le commerce mondial au xxie sièclearquitecturadelastransferencias.net/images/economia/el... ·...

376
Le commerce mondial au XXIe siècle

Upload: others

Post on 18-Feb-2021

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • Le commerce mondialau XXIe siècle

  • IFRI

    La rédaction de cet ouvrage a été achevée à la fin octobre 2002. Le commerce mondial au 21e siècle est une œuvrecollective, réalisée au sein de l’IFRI

    _____________________

  • Le commerce mondialau 21ème siècle

  • © Institut français des relations internationales, 2002.

  • Table des matières de l’étude

    1

    Table des matièresp.3 Résumép.9 Personnes ayant participé à l’étudep.10 Liste des abréviations

    p. 11 CAHIER 1 : Les caractéristiques globales du commercemondial au 21ème sièclep. 25 Chapitre 1 : Rétrospective historique des échanges internationaux

    p. 39 Chapitre 2 : Rétrospective théorique de l’échange international

    p. 51 Chapitre 3 : Les grandes caractéristiques du commerce international au 21e

    siècle

    p. 75 Chapitre 4 : Méthodologie prospective : l’approche scénaristique

    p. 91 Chapitre 5 : Scénarios pour le commerce mondial au 21e siècle

    p. 135CAHIER 2 : Les perspectives sectorielles du commercemondial au 21ème sièclep. 146 Chapitre 1 : Les mutations de la division internationale du travail au 21e siècle

    p. 177 Chapitre 2 : Les caractéristiques du commerce mondial des services au 21e

    siècle

    p. 195 Chapitre 3 : Les caractéristiques du commerce agroalimentaire au 21e siècle

    p. 213 Chapitre 4 : Les caractéristiques du commerce énergétique mondial au 21e

    siècle

    p. 253CAHIER 3 : Les politiques commerciales au 21ème siècle

    p. 260 Chapitre 1 : L’impasse de l’unilatéralisme : les cinquante prochaines annéesmettront les États et l’approche multilatérale au cœur des rapports entre les sociétés

    p. 263 Chapitre 2 : Deux approches multilatérales qui devront converger : l’approcheinstitutionnelle et les accords régionaux

    p. 268 Chapitre 3 : Un changement de paradigme technologique qui augmentera lesaffrontements entre préférences collectives

    p. 271 Chapitre 4 : Les déterminants des politiques commerciales à venir : uneprotection qui persiste en prenant de nouvelles formes plus complexes

    p. 299 Conclusion

    p. 305 Postface

    p. 323 Annexes

  • Résumé de l’étude

    3

    Résumé

    La place de l’Europe dans le commerce mondialau 21ème siècle peut être envisagée à travers deuxscénarios extrêmes : ou bien l’Europe laisse lestendances actuelles se poursuivre et celle-ciconnaîtra un déclin prononcé de sa puissanceéconomique et par conséquent de sa positiondans le commerce mondial ; ou bien l’Europeadopte une démarche volontariste pourréinventer sa puissance économique etcommerciale et celle-ci demeurera au premierrang des puissances mondiales.

    Le premier scénario intitulé « Chroniqued’un déclin annoncé » repose sur la projectiondes tendances lourdes de la population active,de la productivité du travail, et de laproduction, qui, à partir d’hypothèses sur lesélasticités des exportations et des importationspar rapport au PIB permettent d’estimer lecommerce mondial des différentes régions dumonde.Dans ce scénario, en 2050, le centre de gravitéde l’économie mondiale s’est déplacé versl’aire Asie-Pacifique. La Grande Chinereprésente près d’un quart du PIB mondial etl’Asie un peu moins de la moitié, ce quicorrespond à un retour à la situation du débutdu 19ème siècle. La hiérarchie des puissancescommerciales a été profondémentbouleversée : l’ASEAN est devenue lapremière puissance exportatrice en raison durôle de la diaspora chinoise qui contrôle etanime l’essentiel de l’activité économique etdu commerce du sud-est asiatique. Le poidscommercial de l’UE 30 a fortement décliné, laGrande Chine faisant désormais jeu égal avecelle. La région Japon-Corée a subi une érosionplus prononcée. En revanche, l’ALENA amaintenu sa part de marché.Si cette évolution se vérifiait, l’élargissementde l’UE ne saurait suffire à garantir la paritéavec les Etats Unis. L’Union pèserait de moinsen moins sur le cours de la mondialisation ;une lente mais inexorable « sortie del’Histoire » est envisageable.

    PIB mondial 2000 – 2050

    « Europe : chronique d’un déclin annoncé »

    Exportations de biens 2000 – 2050« Europe : chronique d’un déclin annoncé »

    Le deuxième scénario intitulé « La« puissance européenne réinventée »

    ou « Europe Russie Méditerranée » reposesur l’hypothèse que l’UE entreprenne unegrande politique dite de « développementintégré » avec la rive sud de la Méditerranée etla Russie, comportant plusieurs volets(économique, technique, politique). Dans ceschéma, l’Union a lancé un vaste programmede coopération technique visant à renforcer la

    2218

    12

    3

    2

    2

    3

    4

    6

    25

    24

    23

    6

    6

    8

    9

    7

    5

    16

    23

    24

    5 6

    6

    5 7 10

    1 1 122 22 1 2

    2000 2020 2050

    ACP

    OPEP

    Australie-NZ

    Asie du Sud

    ASEAN

    Grande Chine

    Japon-Corée duSud

    MERCOSUR

    ALENA

    Tiers Med

    CEI

    UE 30

    35 % 43 % 45 %

    31 %

    30 % 31 %

    28 % 24 %20 %

    23 2317

    4 2

    2

    33

    5

    1514

    14

    43

    3

    18

    16

    11

    1217

    17

    914

    21

    2

    2 22

    2 185 5

    2 1 1

    2000 2020 2050

    ACP

    OPEP

    Australie-NZ

    Asie du Sud

    ASEAN

    Grande Chine

    Japon-Corée duSud

    MERCOSUR

    ALENA

    Tiers Med

    CEI

    UE 30

    41 %49 %

    51 %

    19 % 17 %17 %

    30% 28 %24%

  • IFRI

    4

    des élites scientifiques et techniques locales età les fixer dans leur pays d’origine, notammentpar un programme de financement des univer-sités et des centres de recherche locaux,l’échange de professeurs et de chercheurs, lefinancement de séjours d’études dans lesuniversités européennes.Les réformes économiques et sociales entrepri-ses dans les pays de la CEI et du Processus deBarcelone ont permis un retour de la confiance,et ce faisant, la remobilisation de l’épargnedomestique. Les perspectives de rendement ontété sécurisées par des politiques économiquesprévisibles, stables et discutées régulièrementavec les instances multilatérales et l’Union.Une partie des besoins de financement estprovenue de l’épargne européenne et mondiale.La CEI (principalement la Russie) et les paysméditerranéens ont également bénéficiéd’investissements directs massifs, qui ontpermis d’améliorer les infrastructures et derationaliser l’appareil productif.Les pays méditerranéens ont pu profiter de lafenêtre d’opportunité ouverte par une situationdémographique optimale en termes de popula-tion active sur la période 2000-2020. La Russiea bénéficié de la modernisation de ses infra-structures, ce qui lui a permis d’asseoir sondéveloppement sur un système d’enseignementet de formation dont la qualité ne s’est jamaisdémentie, et le maintien de niches d’excellencedans les hautes technologies et la recherchefondamentale.En parallèle, l’UE a mené une politique démo-graphique active et une politiqued’immigration plus ouverte. Le regain dedynamisme économique européen dans cescénario repose exclusivement sur la crois-sance de la population active ; les hypothèsesde croissance de la productivité du travailretenues dans le premier scénario étant déjàtrès optimistes.Sur la période 2000-2020, le surplus de popu-lation a résulté d’une politique d’immigrationrégulée et différenciée selon la situation desdifférents Etats-membres, assortie notammentd’une politique active de formation. Au total,pas moins de 30 millions d’immigrés sontentrés en Europe sur cette période. De plus,une politique volontariste de redressement dela natalité a été mise en œuvre : le nombred’enfants par femme a atteint ou dépassé leseuil de renouvellement des générations. Ceregain de vitalité démographique est percepti-

    ble sur le marché du travail au cours de lapériode 2020-2050.

    Dans ce scénario, l’UE 30 parvient àmaintenir son poids dans l’économie mon-diale : elle représente près de 20% del’économie mondiale et fait jeu égal avecl’ALENA et la Grande Chine. Le mondedemeure tripolaire : l’ensemble « EuropeRussie Méditerranée » représente un tiers del’économie mondiale, l’Amérique un quart, etl’Asie n’atteint pas 40%. La hiérarchie despuissances commerciales à connu de grandsbouleversements (cf. graphiques). L’UE 30 aconforté sa position de première puissancecommerciale du monde ; ses exportationsreprésentent près de 35% du total des exporta-tions en 2050, loin devant l’ASEAN (15%), laGrande Chine (12%) et l’ALENA (10%). Larégion Japon-Corée a été dépassée par le TiersMéditerranée. L’Union constitue également lepremier pôle de demande internationale avecenviron 30% du total des importations, suiviepar l’ALENA (22%) et le Tiers Méditerranée(14%).

    PIB 2000 –2050« Europe : la puissance réinventée »

    Exportations de biens 2000 –2050

    « Europe : la puissance réinventée »

    22 18 19

    4 43

    6 9

    25 2219

    66 7

    9

    7 4

    1621 20

    5 55

    5 7 8

    1 1 12 1 12 1 1

    3

    2000 2020 2050

    ACP

    OPEP

    Australie-NZ

    Asie du Sud

    ASEAN

    Grande Chine

    Japon-Corée duSud

    MERCOSUR

    ALENA

    Tiers Med

    CEI

    UE 30

    28 % 28 %32 %

    23 2435

    4 4

    3

    3 6

    915

    13

    10

    43

    218 14

    8

    12 16 12

    912 15

    2

    21

    2

    2 184 42 1 1

    2000 2 020 20 50

    A C P

    O P E P

    A ustra lie -N Z

    A s ie du S ud

    A S E A N

    G rande C h ine

    J apon -C orée duS ud

    M E R C O S U R

    A LE N A

    T ie rs M ed

    C E I

    U E 30

    30 % 3 4 % 47 %

  • Résumé de l’étude

    5

    L’Europe au 21ème siècle sera doncconfrontée à deux défis majeurs :

    - Un risque de décrochage européen vis-à-vis des Etats Unis dans les quatre secteursclés de la puissance (économique,technologique, culturel et militaire), quiinduirait inévitablement un recul del’Europe dans le commerce mondial et unespécialisation plus ou moins contrainte parune dépendance technologique accrue. Ellese traduirait également par unaffaiblissement de la capacité européenne àdéfendre ou promouvoir ses préférencescollectives à un moment de l’Histoire où lacompétitivité repose plus que jamais surl’efficacité globale de la société, sacapacité à exister, en quelque sorte.

