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N°32 - Mai 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 1 Le château de Buoux de la demeure renaissance au château de l’environnement ; l’aménagement du château neuf inachevé depuis 1725 Patrick Cohen, architecte du patrimoine Jérémie Haye et Pierre Prouillac, architectes assistants 4 – L’architecture 4.1 - La façade principale du château : synthèse de l’histoire du monument Toute personne qui observe la façade nord- ouest de l’aile des appartements, c’est-à-dire celle qui donnait sur les jardins, peut aisément se rendre compte du fait que l’architecture de ce mur n’est pas homogène. Par exemple, l’appareil utilisé n’est pas toujours le même et, surtout, les baies qui ornent cette partie de l’édifice sont de styles différents. © PNRL Par ailleurs, elles ne sont pas disposées de la même façon : le trumeau – c’est-à-dire la partie maçonnée séparant deux ouvertures – variant et les fenêtres d’un même étage n’étant pas toutes à la même altitude. Ces changements sont en fait les témoins des réfections dont le château fit l’objet depuis sa fondation jusqu’à nos jours. La façade nord-ouest, qui était l’une des façades principales du monument, subit, en particulier, de nombreux remaniements architecturaux. Etudier cette façade, c’est donc appréhender l’histoire du monument elle-même.

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N°32 - Mai 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 1

Le château de Buoux

de la demeure renaissance au château de l’environnement ; l’aménagement du château neuf inachevé depuis 1725

Patrick Cohen, architecte du patrimoine Jérémie Haye et Pierre Prouillac, architectes assistants

4 – L’architecture

4.1 - La façade principale du château : synthèse de l’histoire du monument

Toute personne qui observe la façade nord-ouest de l’aile des appartements, c’est-à-dire celle qui donnait sur les jardins, peut aisément se rendre compte du fait que l’architecture de ce mur n’est pas homogène. Par exemple, l’appareil utilisé n’est pas toujours le même et, surtout, les baies qui ornent cette partie de l’édifice sont de styles différents.

© PNRL Par ailleurs, elles ne sont pas disposées de la même façon : le trumeau – c’est-à-dire la partie maçonnée séparant deux ouvertures – variant et les fenêtres d’un même étage n’étant pas toutes à la même altitude. Ces changements sont en fait les témoins des réfections dont le château fit l’objet depuis sa fondation jusqu’à nos jours. La façade nord-ouest, qui était l’une des façades principales du monument, subit, en particulier, de nombreux remaniements architecturaux. Etudier cette façade, c’est donc appréhender l’histoire du monument elle-même.

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Dans un premier temps, il apparaît que cette façade est composée de deux bâtiments accolés, et donc, réalisés à des époques différentes :

- Le bâtiment à gauche doit être mis en relation avec l’origine même du château et date donc de la fin du XVIème siècle ou du début du XVIIème siècle. - En revanche, le bâtiment à droite est une construction du début du XVIIIème siècle.

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A cette époque, la splendeur de l’édifice, à l’instar de la richesse de ses propriétaires – les Buoux-Pontevès –, atteint son apogée. Néanmoins, cette construction ne serait que la partie réalisée d’un projet beaucoup plus ambitieux. Dans celui-ci, l’ancien bâtiment à gauche aurait dû être remanié, voire reconstruit, pour offrir au château de Buoux le spectacle d’une façade type de l’époque classique. Plusieurs éléments d’architecture viennent étayer cette hypothèse :

- la composition de la façade de l’aile XVIIIème, telle qu’elle a été réalisée, n’offre pas d’axe de symétrie évident, caractéristique pourtant fondamentale des compositions modernes. Au contraire, cette façade est divisée en deux parties distinctes et inégales : à droite du pilastre, les baies sont couvertes d’un axe segmentaire, à gauche, d’un arc en plein cintre.

