le commerce équitable sud-sud

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Longtemps cantonné à des échanges commerciaux solidaires Sud-Nord, le commerce équitable investit depuis peu le champs du « local ». En se réappropriant un mode de commerce pensé pour leurs populations les plus marginalisées, les pays et acteurs du Sud signifient un certain affranchissement par rapport aux acheteurs du Nord.

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Rédaction Olivier Bailly et Samuel Poos.

Coordination EcoRes sprl — Samuel Poos (CTB)

Editeur responsable : Carl Michiels, 147 rue Haute 1000 Bruxelles

Photo de couverture : © CTB, Julien Lesceux

Les opinions exprimées dans cette publication sont celles de son auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la CTB ou de la Coopération belge au Développement. Des extraits de cette publication peuvent être utilisés dans un but non commercial à condition d’en citer l’origine et l’auteur. © CTB, Agence belge de développement, Bruxelles, 2ème édition, Décembre 2011

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> Bref rappel historique 5

> Valeurs du commerce équitable et avantages 6

> Volume vs valeurs ? 9

> Main mise du Nord sur le Sud ? 10

> Biodiversité 10

> Trois Sud-Sud : local, régional, international 11

> Avantage d’un commerce équitable Sud-Sud local et régional 13

Trouver de nouveaux débouchés commerciaux 13 Augmentation de la résilience face aux crises extérieures 13 Dynamiser les énergies locales du changement 14 Valorisation économique des marchés locaux, et diversité culturelle 15 Sensibilisation au concept du « fair trade » au Sud 15 Un impact écologique réduit 16 Adaptation du concept « équitable » 16

> Les certifications, labels a l’initiative du Sud 18

Au Sénégal, ENDA lance un système local de certification 18 Mexique : le label Comercio Justo 19 “Profit” et “Shop for Change” en Inde 20 Des “Max Havelaar” dans les pays en développement 21 Le label des petits producteurs 22

Le projet de magasins du monde par la plateforme régionale de COFTA 23

> Quand l’Etat s’implique 25

Brésil : le commerce équitable comme politique sociale 25 Le commerce équitable s’organise au Maroc 26

Madagascar se dote d’un comité interministériel d’appui au commerce équitable 26

> Autres initiatives 26

Afrique

Kenya Federation for Alternative Trade (KEFAT) 27 Amérique latine

La table de coordination latino-américaine de commerce équitable 27 Pérou : Le groupe-Réseau d’économie solidaire du Pérou (CRESP) 28 Equateur : Maquita Cushunchic 38

Asie

L’Avocat du commerce equitable aux Philippines 29 Inde : le premier label de commerce équitable pour les magasins 30 « Betterday » se vend très bien au Vietnam et ailleurs 30

> Dangers du Sud Sud local et régional 33

Une perte de lien ? 33 Des critères équitables à deux vitesses ? 33

> La fin d’un certain paternalisme 34

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En 1964, lors de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développe-ment (CNUCED), des représentants des pays du Sud affirment avec force la volonté et fierté des pays du tiers monde : ils ne veulent pas s’apitoyer sur leur sort. Ils ne se contenteront pas d’être les passagers de leur développement, ils veulent le piloter en brandissant l’étendard « Trade not aid », « du commerce, pas de l’aide ».

Refusant l’aumône ponctuelle des pays du Nord, les représentants des pays du Sud mettent l’accent sur l’échange et demandent de réelles politiques commerciales leur ouvrant les marchés des pays du Nord.

Le commerce devient ainsi ‘outil de développement’, d’émancipation. Des ‘Magasins du monde’ commencent à fleurir en Belgique rapidement, dès 1971. Ils seront 120 deux ans plus tard. Le mouvement est généralisé au niveau européen.

Max Havelaar ouvre l’ère du label équitable en 1988. Son logo certifie au consomma-teur les principes équitables lors de la production du produit. Dans la foulée, le fair trade s’installe dans les rayons des supermarchés. Les ventes décollent.

La fin du millénaire est accompagnée par la structuration au niveau international du commerce équitable et l’émergence d’organisations faîtières. Parmi les plus impor-tantes, FLO (Fairtrade Labelling Organizations International) voit le jour en 1997.

Le secteur de la grande distribution, trouvant une niche commerciale et/ou se décou-vrant une éthique, s’engouffre dans le concept et crée ses propres marques de quali-té. A un niveau plus modeste, de nombreuses PME dans des activités commerciales variées (mode, épicerie, voyages, artisanats, etc.) adoptent la philosophie équitable sans pour autant faire appel aux labels ou l’afficher. [1]

En 2010, le commerce équitable labellisé enregistre une hausse de 18% pour un chiffre d’affaires de 4.3 milliards d’euros au niveau mondial. Ces produits émanent de 905 organisations certifiées représentant plus d’un million de travailleurs. En évaluant les impacts indirects, 6 millions de personnes bénéficient de ce type de commerce [2]. Tant sur le plan des valeurs que sur le marché, le commerce équitable est une réus-site.

© CTB

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* Cette définition du commerce équitable a été élaborée par FINE, regrou-pant quatre structures internationales de commerce équitable (FLO, WFTO, NEWS ! et EFTA)

Les acteurs du commerce équitable se sont accordés sur une définition de leur solidarité :

« Le commerce équitable est un partenariat commer-cial fondé sur le dialogue, la transparence et le res-pect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au dé-veloppement durable en offrant de meilleures condi-tions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout parti-culièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consomma-teurs) s’engagent activement à soutenir les produc-teurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel »*

Ce commerce est jalonné de critères sociaux, écono-miques et environnementaux. La rémunération du producteur doit être équitable, couvrant ses besoins et ceux de sa famille et assurant leurs droits à un toit, à l’éducation, à la santé. Les organisations de produc-teurs indépendants doivent être ou devenir démocra-tiques, participatives, transparentes et ouvertes à de nouveaux membres. Les plantations et les usines doi-vent respecter la législation nationale du travail et les Conventions de base de l’Organisation internationale du travail (OIT) avec entre autres la liberté syndicale et la sécurité sociale.

Mais au-delà de ces paramètres, le commerce équi-table développe des valeurs qui sont à l’opposé de la concurrence commerciale à tout crin. Il met au con-traire l’accent sur la redistribution des richesses, des organisations collectives, la réinvention de la société sur des bases démocratiques, participatives et trans-parentes. Pour certains, il est prétexte à une mise en autonomie des groupes locaux de producteurs, auto-nomie en production d’abord mais ensuite en tant que collectif de citoyens.

Ces organisations de commerce équitable se vivent aussi comme un engagement. Elles possèdent une dimension politique car « d’une part, elles portent une visée de changement, et que, d’autre part, elles s’ap-puient sur des formes d’organisation militante et elles impliquent des jugements sur les rapports instaurés par le marché conventionnel ». [3]

Le lien Nord-Sud n’est pas intégré dans la définition. Si les producteurs et travailleurs sont localisés « tout par-ticulièrement au Sud de la planète », le consommateur

ne semble pas tenu, lui, d’appartenir à l’un des hémis-phères de la planète.

Pourtant, l’existence de cette relation entre peuples d’autres continents présente plusieurs avantages.

D’abord, elle atteint son but d’une redistribution volon-taire des richesses du monde. Les consommateurs « aisés » du Nord acceptent de payer un produit au prix juste afin de rétribuer correctement les producteurs marginalisés du Sud. Même si le mouvement est minime à l’échelle du commerce planétaire, il y a bien transfert de richesses.

Le commerce équitable aiguise également la cons-cience du consommateur. En lui signifiant que l’achat de produits permet de payer un salaire décent aux tra-vailleurs, il indique implicitement que d’autres sont le fruit de l’exploitation d’une main-d’oeuvre bon marché. Cette conscience peut naître de la rencontre d’un pays via ses produits. Le commerce équitable peut aussi affirmer un soutien à des causes (Palestine, Tibet). Ces gestes quotidiens concrétisent la solidarité des peuples.

Au Sud, le commerce équitable développe un aspect formateur sur un plan social, environnemental, mais également en termes de production et productivité. Les exigences européennes et équitables amènent les pro-ducteurs à développer des pratiques de production irréprochables. Le marché local bénéficie également de ce savoir, et les producteurs peuvent s’ouvrir vers d’autres marchés exigeants, en dehors du commerce équitable.

Enfin, les organisations du Nord et les producteurs du Sud ne se rencontrent pas que pour discuter busi-ness… Portés par les mêmes valeurs, ils militent en-semble et leur union offre une stature internationale à leurs positions politiques. Elles s’inscrivent dans le même registre « mondialisant » revendiqué par les struc-tures supranationales comme l’OMC.

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Un des inconvénients majeurs du commerce équitable et dont découlent d’autres désavantages, c’est sa réussite. Depuis les années 1990, par le biais d’une « stratégie d’extension consistant à accroître le volume et la vente des produits équi-tables en les intégrant dans le circuit économique traditionnel par le biais d’orga-nismes labellisateurs » [4], le commerce équitable s’est glissé dans le commerce mon-dial. Jusqu’à s’y fondre ?

Les valeurs fondatrices du commerce équitable comme la solidarité et les dyna-miques de changements pourraient être mises à mal, ses critères revus à la baisse, écornés par les exigences commerciales.

Les partenaires du Sud changent également lorsque la demande explose. Comme le reconnaît Christophe Maldidier de l’association française Solidar’monde [5], « Pénétrer le marché, tout en le maîtrisant, n’a pas été facile non plus pour le réseau Artisan du Monde qui a quadruplé la valeur de ses achats au Sud en dix ans. Pour satisfaire une clientèle nouvelle, Solidar’Monde a été conduit à réduire, voire rompre, ses relations commerciales avec certaines organisations d’artisans fragiles, tandis qu’ont été plutôt privilégiées de plus grosses structures faîtières, qui s’approvisionnent elles-mêmes auprès de dizaines de groupements. De nouveaux fournisseurs ont également été introduits de façon à élargir les gammes de produits. Ces évolutions ne sont pas sans conséquences sur la qualité et l’équité des relations commerciales. Par exemple, la pression du marché a parfois été transférée sur les producteurs du Sud : pression sur les délais, introduction d’une certaine délibération sur les prix, etc. » [6].

Emblématique, l’octroi à la multinationale Nestlé d’un label équitable à une de ses gammes de café, Partner’s Blend, illustre les tensions entre la poursuite d’intérêts financiers et la responsabilité sociale des acteurs [7]. Une certification a été donnée à ce café par la branche britannique de Fair Trade Labelling Organisation (FLO). Pour Oxfam, c’est un premier pas dans la bonne direction. Même si ce "Partner's Blend" n'a, à ce jour, pas réellement eu de suite. Qu'importe. Nestlé engage un deuxième pas avec sa célèbre barre chocolatée Kit Kat. Depuis janvier 2010, en Irlande et au

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Royaume-Uni, le snack à quatre doigts qui contient du sucre et du cacao équitable arbore le logo de FLO. La société Nestlé ne compte pas se limiter à ces en-cas, envi-sageant de faire passer d'autres produits sous l'égide du commerce « équitable ». Cette perspective ne remplit pas d'allégresse tous les acteurs du secteur. Notam-ment à cause du parcours amoral de la multinationale et un engagement proportion-nellement ridicule en regard de son volume de chiffres d'affaires. Ce chiffre d'affaires est paradoxalement un des arguments des pro-Nestlé équitables. Des Kit Kats équi-tables toucheraient plus de 8000 producteurs de cacao en Côte d’Ivoire [8]. Les pers-pectives d’ouverture vers un nouveau public sont à la taille du partenaire : énormes. Le géant suisse, en février 2008 a annoncé avoir dépassé pour la première fois de son histoire, le cap des 100 milliards de francs suisses pour 2007 [9]. Mais pour une partie de la société civile, ce premier produit équitable sur les 8000 de la société est l’arbre éthique qui cache une forêt sans morale*.