    - Ce déclin relatif se produirait même dansune Europe à 30 pays et s’inscrirait dansun contexte marqué par le déplacement ducentre de gravité de l’économie mondialevers l’aire Asie Pacifique, avec la Chinecomme premier rival des Etats-Unis.

    - Le deuxième défi la concerne plusindirectement mais peut troubler son avenir: ledécrochage des régions en développement vis-à-vis des régions développées. Plusieursrégions sont susceptibles d’enregistrer unretard de développement croissant, des degrésdivers (pays ACP, Tiers Méditerranée,Mercosur élargi, OPEP, certains paysasiatiques). Ce décrochage pourrait êtresources de maux et d’instabilité internationaledont l’Europe, de par sa proximitégéographique, pourrait être la plus affectée :explosion (ou implosion) démographique dansles pays où le décrochage entraînerait unepaupérisation accrue, migrations massives depopulation, replis identitaires ou religieux,montée des discours xénophobes.

    Ces deux décrochages prennentessentiellement leur source dans les mêmesvariables – démographie et progrès technique -mais suivant des configurations différentes :

    - l’Europe accuse un retard technologiquequi se creuse de plus en plus et entreprogressivement dans un hiverdémographique qui compromet à moyen etlong terme sa vitalité économique ;

    - les pays du Sud disposent a contrario d’uneforce de travail pléthorique mais nedisposent pas des moyens matériels et enressources humaines pour les former, desorte que leur capacité d’apprentissage etd’absorption des technologies étrangèresreste limitée ; ceci dans un contexte où ladiffusion technologique au planinternational tend à se réduire du fait de laprivatisation croissante de la connaissance(logiciel, vivant).

    L’Europe et les régions en développement sontconfrontées à un dilemme rigoureusementopposé. La première va souffrir d’une pénuriede facteur travail ; les secondes, d’une pénuriedu facteur capital et d’un accès réduit auprogrès technique.L’Europe peut envisager une politiqued’ajustement d’inspiration malthusienne, visantà modifier sa combinaison productive enfaveur du capital et au détriment du travail àcourt ou moyen terme. Mais à long terme, cesfacteurs ne sont plus substituables etdeviennent complémentaires. Les révolutionsindustrielles à venir, et notamment la« robotique intelligente », modifierontcertainement en profondeur le rapport autravail ; celui-ci sera de moins en moinsmanuel et de plus en plus intellectuel. Iln’empêche, le travail humain, sa créativité etson efficacité, demeureront les moteurs de lacroissance.

    Le défi auquel est confrontée l’Europe peut serésumer de la manière suivante : les jeunes,l’éducation et la recherche et développementd’aujourd’hui fondent la croissanceéconomique et les avantages absolus etcomparatifs de demain. La sécurité constitueégalement un aspect essentiel de l’équation,qu’il s’agisse de sécurité classique, au plan del’ordre public et de la gestion des menacesextérieures, ou d’une sécurité plus diffuse,qui pourrait être rapprochée d’une formede sérénité reposant sur la confiance dansl’avenir, sur la robustesse et la profondeurdu projet européen. Ce seront lesconnaissances accumulées au cours desprochaines décennies, la formation, lescompétences et l’expérience de la populationactive de demain qui détermineront lesschémas de spécialisations.

  • IFRI

    6

    Les avantages absolus et comparatifs doiventdonc être conçus de manière dynamiquecomme des avantages acquis ou conquis.

    Ce qui implique une vision de long termecomportant quatre piliers principaux.

    Un pilier démographique : le nécessaireredressement de la démographieeuropéenne

    Le redressement de la démographieeuropéenne requiert un « policy mix » d’ungenre nouveau : politique de l’enfance etpolitique d’immigration.

    La question de l’immigration est d’ores et déjàsur l’agenda politique des Etats membres et duConseil des ministres européen, mais aucunepolitique d’immigration européenne à lahauteur des enjeux n’a été pour le momentdéfinie.

    La régulation des flux migratoires etl’intégration des immigrés tant sur le planéconomique que socioculturel constituera l’unedes questions majeures du 21ème siècle. D’unpoint de vue économique, leur intégration etleur contribution à la prospérité européennedépendront pour beaucoup de la capacité dusystème éducatif européen (école, université) àformer les nouveaux arrivants. Du point de vuesocioculturel, la réussite de leur intégrationdépendra en partie de l’état de ladémographique européenne. Pour lesressources humaines les plus qualifiées desrégions les moins développés (pays ACP, Asiedu Sud, Tiers Méditerranée, Mercosur), lavitalité, la créativité, et le dynamisme del’économie européenne détermineront le choixdu pays d’accueil.

    La question de l’immigration nécessiteraitdonc d’être reliée à la question plusfondamentale de la vitalité démographiqueeuropéenne.

    Même si ce type de questions sociales n’est pasdu ressort des institutions européennes, suivantle principe de subsidiarité, la Commissionpourrait néanmoins contribuer à les fairefigurer sur l’agenda politique des Etats-membres.

    Il est inutile de se leurrer : ni le passage àtrente Etats - membres, ni les politiquesactuelles d’immigration et d’accueil, ni ledébat d’essence malthusienne d’adaptation auvieillissement –pour les retraites, par exemple-ne sont de nature à apporter de réponses

    satisfaisantes à cette question. Cette absence dedialogue et de réflexion dans ce domaine, quiconfine au tabou, abandonne dangereusementce champ politique à des discours xénophobes,aux polémiques idéologiques, ainsi qu’à destentations de replis identitaires, religieux oucommunautaires.

    Un pilier technologique : La formation d’unsystème européen d’innovation

    Nos scénarios sur l’Europe tablaient sur deshypothèses optimistes en termes deprogression de la productivité du travail. Along terme, l’augmentation de la productivitédu travail passe d’une part par des effortssoutenus en termes d’éducation et deformation, de recherche et développement, etd’incitation à l’innovation et à l’entreprise, etd’autre part, par la formation d’un systèmed’innovation fondé sur l’articulation dessystèmes éducatif, de R&D et de production.

    En premier lieu, l’Europe doit mener un effortfinancier considérable pour rester dans lacourse technologique, voire combler son retardvis-à-vis des Etats Unis qui possèdent uneavance significative dans la plupart destechnologies qui détermineront la divisioninternationale du travail au 21ème siècle(technologies de l’information,biotechnologies, nanotechnologies…). Cetécart se creuse dans de nombreux domaines(électronique, informatique,télécommunications, logiciels,biotechnologies). En conséquence, la positionde l’Europe dans les dépôts de brevets s’érodeprogressivement, notamment aux Etats Unis.

    En deuxième lieu, l’Europe doit améliorerl’efficacité du système d’innovation européenet s’efforcer de dissiper le « paradoxeeuropéen » de la R&D : excellence scientifiquemais faiblesse de l’innovation.

    Le système européen d’innovation se composed’un ensemble de système nationauxd’innovation ayant leur histoire, leur formesinstitutionnelles spécifiques et leurspécialisation scientifique et technique. Cettediversité est un atout. Mais beaucoup reste àfaire pour maximiser les synergies dans ledomaine de la recherche et de l’innovation.Cela suppose notamment de trouver le justemilieu entre convergence institutionnelle etpréservation des idiosyncrasies nationales.

  • Résumé de l’étude

    7

    Une meilleure articulation entre le système deR&D et le système productif passe par unerévision des fondements de la politiqueindustrielle européenne.

    L’histoire économique montre que les Etats ontsouvent durablement influencé leur systèmeproductif et façonné la spécialisation du pays.

    Les Etats Unis, ne serait-ce que par leurpolitique de défense nationale, ont encoreaujourd’hui une action indirecte sur leurstructure productive. L’Europe ne doit doncnullement renoncer à une politique volontaristede structuration de l’appareil productifeuropéen.

    L’ouverture ne saurait reposer sur la seuledéfinition d’une politique commerciale. Lapolitique commerciale s’occupe de liberté decirculation des produits et des services ainsique de la réalisation d’un optimum deséchanges fondés sur les avantagescomparatifs ; elle se détermine dans unenvironnement donné, notamment en termes deressources productives ; elle porte souvent surun horizon de moyen terme. Les politiquesindustrielles et d’innovation préparentl’avenir ; elles contribuent à la formation denouveaux avantages absolus ou comparatifs ;elles portent sur un horizon de long terme etsont par conséquent fondamentalementdynamiques. Elles relèvent plutôt de lastratégie. Les insuffisances relatives despolitiques sectorielles européennes(programme Esprit, TVHD numérique) nedoivent pas pour autant disqualifier le principemême d’une politique industrielle européenne,qui a fait ses preuves par ailleurs. De grandsprojets dans les industries de pointe peuventêtre envisagés, notamment dans les sciences duvivant ; un vaste programme de recherche etdéveloppement dans le logiciel de type « opensource » visant à assurer l’indépendancelogicielle de l’Europe et l’universalité decertains biens informationnels (systèmed’exploitation alternatif, traitement de texte,tableur, navigateur universel) devrait êtreétudié avec soin.

    La véritable question est celle des modalitéspouvant assurer la réussite de la politiqueindustrielle. Plus fondamentalement, l’Europedoit innover en termes de politiques publiqueset ne pas se cantonner dans une stratégiemimétique et réactive aux initiatives prisesoutre-atlantique. Pour reprendre l’initiative,elle doit élaborer une vision prospective, et une

    stratégie intégrant notamment politiquecommerciale, politique industrielle, politiquede la concurrence.

    Cela suppose notamment une forte réactivitédes pouvoirs publics, notamment dans la phasede pré-recherche compétitive. Les Etats Unissavent faire preuve d’une grande rapiditéd’action dans la course technologique. Parexemple, afin de rattraper leur retard surl’Europe (notamment la France) dans ledomaine de la génomique, ils ont activementfinancé au cours des années 90 le programmeHuman Genome sur le décryptage du génomehumain et ont ensuite dépassé les Européens.La définition de la politique industrielle peutdans certains cas entrer en contradiction avecla politique de la concurrence, si un certaindegré de concentration est requis pour faireface à la concurrence internationale.L’émergence de grandes entrepriseseuropéennes pouvant rivaliser avec leurshomologues anglo-saxonnes peut s’avérernécessaire. Restent à définir les modalitésd’émergence de ces grandes firmes.

