le contexte scientifique et politique chu rapport calot · 5/5/1990 · situer les deux rapports...

11
Dossier Le contexte scientifique et politique chu rapport Calot Situer les deux rapports Callot dans leur contexte de production scientifique et dans la situation poli- tique luxembourgeoise, tel est l'objet de la contribution suivante, constituée par trois volets qui s'éclai- rent mutuellement, mais qui pourront être lus indépendemment. Le lecteur pressé pourra commencer par la troisième partie, spécifiquement luxembourgeoise, quitte à revenir plus tard sur les deux pré- cédentes. Situer la démographie par rapport aux autres sciences sociales, ou plutôt faire une lecture sociologique de la démographie, tel est le sujet du premier volet qui, après des considérations générales, traite du vieillissement, un des lieux communs du discours démographique. Le deuxième volet traite de la démographie française et de son cadre institutionnel, l'Institut National d'Etudes Démographiques, l'INED, qui est né dans la France pétainiste et dont Gérard Calot est le directeur depuis 1972. Le troisième volet présente la démographie "à la mode luxembourgeoise"; il montre le discours démo- graphique à la quête de l'identité nationale, ou le glissement du natalisme vers l'exclusion des étrangers. 1 La démographie, une science "naturelle" Définir la démographie est chose difficile. On pour- rait se limiter à la définition fournie par le diction- naire démographique des Nations-Unies: "La démographie est une science ayant pour objet l'étude des populations humaines, et traitant de leur dimension, de leur structure, de leur évolution et de leurs caractères généraux, envisagés principale- ment d'un point de vue quantitatif"([ChesnaisJ p. 4). Mais cette définition a l'inconvénient d'escamoter tout un volet qui est bien résumé par le terme d "arith- métique politique", mot par lequel la démographie était désignée à ses débuts et dans lequel transparaît encore l'idée même qui a donné naissance à cette science, à savoir la nécessité ou la volonté de con- fronter la problématique politique du développement des populations aux sciences du nombre: la mathé- matique et la statistique. Le travail du démographe est constitué par un volet technique, la collecte des données et leur analyse statistique, et par un volet explicatif. Ce dernier peut s'inscrire dans une démar- che scientifique qui rejoint les soucis de l'historien, du géographe ou du sociologue, mais qui aboutit aussi très souvent à un discours politique. Ceci est bien illustré par le double but du livre de Chesnais connue il le définit lui-même: "présenter les princi- paux acquis (outils et lois fondamentales) de la dé- mographie et introduire aux grands débats politiques, économiques, éthiques que suscitent les change- ments de la population elle-même". Gérard Calot va encore plus loin, lorsqu'il dit: "La démographie, en effet, même si elle apparaît de prime abord comme une approche technique et spé- cialisée des comportements humains, vous amène rapidement à des réflexions sur l'organisation de la société, quand ce n'est pas à la métaphysique. "2 Le discours démographique est toujours situé entre deux pôles: le discours scientifique d'une part, le dis- cours politique de l'autre; le chercheur-démographe prend alors le rôle de conseiller pour la politique en matière de population, qui est en fait une politique des naissances, une politique de la famille, mais aussi une politique de l'immigration. R. Lenoir [Lenoir85] a analysé la place occupée par la démographie dans l'espace des sciences sociales. Analyse qu'on pourrait résumer par la constatation que la démographie est "la science la plus naturelle des sciences sociales". Dans cette analyse Lenoir re- joint Le Bras qui écrit: "La démographie qui forme une sorte de pont entre nature et société, doit être pensée en ces termes: elle est au fond une porte par où les idées biologiques s'engouffrent dans le champ social. ... La démographie se présente sous un double aspect: d'un côté mise en ordre de la nature en vue de son usage social, de l'autre côté naturalisation de la société en vue de perpétuer, ..., certains rapports de force. ... (Elle) rejette sur la nature la faute des inégalités sociales et des dysfonctionnements institu- tionnels." L'on déduit ainsi des taux de reproduction inégaux une 'invasion' des immigrés, "comme si les groupes humains étaient des espèces différentes lut- 26 forum nr 137

Upload: doandung

Post on 24-May-2019

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Dossier

Le contexte scientifique etpolitique chu rapport Calot

Situer les deux rapports Callot dans leur contexte de production scientifique et dans la situation poli-tique luxembourgeoise, tel est l'objet de la contribution suivante, constituée par trois volets qui s'éclai-rent mutuellement, mais qui pourront être lus indépendemment. Le lecteur pressé pourra commencerpar la troisième partie, spécifiquement luxembourgeoise, quitte à revenir plus tard sur les deux pré-cédentes.Situer la démographie par rapport aux autres sciences sociales, ou plutôt faire une lecture sociologiquede la démographie, tel est le sujet du premier volet qui, après des considérations générales, traite duvieillissement, un des lieux communs du discours démographique.Le deuxième volet traite de la démographie française et de son cadre institutionnel, l'Institut Nationald'Etudes Démographiques, l'INED, qui est né dans la France pétainiste et dont Gérard Calot est ledirecteur depuis 1972.Le troisième volet présente la démographie "à la mode luxembourgeoise"; il montre le discours démo-graphique à la quête de l'identité nationale, ou le glissement du natalisme vers l'exclusion des étrangers.

1 La démographie, unescience "naturelle"

Définir la démographie est chose difficile. On pour-rait se limiter à la définition fournie par le diction-naire démographique des Nations-Unies:

"La démographie est une science ayant pour objetl'étude des populations humaines, et traitant de leurdimension, de leur structure, de leur évolution et deleurs caractères généraux, envisagés principale-ment d'un point de vue quantitatif"([ChesnaisJ p.4).

Mais cette définition a l'inconvénient d'escamotertout un volet qui est bien résumé par le terme d "arith-métique politique", mot par lequel la démographieétait désignée à ses débuts et dans lequel transparaîtencore l'idée même qui a donné naissance à cettescience, à savoir la nécessité ou la volonté de con-fronter la problématique politique du développementdes populations aux sciences du nombre: la mathé-matique et la statistique. Le travail du démographeest constitué par un volet technique, la collecte desdonnées et leur analyse statistique, et par un voletexplicatif. Ce dernier peut s'inscrire dans une démar-che scientifique qui rejoint les soucis de l'historien,du géographe ou du sociologue, mais qui aboutitaussi très souvent à un discours politique. Ceci estbien illustré par le double but du livre de Chesnaisconnue il le définit lui-même: "présenter les princi-paux acquis (outils et lois fondamentales) de la dé-mographie et introduire aux grands débats politiques,économiques, éthiques que suscitent les change-ments de la population elle-même". Gérard Calot vaencore plus loin, lorsqu'il dit:

"La démographie, en effet, même si elle apparaît deprime abord comme une approche technique et spé-cialisée des comportements humains, vous amènerapidement à des réflexions sur l'organisation de lasociété, quand ce n'est pas à la métaphysique. "2

Le discours démographique est toujours situé entredeux pôles: le discours scientifique d'une part, le dis-cours politique de l'autre; le chercheur-démographeprend alors le rôle de conseiller pour la politique enmatière de population, qui est en fait une politiquedes naissances, une politique de la famille, mais aussiune politique de l'immigration.

R. Lenoir [Lenoir85] a analysé la place occupée parla démographie dans l'espace des sciences sociales.Analyse qu'on pourrait résumer par la constatationque la démographie est "la science la plus naturelledes sciences sociales". Dans cette analyse Lenoir re-joint Le Bras qui écrit: "La démographie qui formeune sorte de pont entre nature et société, doit êtrepensée en ces termes: elle est au fond une porte paroù les idées biologiques s'engouffrent dans le champsocial. ... La démographie se présente sous un doubleaspect: d'un côté mise en ordre de la nature en vuede son usage social, de l'autre côté naturalisation dela société en vue de perpétuer, ..., certains rapportsde force. ... (Elle) rejette sur la nature la faute desinégalités sociales et des dysfonctionnements institu-tionnels." L'on déduit ainsi des taux de reproductioninégaux une 'invasion' des immigrés, "comme si lesgroupes humains étaient des espèces différentes lut-

26 forum nr 137

I '

erae

-•

I IR

-

_y^. .^ r._ ^s ^wsr ^ ('

^ T\,I

a ^ ^`.