En observant l’alliance du Fairtrade avec le système de la grande distribution et des industriels capables de fournir des produits standardisés de haute qualité, « il est certain que ceux qui pensent que le commerce équitable a fait « pacte avec le Diable» n’ont pas tout à fait tort » estime François Lerin, directeur de la publication Courrier de la Planète.

* Société parmi les plus boycottée au monde, Nestlé est accusée, entre autres, d’avoir mené dans les années nonante des campagnes marketing en Afrique pour son lait en poudre avec des pratiques commerciales abusives, détournant les mères de l’allaitement. A cette époque et selon l’Unicef, l’utilisation du lait en poudre (avec notamment de l’eau impure), causait un million et demi de décès parmi les nourrissons « Ces biberons qui tuent », Claire Brisset, Monde Diplomatique, Décembre 1997

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Avant d’ajouter : « Mais il faut garder en mémoire que sans ce compromis, le commerce équitable serait resté un phénomène sympathique mais tout à fait mar-ginal.»

[10]

Quelle garantie donne cependant cette ouverture en termes de détermination des prix et le pourcentage du prix de vente retournant aux producteurs locaux par exemple ? Plus fondamentalement, la vision de société qu’impliquent les multinationales est-elle compatible avec la finalité du commerce équitable ? Au-delà de perspectives alléchantes de vente, quelles sont les exigences éthiques à réclamer des entreprises parte-naires ? Où s’arrête le compromis pour une société durable et quand commence la complicité d’un monde injuste ?

Comme le souligne le chercheur Murat Yilmaz, une tension existe donc entre la logique et la finalité des acteurs qui se revendiquent toujours de l’héritage du mouvement tiers-mondiste prônant la nécessité de trouver une alternative au système capitaliste, et celles des autres qui défendent de plus en plus l’idée d’une intégration au système passant nécessairement par l’adoption de la rationalité économique dominante. [11]

© Philippe Collier

Le reproche revient systématiquement. Les règles du commerce équitable sont essentiellement bâties au Nord, en fonction des marchés du Nord, selon les con-sommateurs du Nord. La voix des producteurs du Sud était jusqu’il y a peu inaudible dans les grandes certifica-tions internationales. Les ‘inconvénients’ du commerce équitable qui suivent sont plus liés au principe d’expor-tation de masse qu’aux principes du commerce équi-table ou à ses seules dimensions géographiques. Même si celui-ci doit rester vigilant, ses valeurs et la nature de ses partenaires au Sud atténuent fortement les effets négatifs mentionnés ci-dessous.

L’importance des volumes rend les partenaires du Sud dépendants des organisations du Nord et du marché mondial. L’accès au marché et la capacité d’exportation passent par eux. Face à une demande conséquente, les agriculteurs vont être enclins à consacrer la majeure partie de leurs terres au commerce d’exportation. Sans agriculture vivrière, leur survie tient à la vente de leur production au Nord.

Alléchés par les perspectives de revenus des exporta-tions, les paysans sont incités à pratiquer la monocul-ture intensive, et cette dernière épuise les sols. La rota-tion ou la mise en jachère, des pratiques permettant le resourcement des terres, n’ont plus droit de cité face aux rentabilités demandées au Nord. Toujours en termes de biodiversité, la grande distribution alimentaire lisse également les goûts et qui veut avoir sa place dans les rayons évitera de multiplier ses variétés de tomates, de carottes ou d’espèces locales.

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Résumer le commerce équitable à des rapports Nord-Sud serait faux, même si cette relation domine toujours les échanges. Comme le précisent Tristan Lecomte et Céline Girard

[12], « les organisations de commerce équitable (…) organisent et encouragent aussi les cultures vivrières et les ventes sur le marché local. Le développement des ventes locales est très complémentaire à l’export pour une organisation de produc-teurs. Elle permet la vente des sous-produits, des qualités de produits pour le marché local, et plus globalement la diversification des ventes de l’organisation. Un grand nombre de coopératives transforment et vendent sur le marché local des produits de terroir très ciblés issus de leurs membres, qui consomment aussi ces produits, et encouragent le redéploiement d’espèces natives et variées ».

Relocalisation de l’économie et commerce équitable seraient donc alliés naturels ? « Tout à fait, répond Tristan Lecomte, par ailleurs fondateur d’Alter Eco, ces deux concepts suivent une même ligne de développement et encouragent la souveraineté alimentaire ».

De quels Sud-Sud s’agit-il ?

Géographiquement, trois types d’échanges pourraient être définis.

D’abord, le commerce entre deux pays du Sud très éloignés, comme la vente d’un produit équitable sénégalais au Vietnam. Lorsque le Sud-Sud est évoqué dans cette brochure, elle ne fait pas référence à ce commerce international de longue distance qui s’approcherait plus du commerce équitable Nord-Sud.

Ensuite, un commerce Sud-Sud entre deux régions ou pays relativement proches, autrement dit des circuits (semi-)courts équitables dans les pays en développement. De nombreuses organisations de producteurs du Sud joignent leurs efforts pour créer des structures capables de coordonner les initiatives nationales et devenir un acteur politique et commercial sur un espace continental.

Enfin, le « Sud-Sud » peut également signifier un commerce développé à une petite ou moyenne échelle géographique. Il vise à valoriser des initiatives locales ou régio-nales dans un même pays, à développer l’autonomie (alimentaire, énergétique, pro-duits de base, etc.) de la région.

Développer un commerce équitable Sud-Sud de courte distance revient à encoura-ger une relocalisation de l’économie.

© CTB—Dieter Telemans

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Pour les partisans d’un fair trade Nord-Nord, c’est clair : le commerce équitable est moins un rapport Nord-Sud qu’une lutte entre petits producteurs et méga structures industrielles. Dans un communiqué commun, des organisations du Sud et du Nord [13]

l’affirment : « Permettre aux cultivateurs du Burkina-Faso ou du Pérou de vivre correctement est très important mais ne doit pas occulter la nécessité d’assurer le paiement des heures supplémentaires de ceux qui cueillent les fruits et légumes dans les Bouches-du-Rhône (…) ».

Dans la foulée, le Mouvement d’Action Paysanne (MAP), regroupant une soixantaine de petits produc-teurs wallons, acquiesce : « L’OMC, la Banque Mon-diale et le FMI promeuvent un commerce inéquitable. Les effets en sont dévastateurs dans les pays du Nord aussi : disparition d’un paysan chaque minute dans l’Europe des 25, menaces sur la multifonction-nalité de l’agriculture, etc.

Pour le MAP, il s’agit donc d’intégrer au plus vite les filières agricoles locales (« courtes ») du Nord dans le concept de commerce équitable.

Deux principes devraient guider ce travail notamment législatif : souveraineté alimentaire et économie soli-daire » [13]. La Commission européenne a déjà livré son avis sur la question : pour elle, la notion de commerce équitable n’est pas directement pertinente pour les marchandises produites dans l'Union Européenne, où les normes sociales et environnementales font déjà partie intégrante de la législation. [14]

Les acteurs du commerce équitable sont de toute façon sceptiques par rapport au Nord-Nord. Sans minimiser les conditions difficiles de travail des artisans et agriculteurs des pays industrialisés, elles sont moins dramatiques qu’au Sud et les possibilités d’action via des structures existantes (syndicats, associations de consommateur, partis politiques, demandes d’aides,…) sont plus conséquentes. [15]

CC by Dan Brady

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Malgré la demande croissante des consommateurs, toute production équitable ne trouve pas forcément de débouchés commerciaux. Les coopératives se tournent dès lors vers le marché local. Certaines investissent le commerce conventionnel, bradant leurs produits. D’autres tentent de développer un marché local de l’équitable. Dans des régions ou pays où la population est financièrement démunie, les perspectives de vente peuvent paraître moins évidentes, surtout pour un commerce qui exige un prix « juste », et donc à priori plus élevé que la moyenne. Ces marchés locaux au Sud pourraient émerger « surtout dans les pays où le développement de la classe moyenne est gage d’une capacité accrue d’achat. » Ils vont également identifier les « opportunités commerciales ouvertes par le marché touristique » et cibler des points de vente spécifiques, « de luxe, dans les hôtels, les institutions ou des foires commer-ciales nationales ». [16]. Un peu mince comme débouchés ? « Si un seul pour cent de la population indienne (1,080 milliard de personnes !) soutenait le commerce équi-table, le potentiel de développement serait largement supérieur à ce qu’offre l’Europe, répond Arun Raste, ancien responsable de l’ONG indienne International Ressources for Fairer Trade (IRFT).

Printemps 2008. Une crise alimentaire mondiale s’annonce. En cause : la hausse du prix des aliments sur le marché international, en particulier du blé, du riz, du soja et du maïs.

Conséquence directe : pour les 40 pays les plus touchés, tous dépendants des im-portations pour au moins 40% de leurs besoins alimentaires, la facture alimentaire a augmenté de 37% entre 2006 et 2007 et de 56% entre 2007 et 2008. Pour l’Afrique, elle a augmenté de 74% entre 2007 et 2008. [17]

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Une hausse impossible à suivre pour les plus pauvres. Leur budget, déjà exsangue, ne leur permet même plus d’acheter les aliments de base. Les émeutes des « ventres creux » éclatent dans une trentaine de pays, tous au Sud.

D’où provient cette crise ? Les facteurs sont multiples. Selon Christophe Golay, Conseiller du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation d’octobre 2001 à avril 2008, « si les pays les plus tou-chés n’étaient pas dépendants des importations ali-mentaires pour garantir la réalisation des besoins ali-mentaires de leurs populations, ils auraient pu rempla-cer les importations alimentaires par des produits lo-caux, qui auraient pu être vendus dans les villes à des prix abordables. Mais cette substitution a été rendue impossible par l’imposition de programmes d’ajuste-ments structurels, depuis les années 1970, par le Fond monétaire internationale (FMI) et la Banque mon-diale, qui ont forcé les pays du Sud à libéraliser leur agriculture, à éliminer les aides aux petits paysans et à favoriser les cultures d’exportation, sources de devises étrangères utilisées pour rembourser la dette. Le dé-sengagement des Etats dans le développement rural, sous l’influence des institutions financières internatio-nales, a donc été l’une des causes profondes de la crise alimentaire ». [18]

De fait, en fonction des régions, certains amortissent mieux le coup que d’autres. Ainsi, le Mali a mieux en-caissé la crise que le Sénégal. Pourquoi ? Le Sénégal importe plus de 60% de ses besoins céréaliers, alors que le Mali produit plus de 90% de sa consommation céréalière. 48% des importations de produits alimen-taires du Sénégal sont constituées de céréales, de

produits laitiers et de viande et elles ont doublé entre 1994 et 2004. [19]

Fruit d’une ouverture trop grande des économies, l’im-portation massive de denrées alimentaires rend la po-pulation très vulnérable à toute tension extérieure.