    Le financement des piliers « démographie » et« progrès technique » requiert desinvestissements considérables. Des arbitragesbudgétaires seront nécessaires alors que denouvelles sources de dépenses vont se fairejour : les budgets des Etats membres devrontendosser la charge financière résultant duvieillissement de la population européenne ; lestransferts sociaux (retraite) et de santédevraient peser de plus en plus sur les financespubliques des Etats ; quant au budgeteuropéen, il devra financer l’élargissement etla remise à niveau des pays de l’Est.

    Un pilier institutionnel : formuler le modèleeuropéen de l’économie de marché

    L’Union Européenne doit également être enmesure d’édicter ses propres normes (propriétéintellectuelle (brevet européen), droit desaffaires, normes sociales, environnementales,bioéthiques…). L’élaboration d’une doctrineen matière de propriété intellectuelle estcertainement la plus urgente. La réalisation deces normes européennes passe par une plusforte convergence institutionnelle et uneintégration politique.

    Les deux premiers piliers permettraient àl’Europe d’être une puissance de premier planet de défendre et promouvoir le modèle

  • IFRI

    8

    institutionnel européen sur la scèneinternationale. Une Europe forte seraitégalement garante d’un monde multipolairefondée sur un équilibre des puissances et d’unegouvernance mondiale fondée sur le droit et lemultilatéralisme.

    Un pilier de politique commerciale

    L’ancrage Europe-Russie-Méditerranée.

    Une Europe forte et intégrée politiquementserait davantage en mesure de contribuer à lamodernisation des régions en développementet notamment de la Russie et des paysméditerranéens. Un partenariat stratégiquerenforcé avec la Russie et la Méditerranée sousdes formes commerciales, culturelles,scientifiques techniques et éducatives devraitconstituer une priorité.

    Afin de lutter contre le décrochage des régionsen développement et notamment contre leur« déconnexion » de l’économie fondée sur laconnaissance, l’Europe doit orienter lagouvernance mondiale dans deux directionsprincipales. La Turquie constitue un pays-pivotà maints égards.

    Promouvoir un système international desavoir ouvert

    Deux domaines paraissent aujourd’huiparticulièrement importants pour éviter unefracture Nord-Sud intenable :

    - Les biotechnologies : la quasi - appropriationpar quelques grandes firmes bio - industriellesd’une partie du patrimoine génétique mondialn’est pas acceptable. Ce patrimoine devrait êtreélevé au rang de bien public global, et sonutilisation à des fins privées rigoureusementencadrée ;

    -Les technologies de l’information et Internet.L’accès universel aux biens informationnels età Internet, le maintien d’un domaine publicriche et gratuit devrait constituer un autreobjectif prioritaire et donner lieu à la définitiond’un nouveau bien public global.

    Favoriser une hiérarchisation claire desnormes internationales

    L’institution internationale en charge desquestions commerciales a reçu un mandat deplus en plus élargi qui la conduit à s’intéresserde plus en plus à ce qui se passe derrière les

    frontières. Au nom du droit de commercerlibrement, les législations nationales serontsoumises de plus en plus à l’inquisition del’OMC dans des domaines aussi divers que ledroit environnemental, le droit de la santé ou ledroit des consommateurs voire à terme le droitdu travail et la protection sociale. Les paysdevront faire la preuve que leur législation estla moins restrictive possible pour le commerce.Avec l’extension à l’investissement, à laconcurrence, aux services et aux marchéspublics, c’est toute la législation qui passe auprisme de la liberté du commerce. Ce quirenvoie aux préférences collectivesfondamentales. Le risque de l’emprise de lanorme commerciale sur les droitsfondamentaux est réel. Or l’OMC n’a pasvocation à dire le droit social,environnemental… Ceci est d’autant plusgrave que les infractions aux règles de l’OMCsont passibles de représailles économiques.L’élargissement du domaine de compétence del’OMC pose la question de la cohérence desnormes juridiques internationales de sourcesdifférentes. L’extension des prérogatives estsusceptible de se faire au détriment desagences de normalisations des nations unies(UNESCO (connaissance, science et culture),l’OMS (l’amélioration des conditions de santéet d’accès au soin), l’OIT (normes de travail),l’OMPI (propriété intellectuelle)), PNUE(environnement). L’Europe devrait veiller aurespect du principe de spécialité descompétences des organisations internationaleset à la subordination des normes commercialesaux sources de règles non-marchandes (normessanitaires, sociales et environnementales).

    L’essence de la souveraineté ne peuts’exprimer qu’à partir d’un profond sentimentd’appartenance à une communauté de destinsde la part des peuples européens. Pour cela, ilfaut des frontières, une défense communecrédible, des institutions solides, despréférences collectives claires, une monnaie,des industries, de la créativité. La politiquecommerciale extérieure de l’Union peutpuissamment contribuer à éclairer ce chemin.A long terme, seules les dynamiques internes àl’Union peuvent lui permettre d’exister dans unmonde où rien n’est jamais acquis. L’Unionpeut encore faire le choix d’être le spectateurde son déclin ou un acteur majeur et stable dumonde du XXIème siècle. Et ce choix estpolitique.

  • Personnes participées à la réalisation de l’étude

    9

    Personnes ayant participé à la réalisationde l’étude :

    Chef de projetPhilippe COLOMBANI, IFRI

    EconomistesThierry PAULMIER, Docteur en économie, IFRI. [Cahiers n° 1 & n° 2 ]

    Frédéric BLANC, Docteur en économie, FEMISE [Cahier 3]Lionel URDY, Docteur en économie, FEMISE [Cahier 3]Françoise NICOLAS, Docteur en économie, IFRI [Asie]

    ConsultantsPierre – René BAUQUIS, [Pétrole, transports]Michel GODET, Conservatoire National des Arts et Métiers [Méthodologie prospective]

    Assistants de rechercheInès CHIKHA, IFRISébastien HUMBERT, IFRINatalia KOSENKO, IFRI

    StagiairesGwen ALLAIN, Ecole Nationale des Ponts et ChausséesCristina CASTILLO, Universitat Politecnica de CatalunyaOlivier DELECLUSE, Université de Limoges, Faculté des Sciences

    AssistanteMaryse DUPY, IFRI

    DocumentationDominique DESGRANGES, IFRI Valérie DUPREDaniel MARIER, IFRI Gaëlle LAUDRIN___________________________________________________________________________

    L’IFRI remercie tout particulièrement Eliane MOSSE et Pierre JACQUET, directeurexécutif Stratégie, Agence Française de Développement, pour les conseils renouvelésqu’il ont prodigués aux diverses étapes du projet.

  • Liste des abréviations utilisées dans l’étude

    10

    LISTE DES ABREVIATIONSAAUR Accord sur l’Agriculture de l’Uruguay RoundACP Afrique, Caraïbes et PacifiqueADPIC Accord sur les aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au CommerceAGCS Accord Général sur le Commerce des ServicesAIR Accords d’Intégration RégionauxALENA Accord de Libre-Echange Nord-AméricainASEAN Association of South-East Asian NationsCACM Central American Common MarketCD Compact DiscCEI Communauté des États IndépendantsCEPII Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations InternationalesCHELEM Comptes Harmonisés sur les Echanges et L'Economie MondialeCNUCED Conférence des Nations Unies pour le Commerce Et le DéveloppementCSS Content Scrambling SystemDATAR Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action RégionaleDVD Digital Video DiscEAC East African CommunityEU Etats-UnisFAO Food and Agriculture OrganizationFBCF Formation Brute de Capital FixeFIAS Foreign Investment Advisory ServiceFMI Fonds Monétaire InternationalFMN Firmes MultiNationalesGATT General Agreement on Tariffs and TradeGEMDEV Groupement Economie Mondiale, Tiers monde, DéveloppementHOS Hecksher Ohlin SamuelsonIDE Investissement Direct EtrangerIFRI Institut Français des Relations InternationalesMERCOSUR Mercado Comun del SurNEPAD New Partnership for Africa’s DevelopmentNPI Nouveaux Pays IndustrialisésNTIC Nouvelles Technologies de l’Information et de la CommunicationOCDE Organisation de Coopération et de Développement EconomiqueOGM Organisme Génétiquement ModifiéOMC Organisation Mondiale du CommerceONG Organisation Non GouvernementaleONU Organisation des Nations UniesOPEP Organisation des Pays Exportateurs de PétroleORD Organe de Règlement des DifférendsOST Observatoire des Sciences et TechniquesPAC Politique Agricole CommunePED Pays En DéveloppementPIB Produit Intérieur BrutPIB/hab Produit Intérieur Brut par habitantPMA Pays les Moins AvancésPME Petites et Moyennes entreprisesPNB Produit National BrutPPA Parité de Pouvoir d’AchatR&D Recherche et DéveloppementRDC République Démocratique du CongoRO Règle d’OrigineSPS Sanitaire et PhytosanitaireTCAM Taux de Croissance Annuel MoyenTIC Technologies de l’Information et de la CommunicationUE Union EuropéenneUNCTAD United Nations Conference on Trade And DevelopmentURSS Union des Républiques Socialistes SoviétiquesZLE Zone de Libre-Echange

  • Le commerce mondial au 20e siècle

    11

    Cahier 1

    Les caractéristiques globalesdu commerce mondial au 21ème

    siècle

  • IFRI

    12

  • Sommaire du Cahier n°1

    13

    SOMMAIRE du CAHIER n°1CAHIER 1 11

    LES CARACTÉRISTIQUES GLOBALES DU COMMERCE MONDIAL AU 21ÈME SIÈCLE11

    RÉSUMÉ 19

    INTRODUCTION 23

    CHAPITRE 1 25

    RÉTROSPECTIVE HISTORIQUE DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX 25

    INTRODUCTION .....................................................................................251. RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ET ESSOR DU COMMERCE MONDIAL ..........252. LA POLARISATION DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX ..........................293. CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE ET DIVERSIFICATION DES PRODUITSÉCHANGÉS ...........................................................................................304. LA MOBILITÉ CROISSANTE DES FACTEURS DE PRODUCTION .................31

