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Cahier spécial réalisé avec le soutien de la direction scientifique de TOTAL

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Cahier spécialréalisé avec

le soutien de la direction scientifique de

TechnOLOgieEn quête de charbon propre

écOnOMieLa nouvelle donne du charbon

sOciéTéSanté et environnement : les impacts de la mine interviews de Philippe Peyre, directeur du Musée de la mine à Saint-Étienne, et de Jean-Luc Bouchardon, enseignant chercheur.

3. Le charbon

Tous les deux mois, ce cahier La Recherche vous permet de comprendre les défis technologiques, économiques et environnementaux des énergies.

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LE CHARBON TECHNOLOGIE

76 • La Recherche | septembre 2011 • nº 454

Située à Sostanj en Slovénie, cette centrale thermique conçue par Alstom fonctionne à une température dite supercritique, de 610° C, ce qui améliore son rendement (43 %) tout en réduisant les émissions polluantes.

Le charbon, une énergie du passé ? L’avenir pourrait bien en décider autrement. Ces étranges pierres noires men-tionnées par Marco Polo lors de son voyage en Chine n’ont

pas dit leur dernier mot. Alors même que la demande énergétique mondiale ne cesse de croître, tirée par la Chine et l’Inde notamment, les réserves prou-vées de charbon sont estimées selon le Conseil mondial de l’énergie à près de 860 Gt (milliards de tonnes), soit envi-ron 130 années de production dans les conditions actuelles d’extraction. C’est bien plus que le pétrole (41 ans) ou le gaz naturel (54 ans). Autre intérêt, ces réserves sont plutôt bien réparties sur la planète. L’Amérique du Nord, la Communauté des États indépendants et l’Asie/Océanie abritant chacune environ 30 % des ressources. Ainsi, après avoir été le « moteur à vapeur » de la révolution industrielle au xixe

siècle, le charbon reste le combustible fossile le plus utilisé dans le monde. Il est surtout employé pour produire de l’électricité, dont il fournit 40 % des besoins mondiaux. D’ailleurs, plusieurs pays comme l’Australie, la Pologne, la Chine et l’Afrique du Sud en ont fait leur source d’énergie principale. À une échelle moindre, la sidérurgie et l’industrie sont aussi consommatrices de charbon. De fait, l’Agence interna-tionale de l’énergie (AIE), dans son scénario du World Energy Outlook 2010, prévoit que la demande conti-nuera d’augmenter jusqu’en 2020. Et en 2035, le charbon pourrait satisfaire 29 % des besoins mondiaux en énergie primaire, contre 27 % aujourd’hui.

Seulement voilà, le charbon n’a pas que des avantages… C’est aussi l’énergie la plus polluante pour l’envi-ronnement, du fait des fumées et du dioxyde de carbone (CO2) que son exploitation engendre. « L’enjeu pour

les décennies à venir est de réussir à ex-ploiter le charbon proprement », assure François Kalaydjian, directeur expert Développement durable à IFP Énergies nouvelles. Concrètement, il s’agit de réduire l’empreinte écologique des centrales électriques fonctionnant au charbon, tant du point de vue des émis-sions locales que de celui des émissions de gaz à effet de serre. Sont également concernées l’industrie sidérurgique et les cimenteries.

Des progrès ont déjà été réalisés : en Europe et aux États-Unis, des équi-pements antipollution, constitués de filtres ou d’unités de lavage des fumées notamment, permettent de réduire les émissions soufrées ainsi que les oxydes d’azote. Autre méthode, la chaudière à lit fluidisé, dans laquelle un mélange de matériaux inertes et de combustible est tenu en suspension, facilitant une combustion plus complète. Des addi-tifs permettent en outre de réduire les émissions polluantes. « De nouvelles technologies sont à l’étude pour essayer de récupérer l’énergie de ces fumées », ajoute Frédéric Febvre, responsable R&D Gaz et Carbochimie chez Total. Un exemple, à l’état de pilote, est la combustion en boucle chimique, où le charbon est oxydé sous atmosphère d’oxygène pur, apporté grâce à un oxyde métallique régénéré au contact de l’air à l’intérieur du procédé.