Hypothèse de composition

- confortant cette hypothèse d’une construction symétrique inachevée, une pierre rampante située au-dessus de la corniche, au sommet du pilastre, marque le début d’un fronton et sans doute la limite de la partie centrale de la façade complète envisagée.

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Ainsi, à défaut d’avoir pu être entièrement remaniée au XVIIIème siècle, la façade principale du château se divise, aujourd’hui encore, en deux ensembles d’époques clairement distinctes. Mais, lorsque l’on s’attarde sur la partie la plus ancienne – le corps de logis –, il ressort que celle-ci fut également transformée de nombreuses fois. Nous renvoyons pour cela le lecteur à l’ouvrage de référence : « Le château de Buoux, de la demeure renaissance au château de l’environnement », sous la direction de Patrick Cohen, architecte du patrimoine – Edisud – 2008.

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4.2 - L’Aile du XVIIIème siècle : état des lieux de l’aile inachevée

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4.2.1 - Le volume général Cet ensemble est constitué en fait de trois parties : - le volume principal donnant façade sur la cour orienté au Nord-Ouest ; - le volume à l’Ouest qui organise la façade Sud-Ouest et lui donne une impression d’unité. Ce volume fait aussi la jonction vers les anciens bâtiments transformés dans les années 1990 en centre de ressources pédagogiques ; - et enfin, un petit volume, dans lequel se logent les lieux communs, installé à l’articulation entre les deux premiers qui devait certainement permettre une circulation (confidentielle ?) sans utiliser l’enfilade des pièces.

© PNRL Il faut en premier lieu constater le collage entre deux maçonneries qui ne trouvent aucune continuité mécanique (pas de harpage, pas de pénétration de plancher ...). Cependant, quand on regarde de près la première arcade au droit du passage couvert, on s’aperçoit qu’effectivement l’aile XVIIIème pénètre dans la maçonnerie « Renaissance » jusqu’au passage couvert. Etait-il prévu ici un simple habillage de la façade ? Nous le verrons plus tard, mais l’analyse de la façade Nord-Ouest montre que son soubassement, au droit du passage couvert, laisse apparaître de nombreuses traces de maçonneries dont l’origine est bien difficile à comprendre. La comparaison avec l’illustration du XVIIe siècle pourrait laisser penser qu’une partie des structures d’une ancienne tour aurait pu être conservée et englobée dans la maçonnerie même du XVIIIème siècle. La visite du sous-sol montre, là encore, des structures apparemment plus anciennes au pied de l’escalier. Cette configuration peut aussi expliquer pourquoi ce volume qui semble si ordonné n’est en fait qu’une apparence d’ordonnancement. Elle montre plusieurs volumes plus anciens là où sera construit plus tard l’aile XVIIIème et ces volumes ont peut-être été partiellement réutilisés pour cette construction qui recherchait l’unité, la sobriété, la rigueur. Nous renvoyons le lecteur à l’analyse archéologique menée par Christian Markiewicz publié dans le Courier Scientifique du Parc du Luberon en 2015 (de nouveaux compléments seront publiés prochainement).

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On imagine très bien, en poursuivant les départs de courbes et l’inclinaison des murs, au niveau haut du sous-sol, la création d’une grande voûte mais celle-ci aurait été en contradiction totale avec les baies du sous-sol. Il faut noter aussi que le plan de l’aile XVIIIème ne présente pas de mur refend transversal. Cela peut se comprendre car la portée des poutres (8m environ) qui étaient