    La mobilité internationale du capital 31La mobilité des hommes 33

    5. L’ABAISSEMENT DES OBSTACLES PHYSIQUES AUX ÉCHANGES.............34Progrès dans les transports 34Progrès dans les communications 34

    6. LA PERSISTANCE D’OBSTACLES INSTITUTIONNELS AUX ÉCHANGES ......35CONCLUSION .......................................................................................38

    CHAPITRE 2 39

    RÉTROSPECTIVE THÉORIQUE DE L’ÉCHANGE INTERNATIONAL 39

    INTRODUCTION .....................................................................................391. LES DÉTERMINANTS MACROÉCONOMIQUES DU COMMERCE INTERNATIONAL

    39Les différences de techniques de production 39Les différences de dotations de facteurs de production 40La taille des marchés 41La gravitation : taille des pays et distance 41

    2. LES DÉTERMINANTS MICROÉCONOMIQUES DU COMMERCE INTERNATIONAL42

    Le poids de l’histoire 42L’innovation 45Le cycle de vie du produit 45La différenciation des produits 46L’interdépendance stratégique 47

    CONCLUSION .......................................................................................48CHAPITRE 3 51

  • IFRI

    14

    LES GRANDES CARACTÉRISTIQUES DU COMMERCE INTERNATIONAL AU 20E

    SIÈCLE. 51

    INTRODUCTION .....................................................................................511. LES GRANDES TENDANCES DÉMOGRAPHIQUES ET MACROÉCONOMIQUES51

    Les grandes tendances démographiques 51Les grandes tendances macroéconomiques 53

    2. LES GRANDES TENDANCES DU COMMERCE INTERNATIONAL ................56L’internationalisation croissante de l’économie mondiale 56La multiplication des facteurs d’internationalisation 58La persistance d’obstacles aux échanges 61La polarisation des échanges 63La régionalisation des échanges 66

    3. LES GRANDES TENDANCES DES FACTEURS DE PRODUCTION................68La lente évolution des dotations relatives de facteurs 68La mobilité croissante des facteurs de production 70

    CONCLUSION .......................................................................................74CHAPITRE 4 75

    MÉTHODOLOGIE PROSPECTIVE : L’APPROCHE SCÉNARISTIQUE 75

    INTRODUCTION .....................................................................................751. LA MÉTHODE DES SCÉNARIOS ..........................................................75

    Définition et principe de fonctionnement 76La structuration des scénarios 77

    2. LES VARIABLES CLÉS DU COMMERCE INTERNATIONAL ........................81Les forces motrices du commerce international 81Les Variables Relais 86

    CONCLUSION .......................................................................................89CHAPITRE 5 91

    SCÉNARIOS POUR LE COMMERCE MONDIAL AU 21E SIÈCLE 91

    INTRODUCTION .....................................................................................911. SCÉNARIO 1 : « EUROPE : CHRONIQUE D’UN DÉCLIN ANNONCÉ »........92

    Panorama mondial 92Comment en est-on arrivé là ? 93Implications et ruptures probables 102Quelle marge pour l’Europe ? 105

    2. SCÉNARIO 2 : « EUROPE : UNE PUISSANCE RÉINVENTÉE » ...............107Panorama mondial 107Comment en est-on arrivé là ? 107Implications et ruptures probables 111Quelle marge pour l’Europe ? 111

    3. SCÉNARIO 3 : « EUROPE RUSSIE MÉDITERRANÉE 2 » .....................112Panorama mondial 112Comment en est-on arrivé là ? 113Implications et ruptures probables 113Quelle marge de manœuvre pour l’Europe ? 116

    4. SCÉNARIO 4 : «SUPER ASIE ».......................................................117Panorama mondial 117Comment en est-on arrivé là ? 117

  • Sommaire du Cahier n°1

    15

    Implications et ruptures probables 121Quelle marge de manœuvre pour l’Europe ? 122

    5. SCÉNARIO 5 : « SUPER AMÉRIQUES » ..........................................122Panorama mondial 122Comment en est-on arrivé là ? 122Implications et ruptures probables 123Quelle marge de manœuvre pour l’Europe ? 123

    CONCLUSION .....................................................................................127

  • IFRI

    16

    TABLEAUX, GRAPHIQUES, ANNEXES

    FiguresFigure 1. Exportations intra et extra-zone de biens (en % des totaux régionaux en 1999, et évolution

    sur 1970-1999, constant PPA USD 1990) 65Figure 2. Importations intra et extra-zone de biens (en % des totaux régionaux en 1999, et évolution

    sur 1970 – 1999, constant PPA USD 1990) 66

    TableauxTableau 1. Exportations de marchandises (1870-1998, TCAM, prix constants 1990) 28Tableau 2 Exportations de marchandises (1870 –1998, en % du PIB, prix constants 1990) 28Tableau 3. Exportations de marchandises (1870-1998, en % régional, prix constants 1990) 30Tableau 4. Production et exportations de produits manufacturés (1870-1913, en %) 30Tableau 5. Stock brut des investissements à l'étranger par exportateur(1825-1938, en milliards USD

    courants) 31Tableau 6. Valeur brute des investissements à l'étranger par exportateur et destinataire (1914, en

    millions USD courants et en %) 32Tableau 7. Investissements à l’étranger par destinataire (1913-1938, en milliards USD courants) 32Tableau 8. Stock brut des investissements étrangers dans les pays en développement (1870-1998) 33Tableau 9. Droits de douane sur les produits manufacturés(1820 –1990, moyenne pondérée en % de la

    valeur) 36Tableau 10. Récapitulatif des principaux déterminants des échanges internationaux 48Tableau 11. Population mondiale ( 1960 – 2000, en millions d’hab. et en % régional) 52Tableau 12. Productivité apparente du travail (1960 – 2000, TCAM) 54Tableau 13. Produit Intérieur Brut (TCAM, constant PPA USD 1999) 54Tableau 14. Elasticités aux PIB des exportations extra-zone (1970 – 1999, constant PPA USD 1990)56Tableau 15. Elasticités du PIB du reste du monde des exportations extra-zone (1970 – 1999, constant

    PPA) 57Tableau 16. Taux d’ouverture extra-zone (1970-1999, constant PPA USD 1990) 57Tableau 17. Taux de dépendance extra-zone (1970-1999, constant PPA USD 1990) 58Tableau 18. Droits de douane pondérés par les échanges internationaux avant et après l'Uruguay

    Round 60Tableau 19. Part de l’UE 15 dans les importations et les exportations des autres régions en 1999

    (constant PPA USD 1990) 64Tableau 20. Part de l’ALENA dans les importations et les exportations des autres régions en 1999

    (constant PPA USD 1990) 64Tableau 21. Part du Japon/Corée dans les importations et les exportations des autres régions en 1999

    (constant PPA USD 1990) 65Tableau 22. Exportations de biens intra et extra-zone (1970-2000, en %, constant PPA USD 1990) 67Tableau 23. Intensité capitalistique K/L (1960-2000, en milliers USD) 69Tableau 24. Dépenses par actif de Recherche et Développement (1991-1998, en milliards USD) 70Tableau 25. Flux et stock des Investissements Directs à l’Etranger (1989/94-2000, en %) 72Tableau 26. Population mondiale (1960-2050, en millions d’hab. et en % régional) 83Tableau 27. Hypothèses démographiques et migratoires implicites (2000-2050) 83Tableau 28. Coefficients de capital par région (1987) 87

  • Sommaire du Cahier n°1

    17

    ENCADRÉSEncadré 1. Intérêt et limites des projections quantitatives à long terme. Cas de la croissance et ducommerceEncadré 1 (suite). Intérêt et limites des protections quantatives à long terme. Cas de la croissance etdu commerce.Encadré 2. Fiche récapitulative des hypothèses du scénario Référence « Asie Pacifique »Encadré 2 (suite). Fiche récapitulative des hypothèses du scénario Référence « Asie Pacifique »Encadré 3. Fiche récapitulative des hypothèses du scénario Référence « Europe – Russie -Méditéranée 1»Encadré 4. Fiche récapitulative des hypothèses du scénario Référence « Europe – Russie -Méditéranée 2 »Encadré 5. Fiche récapitulative des hypothèses du scénario Référence « Super Asie »

    ANNEXES.........................................................................................P.333Annexe 1 Liste des personnes rencontrées

    Annexe 2 Composition des ensembles régionaux

    Annexe 3 Analyse morphologique de la productivité

    Annexe 4 Fiche - pays par scénario

    Annexe 5 Tableau récapitulatif des hypothèses des scénarios

    Annexe 6 Tableaux récapitulatifs du PIB par hab. et de l'intensitécapitalistique des régions en base 100 ALENA

  • IFRI

    18

  • Résumé du Cahier n°1

    19

    RésuméCe cahier vise à réaliser un exercice prospectif scénaristique sur le commerce mondial au 21ème siècle.

    Un premier chapitre opère une relecture de l’histoire du commerce mondial d’un point de vue prospectif.

    A partir de la fin du 15ème siècle, l’Europe a été à l’origine de l’unification du monde. En un sens, elle estl’inventeur du commerce mondial. Depuis la révolution industrielle, l’histoire économique du monde est celle dela généralisation de cette société de la machine qui se diffuse dans toutes les parties du corps social, c’est aussil’histoire de la mondialisation de ce nouveau type de société, partout imitée et reproduite avec des réussitesvariables. L’essor du commerce extérieur accompagne ce processus d’industrialisation ; le commerce extérieurest étroitement lié au niveau de développement économique. Un potentiel de commerce réside donc dans lesrégions du monde qui n’ont pas encore totalement opéré leur révolution industrielle. L’étendue de ce potentiel etson inscription dans un cycle économique vertueux varient considérablement selon les pays, leur niveau dedéveloppement et la qualité de leurs institutions, notamment celles relatives à la politique commerciale. A partirde la révolution industrielle, et grâce à sa maîtrise des mers et sa suprématie militaire, l’Europe a occupé uneplace hégémonique dans l’économie et les échanges mondiaux jusqu’à la première guerre mondiale. Au cours du20ème siècle, les Etats-Unis et dans une moindre mesure le Japon ont rattrapé puis dépassé l’Europe. Lecommerce international s’organise suivant une division internationale relativement hiérarchisée avec des pôlesde développement qui concentrent capital et innovation. Le progrès technique dans les transports et lescommunications est un facteur déterminant de l’intensification des échanges en favorisant l’abaissement descoûts de transactions. Le progrès technique est porteur d’une diversification toujours plus grande du nombre deproduits échangés. La mobilité des facteurs de production semble toujours accompagner les échangesinternationaux, c’est particulièrement le cas du capital.