Des circuits courts équitables entre pays en développe-ment permettent aux régions de devenir plus autonome face aux divers chocs extérieurs : choc pétrolier, choc alimentaire, chute d’un prix mondial d’une denrée, etc.

Emmanuel Bailly, ingénieur en environnement, appelle ces zones de commerce des « éco-régions », « dont le principe est de produire l’alimentation et l’énergie au plus près du lieu de consommation » [20]. A condition cependant que cette relocalisation s’accompagne de diversification de production.

Le développement local d’un commerce n’est pas ap-préciable que d’un point de vue économique ou ali-mentaire. Il valorise aussi les processus de concerta-tion, il soutient un processus décisionnel afin qu’il cor-responde aux besoins et préoccupations des popula-tions locales. [21].

Cet aspect serait d’autant plus renforcé avec la dimen-sion « équitable », insistant sur la démocratie participa-tive de ses producteurs. La vision politique peut même être le premier moteur des organisations du Sud qui investissent leur marché. Au Pérou et en Bolivie, de nombreuses organisations de commerce équitable font d’un commerce de proximité une priorité afin d’acquérir un poids et une légitimité politique. [22]

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Parmi les recommandations d’une étude sur le commerce équitable au Sud, celle-ci : « les initiatives nationales de commerce équitable dans les pays producteurs peuvent constituer des outils pour favoriser non seulement l’accès au marché des petits producteurs, mais aussi la souveraineté alimentaire et la diversification de la production ». [23]

De fait, un commerce équitable Sud-Sud alimenterait les marchés locaux. Ce circuit plus court permettrait de valoriser d’autres acteurs locaux soit dans la transformation des produits, soit dans leur vente. Au Sénégal, le dynamisme du secteur équitable a encouragé les acteurs nationaux à créer un environnement favorable au marché lo-cal. [24]

Par ailleurs, elle permettrait de remettre au goût du jour les productions locales. En Haïti par exemple, des changements alimentaires se sont opérés progressivement et aujourd’hui les habitants qui peuvent se le permettre mangent du pain de blé améri-cain et du sucre brésilien. L’aide structurelle alimentaire modifie la base de l’alimen-tation dans les écoles primaires avec des produits provenant des pays du Nord ou du Programme alimentaire des Nations Unies. Les enfants s’habituent à manger autrement et rejettent progressivement leur propre culture alimentaire à base de tu-bercules, de pois ou de manioc. [25]

En alimentant les marchés de vêtements, aliments et autres produits locaux, les commerçants du cru s’affranchissent des repères culturels (au sens large) du Nord. Ils participent à la diversité culinaire, vestimentaire, bref culturelle de la planète.

D’ailleurs, les identités communautaires et ethniques viennent également appuyer le développement de certains marchés locaux équitables. C’est le cas en Bolivie où l’engouement de l’équitable est à mettre en lien avec un changement des mentalités vis-à-vis de la culture andine. Depuis quelques années, les produits ethniques sont devenus un signe identitaire pour l’ensemble de la population bolivienne, pour les indiens évidemment, mais également pour les classes moyennes et aisées. [26]

Commerce équitable ? Jamais entendu parler… Voilà, de manière caricaturale et abrupte, une des conclusions d’une étude indienne sur le commerce équitable de collégiens entres 18 et 22 ans et de couples entre 25 et 50 ans. Ce public cible fai-sait partie des personnes les plus socio-économiquement et culturellement avanta-gées en Inde. Soit des acheteurs potentiels de produits équitables.

Ils entendent par « fair trade » un commerce qui serait « juste » vis-à-vis d’eux en termes monétaires. Un commerce équitable proposerait le prix qu’ils veulent mettre pour acheter le produit ! Par rapport aux producteurs, ils supposent que la plupart des entreprises se montrent correctes.

Eduqués à la « méritocratie », ils identifient une augmentation de salaire à une aug-mentation d’efficacité, ils ne se sentent nullement connectés aux ouvriers et paysans derrière le produit. Et, enfin, leur vision du monde sépare nettement la sphère « business » de la sphère « charité ».

En conclusion, l’étude soutient qu’ « il ne leur traverse pas l’esprit que les compa-gnies puissent exploiter les personnes ou l’environnement. Ils pensent que les com-pagnies aident à éradiquer la pauvreté en créant de l’emploi. » Ils ne feront aucun compromis sur la qualité et ne paieront pas une roupie de plus par solidarité. [27]

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Décourageant ? Pas pour Arun Raste, de l’Internatio-nal Ressources for Fairer Trade (IRFT), l’ONG indienne qui a commandé l’étude. Il en tire les conclusions : « nombreux sont les citadins indiens prêts à soutenir une cause sociale … à condition de ne pas en payer le prix. IRFT privilégie donc le marché national et cherche à y réduire la chaîne d’approvisionnement pour assurer un prix de vente attractif. L’ONG ambitionne de contri-buer à créer des normes nationales propres qui in-fluenceront les normes internationales. »

Selon l’étude [28] réalisée par l’UCL sur les défis com-merce équitable, l’Inde pourra s’appuyer sur la culture pour le développement des marchés locaux. Les cou-leurs des broderies et les formes des produits sont d’emblée acceptées par les consommateurs.

L’argument est fréquemment avancé pour encourager un commerce de proximité. Il est pertinent mais il ne faut pas le surévaluer. L’impact principal du commerce équitable Nord-Sud ne se marque pas par le trajet entre les deux hémisphères, mais dans la logistique de distribution au Nord. [29]

Favoriser les trajets courts doit se coupler avec des modes de déplacement les plus propres possibles, avec une production la moins polluante possible. [30]

Un commerce équitable Sud-Sud se réapproprierait le terme « équitable », lui donnerait une dimension locale, moins sévère sur les critères sans doute, plus proche du terrain. Cette relocalisation du concept éviterait de loger tous les producteurs, du Pérou jusqu’au Vietnam, à la même enseigne. « Comment arrivez-vous à fixer un prix minimum ? s’interroge Joseph Nkandu, représen-tant ougandais de la National Union of Coffee Agribusi-ness and Farm (NUCAFE). Connaissez-vous mes coûts de production pour fixer ce prix ? Savez-vous comment je désire me développer ou vous voulez m’imposer votre vision de développement ? Si les prix minimums sont fixes, vous arrive-t-il de les réviser ? Peut-on parti-ciper à la négociation à ce sujet ? Nous voulons claire-ment être des membres actifs dans le processus déci-sionnel. » [31]

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Les organisations du Sud s’organisent, sur les trois continents, pour prospecter leurs marchés nationaux respectifs. Les réalités sociales sont différentes. L’Afrique en est au balbutiement du commerce équitable régional, les produits payés à un juste prix y restent des produits de luxe. Face à, par exemple, 74% de la population en Afrique sub-saharienne privées d'accès à l'électricité, on peut imaginer que les défis les plus urgents sur le continent noir ne passent pas nécessairement par le commerce équi-table local.

Le processus est par contre très avancé en Amérique latine où les acteurs associatifs deviennent incontournables. Ainsi au Brésil, le gouvernement a instauré une politique pour promouvoir le fair trade au sein de ses frontières.

Enfin, l’Asie s’éveille au concept. Certes, une part de la population de ce continent reste exploitée par des fabricants de toutes sortes, heureux de produire « made in Asia » afin de profiter des bas salaires. Cependant, la résistance s’organise sur les marchés. Et pas n’importe lesquels. L’Inde, véritable pays-continent, ouvre la voie d’un commerce asiatique local plus juste. En attendant la Chine ?

Lors d’une table ronde [32] organisée par le FTIS en 2008, Abdourhamane Gueye d’ENDA Sénégal (Environnement et Développement du Tiers Monde) interrogeait lui aussi le modèle « équitable » fourni par les certificateurs traditionnels. « Aujourd’hui, le commerce équitable tel que pratiqué au Nord et au Sud a un système de certification extrêmement cher. Et le fait d’être certifié Fairtrade ne donne pas forcément accès au marché. Chez nous, on a eu des produits bios équitables qui ont attendu huit mois avant de trouver des débouchés. La question du prix juste et même des valeurs ont posé problème ».

Face à ces constats et demandes, deux voies complémentaires existent : ouvrir plus largement les organismes internationaux de certifications aux producteurs du Sud, et… créer un label pour des marchés locaux ou régionaux.

Cette dernière solution est plébiscitée aux quatre coins du Sud, de l’Equateur à l’Inde en passant par le Sénégal. Des dynamiques en ce sens sont d’ailleurs déjà lancées.

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En 2005, était lancé le projet "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal" (rebaptisé Aldiawano en 2011 qui signifie "paradis" en wolof), porté par Enda Tiers Monde. L’idée : mettre en place un système local qui permettrait aux producteurs sénégalais de s’approprier les valeurs du commerce équitable. Comme le précise Do-minique Ben Abdallah : "Au Sud, et notamment en Afrique, le commerce équitable reste mal connu, non seulement des producteurs, mais aussi des pouvoirs publics, alors qu’il est sensé offrir 'de meilleures conditions commerciales en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés'. Tel est le paradoxe relevé par une grande variété d’acteurs nationaux (associations, fédérations, Groupements d’Intérêts Economiques, ONG, pouvoirs publics) impliqués -en compagnie d’Enda et de la coopérative conseil Tukki-, dans la démarche visant à ‘développer des pratiques de commerce équitable au Sénégal’. Les échanges qui ont eu lieu au cours des deux dernières an-nées entre la quarantaine d’acteurs réunis au sein de cette dynamique nationale permettent de penser que les sys-tèmes actuels de certification excluent de fait les petits producteurs les plus démunis. En effet, les producteurs im-pliqués dans des démarches de commerce équitable, qui s’inscrivent principalement dans des démarches Sud/Nord, doivent faire face à des coûts de certification élevés, et avoir la capacité de répondre aux exigences liées au respect des procédures de certification".*

* Dominique Ben Abdallah /Enda Tiers monde, «Une vision africaine du commerce équitable», AGRIDAPE, volume 24, Issue 1- Vers un com-merce plus juste, Avril 2008, cité par Dan Azria, dans « Le commerce équitable au Sénégal », Trade for Development Centre ** Sidy Dieng, «Plaidoyer pour le commerce équitable : Les acteurs sénégalais mettent au point un pro-gramme commun», Jeudi 19 no-vembre 2009, Walfadjri l’Aurore - www.walf.sn

Après un an et demi, le projet accouchait d’une Plateforme des Valeurs et d’une Charte d’Engagement au commerce équitable, officiellement présentées lors du Fo-rum Social Mondial de Nairobi au Kenya en janvier 2007 et du Forum Social Mondial de Dakar en 2011.

Les acteurs d’Aldianawo élaborent à présent un système local de certification, dont le cahier des charges est établi par le biais de projets pilotes dans quatre grappes d’activités (coton/textile ; agroalimentaire ; métiers du feu/recyclage ; plantes médici-nales).