Une combustion plus efficaceUne autre voie vers un charbon propre est l’amélioration du rendement des centrales thermiques actuelles, afin de minimiser les rejets de CO2 et réduire la consommation de charbon. Dans une centrale classique, le charbon pulvérisé est brûlé dans une chau-dière pour porter de l’eau à ébullition et générer de la vapeur, qui entraîne une turbine couplée à un alternateur pour produire de l’électricité. Mais de nouveaux modèles sont aujourd’hui dotés de techniques de combustion plus efficaces, comme le cycle super-critique, et peuvent atteindre des ren-dements de 46 %. De quoi s’agit-il ? Les centrales supercritiques fonctionnent à une température plus élevée (envi-ron 600° C) et à plus haute pression

En quête de charbon propreContrairement aux idées reçues, le charbon reste très utilisé dans le monde, tant ses réserves sont abondantes. Mais son exploitation est aussi très polluante. L’enjeu pour les décennies à venir est donc de réussir à en faire une énergie plus respectueuse de l’environnement.

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L’idée n’est pas nouvelle. La liquéfaction du charbon Coal to Liquids (CtL) fut utilisé dès la Première Guerre mondiale en Allemagne pour pallier les restrictions imposées par les Alliés sur l’approvisionnement en pétrole. L’Afrique du Sud fit de même durant l’Apartheid. En effet, seuls des contextes politiques singuliers justifiaient la mise en place de cette filière, le prix des carburants ainsi synthétisés étant bien plus élevé que celui des carburants classiques. Mais avec la hausse des prix du pétrole, de nouveaux projets émergent dans les pays disposant de grandes ressources charbonnières. Une première tranche de liquéfaction de charbon a ainsi vu le jour en Chine, en Mongolie intérieure. L’enjeu de la liquéfaction est d’obtenir des niveaux d’hydrogène compatibles avec ceux des carburants pétroliers. Deux procédés permettent d’y parvenir. Dans la voie directe, le charbon pulvérisé et dissout dans un solvant organique, est envoyé dans un réacteur d’hydroconversion, qui le transforme directement en liquide. Celui-ci devient un carburant par hydrogénation ou hydrocraquage. Dans la voie indirecte, le charbon est transformé en gaz de synthèse (CO+H2) par gazéification, avant d’être converti en un mélange d’hydrocarbures via le procédé Fischer-Tropsch. Le produit final subit alors une dernière étape d’isomérisation ou d’hydrocraquage. En termes de performances, « ces deux voies sont complémentaires », indique Pierre Marion, ingénieur en étude économique à IFP Énergies nouvelles. D’un côté, la voie directe donne un produit de densité légèrement supérieure à la spécification européenne, mais avec un rendement élevé ; de l’autre, la voie indirecte conduit au contraire à une surqualité du diesel produit au prix d’un rendement un peu plus faible. C’est pourquoi de nouveaux projets considèrent l’association de ces deux voies.

qui permettent, à partir d’une source d’énergie donnée, d’obtenir une large diversité de produits », explique Natha-lie Thybaud, du service Recherche et technologies avancées de l’ADEME. Concrètement, s’agissant du charbon, la polygénération associe production d’électricité et de chaleur, mais aussi de bases pétrochimiques, à l’origine de nombreux produits : plastiques, engrais, fibres textiles, détergents… Parmi les projets les plus avancés, Total et UOP ont développé conjointement un démonstrateur afin de produire des oléfines, matières premières des plas-tiques, à partir de méthanol, lui-même pouvant être obtenu à partir de char-bon. « Ces oléfines sont ensuite trans-formées en propylène et éthylène via un processus de polymérisation, indique Frédéric Febvre. Ainsi, l’un des objec-tifs du démonstrateur est de parvenir à synthétiser des oléfines très pures pour répondre aux normes de polymérisation actuelles, de plus en plus strictes. »

Stocker les émissions de CO2La gazéification du charbon est aussi envisagée pour récupérer du méthane ou de l’hydrogène destiné aux piles à combustibles. Dans ce but, IFP Éner-gies nouvelles participe au programme européen Hypogen, qui vise à tester les technologies de gazéification du charbon et de production d’hydro-gène. « À partir du charbon, on peut donc obtenir une large diversité de pro-duits, ce qui est très attractif en théorie. En pratique, nous avons affaire à des processus industriels assez complexes qui demandent à faire des choix en termes de valorisation industrielle », explique François Kalaydjian.