I

Y ^.

'o \o,

\o

\o ^::::::::: ^ :::o :........ ...

Taux de natali té

Taux de mortalité

Taux d'accroissementnaturel

mar. 1110111•0

MM MS 11.18

Tu)Tß TY

D l ID2 D3

Source : G. Mauco, M. Grandazzi, La démographie à l'école, op. cit., p. 22.

Dossier

tant pour leur survie et étendant leur espace vi-tal."[Le Bras86, p. 48]

M. Halbwachs "reprochait déjà aux démographes detrop accorder aux phénomènes purement morpholo-giques, oubliant que les transformations démogra-phiques exerçaient leurs effets différentiellement se-lon les groupes et les classes sociales. C'est sansdoute cette abstraction institutionnelle et l'institu-tionnalisation de la démographie comme science del'état qui sont à l'origine de la coupure scientifiqueavec la sociologie." ([Lenoir85] p. 20)

"Le contenu sociologique est absent (de la démogra-phie) dans la mesure où ... les facteurs sociaux nesont pas utilisés comme facteurs explicatifs des phé-nomènes démographiques mais seulement commemoyen de spécifier la retraduction sociale de phéno-mènes de nature biologique." ([Lenoir85]p. 20)

La démographie est "une sorte de science de l'ordreétabli parce qu 'elle reprend comme catégories d'a-nalyse scientifique celles-là mêmes du monde social,telles que le droit les enregistre et les consacre à unmoment donné du temps." Elle "permet de représen-ter et de gérer ces nouveaux 'groupes' ... quine pren-nent forme qu'à l'état statistique, c'est-à-dire chif-frés selon des catégories qui sont celles des bureau-craties d'Etat, c'est-à-dire des catégories de gestionadministrative qui ... sont si générales qu'elles ontsinon l'apparence, du moins la force des choses 'na-turelles'." ([Lenoir85] p. 21)

Le vieillissement

Les phases de la transition démographique

Ta

1

/D

a = début de la baisse de la mortalité.ß = début de la baisse de la fécondité.y = début de la phase de rétrécissement de l'accroissement naturel.a^ = fin de la transition démographique.D, = durée de la phase de gonflement de l'accroissement naturel.D, = durée de la phase de plafonnement de l'accroissement naturel.D, = durée de la phase de rétrécissement de l'accroissement naturel.D = durée totale de la transition démographique.

in: J.-C. Chesnais: La démographie, Que sais-je? 2546, p.57

pouvoir, afin de les occuper à leur tour, qui constituel'enjeu de la lutte entre les générations." ([Lenoir89]p. 64) En ignorant ces enjeux, la statistique démogra-phique transforme en groupes réels ce qui n'est queprincipes théoriques de construction; la conséquenceen est la théorie du viellissement des nations.

La notion d'âge est un exemple de la "substantialisa-tion" (cf. Bachelard) de concepts dont la démogra-phie fait amplement usage. Ce n'est pas une variablenaturelle, malgré le statut qu'on lui accorde le plussouvent dans les travaux démographiques, mais c'estune variable mathématiquement et biologiquementconstituée et qui correspond à une réalité sociale spé-cifique.

"Ce qui est en question, dans la manipulation desclasses d'âge, c'est la définition des pouvoirs asso-ciés aux différents moments du cycle de vie. ... C 'estprécisément la détermination de cet âge, moment oùles générations les plus jeunes contraignent les gé-nérations les plus âgées à se retirer des positions de

A tout ménage sans enfantdoit correspondre un ménage de 6 enfants

Le vieillissement, un "fait redoutable ... lourd deconséquences"[Trausch 1974], produirait, selon G.Als, trois catégories d'effets: "Il accroit les chargesde l'économie et menace le niveau de vie. Il réduitles facultés d'adaptation et donc de compétivité. En-fin, il incite à recourir de plus en plus aux immigrantset pose ainsi un problème politique. "([Als88a ] p. 12)

Avant d'analyser brièvement les trois problèmesévoqués par G. Als, il faut souligner que la proportiondes personnes âgées augmente principalement parceque les gens vivent plus longtemps et parce que l'âgede la retraite a été abaissé. Qui voudrait s'en plain-dre? Voilà pourquoi les démographes parlent d'un

Actes de la recherche en sciencessociales no 59/1985

®^r®e ......

juli 1992Mata

27

Dossier

Si on voulaitfaire baisserla proportiondes vieux par

des nais-sances supp-

lémentaires,on commen-

cerait unespirale de

sur-population.

"vieillissement par le bas": la proportion des per-sonnes âgées augmente parce qu'il n'y a pas assez denaissances. Mais cette argumentation oublie de direque les jeunes d'aujourd'hui auront au moins lamême espérance de vie que leurs parents. Si on vou-lait faire baisser la proportion des vieux par des nais-sances supplémentaires, on commencerait une spi-rale de sur-population.

La vraie explication du soi-disant vieillissement setrouve dans ce que l'on appelle la transition démo-graphique, c.-à-d. le passage d'une forme d'équili-bre à une autre. L'ancien régime démographique dessociétés agraires peut être caractérisé par une crois-sance globale lente et mesurée, fondée à la fois surune très forte mortalité, une très forte fécondité, unedurée de vie réduite et une population jeune, tandisque le régime actuel des pays développés est marquépar une croissance non moins lente qui est, elle, baséesur des caractéristiques à peu près inverses: faiblemortalité, faible fécondité, longue durée de vie et po-pulation plus vieille3 . Le discours moralisateurcontre le vieillissement repose sur des principes em-pruntés à l'ancien régime qui n'ont aucun sens dansle régime moderne, et dont les conséquences dévas-tatrices se manifestent lorsqu'on tente de les appli-quer aux sociétés du tiers-monde en pleine explosiondémographique. La théorie de la transition expliquecet énorme accroissement de la population par le dé-calage de plusieurs décennies entre la baisse de lamortalité et la baisse de la fécondité.

Revenons aux trois problèmes evoqués plus haut: lescharges vont certainement croissant avec le nombrede personnes âgées4 , mais ces charges créent unenouvelle demande, un tout nouveau secteur économi-que, qui peut être à l'origine d'un essor économique.L'augmentation de la productivité est un des pro-blèmes centraux que notre économie a à gérer. Demoins en moins de travailleurs produisent de plus enplus de biens et de services. Réduire l'excès de maind'oeuvre par une réduction du temps de travail par lehaut et le bas de la pyramide des âges est une solutionplus élégante que d'avoir recours au chômage demasse. Au Luxembourg il y a trop peu de "vieux",sinon comment expliquer le nombre extrêmementélevé de pré-retraités, sur lequel Calot a attiré l'atten-tion dans son deuxième rapport.

Natalisrwo

L'adaptation de notre économie se fait par le recru-tement d'étrangers, et ce n'est pas par une natalitérenforcée que les Luxembourgeois de souche au-raient pu produire la main d'oeuvre nécessaire. Lerecours à une politique nataliste, donc une politiquequi cherche à augmenter le nombre des naissances,ne pourrait avoir que des effets marginaux, même sielle s'avérait efficace, ce qui reste encore à prouver.Pour un petit Etat en pleine expansion démographi-que et économique comme le nôtre, la seule politiquepossible est une politique populationniste. Entendonspar là une politique qui fasse augmenter le nombred'habitants par le mouvement naturel mais aussi parles mouvements migratoires. Cette politique en vo-gue dans les Etats absolutistes pour lesquels tout in-dividu était bon à faire un sujet et tout accroissementde la population signifiait un accroissement de lapuissance militaire et économique, a été détrônée parle natalisme, politique qui tend, elle, à exclure l'é-tranger. Même si le populationnisme n'existe pascomme doctrine dans le débat politique du Luxem-bourg, le gouveniement 1 'a pratiqué au fil des besoinsde l'économie en favorisant l'arrivée de travailleursimmigrés.

