 1).
De la même manière, les clauses de non concurrence et de non réinstallation pouvant
être insérées dans de tels contrats, rendent la délimitation des périmètres d’autant plus
complexes (Section 2).
- SECTION 1 : La clientèle personnelle du collaborateur et la notion de fonds
libéral.
- SECTION 2 : La portée et l’appréciation de la clause de non concurrence et
de la clause de non réinstallation dans les contrats de collaboration libérale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
104
Section 1- La clientèle personnelle du collaborateur et la notion de « fonds libéral ».
225.- Il apparait opportun d’étudier dans un premier temps la notion de fonds
libéral (§1) ; pour ensuite apprécier la valeur de la clientèle personnelle du collaborateur
libéral au regard de cette notion (§2).
§1- Le fonds libéral.
226.- La notion de fonds libéral apparait comme une pure création jurisprudentielle
(A), il convient d’en voir l’application dans les contrats de collaboration libérale (B).
A- Le fonds libéral en tant que « pure création prétorienne ».
227.- L’absence d’unité dans la définition même de la notion de fonds libéral (1), a
conduit la jurisprudence à intervenir afin de tenter de délimiter la définition du fonds
libéral.
C’est ainsi que la cession du fonds libéral a été reconnu à la condition que la liberté de
choix du patient ou du client soit respectée (2).
1-L’absence d’unité dans la définition même du fonds libéral : l’intervention de la
Cour de cassation.
228.- Même lorsque le professionnel, membre d'une profession libérale, accomplit
des actes de commerce à titre habituel, il ne devient pas pour autant titulaire d'un fonds
de commerce82
.
Les activités libérales sont « civiles » par nature et le professionnel ne peut pas avoir un
courant de clientèle commerciale.
Le « fonds libéral » représente la clientèle du cabinet médical ou de l’étude d’avocat.
82
A. Reygrobellet, Sur les conditions substantielles à respecter pour céder un fonds libéral, Fonds de
commerce, Dalloz, 2005.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
105
Le législateur ne s’est jamais intéressé à donner une définition de cette notion de fonds
libéral. La loi restant muette, la jurisprudence prend le relai afin de se prononcer sur ce
sujet.
Historiquement, la jurisprudence avait interdit toute cession de clientèle civile obligeant
ainsi le monde libéral à développer des procédures originales basées sur le respect par
les parties d’obligations personnelles.
C’est dans cette mesure là que le statut de fonds libéral n’a jamais été unifié.
229.- Le monde libéral apparait très vaste en raison de la multitude des professions
visées, ce qui rend sa définition beaucoup moins évidente. Chacune des professions que
compose le fonds libéral tentent de leur côté de s’organiser autour d’un ordre.
230.- Ainsi, l’absence d’unité et la diversité des pratiques n’a jamais incité le
législateur à se pencher sur la question afin de tenter d’imposer une organisation ou
encore un encadrement.
Le Code civil83
dispose que seules les choses qui sont dans le commerce juridique
peuvent être vendues. Certaines choses sont indisponibles pour des raisons tenant à
l’ordre public et aux bonnes mœurs.
231.- Dès lors est-il possible de considérer la clientèle comme une chose au sens de
l’article 1128 du Code civil pouvant alors être l’objet de convention et faire l’objet de
cession ? Peut-on inclure la clientèle dans le commerce ?
232.- La cession de clientèle civile a toujours posé des problèmes. Elle se heurtait
au principe de l’indisponibilité de la personne et les conventions étaient jugées nulles
sur le fondement du défaut d’objet ou de cause.
La cession directe de la clientèle médicale était prohibée car elle portait atteinte à la
liberté de choix du patient.
La construction jurisprudentielle de la notion de fonds libéral repose sur deux décisions
complémentaires rendues par la première chambre civile de la Cour de cassation.
83
Article 1128 et 1598 du Code civil.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
106
Le revirement initial est intervenu à l'occasion d'un arrêt rendu le 7 novembre 2000, puis
d’un autre arrêt rendu par la même Cour en 200184
.
L'existence du fonds libéral permet à la Cour de cassation d'admettre, enfin, la licéité
des conventions de cessions de clientèles civiles, mais cette licéité n'est pas
inconditionnelle85
.
C'est le second arrêt, rendu le 2 mai 2001, qui est venu apporter des précisions sur la
notion de fonds libéral et son contenu :
« La clientèle d'un époux exerçant une profession libérale, de même que les matériels et
les locaux, l'ensemble formant un fonds d'exercice libéral ».
La décision confirme deux éléments: d'abord, que le raisonnement s'applique, au-delà
des professions médicales, à l'ensemble du secteur libéral ; ensuite, que la notion de
fonds libéral a été construite par décalque de la figure juridique du fonds de
commerce86
.
Il s’agit d’un revirement où il semble que le droit s’adapte aux faits, mais il apparait que
la cour n’a pas étendu ce droit à toutes les cessions de clientèles civiles et a limité sa
solution aux clientèles médicales.
233.- Avant de dire que la cession de clientèle médicale n’était pas illicite, on
admettait cependant la validité de l’engagement de présenter le successeur d’une
profession libérale à la clientèle.
L’arrêt de la cour ne fait que reprendre un principe déjà reconnu dans les faits. La
clientèle médicale peut faire l’objet de conventions comme la clientèle commerciale ce
qui permet de reconnaitre l’existence d’un fonds libéral.
84
Cass, Civ 1re
, 2 mai 2001. 85
J. Mestre, B. Fages, Le fonds libéral, RTD Civ, 2001, n°2. 86
A. Reygrobellet, Sur les conditions substantielles à respecter pour céder un fonds libéral, Fonds de
commerce, Dalloz, 2005.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
107
234.- Dans un premier temps les tribunaux interdisaient la cession de clientèle
médicale en se fondant sur la liberté de choix du patient. Cette solution était rigoureuse
puisqu’elle empêchait une personne cessant d’exercer sa profession d’assurer pour un
autre un moyen d’existence.
Cependant, il n’était pas logique de ne pas permettre la cession de clientèle civile alors
que les commerçants pouvaient tirer profit de leur travail antérieur à travers cela.
La Cour de cassation avait atténué cela en admettant la validité de l’engagement de
présenter le successeur à la clientèle, donc même si la cession était interdite, il était
possible d’insérer dans une convention une obligation de présentation de clientèle.
Cette « avancée » revenait ni plus ni moins à finalement reconnaitre la possibilité de
céder la clientèle civile néanmoins.
Toutes ces opérations correspondaient finalement à une véritable cession de clientèle,
mais ce n’était encore pas reconnu par la loi et la jurisprudence était donc incohérente.
En effet, toutes les professions libérales pratiquaient la cession de clientèle sous la
forme d’exercice du droit de présentation si l’activité était exercée à titre individuelle.
Quelle différence les juges faisaient-ils entre la cession de clientèle civile et la
convention de présentation ?
Eux même ne semblaient pas y voir très clair. Le critère de distinction n’était pas
véritablement défini.
Les juges n’ont pas pu retenir comme critère de distinction le fait que la cession de
clientèle se caractérisait par une obligation de résultat, et que la convention de
présentation imposait une obligation de moyen. Ces deux critères ne pouvaient pas jouer
sur la validité du contrat.
La jurisprudence maintenait malgré tout la distinction.
En réalité le critère de distinction n’était que d’ordre terminologique, et en 2000, la
Cour de cassation n’a fait que reconnaitre un principe finalement déjà existant. Cela a
conduit la cour à reconnaitre également l’existence du fonds libéral.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
108
235.- De façon générale, la question qui se pose est celle de savoir si les règles
prévues pour les fonds de commerce peuvent être transposées, voire seraient applicables
au fonds libéral.
F. Vialla indique que :
Sont applicables au fonds libéral l'article 1424 du Code civil, qui dispose que, dans le
cas du régime légal, les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits
réels les « fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté », de même
que, en matière successorale, l'article 832 alinéa 4 du même code prévoyant l'attribution
préférentielle de toute « entreprise commerciale, industrielle ou artisanale87
».
Le Tribunal de Meaux88
énonçait que :
« Si la clientèle n’était pas transmissible faute d’être un bien, l’organisation originale
conçue et réalisée par le professionnel pour attirer et retenir la clientèle n’en mérite
pas moins la qualité de fonds libéral, dont l’ensemble des éléments constitutifs
corporels et incorporels, peut faire l’objet d’une cession qui n’est pas nulle faute
d’objet ».
Cette reconnaissance est pour les professionnels installés une source de sécurité
juridique indéniable, et pour les jeunes praticiens une facilité d’accès à la profession.
Ce revirement opéré par la Cour en 2000 ne concerne finalement que les cessions de
clientèles médicales.
Pourquoi les juges n’ont-ils pas étendus cette solution à toutes les cessions de clientèles
civiles ?
La validité de la cession de clientèle commerciale a été établie dans la mesure où la
clientèle commerciale est considérée comme un bien dans le commerce.
87
F. Vialla, Les contrats portant sur le fonds libéral - résolution du Conseil national des barreaux,
D. 2005. 88
TGI de Meaux, 24 Juin 1999.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
109
Comment se justifie la différence de traitement entre la cession de clientèle
commerciale et la cession de clientèle civile ?
La doctrine indique que la différence résiderait dans le caractère intuitu personae de la
clientèle civile, absent pour la clientèle commerciale.
La clientèle civile dépendrait donc du lien intuitu personae qui unit le professionnel et le
client.
A l’inverse la clientèle commerciale se rattacherait au fonds et non pas à la personne du
commerçant. Cette analyse ne fait pas l’unanimité puisque la confiance personnelle
s’établit également dans les relations avec les commerçants, et il est impossible de ne
pas relever la présence d’un intuitu personae dans les relations entre clients et
exploitants de fonds de commerce.
De plus, le lien de confiance entre le professionnel libéral et le client s’affaiblit toujours
d’avantage.
236.- Il semble donc que la situation des professions libérales ne soit pas différente
de celle des commerçants.
On voit donc ainsi s’opérer une dépersonnalisation des clientèles civiles, accompagné
d’une remise en cause de l’intuitu personae.
La particularité des professions libérales résiderait dans la nature même de ses clients.
Le nécessaire respect du principe de liberté de choix du client n’existe pas uniquement
dans le cas des professions libérales. Cela est valable dans toutes les professions quelles
qu’elles soient.
La liberté de choix ne peut pas fonder le particularisme des clientèles des praticiens
libéraux et ce, même si les Codes de déontologies proclament en permanence que cette
liberté est propre à leur activité.
La patrimonialisation et la disponibilité des clientèles civiles sont une réalité
économique.
Ainsi, l’exercice des professions libérales en groupe est par exemple un facteur de
dépersonnalisation.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
110
Pour revenir sur la jurisprudence de 2000 de la Cour de cassation, il s’agissait dans ce
cas d’espèce, de deux chirurgiens qui ont voulu mettre fin à leur collaboration en
mettant en place une convention portant sur une cession partielle de la clientèle (pour
76 224, 51 euros), ainsi qu’une garantie d’honoraires minimum pour le cessionnaire.
Cependant, la nullité de la convention est demandée au motif de l’utilisation au sein de
la convention du terme prohibé de « cession de clientèle » emportant une atteinte à la
liberté de choix du patient.
La Cour de cassation89
décide alors de rompre avec la jurisprudence constante depuis
des années en indiquant que :
« Si la cession de clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession
d’un fonds libéral d’exercice n’est pas illicite, c’est à condition que soit sauvegardée la
liberté de choix du patient ».
Traditionnellement, la clientèle attachée à un fond civil (attachée à une activité libérale
non commerciale) était réputée hors du commerce, donc incessible, sur le fondement de
l’article 1128 du Code civil.
La jurisprudence a évolué en retenant que la cession d’une clientèle médicale
(nécessairement attachée à une activité libérale non commerciale), notamment à
l’occasion de la cession d’un « fonds libéral » n’est pas illicite à la condition que soit
respectée la liberté de choix de son médecin par le patient.
237.- Ainsi, il est permis de constater la reconnaissance par la jurisprudence de la
notion de «fonds libéral», considéré comme une entité à laquelle la clientèle est
attachée, et représentant une valeur patrimoniale, à l’image du « fond commercial »90
.
Ce revirement offre à la clientèle civile une traduction juridique conforme à sa réalité
économique et sociologique, et qui ne heurte pour autant aucun principe supérieur91
.
Dans l'attraction de la clientèle libérale, la personne qui fournit le service libéral, plus
précisément sa force de travail, joue toujours un rôle décisif. Mais, contrairement à ce
89
Cass, civ 1ère, 7 Novembre 2000. 90
F. Vialla, Introduction du fonds libéral en droit positif français, Litec, Edition Jurisclasseur. 91
T. Revet, Contrats et obligations, Dalloz, 2001.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
111
qui fut longtemps décidé par la Cour de cassation, la nature personnelle de la force de
travail n'empêche pas sa patrimonialisation comme facteur attractif.
238.- Dès lors à travers cette évolution prétorienne de la notion de fonds libéral,
apparait la notion de « liberté de choix du patient », ou bien, si on l’adapte aux
professions juridiques, la liberté de choix du client en général.
Il apparait opportun d’apprécier cette obligation.
2-Le nécessaire respect de la liberté de choix du patient lors de la cession d’un
fonds libéral.
239.- Sont nulles les conventions altérant le libre choix du patient, surprenant la
confiance de la clientèle92
.
Cette affirmation est également reprise dans un arrêt de la Cour de cassation de 194393
.
Les clients, personnes physiques, n’appartiennent à personne et il ne doit en aucun cas
être porté atteinte à leur liberté d’avoir recours au praticien de leur choix.
Ce constat condamnait, toute disposition ayant trait à cet objet mentionnée au sein d’une
convention de présentation de successeur94
.
La nullité du contrat pouvait, dès lors, être invoquée95
.
C’est le rappel de ce principe de liberté de choix du patient qui à empêché les juges
jusqu’alors de considérer l’activité libérale comme une activité économique ordinaire.
240.- Admettre la cession d’une clientèle et l’assortir d’une telle restriction semble
contradictoire : en effet, d’un côté on souhaite limiter son évasion, mais de l’autre côté
il existe ce principe de libre choix du patient96
.
92
Pratique des clauses de non concurrence et respect du libre choix du patient, Revue Droit et
Patrimoine, n°183, 2009. 93
Cass, Civ 1ère
, 16 Mai 1943. 94
J. Sabatier, Note sous T.Civ Seine, 27 Juin 1956. 95
T. Civ Seine, 25 Février 1846. 96
T.Revet, Le développement progressif de la commercialité de la clientèle civile, RTD Civ, 2008 :
« Il est donc contradictoire d’admettre qu’un facteur attractif de clients puisse être approprié et dans le
commerce juridique, tout en prétendant subordonner sa disposition au respect de la liberté de choix des
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
112
De la même manière, en pratique, il semble utopique de pouvoir assurer au
concessionnaire une réelle « propriété » sur la clientèle du cédant, mais il existe des
professions comportant des spécificités ou le respect du principe de libre choix n’est
qu’un fantasme.
Grâce à l’arrêt de 2000 de la Cour de cassation, la jurisprudence met en avant l'abandon
du principe de l'illicéité de la cession de clientèle civile.
Cependant, la cession de clientèle doit toujours rester soumise à une condition de
validité essentielle, qui tient dans la préservation de la liberté pour le client de choisir le
professionnel97
.
Désormais, les professionnels libéraux peuvent donc opter pour une véritable cession de
clientèle et, avec elle, stipuler toute une série de contrats annexes (vente ou mise à
disposition de matériel, cession de bail d'immeuble, transfert des contrats d'assurance,
reprise des financements locatifs, etc.)98
.
Mais, comme l’indiquent les arrêts de 2000 et de 2001 de la Cour de cassation, ils
devront alors tenir compte de la limite qui exige, sous peine de nullité de la cession,
que soit sauvegardée la liberté de choix du client.
L’appréciation de la liberté de choix du client est laissée à l’appréciation souveraine des
juges du fond. Dans ce cas, ces derniers devront analyser les prévisions contractuelles
des parties, ainsi que leurs comportements postérieurs afin de remettre en cause ou non
la cession de clientèle civile.
Selon l’article L. 1110-8 du Code de la santé publique99
, le droit du malade au libre
choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la
législation sanitaire.
Les limitations à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent
être introduites qu’en considération de capacités techniques des établissements.
clients. La condition tenant à la nécessité de respecter le libre choix des clients ne peut jouer que d’une
façon toute relative ». 97
T. Revet, Cession de clientèle médicale : licéité sous réserve du respect de la liberté de choix du
patient, RTD Civ, 2001. 98
Les clientèles civiles ne sont plus hors commerce, Lamy, Droit des contrats, 2008. 99
Inséré par la loi 2002-303 du 4 Mars 2002.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
113
L’article 6 du Code de déontologie médicale100
, indique que le médecin doit respecter le
droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter
l’exercice de ce droit.
Dans tous les cas, ce principe fondamental de la médecine libérale constitue un droit du
patient auquel on ne peut pas déroger.
Ce droit contribue à la confiance qu’accorde un patient en son médecin. Cette confiance
fonde la responsabilité du praticien.
La liberté de choix constitue un pilier fondamental de l’exercice médical actuel et le
changement de médecin est souvent motivé par un changement de résidence.
La loi reconnait donc au patient le droit de choisir son médecin et il ne s’agit pas
seulement d’une considération déontologique.
Ce principe pose néanmoins des problèmes quant à son application.
241.- L’urgence définit une situation ou le pronostic vital est en jeu. La notion de
libre choix doit donc s’estomper au profit de la rapidité nécessaire à la prise en charge
du problème.
Dès lors, les préférences individuelles s’effacent au profit d’une organisation nécessaire
négligeant les désirs des blessés.
Le choix du malade peut également être conditionné en fonction de la compétence du
praticien auquel il s’adresse.
Au regard de l’exercice du libre choix, le médecin acceptera que le patient change de
médecin, ne devant pas lui en tenir rigueur : il ne doit pas entraver à sa liberté.
242.- Nous verrons plus loin dans la démonstration que le droit de la concurrence
intervient nécessairement dans le secteur des professions libérales. En effet, le libre
fonctionnement du marché ne suffirait pas à apporter une concurrence saine. Dans le
cadre des secteurs très concurrentiels (tel que celui des professions d’avocats libéraux),
la notion de monopole n’est presque jamais prononcée. Cependant, dans le cadre des
secteurs très peu concurrentiels (comme les professions de médecins libéraux), les
situations de monopoles ne sont pas rares.
100
Article R 4127-6 du Code de la santé publique.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
114
Dès lors, cette situation porte inévitablement atteinte à la liberté de choix du patient,
principe consacré par la jurisprudence.
Dès lors, il semble que cette obligation ne soit pas toujours strictement respectée alors
qu’elle est une des conditions essentielles du contrat de collaboration libérale.
Ce principe doit donc être reconnu dans tous les contrats de collaboration libérale dans
le cas où le fournisseur d’affaires ou bien le collaborateur souhaiteraient céder leur
clientèle.
B- Le fonds libéral dans le contrat de collaboration libérale.
243.- Le développement de la collaboration dans la société donne sa légitimité à la
notion de fonds libéral.
Ainsi, le fonds libéral apparait comme un ensemble d’éléments corporels et incorporels,
ayant une valeur économique et réunis en vue de retenir ou d’attirer une clientèle.
La ressemblance est, comme nous l’avons vu, alors évidente avec le fonds de
commerce, puisque le fonds libéral réunit également des éléments attractifs en une
structure détachable de la personne et cessible en tant que telle.
244.- Le fournisseur de travail exerçant une activité libérale possède alors un fonds
libéral. Ce fonds libéral se compose de la clientèle civile.
Il s’agit donc de la clientèle qui appartient au cabinet et qui a été crée dans le cadre de
l’activité de l’entreprise.
Depuis les arrêts de 2000 et de 2001 de la Cour de cassation, la clientèle civile issue du
fonds libéral est cessible, et sa patrimonialité a donc été reconnue.
Dans le cas où le fournisseur d’affaires souhaiterait vendre son cabinet ou son étude,
celui-ci serait en droit de céder sa clientèle. Il semble que ce système se rapproche de
plus en plus du statut de fond commercial.
Mais nous ne nous étendrons pas sur ce sujet.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
115
245.- Ce qui est important dans notre démonstration, c’est que le collaborateur
libéral parti au contrat, a pour obligation première de travailler pour le compte du
cabinet et avec une partie de la clientèle déjà établie par le fournisseur d’affaires.
Dans un second temps, le collaborateur possède la faculté de se constituer une clientèle
propre qui lui appartiendra entièrement.
De manière générale, l’existence de ce fonds libéral, illustre le fait que la délimitation
des périmètres du contrat de collaboration libérale est difficile à établir.
A qui appartient la clientèle du fonds libéral ?
En cas de cession qui doit en retirer les fruits ?
Il serait alors logique que le collaborateur bénéficie d’un droit sur la clientèle qu’il
exploite dans le cadre du cabinet ou de l’étude d’avocat dans lequel il travaille. Mis à
part une rétrocession sur honoraires, le collaborateur ne retire aucun avantage de la
constitution du fonds libéral, et notamment en cas de cession de celui-ci.
Dans les faits, seule une clientèle réelle et certaine permet de reconnaître l’existence
d’un fonds libéral. Une clientèle qui serait seulement potentielle serait insuffisante à
reconnaitre une telle qualification101
.
246.- Dans le cadre d’un contrat de franchise, l’existence d’une clientèle propre au
franchisé est établie dans la mesure où ce dernier prouve que la clientèle s’est
développée par le fruit de son activité102
.
De la même manière, on considèrera alors que la clientèle propre du collaborateur
libérale est celle développée en dehors du cadre du contrat de collaboration libérale,
fruit de son propre travail ; mais pour la clientèle qu’il aura constituée dans le cadre du
contrat pour le compte du fournisseur de travail, cette dernière sera propre au titulaire
principal.