© PNRL prévues permet de lancer un plancher mais il n’était certainement pas prévu de séparation lourde au droit du pilastre marquant le corps central (en léger avant-corps). Il est cependant fort probable (c’est le cas dans l’ensemble des constructions similaires que nous avons étudiées) que les salles à l’arrière de la façade Nord-Ouest devaient être divisées et présentaient des fonctions différentes. En effet, on peut difficilement imaginer qu’une même salle puisse présenter, à l’intérieur, des fenêtres de formes différentes (arrières voussures de Marseille et de Montpellier). Le soubassement est traité en moellons (Nord -Ouest et Sud-Ouest) alors que l’élévation est en pierres de taille, mais là encore il faudra distinguer la façade Nord-Ouest de la façade Sud-Ouest dont le rez-de-chaussée est aussi en moellons. Cette différence appuie certainement le projet de mettre en valeur cette façade Nord-Ouest et accompagne les grandes baies à portes-fenêtres qui devaient donner sur une grande terrasse en continuité de l’actuelle cour. Ce soubassement montre aussi des percements presque totalement déconnectés de l’organisation des élévations. C’est évident pour la façade Nord-Ouest, mais moins perceptible sur la façade Sud-Ouest dont l’unité devait rester visible. On notera aussi la présence d’une citerne, certainement aménagée dans la période 1945-1986, dans ce soubassement en remplacement des deux « grandes bassines » qui alimentent un lavoir (lessive) en 1732 et dont la surverse alimente encore la fontaine entre l’aile XVIIIème et le centre de ressources pédagogiques. Les baies du soubassement, côté citerne, ont été entièrement murées ; les parois ont été revêtues d’un enduit étanche et cette citerne couvre la surface et le volume du soubassement de la partie sud de l’aile XVIIIème.

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L’étude de l’histoire de l’édifice nous apprend qu’il a été entièrement couvert. Cela semble confirmer l’analyse du sommet des maçonneries. La présence des engravures sur le chéneau, leur régularité, leur inclinaison et leur répartition ne peuvent avoir été exécutées qu’en présence de chevrons et de tuiles (les espacements suivent un rythme différent de celui des portions de chéneaux). Rien ne permet de dire comment se faisait la jonction avec la couverture de l’aile Renaissance. Cependant l’analyse de la croupe qui termine cette toiture montre de nombreux remaniements, des reprises multiples, des assemblages « bricolés ». La couverture actuelle n’est qu’une consolidation des aménagements réalisés lors de la création de la première colonie de vacances

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de la Ville de Cavaillon autour de 1945 ; peut-être même que les débords de chevrons qui caractérisent aujourd’hui cet édifice n’auraient été installés qu’à cette époque (les chevrons posés selon un rythme très régulier ne se prolongent pas sous la couverture – ils ne font que traverser le mur au 3e étage – la maçonnerie entre ces chevrons n’est qu’un remplissage de mortier au-dessus du dernier rang de pierre ). Avant de rentrer dans l’analyse de chacune des parties de ce bâtiment, il faut rappeler ici que ces maçonneries sont donc présentes depuis au moins 1725, que la couverture a disparu dans le courant du XIXe siècle et qu’elles ont subi alors les agressions du temps sans protection pendant près de deux siècles.

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Les murs sont restés sans réparation jusque vers 1945 où une première phase de consolidation a consisté en l’installation de tirants transversaux pour contenir l’écartement des façades et surtout de l’angle Ouest. Mais ces tirants n’ont pas empêché la progression des désordres puisque entre 1985 et 1989 une campagne de travaux a permis de consolider durablement cette carcasse vide. Les travaux ont conduit à l’installation d’un chaînage en béton armé horizontal au sommet des maçonneries. Cette intervention relativement lourde est visible même si les mousses et une certaine patine recouvrent ce béton. Elle a permis de sauver l’édifice et de reconstituer certaines baies qui étaient totalement disloquées. Malheureusement ces travaux (d’ailleurs documentés) ont conduit au démontage d’une par-

tie du chéneau (Sud-Ouest) et a occulté de nombreuses traces d’engravures des poutres. Un relevé photographique en a été fait avant et celui-ci permet de retrouver leur emplacement. Cette tranche de travaux s’est aussi accompagnée d’une série de petites stabilisations des maçonneries de moellons (bouchages de trous, rejointoiements, coulinages,…) devenues inefficaces. La végétation et une certaine faune locale habitent les vieilles murailles et accélèrent leur dégradation. 4.2.2 - Description des maçonneries en élévations