Exemple de "substantialisation", le vieil issement estaussi un exemple de la dimension allégorique du dis-cours démographique, et Le Bras a pu parler à proposde l'expression "la France ridée" 5 de "délire de l'a-nalogie". "Les comparaisons organiques pour les-quelles la fin du XIX' siècle a éprouvé une attirancetrouvent ici leur aboutissement logique. Le peuple, lanation, I 'Etat constituent des organismes géants dontles cellules différenciées s'appellent des individus."(1Le Bras] p.127)

Ce discours fonctionne, au niveau de la métaphore,par l'extrapolation de propriétés attribuées à l'indivi-du à l'organisme social. Le dernier avatar de cetteapproche dans le petit monde des sciences socialesau Luxembourg est l'étude de la "vitalité des nations"menée par l' "Institut d'études européennes et inter-.nationales". Au lieu d'étudier l'histoire d'un Etatdans sa spécificité 6, dans sa singularité même, un teldiscours se situe à un niveau de "catégorisation naïve,'littéraire' et finalement mythique, espace priviligiéde projection sociale, où se marque l'abscence de toutsouci d 'opérationnal isation"7.

2 La démographie à lafrançaise

Selon Michel-Louis Lévy "le penchant des Françaispour la démographie a deux origines: en premierlieu, l'ancienneté de l'Etat-nation, qui eut souci deprendre sa propre mesure et sut progressivements'en donner les moyens; en second lieu l'originalitéde la trajectoire démographique de la France (...) àcontre-courant des autres sociétés européennes."

([Lévy] p.197) Et c'est la faible croissance démogra-phique de la France par rapport à ses voisins et surtoutpar rapport au jeune Empire allemand qui a nourri lediscours nataliste. Expliquer la défaite de la Franceen 1871 par un manque de soldats, c'est donner uneréponse commode qui ne met pas en cause l'incapa-cité de la classe politique ou des commandants miii-

28 um nr 1 37

Allemagne Fédérale

uxcmbourg

Dossier

MN«

taures, mais qui désigne les couples, ou même lesseules femmes comme responsables. C'est aussi pro-poser une solution sous la forme d'une politique na-taliste. Ainsi "l'alliance nationale pour l'accroisse-ment de la population française", fondée en 1896 etqui existe aujourd'hui sous le nom d' "alliance natio-nale population et avenir", a été soucieuse d'obtenirdu pouvoir politique des avantages pour les famillesnombreuses. L'hécatombe de la première guerremondiale a accentué la pression nataliste et l'Etatfrançais a mis en place une politique familiale, cou-ronnée en 1932, bien avant les autres pays européens,par la création des allocations familiales (cf. [Lévy]p. 199).

"En dépit des oppositions tranchées et incompatibi-lités qui les séparent, Daladier, Pétain et De Gaulleauront en commun de répondre à la hantise collectivede la faiblesse démographique par des décisions po-litiques, d'aider la famille et la natalité tout autantque poursuivre une politique de coercition contre ceque l'on appelait alors le contrôle des nais-sances."([Poursin] p. 8)

La démographie est en France "une sorte de sciencenationale"(Lévy) et l'Institut national d'études dé-mographiques, l'INED, qui réunit une cinquantainede chercheurs est une institution unique en son genre.Il fut créé en 1945 avec une double mission: d'unepart l'analyse des phénomènes de population, d'autrepart l'application du savoir ainsi constitué "à l'ac-croissement quantitatif et à l'amélioration qualitativede la population" 8. Cette formule montre bien quel'INED s'est inscrit dans la continuité d'une institu-tion pétainiste: celle d'Alexis Carrel.

Biologiste français et Prix Nobel, Alexis Carrel avaitété appelé par Pétain pour mettre en oeuvre ses théo-ries eugéniques sur l'amélioration de la race hu-maine, formulées dans son best-seller, L'homme cetinconnu. L'INED a continué sans rupture après 1945

Graphique 1

Descendance finale comparée des générations fémini-nes en Allemagne fédérale, en Belgique, en France et

au Luxembourg.

Descendance finaledes générations féminines(Nombre moyen d'enfants par femme )2,7

2.6

2,5

2,4

2,3 —

2,1—

2,0 —

1,9 —

1,13

1,7 —

1,6 —

1 5 . 1 t

1900 1910 1920 1930 1940

t

1950 1960

les travaux commencés parla "Fondation Alexis Car-rel", "continuité voulue par la loi et concrétisée parle transfert de personnel".

Le livre de Carrel, qui est encore disponible en livrede poche (Press Pocket), condamne la société mo-derne au nom de la santé, au nom d'une nature bio-logique profonde de l'homme à laquelle ne corres-pondraient pas les conditions de la société indus-trielle. Nous trouvons là une argumentationécologiste avant la lettre. Dans l'exemplaire de la Bi-bliothèque nationale, une main a souligné une phrasevantant les mérites du pain complet et a ajouté enmarge "schon deemols" (déjà en ces temps là).

D ES INDICES À MANIER AVEC PRÉCAUTION

Dans un groupe, la fécondité varie àla fois avec l'âge des individus etavec le moment considéré. Aussi lamesure-t-on avec un « taux defécondité » par âge, et par année,autrement dit, avec la proportion defemmes d'un âge donné qui ont euun enfant une année donnée. Direqu'en 1977, la fécondité à l'âge devingt cinq ans vaut 0,15 signifie que1 000 femmes de vingt cinq ans ontdonné naissance à 150 enfants en1977. En additionnant les taux defécondité par âge, on aboutit à deuxindices mesurant ces deux logiques:la descendance finale, si l'on sommeles taux le long d'une génération,c'est-à-dire en suivant au cours deson existence un même groupe defemmes. Nombre moyen par femmed'enfants engendrés par unegénération, la descendance finalemesure donc le résultat des projetsfamiliaux. Elle indique notamment sila population se renouvelle ou non:pour cela, il faut qu'une mère d'unâge donné soit remplacée enmoyenne par une fille qui atteindrale même âge, vivante.®®

juli 1992

On peut aussi sommer les taux defécondité des différents âges aucours d'une année donnée. C'estl'indicateur conjoncturel defécondité. Il ne représente aucunphénomène réel, mais permet desuivre les fluctuationsconjoncturelles: si une annéedonnée, toutes les femmes remettentd'un an la naissance qu'ellesenvisageaient, cet indicateurdeviendra nul cette année là.En toute rigueur, les deuxindicateurs sont complémentaires. Ilspermettent de suivre l'intensité duphénomène et son calendrier, mais,l'intérêt se porte surtout surl'intensité. Or, on ne connaît ladescendance finale qu'à l'issue de lavie féconde d ' une génération, soitvers l'âge de cinquante ans. Oncherche alors à deviner quellepourrait être l'intensité de lafécondité des générations plusjeunes à l'aide de l'indicateurconjoncturel.S'il n'y a aucun changement decalendrier, l'indicateur conjonctureldonne une te ndance grossièrement

exacte, mais si le rythme deconstitution de la famille se modifie,le procédé devient trompeur, et ilfaut corriger le résultat en tenantcompte des déplacements decalendrier.Or l'histoire récente est exemplairede cette alternative. Jusqu'en 1975les calendriers ont peu varié.L'indicateur a donc à peu prèsmesuré les changements d'intensitéen cours. En effet, avec la possibilitéde la pilule et du stérilet, lescouples ont massivement évité desnaissances au-delà de la troisième(entre 1965 et 1975, leur nombre aété divisé par trois). L'effet sur lacourbe de fécondité par âgeannuelle en est immédiatementlisible: les taux de fécondité ontdiminué d'autant plus que l'âge étaitélevé. La comparaison des courbesde 1938 et 1975 est exemplaire àcet égard.En 1975, la mutation est achevée.Mais, une autre mutation prend lerelais : les femmes se mettent àretarder la venue de leurs enfants.Entre 1975 et 1987, la fécondité au

29

a

Population de, grand, puissances de l' Furope en 19,16

en million, d'habitants )

Source : Manco, M. Grandazzi,La démographie ä op. cit., p. 40.