Interrogé sur la question de la mise en cohérence de l'initiative sénégalaise avec les projets des organisations internationales du commerce équitable, Abdourhamane Gueye, l'un des responsables d'Enda estime qu' "il faut aller plus loin. On repense les bases, on amène les forces et bases qui nous sont propres. Cependant, nous sommes allés voir Fairtrade. International (FLO). Non pas avec des attentes mais avec des propositions".

A terme, ENDA souhaite développer une plate-forme similaire au Burkina Faso, Mali, Togo et Bénin. L’initiative véhiculerait la vision africaine du commerce équitable.

« Pour l’Afrique et particulièrement pour le Sénégal, la voie offerte par le commerce équitable est la réponse adéquate à la réussite des projets visant à developer l’artisanat local mais aussi l’agriculture et par conséquent le commerce intérieur».

Alioune Diouf, Directeur du Commerce intérieur du Sénégal**

© CTB—Dieter Telemans

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De l’autre côté du monde mais toujours dans l’hémis-phère sud, les latino-américains ont longtemps eu une longueur d’avance. Et en particulier le Mexique. Le fait n’est pas étonnant lorsque l’on sait que les organisa-tions mexicaines de petits producteurs ont participé en 1988 à la création du premier label de commerce équitable, Max Havelaar Hollande. [36]

L'association Comercio Justo Mexico débuta le pro-cessus de conception d’un label mexicain de com-merce équitable en novembre 1998 ! Les normes fu-rent fixées en novembre 2000 et le label fit son entrée sur les marchés locaux en juillet 2001.

Un des avantages de la mise au point d’un label de commerce équitable local est la possibilité d’élaborer des normes valorisant des produits demandés unique-ment sur le marché interne.

Si Comercio Justo Mexico a organisé l’élaboration des normes, l’association ne prend cependant pas en charge les inspections et certifications d’organisation de producteurs. Ces dernières sont assurées par une agence de certification reconnue au niveau internatio-nal : Certimex. Un système de commercialisation des produits du commerce équitable a également été pré-vu, permettant aux petits producteurs d’entrer sur le marché collectivement. [37]

Autre différence : « la définition de Comercio Justo México mentionne la notion de qualité intégrale des produits, et évoque le rôle du consommateur, tandis que celle de FLO semble considérer ’ l’accès équitable aux marchés’ comme le seul objectif du commerce équitable ».[37]

Pour les prix minimum en ce qui concerne le café, le label mexicain s’est aligné sur FLO, en ce compris la

prime de développement. Cependant, les conditions de crédit et de préfinance-ment ne sont pas envisa-gées par le règlement de Comercio Justo México.

Le label mexicain a aussi développé une initiative origi-nale en la « Norme pour l’En-treprise Mexicaine de Com-merce Equitable ». Cette référence à la commercialisation collective entre diffé-rents groupes de petits producteurs épouse une vision plus complète du commerce équitable en intégrant l’aspect de la commercialisation. Dans le même esprit, une « Norme pour les Points de Vente Certifiés de Commerce Equitable » concerne les distributeurs qui établissent un contact direct avec le consommateur dans le système de certification du Commerce Equi-table.

A l’aune de l’expérience mexicaine, la norme « équitable » ne se trouve en rien bradée par la certifica-tion nationale. Tristan Lecomte, l’ancien directeur d’Al-ter Eco, n’est d’ailleurs pas inquiet de la montée de ces labels venus du Sud : « Développer des labels de com-merce équitable au niveau national, ce sera toujours mieux que ce que fait FLO en termes de certification. Ce label se tourne de plus en plus vers les gros acteurs de production, ils ont une politique au rabais tirant le commerce équitable vers le bas. Les contrôles, le prix minimum et la qualité des produits sont de plus en plus discutables. C’est un système qui s’apparente de plus en plus à du business. »

Au Mexique, la création d’un label national est à mettre en relation avec un fait international de la région : l’inté-gration de l’économie mexicaine à l’espace nord-américain par l’ALENA (Accord de Libre Echange Nord Améri-cain) en 1994. Cet accord prévoit l’intégration totale des économies du Canada, des USA et du Mexique avec libre circulation de l’ensemble des biens. Bilan pour le Mexique : de 1994 à 2002, le PIB agricole décroît de 3% tandis alors que le PIB national croît de 0,94%. Le nombre d’emploi perdus entre 1993 et 2000 dans le secteur rural est de 1,7 millions, dont 600 000 liés à la production de grains de base. De productrice de cultures vi-vrières, l’agriculture mexicaine devient exportatrice de cultures de rente. Sa composition est significative : au-jourd’hui, le café, les fruits et les légumes frais constituent la majeure partie des exportations, tandis que la plus grande partie des importations est formée de produits de base et de céréales pour la consommation animale.

Par ailleurs, l’exode rural bat son plein : 600 paysans abandonnent chaque jour leurs terres pour émigrer vers les villes ou les Etats-Unis. [38]

La création du label équitable mexicain doit être compris comme une réaction politique, la proposition d’un autre modèle de développement face au virage libéral des années nonante. C’est pour cela que même si l’op-tion stratégique prise par Comercio Justo México est de cibler en priorité les marchés de consommation de masse, les producteurs de commerce équitables ne peuvent être que de petites organisations locales.

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Cette force d’aller de l’avant fait écho à l’initiative de l’International Resources for Fairer Trade (IRFT) en Inde. Cette organisation veut la création de labels et de normes équitables propres au marché indien.

Lancé en 2006, son projet « Promoting Fair Trade in India » (PROFIT)* promeut le concept de commerce équitable auprès des consommateurs et des décideurs du pays. Il vise à « développer des règles et des cri-tères pour le commerce équitable adaptés au contexte local, ainsi qu’un système de certification et de suivi. » L’objectif final de PROFIT est de permettre aux petits producteurs marginalisés d’accéder au marché, et ce dans une perspective de production plus équitable. Quarante mille producteurs profiteraient de ce nouveau débouché. [33]. Le Trade for Development Centre de la CTB (l’Agence belge de développement) a financé en partie (25.820 €) le lancement et la mise en oeuvre de ce projet pendant 2 ans et demi.

Dans ce marché énorme que représente l’Inde, tout était à faire : créer les standards, la certification et le monitoring du label, construire une campagne de com-munication, développer la capacité de petits produc-teurs, développer un réseau de distribution.

"Shop for a change", le nouveau label indien, insiste sur le fait de penser en termes de business plutôt que d’ONG. S’ils demandent des critères non négociables pour la transparence et la comptabilité, le renforcement des capacités des producteurs et les conditions de travail, les producteurs proposent aussi la possibilité d’indicateurs progressifs du respect des normes, leur donnant du temps pour s’organiser et adhérer aux standards.

Enfin, s’ils envisagent d’intégrer directement les pro-ducteurs qui seraient certifiés WFTO ou FLO, les pro-pos tenus lors de la session finale de leur première réunion ne laissent pas de doute sur la distance qu’ils prennent avec ces labels : « nous avons besoin d’ap-prendre des erreurs des organisations des labels du fair trade – avoir de l’expertise, garder de faibles coûts. Nous ne devrions pas suivre FLO ou le modèle euro-péen. Nous devrions ambitionner d’être une tierce partie de certification pour FLO. »**.

C'était en mars 2008. Trois ans plus tard, "Shop for change" a établi des standards sociaux et environne-mentaux pour pouvoir fournir une certification aux fer-miers (Generic Standards for Agricultural Supply Chains).

* Ce projet est cofinancé par l’Union Européenne, Traidcraft, le Fair Trade Centre de la CTB et IRFT. http://www.profit.org.in/mainpage.htm ** Shop for Change, First Meeting of the Producer Group, Hyderabad, 8 mars 2008 et http://shopforchange.in/

Un label pensé en fonction des spécificité des produc-teurs et marchés locaux. Les standards pour artisans et compagnies suivront.

Les standards de "Shop for change" se déclinent au-tour de plusieurs critères : des conditions de travail saines et sûres, des salaires légaux, des pratiques de production durable, une transparence comptable, des relations équitables et durables entre producteurs et acheteurs, et enfin le renforcement des capacités des producteurs.

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« Shop for Change » entend développer un système qui abaisse les barrières entre le producteur et le com-merce équitable, tout en réduisant la dépendance entre les organisations de commerce équitable déjà en place sur le marché international.

Les standards émis comportent cependant quelques points inquiétants. Au niveau des salaires, le label in-dien demande au moins..."le salaire minimum légal", ce qui en Inde n'est pas un salaire permettant de me-ner une vie décente, mais à peine de survivre. Aussi, si ce critère n'est pas revu dans les deux prochaines années (période d'observation prévue pour développer SFC), des ouvriers indiens pourraient vivre dans une misère continuelle. Cette mesure signifierait un recul considérable dans les standards du commerce équitable.

Jusqu’en 2009, aucune des organisations octroyant le label « Fairtrade » (comme Max Havelaar) ne se trouvait dans un pays en dé-veloppement. Cette carence est depuis lors comblée avec la création du « Fairtrade Label South Africa ». Sa raison d’être : construire un marché national pour les produits sud-africains labellisés « Fairtrade » ; à savoir du thé, de la sauce chili, du café, et beaucoup de vin, le tout produit par une soixantaine de coopératives locales.

Et le succès est au rendez-vous. En 2010, les Sud-Africains ont acheté pour 18,4 millions de rands (1,7 million d’euros) de produits équitables, ce qui représente une hausse de 323% par rapport à 2009.

Ce premier « Max Havelaar » dans un pays en développement augure-t-il d’un raz de marée ? L’organisation inter-nationale de certification y croit dur comme fer. « Il y a déjà beaucoup d’intérêt de groupes en Amérique latine, Asie et Europe de l’Est qui veulent développer les ventes équitables dans leurs pays. » [34]

Le Kenya est le second pays à proposer le label Fairtrade à ses consommateurs. L’entreprise Dormans Coffee a pris les devants en introduisant, au troisième trimestre 2010, sa marque de CAFE SAFARI Kenya certifiée Fair-trade. Le Kenya Tea Development Authority (KTDA) ­ l’Office du développement de l’industrie théière du Kenya -, un acteur majeur dans le secteur du thé, a également exprimé son soutien envers l’initiative.

La question fondamentale était de savoir si les Kenyans étaient prêts à consommer des produits équitables. Fair-trade Africa, (le réseau régional de producteurs africains inscrits dans les registres de Fairtrade International, a demandé à l’Université de Cambridge d’étudier la question, … et les résultats ont mis en lumière un énorme po-tentiel de croissance. Non seulement le Kenya compte de nombreux expatriés, déjà conscientisés au commerce équitable dans leurs pays d’origine, mais le pays dispose également d’une classe moyenne de plus en plus impor-tante, sensible au développement de l’Afrique.[35]

Autre entorse, le travailleur a le droit de négocier "collectivement ou individuellement" son salaire. Cette dernière "liberté" risquerait de se retourner contre les syndicats et les travailleurs eux-mêmes, mis individuel-lement en concurrence pour de plus bas salaires.

Enfin, SFC prévoit une évaluation par une tierce partie mais également un système de contrôle par le produc-teur lui-même (le "Participatory Assessment System" - PAS). L'avantage serait la sensibilisation et prise de conscience plus importante de la part du producteur.