Avant Etat de l’écorché de la cheminée inachevée qui sera conservée © PNRL Après

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La façade Nord-Ouest L’accrochage avec le corps de logis « Renaissance » est bien visible ; c’est d’ailleurs un élément qui permettra de visualiser l’inachèvement du projet du XVIIIème siècle. Ce collage est moins brutal au rez-de-chaussée car le harpage des maçonneries pour le passage de la grande arcade a conduit à faire passer la peau de la façade XVIIIème devant des maçonneries plus anciennes. Vers le deuxième étage, en revanche, nous pouvons observer la façade en pierre de taille du XVIIIème qui vient contre la façade Renaissance (le bandeau d’appui (XVIIème) se retourne d’ailleurs) et le bourrage de maçonnerie de moellon attendant la réalisation du harpage qui aurait certainement été réalisé si le projet avait été mené au bout… Le relevé montre aussi que derrière ce qui semble être très ordonnancé, des différences de dimension existent cependant d’une baie à l’autre (plus large ou plus haute de quelques centimètres). Cela est surprenant d’autant que l’étude des différents nus de façade entre le corps «central » (avant-corps) et l’aile Sud-Ouest montre une grande maîtrise du plan. De la même façon, on constate la régularité des joints en creux horizontaux sur le pilastre (allant jusqu'à masquer le calepinage constructif) alors que les pierres marquant le départ du fronton restent dans une position surprenante. En effet, si leur position est confirmée, ce fronton ne donnerait pas l’image d’un fronton posé sur des pilastres mais installé entre pilastres – nous n’en connaissons pas d’autres exemples. A ce sujet, l’observation des photos d’avant l’intervention de 1986 montre bien la présence de ces pierres inclinées mais celles-ci ne semblent pas suivre le même débord que les pierres en place aujourd’hui. Cela n’a pas été confirmé pendant les travaux bien que ces pierres aient été déplacées pour l’installation du chaînage en béton et replacées. Il faut aussi rappeler que les baies du rez-de-chaussée et l’absence de composition de la partie en sous-sol ne laissent aucun doute sur la prévision de réaliser une terrasse au Nord-Ouest, au niveau même de la cour du château. L’étude de détail montre sur cette façade, comme dans d’autres lieux, à la fois une exécution savante, un travail de stéréotomie exemplaire (retournement de corniche, arrière voussure, harpage des pieds-droits, léger avant corps…) et en parallèle l’absence de rigueur, d’économie d’échelle, ou de vision d’ensemble hésitante (retournement de la façade au Sud-Est, exutoire des eaux pluviales au droit du pilastre, baies du sous-sol non alignées, départ de voûte incompatible, …) alors que tout laisse penser qu’un projet d’envergure guidait le constructeur. On ne connaît pas d’édifice construit à cette époque sans axe de symétrie et sans composition rigoureuse. On ne connaît pas de fronton qui ne serait pas posé sur un pilastre ou un élément constructif de la modénature. Il faut certainement mettre cela en rapport avec l’état des finances de Jean-François Elzéar au moment où il lance son projet. Il est reconnu et établi qu’il bénéficie d’une grande notoriété mais il est aussi très endetté et n’a certainement pas les moyens de faire construire, comme le font les Forbin à Mane une vraie bastide à la mode du moment sur les principes des grands architectes qui se relaieront en Provence (Louis-François de la Valfenière et Jean-Baptiste Franque, Esprit-Joseph Brun,…). A-t-il un architecte, un maître d’œuvre, guide-t-il lui-même les ouvrages exécutés par un maçon qui connaît cette architecture savante ?