101
Cass, Civ 3ème, 18 mai 1978. 102
Cass, Civ 3ème, 27 mars 2002.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
116
247.- Après l’analyse de cette construction prétorienne, on constate que la
jurisprudence a souhaité donner un effet très important à la primauté de la clientèle (et
précisément à la clientèle personnelle).
Le rapprochement entre fonds libéral et clientèle est très difficile à faire. La
jurisprudence « polarise » l’existence du fond autour de la clientèle103
.
En effectuant ce rapprochement entre fonds libéral et fonds de commerce à travers la
clientèle, la cour éloigne la notion de fond d’un concept simple d’entreprise, pour le
tirer vers la clientèle (notion très floue et difficile à définir).
Cette jurisprudence bâtie sur le concept de clientèle ou clientèle propre, a engendré bon
nombre de solutions différentes qui introduisent des éléments d’incertitude dans de
nombreuses solutions. Les points de vue théoriques peuvent toujours être différents,
c’est la démarche la plus contraire à la sécurité juridique.
De manière générale, cette jurisprudence n’est pas sans venir aggraver la complexité du
régime du contrat de collaboration libérale, mettant au centre la notion de clientèle.
En effet, il est d’autant plus difficile de délimiter le périmètre du contrat en lui-même.
§2- La valeur de la clientèle personnelle du collaborateur appréciée au regard de la
notion de fonds libéral.
248.- Il est important d’apprécier dans un premier temps la notion de clientèle
personnelle du collaborateur libéral (A) ; pour en apprécier ensuite sa valeur (B).
A- La clientèle personnelle du collaborateur libéral.
249.- Le fait de se constituer une clientèle personnelle est donc seulement une
faculté pour le collaborateur et en aucun cas une obligation comme nous l’avons vu
dans la première partie de la démonstration.
103
Lamy Droit commercial 2010.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
117
Cette faculté est le prolongement de l’indépendance du professionnel et de l’absence du
lien de subordination sans lequel le contrat de collaboration libéral n’existerait pas et
serait qualifié de contrat de travail.
250.- Cependant, le collaborateur n’est absolument pas obligé d’user de cette
faculté. Il s’agit donc de mettre en avant le fait que l’absence de clientèle personnelle du
collaborateur libéral ne suffira pas à requalifier un contrat de collaboration libérale en
contrat de travail s’il dispose d’une indépendance professionnelle et économique
suffisante.
Néanmoins, la Cour de cassation a indiqué à plusieurs reprises que le collaborateur mis
dans l’impossibilité de développer sa clientèle personnelle verrait son contrat requalifié
en contrat de travail104
.
J.P Viennois indique que l’absence de clientèle personnelle du collaborateur ne devrait
pas faire de celui-ci un salarié car la dépendance économique qui en résulte ne
s’accompagne pas obligatoirement d’un lien de subordination105
.
Il envisage d’autres sanctions telles que la nullité des clauses en cause ou bien encore
l’application de mesures disciplinaires.
251.- De plus, si une clause dans le contrat impose au collaborateur libéral de
consacrer une partie significative de son activité au praticien libéral, cela n’emporte pas
automatiquement une requalification en contrat de travail ou bien encore une annulation
du contrat. La reconnaissance de ce droit pour le collaborateur libérale de se constituer
une clientèle civile, ne doit pas être au détriment de celle préexistante du praticien
installé.
Quelle valeur réelle possède donc cette clientèle propre du collaborateur libéral ?
104
Cass Ch.mixte, 12 février 1999. 105
J.P Viennois, Le médecin collaborateur, JCP G 2005.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
118
B- La valeur de la clientèle propre du collaborateur libéral.
252.- Pour le fournisseur d’affaires, la clientèle propre constituée par le
collaborateur libéral n’a aucune valeur.
En effet, cette clientèle ne fait pas partie de son fonds libéral et ne lui appartient dès lors
en aucun cas. En cas de cession de son fonds libéral, il ne pourra pas céder cette
clientèle.
En revanche, la clientèle que celui-ci développe dans le cadre de son cabinet ou de son
étude lui appartient intégralement. Il peut la céder et en disposer comme bon lui semble.
L’indépendance du collaborateur, condition d’existence du contrat de collaboration
libérale, entraine cette faculté de constitution de clientèle propre, et ce, en dehors de son
obligation d’exploiter en priorité la clientèle de son fournisseur d’affaires.
La clientèle crée par le collaborateur libéral a donc une valeur pour le collaborateur lui-
même. Sous réserve du respect du principe de liberté de choix du patient ou du client,
cette clientèle propre crée sous l’empire du contrat de collaboration libérale par le
collaborateur, appartient dès lors à ce dernier.
253.- Dans le cas où le collaborateur souhaiterait conclure un autre contrat de
collaboration libérale avec un autre partenaire, ce dernier pourrait considérer la clientèle
propre issue de l’ancien contrat comme définitivement acquise.
Et c’est là tout l’intérêt du régime du contrat de collaboration libérale.
En effet, l’indépendance qui est réservée au collaborateur lui permet de, tout en
bénéficiant de l’expérience et des moyens d’un praticien plus expérimenté, commencer
à se créer un véritable « patrimoine de clientèle ».
C’est la raison pour laquelle il existe beaucoup de contentieux où le fournisseur
d’affaires est sanctionné pour ne pas avoir mis le collaborateur en mesure de se
constituer cette clientèle propre, puisque c’est une condition essentielle d’existence du
contrat de collaboration libérale.
La clientèle acquise par le collaborateur possède donc une véritable valeur
patrimoniale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
119
254.- Afin de démontrer encore une fois les problèmes quant à la délimitation des
périmètres issus du contrat de collaboration libérale, et donc de s’intéresser au contexte
intrinsèque du contrat, il apparait opportun de regarder l’application des clauses de non
concurrence et des clauses de non réinstallation insérées dans cette convention.
Section 2-La portée et l’appréciation de la clause de non concurrence et de la
clause de non réinstallation dans les contrats de collaboration libérale.
255.- Ces deux clauses peuvent être insérées dans le contrat de collaboration selon
la volonté des parties.
Il semble opportun de voir dans un premier temps la mise en œuvre de ces deux clauses
dans un tel contrat (§1).
Les clauses de non concurrence ainsi que celles de non réinstallation comportent le
risque de porter atteinte aux droits respectifs du fournisseur d’affaires ainsi que du
collaborateur libéral. C’est la raison pour laquelle il est important d’étudier la portée de
ces deux clauses dans les contrats de collaboration libérale conclus entre médecins et
entre avocats (§2).
§1-La mise en œuvre de ces deux clauses.
256.- Nous verrons la mise en œuvre de la clause de non réinstallation dans le
contrat de collaboration libérale (A), pour voir ensuite la mise en œuvre de la clause de
non concurrence (B).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
120
A- La mise en œuvre de la clause de non réinstallation dans le contrat de collaboration
libérale.
257.- La clause de non réinstallation peut être insérée dans les contrats de
collaboration libérale à l’initiative des deux parties.
Cette clause crée une obligation à la charge du collaborateur lui-même.
Cette clause a pour but de protéger les intérêts du fournisseur d’affaires. Si un contrat de
collaboration libérale vient à se terminer, le fournisseur ne voudrait pas que le
collaborateur lui fasse concurrence et s’approprie la clientèle du cabinet.
Mais cette clause doit être « proportionnée », puisque de la même manière que la clause
de non concurrence, elle ne doit pas porter atteinte à la liberté de choix du patient, et ne
doit pas empêcher le collaborateur d’exploiter la clientèle personnelle que celui-ci aurait
crée dans le cadre du contrat.
Il s’agit alors de trouver une juste mesure pour concilier les intérêts et les droits du
fournisseur de travail, du collaborateur, et des clients.
La présence de cette clause est censée éviter les actes de déloyauté :
258.- La concurrence déloyale ne possède pas de définition universelle, mais on
peut affirmer que cela devrait s’étendre à tous les actes susceptibles de semer le trouble
dans la mentalité du client : le dommage se résumerait en une baisse de clientèle qui est
l’élément autour duquel les actes d’un fonds libéral se réunissent106
.
La concurrence déloyale passe par une interdiction de détournement de clientèle.
Afin d’éviter ce détournement de clientèle, la clause de non réinstallation oblige le
collaborateur à ne pas se rétablir dans un périmètre donné, durant une période donnée,
afin de ne pas « voler » la clientèle du fournisseur de travail et de ne pas lui faire
concurrence.
Dans les contrats de collaboration libérale, cette clause est admise et recommandée,
mais le périmètre dans lequel elle s’applique doit être clairement déterminé.
106
TGI, 12 Décembre 2001.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
121
Le régime de la clause de non rétablissement se rapproche beaucoup du régime de la
clause de non concurrence, pouvant elle aussi être insérée dans les contrats de
collaboration libérale.
B- La mise en œuvre de la clause de non concurrence dans le contrat de collaboration
libérale.
259.- Il semble intéressant d’étudier dans un premier temps les conditions de
validité de la clause de non concurrence ainsi que sa mise en œuvre dans les contrats de
collaboration libérale (1) ; pour s’intéresser ensuite aux conditions de la
« possible »compensation financière attribuée au collaborateur en contrepartie de la
mise en œuvre de la clause de non concurrence (2).
1-Les conditions de validité de la clause de non concurrence dans les contrats de
collaboration libérale.
260.- Très fréquemment, les contrats de collaboration libérale sont assortis de
clauses de non rétablissement comme nous l’avons vu, ou bien encore de clauses de
non concurrence.
Cette dernière clause permet d’interdire au collaborateur libéral d’exercer sa profession
à l’expiration du contrat pendant une durée déterminée, et dans un périmètre déterminé.
Le législateur a donc préféré laisser à chaque profession le soin d’aménager le «
contexte contractuel » selon ses vœux et ses usages.
Cette volonté est très claire et il suffit pour s’en convaincre de relire les écrits de Mme
le député Grosskost :
« Cette interdiction des clauses de non concurrence n'a pas été reprise dans le projet de
loi pour l'ensemble des professions libérales, d'autres professionnels, comme par
exemple les agents d'assurance ou les experts comptables, pouvant préférer conserver
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
122
la faculté d'introduire une telle clause, compte tenu des usages en vigueur dans ces
profession pour des raisons économiques ».
Les pédicures podologues, dans leur Code de déontologie, ont choisi clairement
d’imposer une clause de non concurrence au collaborateur qui quitte le cabinet : l’article
R4322-87 du Code de la santé publique précise que :
« Le pédicure podologue qui a été collaborateur d’un confrère pour une durée
supérieure à trois mois ne peut pas exercer avant l’expiration d’une durée de deux ans
dans un poste où il entrerait en concurrence avec celui-ci. »
Si l’on s’en tient à la lettre de la loi, la possibilité de stipuler des clauses de non
concurrence dans les contrats de collaboration libérale autres que ceux conclus entre
avocats ne fait donc aucun doute, la liberté contractuelle autorisant bien évidemment
une telle possibilité.
L’article 133 du décret de 1991107
indique que le conseil de l’ordre des avocats se doit
de contrôler l’absence de clause limitant la liberté d’établissement du collaborateur à
l’issue du contrat.
Il n’existe pas de règles précises quant à une éventuelle prohibition ou restriction des
clauses de non concurrence dans les contrats de collaboration libérale, leur validité est
de facto admise ; et ce, même si la loi est totalement muette quant à leur admissibilité.
261.- Dans ce cas là, le principe de la liberté contractuelle devrait prévaloir.
La loi de 2005108
précise que le contrat de collaboration libérale doit contenir des
mentions très précises sous peine de nullité, mais malgré cela il n’y a aucunes
dispositions concernant les clauses de non concurrence.
Nous avons vu que les stipulations obligatoires sont les informations relatives au type
de contrat (déterminé ou non), les conditions de renouvellement du contrat en cas de
107
Article 133 du Décret n°91-1197 du 27 Novembre 1991. 108
Article 18 de la Loi du 2 Août 2005.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
123
rupture, les conditions de rémunérations du collaborateur, les conditions d’exercice de
l’activité…
262.- Pour le reste, le contrat est soumis au principe de la liberté contractuelle et
donc de la liberté de choix des parties. Cette liberté peut être limitée par l’éventuelle
intervention d’un ordre professionnel.
Ainsi, la validité de la clause de non concurrence n’est pas remise en cause dans les
contrats de collaboration libérale de manière à pouvoir protéger les intérêts légitimes du
praticien installé, mais chaque profession peut en déterminer plus ou moins librement
les conditions.
Les conditions obligatoires sont évoquées dans les codes de déontologie.
Dans le cas ou il n’existe aucune restriction ou prohibition des clauses de non
concurrence quant à ce type de contrat, il convient de s’en référer aux dispositions
présentes dans le Code civil.
Notamment, l’article 1134 du Code civil indique que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui le sont faites. Elles
ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la
loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
De plus, l’article 1142 du Code civil dispose :
« Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas
d’inexécution de la part du débiteur ».
263.- La loi de 2005 n’apporte aucune modification aux principes habituellement
retenus pour fixer les limites spatiales et temporelles de la clause de non concurrence ;
en revanche, cette loi apporte des indications sur la notion d’intérêt légitime attachée à
la validité d’une telle clause.
En effet, si le collaborateur développe une clientèle propre, il est normal que celui-ci
bénéficie également d’une protection de son intérêt commun.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
124
C’est ce que nous verrons dans la suite du développement.
Quelles sont dès lors les conditions de validité de la clause de non concurrence dans les
contrats de collaboration libérale ?
L’engagement de non concurrence doit être limité dans le temps et dans l’espace et
correspondre à la protection des intérêts légitimes du titulaire.
Une Cour d’appel109
a considéré que :
« La clause de non concurrence qui prévoit, à l'issue du contrat de collaboration
conclu entre deux masseurs-kinésithérapeutes, l'interdiction d'exercer l'activité dans un
rayon de 30 kilomètres des cabinets et ce pendant 5 ans, est valable eu égard aux
spécificités de l'aire géographique d'exercice professionnel visée ».
Cette décision se justifie quant à la durée et l’assiette géographique car il existait un
faible potentiel de clientèle dans cette zone.
De plus, une jurisprudence110
indique que :
« Est parfaitement licite la clause incluse dans un contrat d'exercice en commun de la
profession de masseurs kinésithérapeutes, selon laquelle le partant ne pourra exercer
dans un périmètre de 20 kilomètres et ce pour une durée de 5 ans, car elle est limitée
dans le temps et dans l'espace, rédigée de façon claire et précise ».
Cette clause ne soulève pas de difficultés d'interprétation et ne prête pas à discussion
dans cette affaire.
La Cour d’appel de Pau111
a pareillement estimé :
109
CA Nîmes, 27 Janvier 2004. 110
CA Rennes, 29 Juin 1982. 111
CA Pau, 11 Avril 2005.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
125
« Que la clause de non concurrence insérée dans un contrat de collaboration de
kinésithérapeutes est parfaitement licite quand elle est limitée dans le temps (3 ans) et
dans l'espace (15 kms), sachant que la collaboration a duré une année ».
La Cour d’appel de Paris112
, a considéré qu’il convient de constater la validité de la
clause de non concurrence et de non rétablissement stipulée dans un contrat de
collaboration conclu entre deux masseurs-kinésithérapeutes.
Pour les juges, cette clause stipulée au profit du propriétaire du cabinet, ultérieurement
décédé, n'est en aucun cas excessive, dès lors que, concernant un cabinet de
kinésithérapie situé dans le 16e arrondissement de Paris, elle était limitée à un rayon
géographique de deux kilomètres.
264.- A la lecture de ces quelques arrêts, l’on peut aisément constater que la
modulation de la limitation spatio-temporelle dépend essentiellement de l’importance de
la zone d’activité concernée : plus le potentiel de clientèle sera faible, plus la limitation
pourra être importante.
Tout est affaire de « dosage ». La nature de l’activité en cause doit également être prise
en considération.
Dans le cadre des contrats de collaboration libérale, le régime de la clause de non
concurrence est construit sur des bases jurisprudentielles.
Légalement, aucun régime définitif et clair n’a été prévu par la loi.
Encore une fois, le caractère aléatoire de la mise en œuvre de cette clause, met en
évidence le fait que la nature du contrat dépend du contexte dans lequel il évolue, créant
ainsi toute sa spécificité.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette clause de non concurrence, le collaborateur
libéral peut éventuellement se voir verser une compensation financière en échange du
bon respect de la clause, et surtout, dans le but de l’indemniser pour le préjudice subi du
fait de son interdiction de réinstallation pendant un certain temps.
112
CA Paris, 26 Juin 1996.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
126
2-L’éventuelle compensation financière au profit du collaborateur libéral.
265.- Certains auteurs ont préconisé la stipulation d’une compensation financière au
profit du collaborateur libéral qui quitte le cabinet. Il pourrait être envisagé, par
exemple de soumettre la clause de non concurrence à :
« Une contrepartie financière destinée à compenser la perte de clientèle du
collaborateur et sa récupération par le titulaire du cabinet ».
C’est ce que préconise le Conseil de l’Ordre des Masseurs-kinésithérapeutes dans ses
clauses types facultatives.
Il convient de rappeler qu’une telle exigence est propre au contrat de travail.
Or, le contrat de collaboration libérale n’est évidemment pas un contrat de travail, et une
différence de nature entraîne nécessairement une différence de régime.
Certains arrêts ont clairement affirmé cette différence de régime.
A titre d’exemple, la Cour d’appel de Pau113
a estimé que l'absence de contrepartie
financière relativement à une clause de non concurrence insérée dans un contrat de
collaboration de kinésithérapeutes n'est pas une cause de nullité, une telle exigence
n'étant pas obligatoire pour les professions libérales.
La Cour d’appel de Versailles114
, a considéré que la validité d'une clause de non
concurrence stipulée dans un contrat entre un chirurgien et une clinique n'est nullement
soumise à une condition de réciprocité, ni à la stipulation de contrepartie financière au
bénéfice de celui qui y souscrit, ni à une durée nécessairement inférieure ou égale à
deux ans, ni enfin à l'existence d'un grief à l'encontre du débiteur.
266.- De plus, la stipulation d’une indemnité compensatrice assortissant une clause
de non concurrence dans un contrat de collaboration libérale risquerait, d’entraîner un
113
CA Pau, 11 Avril 2005. 114
CA Versailles, 5 Novembre 1993.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
127
effet pervers : en cas de litige, elle pourrait être perçue par le juge comme un indice en
faveur d’une requalification en contrat de travail.
Dès lors le versement de cette indemnité ne ferait qu’alourdir le contentieux relatif aux
requalifications des contrats de collaboration libérale en contrats de travail.
267.- Enfin, l’équilibre entre les droits et obligations des parties au contrat semble
suffisamment préservé, dans la mesure où le collaborateur aura la faculté de se
constituer une clientèle personnelle. La compensation ne semble pas nécessaire dans ce
cas.
De plus, instaurer une telle compensation ne ferait que rapprocher le régime du contrat
de collaboration du régime de contrat de travail. La frontière entre les deux est déjà
suffisamment difficile à évaluer.
Si une telle indemnité ne semble pas pertinente, il serait en revanche possible
d’envisager une cession de la clientèle personnelle du collaborateur au titulaire du
cabinet. Mais une telle cession serait soumise à l’accord des parties.
Quelle est alors la portée de la clause de non rétablissement et de la clause de non
concurrence dans les contrats de collaboration libérale ?
§2-La portée de telles clauses dans les contrats de collaboration libérale.
268.- La clause de non concurrence ou bien encore la clause de non réinstallation,
insérées dans le contrat de collaboration libérale, peuvent s’avérer incompatibles avec
les notions « d’intérêt légitime » et de « liberté de choix du patient » (A) ; de plus, le
sort de la clause de non concurrence dans le cas d’un développement de clientèle
personnelle par le collaborateur est différent que si celui-ci décide de ne pas en créer
(B).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
128
A- La portée de la clause de non concurrence dans le contexte intrinsèque du contrat de
collaboration libérale : une difficile compatibilité avec les notions d’intérêt légitime et
de liberté de choix.
269.- Nous verrons dans un premier temps la clause de non concurrence confrontée
à la notion « d’intérêt légitime » dans le cadre du contrat de collaboration libérale (1) ;
puis, nous ferons une appréciation de la compatibilité de la clause de non concurrence
avec la notion de « liberté de choix du patient » (2).
1-La clause de non concurrence et la notion d’intérêt légitime dans le cadre du
contrat de collaboration libérale.
270.- Comme nous l’avons abordé dans les développements précédents, se pose
alors la question de la clause de non concurrence et de la notion d’intérêt légitime dans
le cadre d’un contrat de collaboration libéral.
Lorsque les parties concluent un contrat de collaboration libérale, le praticien installé
reste propriétaire de son fonds libéral, il faut dès lors savoir à quoi et à qui sera rattachée
la clientèle crée par le collaborateur lui-même (sa clientèle personnelle).
Se pose la question de savoir si cette clientèle doit appartenir au cabinet, si elle doit être
rattachée au praticien, ou bien encore au collaborateur, ou bien encore dans un dernier
lieu la clientèle peut elle être considérée comme une entité indépendante.
271.- Le vrai problème qui se pose alors en la matière, est de savoir comment
concilier les intérêts légitimes du praticien qui dispose alors d’une clientèle personnelle
depuis de nombreuses années, fruit de son travail personnel, avec le droit propre du
collaborateur de développer sa propre clientèle.
Et c’est là toute une partie de la problématique du contrat de collaboration libérale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
129
272.- Il faut s’intéresser à l’individualisation de la clientèle pour tenter de résoudre
ce problème.
Pour les métiers techniques tels que les professions d’avocats, l’individualisation de
clientèle ne pose pas de problèmes majeurs dans la mesure où les professionnels
travaillent sur dossiers.
Ainsi, le client se présentera au cabinet et confiera une mission à un avocat que celui-ci
prendra en charge du début à la fin. Le dossier permettra d’en apporter la preuve.
273.- Néanmoins, la situation est beaucoup plus complexe dans le cas des
professions libérales telles que les métiers de médecins. Il est alors plus difficile
d’établir l’individualisation de clientèle puisque ces professionnels travaillent par
roulement sur une même clientèle. Se pose donc la question de savoir comment il est
dès lors possible de constituer une clientèle personnelle alors que ces professionnels
travaillent en alternance avec d’autres.