    Un deuxième chapitre effectue une revue de la littérature théorique sur le commerce international. Lesprincipaux déterminants du commerce international sont présentés : les déterminants macroéconomiques(dotations de facteurs, taille du marché, effets gravitationnels) ainsi que les déterminants microéconomiques(poids de l’histoire, innovation, cycle de vie du produit, différenciation des produits).

    Les nations commercent les unes avec les autres pour tirer bénéfice de leurs différences et de leurscomplémentarités. L’échange international est avant tout une « demande de différence ». Trois facteursdéterminent ces différences : la technologie, le stock de capital et la force de travail. Dans une perspectivedynamique, la technologie dépend des efforts de recherche et développement et d’innovation ; la force de travailest déterminée par la démographie et la formation ; quant au stock de capital, il dépend des comportementsd’épargne eux-mêmes influencés en partie par la démographie. Sur longue période, cela revient à considéreressentiellement la démographie et le progrès technique.

    L’ouverture à l’échange se traduit par un processus de spécialisation et par conséquent de différenciation au seindes économies. Au fur et à mesure de l’échange, les structures sectorielles des nations tendent à se différencier.Cette tendance concerne non seulement les différences entre nations mais aussi entre régions que ce soit auniveau supranational ou au niveau infra national.

    Les schémas de spécialisation des nations répondent aux caractéristiques des pays. Les différences initiales entreles pays en termes de techniques de production ou de dotations de facteurs de production expliquent en partie lacomposition des échanges. La spécialisation des nations et les flux d’échanges résultent aussi de l’héritageindustriel et du patrimoine scientifique et technique des nations. Le commerce international est ainsi soumis àdes phénomènes d’hystérésis. Les spécialisations et les avantages comparatifs évoluent très lentement à travers letemps. Il y a également une part d’arbitraire et d’accidentel dans la spécialisation des nations. Des accidents del’histoire peuvent expliquer les flux d’échange car en présence de rendements croissants, les avantages acquisdans une industrie s’auto-entretiennent. Les spécialisations sont aussi le résultat d’avantages comparatifs« construits » : soit par l’action des entrepreneurs qui créent de nouveaux produits ou de nouvelles variétés ouqualités de produits existant ; soit par des choix de politiques économiques. Les spécialisations construitespeuvent être la conséquence de politiques diverses: la politique industrielle, la politique monétaire ou la politiquecommerciale. L’Etat peut également agir favorablement en subventionnant les facteurs de la croissance(éducation, R&D, infrastructures) ou en protégeant de manière ciblée et temporaire certaines industries.

    Les échanges internationaux sont d’autant plus intenses que les pays concernés sont « procheséconomiquement » et ont des structures de demande comparables. La convergence économique des nations jouedonc un rôle essentiel dans l’intensité du commerce mondial. Cette intensité dépend du degré de dispersion des

  • IFRI

    20

    niveaux de développement des nations. Plus les nations ont des niveaux de développement similaires plus lecommerce s’accroît. En d’autres termes, sur la longue période, la convergence et le rythme de convergence deséconomies détermineront le volume du commerce mondial.

    La liberté du commerce est dans son ensemble économiquement plus bénéfique que la protection. Toutefois,depuis les nouvelles théories du commerce international, le libre-échange n’est plus considéré comme lameilleure des solutions pratiques mais une solution raisonnable. Toutes les spécialisations ne se valent pas à longterme en présence de rendements croissants et décroissants.

    Dans les secteurs à rendements d’échelle croissants, le commerce international favorise la concentration oul’apparition d’oligopoles mondiaux, phénomène que l’on observe dans de nombreuses industries.

    Un troisième chapitre décrit les grandes tendances du commerce mondial au cours de la seconde moitié du20ème siècle.

    La Triade pèse d’un poids écrasant sur l’économie et les échanges mondiaux et devrait continuer de peserdurablement. Mais le pôle le plus faible, le pôle nippo-coréen, devrait se renforcer au 21ème siècle par la montéede l’Asie émergente, et particulièrement de la Chine. L’Asie, première puissance démographique, a toutes leschances de devenir la première puissance économique et commerciale mondiale.

    A l’orée du 21ème siècle, jamais historiquement les économies n’ont autant échangé et n’ont été aussiinterdépendantes. Or, les facteurs qui ont présidé à l’internationalisation au cours de la seconde moitié du 20ème

    siècle n’ont pas encore produit tous leurs effets. L’abolition des distances physiques est loin d’être accomplie.Les coûts de transports et de communication peuvent encore décroître. La diffusion d’Internet a à peine débuté.Or sa généralisation au niveau mondial devrait générer un potentiel de commerce extraordinaire. Le phénomèned’urbanisation est également loin d’être achevé dans de nombreux pays. Le mouvement de libéralisation et deconvergence institutionnelle du monde a fortement réduit les obstacles institutionnels. La transnationalisation dela production sous l’impulsion des FMN est encore très récente ; elle offre également des marges d’expansionimportante.

    Mais le commerce mondial semble devoir être toujours soumis à des obstacles persistants, voire permanents.L’affirmation de la souveraineté des Etats et de préférences collectives distinctes seront toujours la source denouvelles entraves. Les frontières sont également la manifestation d’un élément irréductible : les différencesculturelles et linguistiques entre les nations. Le commerce inter-national pourra donc difficilement atteindre ledegré d’intensité du commerce infra-national. Les échanges internationaux présentent toujours la caractéristiqued’être fortement polarisés autour des grandes puissances économiques. La forte polarisation des échangessignifie que la géographie et l’histoire continuent à expliquer l’essentiel des échanges dans le monde. Lesdotations de facteurs des régions évoluent très lentement ; de sorte que les spécialisations régionales ne peuventconnaître de rapides et profonds bouleversements. Le capital et le progrès technique ont tendance à demeurerconcentrés dans la Triade tandis que le facteur travail tend à se concentrer de plus en plus dans le reste dumonde. La mobilité internationale du capital bénéficie essentiellement aux régions les plus développées. Lamobilité internationale du travail semble pour le moment bridée, à l’exception de celle des travailleurs qualifiésqui bénéficie surtout aux régions développés. Le poids croissant des populations immigrées à travers le mondedevrait avoir un effet croissant dans le commerce bilatéral avec les pays d’origine. Certaines diasporas comme ladiaspora chinoise sont susceptibles de tisser des réseaux internationaux d’affaires générateurs de flux importantsd’échanges. L’expansion des échanges et des investissements internationaux observés depuis plusieurs décenniesdispose donc potentiellement encore de marges considérables.

    Un quatrième chapitre décrit la méthodologie d’élaboration des scénarios du commerce mondial au 21ème

    siècle. Plusieurs outils d’analyse prospective ont été mobilisés (Méthode de type Delphi, analysemorphologique). Les théories économiques sur la croissance et les travaux de croissance potentielle ont permisde structurer et quantifier les scénarios prospectifs. A long terme, la croissance économique potentielle est lasomme de la croissance de la population active et de la croissance de la productivité du travail. Les projectionsde population active retenues correspondent à la variante moyenne du World Population Prospect des NationsUnies (révision 2000). Les hypothèses de productivité du travail ont fait l’objet d’une analyse morphologique deses principaux déterminants. A partir de ces hypothèses sur les déterminants de la croissance du PIB (populationactive ; productivité du travail), il est possible de déduire des taux de croissance pour la période 2000-2020 et lapériode 2020-2050. Les volumes de production estimés sont convertis en volumes de commerce à partird’hypothèses d’élasticités des exports et des imports par rapport à la production. Des estimations des coefficientsde capital (K/PIB) permettent d’estimer le stock de capital de chacune des zones étudiées ainsi que l’intensitécapitalistique (K/L). Le monde est décomposé en 12 régions (UE 30, ALENA, Grande Chine, Japon-Corée,Tiers Méditerranée, CEI, pays ACP, Mercosur élargi, ASEAN, Asie du Sud, Australie-Nouvelle Zélande,OPEP).

  • Résumé du Cahier n°1

    21

    Un cinquième chapitre présente cinq scénarios du commerce mondial en 2050.

    Un premier scénario dit « scénario de référence » ou « Europe : chronique d’un déclin annoncé »: en 2050, lecentre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’aire Asie-Pacifique. La Grande Chine représenteprès d’un quart du PIB mondial et l’Asie un peu moins de la moitié, ce qui correspond à un retour à la situationdu début du 19ème siècle. La hiérarchie des puissances commerciales a été profondément bouleversée : l’ASEANest devenue la première puissance exportatrice. Le poids commercial de l’UE 30 a fortement décliné, la GrandeChine faisant désormais jeu égal avec elle. La région Japon-Corée a subi une érosion plus prononcée. Enrevanche, l’ALENA a maintenu sa part de marché.

    Les quatre autres scénarios sont des variantes du scénario de référence.

    Un scénario « Europe : la puissance réinventée » « Europe Russie Méditerranée 1 » part de l’hypothèse que l’UEa entrepris une grande politique dite de « développement intégré » avec la rive sud de la Méditerranée et laRussie, comportant plusieurs volets (économique, technique, politique) et envisage de plus que l’Europe connaîtun regain de dynamisme économique en raison de la croissance de la population active. Le surplus de populationrésulte en partie d’une politique d’immigration régulée et différenciée selon la situation des différents Etatsmembres, assortie notamment d’une politique active de formation. Parallèlement, une politique volontariste deredressement de la natalité a été mise en œuvre, provoquant un nouveau « baby boom » européen. L’UE 30parvient dans une large mesure à maintenir son poids dans l’économie mondiale : elle fait jeu égal avecl’ALENA et la Grande Chine. L’UE 30 a conforté sa position de première puissance commerciale du monde.

    Un scénario « Europe Russie Méditerrannée 2 » reprend l’hypothèse du scénario précédent concernant la CEI etle Tiers Méditerranée mais l’Europe ne connaît pas de regain de dynamisme économique car rien n’est entreprispour redresser la démographie. L’ensemble régional « Europe Russie Méditerranée » parvient à maintenir sonpoids dans l’économie mondiale mais la composition de l’ensemble s’est profondément transformée : le poidséconomique de la rive Sud de la Méditerranée rivalise avec celui de l’Europe. La hiérarchie des puissancescommerciales de premier plan est sensiblement identique à celle du scénario de référence.