L’avenir est donc loin d’être tout tracé. D’autant que si ces progrès tech-nologiques permettent déjà de réduire les émissions de CO2, ils ne parvien-dront jamais à les supprimer. C’est pourquoi on envisage leur cap-

(250 bars) que les centrales à charbon conventionnelles, d’où une hausse du rendement et, de fait, une réduction des émissions par unité de combustible brûlé. Le principal inconvénient réside ici dans la nécessité de mettre au point des matériaux capables de résister à de telles conditions de température et de pression. Treize producteurs d’élec-tricité internationaux, regroupés au sein du VGB (Association technique des producteurs européens d’élec-tricité), testent de nouveaux alliages constitués de cobalt, nickel et chrome, qui devraient permettre de travailler à des températures extrêmes, dites « ultra-supercritiques », de l’ordre de 700° C, grâce auxquelles le rendement atteindrait près de 50 %. En attendant, la Chine, comme le monde occiden-tal, ne construit plus que des centrales supercritiques, mais la plus impor-tante d’Asie du Sud-Est devrait voir le jour en 2015 à Manjung en Malaisie. Construite par Alstom, cette unité de 1 000 MW produira suffisamment d’électricité pour alimenter deux mil-lions de foyers malaisiens.

Dans la course au rendement, la gazéification intégrée à un cycle com-biné (GICC) est une autre technique en plein essor. Comme son nom l’indique, elle combine trois équipements : la ga-zéification du charbon, la turbine à gaz et la turbine à vapeur. Dans un premier temps, le charbon est brûlé après avoir réagi avec de l’oxygène et de la vapeur d’eau pour former un gaz de synthèse,

composé principalement d’hydrogène et de monoxyde de carbone. Ce gaz est alors purifié puis brûlé dans une turbine à gaz pour produire de l’électri-cité. Dans un second temps, la chaleur résiduelle des fumées ou dégagée par le gaz de synthèse est récupérée dans une chaudière pour alimenter une seconde turbine, à vapeur cette fois-ci. Ainsi, la GICC porte potentiellement le rendement de la combustion du char-bon de 38-40 % à 47 %. Problème, le prix de l’électricité ainsi produite passe de 55 à 75 euros le MWh.

« On peut aussi améliorer le rende-ment des centrales au charbon en recou-rant aux techniques de polygénération

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Essentiellementpour la production

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Production d’électricité.Cimenteries.

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Production d’électricité.Cimenteries.

Usages industriels.

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les combustiblessans fumée.

BROWNCOAL 47 %

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CHARBON

CONTENU EN HUMIDITÉ DU CHARBON

CONTENU CARBONE OU CONTENU EN ÉNERGIE DU CHARBON

LES TYPES DE CHARBON

CHARBON VAPEUR

CHARBON À COKE

Du CHarbON TraNsfOrmé EN CarburaNT

La qualité du charbon est directement liée à son degré de maturation. On distingue, par valeur croissante : les lignites, de faible pouvoir calorifique (17 % des réserves mondiales), les charbons subbitumineux et les charbons bitumineux adaptés à la production d’électricité ou de coke pour hauts fourneaux et à la filière CTL (82 %), et les anthracites, à fort pouvoir calorifique, utilisées à des fins domestiques et industrielles (1 %).

Source: IFP, base World Coal Institute

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centrales électriques fonctionnant au charbon sont à l’étude en Europe, aux États-Unis et en Chine. Dans le cadre du European Energy Programme for Recovery (EEPR), la Commission européenne finance et coordonne six projets démonstrateurs de captage et de stockage. Ceux-ci permettront d’ac-célérer la maturation des technologies avec un objectif de commercialisation en 2020. Pour l’heure, le prix de cette technologie est le principal obstacle à son développement. En outre, plu-sieurs procédés sont en lice. « L’objectif des démonstrateurs actuels est de tester chacune des grandes voies possibles », indique Dominique Copin, coordi-nateur Captage et stockage CO2 chez Total. Personne ne peut dire laquelle sera retenue, et il faut s’attendre à voir plusieurs d’entre elles coexister. » D’un enjeu crucial face au réchauffement cli-matique, ces recherches feront l’objet d’un prochain numéro qui leur sera consacré.