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Depuis 2006, la CLAC (Coordinadora Latinoamericana de Pequeños Productores de Café) travaille en collaboration avec d’autres organisations solidaires en Amérique latine pour concevoir un nouveau label, réservé exclusivement aux petits producteurs. Ce « Symbole des Petits Producteurs »* a été lancé officiellement en novembre 2010 au Honduras, lors de la 4ème Assemblée Générale de la CLAC.

Comme le précise la Coordination nationale du commerce équitable au Pérou (CNCJ), cette initiative est née en réaction à Fairtrade International (FLO) : « FLO, l'or-ganisation internationale qui certifie le commerce équitable dans le monde, a permis l'entrée de grands opérateurs commerciaux, au détriment des petits producteurs ».

Ce nouveau label, tout d’abord ouvert aux organisations de producteurs dans tous les pays d'Amérique latine et des Caraïbes, a été récemment étendu aux producteurs d'Afrique et d'Asie. Il dispose d’une grille complète de critères concernant la produc-tion, l’aspect organisationnel, le management, le respect de l’environnement, la ges-tion des relations entre producteurs et acheteurs,…

Pour Arnaud Deharte, du programme de volontariat Uniterra, « Il est intéressant de souligner que ces critères ont été établis par les représentants d'organisations de petits producteurs eux-mêmes. Ceux-ci ont créé l'organisation FUNDEPPO (la Fon-dation des Petits Producteurs Organisés), basée aujourd'hui dans la ville de Mexico, afin de s'assurer que le Symbole bénéficie réellement aux petits producteurs, à leurs communautés et aux consommateurs. »

* www.tusimbolo.org

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Né en 2004, la Cooperation for Fair Trade in Africa [39] (COFTA) est un réseau interna-tional d’organisations de producteurs de commerce équitable sur le continent afri-cain.

Membre de la WFTO, l’Organisation mondiale du commerce équitable, ce réseau africain veut renforcer la capacité de ses membres à développer leurs marchés en développant des produits de qualité et en leur donnant les moyens nécessaires à travers le partage d’information, structures et principes du commerce équitable. COFTA est aussi la voix des producteurs sur la scène régionale et internationale.

Actuellement, le réseau est composé de 70 organisations membres issues de 20 pays. Il s’agit surtout de producteurs d’artisanat, mais aussi de cultivateurs de thé, café, vanille, miel, fruits sec, jus et textiles.

Encore très anglophone, COFTA, dont le siège se trouve à Nairobi (Kenya), travaille également à l’échelle des pays, développant et renforçant des réseaux nationaux de commerce équitable au Kenya, mais aussi en Tanzanie, au Rwanda et au Swaziland. D’autres au Sénégal et au Zimbabwe sont en préparation.

COFTA décline quatre axes stratégiques :

les services rendus aux membres (avec entre autres un programme de renforce-ment des compétences)

la recherche de membres et le renforcement du réseau

les campagnes et lobbies en faveur du commerce équitable (via ateliers, sémi-naires, actions de plaidoyer, médias,…)

l’accès au marché

Parmi les projets de COFTA : une certification pour les organisations africaines de commerce équitable.

Si les ventes du commerce équitable ont connu une croissance remarquable ces dernières années, beaucoup de petites structures, faute de certification et donc de reconnaissance de leurs conditions de travail, sont restées en marge de cette pro-gression financière.

Pour pallier cette situation et en lien avec l’environnement, la WFTO a lancé en mai 2007 une nouvelle certification appelée le « Sustainable Fair Trade Management Sys-tem » (SFTMS).[40] Ce système de gestion durable du commerce équitable sera attri-bué non pas à des produits mais à des organisations travaillant dans des conditions environnementales durables et respectant les principes du commerce équitable. Selon la WFTO, le SFTMS fonctionnerait comme un standard générique servant de plateforme pour intégrer toutes les dimensions du développement durable. Le tout à

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destination des producteurs marginalisés. Pour la WFTO, «les Standards Internationaux sont typique-ment faits pour les ‘big businesses’ ». Ce standard est taillé pour les besoins et la réalité des petites organisa-tions, et spécifiquement pour améliorer les conditions de vie des petits producteurs en leur fournissant un accès aux principaux marchés. Les coûts de certifica-tion notamment seront faibles.

Cette certification intéresse forcément COFTA. Les artisans africains évoluent dans de petites structures rurales, ils sont peu organisés et peinent, faute d’infrastructures suffisantes, à rencontrer les de-mandes d’une économie globalisée. Jadis, leurs pro-duits étaient majoritairement écoulés dans des mar-chés solidaires, moins exigeants sur la qualité, la ges-tion des volumes ou les délais de livraison.

Mais, constate COFTA, le marché de la solidarité change et ces carences ne sont plus acceptables. Il est temps pour eux de saisir l’opportunité d’une gestion environnementale efficace pour grandir rapidement. Cette opportunité, c’est le SFTMS. COFTA développe un projet « certification et SFTMS » pour aider les orga-nisations de commerce équitable à saisir rapidement la logique du système et à participer à sa finalisation. En-suite, une fois ce standard prêt, COFTA va développer des structures d’appui pour les petites structures qui souhaiteront répondre aux exigences de la certification.

Le programme de COFTA cible cinq pays africains (Tanzanie, Ouganda, Rwanda, Afrique du Sud et Séné-gal). Il est soutenu par le Trade for Development Centre de la CTB.

Ibrahim Keita, cotton farmer, Batimakana, Kita, Mali 2007 ©Simon Rawles

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Le Brésil a réussi en matière de commerce équitable ce que tout pays rêve de réussir : l’union sacrée. La plateforme nationale « Faces do Brasil » [42] coordonne les acteurs et actions du commerce solidaire*. Tout le monde est là : les ONG**, les organisations de produc-teurs*** et diverses entités du gouvernement brési-lien****.

Ce rassemblement d’acteurs disparates pourrait faire penser à une usine à gaz équitable engoncée dans les contradictions de ses acteurs. Il n’en est rien. « Faces do Brasil », née en 2001, s’affirme comme un projet politique, visant à des transformations sociales. La plateforme se concentre sur le marché national, le développement local et la sécurité alimentaire des communautés brésiliennes. [43]

Le gouvernement a reconnu le commerce équitable en tant que politique sociale. Le concept, les principes et les critères ont été uniformisés au niveau national et

* “Faces do Brasil” fait appel à deux concepts : commerce équitable et commerce éthique solidaire. ** FASE Nacional, Kairós, FundaçãoFriedrich Ebert, VisãoMundial, OndaSolidária, IMAFLORA, ÉticaDESER, Cáritasdo Brasil. *** UNISOL, RBSES, ADS-CUT, UNICAFES, ACS-Amazônia, RedeCerradoe FETRAF. **** SENAES –MTE,SAF-MDA, SDT-MDA and SEBRAE Nacional. ***** Des habitants d’anciens villages d’esclaves. ****** Faces do Brasil 2006 cité par l’étude de Fitipaldi.

coulés dans la Loi du Système Fair Trade Brésilien (2007). Ce cadre législatif permet de stimuler les canaux de production basés sur ces principes. En si peu de temps, difficile de faire mieux.

Faces do Brasil s’est ainsi réapproprié le concept de l’équitable lors d’une procédure transparente et partici-pative conduite par le Fórum de Articulação do Comé-rcio Ético e Solidário do Brasil [44]. Le commerce équi-table et solidaire est alors défini comme « un flux com-mercial différencié qui établit des relations éthiques et solidaires entre tous les maillons de la chaine de pro-duction, avec pour résultats une forme de renforcement des travailleurs, des paysans et de leur famille, des peuples indigènes, des quilombola*****, des mineurs et paysans qui sont désavantagés ou marginalisés par le système conventionnel des relations commer-ciales »******. Cette initiative nationale a construit un commerce solidaire sur base des mouvements existants au Brésil. La différence avec le commerce équitable “officiel” se marque notamment au niveau des intentions et des objectifs.

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Comme le fait remarquer Rosemary Gomes, membre de FACES do Brasil, il ne s’agit pas ici de responsabilité sociale de grandes entreprises ou de demandes de consom-mateurs du Nord qui ont l’impression, en achetant les produits de pays pauvres, de contribuer a un meilleur monde. Selon l’étude de José Fitipaldi, un consensus crois-sant émergeait autour du fait que le commerce équitable, vu essentiellement comme une relation Nord-Sud, était un vecteur insuffisant et exogène pour rencontrer les objectifs sociaux et environnementaux brésiliens.

Or, Faces do Brasil insiste sur les principes de proximité et de transparence entre producteurs et consommateurs. Il fallait donc développer une certification spécifique au contexte national. Ce qui devint un peu plus concret en novembre 2010, lorsque, juste avant la fin de son mandat, le président Lula da Silva signait une loi organisant la mise en place à la fois de normes d’encadrement, mais aussi d’un système d'accré-ditation pour la certification du commerce équitable et solidaire, ou encore un dia-logue permanent pour promouvoir la justice sociale à travers le commerce.

Une convention de partenariat entre les grandes et moyennes surfaces (GMS) et le ministère des affaires économiques a été signée lors du Salon international de l’éco-nomie sociale et solidaire qui s’était tenu en juin 2008 à Casablanca. L’objectif était d’accompagner une cinquantaine de producteurs locaux, constitués en Groupement d’intérêt économique (GIE), et de les préparer à la mise en vente de produits «Economie sociale et solidaire» (ECOSS) dans les GMS marocaines. [41]

Le gouvernement marocain prend également les choses en main. En novembre 2011, le ministère chargé des affaires économiques et générales a déposé un projet de loi fixant les modalités de reconnaissance du commerce équitable. Seuls les orga-nismes reconnus administrativement par la Plateforme nationale du commerce équi-table seraient habilités à publier la mention «Reconnu par I’Etat marocain comme organisation de commerce équitable», ainsi qu’à apposer leur propre label, ou le La-bel national du commerce équitable (LNCE).

Depuis 2007, le commerce équitable s’est structuré sur l’île dans le cadre de l'Association nationale du commerce équitable et solidaire de Madagascar (ANCESM)*. Regroupant des producteurs, organismes d'appui et exporta-teurs, les activités de l'association se focalisent surtout sur l'appui (technique et conseils) et l’accompagnement des membres en matière de production et de commercialisation. L’ANCESM compte actuellement 50 membres répartis dans 9 régions du pays. Elle espère agrandir son réseau par une sensibilisation d’autres acteurs et tisser des rela-tions de partenariat avec les réseaux étrangers du commerce équitable. Depuis peu, l’ANCESM a créé le label CES, en fait une marque collective réservée à ses membres et garantissant aux consommateurs que les produits achetés sont issus d'une structure respectant les principes du commerce équitable.

L’Etat malgache a, de son côté, créé en Octobre 2011 le Comité interministériel d'appui au commerce équitable et solidaire. Pour Joséphine Razanaseta, la présidente di CIACESM : « Le commerce institutionnel est caractérisé par la rude concurrence. C'est un cercle vicieux, car parfois, les plus faibles sont défavorisés. La rectification de cette situation est la raison d'être du CIACESM. Le commerce équitable et solidaire est la solution. Jusqu'ici, il est consti-tué, en général, par le secteur de l'artisanat, les broderies, les sculptures, la vanille, etc. mais il se propagera certai-nement dans d'autres domaines ».** La ministre du commerce, Eva Razafimandimby, précise quant à elle « que le commerce équitable et solidaire aide aussi à bannir le travail des enfants et à rapatrier des devises ». En 2010, il a permis de faire rentrer 200.000 Euros au pays.