    Un scénario « Super Asie » repose sur l’hypothèse que l’Asie du Sud (Inde) ainsi que l’ASEAN (notamment dufait du dynamisme du Vietnam) connaissent un décollage au cours de la première moitié du 21ème siècle et que larégion bénéficie d’une forte intégration économique. L’ASEAN est la première puissance commerciale. Etatcontinent, Etat civilisation, l’Inde est demeurée peu ouverte économiquement.

    Enfin, un scénario « Super Amérique » repose sur l’hypothèse que le Mercosur élargi (l’Amérique du Sud)connaît un décollage économique et une forte intégration avec l’Amérique du Nord. En 2050, le Mercosur élargifait jeu égal avec l’UE 30. La hiérarchie des puissances commerciales de premier plan est sensiblement identiqueà celle du scénario de référence.

    Pour chacun des scénarios, les implications globales et les ruptures probables ainsi que les marges de manœuvrede l’Europe sont analysées.

  • IFRI

    22

  • Introduction du Cahier n°1

    23

    IntroductionLe commerce international est une

    source de prospérité pour les nations bien qu’ilsemble davantage une cause seconde de cetteprospérité qu’une cause première. Lecommerce dépend en amont de l’habilitéproductive, elle-même déterminée sur le longterme par les capacités d’organisation, leprogrès technique et l’innovation, ainsi que ladémographie.Le commerce est - avec la guerre et ladiplomatie- l’un des trois principaux modes parlesquels les Etats entrent en relation. Il est à lafois source de dialogue, de paix et de conflits.L’Histoire montre que des périodes deprotectionnisme, ont coïncidé avec un fortdéveloppement économique endogène et uncommerce international malgré tout florissant ;ces phases paradoxales illustrent simplementque ni l’idéologie du libre-échange intégral –jamais réalisé- ni celle du protectionnisme,n’épuisent la réalité des rapports commerciaux,eux-mêmes largement déterminés par deslogiques de souveraineté. Le commerce estégalement un attribut de la puissance. Avecl’investissement, il offre une capacité deprojection et d’influence au–delà desfrontières. Il participe à l’établissement de lahiérarchie des puissances et contribue à leurrenforcement.L’évolution du commerce mondial est doncétroitement liée à celle de la production desnations, de leur puissance, ainsi qu’à l’état deleurs relations. L’étude du commerce dans lelong terme est donc indissociable de celle del’environnement économique, démographique,institutionnel et géopolitique dans lequel ils’inscrit.

    S’interroger sur ses caractéristiques au 21ème

    siècle revient pour l’Europe à se poser aumoins trois questions en une : la première,prospective : que sera-t-il ? La seconde,normative : que devrait-il être ? La troisième,existentielle : quelle place l’Europe occupera-t-elle ?

    Le poids économique de l’Europe et sonprocessus de construction politique luipermettent encore aujourd’hui d’exercer une

    certaine influence dans un monde où les Etats-Unis se sont affirmés comme la puissancemilitaro-économique dominante. Mais qu’ensera t-il demain et après-demain, si sepoursuivent l’essor de la Chine et de l’Asie duSud, ainsi que le déplacement du centre degravité de l’économie mondiale vers lePacifique? L’Europe, même élargie, mêmerenforcée par des alliances stratégiques au Sudet à l’Est, devra se poser dans le courant du21ème siècle et peut-être plus tôt que prévu, laquestion de l’adéquation entre d’une part sesambitions en matière d’influence et d’intérêtsoffensifs, et d’autre part ses capacités à lespromouvoir dans un monde où son poids relatiftend à diminuer.La question se pose également pour le Japon,dans des termes d’autant plus aigus qu’il nedispose – et pour cause- d’aucun hinterland, nid’aucun projet d’intégration régionaleprofonde et de portée politique. Mais, à ladifférence de l’Europe, le Japon semble avoirrenoncé depuis la fin de la seconde guerremondiale à exercer une influence autre querégionale ou économique, en restant dansl’orbite des Etats-Unis. L’Europe conservel’ambition de jouer un rôle de premier plandans les relations internationales de demain.Or, comme l’affirmait le Général de Gaulle :« L’essentiel, pour jouer un rôle international,c’est d’exister par soi-même, en soi-même,chez soi 1». Ce qui implique une vision de longterme et la connaissance de ses atouts et de sesfaiblesses. A cet égard, le vieillissementaccéléré de la population européenne n’est pasde bon augure pour l’avenir, si rien n’est faitpour y remédier. C’est certainement, avec laquestion de la construction politique et de ladéfense, une source d’incertitudes et de défis.L’enjeu, à terme, réside dans la possibilité depréserver et développer notre système depréférences collectives dans un environnementmondialisé. Le progrès considérable réalisé autravers des négociations multilatérales pourraitlaisser penser que le dialogue l’a emporté surla pratique des rapports de forces purs etsimples, sans évidemment la supprimer. Cedialogue repose toutefois en partie surl’avènement d’un monde multipolaire et d’uncertain équilibre des puissances auquell’Europe participe activement. Un trop fort

    1 Charles de GAULLE - Discours de Dakar, 13 déc.1959, in Discours et messages, III, p.151.

  • IFRI

    24

    déséquilibre entre les puissancescompromettrait l’instauration de relationsinternationales fondées sur la primauté du droitet de la diplomatie plutôt que sur les rapportsde forces.

    L’exercice prospectif possède ainsi la vertud’ouvrir un espace de liberté et de dégager desmarges d’action. Il oblige à sortir de la positiond’agent passif -ou de spectateur- d’une Histoirequi semble nous échapper pour devenir unacteur capable d’anticiper et qui cherche àinfléchir, canaliser et réguler les évolutionsvers un avenir plus souhaitable. Dans cetteperspective, l’ensemble des outils d’analyse à

    la disposition des économistes ont étémobilisés : l’histoire, la théorie économique, etla statistique. Dans un premier chapitre, ons’efforce de tirer les enseignements del’histoire du commerce international pourl’exercice prospectif. Le deuxième chapitre 2est consacré à une relecture de la théorie del’échange international sous l’angle prospectif.Le chapitre 3 aborde les grandescaractéristiques du commerce mondialcontemporain afin d’identifier les tendanceslourdes. Le chapitre 4 décrit la méthodologiescénaristique retenue. Le chapitre 5 présenteles différents scénarios élaborés.

  • Chapitre 1 du Cahier n°1

    25

    Chapitre 1

    Rétrospective historique deséchanges internationaux

    Introduction

    Pour comprendre un phénomène et anticiperson évolution, il est toujours très utile d’étudierson origine, sa naissance. Ce chapitre vise àraconter la genèse du commerce, à identifierses principales caractéristiques et sesprincipaux déterminants.La révolution industrielle a marqué le véritablepoint de départ de l’essor du commerceinternational. Le commerce international n’aconnu une expansion rapide qu’au 19ème siècle.L’Europe était alors au cœur des échangesmondiaux avant de progressivement reculer aubénéfice des Etats-Unis. Parallèlement, lagamme des produits échangés s’est élargiesous l’effet du progrès technique. La mobilitédes facteurs de production (capital, personnes)s’est accrue et a accompagné cette expansion.Les progrès dans les transports et lescommunications ont réduit les obstaclesphysiques aux échanges mais les nations onttoujours maintenu des barrières tarifaires auxéchanges.

    1. Révolution industrielle etessor du commercemondial

    L’histoire du commerce international estmarquée par l’alternance de phasesd’expansion et de contraction. L’Antiquité et leMoyen Age présentent des périodes deprospérité commerciale et financièreremarquables comme à Athènes au 5ème siècleavant JC, sous l’empire romain au 2ème siècleaprès JC, ou dans les grandes cités de l’Italiedu Nord à partir du 13ème siècle. Ces dernièresdonnèrent naissance aux premiers échangescommerciaux modernes fondés sur l’assurance,la comptabilité en partie double et les lettres dechange pour des paiements transférés à longuedistance.Jusqu’au 16ème siècle, le monde est demeurérelativement cloisonné en divers espacesculturels. Des relations de longues distancesont pu s’établir entre ces mondes à travers desvoies maritimes transocéaniques, les pistescaravanières transsahariennes ou la routeeurasiatique de la soie, mais les échanges

  • IFRI

    26

    d’hommes, de biens ou d’idées étaient tropfaibles et exceptionnels pour rendre cesmondes véritablement interdépendants etintégrés. La route de la soie, par exemple, aétabli un lien économique entre l’Europe etl’Asie mais elle n’était empruntée que par depetits groupes de négociants et les bienséchangés ne concernaient qu’une faibleproportion de consommateurs le long de cetteroute. Selon Asselain (1985), ces formesanciennes d’essor économique sont demeuréesprécaires et de portée restreinte car ellesn’affectaient que des cités et non des paysentiers ; elles excluaient la masse despopulations paysannes et n’exerçaient aucuneffet direct sur la productivité agricole quireste en dernier ressort la variabledéterminante.Au siècle des grandes découvertes, se sontdéveloppés des courants commerciauxintenses, accompagnés du développementd’activités financières évoluées, et parfoismême de quelques industries travaillant pourdes marchés lointains. D’après Bairoch (1997),

    il est probable que le volume du commerce aitété multiplié par deux ou trois au cours du16ème siècle.Au cours de la seconde moitié du XVIIIesiècle, la révolution agricole et la révolutionindustrielle qui s’ensuivit en Grande Bretagnegénéra pour la première fois dans l’histoire une« croissance économique moderne » au sens deKuznets, c’est-à-dire un processus continu decroissance de la production totale, de laproductivité du travail et du revenu par têteaffectant - en dépit de disparités régionales etsectorielles- l’ensemble de l’économienationale. Quatre changements essentiels ontcontribué à la construction d’un véritablesystème économique performant et durable : lamécanisation (le machinisme), les nouveauxprocédés dans la métallurgie et l’industriechimique, l’usage d’une nouvelle formed’énergie, la vapeur, et une innovation enmatière d’organisation, l’apparition du «Factory system » basée sur la division dutravail et le processus unifié de production.

    Graphique 1. PIB mondial (1000- 1998, en %)

    * L’Occident non européen comprend les Etats Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande.

    Source : Maddison (2001).