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Le charbon est une source d’énergie primaire de choix pour la production électrique dans le monde, mais dans le contexte du réchauffement climatique, il reste handicapé par des émissions élevées en CO2. Aussi, un effort de recherche

considérable est fourni pour développer une filière de captage et de stockage géologique du CO2 économiquement viable. Mais cela n’est pas si simple : les fumées issues des centrales thermiques contiennent du CO2 mai aussi d’autres constituants (vapeur d’eau, azote, etc.). Afin de capter le CO2, il faut donc parvenir à le séparer. Plusieurs procédés sont ainsi étudiés. La solution la plus mature vise à acheminer les fumées de combustion vers une tour ou le CO2 est absorbé par un solvant chimique. On peut aussi agir en amont. Dans ce cas, on brûle le combustible fossile avec de l’oxygène pur, afin d’obtenir des fumées plus concentrés en CO2. Enfin, on peut récupérer le CO2 avant combustion : le charbon est alors transformé en un mélange d’hydrogène et de monoxyde de carbone que l’on converti par la suite en CO2. Dans tous les cas, des progrès restent à obtenir pour limiter la perte de rendement issu du captage.Que faire ensuite de tout ce gaz ? L’idée est de l’enterrer dans le sol. Trois types de formations géologiques sont envisagées, à commencer par les gisements de pétrole et de gaz épuisés. Une seconde solution serait d’utiliser les aquifères salins, des nappes souterraines d’eau salées très profondes. Enfin, on pourrait recourir aux veines de charbon : le CO2 viendrait chasser le méthane et prendre sa place dans la roche. Pour y voir plus clair, des expériences sont en cours partout dans le monde. L’une d’entre elles, baptisé « Road », conduit par Gdf Suez et E.on avec le concours de la Commission européenne et du gouvernement néerlandais, teste le captage et le stockage de CO2 à Rotterdam, sur une centrale à charbon de 250 MW. Néanmoins, les obstacles ne sont pas uniquement technologiques et économiques. L’autre difficulté majeure est l’acceptation sociale. De nombreuses associations de protection de l’environnement soulignent ainsi les dangers posés par d’éventuelles fuites massives de CO2, un gaz mortel à haute dose.

stocker le cO2, un défi majeur

tage et stockage. Le principe consiste à récupérer le dioxyde de carbone émis par les centrales et l’enfouir sous terre pendant des milliers d’années. Des projets d’unités de captage sur des

Située à Féluy en Belgique, l’unité de démonstration MTO/OCP étudie la faisabilité technique et économique, à une échelle semi-industrielle, de deux procédés qui produisent des oléfines (matières premières des plastiques) à partir de méthanol, lui-même provenant du gaz naturel, de la biomasse ou du charbon.

Sa formation se déroule en plusieurs étapes et dure des millions d’années.

1 - Tout commence en bordure d’un bassin sédimentaire (lac, mer ou marais). Les cycles climatiques provoquent alors régulièrement une montée des eaux, la végétation est ainsi noyée.

2 - Des sables et des argiles se déposent ensuite sur les débris végétaux. Le bassin sédimentaire s’enfonçant peu à peu sous le poids des sédiments et des mouvements tectoniques, la couche est ainsi prise au piège.

3 - Pendant ce temps, la végétation se reconstitue… jusqu’au prochain engloutissement. Ce qui explique la superposition de plusieurs couches, ou veines de charbon. Reste à ne pas confondre ce charbon de terre avec le charbon de bois.

4- La matière organique ainsi enfouie va subir des conditions de pression et de température toujours plus élevées qui vont permettre son évolution (la maturation). Elle perd alors progressivement son eau et ses éléments les plus volatils (oxygène, azote), s’enrichissant en carbone et hydrocarbures gazeux, pour conduire à la formation de composés de plus en plus riches en carbone : la tourbe, le lignite, la houille, l’anthracite, puis le graphite. Cette évolution prend plusieurs millions d’années.

D’Où vIENT LE CHarbON ?