Malgré ce problème mis en évidence, le contrat de collaboration libéral doit prévoir une
possibilité pour le collaborateur de répondre à l’appel de sa propre clientèle puisque
c’est la loi.
Le collaborateur peut développer sa clientèle lorsqu’il ne travaille pas chez le praticien
titulaire (hors du lieu de travail commun ou bien pendant les jours de repos).
La jurisprudence115
indique alors que :
« La clause de non concurrence peut concerner tous les actes relevant d’une spécialité
paramédicale s’il est constaté que l’un des signataires du contrat réalise avec les
collaborateurs de son cabinet, l’intégralité desdits actes ».
Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation116
a expressément
considéré que la clause de non concurrence :
115
Cass, 16 Novembre 2004. 116
Cass, Com 4 Juin 2002.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
130
« Ne saurait avoir pour conséquence pratique d’interdire au collaborateur toute
activité professionnelle dans le domaine de compétence qui est le sien ».
En outre, la Cour de cassation subordonne la validité de la clause de non concurrence à
sa nécessité au regard des intérêts légitime du titulaire.
274.- Plus particulièrement, dans un arrêt du 11 mai 1999117
, la Cour
« régulatrice » a reproché aux juges du fond de ne pas avoir recherché si la clause de
non concurrence était « proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, compte tenu de
la durée du contrat et du lieu d’exercice de la profession ».
Dans cette perspective, il paraît clair que l’intérêt légitime du titulaire commande la
protection de sa clientèle contre les éventuelles indélicatesses de son collaborateur.
L’intérêt du titulaire se trouve ainsi protégé sans qu’il soit porté atteinte de manière
excessive à la liberté du collaborateur qui, de surcroît, conservera sans doute une partie
de sa clientèle personnelle s’il quitte ultérieurement le cabinet.
La clause de non concurrence se doit d’être assortie d’une clause pénale évolutive en
fonction de la clientèle développée par le collaborateur. Afin de pouvoir toujours mieux
sauvegarder les intérêts légitimes de chacune des parties au contrat de collaboration
libéral, il est important de toujours réévaluer la clientèle propre au fur et à mesure de
son évolution.
275.- Il faut alors définir un critère d’évaluation de la clientèle propre. Les
médecins on retenu un critère propre afin de pouvoir évaluer la clientèle crée par le
collaborateur. Ils utilisent la déclaration de médecin traitant. Pour ceux qui ne possèdent
pas cet avantage, il existe une possibilité visant à pratiquer un décompte périodique de
la clientèle rattachée à chacun des praticiens. Sinon, il existe également une
approximation prorata temporis envisagée par le Code de déontologie.
117
Cass, Com 11 Mai 1999.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
131
Le Code prévoit alors une renégociation du contrat de collaboration libérale au bout de
quatre ans, et ce afin de pouvoir admettre que le collaborateur libéral développe sa
clientèle personnelle au rythme de 25% par année.
Dans ce cas, si la clause de non concurrence n’est pas respectée, la clause pénale pourra
s’appliquer à 100% de sa valeur pour la première année, 75% pour la seconde année et
ainsi de suite jusqu’à la 5ème
année. A ce stade, il est admis que le collaborateur libéral
ait pu constituer sa clientèle personnelle.
276.- Ainsi, la conciliation des intérêts légitimes du fournisseur de travail et du
collaborateur n’est pas mise en œuvre de la même manière selon qu’on se trouve dans le
cadre d’un contrat de collaboration conclu entre médecins ou entre avocats. Le régime
du contrat dépend donc du contexte dans lequel évolue le contrat.
De plus, au vue des constatations faites, il semble qu’il soit difficile de délimiter les
périmètres issus du contrat : la détermination des intérêts légitimes de chacune des
parties se fait au cas par cas, et n’est soumis par aucun critère légal fixe.
277.- Enfin, dans le cadre du contrat de collaboration libérale, la clause de non
concurrence doit également coexister avec le principe de liberté de choix du
patient/client, que nous avons étudié précédemment dans la démonstration.
2-Une appréciation de la compatibilité des clauses de non concurrence avec le
principe du libre choix du patient.
278.- Nous avons vu que la Cour de cassation118
a précisé en 2000 que :
« Si la cession de clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession
d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que
soit sauvegardée la liberté de choix du patient ».
118
Cass, 7 Novembre 2000.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
132
A travers cette jurisprudence, la Cour de cassation reconnait le caractère cessible de la
clientèle ainsi que la patrimonialité d’une clientèle libérale.
Elle indique également que ce principe ne peut en aucun cas mettre de côté le principe
fondamental de la « liberté de choix du patient »119
. Ce principe reconnut par la loi
permet de limiter la notion de propriété de clientèle pour ces relations praticien/patient
fondées sur un intuitu personae particulièrement fort.
279.- En matière médicale, le Conseil de l’ordre des médecins a jugé que la clause
de non concurrence n’était pas valable pour les remplacements en raison du caractère
intuitu personae de la relation patient/client. Le collaborateur libéral constitue à son
profit une clientèle personnelle ce qui n’est pas le cas pour le remplaçant.
Il est important d’ajouter que lorsque le collaborateur commence son activité, celui ci ne
possédant pas de clientèle personnelle, peut alors disposer de celle de son praticien
titulaire.
Dans ce cas, si la clause de non concurrence n’était pas admise, les praticiens titulaires
seraient réticents à intégrer des collaborateurs libéraux par crainte que le collaborateur
ne profite du cabinet et de sa clientèle pendant un certain temps pour ensuite s’établir
seul et « voler » la clientèle du praticien initial.
Il est alors opportun de protéger le praticien contre d’éventuels actes déloyaux de son
collaborateur.
Mais, il ne faut pas oublier le principe de libre choix du client qui peut rendre, dès lors
nulle une clause interdisant l’installation du collaborateur libéral, si on lui porte atteinte,
et ce même si la clause est limitée dans le temps et dans l’espace. Ceci étant, la
concurrence déloyale est toujours sanctionnée.
Les actes déloyaux que l’ont peut envisager dans ce cas seraient une démarche active
des clients ou bien encore l’utilisation de fichiers volés.
119
Article L. 1110-8 du Code de la santé publique.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
133
Pour que la clause de non concurrence demeure dans les contrats de collaboration
libérale, il faut que cette dernière tienne compte de la clientèle personnelle du
collaborateur.
280.- Nécessairement limitée dans le temps et dans l’espace, cette clause prémunit
le présenté contre toute tentative de détournement de la clientèle.
Si toutefois le collaborateur vient à poursuivre son activité dans un autre lieu, il ne
pourra refuser son exercice à ses clients particulièrement attachés à sa personne, et se le
voir reprocher, au nom du respect du principe de la liberté de choix.
281.- L’apparition du fonds libéral sur la scène juridique et la mise en place des
garanties qui accompagnent la cession d’un bien de nature mobilière rendent-elles
nécessaire le maintien d’une telle stipulation contractuelle ?
La garantie légale d’éviction admise en matière de cession de fonds libéral n’exclut pas,
pour autant, la mise en place d’un aménagement conventionnel permettant de
réglementer et d’encadrer l’interdiction concurrentielle.
Cette stipulation est de pratique courante en matière commerciale, mais elle s’impose
aussi dans le domaine libéral.
En effet, la relation entre le praticien et ses clients est marquée, plus qu’ailleurs, d’un
fort intuitu personae, et tout doit être mis en œuvre pour décourager ces derniers de
retrouver trop facilement le chemin de leurs anciennes habitudes120
.
Le principe du libre choix intégré dans la cession du fonds libéral et son articulation
avec la stipulation d’une obligation de non-réinstallation ne constituent donc pas un
écueil insurmontable.
Il apparait désormais opportun de s’intéresser au sort de la clause de non concurrence en
cas de développement d’une clientèle personnelle par le collaborateur libéral.
120
La pratique des clauses de non concurrence et le respect de la liberté de choix du patient, Revue
Droit et Patrimoine, 2009, n°183.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
134
B- Le sort de la clause de non concurrence dans le cas d’un développement de clientèle
personnelle par le collaborateur.
282.- Dès lors que le collaborateur a développé une clientèle personnelle se pose la
question épineuse du sort de la clause de non concurrence.
De manière générale, on peut se demander si la stipulation d’une clause de non
concurrence dans un contrat de collaboration libérale ne ruine pas l’économie générale
du statut dans la mesure où le collaborateur risque de perdre sa clientèle à l’issue du
contrat.
Le titulaire du cabinet pourra la récupérer et les patients qui, habituellement, se rendent
toujours au même endroit seront tentés de s'adresser au professionnel de santé restant.
L'un des praticiens s'appauvrit économiquement, l'autre corrélativement s'enrichit.
Alors qu'une telle clause a en principe pour objet de protéger le titulaire du cabinet
contre la tentative de captation de sa clientèle par le praticien sortant, elle lui sert cette
fois-ci à attirer la clientèle du sortant. La protection du collaborateur disparaît.
283.- Cependant, il ne nous semble pas que la stipulation d’une clause de non
concurrence soit absolument incompatible avec le critère de la clientèle personnelle.
En effet, une telle clause joue au terme du contrat de collaboration, ce qui signifie que,
tout au long de l’exécution de ce contrat, le propriétaire du cabinet aura respecté son
obligation d’offrir au collaborateur la faculté de se constituer une clientèle personnelle.
Une fois le contrat arrivé à échéance, le collaborateur aura l’obligation de ne pas
s’installer dans la zone de non concurrence contractuellement déterminée et de ne pas
capter la clientèle de son ex cocontractant.
Cependant et en définitive, libre à la clientèle personnelle du collaborateur de le
suivre ou de « rester attachée » au cabinet, conformément à la liberté de choix des
patients.
284.- Donc, le principe de la clause de non concurrence paraît parfaitement
compatible avec la notion de clientèle personnelle, mais à la condition de bien délimiter
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
135
les clientèles respectives de chaque praticien tout au long de l’exécution du contrat de
collaboration.
Cette délimitation n’est jamais évidente comme nous l’avons vu précédemment.
285.- Cela suppose que le titulaire du cabinet admette l’éventualité de la perte d’au
moins une partie de la clientèle générée par le collaborateur dans le cadre de son
obligation d’exploiter la clientèle du fournisseur d’affaires.
L’obligation de non concurrence serait ainsi « relative » en ce qu’elle souffrirait une
exception pour ce qui est de la clientèle personnelle du collaborateur.
Elle conserve cependant un intérêt certain, dans la mesure où elle interdira au
collaborateur de traiter les patients du cabinet, même ceux qu’il aura pu connaître tout
au long de son activité, dès lors qu’ils ne feront pas partie de sa propre clientèle.
Il devra être dressé une liste des patients personnels du collaborateur, tenue à jour tout
au long de l’exécution du contrat.
Concrètement, sa liste serait composée des clients qu’il aura eu l’occasion de traiter
durant les heures consacrées à son exercice personnel. Cela suppose une organisation
rigoureuse et une mise à jour régulière des fichiers clients.
286.- La délimitation des périmètres issus du contrat est donc très difficile à
effectuer.
Cette idée nous amène à penser que le contrat de collaboration libérale s’applique de
manière différente en fonction de la nature même du contrat en cause.
Selon que l’on se trouve dans un contrat de collaboration libérale conclu entre médecins
ou bien entre avocats, le régime n’est pas le même et les effets du contrat sont
différents. Le contexte « intrinsèque » entraine toujours l’application d’un régime
différent.
Les notions de « clientèle personnelle » du collaborateur, de « liberté de choix du
patient », de « clause de non concurrence » entrelacées, créent un statut compliqué.
Il apparait opportun d’étudier le régime du contrat de collaboration libérale et ses effets
en fonction du contexte intrinsèque du contrat.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
136
Chapitre 2- Le régime du contrat de collaboration libérale et ses effets en
fonction du contexte intrinsèque du contrat.
287.- Il semble intéressant d’étudier le régime de responsabilité du collaborateur
vis-à-vis du patient/client, illustration du problème de délimitation du périmètre du
contrat de collaboration libérale (Section 1) ; pour terminer ensuite par le fait que la loi
de 2005 a échoué dans son projet « d’harmoniser le statut », en tentant de délimiter les
périmètres du contrat (Section 2).
- SECTION 1 : La responsabilité du collaborateur vis-à-vis du patient/client :
illustration du problème de délimitation du périmètre du contrat.
- SECTION 2 : Une tentative « vaine » de délimitation des périmètres du
contrat de collaboration libérale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
137
Section 1- La responsabilité du collaborateur vis-à-vis du patient/client :
illustration du problème de délimitation du périmètre du contrat.
288.- La différence entre un contrat de collaboration libérale et un contrat de travail
réside notamment dans l’indépendance du collaborateur vis-à-vis de son fournisseur de
travail (§1), cette même indépendance implique une responsabilité du collaborateur
libéral lui-même vis-à-vis du client/patient (§2).
§1-L’indépendance du professionnel libéral.
289.- Le collaborateur libéral avocat est indépendant vis-à-vis de l’exécutif (A) ; et
le médecin collaborateur est de son côté indépendant vis-à-vis des hôpitaux (B).
A- L’indépendance des collaborateurs avocats vis-à-vis de l’exécutif.
290.- Nous verrons dans un premier point le statut de l’avocat par rapport à la
notion d’indépendance (1), pour voir ensuite la différence de statut entre l’avocat
collaborateur et l’avocat salarié (2).
1-Le statut de l’avocat.
291.- Le régime de la collaboration libérale a dans un premier temps été appliqué
aux professions d’avocats, ce qui semble logique puisque le critère de l’indépendance
est le critère essentiel de validité du contrat de collaboration libérale, ainsi que la
caractérisation première de l’avocat. Le contrat de collaboration libérale semblait donc
très adapté aux professions d’avocats.
292.- Avant leur entrée en fonction, tous les avocats doivent prêter serment
d'exercer avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. Par conséquent,
dans l'exercice de ses fonctions, l'avocat salarié doit bénéficier de l'indépendance et de
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
138
la liberté de conscience. A l'issue du contrat de travail, il doit bénéficier de la liberté
d'établissement.
293.- Il existe différentes règles propres au statut des avocats.
Dans l'exercice des missions qui lui sont confiées, l'avocat doit bénéficier de
l'indépendance que comporte son serment. Il n'est soumis à un lien de subordination à
l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail pour les
avocats salariés.
L'avocat salarié a la faculté de demander à être déchargé d'une mission qu'il estime
susceptible de porter atteinte à son indépendance. Par conséquent, les textes garantissent
l'indépendance de l'avocat dans l'exercice de sa profession.
Il a la faculté de demander à être déchargé d'une mission qu'il estime contraire à sa
conscience121
. Cette clause de conscience n'est pas plus amplement définie par les
textes. On peut se poser la question de savoir si le jeu de cette clause, durant l'exécution
du contrat de travail, ne risque pas de compromettre la pérennité des relations entre
l'avocat salarié et l'avocat employeur.
L'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle, contrairement à l'avocat
collaborateur122
. L'interdiction faite à l'avocat salarié de détenir une clientèle
personnelle est motivée par le fait qu'il existe un lien de subordination et que l'avocat
salarié ne peut donc travailler pour son propre compte dans le cadre de son activité
professionnelle.
Toutefois, rien n'interdit théoriquement à l'avocat salarié d'avoir, en dehors de son
contrat de travail, une activité indépendante et de développer une clientèle personnelle.
Ce cumul était d'ailleurs possible pour les anciens conseils juridiques, à la condition,
naturellement, que cette activité ne constitue pas un acte de concurrence déloyale d'une
part, et que d'autre part, l'avocat se conforme aux obligations réglementaires quant à la
garantie financière et à l'obligation d'assurance, notamment. En pratique, cette
possibilité semble difficile à réaliser.
121
Loi n°90-1259, 31 Décembre 1990. 122
Idem
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
139
Depuis le 1er
janvier 1992, à l'issue du contrat de travail, l'avocat salarié doit disposer
d'une entière liberté d'établissement en s'interdisant toutefois toute concurrence
déloyale123
.
L’avocat est de plus, soumis aux règles de déontologie qui constituent la profession:
ainsi, une loi dispose qu'en aucun cas les contrats ou l'appartenance à une société, une
association ou un groupement, ne peuvent porter atteinte aux règles déontologiques de
la profession d'avocat124
. Le contrat de travail lui-même ne peut pas porter atteinte aux
règles de déontologie.
Le règlement du Conseil de l'ordre du barreau de Paris prévoit, aussi bien en cas de
relation de collaboration que de relation de salariat, que les avocats sont tenus entre eux
au respect des principes essentiels et notamment aux principes de confraternité et de
dignité.
La norme déontologique est donc unique et s'applique quelle que soit la modalité
d'exercice de la profession.
Pour revenir sur la notion d’indépendance de l’avocat vis-à-vis de l’exécutif, la Cour
européenne des droits de l'homme, en sa 5e chambre, a jugé que le procureur de la
République n'était pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour
donne à cette notion, soulignant qu'il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard
du pouvoir exécutif pour être ainsi qualifiée125
.
294.- De plus, un tribunal doit aussi remplir une série d'autres conditions :
indépendance, notamment à l'égard de l'exécutif, impartialité, durée du mandat des
membres, garanties offertes par la procédure126
.
Le tribunal doit pouvoir se prononcer sur des notions de fait ou de droit en toute
indépendance127
.
123
Idem 124
Article 7 de la loi n°71-1130 du 31 Décembre 1971. 125
CEDH, 10 Juillet 2008. 126
CEDH, 23 Juin 1981. 127
CEDH, 7 Novembre 2000.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
140
2-La distinction entre l’avocat salarié et l’avocat collaborateur.
296.- Traditionnellement, les cabinets d'avocats ont toujours eu recours à des
avocats collaborateurs, non salariés. La loi de 1990 prévoit donc que la profession
d'avocat peut être exercée pour le compte d'un autre avocat selon deux modalités
particulières : la collaboration ou le salariat.
La collaboration est un mode d'exercice libéral de la profession. L'avocat collaborateur,
qui exerce pour le compte d'un autre avocat, bénéficie d'une rétrocession d'honoraires et
non d'un salaire, et acquitte lui-même ses charges sociales. Il peut, par ailleurs, détenir
une clientèle personnelle.
Cependant, nonobstant les mentions de son contrat de collaboration, l'avocat
collaborateur, qui a été mis dans l'impossibilité d'avoir une clientèle personnelle, doit
être considéré comme un avocat salarié128
.
L'avocat salarié est quant à lui un salarié à part entière qui perçoit un salaire et doit
consacrer l'intégralité de son activité à son employeur puisqu'il ne peut détenir de
clientèle personnelle. Pour autant, l'avocat salarié :
« Bénéficie de l'indépendance que comporte son serment et n'est soumis à aucun lien
de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses
conditions de travail129
».
Le décret de 1991130
relève une autre différence entre les deux statuts. En effet, selon ce
texte, l'avocat collaborateur d'un autre avocat demeure maître de l'argumentation qu'il
développe. Lorsque cette argumentation est contraire à celle que développerait l'avocat
auquel il est lié, il est tenu, avant d'agir, d'en informer ce dernier. Aucune disposition de
ce type n'est prévue pour l'avocat salarié.
La frontière qui sépare l'avocat collaborateur de l'avocat salarié est toutefois plus mince
qu'il n'y paraît à la lecture des textes. La différence essentielle réside dans la
responsabilité de la prise en charge des cotisations sociales :
128
Cass, Ch Mixte 12 Février 1999. 129
Cass, Soc 11 Avril 2002. 130
Décret n°91-1197 du 27 Novembre 1991.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
141
Dans le cas de l'avocat salarié, les charges sociales sont partagées entre l'avocat
employeur et l'avocat salarié, et ce comme dans toutes les situations de salariat.
Dans le cas de l'avocat collaborateur, les charges sociales sont intégralement acquittées
par le collaborateur qui est présumé travailler de façon indépendante, même s'il travaille
pour le compte d'un autre avocat.
De même, si l'avocat collaborateur, contrairement à l'avocat salarié, peut détenir une
clientèle personnelle, c'est dans des proportions souvent restreintes, l'avocat
collaborateur devant consacrer l'essentiel de son activité à la clientèle du cabinet.
En résumé, la collaboration implique un certain état de subordination juridique tout
comme le salariat, mais le régime juridique diffère131
.
L’avocat collaborateur libéral est donc également indépendant vis-à-vis de l’exécutif
tout comme l’avocat salarié.
B- L’indépendance des médecins vis-à-vis des hôpitaux.
297.- Selon l'article 5 du Code de déontologie médicale132
, le médecin ne peut
aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.
Ce principe fondamental de l'exercice de la médecine est consacré par le Code de la
protection sociale et indique :
« Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté
d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré133
».
Le Code de déontologie médicale134
est très explicite en la matière :
131
Cass, Soc, 18 Octobre 2006. 132
Article R- 4127-5 du Code de la santé publique. 133
Article L. 162-2 du Code de la protection sociale. 134
Article 95 du Code de déontologie médicale, article R- 4127-95 du Code de la santé publique.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
142
« Le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou
un statut à une administration, une collectivité ou tout autre organisme n'enlève rien à
ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret
professionnel et l'indépendance de ses décisions ».
En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance
dans son exercice médical de la part de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir,
en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur
sécurité.
Il s'agit d'une indépendance morale et technique qui constitue la garantie pour le patient
lorsqu'il s'adresse à un médecin de trouver devant lui quelqu'un qui va l'écouter et le
secourir sans autre préoccupation que celle de lui rendre les services que la médecine
peut pour lui.
Le lien de subordination administrative qui lie le médecin à l'hôpital qui l'emploie
n'entraîne pas de dépendance hiérarchique. Jusqu'à l'adoption de la loi Bachelot, le
pouvoir confié par la loi au directeur d'hôpital était exclusivement un pouvoir
d'organisation du service.
L’article L. 6143-7, alinéa 4 du Code de la santé publique dispose que :
« Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des
règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des
responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance
professionnelle du praticien dans l'exercice de son art ».