    Au moins depuis cette période, la croissancedu commerce international a toujours été plusforte que la croissance économique globale - àl’exception de la période d’entre deux guerres

    (1913-1950). Selon De Melo et Grether (1997),entre 1720 et 1913, la croissance du commerceinternational représentait une fois et demiecelle du PIB.

    1824

    34 3426 26

    21

    10

    2231

    2525

    3

    2

    3 3

    8

    868

    6256

    3622 16 16 30

    8 9

    912 13 13 13

    5127

    5 4 3 4 3 3

    91

    12

    3

    3

    523

    34

    96

    5

    1000 1500 1820 1870 1913 1950 1973 1998

    Afrique

    Europe de l'Est etanciennes républiquesd'URSS

    Amérique Latine

    Asie (hors Japon)

    Japon

    Occident non-européen*

    Europe Occidentale

  • Chapitre 1 du Cahier n°1

    27

    Le 19ème siècle constitue le siècle charnière del’histoire économique et sociale mondiale car ilmarque la transition entre le mondetraditionnel du 18ème siècle et le mondeindustrialisé que sera le 20ème siècle. Entre ledébut du 18ème et la fin du 19ème, le niveau devie des pays touchés par la révolutionindustrielle s’est trouvé multiplié par plus de15, le volume des échanges internationaux parplus de 100 et celui de la production mondialede biens industriels par plus de 200 (Bairoch,1997). Car le 19ème siècle est aussi le siècle dudécloisonnement du monde. « La nouveauté duXIXè siècle, dans les relations internationales,apparaît au niveau de l’intensité et del’épaisseur des échanges économiques ; del’extraordinaire flux de sortie des hommes horsd’Europe, quelques 46 millions entre 1815 et1915, dont 38 après 1865 ; du relais descourants et des intérêts séculaires du négocepar les exigences et les contraintes del’industrialisation inégale du monde et de sonfinancement ; du développement et del’ubiquité croissante des groupes privéscommerciaux, industriels, bancaires, vecteursde l’expansion ; des nouveaux contenus et desnouvelles formes des échanges entre pays(nouveaux produits, nouveaux moyens detransport et de transmission, nouveauxmécanismes et flux insolites de l’« argent ») ;de l’intrusion des problèmes d’intérêts,d’affaires et d’argent dans les réseaux anciensdes influences politico-culturelles entreEtats(…)2».Le 19ème siècle marque le déclin rapide del’Asie au bénéfice de l’Europe Occidentale etsurtout des Etats Unis. La part de l’Asie horsJapon dans le PIB mondial a chuté de 56 à22% entre 1820 et 1913 tandis que celle del’Europe occidentale s’élevait de 24 à 34% etcelle de l’Occident non européen (dont lamajeure partie revient aux Etats Unis)bondissait de 2 à 22% (Cf. Graphique 1). Lepoids de l’Asie a continué de décliner jusquedans les années 50. Quant à l’EuropeOccidentale, elle a connu son apogée à la veillede la première guerre mondiale; depuis lors, sapart dans le PIB mondial n’a cessé de seréduire.

    2 J.Bouvier (1978), Histoire économique et sociale dumonde, sous la direction de P.Léon, t.4, p.456.

    Jusque vers 1840, l’expansion du commercemondial est demeurée relativement modérée.L’importance relative du commerce extérieurpar rapport au produit national de la GrandeBretagne et de la France - les deux économiesles plus ouvertes- n’apparaît guère plus fortevers 1840 que vers 1760. Dans l’ensemble, lespays vivaient en quasi-autarcie et produisaientessentiellement pour la consommationintérieure; seul le superflu était vendu àl’étranger.L’accélération décisive des échangesinternationaux débute à partir de 1850 etcoïncide avec l’avènement de la production demasse en Grande Bretagne et en France. Lapart des importations dans lesapprovisionnements et celle des exportationsdans les débouchés de la production nationaleont connu une progression exceptionnelle. Levolume du commerce mondial a été multipliépar 25 au cours du siècle, soit au rythme de3,3% par an. La croissance des exportationsmondiales a été deux fois plus rapide que laproduction globale, et, selon Maddison (2001),virtuellement dans tous les pays de 1870 à1913. Le rapport exportations -hors services-sur PIB mondial est passé de 1% en 1820 à4,6% en 1870 et 7,9% en 1913. A la veille dela première guerre mondiale, la part deséchanges internationaux dans la production aatteint un sommet historique qui ne seraretrouvé qu’après les années 1970 (10,5% en1973) (cf. tableaux 1 et 2).

  • IFRI

    28

    Tableau 1. Exportations de marchandises (1870-1998, TCAM, prix constants 1990)1870-1913 1913-1950 1950-1973 1973-1998

    Europe Occidentale 3,24 -0,14 8,38 4,79

    Occident non-européen 4,71 2,27 6,26 5,92

    Europe de l'Est et ex URSS 3,37 1,43 9,81 2,52

    Amérique latine 3,29 2,29 4,28 6,03

    Asie 2,79 1,64 9,97 5,95

    Afrique 4,37 1,90 5,34 1,87

    Monde 3,40 0,90 7,88 5,07

    Source : Maddison (2001)

    Tableau 2 Exportations de marchandises (1870 –1998, en % du PIB, prix constants 1990)

    1870 1913 1950 1973 1998

    Europe Occidentale 8,8 14,1 8,7 18,7 35,8

    Occident non-européen 3,3 4,7 3,8 6,3 12,7

    Europe de l'est et ex URSS 1,6 2,5 2,1 6,2 13,2

    Amérique latine 9,7 9 6 4,7 9,7

    Asie 1,7 3,4 4,2 9,6 12,6

    Afrique 5,8 20 15,1 18,4 14,8

    Monde 4,6 7,9 5,5 10,5 17,2

    Source : Maddison (2001)

    Cependant, les pays participent au commercemondial à des degrés très divers. De manièregénérale, l’importance relative du commerceextérieur est en relation directe avec le niveaude développement et en relation inverse avec lataille du pays. Plus un pays est grand, moinsson commerce extérieur est important ; plus unpays est développé, plus son commerceextérieur est dynamique (et vice versa). Lesexportations de petits pays tels que laBelgique, la Suisse ou le Danemarkreprésentent au moins 25% du PNB dès 1910tandis qu’elles n’atteignent que 6% pour lesEtats-Unis et la Russie et de 15 à 18% dans despays de taille moyenne mais très développés,tels que le Royaume Uni, l’Allemagne ou laFrance. Le taux d’ouverture des économiesbritannique et française a environ doublé entrente ans3. Vers 1913, les économiesbritannique et française sont les plus ouvertes:

    3 Pour la Grande Bretagne, le rapport X/PNB passe de 11à 22% et le rapport M/PNB de 15 à 32% entre 1840-1844et 1870-1874. Pour la France, le rapport des exportationsau produit physique passe de 8,3% en 1845-1854 à 19%en 1875-1884 (Asselain, 1985).

    la somme des exportations et des importationsatteint 50 à 55% du PNB en Grande Bretagne,30 à 35% en France (Asselain, 1985). Pourl’Europe Occidentale prise dans son ensemble,les exportations représentaient 9% du PIB en1870 et 14% en 1913. Le poids desexportations dans la production totale s’estdavantage accru pour l’Afrique. Sur la mêmepériode, la part des exportations de l’Afriqueen proportion de son PIB est passée de 5,8% à20%, soit une multiplication par un facteur 3,5(Cf. tableau 2).Au cours de l’entre-deux guerres, le systèmeéconomique édifié au 19ème siècle basé sur ladivision internationale du travail sedésagrégea. La croissance économique seralentit et le commerce international plusencore. Suite à la grande dépression, les tarifsdouaniers ont été relevés et un arsenal demesures nouvelles et plus prohibitives (quotas,licences d’importation et d’exportation, droitspréférentiels pour le commerce avec lespartenaires de l’Empire britannique) a été misen place au cours des années 30. L’émergencede blocs politiques à tendance autarcique telsque l’Allemagne, l’Italie et l’URSS a renforcéle protectionnisme. Le rapport entre le

  • Chapitre 1 du Cahier n°1

    29

    commerce extérieur et le revenu national abaissé fortement en Europe en raison d’unechute des exportations européennes. Lamoyenne pour la Grande Bretagne,l’Allemagne, la France et l’Italie et la Suèdeest passée de 46% en 1913 à 23% en 1938. De1913 à 1950 le volume du commerce mondialn’a augmenté qu’à un rythme annuel moyen de0,9% par an. En 1950, Le rapport exportations-hors services- sur PIB mondial n’était que de5,5%.L’expansion commerciale des deux dernierssiècles n’est donc en rien comparable à celledes autres périodes historiques dans la mesureoù elle est la conséquence de l’avènementd’une société industrielle dominée lemachinisme par opposition aux anciennessociétés de la terre et de l’outil.

    2. La polarisation deséchanges internationaux

    Dès l’Antiquité et le Moyen Age, le monde aété divisé en zones économiques plus ou moinscentralisées, plus ou moins cohérentes : deséconomies-mondes, c’est-à-dire des espacesgéographiques formant un tout économique, unmonde en soi, constitué autour d’un pôle, uncentre, représenté par une ville dominante(Etat-ville ou capitale économique d’un Etat)telles qu’Athènes, Rome, Venise ou Gênes(Braudel, 1985). « Lentes à se déformer, ellessignalent une histoire profonde du monde4 ».Ces économies-mondes se caractérisent parune certaine division du travail hiérarchiséeentre les zones concentriques qui lacomposent : le cœur, région autour du centre« réunit tout ce qui existe de plus avancé et deplus diversifié » : capital, main-d’œuvre etinnovation. S’y loge un Etat hors série, fort,agressif, dynamique, craint et admiré tout à lafois. « L’anneau suivant n’a qu’une partie deces avantages bien qu’il y participe : c’est lazone ‘des brillants seconds’ ». Enfin, pluséloignés, viennent des zones périphériquessubordonnées et dépendantes, plus queparticipantes car soumises à la présence demarchands étrangers qui occupent une positiondominante, réduites au rôle de pourvoyeuse enmatières premières et en hommes.