U.R.S.S. Allernag-ne(partie ruropeenne)

143

Grande-Bretagne

Italie France

16 4(0/270

Dossier

dessous de l'âge de trente ans, sedécale de plus de deux années.Ainsi, une jeune femme qui aurait euson enfant à vingt-sept ans en 1975,l'a à vingt-neuf ans en 1987. Enmoyenne, sur cette période, lesfemmes ont pris chaque année unretard de deux mois sur lecalendrier des naissances tel qu'il sedéroulait avant 1975. Dès lors, lescourbes de fécondité par âge, aulieu de se tasser, se déplacent d'unbloc vers les âges plus élevés.Le vieillissement des mères fausseconsidérablement l'indiceconjoncturel tout en ne modifiantpas la descendance finale: lesfemmes ont autant d'enfants, ellesfont les mêmes familles, mais deplus en plus tard. Il naît alors moinsd'enfants chaque année, à cause dece retard, et non à cause d'unchangement de la dimension finaledes familles. Un exemple va lemontrer: en 1986, les femmes ont euleurs enfants deux mois plus tardqu'en 1985. L'âge moyen à lamaternité s'est donc élevé de deuxmois. Ainsi, les enfants qui auraient

.11.133181«n

dû naître au cours des douze moissuivant 1985, sont nés au cours desquatorze mois suivants. En comptantles naissances survenues au cours del'année civile 1986, on ne trouvedonc que les 12/14 4 'nes desnaissances qui auraient eu lieu si lesmères n'avaient pris aucun retard.Attention, les naissances manquantesen 1986 ont eu lieu durant es deuxmois suivant 1986. Elles ne 'ont pashypothétiques, mais plus lentes. Pourjuger de l'intensité de la féconditéindépendamment de ce retard, ilfaut donc compter les naissances surquatorze mois, soit les 14/12 emes desnaissances observées en 1986.L'indice conjoncturel doit donc êtrecorrigé dans la même proportion, etvaut après rectification de cet effetde calendrier, 14/12 x 1,8 = 2,1.Ainsi l'écart entre descendancefinale et indice conjoncturel estrésorbé.Lorsque les calendriers changent,l'indice conjoncturel perd ainsi sasignification structurelle. Si l'on veutavoir quelque idée des tendances dela reproduction de la population, il

-101.11«.ffläffl,

faut rectifier le biais. La correctionest un peu plus délicate que lesexemples ont pu le faire penser, carles retards ne sont pas tout à faitles mêmes selon l'âge de la mère etle rang de naissance de l'enfant.Mais, dans la phase actuelle où leretard s'accroît depuis quinze ans etoù la structure des familles nechange guère, la hausse de l'âgemoyen des mères, annuellement,représente bien le retard pris, etdonc la correction à appliquer : tantde quantièmes d'année de retard,tant de quantièmes de hausse àappliquer à l'indice conjoncturel.

Hervé Le Bras

o

Quelques citations suffiront pour illustrer un discoursqui se trouve aujourd'hui encore, sous forme atténuéetoutefois, dans le discours démographique: "Pour laperpétuation d'une élite, l'eugénisme est indispensa-ble. Il est évident qu'une race doit reproduire cesmeilleurs éléments. Cependant, dans les nations lesplus civilisées, la reproduction diminue et donne desindividus inférieurs. Les femmes se détériorent vo-lontairement grâce à l'alcool et au tabac. ... En outre,elles refluent d'avoir des enfants." (rand] p. 409)

"Il faut abandonner l'idée dangereuse de restreindreles forts, d'élever les faibles, et de faire ainsi pullulerles médiocres", formulation qui se retrouve encore denos jours dans le discours de certaines associationsd'enseignants corporatistes.

Dans cette perspective élitiste le salut vient, selonCarrel, d'une "minorité ascétique et mystique" quipeut acquérir le pouvoir par "la persuasion ou peut-être par la force" ([Carrell p. 404). Et en attendantl'amélioration de la race par l'eugénisme, il faudrarecourir aux cliniques psychiatriques qui remplace-ront les prisons ou pour "ceux qui ont tué, qui ont voléà main armée ...(recourir à) un établissement eutha-nasique, pourvu de gaz appropriés." «Carrel] p. 435)

De même qu'on ne peut pas réduire toute la démo-graphie à l'eugénisme, on ne peut pas nier la conti-nuité institutionnelle liant 1 'INED à l'Institut Carrel,pas plus qu'on ne peut nier les affinités de ce discoursavec des figures argumentaires qu'on retrouve en-core aujourd'hui. G. Als a ainsi parlé de "l'autode-struction des sociétés parvenues à un certain degré deprospérité"([A1s91] p.8) pour expliquer la situationdémographique du Luxembourg.

Calot attaqué par Le Bras

Sous deux de ses trois directeurs, A. Sauvy (1945-1962) et G. Calot depuis 1972, l'INED a poursuiviune politique explicitement nataliste. Mais l'INEDn'est pas un bloc monolithique, elle possède en sonsein les critiques de la démographie nataliste. Leurchef de fil est Hervé Le Bras, célèbre pour son essaid'anthropologie historique "L'invention de laFrance" 9. Il s'est aussi illustré par ses travaux criti-ques sur l'histoire des concepts démographiques. Il aainsi analysé [Le Bras86] la mise en place du taux defécondité dans le contexte du darwinisme, du malthu-sianisme et surtout de l'eugénisme. Il a montré com-muent, dans les années 1920, la théorie de la féconditéest devenue, avec Fisher et Gini, une théorie ra-ciste[Le Bras81 ].

Le Bras s'est fait connaître auprès du grand publicpar ses attaques contre le directeur de 1 'INED, G. Ca-

30 forum nr 137

^^.^. .

Tandis que lapopulationaugmente, onpeut lirequ'ellediminueparce que letaux defécondité estau-dessousdu seuilfatidique dereproduction.

Dossier

MBINI

lot, au début de 1990. Leur polém icbue a été répercu-tée dans toute la presse française , autre signe del'intérêt de l'opinion publique française pour la dé-mographie. Ce débat, qui a soulevé les passions desparticuliers comme celles des médias, est un débattrès technique sur l'utilisation de deux indicateurs dé-mographiques différents.

Le Bras utilise l'indicateur de la descendance fi-nale. On peut dire en simplifiant que c'est le nombred'enfants que les femmes d'une génération ont réel-lement eu. Si l'on veut assurer le remplacement desgénérations, cet indicateur doit être de 2,1. Or commele montre le graphique 1, cet indicateur s'est toujourstrouvé pour la France au-dessus de ce seuil. Ce mêmegraphique, emprunté au rapport Calot II, montre quela descendance finale du Luxembourg se trouve bienen-dessous de ce seuil, mais il montre aussi que notrepays a un meilleur taux que la République Fédéraled'Allemagne, pays où le discours nataliste n'est pastrès en vogue. La peur de la dénatalité relève doncplutôt d'un discours politique que des chiffres démo-graphiques réels.

Quant à Calot, il privilégie l'indicateur conjonctu-rel de fécondité. C'est un indicateur qui est plus dif-ficile à comprendre, car il s'agit d'un indice statisti-que qui est pure construction mathématique. On tenteparfois d'en donner une représentation imagée enparlant de la descendance d'une génération fictivepour laquelle la fécondité resterait à chaque âge lamême qu'aujourd'hui. Alors qu'on ne connaît la des-cendance finale d'une génération qu'a posteriori,l'indicateur conjoncturel peut, lui, être mesuré àn'importe quel moment. Mais cet indicateur mesureplutôt les changements du calendrier des naissancesque la desendance théorique (voir encart).

L'intérêt de ce débat est d'avoir montré que dans unepériode de forte croissance de la population enFrance, une période où le nombre des naissances va-rie, depuis la dernière guerre mondiale, de 750.000 à900.000 par an, sans tendance à la baisse, on utiliseun indicateur mathématique pour encourager le gou-vernement à prendre des mesures natalistes avec enarrière-fond le schéma: dénatalité = vieillissement =déclin = décadence = disparition de la nation, voirede la civilisation occidentale.