Si le directeur n'est pas le supérieur hiérarchique des médecins, il peut néanmoins
prendre des mesures afin d'assurer la sécurité des patients.
Le Conseil d'Etat135
a également jugé que :
« Eu égard à l'urgence, le directeur d'un CHU, qui exerce son autorité sur l'ensemble
du personnel de son établissement, peut légalement, pour assurer la continuité du
service, décider, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes
135
CE, 15 Décembre 2000.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
143
pour prononcer la nomination du praticien concerné, de suspendre celui-ci de ses
activités cliniques et thérapeutiques au sein du centre hospitalier sans qu'y fassent
obstacle les dispositions du décret de 1984 portant statut des personnels enseignants et
hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, qui ne prévoient la possibilité de
suspendre les intéressés par une décision des ministres compétents que dans le seul cas
où ils font l'objet d'une procédure disciplinaire ».
Après avoir tenté de délimiter l’indépendance des médecins et avocats collaborateurs, il
convient d’ajouter que cette indépendance une fois reconnue, conduit nécessairement à
une responsabilité personnelle du collaborateur vis-à-vis du patient/client en cas de
litige.
§2-L’indépendance et la responsabilité du collaborateur vis-à-vis du patient/client.
298.- La question de la responsabilité en générale dans le cadre des contrats de
collaboration libérale, pose de nombreux problèmes, et engendrent une telle différence
d’application selon que l’on soit dans le cadre d’un contrat de collaboration entre
médecins ou entre avocats, que cela ne fait qu’illustrer la difficile délimitation des
périmètres du contrat. La nature juridique du contrat est véritablement imprécise.
Le collaborateur libéral est responsable de ses actes professionnels.
Il semble en effet logique que celui-ci soit personnellement responsable de ses fautes,
dans la mesure où il s’engage personnellement à exécuter la mission confiée par le
client.
Toutefois, chaque profession restera libre d’aménager les conditions de cette
responsabilité.
Ainsi, le Conseil national des barreaux a indiqué que la responsabilité de l’avocat
collaborateur se limitera à sa clientèle personnelle.
Si aucune réglementation spéciale n’est prévue, le collaborateur sera toujours
personnellement responsable des actes qu’il accomplit pour le compte du professionnel
dominant (fournisseur de travail).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
144
Mais les clients sont souvent attirés par tel ou tel cabinet, en raison de la notoriété de ce
dernier. Le client n’est pas uni au collaborateur qui s’occupe de son dossier.
299.- De cette manière, l’intervention du collaborateur sans lien avec le client tend
à se généraliser, c’est la raison pour laquelle la question de la responsabilité du
fournisseur de travail s’est posée.
Il apparait opportun d’étudier tout d’abord la responsabilité du médecin collaborateur
vis-à-vis de son patient (A) ; pour voir ensuite la mise en œuvre de la responsabilité de
l’avocat collaborateur vis-à-vis de son client (B).
A- La responsabilité du collaborateur médecin.
300.- Le collaborateur libéral est responsable personnellement en raison de ses
actes professionnels (1) ; de plus, le fournisseur de travail est responsable du dommage
causé par son collaborateur (2).
1-L’affirmation d’une responsabilité personnelle du collaborateur libéral en raison
de ses actes professionnels.
301.- Il existe en matière de contrat de collaboration libérale, une responsabilité
personnelle du collaborateur libéral. En effet, dans la mesure où celui-ci est
indépendant, il exerce sous sa propre responsabilité.
L’intuitu personae joue ici un rôle très important puisque le client contracte en fonction
des qualités propres du professionnel. Il est dès lors normal qu’il puisse engager sa
responsabilité personnelle.
Cette responsabilité personnelle est reconnue pour les avocats collaborateurs mais
seulement vis-à-vis de leurs clients personnels.
Dans le cas du médecin libéral, cela devrait être adapté au médecin collaborateur d’un
autre médecin.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
145
Le patient va consulter le collaborateur d’un médecin en raison de ses qualités propres.
C’est pourquoi, il existe ce principe de responsabilité propre du collaborateur.
Dans la mesure où le collaborateur médecin est responsable personnellement, il doit
souscrire une assurance qui devrait couvrir l’ensemble de la clientèle du collaborateur
libéral.
De manière générale, la responsabilité délictuelle du collaborateur sera retenue pour le
dommage causé à un tiers dans l’exercice de son travail ; ainsi que pour toute faute
commise à l’occasion de l’exécution du contrat.
La responsabilité contractuelle sera retenue dans le cas d’une mauvaise exécution ou
inexécutions des obligations contractuelles causant un dommage au créancier.
La mise en œuvre de la responsabilité du collaborateur sera ou non subordonnée à la
preuve d’une faute suivant l’objet de l’obligation imposée.
Lorsque le contrat a pour objet une prestation intellectuelle, l’obligation est souvent une
obligation de moyens136
.
En matière médicale, l’obligation est en revanche de résultat dans certains cas. Pour le
reste, compte tenu du critère de l’aléa, le médecin n’est en principe débiteur que d’une
obligation de moyens.
302.- L’intuitu personae jouant un rôle important : le client a contracté avec un
professionnel déterminé, en raison de ses qualités propres.
Il doit donc pouvoir engager la responsabilité personnelle de son cocontractant.
Ces différents cas de responsabilité personnelle se justifient pleinement lorsqu’un fort
intuitu personae unit le client au collaborateur.
Cependant, cette affirmation du principe de la responsabilité personnelle du
collaborateur se justifie de manière beaucoup plus relative lorsque l’intuitu personae
n’est pas constaté dans le contrat.
136
Ph. Malaurie, L. Aynès et P. Gautier, Les contrats spéciaux, n° 741.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
146
Nous avons constaté précédemment le déclin de l’intuitu personae dans les contrats de
collaboration libérale : dans la mesure où la clientèle civile est cessible, l’intuitu
personae dans la relation patient/client est beaucoup moins fort.
De plus, la mise en évidence du lien de para-subordination semble également rendre la
mise en œuvre de la responsabilité personnelle du collaborateur de moins en moins
opportune.
Mis à part ce que nous venons de voir, il apparait que la responsabilité du fournisseur de
travail puisse être engagée en raison du dommage causé par son collaborateur libéral
dans le cadre du contrat de collaboration.
2-La question de la responsabilité du professionnel dominant en raison du
dommage causé par son collaborateur.
303.- Un travailleur salarié n'assume pas la responsabilité de ses actes, notamment
vis-à-vis de la clientèle. A l'inverse, le fait, pour un travailleur, de supporter la
responsabilité civile de son activité constitue un indice de travail indépendant.
L’indépendance du médecin collaborateur sera un gage de la possible mise en œuvre de
sa responsabilité personnelle.
Si un médecin traitant est devenu collaborateur du service public hospitalier (donc
collaborateur dans un hôpital public) exerçant en dehors des murs de l’établissement, la
responsabilité encourue pour ses actes sera de nature administrative.
L’exercice de profession libérale telle que la profession de médecin, est normalement
incompatible avec la qualité de préposé du fait de son indépendance.
Un arrêt de la Cour de cassation137
indique qu’une sage femme liée par un contrat de
travail à une clinique dispose cependant, grâce au Code de déontologie, d’une
indépendance. Cette décision conduit à « nier » le critère d’indépendance.
137
Cass, Civ 1ère
, 30 Octobre 1995.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
147
La Cour ajoute que le médecin n’engage pas sa responsabilité personnelle à l’égard des
patients lorsqu’il est salarié d’une clinique et qu’il ne dépasse pas les limites de sa
mission138
.
304.- Dans le cas où un client s’adresse à un cabinet en raison de sa notoriété et que
la prestation est exécutée par un collaborateur, a priori, ce client devrait appartenir à la
clientèle du cabinet puisqu’aucun intuitu personae ne peut être constaté entre cette
personne et le collaborateur libéral.
Dès lors, le fournisseur de travail, doit-il répondre du dommage que pourrait causer le
collaborateur ?
305.- L’avocat serait civilement responsable à l’égard des clients du cabinet pour
les faits commis par le collaborateur.
Mais dans le cadre des contrats conclus entre les médecins libéraux et les cliniques, les
choses sont différentes :
Ainsi, la responsabilité du médecin est retenue dès lors qu’il n’est pas salarié de la
clinique139
.
Il est vrai que le patient est parfois attiré par la seule réputation de l’établissement : alors
pourquoi retenir la responsabilité du collaborateur médecin ?
Cette décision a donc pour conséquences que la question de la responsabilité du
professionnel dominant se pose toutes les fois où le client se rend dans un cabinet en
raison de sa notoriété, toutes les fois où il ne rencontrera pas physiquement le
collaborateur en charge de son dossier.
Ainsi, un critère qui reposerait sur la nature des liens qui unissent dans les faits le client
et le praticien pourrait aider à y voir plus clair.
En la matière, J. Sabatier140
avance l’idée de la mise en œuvre de ce critère.
138
Cass, Civ 1ère
, 9 Novembre 2004. 139
Cass, Civ 1ère
26 Mai 1999. 140
J. Sabatier, Note sous Cass, Civ 1ère
, 4 Juin 1991.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
148
306.- Lorsque le collaborateur cause un dommage à un tiers (ou au client) en raison
d’un faute d’imprudence, la responsabilité délictuelle du propriétaire du cabinet devrait
pouvoir être engagée. Mais peut-on attribuer au collaborateur la qualité de préposé en
raison de son indépendance ?
307.- A priori il semble contradictoire d’admettre l’indépendance et la préposition
de manière cumulative, puisque le rapport de préposition peut se caractériser par la
notion de lien de subordination141
. La jurisprudence refusait la qualité de préposé au
médecin salarié sur le fondement de l’indépendance dont il devait bénéficier142
.
Or, aujourd’hui, beaucoup de préposé sont indépendants dans l’exercice de leur
profession.
C’est pourquoi, on retient que le rapport de préposition n’est plus la subordination du
préposé, mais le fait d’agir pour le compte du commettant et à son profit143
.
Selon Mme Viney et M. Jourdain, deux conditions seraient en réalité nécessaires pour
qu’un contrat crée un rapport de préposition : que ce contrat oblige l’une des parties à
agir pour le compte d’une autre et que cette partie exerce sur la première un certain
pouvoir de surveillance et de contrôle).
Or, dans la mesure où la collaboration libérale n’est pas incompatible avec un certain
rapport de domination conférant au propriétaire du cabinet un droit de regard sur
l’activité de ses collaborateurs, rien ne semble s’opposer à reconnaître la qualité de
préposé au collaborateur libéral.
Ainsi, si le collaborateur cause un dommage au client du cabinet, et si le contrat est
conclu entre le client et le cabinet, sa mauvaise exécution entrainera une responsabilité
personnelle du fournisseur d’affaires.
Il s’agit là d’une extension de la responsabilité du fournisseur d’affaires.
La Cour de cassation144
retient l’immunité du médecin salarié s’il n’a pas excédé les
limites de sa mission.
141
Ph. Malaurie, L. Aynès, Les obligations, Defrénois 2004, n°159. 142
Cass, Civ 1ère
, 29 Décembre 1947. 143
G.Viney, P. Jourdain, Traité de droit civil : les conditions de la responsabilité, Sous la direction de
J. Ghestin, LGDJ, 1998. 144
Cass, Civ 1ère
, 9 Novembre 2004.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
149
Mais cette évolution de la jurisprudence dans le cadre du contrat de collaboration
libérale amène à s’interroger sur la possibilité d’un recours intégral du fournisseur
d’affaires contre son collaborateur. Cela serait logique étant donné la volonté de
reconnaitre la responsabilité personnelle du collaborateur.
B- La responsabilité du collaborateur avocat.
308.- Nous verrons la mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat collaborateur
(1), pour voir ensuite les risques d’exercer une telle activité en tant que collaborateur
libéral (2).
1-La mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat collaborateur.
309.- L’avocat collaborateur engage sa responsabilité contractuelle dans ses
rapports avec sa clientèle personnelle, à l’exclusion de celle de l’avocat avec lequel il a
conclu un contrat de collaboration libérale.
La question de la responsabilité de l’avocat collaborateur et de l’avocat salarié est
difficile à appréhender
En effet, depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2000145
:
« N’'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder
les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ».
Cette immunité a été rendue au médecin salarié en dépit de son indépendance
professionnelle146
, et devrait également bénéficier à l’avocat salarié. La conséquence de
cela est que le client de l’avocat salarié ne peut pas rechercher la responsabilité
personnelle de l’avocat ayant agi dans les limites de la mission qui lui a été impartie.
145
Cass, 25 Février 2000. 146
Cass, Civ 1ère
, 9 Novembre 2004.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
150
310.- Mais l’avocat salarié ou collaborateur reste personnellement responsable du
préjudice causé au client s’il a commis une infraction intentionnelle147
, ou bien encore
une faute qualifiée.
Le client a un intérêt agir contre l’avocat pour le compte duquel a agi le collaborateur
car il bénéficie toujours d’une assurance.
L’avocat pour le compte duquel agissent des avocats collaborateurs ou salariés sont
obligatoirement assurés alors que ces derniers ne le sont pas.
Ainsi, l’assureur de l’avocat ne pourra pas exercer de recours contre les collaborateurs
ou salariés de son assuré148
.
En toute hypothèse, l’avocat collaborateur n’est responsable que de sa clientèle
personnelle. Dans un autre cas, si un client souhaite obtenir une indemnisation d’un
préjudice subi, il devra engager la responsabilité du cabinet.
311.- Nous avons vu précédemment que la notion de clientèle personnelle du
collaborateur libéral était plutôt difficile à établir ; c’est la raison pour laquelle, il est
toujours compliqué de mettre en œuvre la responsabilité du collaborateur puisqu’il faut
dans un premier temps délimiter le périmètre de sa propre clientèle.
Cette idée nous affirme encore une fois l’idée selon laquelle la délimitation du périmètre
issu du contrat de collaboration libéral est difficile à établir, et que la mise en œuvre de
la responsabilité du collaborateur libéral dépend du contexte dans lequel il évolue.
Quels sont les risques d’exercer son activité d’avocat dans le cadre d’un contrat de
collaboration libéral ?
147
Ass. P, 14 Décembre 2001. 148
Du risque d’exercer en collaborateur, Revue Lamy Droit civil, n°82, 2011.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
151
2-Les risques d’exercice de l’activité d’avocat en tant que collaborateur.
312.- Une jurisprudence de la Cour de cassation149
indique que :
« Si l’avocat est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son
compte par un collaborateur, cette responsabilité n’est pas exclusive de celle qui est
encourue par ce dernier ».
Cette solution pourrait inquiéter les avocats.
En effet, en l’espèce, il existait un conflit entre un avocat et un client du cabinet dans
lequel il exerçait. Le client assigne l’avocat en responsabilité pour manquement à son
devoir de conseil.
Cet arrêt indique que la responsabilité du cabinet peut être engagée, mais il ajoute autre
chose.
Les juges rejettent la demande faite contre l’avocat après avoir analyser les conditions
d’exercice de ce dernier.
La Cour indique que :
« Dans ses rapports avec la partnership, l’avocat s’était engagé à consacrer son travail
au développement du cabinet en contrepartie d’une rémunération prélevée sur les
revenus du bureau parisien, de la mise à disposition de moyens, de la prise en charge
de ses cotisations et dépenses professionnelles et de la souscription, pour lui, d’une
assurance de responsabilité professionnelle ; dans ses relations avec le client, il avait
toujours agi au nom du cabinet, sans percevoir de rémunération à titre personnel ».
Dans cette affaire, l’avocat serait donc intervenu en qualité de collaborateur de cabinet.
Ainsi, la responsabilité personnelle de l’avocat qui exerce au sein du cabinet ne peut pas
être recherchée sauf si ce dernier est alors considéré comme un associé. La Cour indique
donc qu’en présence d’un avocat collaborateur, l’action ne sera pas recevable.
149
Cass, Civ 1ère
, 17 Mars 2011.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
152
En effet, il a toujours été reconnu qu’en principe, quand l’avocat agit vis-à-vis de la
clientèle du cabinet, dans la limite de la mission qui lui est confiée par le fournisseur
d’affaires, il est impossible d’engager sa responsabilité150
.
Or, la Cour de cassation nous indique que :
« La responsabilité de l’avocat pour le compte de qui sont réalisés les actes
professionnels par un collaborateur n’est pas exclusive de celle qui est encourue par ce
dernier ».
Dès lors, il est possible d’engager la responsabilité du fournisseur de travail ainsi que du
collaborateur qui aurait alors agi dans le cadre de ses fonctions liées au cabinet.
Par cette décision, la Cour permet la mise en œuvre de la responsabilité du collaborateur
sans condition apparente ou formelle.
Au regard de cette décision, il semble de plus en plus risqué d’exercer son activité
d’avocat dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale.
En conclusion et plus généralement, l’avocat peut voir engagée sa responsabilité lorsque
survient un litige en rapport avec sa clientèle personnelle ; sinon, c’est le cabinet qui est
responsable.
313.- Dans le cas des contrats de collaboration libérale, la responsabilité
personnelle du médecin collaborateur peut être engagée en raison du caractère intuitu
personae de la relation, mais également, on souhaite aller vers un accroissement de la
mise en œuvre de la responsabilité du fournisseur de travail dans le cas où le
collaborateur créerait un dommage au cabinet.
150
Ass. P, 25 Février 2000.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
153
Section 2- Une tentative « vaine » de délimitation des périmètres du contrat de
collaboration libérale.
314.- Avec la loi de 2005, le législateur a souhaité harmoniser le statut de
collaborateur libéral.
Nous avons alors tenté d’apporter une définition au contrat de collaboration en mettant
en avant les spécificités de la convention passant par la mise en œuvre d’obligations
prescrites et d’obligations exclues. La qualification de la nature du contrat d’est avérée
très complexe.
315.- Cependant, toute la problématique du contrat réside dans la difficile
délimitation des périmètres issus du contrat. Et c’est ce que nous avons tenté de
démontrer ci-dessus, à travers l’étude des conditions de mise en œuvre de la
responsabilité du collaborateur libéral dans le cadre des professions de médecins et
d’avocats, la notion d’indépendance du collaborateur, l’application des clauses de non
concurrence et des clauses de non rétablissement…
316.- Toutes ces constatations nous conduisent alors à reconnaitre une certaine
« schizophrénie » du contrat de collaboration libérale (§1).
En effet, un tel contrat revêt deux personnalités différentes selon qu’il évolue dans un
contexte de contrat conclu entre avocats ou bien entre médecins.
Enfin, et plus généralement le contrat de collaboration libéral revêt un caractère
indéniablement « hypocrite » (§2).
§1-La « schizophrénie » du contrat de collaboration libérale.
317.- La constatation de la « schizophrénie » du contrat de collaboration libérale se
base sur notamment le critère d’indépendance du collaborateur comme condition
essentielle de validité du contrat de collaboration libérale (A), ce qui nous conduit à
reconnaitre un « pseudo statut libéral » (B).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
154
A- Le critère d’indépendance du collaborateur comme condition essentielle de validité
du contrat de collaboration libérale.
318.- Le collaborateur libéral possède une faculté de constitution de clientèle
personnelle dans le cadre de l’exécution du contrat de collaboration.
La jurisprudence a reconnue que si le collaborateur n’est pas mis en mesure d’exploiter
cette clientèle personnelle, le contrat de collaboration libérale doit être requalifié en
contrat de travail.
319.- Mais au regard des démonstrations faites précédemment, la faculté de
constitution de clientèle personnelle apparait plus comme un fantasme que comme une
réalité (1).
Cette idée conduit à remettre en question la notion d’indépendance du collaborateur
libéral et à apprécier la compatibilité de la notion d’indépendance et d’un certain rapport
hiérarchique présent dans le contrat (2).
1-La faculté de clientèle personnelle : un fantasme ?
320.- Le contrat de collaboration prévoit que le collaborateur puisse se constituer
une clientèle propre. Cette faculté est un gage de l’indépendance de ce dernier.
Or, si l’on regarde le régime du contrat de collaboration, on observe que l’obligation
principale du collaborateur est de travailler avec la clientèle du fournisseur de travail.
La notion de clientèle personnelle ne se situe donc pas au centre même du contrat.
Le collaborateur possède uniquement une faculté de se constituer une clientèle propre,
mais ce n’est pas le but premier du contrat : ses obligations principales sont de traiter la
clientèle du fournisseur d’affaires dans un premier temps, tout en bénéficiant de son
expérience. Le fournisseur se doit de mettre à sa disposition tous les moyens nécessaires
à une telle exploitation.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
155
321.- La frontière entre clientèle du cabinet et clientèle propre du collaborateur est
toujours difficile à définir : selon que l’on se trouve dans un contrat de collaboration
libérale conclu entre médecins ou avocats, la frontière est plus ou moins sensible.
La loi a tenté d’instaurer des règles, comme nous l’avons vu dans les précédentes
démonstrations, afin de mieux savoir à qui se rattache la clientèle en cas de cession de
fonds libéral, ou bien en cas de départ du collaborateur, mais rien ne semble
véritablement concluant.
De plus, depuis que la notion de fonds libéral a été assimilée à la notion de fonds de
commerce, on observe alors une dépersonnalisation des clientèles civiles puisque ces
dernières sont alors dans le commerce.
Le caractère intuitu personae des relations entre le client et le praticien est de plus en
plus minime. Cela implique une nécessaire difficulté pour le collaborateur de se
constituer sa propre clientèle.
322.- Enfin, dans n’importe quelle hypothèse, le collaborateur aura du mal à se
constituer une clientèle propre :
En effet, ce dernier aura déjà beaucoup à faire en traitant la clientèle du fournisseur
d’affaires (travail duquel il ne retirera aucun profit mis à part une rétrocession
d’honoraire) ; il n’aura dès lors pas beaucoup de temps pour développer sa clientèle
propre.
La loi entend protéger ce droit bénéficiant au collaborateur en sanctionnant le
fournisseur de travail qui n’aurait pas mis son collaborateur en mesure de se constituer
sa propre clientèle.