LE CHARBON TECHNOLOGIE

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Contrairement aux idées reçues, l’humanité n’a jamais autant « brûlé » de charbon. Entre 2000 et 2008,

la consommation mondiale a même augmenté de 37 %, tirée par les pays asiatiques. La Chine a ainsi doublé sa production de charbon, et l’Inde l’a accrue de 45 %. À eux seuls, ces deux pays sont responsables des trois quarts de l’accroissement de la production dans le monde. « Ces chiffres traduisent une augmentation en valeur absolue, relativise toutefois François Kalaydjian, directeur expert Développement durable à IFP Énergies nouvelles. Ce sont toutes les énergies qui connaissent une augmentation

À l’heure où la demande énergétique mondiale ne cesse de croître, le charbon ne se contente plus d’être consommé localement et s’exporte de plus en plus. Son commerce international est en pleine expansion.

La nouvelle donne du charbon

de leur consommation pour faire face à la demande mondiale. Reste que d’un point de vue relatif, la part du charbon devrait s’éroder d’après les prévisions de l’AIE. »Le marché du charbon n’en reste pas moins en pleine mutation. « Autrefois, cette énergie était majoritairement consommée dans les pays qui la produisaient, cela reste vrai mais de moins en moins », indique Philippe Sauquet, directeur Trading marketing chez Total. À cela plusieurs raisons. Après avoir exploité l’essentiel de ses gisements économiquement rentables, l’Europe est notamment devenu un grand importateur. De plus, certains grands pays producteurs comme la Chine voient leur consommation

exploser, et leurs ressources propres ne sont plus suffisantes. Exportatrice de charbon jusqu’en 2008, le géant asiatique est ainsi devenu importateur en 2009, une tendance qui va également se développer en Inde dans les années à venir. Selon IFP Énergies nouvelles, les échanges ont ainsi porté sur 905 Mt en 2007, contre 608 Mt en 2000. Aujourd’hui, environ 16 % de la production mondiale est exportée contre 30 % pour le gaz naturel et 60 % pour le pétrole. Dans ce commerce international, l’Asie concentre 70 % des importations mondiales de charbon, le Japon étant le premier importateur. L’Australie et l’Indonésie sont eux les premiers exportateurs.

Quel est l’impact de tels changements ? « La tension sur le marché a entraîné une forte progression de prix entre 2003 et 2008 : à l’international, le charbon s’échange aujourd’hui à 130 dollars la tonne », indique Philippe Sauquet. Néanmoins, le charbon reste encore moins cher que le pétrole ou le gaz, mais pour combien de temps ? Car, pour faire face à la demande, le commerce maritime et ferroviaire du charbon est appelé à s’accroître significativement. En Afrique du Sud par exemple, un doublement de la voie de chemin de fer reliant les gisements à la côte est prévu. Or de telles infrastructures impliquent de lourds investissements, ce qui renchérit le prix du charbon. Résultat : il s’échange en Chine au prix du marché international… Cette effervescence s’accompagne toutefois de grandes incertitudes quant à l’évolution de la part du charbon dans le bilan énergétique de demain. Les contraintes environnementales de plus en plus fortes, facteurs de risque pour les investisseurs, entravent en effet les nouveaux projets. « En outre, l’augmentation de l’offre de gaz, notamment aux États-Unis, a fait chuter les prix du gaz de manière notable, faisant perdre au charbon un peu de sa compétitivité », explique François Kalaydjian. Enfin, le niveau de prix du CO2 via des mécanismes de « bourse carbone » sera un élément déterminant de ces évolutions, ainsi que l’acceptation de la société face aux technologies de stockage qui doivent encore faire leurs preuves.

PRODUCTION MONDIALE DE CHARBON, EN 2008 (6,8 Gt) PRINCIPAUX PAYS IMPORTATEURS DE CHARBON, EN 2008

Source: AIE 2009

BELGIQUE 1 %ESPAGNE 3 %

FRANCE 3 %ROYAUME-UNI 7 %

ALLEMAGNE 7 %RUSSIE 4 %

CHINE 7 %

CANADA 2 %

AMÉRIQUE DU NORD 19%

EUROPE ETCEI 14%

ÉTATS-UNIS 5 %AFRIQUE 4 %

JAPON 27 %

ASIE-PACIFIQUE

61 %

CORÉE 15 %TAÏWAN 10 %

INDE 9 %

AMÉRIQUEDU SUD 2 %

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LE CHARBON sOCIéTé

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Pluies acides, émissions de gaz à effet de serre… On parle souvent des pollutions engendrées par l’utilisation du charbon, mais bien moins de celles liées à son extraction. Pourquoi ?Philippe Peyre. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Certes, nous avons pratiquement abandonné l’extrac-tion du charbon en Europe occiden-tale, et ces questions environnemen-tales sont donc éloignées de nos préoccupations immédiates. Mais l’actualité récente est par moments brûlante. En France, il y a deux ou trois ans, les questions environne-mentales ont été au centre des dé-bats sur la mise en exploitation d’un