3 La démographie à laTriode luxembourgeoise

La communauté scientifique luxembourgeoise estorientée vers la France et se conçoit comme partieintégrante du monde scientifique francophone . Cequi est vrai pour les sciences en général, l'est encoredavantage pour la démographie.

Deux mémoires

Aussi, dans la première étude démographique ex-haustive effectuée au Luxembourg par GérardTrausch [Trausch73], environ 80% des ouvrages mé-thodologiques cités sont-ils français. Rien d'étonnantdonc à ce qu'une des principales critiques formuléespar Le Bras à l'encontre de la démographie françaisepuisse aussi s'appliquer à l'étude de Gérard Trausch,à savoir la contradiction entre une augmentationréelle de la population et une diminution des indica-teurs démographiques. Tandis que la population aug-mente, on peut lire qu'elle diminue parce que le tauxde fécondité est au-dessous du seuil fatidique de re-production. "Pour arriver à ce résultat, une énormeconstruction idéologique est nécessaire. Il faut, parexemple, ignorer entièrement les phénomènes migra-toires: du même coup, il devient possible ensuite derejeter ces phénomènes migratoires au nom de l'in-dice que l'on a ainsi construit„" [Le Bras86] Une trèsbelle illustration de ce va-et-vient de l'argumentationentre le constat des faits et leur dénégation par uneconstruction théorique se trouve dans l'étude de Gé-rard Trausch. Cette figure argumentaire est déjà an-noncée par le titre: "La croissance démographique du

Grand-Duché de Luxembourg du début du XIXe siè-cle à nos jours." 12 Ce titre est bien choisi, car il meten évidence le fait marquant de la démographieluxembourgeoise, c.-à-d. la croissance. Mais le sous-titre "mouvements naturels de la population" indiqueque seule une partie de la croissance sera prise encompte. Et dès la première phrase, Gérard Trauschdéfinit comme but de son travail "l'étude du mouve-ment naturel de la population (qui) résulte de la na-talité et de la mortalité à l'exclusion du mouvementmigratoire." ([Trausch73] p. 1) Or pour le territoireexigu du Grand-Duché qui a connu des mouvementsd'émigration et d"immigration considérables, il estimpossible de parler démographie sans parler desmouvements migratoires. Pour avoir étudié à fondl'évolution de la population, Trausch en est bienconscient et, oubliant son point de vue nataliste, ildédie tout un chapitre ([Trausch73] pp. 229-244) auxmouvements migratoires. Mais le tour est joué et cequi est au fond constitutif pour l'évolution démogra-phique de la micro-société luxembourgeoise prend lerang d'un épiphénomène.

Toute autre est l'approche de Kathleen Griffin dansun mémoire soutenu à l'université de Nottingham,mémoire qui s'inscrit dans la tradition du géographeanglais K.C. Edwards, grand spécialiste du Luxem-bourg, superbement ignoré pourtant dans les publi-cations luxembourgeoises. Le sujet de cette étude estl'analyse de l'interdépendance des migrations in-ternes et du développement économique, donc del'urbanisation, du développement de petits centres

1111M11n1111111R

31juli 1992

Dossier

régionaux, du bassin industriel du Sud et de la Villede Luxembourg. Cette approche, plus géographiqueque démographique, ne tient pas compte de la prove-nance - "naturelle" ou migratoire - des populationsqui ont permis l'essor industriel de notre pays. Ellemontre que les mouvements de population (migra-tion interne et externe) suivent les fluctuations éco-nomiques. Comme l'écrit encore Le Bras:"On sait depuis longtemps que les migrations n'o-béissent pas à de mystérieuses lois hydrauliques se-lon lesquelles les 'fortes pressions' démographiquesse dirigeraient vers les faibles pressions pour y déver-ser leurs surplus démographiques, mais aux lois del'offre et de la demande : lorsque l'offre de travail estabondante, un courant migratoire se développe." ([LeBras91] p. 189) Ce courant s'éteint quelques annéesaprès la fin de la prospérité. Le débat politique, luiaussi, est cyclique: durant la période de prospérité,personne ne pense à réglementer les migrations,mais, au moment de la crise, l'opinion publique ré-clame le départ des étrangers.

L'apport des étrangers est, au Luxembourg plus quepartout ailleurs, la condition nécessaire à ce qu'onappelle le "pompage social". Une restructuration del'emploi, vécue par les personnes concernées commeascension sociale, s'est effectuée d'abord avec l'in-dustrialisation, puis avec la tertiarisation de la socié-té. Cette restructuration n'a été rendue possible (sur-tout dans un petit pays dont la population a augmentéde presque 100.000 habitants, soit d'un tiers depuisla dernière guerre) que par un apport de nouveauxvenus destinés en général à occuper les emplois lesmoins rémunérés. Dans les grands pays, cet apportest réalisé, du moins en partie, par une migration in-terne des habitants de la campagne vers les villes oules bassins industriels. Mais dans un petit payscomme le nôtre, cette migration est principalementextérieure.

Le premier rapport Calot

Est-ce un hasard si la conunande du premier rapportCalot, marquant le début de la préoccupation en ma-tière de démographie au Luxembourg, se situe versla fin des années soixante-dix, alors que le "pompagesocial" semble s'arrêter avec la crise de l'industrie

11111060.113nSMIMIRM

sidérurgique? Ceci semble confirmer les observa-tions de Le Bras sur la cyclicité non seulement desphénomènes migratoires, mais aussi des débats sur lamigration.

Pour bien comprendre le décalage entre la situationréelle et le discours alanniste arrêtons-nous un instantà la situation démographique, telle que la décrit Calotlui-même à l'époque de la publication de son premierrapport et du grand débat national sur les records dela dénatalité au Luxembourg et sur le "suicide collec-tif" (G. Thorn) du peuple luxembourgeois qui l'a sui-vi:

"Entre 1945 et 1960, le croît démographique est de2000 personnes en moyenne chaque année; durantles deux décennies suivantes (1960-1980), il semonte à 2500 (niveau sans précédent dans l'histoireluxembourgeoise). "13 Augmentation qui est large-ment supérieure à celle des pays de la CE.

Nous ne reviendrons plus sur le travail de dénégationqui conduit de ce constat de croissance aux conclu-sions alarmistes suivantes:

"Le Grand-Duché ne se remettra probablement pasavant quatre ou cinq décennies de son grand affai-blissement démographique. "14

Le deuxième rapport Calot a été accueilli dans unerelative indifférence. En effet, les lamentations desdémographes sont toujours les mêmes, les indica-teurs démographiques atteignent toujours des recordsnégatifs, le Luxembourg est toujours en train de semourir, tandis que les habitants du Luxembourg seportent de mieux en mieux vue la croissance écono-mique considérée comme illimitée par la plupart desgens.

Georges Als, démographe

Calot a trouvé un disciple au Luxembourg en la per-sonne de Georges Als, qui a assumé la direction duSTATEC depuis sa création en 1962, jusqu'en 1990[A1s90], et qui pendant ce mandat a souvent préférél'anecdote à l'analyse et les certitudes positivistesaux interrogations méthodologiques.15

Une de ses préoccupations majeures a toujours été ladémographie et il a fustigé la dénatalité dans d'in-nombrables articles. Il a dépeint la vision d'unGrand-Duché se mourrant lentement, rongé par l'é-goïsme et le matérialisme des Luxembourgeois etsurtout des Luxembourgeoises. La consommation, lajouissance, la recherche du plaisir à court terme, ladissolution de la famille et l'émancipation de lafemme qui en résultent, telles sont les causes de lamisère démographique. Et le remède pour Als estaussi simple que son diagnostic, c'est une politiquenataliste qui permettra de créer une atmosphère favo-rable à la famille. [Als78] Ces sujets sont la hantisede Als au point qu'il les répète sans cesse dans unesuite d'articles qui sont autant de variations sur unmême thème. Des articles soit académiques, sérieux,exhaustifs, à grand renfort de graphiques et de ta-bleaux, soit plus polémiques et plus journalistiques.