*www.commerce-equitable-madagascar.org ** Source : Midi Madagasikara du lundi 10 octobre 2011, n°8563

L’huile d’argan, l’or du Maroc

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Cette Table a été mise sur ses quatre pieds en octobre 2004, dans le cadre du Fo-rum National de Commerce Équitable au Pérou. Elle réunit les organisations et les réseaux du commerce équitable, communautaire et éthique solidaire d’Amérique latine. La Mesa de Coordinación Latinoamericana de Comercio Justo (MCLACJ) coordonne le développement du commerce équitable local et Sud-Sud à l’échelle du sous-continent. Parmi ses membres, la Table peut compter sur les réseaux Com-merce Équitable du Chili, de l’Uruguay, du Mexique, de l’Argentine, sur le Groupe Réseau Économie Solidaire du Pérou, ou encore sur « Faces do Brasil ». [45]

Mais ce réseau, comme la CLAC (Coordinadora Latinoamericana de Pequeños Pro-ductores de Café)** [46] ou RIPESS ne se contente pas de jouer les ‘secrétaires’ des instances nationales. Il témoigne de la volonté de l’Amérique latine de prendre en

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Fondé en 2003 et basé à Nairobi, KEFAT (Kenya Federation for Alternative Trade) est le réseau kenyan des organisations de commerce équitable. Ce membre de COFTA et de l’Organisation mondiale du commerce équitable (WFTO) compte 34 affiliés, dont la plupart sont des groupes de producteurs ou des associations de régions et de cultures différentes. Des associations de la société civile ou de développement impliquées dans la promotion du commerce équitable les ont également rejoints.

KEFAT multiples les actions de soutien aux producteurs via l’organisation de ren-contres (forums sociaux), de formations et de mise en réseau régional et internatio-nal., avec notamment pour objectif développer les ventes de produits kenyans sur le marché local.

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Le Groupe-Réseau d´économie solidaire du Pérou [49] (GRESP), une association créée en 1998, entend renforcer les relations et les échanges entre les acteurs péruviens d´économie solidaire.

Sa mise sur pied correspondait à la volonté de divers réseaux d’agir en marge de la Rencontre Internationale sur l’Économie Solidaire de Lima en 1997. Le GRESP en-tendait alors ouvrir un « courant de l’économie solidaire ». [50]

Le GRESP insiste beaucoup sur le partage de savoir, de compétences et d’expé-riences. Il se concentre surtout sur le territoire péruvien. Ainsi, révélateur de cette double priorité, l’organisation péruvienne est venue en France en mars 2009 [51] pour chercher, non pas des débouchés commerciaux, mais des informations et conseils sur le développement d’un réseau de magasins à économie solidaire.

Au Pérou, le GRESP appuie aussi les formations de Groupes d´Initiatives d´économie solidaire (GIES), il forme et informe le réseau, forts de 33 organisations et de 17 groupes d´initiative d´Economie Solidaire (Grupos de Iniciativa de economía solidaria - GIES) dans les différentes régions du Pérou.

En guise d’introduction au website de « Maquita Cushunchic Comercializando como Hermanos » (MCCH) [54], un vieux sage à la barbe blanche s’enthousiasme de l’auto-nomie des communautés équatoriennes indigènes. Couvert par le sourire d’une femme quichua, il parle « réconciliation » et « dignité », une croix en bois autour du cou. Ce monsieur s’appelle Graziano Mason, un prêtre italien présent en Amérique latine depuis des décennies, et fondateur avec les populations du Sud de Quito du MCCH.

Vivre dans une foi libératrice est le premier principe adopté par MCCH, et rapidement, l’amélioration des conditions de vie des communautés indigènes suit. Ce mouve-ment, au début cantonné dans les quartiers sud de Quito, s’est étendu à tout l’Equa-teur.

Les organisations populaires, communautaires, artisanales, paysannes, et de produc-teurs sont la raison d’être de MCCH. L’association appuie la formation de leurs diri-geants afin de les renforcer tant dans la production que dans la négociation de leurs droits. Pour commercialiser les produits, MCCH a créé la « Maquita solidaria », une entreprise qui distribue des aliments agroindustriels, de l’artisanat et divers produits andins.

MCCH se tourne aussi vers l’étranger avec une entreprise de cacao fin dont les ex-portations sont à 80% à destination de l’Europe.

« Maquita Cushunchic Comercializando como Hermanos », enfin, a mis sur pied de nombreuses activités au profit de ses communautés : un réseau de magasins com-munautaires, du tourisme alternatif, un fonds de solidarité, la promotion de l'artisanat. Des services également sont disponibles comme une coopérative bancaire, des for-mations techniques, des campagnes d'alphabétisation et de sensibilisation au déve-loppement durable. [55]

L’association est partenaire en Belgique d’Oxfam-Magasins du monde.

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main ‘son’ commerce équitable. Elle entend participer à la définition d’un commerce juste adapté à sa réalité sociologique. [47] La Table a notamment proposé une ré-flexion sur l'émergence de la proposition du commerce équitable dans le Sud lors du 5ème Forum Social Mondial à Porto Alegre. [48]

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Le commerce équitable a débarqué relativement tard dans les multiples îles des Phi-lippines. Dans les années quatre-vingts et suite à la « crise du sucre », les conditions de travail des ouvriers et leur salaire ont commencé à poser question. En 1995, Ox-fam a fait office de pionnier dans le pays en développant un programme de com-merce équitable. [56]

Deux ans plus tard et parallèlement à ce programme, l’Association of Part-ners for Fairer Trade (APFTI) voyait le jour. En 2001, les initiales ont été main-tenues mais elles signifient dorénavant « Advocate of Philippine Fair Trade Inc ».

L’APFTI a une approche du commerce équitable qui s’inspire fortement du concept de la responsabilité sociale des entreprises. Elle cible les micros et petites structures et les soutient dans un développement durable de leurs activités. L’aspect « business » reste très présent (un exemple parmi d’autres, APFTI pense qu’une poli-tique du genre est « bon pour le business ». C’est pourquoi ils adhèrent aux stan-dards Fair trade de l’équité du genre…).

Certifiée par WFTO, cette association a déjà appuyé plus de 1000 entreprises à tra-vers son « développement entrepreneurial intégré », un service de 6-9 mois qui fournit une assistance technique et des conseils très appréciés.

Ces dernières années, l’Advocate of Philippine Fair Trade Inc. s’est attelé à la fois à sensibiliser les producteurs au commerce équitable, à ouvrir le marché local aux pro-duits équitables philippins, et à informer l’opinion publique de l’existence de ce com-merce plus juste. L’APFTI a notamment réfléchi à des indicateurs et standards de certifications spécifiques au commerce équitable des Philippines, avec une marque propre au marché local.

Avec le soutien de la Commission européenne, l’APFTI a lancé l’initiative « MaDe for Fair Trade » (MArketing DEvelopment for Fair Trade) dont l’objectif est d’ancrer dura-blement le commerce équitable tant chez les producteurs que dans les habitudes de consommation des Philippins. Ce projet comprend des études de marchés, la créa-tion d’un label et son lancement, le soutien de producteurs pour l’application des principes du commerce équitable ou encore l’ouverture de sept magasins dans des points clés de la vie commerciale du pays.

Ainsi, le premier Fair Trade Shop a ouvert le 8 août 2009 à Cebu et fut suivi le 7 oc-tobre par un deuxième à Cagayan de Oro. Les passants lèche-vitrines du coin y dé-couvrent les créations de 32 producteurs locaux, dont certaines spécifiquement dé-diées au marché domestique. Sont annoncés des pâtisseries, du thé, du café, de la confiture, des accessoires de mode, de la décoration d’intérieur, du papier ou encore des produits de beauté. A l’occasion de l’ouverture de ces magasins, le Directeur exécutif d’APFTI, Vincente Roaring, affirma : « nous croyons que les petites entre-prises sont les combattants du développement et en dépit des nombreux challenges auxquels elles doivent faire face, elles continuent résolument à fournir de l’emploi et de la sécurité sociale aux familles et communautés ». [57]

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À l'occasion de la Journée mondiale du commerce équitable, le 7 mai 2011, Fair Trade Forum India a lancé le premier label destiné aux magasins indiens sous le nom de « FAIR TRADE INDIA ». « Le label ‘Fair Trade India’ nous offre une belle opportunité d'atteindre les con-sommateurs conscients, d'autant plus qu'il s'agit d'une initiative pa-nindienne », nous confie Indraani Singh, le fondateur du magasin Indha et de Literacy India, l'organisation de commerce équitable pro-priétaire du magasin.

Et Iytha Mallikarjuna, le Directeur général du Fair Trade Forum India* de poursuivre : « Le label « Fair Trade India » sera octroyé aux maga-sins vendant des produits assurant aux artisans et agriculteurs pro-ducteurs locaux un revenu équitable et une vie digne. Il garantit aussi la mise en oeuvre de pratiques respectueuses de l'environnement tout au long du processus de production. »

En définitive, le label « Fair Trade India » identifie les magasins où le consommateur responsable trouvera des produits équitables. Ce label est une garantie que le conte-nu et le rapport prix/qualité offerts aux consommateurs contribuent au développe-ment des petits producteurs locaux, à tous les maillons de la chaîne d'approvisionne-ment.

Les magasins dotés du label « Fair Trade India » ont rejoint la famille des réseaux de magasins équitables tels que les Magasins du Monde en Europe. Plus de 100.000 artisans et agriculteurs producteurs indiens ont ainsi déjà opté pour l'équitable et visent à séduire les consommateurs responsables avec leurs produits.**

*Fair Trade Forum India (FTF-I) est le réseau national du commerce équitable indien. Il compte, à ce jour, 85 organisations de com-merce équitable membres et offre à travers elles des opportunités d'autonomisation sociale et économique à plus de 100.000 artisans et agriculteurs producteurs locaux. ** Source : Organisation mondiale du commerce équitable (WFTO).

“Betterday”, lancée par MDI, est la toute première marque certifiée équitable dans un pays en développement. Elle se vend au Vietnam et dans d’autres pays d’Asie.

MDI est née de l’esprit de deux coopérants chevronnés. Après avoir mené de nombreux projets de développement, Minh Tuyet Nguyen et Dominic Smith voulaient briser à tout prix le cercle vicieux de la pauvreté qu’ils avaient tenté de combattre toutes ces années.

En 2007, ils décident de fonder une entreprise sociale pour commer-cialiser du thé selon les principes du commerce équitable. Ils partent en montagne et commencent à travailler avec des communautés locales isolées vivant dans des conditions très rudes.

Ils gagnent leur confiance, les aident à s’organiser, leur apprennent à récolter les meilleures feuilles de thé et à les transformer en thé de qualité.

MDI emploie aujourd’hui 20 personnes enthousiastes et collabore avec quelque 1000 familles d’agriculteurs dont les produits s’expor-tent au Danemark, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, à Hong Kong et au Japon.