petit gisement charbonnier dans la Nièvre, qui me semble aujourd’hui en sommeil.Jean-Luc Bouchardon. On a beau-coup parlé des « villes noires » dans l’histoire, mais force est de consta-ter que l’étude de la pollution rési-duelle des sols houillers est restée largement confidentielle. Il s’agit de contaminations principalement lo-calisées autour des anciens puits et des terrils – tas de déchets du lavage du charbon – dont les effets nocifs éventuels sont très difficiles à éva-luer. Ce qui explique sans doute que ces problématiques soient restées à l’écart, mais cela évolue beaucoup avec la réaffectation de nombre de ces sites.

Philippe Peyre est directeur du Musée de la mine à Saint-Étienne.

Malgré de récents progrès, l’extraction du charbon reste une activité risquée : les mines peuvent disperser dans l’environnement d’importantes quantités de polluants, sans oublier les risques de mouvement de terrain et d’accidents mortels.

Santé et environnement : les impacts de la mine

Comment fait-on pour extraire du charbon ?Ph. P. On distingue trois voies. La plus connue est l’exploitation sou-terraine. Un puits vertical est creusé jusqu’à atteindre le charbon, qui est alors exploité et remonté pour être lavé. Les tours d’extraction et les terrils sont les marqueurs paysagers de ce système d’exploitation. Mais si le charbon est présent à une pro-fondeur réduite, il peut être extrait à ciel ouvert. Dans ce cas, on retire la roche qui recouvre le gisement et on procède ensuite comme dans une carrière à son enlèvement : le monde de la mine parle d’une « dé-couverte » pour ce type d’extraction, qui laisse dans le paysage de gigan-tesques cicatrices, comme à Car-maux par exemple. Expérimentée dans les années 1980, la troisième voie est très différente : ce n’est pas le charbon que l’on exploite, mais sa transformation en gaz. Très com-plexe à mettre en œuvre en raison de la fragmentation des couches, elle revient schématiquement à échauffer le charbon et à récupé-rer les gaz qui résultent de cette opération.

Quels sont les problèmes environnementaux causés par ces méthodes d’extraction ?Ph.  P. Le principal inconvénient perçu de l’extraction à ciel ouvert est l’atteinte au paysage. Mais il y a aussi les nuisances sonores, pro-voquées par les explosions, et le transport du charbon par camion vers les usines et le soulèvement de poussières. De plus, il va de soi que l’écosystème local est natu-rellement perturbé. De son côté, l’exploitation souterraine peut en-traîner des mouvements de sols en surface. Bâtiments et routes en sont alors affectés. Des terrains à Saint-Étienne sont ainsi aujourd’hui in-constructibles. Quant à la gazéifi-cation souterraine, le risque est de voir des gaz polluants et explosifs, comme le méthane, s’échapper par des microfailles naturelles.

« en France, la loi impose un ensemble de mesures aux opérateurs miniers. des études d’impact sur le sous-sol, l’écosystème et les paysages sont ainsi pratiquées avant toute extraction. »

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Ce cahier spécial a été réalisé avec le soutien de la direction scientifique de

Comité éditorial :Jean-François Minster, Total - Olivier Appert, IFP Énergies nouvelles et ANCRE - François Moisan, ADEME - Bernard Salha, EDF - Bernard Tardieu, Académie des technologies - Marc Florette - GDF SUEZ - Jean-Michel Ghidaglia, La Recherche.Rédaction : Jérôme ViterboConception graphique et réalisation : A noir,Crédits photographiques : Fotolia/Johnny Beanstalk, Alstom, IFP, Agence Keblow/Planète Énergies/Total, Claude Pirotte, DR

Retrouvez ce cahier spécial en français et en anglais sur le site

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J.-L. B. Les terrils sont aussi riches en sulfures. Ces derniers s’oxydent au contact des eaux de pluie, riches en oxygène, pour former des eaux acides transportant des sulfates, du fer et des métaux toxiques comme l’arsenic et l’antimoine. Ces métaux, transportés sous forme soluble ou solide associée aux particules en suspension dans l’eau, peuvent ensuite contaminer des rivières et des nappes phréatiques.