Oubliant son rôle de grand commis de l'Etat, neutreet circonspect, il est descendu dans l'arène politiqueen 1989 au nom d'une éphémère "Action solidarité"

G. Als: Des menaces contre l'Identité nationale?Aujourd'hui, quarante ans après (la seconde guerre mondiale) le problè-me de l'identité est posé en des termes nouveaux. Pourquoi? Parceque nous sommes de nouveau menacés, non par un ennemi brutal etfacilement identifiable, mais par un danger insidieux, pas un relâche-ment de l'instinct vital, par un désir effréné de prospérité qui nous a mo-mentanément fait oublier les valeurs fondamentales. ...Il a fallu toute la brutalité des nazis pour tuer 5.000 Luxembourgeois; ilaura suffi de notre insouciance optimiste pour en supprimer 15.000! Etce jeu de massacre continue au rythme de 1.000 personnes par an, parle seul excédent des naissances sur les décès. ...Les étrangers ne parlent pas notre langue tant qu'ils ne sont pasdécidés à s'intégrer, ce qui devient malheureusement de plus en plusrare. Et bien entendu, ils ne se sentent pas Luxembourgeois. Les ten-sions entre les deux communautés sont perceptibles, et elles s'aggra-veront fatalement. ...N'est-il pas humiliant que nous devions prier les immigrants de solliciternotre nationalité - et que nous subissions leur refus auquel ils ajoutentl'aplomb de revendiquer nos droits politiques!forum n°58, septembre 1982

32 forum nr 137

M. Als jouitde la pleinereconnais-sance desmilieuxdirigeants dece pays.MIZMAIMBPn11111ZI

Dossier

Carlo Schmitz

qui militait contre le droit de vote des immigrés. Cemême combat, G. Als l'a repris sous forme de lettres

l'éditeur lors des discussions sur la ratification dutraité de Maastricht.16

Moins politiques, mais non moins embarrassants sontles propos qu'il a tenu devant les directeurs des bu-reaux de représentation de la Commission euro-péenne sur les perspectives inquiétantes du Luxem-bourg [A1s91]. Une seule citation devrait suffire àprouver le niveau de cet exposé et la profondeur dela pensée de G. Als:

l'éclatement de la société luxembourgeoise dans unesituation de guerre civile à la libanaise. (1A1s88a]p.11)

"L'idée d'une société multiculturelle est unechimère dangereuse. Nous devons essayer de resterce que nous sommes, sinon nous verrons fatalementse multiplier les réactions nationalistes, et peut-êtremême d'extrême-droite" (fA1s88a7 p. 14).

Démographie et identiténationale

"Lorsqu'un mâle luxembourgeois croise une joliefemme, il ne se retourne pas, il ne siffle même pas.Des femmes issues des rivages de la Méditerranéeen font une dépression - elles ont l'impression de neplus exister. Depuis que je connais cette doléance,je me retourne au passage des belles filles, poursauver l'honneur de mon pays. Mais je n'ose pasencore siffler." UAls91 J p. 1)

L'orateur était mandaté par le gouvernement, qui acautionné cet exposé aprés coup, donc en pleineconnaissance de cause, en le faisant publier par sonService Information et Presse. Les nombreuses pla-quettes et brochures commanditées auprès de M. Alspar l'AFP, la FEDIL par une banque importante, etla place privilégiée que lui accordent les journauxles plus importants, sont autant de preuves que M.Als jouit de la pleine reconnaissnce des milieux diri-geants de ce pays.

Les Luxembourgeois vont perdre leur identité, si leseuil de tolérance de 30% d'étrangers est dépassé:"que le message soit clair: les étrangers sont les bien-venus au Luxembourg, ... mais ce pays entend resterluxembourgeois. "19

Mais comment définir cette fameuse identité luxem-bourgeoise? G. Als a consacré un article à ce sujet[Als88b] et il trouve dans la langue luxembourgeoise,mais aussi dans les connaissances étendues des lan-gues étrangères, le fondement de notre identité. Acette maigre définition il ajoute un vague "sentimentnational" comme autre élément de l'identité. L'iden-tité luxembourgeoise se réduirait-elle donc à l'âmenationale? Ainsi nous revenons aux métaphores et àl'extension des concepts de psychologie individuelleaux entités sociales.

Als est donc bel et bien reflet et partie intégrante dudiscours politique légitime luxembourgeois, saufpeut-être en ce qui concerne ses thèses contre les im-migrés et surtout contre le droit de vote des étrangers.Mais même sur ce dernier point Als reflète en 1989la position de tous les partis établis qui ont d'un com-mun accord exclu le sujet du débat électoral. D'ail-leurs il prend soin, tout en transgressant ce gentlemenagreement, de ne pas "se mouiller" avec les partisd'extrême-droite.

La figure rhétorique qu'il emploie est simple et ellea déjà fait ses preuves dans ses écrits "scientifiques":Als prétend qu'il existe un seuil de tolérance pour lepourcentage des étranAers dans une société qu'il fixearbitrairement à 30% . Au delà de ce seuil il prédit

joli 1992

Mais si l'identité se résume à un sentiment, qui pourraen juger? Qui pourra dire que tel Luxembourgeois estun bon, un vrai Luxembourgeois? Le vrai nataliste atoujours des suspicions envers les naturalisations etles options de la nationalité luxembourgeoise par lesenfants nés sur notre territoire, options qui sont né-cessaires parce que nous ne connaissons pas, commeen France, le droit du sol. Le laxisme de la politiquede naturalisation luxembourgeoise a créé selon Alsdes Luxembourgeois au rabais.La loi sur les naturalisations du 11 décembre 1986pose comme condition préalable une "assimilitationsuffisante", niais d'après Als cette clause serait deve-nue pure formalité et, sans avancer aucune preuve, ilprétend que "souvent les étrangers qui ont acquis lanationalité ne parlent pas le luxembourgeois." Etd'ajouter: "Le Luxembourg est sans doute l'exemple

MM.

33

11111n111111n1

Le dynamis-me de notre

pays sefonde sur lesmigrations et

non sur lanatalité.

Migrationsexternes

certes, maisque signifie

"externe"dans un Etat

de toutepetite

dimension?

Dossier

MINIIMIBUf

d'un rare pays dont un certain pourcentage de natio-naux ne parlent pas la langue nationale" (1A1s88b1p. 23). "Plus de 10.000 Luxembourgeois ne parlantpas le luxembourgeois" (1A1s88b] p. 23), voilà la vi-sion d'horreur de Als, qui oublie de préciser la situa-tion linguistique au Luxembourg, situation dont il estsi fier qu'il en fait, au début de son essai, un élémentde l'identité nationale luxembourgeoise: "Nous pra-tiquons les langues de nos deux grands voisins. C'estune richesse culturelle unique en son genre. ... LeLuxembourgeois cultivé peut disserter sur la littéra-ture française avec un Français et s'entretenir sur desoeuvres allemandes avec un Allemand" (IAls88b] p.15).

une population purement nationale après 50 ans. Il vasans dire que les chiffres avancés (surplus de maind'oeuvre et émigration de 6.500 étrangers entre 1975et 1985) ne se sont pas vus confirmés par l'évolutiondu marché du travail. N. Schmit juge l'approche éco-nomique de Als de la façon suivante:

La "critique véhémente (de G. Als) du 'matérialismeabject' révèle des affinités avec certains courantsd'économistes ultra-conservateurs. Travailler pluset plus longtemps et dans des conditions moins fa-vorables; payer plus d'impôts et des cotisations so-ciales pour avoir une protection sociale bien moinsavantageuse, voilà le message économique et socialde M. Als".2`

Mais même s'ils parlent le luxembourgeois et le fran-çais "les nouveaux Luxembourgeois ... n'ont sansdoute pas le même attachement sentimental au paysque ceux qui en sont les enfants." (1A1s88b] p. 24)Cette dernière se situe à un niveau mythique où lesenfants n'ont plus de mère, mais une mère-patrie.