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La façade Sud-Ouest On notera sur cette façade que, derrière une apparente régularité, elle n’est pas symétrique et

que la répartition des baies se fait suivant deux ensembles correspondant aux volumes intérieurs. Ces volumes étant d’une profondeur différente, la répartition n’est pas régulière. Cela laisse à penser que des maçonneries préexistantes ont été réutilisées avec une volonté de rassembler les percements sur cette façade ; l’illustration du XVIIème siècle confirme la présence de ces volumes antérieurement à la construction de l’aile XVIIIème. L’analyse archéologique de Christian Markiewicz confirme cette hypothèse. On peut aussi s’interroger sur la nature des revêtements. En effet, si le soubassement est traité en moellons comme pour la façade Nord-Ouest et avec des baies non alignées avec es baies supérieures, on ne sait expli-

quer pourquoi la partie du premier niveau (en fait le rez-de-chaussée du volume) n’est pas revêtue de pierres de taille. On peut, d’une part constater que cette façade est difficilement observable en même temps que la façade Nord-Ouest et d’autre part, en vue lointaine avec suffisamment de recul, ce niveau reste peu visible derrière la végétation toujours présente depuis la composition des jardins à la fin du XVIIIème. A ce sujet, le plan d’Anselme indique la présence d’un verger ou d’un alignement d’arbres au pied de cette façade. On constate aussi que l’exutoire des eaux pluviales traverse sans aucune élégance la corniche pour déboucher au milieu du pilastre. C’est d’autant plus surprenant qu’on note la présence, au droit du retournement du chéneau, d’un dès de maçonnerie, dans le prolongement du pilastre… peut-être un support de décoration (vase, sculpture…). La façade Sud-Est Cette façade n’est en fait que le résultat d’un accrochage avec un volume qui existait auparavant. Si le percement du rez-de-chaussée est travaillé pour constituer une réelle baie, celui qui a été mé-

nagé en haut du premier étage n’est certainement qu’un trou (sans encadrement) réalisé pour faciliter le montage ou le démontage des poutres. Cette façade est entièrement traitée en moellons alors que le pilastre d’angle faisant chaînage est en pierres de taille tout comme la corniche supérieure qui se retourne. Elle s’arrête au droit du passage des conduits de cheminée. C’est d’ailleurs la seule présence de conduit de cheminée dans l’épaisseur des murs.

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La façade Est - Fontaine Cette paroi est entièrement en moellons. Elle est percée régulièrement de baies, au-dessus de la fontaine (surverse de la grande citerne). Ces baies sont ordonnées mais une d’entre elles a été élargie certainement pour des raisons constructives (ou pour faciliter le démontage de la toiture) car une partie de son encadrement est bien présente. Il faut indiquer que cette façade donne sur l’accès au sous-sol (partie très bien réalisée, orientée au Sud-Ouest et très peu visible.

© PNRL Le volume à l'Est : un réduit Ce volume laissait penser qu’il pouvait être prévu pour loger un escalier de service. En fait son analyse montre à chaque niveau, la présence d’engravures ménagées pour l’installation de poutres et de planchers. Ses fenêtres correspondent à des niveaux de plancher de l’aile XVIIIème. Il ne pouvait donc pas contenir d’escalier. Ce volume n’a pas d’accès direct vers l’extérieur ; on ne peut y accéder que par le rez-de-chaussée et depuis chaque niveau. Des percements le font communiquer avec des volumes contenus dans l’aile XVIIIème. Les travaux permettront la découverte de latrine à chaque étage ainsi que la présence des conduits d’évacuation jusqu’au pied du bâtiment.

4.2.3 - Les constructions de 1992 dans l'aile XVIIIème (escalier, sanitaires, chaufferie...) Il faut rappeler ici que ces aménagements permettaient à l’équipement de répondre, d’une part aux normes de sécurité ou de fonctionnement et d’autre part, d’installer à l’époque (fin des années 80) un système de chauffage pour l’ensemble du château. Il est évident que les percements ménagés dans le mur refend, construit avec l’escalier en béton, voulaient ouvrir des perspectives à l’intérieur de cette carcasse vide mais aussi permettre, un jour, l’ouverture d’une continuité de fonctionnement entre les deux parties du château – les niveaux des paliers de l’escalier peuvent correspondre aux niveaux de plancher de l’aile XVIIIème.