Quels sont les remèdes possibles ?Ph. P. En France, la loi impose un ensemble de mesures aux opéra-teurs miniers. Des études d’impact sur le sous-sol, l’écosystème et les paysages sont ainsi pratiquées avant toute extraction. Nuisances paysagères, sonores et contami-nation des eaux sont ainsi au-jourd’hui mieux maîtrisées. Si en Europe occidentale les avancées sont réelles dans ce domaine, ce n’est naturellement pas toujours le cas dans le reste du monde. En Chine, les choses paraissent tou-tefois évoluer très vite. S’il est dif-ficile d’évaluer exactement ce qu’il s’y passe, le gouvernement paraît comprendre la nécessité d’anticiper les questions environnementales. Les petites mines semblent fermer, et les grandes unités modernes in-tègrent de plus en plus la gestion de ces questions. L’autre enjeu est la gestion des pollutions résultant de l’activité minière passée. L’Alle-magne est très en avance dans ce domaine, notamment dans le bassin minier de la Rhur.

Jean-Luc bouchardon est enseignant chercheur au Centre sciences des processus industriels et naturels à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne.

L’extraction du charbon est-elle encore une activité dangereuse pour l’homme ?Ph.  P. Oui. De tous les combus-tibles fossiles, le charbon est res-ponsable du plus grand impact sur la santé publique. Son extraction peut engendrer chez les mineurs des maladies pulmonaires, comme la silicose, due à l’inhalation prolongée de grandes quantités de poussière. Dans les mines modernes, diverses mesures sont aujourd’hui appliquées pour prévenir ces maladies : port de masques protecteurs, ventilation de l’air dans les galeries, arrosage du charbon pour éviter la forma-tion de poussière… Cette activité provoque aussi de nombreux acci-dents mortels. En cause, la présence de méthane dans les mines, dont une faible concentration suffit à déclencher des explosions : les tristement célèbres coups de grisou. Les victimes depuis deux siècles se chiffrent en dizaine de milliers de morts. Encore aujourd’hui, mal-gré des progrès réalisés, plusieurs milliers de victimes par an lui sont imputables. Leur nombre officiel dans les mines chinoises est de 5 000, mais le chiffre réel est pro-bablement plus près du double.

Enfin, c’est également un travail très pénible en milieu hostile. J’ai du mal à imaginer que des pays dé-veloppés soient prêts à remettre en exploitation des mines souterraines sur une large échelle. Même en Chine, la mine peine à recruter, et, comme en Europe, les compagnies doivent recourir à une main-d’œuvre lointaine des terres déshéritées de l’intérieur. PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRôME VITERBO

J.-L. B. En surface, pour éviter la contamination en métaux des eaux à partir des terrils miniers, on peut contenir les eaux de ruissellement et les traiter comme on le fait pour les eaux issues de la mine, mais cela coûte cher et n’empêche pas l’éro-sion des sites. Une autre possibilité est la réhabilitation des mines, pour éviter un transfert des polluants vers l’environnement.

Comment fait-on pour réhabiliter d’anciens gisements ?J.-L. B. Cela dépend des volumes à traiter. Pour les faibles volumes, la mise en décharge reste la solution la plus simple. Pour les très gros volumes, on peut choisir d’imper-méabiliser le sol, par exemple en y construisant des parkings, ou en installant une couverture imper-méable, en matériaux synthétiques ou naturels comme les argiles. Mais d’autres voies plus intéressantes se font jour, comme la phytostabilisa-tion. Le principe est de recourir à des plantes pour limiter l’érosion des sols et l’infiltration de l’eau, et donc le lessivage des polluants. De plus, les composés organiques sécrétés au niveau des racines peuvent s’associer aux métaux et aider ainsi à les immobiliser.

Cette solution ne règle pas le problème mais réduit la mobilité des contaminants. Sur les terrils, qui connaissent certes une recolo-nisation naturelle, mais très lente, la phytostabilisation peut être une aide à la conservation de ces objets mémoriels.

« Le principe de la phytostabilisation est de recourir à des plantes pour limiter l’érosion des sols et l’infiltration de l’eau, et donc le lessivage des polluants. »