L'histoire montre que la quête anxieuse d'une iden-tité et sa défense acharnée coïncident en général avecdes moments de crise20. Pour préserver ses avantageset le cadre familier de son existence une collectiviténationale a souvent recours à l'affirmation de sonidentité, ce qui revient souvent à l'affirmation de ladifférence voire de l'infériorité de étranger. Il fau-drait mettre le discours sur l'identité et l'émergenced'un militantisme pour la langue luxembourgeoise enrelation avec la restructuration de la société luxem-bourgeoise qui a débuté par la crise de la sidérurgieet s'est poursuivi par la tertiarisation. Dans cette si-tuation de changement, où un "'pidgin' franco-por-

„tugais-luxembourgeois 21 semble supplanter leluxembourgeois comme langue de communication,au moins à Luxembourg-Ville, la langue luxembour-geoise devient un refuge, un garant de la situationacquise. Du moins constitue-t-elle le dernier rempartqui protège la situation privilégiée des fonctionnairesluxembourgeois vis-à-vis de leurs concurrents venusdes autres pays de la CE.

Le vrai enjeu: la place desLuxembourgeois dansl'économie

Als a fait sienne dans un article la sentence énoncéepar A. Sauvy, directeur de 1 'INED pendant de lon-gues années: "Nous devons faire nous-mêmes nostravaux pénibles, tout comme les familles bour-geoises ont dû s'habituer à faire elles-mêmes leurménage"([Als78] p. 298). Si les femmes doivent en-trer dans le processus de travail, ce sera seulementpour occuper les postes du tertiaire, et les hommes,eux, pourront se réorienter vers l'industrie. Les tra-vaux pénibles seront faits par les jeunes. Et commeceux-ci ne s'y plieront pas volontairement, "on pour-rait songer à un service civil du moins dans un paysn'ayant pas de service militaire obligatoire" (1Als78]p. 298). Les jeunes seront affectés aux branches dé-ficitaires en main d'oeuvre: agriculture, hôtellerie,construction, etc. Ainsi on n'aurait plus besoin de tra-vailleurs immigrés et Als de conclure en 1978, quedans l'intérêt du plein emploi, il "ne faut donc pass'opposer (à leurs) départs", de manière à revenir à

IMIIMMIMMI.720Mse

34

La démographie de la petitedimension

Les quatre projections démographiques réalisées auLuxembourg entre 1950 et 1982 ont été en généraltrop pessimistes. Als lui-même en conclut que "lemouvement migratoire a joué un rôle prépondérantdans l'évolution de la population"([Als90] p. 193),rôle généralement mal maîtrisé ou tout simplementignoré dans la projection de 1950. La cinquième pro-jection réalisée en 1988 et utilisée pour le rapport Ca-lot II tient compte, elle, de cinq évolutions différentesdu mouvement migratoire allant de -500 à + 1.500

,personnes par annees23 . La plupart des scénarios pré-voient une légère diminution de la population; or,dans les trois dernières années la population a conti-nué d'augmenter et les derniers chiffres publiés sem-blent même indiquer une accélération de cette aug-mentation. Cette cinquième projection vient d'ail-leurs d'être modifiée vers la hausse.24

Le graphique 2 (page 21) montre que le mouvementnaturel de la population ne suffit pas pour répondre àla demande de l'économie luxembourgeoise.

Le dynamisme de notre pays se fonde sur les migra-tions et non sur la natalité. Migrations externes certes,mais que signifie "externe" dans un Etat de toute pe-tite dimension? Ces migrations prennent aujourd'huiune forme particulière au Grand-Duché que nous ap-pelons le "phénomène frontalier". Il s'agit d'une mi-gration journalière de petite distance, connue par tousles pays industrialisés dans lesquels la voiture et lestransports en commun ont augmenté la mobilité de lamain d'oeuvre, si bien que le lieu de travail est deplus en plus éloigné du lieu de résidence. Ce phéno-mène très répandu prend au Luxembourg une dimen-sion extrême parce que le rayon de recrutement desentreprises devient plus grand que les dimensions de1 'Etat luxembourgeois lui-même. Le problème demobilité de la main d'oeuvre est ainsi transformé enproblème national.

Les Calot, Als et autres apôtres de l'identité nationalefavorisent le recours aux frontaliers comme instru-ment contre l'immigration, mais ils oublient aumoins quatre problèmes que cette solution à courtterme comporte:1) Les frontaliers, contrairement aux étrangers rési-dents, n'ont que peu de motivations à apprendre leluxembourgeois.2) La mobilité des navetteurs présuppose un impor-tant investissement dans l'infrastructure routière et

orum nr 137

Carlo Schmitz^ ^^

les transports en commun. La grande consommationen énergie n'est peut-être pas compatible avec de fu-tures exigences écologiques plus sévères.3) Une décision de la CE de faire payer les impôts surle revenu non dans l'Etat du lieu de travail mais dansl'Etat du lieu de résidence pèse comme une menacesur les recettes de l'Etat luxembourgeois.4)Beaucoup de navetteurs vont essayer de rapprocherà tenue leur lieu de résidence de leur lieu de travailet vont devenir ainsi des immigrés.

Ces problèmes et d'autres posés par l'essor économi-que du Luxembourg nécessitent un grand débat poli-tique sur le devenir du Grand-Duché comme pôled'attraction économique de la grande région. Un outilpour fournir une partie des données de base néces-saires à ce débat sera la démographie, mais une dé-mographie qui devra se défaire de son discours nata-liste et nationaliste. F. Fehlen

1 Pour une première approche on pourra consulter [Ches-nais], [Pressat] et [Vallin]. On y trouvera, surtout dans ledernier, une bibliographie des ouvrages de références. Lesnoms entre crochets renvoient à la bibliographie, des indi-cations bibliographiques supplémentaires se trouvent dansles notes.2 G. Calot, Les répercussions économiques et sociales dela dénatalité au Luxembourg, in: Société Horizon 2000,Actes du Colloque tenu à Luxembourg le 24.3.1979, Lu-xembourg 1979.

4 [Vallin] p. 52 sq, [Chesnais] p. 55 sq.Sur les problèmes du financement des retraites, voir le

dossier dans "le débat" mars-avril 1992: "Etat providence:les impasses et les choix", notamment les articles de troisdémographes, J.-M. Poursi n: L'état providence en proie audémon démographique, Didier Blanchet: Libéralisme éco-nomique et laisser-faire démographique et H. Le Bras:L'équité dans le temps et l'espace.5 Il s'agit du titre d'un ouvrage édité sous la direction de A.Sauvy.6 G i lbert Trausch l'a fait dans ses nombreuses publicationspour montrer le chemin du Luxembourg du "particularismeà la nation".7 C'est en ces termes que L. Roquette parle des écrits surla psychologie des foules, L. Roquette: La communicationde masse, in: Introduction à la psychologie sociale, sous ladirection de S. Moscovici, Paris 1972.8 Loi créant l'INED citéed'après [Poursin].9

Ensemble avec EmmanuelTodd, chez Hachette, Paris,1981.10 Le dossier réuni par l'INEDsous le titre "Turbulences sur ladémographie" , I N E D 19 91,contient entre autre des coupu-res de presses. Voir aussi LeMonde du 5.5.1990 et17.5.1990. Un résumé des diffé-rentes péripéties, notamment ausein même de l'INED se trouvedans Le Point du 29 mai 1990.Un dossier plus étoffé se trouvedans La Recherche, n° 224, sep-tembre 1990.11 Une entreprise comme le col-loque sur "le français, languedes sciences et des techniques"organisé en 1986 au Luxem-bourg en est l'illustration.12

Il s'agit en fait d'un mémoirescientifique très légèrementremanié.l's

[Calot II] Chapitre 1, p. 2,

Dossier

.11.1111.1111.