Mais les critères utilisés par la loi sont très vagues et la sanction est très difficile à
mettre en œuvre.
La notion de « clientèle personnelle » du collaborateur apparait alors plus comme un
fantasme que comme une réalité.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
156
2-La remise en question de l’indépendance du collaborateur libérale : la
compatibilité de l’indépendance et d’un rapport hiérarchique.
323.- Le fait que la notion de clientèle personnelle du collaborateur ne se situe pas
au centre du contrat, implique la présence d’un lien de subordination déguisé.
Nous retiendrons alors la notion de « para-subordination » ou bien de « lien de
subordination déguisé ».
Le collaborateur libéral est d’une certaine manière toujours soumis au contrôle de son
fournisseur d’affaires.
Un rapport hiérarchique est nécessairement présent dans les contrats de collaboration
libérale, c’est ce qui nous a conduits à évaluer la compatibilité du critère
d’indépendance et du rapport hiérarchique toujours constaté.
Le Code de déontologie précise bien que l’avocat tout comme le médecin doivent
impérativement être indépendants.
324.- Or, le fait d’avoir consacré le statut d’avocat salarié porte déjà atteinte à ce
principe d’indépendance. La jurisprudence indique que le lien de subordination ne peut
exister que pour la détermination des conditions de travail du collaborateur ; ceci étant,
en instaurant cette règle, on porte tout de même atteinte au principe d’indépendance.
325.- Supporter la responsabilité personnelle de ses actes est un gage de la bonne
indépendance du collaborateur libérale.
Néanmoins, dans la mesure où nous avons constaté qu’il existait un lien de para-
subordination entre le collaborateur et le fournisseur d’affaires, il serait logique que le
collaborateur n’assume pas seul la responsabilité de ses actes, et que le régime se
rapproche d’avantage du régime de protection du droit du travail.
Le salarié bénéficie d’une protection de la part de son employeur ; dès lors, étant donné
que le collaborateur est lié au fournisseur d’affaires, il devrait bénéficier aussi de sa
protection.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
157
326.- Or, la législation va de plus en plus vers une responsabilité toujours plus
personnelle du collaborateur libéral, illustrant donc bien l’hypocrisie du régime du
contrat de collaboration libérale.
Reconnaitre que le collaborateur peut engager sa responsabilité pour le compte du
cabinet et du fournisseur d’affaires, conduit à « nier » ce critère d’indépendance.
Et ne l’oublions pas, l’indépendance est la condition essentielle pour pouvoir qualifier
un contrat en contrat de collaboration libérale.
327.- De plus, concernant le fait que le collaborateur libéral puisse être un préposé
porte atteinte à l’indépendance du collaborateur quoi qu’on en dise.
En effet, la jurisprudence refusait de la reconnaitre au début en raison du lien de
subordination que cela pouvait entrainer, impliquant alors une requalification du contrat
de collaboration libérale en contrat de travail.
Ensuite, la jurisprudence a remplacé la prise en compte du lien de subordination par le
fait d’agir pour le compte du fournisseur d’affaires.
Cependant lorsque le collaborateur agit pour le compte du cabinet, le fournisseur
d’affaires exercera sur lui nécessairement un pouvoir de contrôle et de surveillance ;
c’est dans cette mesure qu’en toute hypothèse, on portera atteinte au principe de
l’indépendance du collaborateur.
C’est donc une hypocrisie que de considérer que le collaborateur libéral est totalement
indépendant.
Peut-on dès lors parler d’un « pseudo » statut libéral ?
B- Un « pseudo » statut libéral ?
328.- Dans les différentes professions ayant recours au contrat de collaboration, la
nature juridique de ce contrat reste relativement imprécise.
Tout au plus, la Cour de cassation fournit quelques indications par voie de négation en
affirmant que :
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
158
« Le contrat de collaboration par lequel un professionnel intègre un confrère à son
cabinet ne peut être assimilé à une sous-location partielle des locaux ou à un prêt du
droit au bail 151
».
La qualification de ce contrat est donc laborieuse comme nous l’avons déjà constaté
précédemment.
Dans les faits, le collaborateur agit pour le compte d’un professionnel.
Par conséquent, le collaborateur pourrait apparaître à la fois comme un sous-
entrepreneur et comme un mandataire substitué. Cette analyse n’est cependant pas très
convaincante dans la mesure où le mandat suppose l’accomplissement d’actes
juridiques, ce qui n’est pas le cas, par exemple, d’une activité de conseil. La Cour a
souligné, en outre, que :
« Analyser le contrat de collaboration comme une sous-traitance n’éclaire le problème
que d’une pâle lueur si l’on songe aux incertitudes qui entourent habituellement ce type
de rapport juridique ».
Il est donc très difficile de définir ce qu’est un collaborateur libéral, le lien de
subordination est presque toujours présent dans les contrats de collaboration même à
moindre mesure, le collaborateur n’est jamais réellement indépendant, alors que le statut
de « libéral » implique nécessairement une totale indépendance.
Il semble qu’il y ait confusion entre le statut de libéral et de salarié collaborateur.
§2-L’hypocrisie du contrat de collaboration libéral.
329.- L’indépendance du collaborateur est mise à mal par la mise en œuvre de
clauses de non concurrence et de non rétablissements dans les contrats de collaboration
libérale.
151
Cass, Civ 3ème
, 22 Octobre 2003, Defrénois 2004, note J-L. Aubert RDC 2004.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
159
Ces clauses se doivent d’être mesurées afin de prendre en compte les intérêts légitimes
de chacune des parties : le collaborateur doit pouvoir récupérer sa clientèle
personnellement crée dans le cadre du contrat de collaboration libérale et se réinstaller
le plus rapidement possible, le fournisseur de travail ne doit pas perdre de clientèle du
fait du départ du collaborateur, et la clientèle doit pouvoir appliquer le principe de
liberté de choix afin d’aller chez le praticien qu’elle souhaite.
Le but est donc de tenter une conciliation des intérêts de chacun et de veiller à ce que ne
soit porté atteinte à aucune règle, ni à aucun droit.
330.- Le principe de liberté de choix du patient implique que malgré les clauses de
non concurrence ou de non rétablissement, la clientèle puisse librement choisir le
praticien qu’il souhaite.
Dès lors, en cas de départ du collaborateur, une partie de la clientèle du cabinet peut
suivre le collaborateur sans que le fournisseur de travail ne puisse rien faire. Ceci
implique que la limite entre la clientèle du cabinet et la clientèle personnelle du
collaborateur ne soit pas réellement évidente. Le fournisseur peut constater une perte de
clientèle lors du départ du collaborateur sans recevoir aucune indemnisation.
331.- De plus, nous avons été amenés à constater que dans le domaine de la
responsabilité, la différence de régime était évidente selon que l’on soit dans un contrat
de collaboration libérale conclu entre médecins ou avocats.
Dans un premier temps, cette difficulté met en évidence les problèmes d’harmonisation
du statut. Ensuite, il est admis que le collaborateur est toujours reconnu responsable
personnellement de ses fautes envers sa propre clientèle, or, dans certains cas, le client
ne choisit pas le praticien pour la personne mais seulement pour ses compétences.
L’intuitu personae est alors mis à mal.
On constate en effet, de plus en plus d’intervention de collaborateur sans que soit
constaté de lien avec le patient : dès lors pourquoi est ce que le collaborateur serait
responsable d’une clientèle qui n’est pas la sienne ? Pourquoi aller toujours plus loin
dans la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du collaborateur libéral ?
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
160
332.- De plus, la frontière est très maigre entre la qualification de contrat de
collaboration libérale et de contrat de travail. Le lien de subordination semble
finalement se trouver dans tous les contrats de collaboration libérale mais de manière
mesurée.
La doctrine retient la notion de para-subordination pour définir la relation du
collaborateur libéral avec le fournisseur d’affaires. Cette reconnaissance est gage de
l’hypocrisie du contrat de collaboration libérale, puisque la base du contrat de
collaboration libérale est l’indépendance du collaborateur.
De plus, il faut prendre en considération la clientèle du cabinet qui appartient au fonds
libéral du fournisseur d’affaires. Le collaborateur doit exploiter cette clientèle en
priorité mais il ne doit pas se l’approprier.
Or, en respectant le principe de liberté de choix du patient, en cas de départ du
collaborateur libéral, les clients peuvent décider de suivre le collaborateur alors ex
contractant. Le fournisseur de travail perdrait de la clientèle et le collaborateur lui ferait
alors concurrence. Il est possible d’insérer une clause de non concurrence mais il ne faut
pas porter atteinte à la liberté de choix du patient qui apparait alors comme un principe
essentiel depuis les arrêts de la Cour de cassation de 2000 et 2001.
333.- Il semble que tout le régime du contrat de collaboration libérale soit survolé
par cette obligation de respect du choix des patients, et que pour pouvoir la concilier
avec les intérêts légitimes de chacune des partie au contrat, il faille alors en permanence
tenter de trouver « un juste équilibre ».
C’est en cela que la délimitation des périmètres issus du contrat est difficile : la notion
de clientèle (la clientèle propre du collaborateur, et celle du cabinet) est floue, le
principe de liberté de choix du patient doit s’articuler avec bon nombre d’autres
principes comme nous l’avons vu…
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
161
334.- Enfin, le contrat de collaboration libéral est hypocrite dans la mesure où son
régime est différent selon que l’on se trouve dans le cadre d’un contrat de collaboration
libéral conclu entre médecins ou entre avocats.
La valeur de l’intuitu personae n’est jamais la même chez les médecins libéraux et chez
les avocats, ce principe est souvent mis à mal puisqu’on tend vers une intervention du
collaborateur sans lien avec le patient.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
162
CONCLUSION Titre 1
335.- Le périmètre du contrat de collaboration libérale est très difficile à délimiter.
Les parties au contrat de collaboration libérale peuvent prévoir des clauses de non
concurrence ou de non rétablissement qui viendront s’appliquer aux termes de la
convention. De telles clauses sont tolérées mais de manière « proportionnée ».
En effet, le fournisseur de travail possède sa propre clientèle qu’il développe dans le
cadre de son cabinet. Si son collaborateur vient à partir, il est légitime que ce dernier
entende protéger ses intérêts en évitant que le collaborateur n’emporte avec lui sa propre
clientèle.
De la même manière, ces clauses ne doivent pas porter atteinte aux droits du
collaborateur consistant en une faculté de clientèle personnelle en toute indépendance.
De plus, il existe un principe incontournable : la cession de clientèle civile est possible
du moment où la liberté de choix du patient/client est respectée.
Dès lors, il s’agit de trouver une compatibilité entre les intérêts légitimes du
collaborateur et du fournisseur d’affaires tout en respectant le principe de liberté de
choix du patient/client.
336.- Enfin, le domaine de la responsabilité est également un domaine illustrant la
difficile délimitation du périmètre du contrat de collaboration. En effet, la mise en
œuvre de la responsabilité du collaborateur ou du fournisseur d’affaires par le client,
dépend de la nature du contrat (que ce soit un contrat de collaboration libérale entre
médecins ou entre avocats). Le régime se trouve connaitre deux personnalités
différentes.
De plus, la loi souhaite renforcer la possibilité de mettre en œuvre la responsabilité du
fournisseur de travail dans le cas où le collaborateur manquerait à ses obligations, alors
que la principale faculté que possède le collaborateur est l’indépendance.
Il s’agit là d’un illogisme.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
163
337.- Nous avons donc vu le contexte intrinsèque du contrat de collaboration
libérale, il convient désormais de se pencher sur le contexte extrinsèque de ce même
contrat.
En effet, cela semble intéressant dans la mesure où le contexte extérieur au contrat
semble avoir une influence déterminante sur la nature du contrat, sur ses effets et son
opportunité.
338.- La délimitation des périmètres issus du contrat est donc toujours ici
problématique : Le contrat de collaboration libéral évolue différemment selon le secteur
de marché dans lequel il se trouve.
Si le contrat de collaboration libéral se trouve dans un secteur concurrentiel, (comme
par exemple les professions d’avocats), il est très difficile de pouvoir se constituer une
clientèle personnelle.
En revanche, si le contrat se trouve dans un secteur peu concurrentiel, (tel que la
profession de médecin), il est alors plus aisé de pouvoir se constituer une clientèle
personnelle.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
164
Titre 2- Le contexte extrinsèque du contrat de collaboration libérale.
339.- Nous avons vu au cours des développements précédents que la nature du
contrat de collaboration libérale dépendait du contexte dans lequel ce dernier évoluait.
En effet, selon que l’on soit dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale conclu
entre médecins ou entre avocats, le régime n’est pas le même.
La nature juridique de ce contrat reste donc relativement imprécise.
340.- Il apparait opportun de regarder désormais l’évolution du contrat de
collaboration libérale en fonction du contexte « extrinsèque » dans lequel il est amené à
évoluer.
En effet, les éléments extérieurs au contrat de collaboration influent sur la nature du
contrat, sur sa mise en œuvre, et sur son opportunité.
341.- Le droit de la concurrence s’applique aux professions libérales.
Il est aussi reconnu que ce droit ne peut s’y appliquer dans toute sa rigueur, notamment
au regard des spécificités économiques de ces professions et des marchés sur lesquels
elles opèrent.
Nous avons vu précédemment qu’il n’existe pas de définition légale précise de la notion
de profession libérale en raison de la complexité du régime.
Il s’agit d’un concept évolutif regroupant traditionnellement toute une série de
professions plus ou moins réglementées152
: les professions juridiques (avocats, notaires,
huissiers, etc.), les professions médicales (médecins, vétérinaires, pharmaciens)…
Un arrêt de la CJCE153
indique que :
« Les professions libérales sont des activités qui présentent un caractère intellectuel
marqué, requièrent une qualification de niveau élevé et sont d’habitude soumises à une
réglementation professionnelle précise et stricte.
152
Directive n°2005/36/CE 7 Septembre 2005. 153
CJCE, 11 Octobre 2001.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
165
Dans l’exercice d’une telle activité, l’élément personnel a une importance spéciale, et
un tel exercice présuppose, de toute manière, une grande autonomie dans
l’accomplissement des actes professionnels ».
Ces professions se distinguent des commerçants par le fait qu’elles ne poursuivent pas
qu’un profit financier, mais qu’elles contribuent à la poursuite de l’intérêt général.
Elles sont indépendantes de l’état et autorégulées tout en étant régies par les Codes de
déontologie.
342.- Ces codes de déontologie soumettent les rapports de concurrence entre leurs
membres à des règles de comportement particulières, faisant appel à des principes de
confraternité.
Ces principes n’ont pas cours dans les relations concurrentielles sur d’autres marchés de
biens ou services. Ces professions jouissent d’un statut protecteur et de certains droits
exclusifs comme nous l’avons vu précédemment.
Il serait erroné de voir dans les professions libérales une catégorie homogène
d’opérateurs économiques, compte tenu de la palette très large des services concernés et
du fait que certains services sont fournis par ces professions dans certains États et non
dans d’autres.
Le marché des professions libérales est caractérisé par une asymétrie d’information
entre le consommateur de services et le professionnel offreur de services154
. Il convient
toujours de trouver un juste équilibre.
Or, le modèle de concurrence pure et parfaite repose sur le postulat que la concurrence
conduit à une allocation optimale des ressources (à savoir la maximisation du profit des
offreurs et la maximisation de l’utilité des demandeurs en termes de prix et de qualité),
et ce, si les offreurs et les demandeurs disposent d’une information parfaite sur le
marché (pour les offreurs une information sur leurs coûts, les technologies disponibles ;
pour les demandeurs une information sur leur préférence, sur les prix et la qualité des
services).
154
Les professions libérales et le droit de la concurrence, Revue Droit et Patrimoine, 2006, n°153.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
166
Si on regarde cela au regard des professions libérales, il semble que les demandeurs ne
connaissent pas leurs besoins, ce qui les empêche de pouvoir l’évaluer. Il est impossible
d’évaluer la qualité des services achetés ou leur prix, ni même de vérifier les prix
pratiqués par les collaborateurs ou leurs fournisseurs.
Tous ces éléments contribuent à ce que le libre fonctionnement du marché ne puisse
suffire à garantir des prix concurrentiels et à assurer une bonne qualité de services.
Le professionnel est donc tenté d’abuser de la clientèle consommatrice en accordant des
services de moindre qualité afin d’économiser du temps et de l’argent, tout en amenant
parfois la clientèle à avoir recours à leur service alors qu’ils n’en ont pas éprouvé le
besoin.
Toutes ces dérives impliquent que ces professions doivent être strictement
réglementées, soit par l’état lui-même, soit par les ordres professionnels.
Ainsi, pour accéder à ces professions, il convient de posséder un niveau élevé de
qualifications pour garantir les services proposés. L’exercice des professions libérales
est restreint quant à la capacité de faire de la publicité, quant à la fixation des prix…
343.- Enfin, l’exercice de ces professions comporte des effets externes importants.
Il s’agit d’effets économiques induits par les prestations des professions libérales sur
l’économie dans son ensemble.
En effet, un contrat mal rédigé aura une influence sur l’économie générale, et les
services professionnels sont des intermédiaires dans une chaine de production plus
longue entrant dans le prix final d’autres biens.
Il découle de ce qui précède que la soumission de ces professions aux règles du marché
ne peut être envisagée sans restriction.
L’application pure et simple du droit de la concurrence ne peut suffire à garantir les
meilleurs prix et la meilleure qualité de ces services. Quelle que soit l’issue du
processus de révision des cadres législatifs et réglementaires des professions libérales
lancé par la Commission européenne, une réglementation, peut-être plus limitée dans
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
167
son périmètre, continuera donc à être pratiquée, et la confrontation de ces règles avec le
droit de la concurrence devra être appréciée par les autorités de concurrence.
Les autorités de concurrence concilient donc le respect du droit de la concurrence avec
la réglementation de ces professions.
Elles indiquent comment certaines règles adoptées par les professions ou par l’État,
excédant les limites de ce qui est nécessaire pour protéger l’ordre public, la déontologie
ou encore la qualité des professions, peuvent constituer des comportements
anticoncurrentiels sanctionnables au regard du droit communautaire de la concurrence et
du droit national.
344.- Le contexte du marché a donc une influence déterminante sur la mise en
œuvre du contrat de collaboration. Si le contrat est appliqué dans un secteur
concurrentiel, l’acquisition d’une clientèle personnelle par le collaborateur ne sera pas
évidente et le travail que ce dernier fournira ira pour le compte du fournisseur de travail
avec lequel il travaille.
345.- L’indépendance du collaborateur sera dès lors mise à mal, et la relation entre
le collaborateur et le fournisseur de travail se verra toujours plus entachée d’une para-
subordination, entrainant de multiples requalifications des contrats de collaboration
libérale en contrat de travail.
La mise en œuvre des clauses de non concurrence et de non rétablissement viendront
encore limiter d’avantage l’indépendance du collaborateur.
346.- A côté de cela, la loi va de plus en plus vers une reconnaissance de la
responsabilité personnelle du collaborateur vis-à-vis des clients, ce dernier ne se voyant
alors reconnaitre aucune protection.
Le collaborateur est toujours responsable personnellement même vis-à-vis d’une
clientèle qui ne l’aurait pas choisi : le caractère intuitu personae perd de son importance,
et ce, notamment depuis que le régime du fonds libéral à plus ou moins été assimilé au
régime du fonds de commerce.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
168
Le recours au régime du contrat de collaboration ne sera alors peut être pas le plus
opportun dans cette mesure.
En revanche, si le contrat de collaboration évolue dans un contexte non concurrentiel, il
sera plus aisé pour le collaborateur libéral de se constituer une clientèle personnelle
propre.
Il ne travaillera pas seulement pour le compte du fournisseur de travail mais pourra
commencer à se crée « patrimoine de clientèle ».
L’opportunité de conclure un contrat de collaboration libérale serait dans ce cas
évidente.
347.- Dans un premier temps, il semble nécessaire d’étudier la soumission du
professionnel libéral au droit de la concurrence en général (Chapitre 1) ; pour étudier
ensuite l’évolution du contrat de collaboration libérale selon que l’on se trouve sur un
marché concurrentiel ou non concurrentiel (Chapitre 2).
- CHAPITRE 1 : Le professionnel libéral et le droit de la concurrence.
- CHAPITRE 2 : L’évolution du contrat de collaboration libérale selon que
l’on se trouve dans un secteur concurrentiel ou non concurrentiel (Regard
croisé entre les professions d’avocats et de médecins).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
169
Chapitre 1- Le professionnel libéral et le droit de la concurrence.
348.- Il convient d’étudier dans un premier point la soumission du professionnel
libéral au droit de la concurrence (Section 1) ; pour apprécier ensuite les pratiques de
concurrence dans le cadre des contrats de collaboration libérale (Section 2).
- Section 1 : La soumission du professionnel libéral au droit de la concurrence.
- Section 2 : Le contrat de collaboration libérale et les pratiques
anticoncurrentielles.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
170
Section 1-La soumission des professions libérales au droit de la concurrence.
349.- Nous verrons dans un premier point la confrontation des professions libérales
et des entreprises (§1) ; pour observer ensuite la manière dont les professions libérales
sont soumises au droit de la concurrence et les effets sur le marché (§2).
§1-Les professions libérales et les entreprises.
350.- Il apparait intéressant de regarder les conditions dans lesquelles s’appliquent
le droit de la concurrence dans le cadre des professions libérales et notamment des
professions d’avocats et de médecins (A) ; pour voir ensuite l’intervention des ordres
professionnels dans le cas ou le droit de la concurrence serait reconnu applicable (B).
A- L’applicabilité du droit de la concurrence aux professions libérales : les professions
de médecins et d’avocats.
351.- Le Traité de Rome155
entend établir dans le marché intérieur une concurrence
non faussée.
Le droit de la concurrence s’applique à toutes les activités de production ou de service ;
sans immunité sectorielle.
Le droit de la concurrence, communautaire ou national, s’applique donc à l’activité des
professions libérales, qui est constituée par la fourniture de services rémunérés et offerts
à des particuliers ou à des entreprises.
La nature économique de l’activité affectée et la qualité d’entreprise de l’opérateur à
l’origine des pratiques détermine l’application des règles de concurrence.