    4 Braudel (1985, p.89).

    Jusqu’aux grandes découvertes ces économies-mondes n’ont que des échanges extrêmementlimités. A partir de l’expansion européenne, leséconomies-mondes successives bâties surl’Europe à partir de centres changeants (deVenise à Londres en passant par Anvers,Gênes et Amsterdam), dominent le monde etfont progressivement coïncider leur mondeavec le monde. Pour Wallerstein (1974), il n’ya même d’autre économie-monde que celle del’Europe, fondée à partir du 16ème siècle. Apartir de cette époque, le commerce mondial sepolarise de plus en plus autour de l’Europe. Au19ème siècle, les échanges internationaux serépartissent en trois grands flux qui sont, parordre d’importance décroissante : les échangesintra-européens ; le commerce de l’Europeavec le reste du monde ; et enfin le commercedes pays non-européens entre eux, le plus malconnu mais de loin le moins intense. Vers1850, l’Europe réalise les deux tiers de soncommerce extérieur avec elle-même,devançant de loin les échanges avecl’Amérique (environ 20%) et l’Asie (environ10%). Jusqu’aux années 1880-1890, près de80% des échanges des pays développés se fontavec d’autres pays développés et 20% avec lereste du monde (8 à 10% pour l’Asie etl’Amérique Latine et 2% pour l’Afrique desexportations des pays développés). A l’inverse,les économies extra - européennes intégrées aucommerce mondial, économies américaines etasiatiques (Inde notamment), à l’exclusion dela Chine et du Japon- ont toutes l’Europe pourprincipal partenaire (Cf.tableau 3).Pour Asselain (1985), « la suprématie etl’expansion extérieure des économieseuropéennes se fondent en premier lieu sur leurdynamisme interne ». La supérioritééconomique de l’Europe se traduit par undéficit structurel et croissant de sa balancecommerciale au cours du 19ème siècle. Lecommerce colonial de la première puissanceeuropéenne (l’Angleterre) est à l’origine de cedéficit. Ce déséquilibre s’explique notammentpar l’extrême protectionnisme américain àl’égard des produits manufacturés. Les revenusdes capitaux placés à l’extérieur et les revenusdes services (transports maritimes, assurances )permettent de supporter sans difficulté undéficit permanent et croissant de leur balancecommerciale.

  • IFRI

    30

    Tableau 3. Exportations de marchandises (1870-1998, en % régional, prix constants 1990)1870 1913 1950 1973 1998

    Europe Occidentale 64,4 60,2 21,3 45,8 42,8

    Occident non-européen 7,5 12,9 21,3 15 18,4

    Europe de l'est et ex URSS 4,2 4,1 5 7,5 4,1

    Amérique latine 5,4 5,1 8,5 3,9 4,9

    Asie 13,9 10,8 14,1 22 27,1

    Afrique 4,6 6,9 10 5,8 2,7

    Monde 100 100 100 100 100

    Source : Maddison (2001)

    A la veille de la première guerre mondiale, lemonde entier tend à être enserré dans un réseaucomplexe et dense de relations économiquesque l’Europe contrôle pour l’essentiel. Laprééminence de la Grande Bretagne de laFrance, et de l’Allemagne sur le commercemondial est pratiquement intacte, notammentpour les produits manufacturés (cf. tableau 4).Les nouvelles puissances industriellesproduisent avant tout pour leur marchéintérieur. En revanche, les Etats-Unis et laRussie ont déjà une production industriellesupérieure à celle de la Grande Bretagne de laFrance et de l’Allemagne réunies, signeannonciateur de leur puissance à venir. A lafaveur des deux guerres civiles européennes du20ème siècle, - plus souvent qualifiées de«guerres mondiales »- les Etats-Unis ontémergé comme le nouveau centre del’économie mondiale, dont la capitaleéconomique est New-York, et Washington lecentre militaro-politique.Tableau 4. Production et exportations deproduits manufacturés (1870-1913, en %)

    Production

    Grande -Bretagne

    France

    Allemagne

    EU

    Canada

    Russie

    1870 55,3 27

    1898 43,2 36,5

    1913 36,1 43,6

    Exportations

    Grande -Bretagne

    France

    Allemagne

    EU

    Canada

    Russie

    1899 72,1 13,4

    1913 70,8 16,2

    Source : Asselain (1985)

    Ainsi, l’économie mondiale ne se forme pas àla manière d’un grand marché unitaire quiferait tâche d’huile. Elle se coagule en devastes ensembles organisés, dans lesquels lescentres et les pays-foyers rassemblent dessatellites sur lesquels ils exercent des effetsdurablement asymétriques (Perroux, 1982).

    3. Changementtechnologique etdiversification desproduits échangés

    Avant la révolution industrielle, le commerceinternational était limité à des articles de faiblepoids, de valeur élevée et non périssablecomme les épices, l’or et les tissus. A partir du19ème siècle la gamme de produits échangés vaprogressivement s’élargir sous l’effet jumelédes progrès techniques dans les transports et del’apparition de nouvelles industries. A la fin dusiècle, la structure des exportations commecelle des importations entre pays développés secompose de deux tiers de produitsmanufacturés et d’un tiers de produitsprimaires. Les exportations manufacturièresabsorbent une part substantielle de laproduction européenne : environ un tiers entre1880 et 19145 En revanche, la composition parproduits est plus asymétrique entre l’Europe etle reste du monde. Le vieux continent estessentiellement exportateur de produitsmanufacturés en échanges de produitsalimentaires et de matières premières d’origineprincipalement agricole. Même les Etats-Unis,pays le plus prospère et le plus développé despays extra - européens, est avant tout un

    5 Cette proportion fléchira par la suite jusqu’en 1950.

  • Chapitre 1 du Cahier n°1

    31

    exportateur de produits primaires. L’Europe esttributaire des Etats-Unis dans les métaux non-ferreux. La dépendance alimentaireeuropéenne s’est accrue et s’aggravera jusqu’àla seconde guerre mondiale, ce qui explique enpartie la stratégie d’autonomie qui a conduitultérieurement à la politique agricolecommune. Dans la première moitié du siècle,la généralisation de la révolution industrielles’est traduite par l’accroissement de laproduction de biens de consommations de typetraditionnel (vêtement, chaussures, poteries...)mais pratiquement aucun produit nouveau n’aété créé ; des nouveautés ne sont apparues quedans les biens de production, notamment dansles transports du fait de l’invention de lamachine à vapeur. A partir des années 1860-1870, de nouveaux produits de consommationont été élaborés dans l’industrie chimique(colorants artificiels, médicaments, plastiques,fibres artificielles). Vers 1913, les textilesreprésentaient 25% des exportations totalescontre 10% pour les articles manufacturés enmétal et 5% pour les produits chimiques. Laconsommation massive de produitsmanufacturés variés n’a débuté qu’après lapremière guerre mondiale (ventilateurs,machines à laver, gramophones, radios, motos,automobiles).Ainsi, les économies engagées dans larévolution industrielle ont joui d’un régime decroissance cumulatif et auto-entretenu parl’aptitude à générer des innovations en chaîne.Les économies nationales ont étéprogressivement soumises à unetransformation continue et radicale de la

    composition sectorielle de la production et del’emploi, et par suite des échanges, dont lerythme s’accélère toujours. Les mutationstechnologiques tendent à accélérer le processusde diversification des produits.

    4. La mobilité croissantedes facteurs deproduction

    LA MOBILITE INTERNATIONALE DUCAPITAL L’exportation des capitaux n’est pas unphénomène récent. D’après Braudel (1985),« marchandises et capitaux n’ont pas cessé devoyager simultanément, les capitaux et lecrédit ayant toujours été le plus sûr moyend’atteindre et de forcer un marché extérieur.Bien avant le XXè siècle, l’exportation descapitaux a été une réalité quotidienne, pourFlorence dès le XIIIè siècle, pour Augsbourg,Anvers et Gênes au XVIè. Au XVIIè siècle, lescapitaux courent l’Europe et le monde ». Maisà partir du début du 19ème siècle, lesinvestissements étrangers connaissent unecroissance rapide. Leur essor a coïncidé avec ledéveloppement économique issu de larévolution industrielle. Le montant globalcumulé des investissements extérieurseuropéens (le stock de placements à l’étranger)a augmenté de 5 à 6% par an, à partir de 1820(Cf. tableau 5).

    Tableau 5. Stock brut des investissements à l'étranger par exportateur(1825-1938, en milliards USDcourants)

    Vers 1825 Vers 1840 Vers 1870 Vers 1900 Vers 1913 Vers 1930 Vers 1938

    Allemagne 1 4,8 5,8 1,1 0,7

    Belgique 2 1,3

    France 0,1 0,3 2,5 5,2 9 3,5 3,9

    Pays Bas 0,3 0,2 0,5 1,1 1,2 2,3 4,8

    Royaume Uni 0,5 0,7 4,9 12,9 20 18,2 22,9

    Suède 0,1 0,5 0,4

    Suisse 2,7 2,3

    Total Europe 1,2 1,5 9,5 26 43 29 38

    Etats-Unis 0,1 0,5 3,5 14,7 11,5

    Monde 1,2 1,5 9,6 27 47,5 45 55

    NB : les chiffres 1825 et 1840 sont très approximatifs

    Source : Bairoch (1997).

  • IFRI

    32

    Vers 1840, les flux annuels des exportationsde capitaux atteignaient 3 à 4% du produitnational des pays exportateurs de capitaux. Apartir des années 1840-1850, l’accroissementdu volume du stock brut des capitaux àl’étranger a été encore plus rapide que celle ducommerce extérieur mondial. Entre 1825 et1913, les exportations mondiales sont passéesde 0,9 à 18,5 milliards de dollars ; alors que lestock brut de capitaux à l’étranger passait de 1à 48 milliards de dollars, soit un facteurmultiplicateur de 20 dans le premier cas et de40 dans le second. Cette rapide expansion a eulieu surtout après les années 1850-1860. Sur lapériode 1870-1914, les mouvementsinternationaux de capitaux représentaient prèsde 4% du PIB mondial (Baudrand, 2002). Lesflux des investissements extérieurs ont atteintleur maximum historique en 1913. La GrandeBretagne détenait près de la moitié de la valeur

    mondiale des placements extérieurs sur lapériode 1840-1914. Vers 1913, près de 42%des capitaux à l’étranger étaient des capitauxbritanniques. Loin derrière, suivaient la France(la moitié de ceux de la Grande Bretagne surtoute la période, environ 19%), l’Allemagne(12%) et la Suisse (6%). En 1913, l’Europepossédait 91% du total des capitaux àl’étranger ; l’essentiel était détenu par les cinqpays les plus industrialisés. Quasimentinexistants au 19ème siècle, les investissementsextérieurs américains ont augmenté rapidementavant la première guerre mondial