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Ils mettent aussi un point d’honneur à ce que leur gamme de produits, qui compte à présent du café et des noix de cajou, soit également vendue au Vietnam et dans d’autres pays en développement : “Tout le monde mérite d’avoir accès à des produits de qualité et socia-lement responsables”, affirme Dominic Smith. Avec la commercialisation de leur marque “Betterday” sur le marché asiatique (“better quality, better health – tous ces produits sont de culture biologique - and better for society”), ils contestent l’idée largement répandue que le commerce équitable ne s’adresserait qu’au milliard d’habitants des pays plus aisés du Nord.

Dominic Smith résume en ces termes l’objectif final de MDI : « Nous voulons que les produits que nous fabri-quons avec nos partenaires agriculteurs soient recon-

nus comme étant de qualité supérieure, même si les gens qui les produisent sont issus d’un pays moins développé, » [58]

© The Fairtrade Foundation

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A la lecture de la présentation, non exhaustive, de ces quelques initiatives de com-merce équitable à travers le Sud, la perception même du terme « équitable », ainsi que les finalités du commerce varient.

L’Afrique, notamment l’Afrique de l’Ouest, entend développer son label régional. Le développement du commerce équitable local en est à la phase « pilote ». Les éner-gies se fédèrent et bientôt devrait émerger un commerce équitable africain fort.

En Amérique latine, où la ‘tradition’ du commerce équitable est ancrée depuis très longtemps, ce commerce comporte une puissante dimension politique. Le commerce équitable est non seulement une source de revenus, mais aussi (surtout ?) une ma-nière de jouer un rôle politique sur la scène nationale, plus particulièrement pour dé-fendre les droits des peuples indigènes. Ce commerce équitable local devient un étendard des populations marginalisées. Il se présente comme une force de résis-tance face aux exportations qui mettent à mal les conditions de vie des producteurs locaux ; comme une alternative également à un commerce équitable qui s’ouvre de plus en plus aux plantations pour satisfaire la demande des grands groupes mon-diaux, en oubliant peut-être un peu trop les organisations de petits producteurs.

Avec un fair trade devenu politique sociale étatique, comme au Brésil, cette dimen-sion ‘contestataire’ risque-t-elle cependant de disparaître ? Le commerce équitable deviendrait alors un ‘simple’ outil gouvernemental de politique sociale. En fonction des sensibilités, une telle intégration sera perçue soit comme l’ultime étape d’une réussite, l’exception devenant la norme, soit comme un échec cuisant, le moteur de changement étant récupéré par les décideurs.

Le commerce équitable local version indienne et philippine apparaît moins sensible à cette tension entre affaires et combat politique. Il s’inscrit surtout dans une vision d’un marché pouvant, par ses pratiques et ses débouchés, améliorer le sort des pro-ducteurs. L’acte d’achat n’est pas appelé par une forme de solidarité, une conviction idéologique. Le commerce équitable accepte les logiques de concurrence tout en soutenant des entreprises qui développent une réelle attention sociale.

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©

Par des pratiques équitables tout au long du processus de fabrication d’un produit, le marché vient ainsi en aide en octroyant plus de ressources à des producteurs qui n’ont que peu de place dans le commerce local et/ou national.

L’absence de revendications plus politiques peut aussi s’expliquer par la nature de certains régimes forts. Ainsi, le commerce équitable vietnamien est dynamique, mais son action ne peut s’inscrire que dans la sphère économique.

Dans le commerce équitable, les bananes sont plus que des bananes. Les citoyens marquent par leur consommation un lien avec des valeurs, des idées et des produc-teurs à des milliers de kilomètres d’eux. Ils affirment leur conscience de la mondialisa-tion, et la réclament plus équitable.

L’acte d’achat et de vente mobilise également. Des organisations du commerce équi-table comme Oxfam rassemblent des milliers de bénévoles, dont certains sont moins sensibles aux discours de Chomsky ou Bové qu’au sort concret du paysan colom-bien qui est sur le paquet de café et a l’objectif de le vendre (le paquet, pas le pay-san).

Avec une relocalisation du commerce équitable, où les commerces locaux auraient la priorité sur les exportations, les militants pour un monde plus juste perdront-ils dans leur mission de sensibilisation un allié précieux, installé chaque jour dans leur cui-sine ? Il n’est toutefois pas nécessaire d’opposer commerce équitable local (au Sud) et commerce équitable Nord-Sud. S’ils sont menés dans le respect des produc-teurs, les deux participent à l’amélioration des conditions de vie d’une population marginalisée. N’oublions pas que le commerce équitable représente moins d’un pourcent du commerce mondial. Toute forme d’un commerce juste doit être encou-ragée.

L’inquiétude la plus marquée sur le développement de commerce équitable au Sud et des labels l’accompagnant concerne la ‘partie négociable’ des valeurs du com-merce équitable. Lorsque Abdourhamane Gueye d’ENDA Sénégal parle de « valeurs universelles » et d’autres « spécifiques à notre marché », quelles sont-elles ?

Lors de son étude sur l’émergence d’un label mexicain de commerce équitable, Pierre Johnson [59] concluait qu’à la lumière des entretiens avec divers acteurs mexi-cains du fair trade, il existait « une appréciation différente de ce qu’est le commerce équitable » entre FLO et la vision mexicaine*. Là où « les normes de FLO se centrent sur les conditions commerciales d’accès des producteurs aux marchés internatio-naux, celles de Comercio Justo México mettent l’accent sur le développement des organisations de petits producteurs ». Pour le label mexicain et le label des petits producteurs, d’ailleurs, et à la différence de FLO, les organisations indépendantes de petits producteurs sont le seul type de producteur légitime pour le commerce équi-table. Exit donc les plantations privées employant de la main-d’oeuvre.

* Les deux labels sont cependant proches. Comercio Justo Mexique est membre de FLO et reconnaît le label international sur son marché. FLO cependant refuse de reconnaître le label mexicain pour l’exportation. Lire : http://economiesocialequebec.ca/userImgs/documents/root/documents_gen/commerceequitablemexique2008.pdf

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Ces diverses déclinaisons d’un commerce plus soucieux de l’homme doivent être encouragées. En se réappropriant un mode de commerce pensé pour leurs popula-tions les plus marginalisées, les pays et acteurs du Sud entendent prendre leurs res-ponsabilités. Ils signifient un certain affranchissement par rapport aux acheteurs du Nord. Loin de toute aide venue des pays industrialisés, les initiatives d’un commerce équitable Sud-Sud s’appuient sur les forces locales. Elles peuvent, par effet d’entrai-nement, non seulement créer ou renforcer des filières économiques nationales, mais également vivifier le tissu social, valoriser des droits (du travail, de l’Homme) souvent bafoués. Le choix d’une consommation juste ne reviendra plus uniquement au con-sommateur du Nord, mais également aux revenus moyens des pays du Sud. A eux de manifester leur solidarité avec leurs producteurs, leurs citoyens moins bien lotis. Le débat d’une répartition équitable des ressources et revenus se posera avec d’au-tant plus de pertinence sur la scène locale. Le commerce équitable peut non seule-ment améliorer la vie du travailleur, mais également éveiller la conscience du citoyen.

A observer les tendances différentes dans l’approche continentale du commerce équitable, y aura-t-il autant de Sud que de commerce équitable ? Sans doute dans les nuances. Pas dans les fondements. Le commerce équitable devra veiller toujours à octroyer une rémunération juste des producteurs et travailleurs, organisés en coo-pératives, ou en organisations similaires, transparentes, contribuant au développe-ment économique et social de leurs membres, et contrôlées démocratiquement par ceux-ci. Sur ce socle d’exigences minimales seulement, les sensibilités locales, natio-nales et continentales pourront s’exprimer.

© CTB — Dieter Telemans

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Biodiversité / CTB (Coopération Technique Belge) / Circuit court / CNUCED / Commerce équitable / Economie sociale et solidaire / FLO-Max Havelaar / Résilience / Responsabilité sociale / WFTO

Diversité des êtres vivants qui peuplent la planète. Lors de la Conférence de Rio en 1992, la Convention sur la Di-versité biologique fut signée. Elle vise à protéger la faune et la flore sauvages ainsi que leurs habitats naturels, mais aussi le monde vivant, à l'exclusion de l'humain.

Source : Groupe One - InfoDurable

La CTB est l’agence belge de développement. Elle soutient, pour le gouvernement belge, les pays en développe-ment dans leur lutte contre la pauvreté. Outre cette mission de service public, la CTB exécute également des pres-tations pour le compte d’autres organisations nationales et internationales contribuant à un développement humain durable.

Pour soutenir le commerce équitable, la CTB lançait, en 2005, un programme de promotion générique du com-merce équitable, dénommé « Fair Trade Centre ». Ce centre a depuis lors changé de dénomination pour s’appeler le « Trade for Development Centre » et s’occuper également de commerce durable et d’aide au commerce dans les pays en développement.

Se dit d’un commerce dont la filière de production et de commercialisation comporte peu d’intermédiaires entre le producteur et l’acheteur, et se déroule sur une aire géographique limitée.

Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement. Créée en 1963, la CNUCED tente d’organi-ser des échanges commerciaux rééquilibrés entre le Sud et le Nord. C’est lors d’une de ses premières réunions que le Sud affirma son « Trade not aid », « du commerce, pas de l’aide ».

Partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Le commerce équitable contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs mar-ginalisés, tout particulièrement au Sud. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consomma-teurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel.

Source : FINE et Trade for Development Centre – Samuel Poos 2009

L’économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes (1 homme 1 voix), de solidarité entre membres et d'indépendance économique. Elle affiche ces cri-tères : libre adhésion, lucrativité limitée (pas individuelle), gestion démocratique et participative, utilité collective ou utilité sociale du projet, et mixité des financements entre ressources privées et publiques.

Source : Alternatives Economiques

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Fairtrade Labelling Organizations International. Créé en 1997, FLO est une association de 21 initiatives de labellisa-tion équitables (comme Max Havelaar en Belgique) situées dans plus de 21 pays. En janvier 2004, pour assurer l’indépendance du processus de certification, Fairtrade Labelling Organizations International a été divisée en deux organisations distinctes : FLO International e.V. et FLO-CERT GmbH.

FLO International e.V. établit des critères, standards du commerce équitable. Elle assiste les producteurs à travers le processus de certification et dans la recherche de marchés pour leurs produits.

FLO-CERT GmbH inspecte et certifie les producteurs et les importateurs sur base des standards développés par FLO International.

Source : IMO et Trade for Development Centre – Samuel Poos 2009

En écologie, la résilience est la capacité d'un écosystème ou d'une espèce à récupérer un fonctionnement et/ ou un développement normal après avoir subi un traumatisme. Appliqué aux villes, c’est la capacité de ces dernières à absorber les chocs extérieurs.

La responsabilité sociale (ou sociétale) des entreprises (RSE) est un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire. La RSE est un dérivé pour entreprises qui s’inspirent de la finance éthique, du commerce équitable, et du développement durable

Source : Livre vert de la Commission européenne sur la Corporate Social Responsability 2001

World Fair Trade Organisation, Organisation mondiale du commerce équitable. Elle a été créée en 1989 sous le nom d’IFAT (International Federation for Alternative Trade). Elle rassemble 220 organisations dans 59 pays : des groupes de producteurs, des organisations de commerce alternatif et d'autres opérateurs du commerce équitable d'Afrique, d'Asie, d'Australie, d'Europe, du Japon, d'Amérique du Nord et du Sud.