Il faut donc une activité économique et une imputabilité de la pratique à une entreprise.
La CJCE156
nous donne une définition de l’entreprise :
155
Article 3 du Traité de Rome. 156
CJCE, 23 Avril 1991.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
171
« La notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique,
indépendamment du statut juridique de cette entreprise et de son mode de
financement ».
Une activité qui offre des biens ou des services sur un marché donné, ou bien une
activité à but lucratif ou non qui implique des échanges économiques, constituent une
activité économique157
.
Cette définition exclut cependant les organismes qui agissent en vertu de prérogatives
de puissance publique ou dont la fonction est sociale, ainsi que les professions libérales
réalisées sous une forme subordonnée (le lien de salariat).
Ainsi, on distingue les activités d’avocats réalisées en tant que salariés, et les activités
réalisées de manière indépendante.
Seuls les professionnels indépendants sont soumis au droit de la concurrence.
C’est en 1993 que la Commission a reconnu l’application du droit de la concurrence aux
professionnels libéraux en disposant que :
« Le fait que l’activité des expéditeurs en douane soit considérée par le droit italien
comme une profession libérale ne fait pas obstacle au fait que les expéditeurs en
douane sont des entreprises qui exercent une activité économique ».
Les collaborateurs libéraux exercent une activité économique, dès lors, ils assument les
risques financiers afférents à l’exercice de leur activité.
Dans ces conditions, l’arrêt Wouters de la CJCE affirme que les avocats sont des
entreprises au sens du droit communautaire de la concurrence158
.
L’analyse en matière de concurrence distingue, au sein d’une même profession libérale,
les attributions de nature économique des autres.
Seules les attributions de nature économique relèvent du droit de la concurrence.
157
CJCE, 18 Juin 1998. 158
CJCE, 19 févr. 2002, Wouters.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
172
Pour bénéficier de l’exemption relative à la participation à la puissance publique, il faut
être directement subordonné à l’État dans l’exercice d’une de ses missions régaliennes
(huissier agissant en tant qu’officier ministériel, organe de l’exécutif ou du judiciaire ;
notaire donnant force exécutoire et authentifiant des actes, etc.).
Lorsque les médecins spécialistes contribuent à leur propre régime de pension
complémentaire en instaurant un régime de pension complémentaire, ils n’agissent pas
en tant qu’entreprises au sens du droit de la concurrence, mais en tant que
consommateurs finaux.
Mais, lorsqu’ils cotisent conjointement à un seul fond professionnel de pension
complémentaire, étant étroitement lié à l’exercice de leur activité professionnelle, les
médecins constituent des entreprises et cette activité est une activité économique
relevant du droit de la concurrence.
B- L’intervention des ordres professionnels.
352.- Concernant les professions libérales, les autorités de la concurrence
connaissent le plus souvent des pratiques d’ententes essentiellement toujours commises
par les ordres professionnels.
L’entente159
impliquerait que plusieurs entreprises s’entendent pour fausser le jeu de la
concurrence sur le marché.
353.- Les ordres professionnels se définissent comme des associations d’entreprises
soumises au droit de la concurrence. Le fait qu’ils agissent sur la base d’une délégation
de pouvoir ne les exonère pas de l’application de ce droit160
.
Un ordre professionnel représente la collectivité de ses membres et une pratique
comportant un objet ou un effet anticoncurrentiel venant de cet organisme relèvera
d’une entente entre ses membres
159
Article L. 420-1 du Code de commerce. 160
CJCE, 18 juin 1998.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
173
Les actes des membres des professions libérales ou les décisions de leurs organes
professionnels qui constituent des actes de production, de distribution et de services
relèvent de la compétence du Conseil de la concurrence.
De plus, le principe de séparation des ordres judiciaires et administratifs s’applique au
droit de la concurrence.
Dans un arrêt de la Cour de cassation161
, il est jugé que :
« En diffusant un communiqué interdisant aux professionnels le portage des
médicaments à domicile, sous peine de sanctions, et en faisant une interprétation
inexacte du Code de la santé publique, le Conseil central de l’Ordre national des
pharmaciens ne manifestait pas l’exercice d’une prérogative de puissance publique,
sortait de la mission de service public qui lui est conférée en tant qu’ordre
professionnel et donc intervenait sur le marché du portage de médicaments à domicile.
Son comportement relevait donc, de la compétence du Conseil de la concurrence ».
De plus, le Conseil de la concurrence162
a jugé :
« Les pratiques imputées à l’Association pour les fouilles archéologiques nationales
(AFAN), elle-même émanation de l’État investie d’un monopole de fait (au moment des
pratiques) sur l’exécution de fouilles archéologiques préventives, consistant dans le
refus de se soumettre aux dispositions du Code des marchés publics et dans l’exercice
de pressions pour s’imposer comme prestataire au département des Pyrénées-
Orientales, reposaient sur des pratiques administratives caractérisées par la mise en
œuvre de prérogatives de puissance publique (exécution d’une circulaire préfectorale
de valeur réglementaire) pour l’exécution du service public de la protection du
patrimoine, et ne relevaient donc pas de la compétence du Conseil de la concurrence ».
Il convient cependant d’ajouter que les juridictions administratives, compétentes pour
apprécier la légalité des décisions des ordres professionnels, ont admis le droit de la
concurrence dans leur bloc de légalité. Les décisions des ordres professionnels peuvent
161
Cass, Civ 1ère
, 16 Mai 2000. 162
Conseil de la concurrence, 13 Mars 2002.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
174
donc être annulées par les juridictions administratives pour violation des règles de
concurrence.
Les ordres professionnels élaborent les règles qui régissent les professions libérales,
c’est la raison pour laquelle, ils sont associés aux pouvoirs publics.
Les barèmes d’honoraires de certaines professions sont proposés par ces organismes.
Dès lors est ce que cette collaboration peut prendre la forme d’une entente
anticoncurrentielle ? S’agit-il d’une association d’entreprise ?
En droit communautaire, un ordre professionnel n’est pas qualifié d’association
d’entreprises lorsqu’il prend des décisions dans l’exercice de compétences déléguées
par l’État et étroitement contrôlées par lui.
§2-La portée de la soumission des professions libérales au droit de la concurrence sur
le marché.
354.- Le fait que les professions libérales soient soumises au droit de la
concurrence, implique qu’une protection soit alors accordée au consommateur (A) ;
ainsi qu’au collaborateur lui-même (B).
A- La concurrence dans les contrats de collaboration libérale : quels avantages pour le
consommateur ?
355.- Le droit de la concurrence est fondé sur des considérations économiques
d’efficacité. La compétition s’est faite souvent plus par le prix que par la qualité, ce qui
a pu aller à l’encontre de la protection du consommateur si l’abaissement des coûts
entraîne une durabilité limitée, une fiabilité restreinte, la suppression de la protection
juridique par les contrats d’adhésion et la satisfaction seulement de la clientèle de
masse.
Le droit de la concurrence cherche à attiser la concurrence, alors que le droit de la
consommation cherche à en atténuer l’agressivité.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
175
La prise en compte, de la concurrence par la qualité ainsi que des intérêts du
consommateur autres que le prix, permet d’éviter que le droit de la concurrence ne
s’oppose au droit de la consommation.
Le droit de la concurrence, en imposant une concurrence loyale, est susceptible de
constituer un aspect complémentaire de la protection du consommateur.
La moralisation des pratiques commerciales, l’équilibre des intérêts et l’élimination de
pratiques inéquitables améliorent la situation du consommateur.
356.- Ainsi, il apparait évident que l’information du consommateur et la
transparence du marché sont complémentaires. La loyauté de la concurrence est
organisée par des normes législatives et jurisprudentielles fondées en particulier sur les
dispositions législatives en matière de loyauté dans les contrats ou des principes
généraux du droit des obligations.
Les abus de position dominante, sont manifestement contraires aux intérêts des
consommateurs, permettant à l’entreprise en situation dominante d’imposer sa volonté
en déséquilibrant les relations contractuelles. Le droit de la concurrence vient ainsi
apporter un élément de rééquilibrage et donc d’équité.
357.- En raison des restrictions qui existent dans la plupart des professions libérales
au nom de la protection des intérêts du praticien et de la protection du consommateur, le
client a alors beaucoup de difficulté pour trouver le praticien qui lui convient que cela
soit au niveau des services ou du prix.
Afin de remédier à ce problème, la Commission entend suivre une politique
d’augmentation de la concurrence tout en préservant la qualité des services ainsi que la
protection du consommateur. Il s’agit alors de donner au client une possibilité de choix
beaucoup plus large.
La prohibition de la fixation d’honoraires par les ordres professionnels implique que les
membres de chaque ordre professionnel soit dans l’obligation de fixer ses propres prix
en rapport avec le service qu’il fournit. C’est ainsi que se crée un système de
multiplication des services permettant au consommateur de choisir un service plus cher
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
176
puisqu’il sera alors de meilleur qualité, ou bien encore de choisir un service moins
onéreux mais de moindre qualité.
Dans ce cas, les prix pourront baisser, et les services qu’offrent les professions libérales
seront plus accessibles à tous.
De plus, la Commission permet aux praticiens d’annoncer librement, et sans limitation
dans le temps, les services qu’ils proposent, ainsi que leurs prix.
Ainsi, le consommateur disposera d’une information exacte et précise sur les services
offerts et les prix pratiqués.
Les consommateurs ainsi informés pourront comparer les services professionnels, les
prix proposés, afin de choisir le praticien de manière éclairée. Ils pourront dénoncer aux
autorités de la concurrence les pratiques qui pourraient fausser le jeu de la concurrence
sur le marché.
L’introduction du droit de la concurrence dans le monde des professions libérales
permet de toujours mieux satisfaire le client et de lui accorder une plus grande
protection.
Quels avantages apporte le droit de la concurrence pour les praticiens dans les
professions libérales ?
B- La concurrence dans les professions libérales : quels avantages pour le praticien ?
358.- Une concurrence saine avantage également les praticiens.
En effet, cela leur permet d’adapter leurs services aux besoins des consommateurs.
Ils seront dès lors beaucoup plus compétitifs et l’entrée sur le marché sera beaucoup
plus facile pour les jeunes praticiens.
Les plus anciens seront obligés de moderniser leur matériel de baisser leurs prix etc…
Les ordres professionnels devront alors améliorer la qualité des services en mettant en
œuvre des actions de formation par exemple.
Ils contribueront également à l’augmentation de la réputation du praticien.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
177
La Commission souhaite donc voir une libéralisation du secteur en incitant les
praticiens à suivre une concurrence saine et efficace, par la fixation individuelle de leur
prix, des conditions de services toujours meilleurs…
Le renforcement de la concurrence permettra de donner à ce secteur des réponses plus
adéquates aux exigences de productivité imposées par l’internationalisation de marchés
toujours plus concurrentiels.
Le fait d’accroitre la concurrence signifie qu’il y aura plus de liberté donc plus de
responsabilité pour les membres des professions libérales.
Il semble opportun de voir l’évolution des pratiques anticoncurrentielles dans les
contrats de collaboration libérale.
Section 2-Le contrat de collaboration libérale et les pratique anticoncurrentielles.
359.- Nous verrons dans un premier point quel est le droit applicable (§1), pour voir
ensuite les différentes pratiques restrictives et non restrictives de concurrence
relativement aux décisions d’ordres professionnels (§2).
§1-Le droit applicable.
360.- Les pratiques litigieuses commises dans la sphère des professions libérales,
ne semblent pas affecter le commerce intracommunautaire dans la mesure où elles ne
sont que de dimensions locales.
Mais si elles s’avèrent affecter l’ensemble du territoire national, il est probable qu’elles
affectent aussi le commerce intracommunautaire.
Cette situation entrainerait l’application dès lors cumulative du droit communautaire et
du droit national de la concurrence.
Cela se justifie par le fait que la pratique litigieuse aurait alors un effet sur les structures
ainsi que sur les flux empêchant les prestations de service dans un état membre ou bien
encore l’installation dans un état membre.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
178
§2-Les pratiques restrictives et non restrictives de concurrence dans le cadre des
professions libérales.
361.- Nous étudierons en premier lieu les comportements non restrictifs de
concurrence (A), pour apprécier ensuite les comportements anticoncurrentiels (B).
A- Les comportements non restrictifs de concurrence.
362.- Très souvent, les décisions des ordres professionnels échappent au droit de la
concurrence. C’est le cas lorsque les décisions relèvent de la déontologie, de la
limitation à la liberté d’action commerciale de ses membres. Ces activités sont légitimes
et non restrictives de concurrence.
Afin d’évaluer cela, il convient d’effectuer une analyse au cas par cas, in concreto pour
chaque profession en fonction de ses propres règles. Il s’agit alors d’apprécier le
contexte économique et juridique propre aux professions en cause.
B- Les comportements anticoncurrentiels.
363.- Le Conseil de la concurrence possède un pouvoir d’autorégulation des
professions libérales, c’est la raison pour laquelle il doit vérifier si les ordres se situent
dans le prolongement de leur mission de défense de leurs ordres, ou souhaitent tout
simplement fausser le jeu de la concurrence sur le marché.
Nous avons vu précédemment que les pratiques les plus fréquemment sanctionnées en
droit national et communautaire de la concurrence sont les ententes
anticoncurrentielles : il s’agirait alors de l’élargissement indu des monopoles conférés
aux professions libérales par la loi, des pratiques instaurant des limitations à l’entrée
dans la profession, des ventes liées ou bien des freins à la publicité.
En droit communautaire, l’élaboration de barèmes qui prévoient des tarifs minimums
est considéré comme illégale.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
179
Normalement les honoraires d’avocats sont librement fixés par eux-mêmes et le Conseil
de la concurrence a sanctionné plusieurs barreaux qui avaient diffusés des barèmes
indicatifs d’honoraires comportant des fourchettes de prix163
.
364.- Dans l’arrêt de 2001, la Cour de cassation a approuvé le Conseil de la
concurrence qui avait indiqué que la diffusion de barème, même si ce n’était diffusé
qu’à titre indicatif, avait un objet et une potentialité d’effets anticoncurrentiels sur le
marché local. En effet les avocats sont alors incités à fixer leurs honoraires selon le
montant suggéré, plutôt que de prendre en compte des critères objectifs propres à la
structure de chaque cabinet.
Ce barème pouvait également dissuader les clients de discuter librement le montant des
honoraires, faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché.
Ces barèmes ont donc un effet néfaste sur la concurrence.
365.- De plus, au regard de la création ou de l’élargissement des monopoles, la loi
réserve le monopole de certaines prestations aux professions libérales. Mais cela est
légal dans la mesure où les monopoles sont justifiés au regard du droit de la
concurrence.
Le Conseil d’état doit donc veiller à ce que l’octroi de droits exclusifs ne conduise pas à
un abus de position dominante sur le marché.
L’élargissement illégal d’un monopole conduit donc à une sanction du Conseil de la
concurrence.
366.- De plus, il convient de s’intéresser à l’entrée dans la profession libérale et aux
conditions d’adhésion discriminatoires : nous avons vu que l’accès aux professions
libérales étaient réservé à des personnes qualifiées, pouvant justifier d’aptitudes
particulières. Mais cette sélection ne doit pas discriminer d’autres candidats pour
d’autres raisons.
Le Conseil de la concurrence164
sanctionne ainsi les règles d’admission posées par les
organismes professionnels de manière discrétionnaire.
163
Cass, Civ 1ère
, 13 Février 2001. 164
Conseil de la concurrence, 21 Décembre 1998.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
180
Egalement, au regard des ventes liées, le Conseil de la concurrence a, dans la même
affaire, sanctionné la pratique d’organisations professionnelles d’experts imposant
l’adhésion obligatoire de ses membres à un contrat d’assurance.
Ajoutons que la publicité est un élément important de la situation concurrentielle sur un
marché donné, en ce qu’elle permet de mieux appréhender les mérites de chacun des
opérateurs, la qualité de leurs prestations et leurs coûts.
Si elle est réalisée dans des conditions loyales et selon des modalités adaptées, la
publicité comparative permet, notamment, d’augmenter l’information des utilisateurs et
de contribuer ainsi au choix du mandataire agréé auquel ceux-ci peuvent s’adresser dans
l’ensemble de la Communauté.
Ainsi, la publicité ne doit pas être interdite sauf s’il est prouvé que l’interdiction de la
publicité est nécessaire pour préserver la déontologie de la profession concernée.
Il existe cependant des possibilités d’exonération de responsabilité et ce, notamment en
droit communautaire.
Ainsi, si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une
législation nationale ou bien si elle crée un cadre juridique éliminant toute possibilité de
comportement anticoncurrentiel, alors la pratique est exonérée.
Mais si la possibilité d’une concurrence néfaste est avérée, alors le droit de la
concurrence trouvera application.
367.- Selon la jurisprudence Wouters du 19 février 2002, les accords entre
entreprises n’enfreignent pas nécessairement l’article 101, paragraphe 1, du traité dans
la mesure où la réglementation professionnelle en cause s’avère nécessaire au bon
exercice de la profession :
« Il y a lieu de tenir compte du contexte global dans lequel la décision a été prise ou
déploie ses effets, et plus particulièrement de ses objectifs, liés en l’occurrence à la
nécessité de concevoir des règles d’organisation, de qualification, de déontologie, de
contrôle et de responsabilité, qui procurent la nécessaire garantie d’intégrité et
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
181
d’expérience aux consommateurs finaux de services juridiques et à la bonne
administration de la justice ».
Les effets restrictifs de concurrence doivent être inhérents à la poursuite de cet objectif,
c’est-à-dire nécessaires et être proportionnés.
Au regard du droit national, l’article L. 420-4 du Code de commerce indique que :
« Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 :
- Les pratiques qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte
réglementaire
- Les pratiques : dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet
d’assurer un progrès économique et qu’elles réservent aux utilisateurs une
partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées
la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des
produits en cause ».
Le Conseil de la concurrence se livre à un examen des objets et effets anticoncurrentiels
au regard des avantages attendus de l’opération et des justifications légitimes des
parties. Il se livre à un bilan concurrentiel.
368.- De manière générale, après ces constatations faites, il semble que la
jurisprudence tente de concilier la nécessaire liberté d’organisation des professions avec
le respect du droit de la concurrence. Seules sont, en définitive, sanctionnées les
pratiques qui excèdent ce qui s’avère nécessaire à la bonne organisation de la
profession, compte tenu du contexte général dans lequel elle s’exerce, qui varie selon
les États membres.
Les autorités de concurrence sont amenées à exercer un contrôle extrêmement poussé
sur les décisions des organismes professionnels et sur les clauses de leurs codes ou de
leurs réglementations, afin d’éviter les atteintes disproportionnées aux règles de
concurrence.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
182
Chapitre 2- L’évolution du contrat de collaboration libérale selon que
l’on se trouve dans un secteur concurrentiel ou non concurrentiel
(Regard croisé entre les professions d’avocats et de médecins).
369.- La mise en œuvre du contrat de collaboration libérale n’est pas la même selon
que l’on se trouve sur un marché concurrentiel (Section 1), ou sur un marché non
concurrentiel (Section 2).
- Section 1 : Le contrat de collaboration libérale sur un marché concurrentiel.
- Section 2 : Le contrat de collaboration libérale sur un marché peu
concurrentiel.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
183
Section 1- Le contrat de collaboration libéral sur un marché concurrentiel.
370.- Afin de savoir comment évolue le contrat de collaboration libérale sur un
marché concurrentiel, il convient de regarder la portée de son application aussi bien
dans un secteur concurrentiel que peu concurrentiel.
En effet, comme nous l’avons vu précédemment, le régime du contrat de collaboration
libérale diffère en fonction du contexte « intrinsèque » du contrat, ainsi qu’en fonction
du contexte dans lequel il évolue : le contexte « extrinsèque ».
Au fil des développements, nous avons étudié le contrat de collaboration libérale aussi
bien dans le secteur médical que dans le secteur juridique.
Nous avons dès lors pu constater que ce contrat n’avait pas le même régime selon ces
deux professions.
371.- Les professions d’avocats se trouvent indéniablement évoluer dans un secteur
extrêmement concurrentiel, ce qui a une influence sur la faculté de constitution de
clientèle personnelle par l’avocat (§1), l’opportunité du recours à ce type de contrat
n’est donc pas toujours évidents (§2).
Les conséquences, les effets, et l’opportunité d’un tel contrat ne sont pas les mêmes
selon que l’on se trouve dans le secteur médical ou dans le secteur juridique.
§1-La profession d’avocat libéral : une profession concurrentielle.
372.- Il apparait intéressant d’étudier dans un premier point dans quelles mesures la
profession d’avocat libéral s’avère être une profession évoluant dans un secteur
extrêmement concurrentiel.
Le marché est devenu un marché d’offreurs, dans un contexte concurrentiel où
s’intensifient les transactions.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
184
Les multiples transactions entrainent une volatilité de l’offre de droit, ce qui engendre
pour la profession une perte d’efficacité évidente.
Dans les cabinets, la structure d’avocats est caractérisée par sa structure capitalistique
particulière165
.
La gestion entre les collaborateurs va conditionner la réussite ou l’échec du cabinet. Il
faut donc à tout prix que les cabinets se dirigent vers une stabilité, et la dimension
collective semble l’un des enjeux de la compétitivité dans une profession très
individualiste.
Le statut de collaborateur est précaire, et la gestion budgétaire est basée sur une
réduction des coûts.
L’investissement dans un cabinet d’avocat découle du temps passé et semble mesurable
grâce à la détermination de politique de prix et de facturation.
L’avocat doit connaitre le marché économique de son client. Il convient donc souvent
de réaliser des plans markétings ce qui n’était pas le cas auparavant.
Devant l’absence de patrimonialité, l’attachement des clients est un enjeu de
compétitivité pour le cabinet.
373.- La loi de 2005 a apporté un assouplissement des conditions d’application de
la communication comme nous l’avons vu précédemment. Il s’agit alors d’un
assouplissement des règles de déontologie.