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© PNRL Le parti architectural est caractéristique d’une attitude architecturale de cette période en se distinguant sans aucun doute du monument. Par ailleurs, on peut penser que ces aménagements s’intègrent au fonctionnement de l’édifice (on constate un regroupement des pièces de service et des circulations au droit du « corps central », laissant libre la possibilité de créer des salles sur toute la surface disponible derrière les fenêtres des ailes Ouest. Le choix des matériaux est cependant un peu « brutal » tout comme les finitions et les couleurs choisies. Le béton armé avait fait l’objet de recherches poussées pour les agrégats ou les colorants tout comme la finition sablée, le calepinage des joints de banches et le détachement avec lequel l’escalier se déploie avec un minimum de contact sur les parties anciennes. L’installation de grandes verrières verticales suivait ces mêmes principes, en retrait de la façade historique.

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La couverture avait été réalisée avec une économie de moyen si forte que cela conduisit d’ailleurs à son rapide délabrement. Il s’agit d’une structure légère en bois, revêtue d’une étanchéité auto-protégée, posée sur deux poutres de béton. L’absence de relevé d’étanchéité suffisant et le manque d’entretien des exutoires ont précipité son vieillissement.

© PNRL L’ensemble de ces aménagements sera démonté afin d’installer une circulation verticale aux normes d’accessibilité d’aujourd’hui et dotée d’un ascenseur. Les locaux techniques et la chaufferie disparaîtront. Ils laissent aujourd’hui libre le niveau en sous-sol qui devient un rez-de-jardin ouvert sur le verger. 4.2.4 - Les pathologies du bâti

© PNRL Il faut avant tout indiquer que le site est positionné au fond d’un vallon orienté au Nord à une altitude relativement élevée (440 m). Cela conduit à constater des températures hivernales très

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basses sur de longues périodes, accentuées par un faible ensoleillement. On peut considérer que les gros désordres structurels ont été contenus par les réparations lourdes effectuées en 1986. La présence des tirants métalliques participe au maintien des murs. Nous n’avons pas constaté de nouveaux désordres structurels important.

La réalisation d’une couverture permettra une meilleure conservation des structures. Cependant l’absence de protection des murs reste problématique. Les maçonneries sont délavées régulièrement par les pluies et la présence d’une végétation totalement incontrôlée. En effet, les hauts murs sont trop élevés pour permettre un entretien simple et régulier. Si les façades sont protégées par la grande corniche vers l’extérieur, côté intérieur les dégradations sont relativement importantes. Il était nécessaire d’envisager des travaux pour la protection des maçonneries de moellons et des sommets des murs. Il faut aussi noter que lors de l’installation du système de chauffage au gaz en 1992, les ci-

© PNRL ternes avaient été disposées au pied de l’aile XVIIIème côté Nord-Ouest. Celles-ci sont presque invisibles car enterrées. Si elles sont peu visibles, elles sont contenues dans une sorte de fosse en béton remplie de sable qui est perpétuellement gorgée d’eau. Cela maintient une humidité constante avec aussi des cycles gel/dégel. Ce système sera revu et c’est une chance ; cela permettra notamment d’éloigner l’humidité des pieds de murs. Ces dispositions sont considérées aujourd’hui comme maladroites au regard du nouveau programme. Elles seront retirées dans le projet. Ainsi petit à petit les orientations du projet de conservation de l’aile du XVIIIème siècle se hiérarchisent : il faut purger l’édifice de tous les éléments qui nuisent à sa conservation et à sa compréhension. L’idée de restituer l’édifice dans son état de 1725 commence à s’imposer…