En 2004, la WFTO lançait son label d’organisation (Fair Trade Organisation Mark – FTO-Mark) applicable non pas aux produits mais bien aux organisations de commerce équitable.

Source : Trade for Development Centre – Samuel Poos 2009

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[1] POOS S., « Le commerce équitable en 2009 », Trade for Development Centre, octobre 2009.

[2] « Global Fairtrade sales increase by 22% », communiqué de presse, FLO, 4 juin 2009.

[3] CHARLIER S., HAYNES I., BACH A., MAYET A., YEPEZ I., MORMONT M., « Le commerce équitable face aux défis commer-

ciaux : évolutions des dynamiques d’acteurs / Partie 1: Modes de production et de consommation durables », UCL, Février 2006.

[4] YILMAZ M., « Le commerce équitable », Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, Suisse, dé-

cembre 2005.

[5] http://www.solidarmonde.fr/

[6] « Le commerce équitable, crise de croissance », dossier, Courrier de la Planète, avril 2009.

http://www.courrierdelaplanete.org/87/index.php

[7] PATUELLI A., « Un café équitable difficile à avaler », ITECO, 19 septembre 2006.

[8] http://www.guardian.co.uk/commentisfree/cif-green/2009/dec/12/fair-trade-fairtrade-kitkat-farmers et

http://www.fairtradelondon.org.uk/2009/12/08/fairtrade-kit-kats-and-mainstreaming-fairtrade-pros-and-cons/

[ 9 ] h t t p : / / f r . w i k i n e w s . o r g / w i k i / N e s t l % C 3 % A 9 _ a n n o n c e _ u n _ c h i f f r e _ d ' a f f a i r e s _ d % C 3 %

A9passant_les_100_milliards_de_francs_suisses

[10] http://www.courrierdelaplanete.org/87/index.php

[11] http://www.courrierdelaplanete.org/87/index.php

[12] LECOMTE T., GIRARD C., « Souveraineté alimentaire et commerce équitable », Rapport annuel du labo du commerce équi-

table, 8 Avril 2009.

[13] « Le commerce équitable à la croisée des chemins ? », rapport du colloque organisé par le Fair Trade Centre, 5 octobre

2006.

[14] « Le commerce équitable à la croisée des chemins ? », rapport du colloque organisé par le Fair Trade Centre le 5 octobre

2006, page 18.

[15] Pour un argumentaire complet sur la question : lire « Un commerce équitable Nord-Nord », une note d’information du Trade

for Development Centre : http://www.befair.be/fr/content/un-commerce-%C3%A9quitable-nord-nord#

[16] CHARLIER S., HAYNES I., BACH A., MAYET A., YEPEZ I., MORMONT M., « Le commerce équitable face aux défis commer-

ciaux : évolutions des dynamiques d’acteurs / Partie 1: Modes de production et de consommation durables », UCL, Février 2006.

[17] GOLAY C., « La crise alimentaire mondiale et le droit à l’alimentation », Cahier critique n° 3, CETIM, Genève, décembre 2008.

[18] id.

[19] Compte-rendu de l’atelier international sur la « crise alimentaire : les voix paysannes vers le voies de la souveraineté alimen-

taire », Conseil National de Concertation et Coopération des Ruraux (CNCR), Dakar, 21/23 janvier 2009.

[20] « Les régions, une échelle pertinente pour la souveraineté alimentaire », A.S., Transrural Initiatives – 4 juillet 2006.

[21] « Une approche pour le développement local : l’animation territoriale », Dynamiques paysannes, SOS Faim, numéro 15, juillet

2007.

[22] CHARLIER S., HAYNES I., BACH A., MAYET A., YEPEZ I., MORMONT M., « Le commerce équitable face aux défis commer-

ciaux : évolutions des dynamiques d’acteurs / Partie 1: Modes de production et de consommation durables », UCL, Février 2006.

[23] JOHNSON P. W., « Le commerce équitable au Mexique - Labels et stratégies », rapport remis à la Délégation Interministérielle

à l'Innovation Sociale et à l’Economie Sociale (France), 2004.

[24] id.

[25] DE LA FUENTE A., « Les émeutes de la faim font réfléchir », 4 septembre 2008.

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[26] CHARLIER S., HAYNES I., BACH A., MAYET A., YEPEZ I., MORMONT M., « Le commerce équitable face aux défis commer-

ciaux : évolutions des dynamiques d’acteurs / Partie 1: Modes de production et de consommation durables », UCL, Février 2006.

[27] Executive Summary, “The Flow”, IRFT, http://www.profit.org.in/indian-research-summary.pdf

[28] CHARLIER S., HAYNES I., BACH A., MAYET A., YEPEZ I., MORMONT M., « Le commerce équitable face aux défis commer-

ciaux : évolutions des dynamiques d’acteurs / Partie 1: Modes de production et de consommation durables », UCL, Février 2006.

[29] Pour plus d’information sur ce sujet, voir la publication du Trade for Development Centre : « Le commerce équitable, un com-

merce durable ? » : www.befair.be

[30] « Environnement et commerce équitable », Trade for Development Centre, Bruxelles, 2009.

[31] « Le commerce équitable à la croisée des chemins ? », rapport du colloque organisé par le Fair Trade Centre, 5 octobre

2006.

[32] Voir la vidéo ici : http://www.ftis2008.org/FichiersComplementaires/video5/video5.html

[33] http://www.befair.be/fr/articles/www-befair-be/1-accueil/le-commerce-equitable/enjeux-du-commerce-equitable/le-projet-

profit-de-irft-en-inde.cfm

[34] « FLO welcomes Fairtrade Label South Africa“, Fair Trade Advocacy Office, 3 août 2009.

[35] « Fairtrade mijote au Kenya », article de Fairtrade Africa, 21 décembre 2010.

[36] JOHNSON P. W., « Le commerce équitable au Mexique - Labels et stratégies », rapport remis à la Délégation Interministérielle

à l'Innovation Sociale et à l’Economie Sociale (France), 2004.

[37] Informations tirées du diaporama « Stratégie de commerce équitable au Mexique », par Pierre Johnson, consultant associé

WFTO, http://www.slideshare.net/pierrejohnson01/commerce-equitable-au-mexique

[38] JOHNSON P. W., Id.

[39] www.cofta.org

[40] http://www.wfto.com/index.php?option=com_content&task=view&id=915&Itemid=285

[41] MARTIN A.-S. « Commerce équitable : le Maroc produit mais ne consomme pas encore » : La Vie éco, 7 décembre 2009

[42] www.facesdobrasil.org.br (site désactivé le mardi 13 octobre 2009).

[43] « Brazilian Fair and Solidary Trade System », diaporama de présentation, Fabiola Zerbini, Secretary Executive, FACES do

Brasil, Workshop Copolco, Salvador, 2007.

[44] FITIPALDI J. P., PASCOWITCH J., PERRET-GENTIL N., “Ethical and Solidary Trade and Fair Trade in Brazil – Complementary

Practices of Non-conventional Trade”, 2e colloque International sur le commerce équitable et le développement durable, Montréal,

Québec, Canada, 19-21 juin 2006.

[45] http://www.clac-pequenosproductores.org/docs/Information_Symbole_Petits_Producteurs_CLAC_110406.pdf

[46] http://www.clac-pequenosproductores.org/

[47] JONGEJANS L., « L’Amérique latine prend en main sa participation au commerce équitable », Ex aequo, journal des Maga-

sins du Monde, n° 15, Suisse, septembre 2006.

[48] http://fairtrade.socioeco.org/fr/

[49] www.gresp.org.pe

[50] LEMAY J.-F., « Cartographie d’un projet de commerce équitable au « sud » : La central interregional de Los Artesanos del

Peru », 2e colloque International sur le commerce équitable et le développement durable, Montréal, Québec, Canada, 19-21 juin

2006.

[51] http://www.wat.tv/video/rencontre-gresp-adm-lyon-1gmkx_1fjqj_.html

[54] http://www.fundmcch.com.ec/intro/htmlintro/intro.html

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[55] http://www.omdm.be/equateur/maquita-cushunchic-comercializando-como-hermanos-mcch.html#

[56] “Fair trade in the Philippines: Challenges and Opportunities”, a Paper Prepared by ICLEI-Local Governments for Sustainability,

Southeast Asia Secretariat, Octobre 2006.

[57] “4.000 Households Benefit from the Opening of The Fair Trade Shop”, communiqué de presse, APFTI, 7 octobre 2009.

[58] Présentation de MDI et interview de Dominic Smith réalisés par Steven De Craen du Trade for Development Centre

[59] JOHNSON P. W., « Le commerce équitable au Mexique - Labels et stratégies », rapport remis à la Délégation Interministérielle

à l'Innovation Sociale et à l’Economie Sociale (France), 2004.

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Pour le Trade for Development Centre (TDC), programme de la CTB (l’Agence belge de développement), les commerces équitable et durable peuvent être des outils de réduction de la pauvreté, et des leviers de dévelop-pement.

Le centre a pour objectif l’émancipation économique et sociale des petits producteurs du Sud, à travers leur professionnalisation et l’accès aux marchés, que ces derniers soient locaux, régionaux ou internationaux.

Le TDC couvre 3 types d’activités, présentés brièvement ci-dessous. Vous trouverez plus d’information sur notre tout nouveau site Web www.befair.be.

Programme d’appui financier

Le Trade for Development Centre soutient les producteurs marginalisés, les micro et petites entreprises ainsi que les projets d’économie sociale actifs dans le commerce équitable ou durable.

Il finance différentes activités permettant d’augmenter leurs capacités et leur accès au marché : création de nouveaux produits, introduction de systèmes de contrôle de la qualité, obtention d’une certification, formations (en gestion, marketing…), participation à des foires commerciales,...

Activités d’appui à la commercialisation

Le TDC est un centre d’expertise en « marketing & ventes » et un organe d’appui concret aux projets de la CTB liés directement ou indirectement à la commercialisation de produits et/ou services :

Conseil stratégique en business et marketing Information et analyse de marchés Coaching en marketing & ventes

Le TDC met en place des campagnes de sensibilisation à destination des consommateurs (Semaine du com-merce équitable), des acteurs économiques et des pouvoirs publics belges. La Semaine du commerce équi-table est la campagne la plus connue.

Via son site Internet, sa newsletter et différentes publications (dépliant, brochures, fiches), le Trade for Develop-ment Centre veut apporter aux consommateurs, pouvoirs publics, producteurs et autres acteurs économiques, une information la plus objective possible sur les thématiques du commerce équitable et durable ; entre autres sur les différents labels et systèmes de garantie existants. Il contribue aussi aux débats pour une gestion des ressources naturelles et un commerce plus respectueux de l’Etre humain et de son environnement.

Le Centre participe activement à différentes platesformes d'échange entre acteurs concernés, notamment la plate-forme belge d’appui au secteur privé « Entreprendre pour le développement ».

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