cette citation, parenthèses comprises est empruntée auxtoutes premières pages de Calot II.14 Conclusion finale du rapport [Calot 1], p. 149.15 Voir p.ex. l'étude sur la fréquence des noms ou celle surla fréquence des prénoms, ou un texte comme G. Als: Lesstatistiques sont-elles ennuyeuses, mensongères et inuti-les? [Als90]16 P ex. dans le LW du 23.3.1992 et du 23.4.1992.17 Le Luxemburger Wort p.ex. réserve à Als la rubrique"tribune libre" et non le "courrier des lecteurs".18 "C'est une calomnie que de nous prêter des idées xéno-phobes", tel est le titre d'un entretien avec G. Als dans leRépublicain Lorrain du 14 juin 1989 dans lequel il déve-loppe toute son argumentation xénophobe.19 Lettre à l'éditeur à propos d'anniversaires nationaux,Journal, 2 mars 1989.20 Cf. E. M. Lipiansky: L'identité française, représenta-tions, mythes, idéologies, Editions de l'espace européene,La Garenne 1991.21 Cl. Hartmann: Coexistence conflictuelle ou harmonieu-se, in: Les Cahiers Luxembourgeois, numéro hors série,1988.22 N. Schmit: De quoi avez-vous peur Monsieur Als?Letzebuerger Land, 10.3.1989.23 Pour les autres modifications des hypothèses voir Bulle-tin du STATEC n° 7/198824 Bulletin du STATEC n° 4/1991. Cet article n'a pas laprétention de présenter de nouvelles projections dans l'en-vergure de celles de 1988, mais il "vise uniquement àmontrer les incidences d'une modification des hypothèses... (sur) la mortalité, les migrations et enfin les options etles naturalisations." (p. 159).

Bibliographie:[Als79a ] G. Als:: Douze thèmes de discussion sur le rapportCalot et l'avenir du Luxembourg, in: Bulletin du STATEC,8/1978[Als79b] G. Als: Le rapport Calot et l'avenir du Luxem-bourg, Bulletin du STATEC, 8/1978[A1s81 ] G. Als: L'évolution des structures de la populationluxembourgeoise et ses grands problèmes, in: Cahiers éco-nomiques de la BIL, 4/1981[Als88a] G. Als: Les grand défis de notre temps, in: repères,bulletin économique et financierédité par la BIL, n°14,1988[Als88b] G. Als: Evolution démographique et identité lu-xembourgeoise, in: Les Cahiers luxembourgeois, numérohors série 1988

juli 1992 35

Pour un petitpays, la

possibilité derecourir auxtravailleursimmigrés et

frontalierspermet de

dissocier lacroissance

économiquenationale del'accroisse-

ment naturelde la popula-

tion.MEMEMMUMMTIMM

Dossier

[A1s90] G. Als: Statistique et études économiques au Lu-xembourg, histoire et problèmes, Cahiers économiquesn° 80, septembre 1990[A1s91] G. Als: Présentation du Luxembourg, une réussitebrillante - des perspectives inquiétanies, exposé fait le 5décembre 1990 devant les directeurs des bureaux de repré-sentation de la Commission européenne, Note documentai-re du Ministère d'Etat, service information et presse, avril1991[Calot I] G. Calot: La démographie du Luxembourg, Passé,présent, et avenir, Cahiers du STATEC n° 56, 1978[Calot II] G. Calot et J.C1. Chesnais: L'évolution démogra-phique au Grand-Duché de Luxembourg, Cahiers duSTATEC n°82, 1992 (à paraître)[Carrel] A. Carrel: L'homme cet inconnu, Pion, Paris, 1935[Chesnais] J.-Cl. Chesnais: La démographie, Presses Uni-versitaires de France, Paris 1990[Le Bras81] H. Le Bras: L'histoire secrète de la fécondité,in: Le Débat, n° 8, janvier 1981[Le Bras86] H. Le Bras: La "norme démographique",Politique et idéologie dans les sciences sociales, in: Pro-spective et Santé, n° 40 hiver 1986/87[Le Bras91] H. Le Bras: Marianne et les lapins, l'obsessiondémographique, chez Olivier Orban, Paris 1991[Griffin] K. Griffin: Population movements in Luxemburg

between 1861 and 1964, Nottingham 1966[Lenoir851 R. Lenoir: Transformations du familialisme etreconversions morales, in Actes de la recherche en sciencessociales 59, septembre 1985[Lenoir89] R. Lenoir: Objet sociologique et problèmesocial, in P. Champagne e.a: Initiation à la pratique socio-logique, Dunod, Paris 1989[Lévy] Michel-Louis Lévy: La démographie, in: HenriMendras et Michel Verret, Les champs de la sociologiefrançaise,Armand Collin, Paris 1988[Poursin] J.-M. Poursin: La recherche démographiquefrançaise: le tournant, in: Esprit, janvier 1992[Pressai] R. Pressai: Les méthodes en démographie, PressesUniversitaires de France, Paris 1981[Trausch73] Gérard Trausch: Croissance démographiquedu Grand-Duché de Luxembourg du début du siècleà nos jours. Les mouvements naturels de la population,Luxembourg 1973[Trausch74] Gérard Trausch: Le vieillissement démogra-phique de la population luxembourgeoise, tirés-à-part duLuxemburger Wort du 9 et 23 février 1974[Vallin] J. Vallin: La démographie, Editions La Découver-te, Paris, 1992Des indications bibliographiques supplémentaires se trou-vent dans les notes.

D'un ra port Calot à autreQuelques réflexions en marge d'une brève comparaison

En avril 1978, Gérard Calot, directeur de l'InstitutNational d 'Etudes Démographiques de Paris (l'I-NED), remettait à Gaston Thorn, président du Gou-vernement luxembourgeois, son premier rapport surla situation démographique et ses perspectives auGrand-Duché de Luxembourg. Treize ans plus tard,en avril 1991, il présente à la Chambre des députésun deuxième rapport sur l'évolution démographiqueet le système de prélèvements obligatoires duLuxembourg.

Ces deux rapports ont une structure identique. Ilscomportent chacun:- une partie descriptive montrant une population ré-sidente qui depuis 1966 doit son accroissement auximmigrés;- une partie spéculative concernant le devenir desdeux populations - luxembourgeoise et étrangère - enfonction de différentes hypothèses;- une partie normative, proposant d'un côté commefrein à l'immigration le relèvement de la féconditédes familles résidentes, et de l'autre une méthodepour mesurer l'impact des législations fiscale, socialeet familiale sur le niveau de vie des familles.

Pour élaborer la partie consacrée dans ses deux ra-ports à la démographie, Gérard Calot a bénéficié dela collaboration de Jean-Claude Chesnais, démo-graphe, actuellement directeur de recherche à l'I-NED.

Les deux rapports se distinguent à la fois par leurvolume, le deuxième est plus gros que le premier; parl'importance accordée à la démographie, les deuxtiers des pages pour le rapport de 1978, un quart pour

celui de 1991; et par le recours au langage mathéma-tique. Si, en 1978, l'auteur s'excusait déjà auprès deses lecteurs d'une "arithmétique un peu pesante", ilsuggère carrément aux "lecteurs pressés" de 1991 desauter certains développements mathématiques plusétendus.

Bien qu'il ait approfondi, dans son deuxième rapport,la plupart des sujets abordés dans le premier, GérardCalot aboutit en 1991 aux mêmes conclusions qu'en1978: L'assainissement de la situation démogra-phique du Luxembourg est possible à conditionque le pouvoir politique trouve la volonté d'yconsacrer les moyens nécessaires.

L'évolution de la populationdu Luxembourg entre 19781991

Vers la fin des années 70, le Luxembourg détient troisrecords en matière de population; à la fin des années80, il en conserve deux:- le pourcentage le plus élevé d'étrangers: 26,7% fin1987 (alors qu'il y en a 15,6% en Suisse fin 1988);- le pourcentage le plus élevé de personnes âgées par-mi la population de nationalité luxembourgeoise:16,5% en janvier 1989;- la fécondité des femmes luxembourgeoises, qui,avec 1,3 enfants par femme, représentait en 1976 letaux le plus faible du monde. En 1988, elle remonteà 1,46, dépassant ainsi l'Italie et l'Espagne, dont l'in-dicateur conjoncturel de fécondité est alors descenduà 1,3 enfants par femme.

,111116%.' 36 orum nr 13 7