La mondialisation est caractérisée par une intensification de la circulation des hommes,
des marchandises, des services et de l’information. Toutes ces transactions doivent être
à la fois de qualité et être sécurisées. La place du droit et des juristes dans ce contexte
n’est pas à démontrer.
Les entreprises françaises ont vu leur direction juridique se renforcer considérablement
au cours des dernières décennies. La fonction juridique a aujourd’hui compétence sur
toutes les questions de droit intéressant l’activité de l’entreprise.
165
E. Wery, Quels moyens pour faire d’un juriste un atout maitre dans la compétition
internationale ?, Revue Lamy Droit des affaires, 2008, n°32.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
185
La place des avocats dans la mondialisation implique que le marché du droit est un
marché de confiance depuis le début des temps :
Malgré l’absence de publicité (interdite jusqu’à il y a peu), les avocats sont parvenus à
rester en contact avec leurs clients.
Le marché du droit est atypique car il n’est pas concurrentiel en lui même.
Cependant, les avocats sont en compétition, alors que les autres acteurs de droit sont en
situation de monopole. Il est demandé aux avocats de se développer à l’international
alors qu’ils n’ont pas les outils fiscaux et sociaux nécessaires pour cela. Les éléments de
blocage comme les tarifs et les monopoles ne sont pas tombés dans certaines
professions du droit.
Les cabinets sont mis au défi de la compétitivité. Cette dernière passe par une
adaptation des structures
374.- La compétition par les prix est un autre problème. La mondialisation
industrielle a commencé par une baisse des prix, mais a également engendré une guerre
de la qualité. Les clients sont prêts à payer plus cher des actes juridiques s’ils apportent
une plus-value. Le juriste doit apporter une singularité pour ne pas être remplacé par des
logiciels pour les actes courants.
Il faut être exportateur de droit mais aussi importateur de droit, en recevant des juristes
étrangers pour les former au droit continental et leur permettre de le diffuser lorsqu’ils
repartent dans leur pays.
375.- Comme les autres professions indépendantes, les professions d’avocats sont
aujourd’hui considérées comme des entreprises qui agissent dans un secteur
concurrentiel et leur mode de gestion est semblable à celui de petites entreprises.
Elles n’échappent pas aux difficultés financières dues à des erreurs de gestion ou à des
difficultés conjoncturelles ou structurelles.
Au regard de la pratique, il est notable que la profession d’avocat est très répandue
aujourd’hui. Il convient alors pour eux d’être toujours plus compétitifs et performant.
Il existe dans ce secteur une concurrence croissante.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
186
Cette concurrence engendre pour les jeunes avocats d’être toujours mieux formés et
toujours plus performants. La concurrence étant rude, c’est celui qui sera le meilleur qui
aura le plus de clientèle. La notion de monopole n’est pas présente dans ce type de
profession.
Pour les avocats installés depuis déjà longtemps, ils auront l’obligation de s’adapter aux
nouvelles spécificités de la profession pour être toujours plus compétitifs.
Dès lors, dans la mesure où le choix est très large pour le client, celui-ci se basera plus
volontiers sur la réputation d’un cabinet, ou bien encore sur la personnalité d’un
professionnel avocat pour choisir son praticien.
L’intuitu personae atteint son paroxysme dans ce type de situation.
376.- Dans le cadre des contrats de collaboration libérale, l’intervention du
collaborateur prend en compte un lien indéniable avec le client. Le caractère intuitu
personae de la relation n’est pas mis à mal :
Le collaborateur libéral avocat a l’obligation de travailler avec la clientèle du cabinet du
praticien fournisseur de travail.
Cependant, nous avons vu qu’à côté de cela, ce dernier possédait une faculté de se
constituer une clientèle personnelle.
Ceci n’est qu’une faculté, mais si le collaborateur n’est pas mis en mesure de se
constituer une clientèle propre, alors le contrat de collaboration pourra être requalifié
dans la mesure où la relation des deux parties pourra être entachée d’un lien de
subordination.
Quel est alors l’opportunité d’un tel contrat sur un marché concurrentiel au regard de
cette faculté de clientèle personnelle notamment ?
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
187
§2-L’opportunité d’un tel contrat sur un marché concurrentiel.
377.- Dans le cadre de son contrat de collaboration libérale, le collaborateur
possède donc cette faculté de se constituer une clientèle propre.
Le contrat de collaboration libérale revêt un intérêt dans cette mesure là : le jeune
collaborateur une fois formé, peut intégrer un cabinet d’avocat sous contrat de
collaboration libérale, et profiter de l’expérience de son fournisseur d’affaires en
exploitant avec lui le cabinet.
Ce type de contrat lui permet également de commencer à se constituer un « patrimoine
de clientèle » puisqu’il possède une faculté de constitution de clientèle personnelle.
Cette clientèle n’appartiendra en aucun cas au cabinet puisqu’elle aura été acquise par le
collaborateur dans le cadre de son activité indépendante et sera reconnue comme le fruit
de son travail personnel.
378.- Au regard de ce que nous avons vu précédemment, la clientèle possède alors
un large choix d’avocats car le marché offre de multiples possibilités.
Le choix du client s’orientera en fonction du prix, mais dans le cadre des professions
d’avocats, le choix s’orientera d’avantage sur la personne même de l’avocat. Le client
regardera alors les qualités professionnelles de l’avocat, la formation qu’il a reçue, les
prestations qu’il offre, sa personnalité…
Le caractère intuitu personae est donc très fort en l’espèce.
Ainsi, dans la mesure où le contrat de collaboration libérale évolue dans un secteur
concurrentiel, il sera beaucoup plus difficile pour le collaborateur de se constituer une
clientèle propre.
379.- Dès lors, ces constatations faites, opter pour la conclusion d’un contrat de
collaboration libérale au début de sa carrière n’est pas forcément le choix le plus
opportun.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
188
En effet, le fournisseur de travail a l’obligation de fournir au collaborateur les moyens
nécessaires à l’exécution de la prestation de travail : ce dernier peut donc bénéficier de
tous le matériel du fournisseur d’affaires.
Or, il ne semble pas que beaucoup de matériels soit nécessaire à l’exploitation du métier
d’avocat.
380.- En revanche, dans les métiers médicaux, la mise à disposition d’un matériel
de travail prend tout son sens.
De plus, même si le collaborateur devra en toutes hypothèses travailler pour le compte
de son fournisseur d’affaires (et ce même s’il est reconnu qu’aucune relation de
subordination n’est valable dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale), il ne
retirera aucuns avantages de la clientèle qu’il aura constituée pour le cabinet puisque
cette dernière appartiendra au fournisseur d’affaires, entrant dans le champ de son fonds
libéral ; et nous avons vu qu’il ne lui sera pas aisé de se constituer sa propre clientèle.
L’avocat est en perpétuelle guerre de « qualité », et doit apporter une « singularité »
pour espérer pouvoir se constituer une clientèle propre.
La profession se trouve indéniablement dans un secteur très concurrentiel, dans lequel il
est très difficile de trouver une place.
Dans ce cas, il semble beaucoup plus opportun de conclure un contrat d’association si
l’on veut travailler au sein d’un cabinet avec des collaborateurs.
Néanmoins, ce type de contrat n’est a priori pas le plus adapté non plus puisqu’un jeune
avocat aura des difficultés pour trouver un associé au sortir de l’école : encore faut-il
que celui-ci prouve qu’il est digne de confiance, et qu’il possède déjà la somme d’argent
nécessaire pour contracter. Ce n’est évidemment presque jamais le cas concernant les
jeunes diplômés.
Les effets du contrat de collaboration libérale en fonction du marché concurrentiel dans
lequel il évolue, ne semble pas positifs pour le professionnel avocat.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
189
Dès lors quand est-il des contrats de collaboration libérale évoluant dans un secteur peu
concurrentiel ?
Section 2-Le contrat de collaboration libéral dans un secteur peu concurrentiel.
381.- Nous verrons dans un premier temps que les professions médicales sont des
professions évoluant sur un marché peu concurrentiel, contrairement aux professions
d’avocats (§1), ce qui nous conduira à étudier l’opportunité d’un tel contrat dans un
secteur peu concurrentiel, (§2).
§1- La profession de médecin : une profession peu concurrentielle.
382.- La singularité du médecin est beaucoup moins importante que dans les
contrats de collaboration libérale conclus entre avocats.
Il existe sur le marché beaucoup moins de médecins que ce qu’il n’existe d’avocats.
La concurrence est dès lors moins rude et les patients ont beaucoup moins de
possibilités quant au choix de leur praticien.
383.- La notion de monopole prend alors dans ce cas tout son sens. Il n’existe dans
certains secteurs médicaux, souvent que très peu de praticien spécialisés.
Si un jeune diplômé conclut un contrat de collaboration libéral avec l’un de ceux- là, il
en retirera beaucoup d’avantages. Il pourra en effet non seulement bénéficier du
matériel du fournisseur de travail, mais il aura également une très grande facilité pour se
constituer une clientèle personnelle puisque son fournisseur d’affaires aura alors un
quasi monopole en la matière.
L’effet du contrat est donc totalement différent de celui constaté pour les professions
d’avocat.
384.- On peut noter au vue de cette situation, que les médecins sont soumis à une
pression moindre par rapport aux avocats.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
190
En effet, nous avons vu qu’au vue de la grande concurrence dans le secteur juridique,
les avocats se devaient de faire preuve d’une grande compétitivité pour espérer attirer le
plus grand nombre de clients possible.
Ces derniers devaient mettre en avant leur qualité pour espérer « séduire » le client.
Cela requiert des formations toujours plus poussées, une réputation établie…
La guerre de qualité est beaucoup moins intense dans le secteur médical puisque la
concurrence est faible.
Dès lors quelle est l’opportunité d’un tel contrat dans un secteur peu concurrentiel ?
§2-L’opportunité d’un tel contrat dans un secteur peu concurrentiel.
385.- Il convient d’opérer une comparaison avec les professions d’avocats qui se
situent dans un secteur extrêmement concurrentiel comme nous avons pu le constater.
Cette comparaison se fait notamment au regard de la faculté de constitution de clientèle
personnelle.
Il apparait dans la pratique qu’il soit beaucoup plus aisé de se constituer une clientèle
propre dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale conclu entre médecins.
En effet, la concurrence dans le secteur médical est beaucoup moins établie.
386.- Dès lors, le caractère intuitu personae dans le choix du praticien par le client
revêt beaucoup moins d’importance.
Le choix du patient se fera plus en fonction de la spécialité du praticien et des
prestations qu’il offre.
Le jeune médecin qui s’installe dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale aura
plus de facilité pour se constituer une clientèle personnelle puisqu’il existe beaucoup
moins de concurrence sur ce marché.
387.- De plus, nous avons vu que le fait de se constituer une clientèle personnelle
constituait une condition essentielle de validité du contrat de collaboration libérale dans
la mesure où elle constituait un gage de l’indépendance du collaborateur.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
191
Notons alors que dans les professions médicales, la faculté de clientèle personnelle
s’exerce pleinement pour le collaborateur.
C’est dans cette mesure là que conclure un contrat de collaboration libérale dans le
secteur médical apparait beaucoup plus opportun que dans le secteur juridique.
Les effets du contrat sont beaucoup plus positifs pour le collaborateur.
388.- De plus, dans le cadre des professions médicales, il est très important pour un
bon exercice de posséder tout le matériel nécessaire.
Or, ce matériel est souvent très onéreux. Nous avons pu voir que dans le cadre de ce
type de contrat, le fournisseur de travail avait l’obligation de fournir à son jeune
collaborateur tout le matériel nécessaire à l’exploitation de la clientèle du cabinet, ainsi
que sa clientèle propre.
Très souvent, au début de leur carrière, les jeunes médecins n’ont pas les apports
nécessaires pour acquérir tout le matériel dont ils ont besoin.
Conclure un contrat de collaboration libérale semble une très bonne opportunité pour
eux, dans la mesure où ils pourront disposer librement du matériel sans avoir à disposer
d’un fond propre.
Le contrat de collaboration libérale évoluant dans le monde médical semble avoir de
meilleurs effets que dans le monde juridique.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
192
CONCLUSION Titre 2
389.- Les différences observées quant aux effets du contrat de collaboration libérale
selon que l’on se trouve dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale conclu entre
médecins ou entre avocats, illustrent bien le fait que le régime de ce type de contrat
dépend du contexte dans lequel il évolue. Son régime diffère en fonction de son
environnement.
390.- Pour mieux le comprendre, il faut étudier le contexte extrinsèque du contrat,
pour tenter de délimiter au mieux les périmètres de cette convention particulière.
Le régime, les conséquences et l’opportunité du contrat sont totalement différents selon
que l’on soit dans un secteur concurrentiel (les professions d’avocat), ou dans un secteur
peu concurrentiel (les professions de médecins).
Nous avons vu que la profession d’avocat se situait dans un secteur très concurrentiel, et
les phénomènes de « monopoles » n’existent pas en la matière.
Or, les professions de médecin sont très peu concurrentielles, et les situations de
monopoles peuvent être nombreuses, portant ainsi atteinte au principe de liberté de
choix du client : en effet, en présence d’un monopole, cette notion est plus ou moins
relative. Il s’agit encore une fois d’une contradiction du contrat de collaboration : son
application est différente en fonction de la nature même de la convention.
391.- Le droit de la concurrence doit nécessairement intervenir dans le cadre des
professions libérales. En effet, le libre fonctionnement du marché ne suffit pas à garantir
les effets d’une bonne concurrence dans le secteur. Le contexte du marché a donc une
influence sur le contrat de collaboration libérale qu’il convient d’encadrer.
392.- A travers ces dernières démonstrations il est clair que la délimitation des
périmètres issus du contrat de collaboration libérale semble quasiment impossible.
Le contexte dans lequel évolue le contrat a une influence sur la nature du contrat de
collaboration lui-même.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
193
Ce contrat relève indéniablement d’une catégorie « Sui generis ».
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
194
CONCLUSION Partie 2
393.- Les obstacles sont nombreux pour parvenir à définir un contrat de
collaboration libérale. Il s’agit d’un contrat sui generis, à la définition complexe. Sa
nature juridique reste incertaine.
C’est la raison pour laquelle, pour mieux le comprendre, il convient de l’étudier en
fonction du contexte dans lequel celui-ci évolue.
Pour cela, nous avons opéré une distinction et nous nous sommes intéressés au contexte
intrinsèque et extrinsèque du contrat de collaboration libérale.
394.- D’une manière générale, l’élément essentiel à retenir est que le contrat de
collaboration est très difficile à délimiter. Il est en effet très difficile de lui donner un
cadre juridique précis et clair.
395.- Au regard du contexte intrinsèque du contrat de collaboration libérale, nous
avons pu remarquer que la délimitation entre la clientèle du fournisseur de travail et la
clientèle du collaborateur était très difficile a faire, ce qui portait atteinte parfois à la
condition essentielle de validité des contrats de collaboration libérale : le critère
d’indépendance du collaborateur. Ce dernier n’est pas toujours mis en mesure de se
constituer sa clientèle propre.
De plus, la patrimonialité de la clientèle pose problème : en cas de cession de fonds
libéral, il est toujours difficile de savoir qui doit tirer des bénéfices de la clientèle crée.
Il s’agit là d’un premier problème de délimitation qui rend le régime du contrat
paradoxal et son application ambigüe.
396.- Il existe des problèmes de délimitation du périmètre du contrat en ce qui
concerne le domaine de la responsabilité. En effet, le régime de responsabilité n’est pas
le même selon que l’on se trouve dans un contrat de collaboration libéral conclu entre
médecins ou bien entre avocats. (Nous avons vu les problèmes de monopole dans des
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
195
professions peu concurrentielles peuvent porter atteinte au principe de libre choix du
client consacré par la jurisprudence).
De même, au sein du régime de responsabilité d’un tel contrat il existe de nombreux
paradoxes que nous avons relevés tout au long de la démonstration, nous permettant de
relever une certain « schizophrénie » du contrat de collaboration libérale : notamment,
dans le cas des professions médicales, on peut observer que le législateur entend
intensifier la responsabilité du fournisseur de travail vis-à-vis du client dans le cas où le
collaborateur libéral manquerait à ses obligations, alors qu’on prône d’un autre côté
d’indépendance de dernier.
397.- Enfin, la délimitation se complexifie au regard de l’application des clauses de
non concurrence et de non rétablissement dans les contrats. Il conviendrait de
rechercher une compatibilité entre les intérêts légitimes de chacune des parties et le
principe incontournable reconnu par la jurisprudence qui est la faculté de liberté de
choix du client.
Ces deux dernières clauses peuvent être insérées dans les contrats de collaboration mais
de manière proportionnée afin de ne pas porter atteinte au droit du fournisseur de travail
de protéger sa propre clientèle, ni au droit du collaborateur de se constituer une clientèle
propre en toute indépendance.
398.- Au regard du contexte extrinsèque du contrat de collaboration libérale, nous
avons remarqué que le régime du contrat (notamment concernant la faculté de
constitution de clientèle personnelle pour le collaborateur) différait selon que l’on e
trouvait dans un contexte concurrentiel ou peu concurrentiel.
Ces constatations ont également illustrées la double personnalité du contrat de
collaboration libérale qui présente des avantages et des inconvénients différents en
fonction de la nature du contrat (qu’il s’agisse d’un contrat de collaboration conclu entre
médecins ou bien entre avocats).
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
196
CONCLUSION GENERALE
399.- Dans les professions qui ont recours au contrat de collaboration libérale, la
nature juridique de ce contrat reste relativement imprécise.
La Cour de cassation166
nous fournit quelques indications à travers la mise en évidence
d’obligations exclues :
Elle indique que le contrat de collaboration libérale par lequel un professionnel intègre
un confrère à son cabinet ne peut être assimilé à une sous location partielle des locaux
ou à un prêt du droit au bail.
400.- L’analyse des droits et obligations respectifs permet cependant de dégager
certaines caractéristiques.
Afin de tenter de définir le contrat de collaboration libérale, nous avons mis en évidence
les obligations prescrites à la charge des parties (obligation de fournir du travail, de
rémunération…)
Mais la spécificité du contrat de collaboration libérale réside dans les obligations
exclues à la charge des parties.
En effet, aucun lien de subordination ne doit entacher la relation du fournisseur de
travail et du collaborateur, et la rémunération du collaborateur ne doit pas être un
salaire, sans quoi, le contrat pourrait être requalifié en contrat de travail.
401.- Dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale, le collaborateur doit être
totalement indépendant : il s’agit d’un critère essentiel de qualification du contrat en
contrat de collaboration libérale.
Mais, cette indépendance est dans les faits limitée :
Même si le lien de subordination n’est pas le bienvenu dans les contrats de collaboration
libérale, nous avons pu remarquer qu’il était toujours présent mais de manière déguisée.
Ce lien est alors qualifié de lien de para-subordination qui porte atteinte indéniablement
au principe d’indépendance du collaborateur. De plus, malgré la présence de ce lien, le
collaborateur ne bénéficie d’aucunes dispositions protectrices du Code du travail.
166
Cass, Civ 3ème
, 22 Octobre 2003.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
197
Le collaborateur possède également cette faculté de constitution de clientèle personnelle
gage de son indépendance ; cependant, nous avons pu constater que cette faculté était
très souvent difficile à mettre en œuvre dans la mesure où le collaborateur doit en
priorité travailler avec la clientèle du cabinet, ce qui ne lui laisse que très peu de temps
pour exploiter cette faculté.
Toute la difficulté de ce contrat de collaboration libérale réside dans la difficile
compatibilité entre la notion d’indépendance du collaborateur et le rapport hiérarchique
qui s’est nécessairement instauré entre lui-même et le fournisseur de travail.
402.- De plus, il apparait très difficile de mettre en évidence la frontière entre la
clientèle personnelle du collaborateur et la clientèle du fournisseur d’affaires : il en va
de l’opportunité de la conclusion d’un tel contrat.
De la même manière, la frontière entre le contrat de collaboration libérale et le contrat
de travail est très mince, ce qui intensifie sa complexité.
403.- Le contrat de collaboration libérale présente également beaucoup de
contradictions :
En effet, à la base, il comporte un très fort intuitu personae, puisque les clients
choisissent leur praticien en fonction de la personnalité de ce dernier. Mais, la
jurisprudence à reconnu le fonds libéral cessible, ce qui atténue fortement la notion
d’intuitu personae dans ce contrat.
La contradiction réside dans le fait que le législateur souhaite que le fournisseur
d’affaires puisse céder la clientèle et ainsi limiter son évasion, mais de l’autre côté, il
existe le principe inaliénable posé par la jurisprudence qui est la liberté de choix du
patient.
404.- En tout état de cause, la qualification de ce contrat est donc laborieuse.
Le régime du contrat dépend de la nature du contrat et du contexte dans lequel il
évolue : il s’agit là d’une illustration du problème de délimitation des périmètres issus
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
198
du contrat. C’est la raison pour laquelle il est intéressant de regarder le contexte dans
lequel il évolue pour mieux le comprendre.
405.- Le contexte intrinsèque du contrat de collaboration libérale nous amène à
constater une convention « à deux visages », reposant sur un régime différent selon
que l’on se trouve dans le cadre d’un contrat conclu entre médecin ou entre avocat.
En effet, les régimes quant à la responsabilité vis-à-vis des clients/patients, ou encore
l’opportunité d’un tel contrat, diffèrent en fonction de la nature du contrat.
Les principes d’intérêt légitime de chacune des parties et de liberté de choix du
patient/client ne sont pas toujours compatibles.
Il est dès lors impossible de constater un régime « unifié » du contrat de collaboration
libérale.
406.- Enfin, au regard du contexte extrinsèque du contrat de collaboration, il
semble que les problèmes rencontrés quant à la délimitation soient les mêmes. Le
secteur peu concurrentiel des professions médicales rend le recours au contrat de
collaboration beaucoup plus avantageux que sur un secteur concurrentiel tel que celui
des avocats au regard des règles de concurrence.
En définitive, un avocat devrait préférer conclure un contrat d’association plutôt qu’un
contrat de collaboration libérale au regard des conséquences qui en découlent pour lui.
En revanche, le régime du contrat de collaboration dans le cadre des professions
médicales semble plus avantageux.
407.- Il s’agit d’un contrat sui generis, au régime et à l’application instable, parfois
source d’insécurité juridique pour les parties. Cette convention se développe en dehors
du contrat même, ce qui constitue une spécificité par rapport aux contrats classiques.
Le statut du collaborateur libéral se complexifie toujours d’avantages : le concept initial
de la collaboration libéral permet de créer un statut avantageux pour les deux parties,
mais dans l’application, l’opportunité est beaucoup moins claire et la loi de 2005 n’a
rien résolu.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
199
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Loi du 2 Août 2005, n°2005-882.
Loi LME du 4 Août 2008, n°2008-776
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2) SOURCES COMMUNAUTAIRES
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internationale de marchandise : Convention de Vienne.
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1846
T. Civ Seine, 25 Février 1846.
1943
Cass, Civ 1ère
, 16 Mai 1943.
1947
Cass, Civ 1ère
, 29 Décembre 1947.
1956
T.Civ Seine, 27 Juin 1956, note J. Sabatier.
1974
Cass. Civ 3ème
, 23 avril 1974, D. 1974, p. 287, note J.Mazeaud.
1975
Cass, Soc 23 Avril 1975.
1978
Cass, soc, 27 Octobre 1978.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
203
1979
Cass, Soc 7 Mars 1979.
Cass. Civ 3ème, 2 octobre 1979.
1981
CEDH, 23 Juin 1981.
1982
CA Rennes, 29 Juin 1982.
1983
Cass, Soc, 7 Décembre 1983.
1991
CJCE, 23 Avril 1991.
J. Sabatier, Note sous Cass, Civ 1ère
, 4 Juin 1991.
1993
CA Versailles, 5 Novembre 1993.
1995
Cass, Civ 1ère
, 30 Octobre 1995.
1996
CA, Montpellier, 6 Mai 1996.
Cass, Soc. 13 Novembre 1996.
1997
Cass, Civ 1ère
14 Octobre 1997.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
204
1998
Cass, Soc 27 Janvier 1998.
CJCE, 18 Juin 1998.
Conseil de la concurrence, 13 Mars 2002. JCE, 18 juin 1998.
Conseil de la concurrence, 21 Décembre 1998.
1999
Cass, Ch Mixte 12 Février 1999.
Cass, Com 11 Mai 1999.
Cass, Civ 1ère
26 Mai 1999.
TGI de Meaux, 24 Juin 1999.
2000
Ass. Plén. 25 février 2000, « Costedoat », RTD civ. 2000, p. 582, obs. P.
Jourdain
Cass, Civ 1ère
, 16 Mai 2000.
CEDH, 7 Novembre 2000.
Cass, Civ 1ère
, 7 Novembre 2000.
CE, 15 Décembre 2000.
2001
Cass, Civ 1ère
, 13 Février 2001.
Cass, Civ 1re
, 2 mai 2001.
CJCE, 11 Octobre 2001.
TGI, 12 Décembre 2001.
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Cass, Civ 3ème, 27 mars 2002.
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Cass, Soc 11 Avril 2002.
Cass, Com 4 Juin 2002.
2003
Cass, Soc 27 Février 2003.
Cass, Civ 3ème
, 22 Octobre 2003, Defrénois 2004, note J-L. Aubert RDC 2004.
2004
CA Nîmes, 27 Janvier 2004.
Cass, Civ 1ère
30 Juin 2004.
Cass, Civ 1ère
, 9 Novembre 2004.
Cass, 16 Novembre 2004.
2005
CA Pau, 11 Avril 2005.
2006
Cass, Soc, 18 Octobre 2006.
2007
Cass. Civ. 1ère
16 Janvier 2007.
TPICE, 17 Janvier 2007, Grèce contre Commission
Rapport de la Cour de cassation sur l’avant projet de réforme du droit des
contrats : projet Catala, 15 juin 2007
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CEDH, 10 Juillet 2008.
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-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
210
INDEX
A
Avocat : 1, 4, 8, 18, 41, 63, 79, 124, 173.
Avocat collaborateur : 29, 115, 124,
126 et s., 163 et s., 173 et s., 292, 295,
371 et s.
Avocat salarié : 19, 65, 164 et s., 173
et s., 290 et s., 295.
C
Clause de non concurrence : 12 et s., 149 et s.,
219, 224, 254 et s., 279 et s.
Conditions de validité : 259 et s.
Compatibilité avec la notion d’intérêt
légitime : 269 et s.
Compensation financière : 264 et s.
Portée : 267.
Clause de non rétablissement : 12 et s., 149 et
s., 219 et s., 224 et s.
Clientèle : 7 et s., 12 et s., 53, 61, 66, 108 et s.,
114, 124, 155, 285, 320
Clientèle personnelle : 8, 12 et s., 40 et
s., 52 et s., 103 et s., 120 et s., 150 et s.,
211 et s., 247 et s., 317 et s., 376 et s.
- Notion : 130, 283.
Absence
d’exclusivité : 149 et
s.
Création : 141 et s.,
281.
Définition : 131 et s.,
140, 248 et s.
o Intuitu
personae :
138 et s.,
236, 300 et
s., 375, 385
Collaborateur : 2 et s., 95.
Collaborateur libéral : 8, 71 et s., 113
et s., 120 et s., 327.
Collaborateur salarié : 8, 71 et s., 327.
Concurrence : 338 et s.
Entente : 351, 352.
Pratiques anticoncurrentielles : 360.
- Comportements
anticoncurrentiels : 362 et s.
- Comportements non restrictifs
de concurrence : 361.
Contrat d’association : 120 et s., 379.
Contrat de collaboration libérale : 1 et s., 23
et s., 36 et s., 45, 61, 65, 71, 79, 81, 93, 102,
106, 121 et s., 140, 154, 164 et s., 188 et s., 200
et s., 214, 220 et s., 256 et s., 263, 267, 271,
312, 331, 375.
Contrat de sous-traitance : 10, 203 et s., 327.
Contrat de travail : 10, 16 et s., 23, 52, 60 et s.,
70 et s., 78 et s., 150, 158, 165, 184 et s., 195 et
s., 200 et s., 264, 331.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
211
F
Fonds libéral : 224 et s., 242, 280, 320.
Cession de clientèle civile : 230 et s.,
240 et s.
Liberté de choix du patient : 12 et s.,
140, 157, 234 et s., 241, 256 et s., 276
et s., 329, 332.
Notion : 227 et s., 242 et s.
Fournisseur de travail : 26, 39, 49 et s., 67, 74,
81 et s., 94 et s., 102, 114, 124 et s., 151, 243,
256, 357.
I
Indépendance : 1, 8 et s., 15, 24, 47, 51 et s.,
79, 103 et s., 149, 159 et s. 177, 194, 210, 251 et
s., 317 et s., 322 et s.
M
Médecin : 22, 140, 172.
Médecin collaborateur : 25, 29, 65 et
s., 115 et s., 122 et s., 142, 154, 271 et
s., 296, 379 et s.
Médecin salarié : 20, 379.
O
Obligations exclues : 47, 105 et s., 158 et s.,
210 et s., 313.
Lien de subordination : 1 et s., 16 et s.,
51, 67, 81 et s., 103 et s., 160 et s., 190
et s., 201, 210, 322 et s.
- Contrats de collaboration :
169 et s.
- Lien de para-subordination :
177, 210 et s.
Para-subordination :
181 et s., 331.
Subordination : 178
et s.
Obligations prescrites : 46 et s., 212 et s..
Obligations du collaborateur libéral
- Bonne foi : 75, 86, 104, 221 et
s.
Application : 93 et s.
Définition : 87.
Déloyauté : 97 et s.
Devoir de bonne foi :
91 et s.
Force obligatoire des
conventions : 88 et s.
- Fournir une prestation de
travail : 75 et s., 80 et s.
Obligations du fournisseur d’affaires
- Fournir les moyens de travail :
50 et s., 60 et s., 102
- Fournir du travail : 50 et s.,
102.
- Rémunération : 14 et s., 49,
63 et s., 70 et s., 94, 102.
R
Responsabilité : 286 et s., 297 et s., 324 et s.,
330 et s.
Responsabilité du collaborateur
médecin : 296 et s.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
212
- Responsabilité du fournisseur
en raison du dommage causé
par le collaborateur : 302 et s.
Lien de préposition :
305 et s., 326.
- Responsabilité personnelle :
300 et s.
Responsabilité du collaborateur
avocat : 289 et s., 308 et s.
Rupture du contrat de collaboration et délai
de prévenance : 205 et s.
S
Secteur concurrentiel : 41, 127, 369 et s.
Secteur peu concurrentiel : 40, 123, 370, 380
et s.
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
213
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ........................................................................................................ 2
SOMMAIRE ..................................................................................................................... 3
Abréviations ..................................................................................................................... 4
Introduction .................................................................................................................... 5
Partie 1- La définition du contrat de collaboration libérale. ................................... 21
Titre 1- La prise en compte des obligations prescrites : une exigence
traditionnelle de qualification. ................................................................................. 23
Chapitre 1- Les obligations du fournisseur de travail parti au contrat de
collaboration libérale. ............................................................................................ 24
Section 1- Les obligations du fournisseur de travail quant aux conditions de
travail. ................................................................................................................. 25
§1-L’obligation pour le fournisseur de travail de fournir du travail au
collaborateur. .................................................................................................. 25
§2-L’obligation pour le fournisseur de travail de mettre en mesure le
collaborateur de travailler pour lui-même et pour le compte de celui-ci........ 26
A- Une obligation pour le fournisseur de travail de mise à disposition des
moyens matériels nécessaires à l’accomplissement du travail demandé. ... 27
B- L’obligation pour le fournisseur de travail de mettre à disposition le
temps nécessaire à la constitution d’une clientèle personnelle................... 28
Section 2- Les obligations du fournisseur de travail quant à la rémunération du
collaborateur. ...................................................................................................... 31
§1-Le régime juridique de la rémunération du collaborateur. ........................ 32
§2-Le contentieux de la rémunération du collaborateur. ................................ 34
A- Un contentieux résiduel mais lourd de conséquences relativement à la
requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail. .. 35
B- Le problème du départ du collaborateur ou du salarié. ......................... 35
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
214
Chapitre 2- Les obligations du collaborateur parti au contrat de collaboration
libérale. ................................................................................................................... 37
Section 1- L’obligation de fournir une prestation de travail. ........................... 38
§1-La prestation de travail. ............................................................................. 38
A- Le contenu et la détermination de la prestation de travail. .................... 38
B- La prestation de travail insérée dans une relation de pouvoir dans les
contrats de travail........................................................................................ 39
§2-La réalisation d’un travail sans lien de subordination avec le fournisseur de
travail. ............................................................................................................. 40
Section 2- L’obligation de loyauté et de bonne foi. ........................................... 41
§1-Le régime de l’obligation de loyauté et de bonne foi. ............................... 41
A- Définition de la notion de bonne foi. ..................................................... 41
1-La force obligatoire des conventions. ................................................. 42
2-Le devoir de bonne foi. ....................................................................... 43
B-L’application du principe de bonne foi dans les contrats. ...................... 44
§2-La déloyauté des parties au contrat. .......................................................... 45
A- Le principe de déloyauté. ...................................................................... 45
B- La mise en œuvre de la concurrence déloyale dans le contrat de
collaboration libérale. ................................................................................. 46
CONCLUSION Titre 1 ................................................................................................ 48
Titre 2- La prise en compte des obligations exclues : une exigence originale de
qualification. .............................................................................................................. 49
Chapitre 1- La nécessaire absence d’exclusivité incompatible avec l’exigence
d’une faculté de clientèle personnelle pour le collaborateur. .............................. 50
Section 1- La double « casquette » du collaborateur libéral : une exploitation de
la clientèle de son fournisseur d’affaires, et une faculté de constitution de
clientèle personnelle. .......................................................................................... 51
§1- La faculté pour le collaborateur de profiter d’une partie de la clientèle de
son fournisseur d’affaires. .............................................................................. 51
A- Les conditions d’exploitation de la clientèle du fournisseur de travail par
le collaborateur. .......................................................................................... 51
B- Les avantages et les inconvénients du contrat de collaboration libérale
dans les professions d’avocats et de médecins : Illustration de la
« schizophrénie » du contrat de collaboration libérale ? ............................ 52
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
215
1-Les avantages et les inconvénients du contrat de collaboration libérale
pour les professions médicales. .............................................................. 53
2-Les avantages et les inconvénients du contrat de collaboration libérale
pour les professions d’avocats : l’avocat collaborateur comme « variable
d’ajustement » à l’activité du fournisseur d’affaires ? ........................... 55
§2- Le développement d’une clientèle personnelle par le collaborateur. ....... 57
A- La notion de clientèle personnelle. ........................................................ 57
1-La définition de la notion de clientèle personnelle. ............................ 57
2-Le déclin du caractère inaliénable de l’intuitu personae. .................... 59
B- Les critères de mise en œuvre de cette « faculté » de création de
clientèle propre. .......................................................................................... 62
Section 2- L’absence d’un droit d’exclusivité du fournisseur de travail sur la
clientèle propre du collaborateur libéral. ............................................................ 64
§1-Le droit exclusif du collaborateur sur sa clientèle propre. ........................ 65
§2-Les difficultés pour le collaborateur libéral de faire valoir sa faculté de
constitution de clientèle personnelle : la clause de non réinstallation
incompatible avec le statut de collaborateur libéral ? ..................................... 66
Chapitre 2- La nécessaire absence de lien de subordination incompatible avec
l’exigence d’indépendance inhérente au contrat de collaboration libérale. ........ 70
Section 1- La nécessaire indépendance du collaborateur libéral excluant la
présence d’un lien de subordination. .................................................................. 71
§1-L’exigence d’indépendance du collaborateur imposée par la loi de 2005. 71
§2-Le lien de subordination : parasite du contrat de collaboration libérale. .. 74
A- Le lien de subordination comme problème d’indépendance pour l’avocat
et le médecin collaborateur : une « pesée » des indices de subordination et
d’indépendance effectuée par le juge. ........................................................ 75
1-Dans les contrats de collaboration libérale entre médecins : un lien de
subordination soumis à l’appréciation souveraine du juge. .................... 75
2-Dans les contrats de collaboration libérale entre avocats : un lien de
subordination déguisé. ............................................................................ 77
B- La para-subordination : illustration de l’hypocrisie du contrat de
collaboration libérale. ................................................................................. 78
1-La subordination. ................................................................................. 79
2-Le lien de para-subordination. ............................................................. 81
Section 2- La requalification possible du contrat de collaboration libérale en
contrat de travail ou en contrat de sous-traitance et ses conséquences. ............. 85
§1- Les effets de la requalification du contrat de collaboration libérale en
contrat de travail ou en contrat de sous-traitance. .......................................... 85
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
216
A-L’application directe du régime du droit du travail en cas de
requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail. .. 86
B- Les effets d’une requalification du contrat de collaboration libérale en
contrat de sous-traitance. ............................................................................ 91
§2-Les effets de la rupture d’un contrat de collaboration libérale. ................. 92
A- Les modalités de la rupture du contrat. ................................................. 92
B- Le nécessaire respect du délai de prévenance. ...................................... 93
CONCLUSION Titre 2 ................................................................................................ 95
CONCLUSION Partie 1 ............................................................................................... 97
Partie 2- Le contexte du contrat de collaboration libérale. .................................... 100
Titre 1- Le contexte « intrinsèque » du contrat de collaboration libérale. ....... 102
Chapitre 1-La difficile délimitation des périmètres issus du contrat de
collaboration libérale. .......................................................................................... 103
Section 1- La clientèle personnelle du collaborateur et la notion de « fonds
libéral ». ........................................................................................................... 104
§1- Le fonds libéral....................................................................................... 104
A- Le fonds libéral en tant que « pure création prétorienne ». ................ 104
1-L’absence d’unité dans la définition même du fonds libéral :
l’intervention de la Cour de cassation. ................................................. 104
2-Le nécessaire respect de la liberté de choix du patient lors de la cession
d’un fonds libéral. ................................................................................. 111
B- Le fonds libéral dans le contrat de collaboration libérale. ................... 114
§2- La valeur de la clientèle personnelle du collaborateur appréciée au regard
de la notion de fonds libéral. ........................................................................ 116
A- La clientèle personnelle du collaborateur libéral. ............................... 116
B- La valeur de la clientèle propre du collaborateur libéral. .................... 118
Section 2-La portée et l’appréciation de la clause de non concurrence et de la
clause de non réinstallation dans les contrats de collaboration libérale. .......... 119
§1-La mise en œuvre de ces deux clauses. ................................................... 119
A- La mise en œuvre de la clause de non réinstallation dans le contrat de
collaboration libérale. ............................................................................... 120
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
217
B- La mise en œuvre de la clause de non concurrence dans le contrat de
collaboration libérale. ............................................................................... 121
1-Les conditions de validité de la clause de non concurrence dans les
contrats de collaboration libérale. ......................................................... 121
2-L’éventuelle compensation financière au profit du collaborateur libéral.
.............................................................................................................. 126
§2-La portée de telles clauses dans les contrats de collaboration libérale.... 127
A- La portée de la clause de non concurrence dans le contexte intrinsèque
du contrat de collaboration libérale : une difficile compatibilité avec les
notions d’intérêt légitime et de liberté de choix. ...................................... 128
1-La clause de non concurrence et la notion d’intérêt légitime dans le
cadre du contrat de collaboration libérale............................................. 128
2-Une appréciation de la compatibilité des clauses de non concurrence
avec le principe du libre choix du patient. ............................................ 131
B- Le sort de la clause de non concurrence dans le cas d’un développement
de clientèle personnelle par le collaborateur. ........................................... 134
Chapitre 2- Le régime du contrat de collaboration libérale et ses effets en
fonction du contexte intrinsèque du contrat. ...................................................... 136
Section 1- La responsabilité du collaborateur vis-à-vis du patient/client :
illustration du problème de délimitation du périmètre du contrat. ................... 137
§1-L’indépendance du professionnel libéral. ............................................... 137
A- L’indépendance des collaborateurs avocats vis-à-vis de l’exécutif. ... 137
1-Le statut de l’avocat. ................................................................. 137
2-La distinction entre l’avocat salarié et l’avocat collaborateur. .. 140
B- L’indépendance des médecins vis-à-vis des hôpitaux. ........................ 141
§2-L’indépendance et la responsabilité du collaborateur vis-à-vis du
patient/client. ................................................................................................ 143
A- La responsabilité du collaborateur médecin. ....................................... 144
1-L’affirmation d’une responsabilité personnelle du collaborateur libéral
en raison de ses actes professionnels. ................................................... 144
2-La question de la responsabilité du professionnel dominant en raison
du dommage causé par son collaborateur. ............................................ 146
B- La responsabilité du collaborateur avocat. .......................................... 149
1-La mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat collaborateur. ..... 149
2-Les risques d’exercice de l’activité d’avocat en tant que collaborateur.
.............................................................................................................. 151
Section 2- Une tentative « vaine » de délimitation des périmètres du contrat de
collaboration libérale. ....................................................................................... 153
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
218
§1-La « schizophrénie » du contrat de collaboration libérale. ..................... 153
A- Le critère d’indépendance du collaborateur comme condition essentielle
de validité du contrat de collaboration libérale. ....................................... 154
1-La faculté de clientèle personnelle : un fantasme ? ........................... 154
2-La remise en question de l’indépendance du collaborateur libérale : la
compatibilité de l’indépendance et d’un rapport hiérarchique. ............ 156
B- Un « pseudo » statut libéral ? .............................................................. 157
§2-L’hypocrisie du contrat de collaboration libéral. .................................... 158
CONCLUSION Titre 1 .............................................................................................. 162
Titre 2- Le contexte extrinsèque du contrat de collaboration libérale. .............. 164
Chapitre 1- Le professionnel libéral et le droit de la concurrence. .................... 169
Section 1-La soumission des professions libérales au droit de la concurrence. 170
§1-Les professions libérales et les entreprises. ............................................. 170
A- L’applicabilité du droit de la concurrence aux professions libérales : les
professions de médecins et d’avocats. ...................................................... 170
B- L’intervention des ordres professionnels. ............................................ 172
§2-La portée de la soumission des professions libérales au droit de la
concurrence sur le marché. ........................................................................... 174
A- La concurrence dans les contrats de collaboration libérale : quels
avantages pour le consommateur ? ........................................................... 174
B- La concurrence dans les professions libérales : quels avantages pour le
praticien ? ................................................................................................. 176
Section 2-Le contrat de collaboration libérale et les pratique anticoncurrentielles.
.......................................................................................................................... 177
§1-Le droit applicable. .................................................................................. 177
§2-Les pratiques restrictives et non restrictives de concurrence dans le cadre
des professions libérales. .............................................................................. 178
A- Les comportements non restrictifs de concurrence. ............................ 178
B- Les comportements anticoncurrentiels. ............................................... 178
-Chloé Calame, Le contrat de collaboration libérale :
Regard croisé entre les professions de médecin et d’avocat-
219
Chapitre 2- L’évolution du contrat de collaboration libérale selon que l’on se
trouve dans un secteur concurrentiel ou non concurrentiel (Regard croisé entre
les professions d’avocats et de médecins). ........................................................... 182
Section 1- Le contrat de collaboration libéral sur un marché concurrentiel. .... 183
§1-La profession d’avocat libéral : une profession concurrentielle. ............ 183
§2-L’opportunité d’un tel contrat sur un marché concurrentiel. ................. 187
Section 2-Le contrat de collaboration libéral dans un secteur peu concurrentiel.
.......................................................................................................................... 189
§1- La profession de médecin : une profession peu concurrentielle. ........... 189
§2-L’opportunité d’un tel contrat dans un secteur peu concurrentiel. .......... 190
CONCLUSION Titre 2 .............................................................................................. 192
CONCLUSION Partie 2 ............................................................................................. 194
CONCLUSION GENERALE .................................................................................... 196
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 199
INDEX .......................................................................................................................... 210
TABLE DES MATIERES ............................................................................................ 213