ROXANNE ST. CLAIRE

Le bébé inattendu

C o I I e c t i on Passion

Edition Harlequin

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Cet ouvrage a été publié en langue anglaise sous le titre :

WHEN THE EARTH MOVES

Traduction française de FRANCINE MAIGNE

HARLEQUIN*

est une marque déposée du Groupe Harlcquin et Passion* est une marque déposée d'Harlequin S.A.

Originally published by SILHOUETTE BOOKS, division of Harlcquin Enterprises Ltd. Toronto,Canada

Photo de couverture © MARK SCOTT / GETTY IMAGES

Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce xoit, constituerait une contrefaçonsanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © 2005, Roxanne St. Claire. © 2006.

Traduction française : Harlcquin S.A. 83-85, boulevard Vincent-Auriol. 75013 PARIS - Tél. : 01 421663 63 Service Lectrices - Tél. : 01 45 82 47 47 ISBN 2-280-08435-X - ISSN 0993^43X

Résumé

Alors que Cameron, l'un des plus brillants avocats de la place de New York, s'apprête àrentrer chez lui, une inconnue fait soudain irruption dans son bureau. Une nommée JoEllen Tremaine, dont il n'a jamais entendu parler. Camaron est partagé entre l'envie del'éconduire poliment et le désir de faire plus ample connaissance : cette Jo Ellen est d'unebeauté époustoufante, propre à ranimé ses appétits de célibataire blasé ! Séduit par lajeune femme, il décide donc de lui accorder quelques minutes. Mais les révélations qu'ellelui fait le laisse sans voie : elle prétend vouloir adopter un nouveau-né, qui ne serait autreque la nièce de Cameron. Sauf qu'il n'a jamais eu de nièce...

Chapitre 1.

Cameron McGrath ne manquait jamais le premier match de la saison des Yankees. Pour lui, c’étaitune véritable tradition. Aussi, lorsque la réceptionniste lui annonça qu’une femme l’attendait dans lehall du cabinet qu’il dirigeait, Futura Investissements, et qu’elle insistait pour le voir, il en fut trèscontrarié.

— Je n’ai aucun rendez-vous aujourd’hui, Jennifer, rétorqua-t-il.

Pour en être tout à fait certain, il vérifia dans son agenda. Il n’aurait évidemment jamais accepté unrendez-vous après 18 heures, un soir de match. Surtout quand les Yankees jouaient contre l’équipe deBoston.

— Avec qui est-elle ? demanda-t-il.

— Euh... elle est toute seule, répondit Jennifer.

— A-t-elle dit à quelle société elle appartenait ? Est-ce l’une de nos clientes ? Ou bien quelqu’unqui essaie de venir me démarcher ?

C’était sûrement cela. Depuis qu’il était devenu le principal avocat représentant Futurainvestissements, il avait l’impression de passer moins de temps à exercer la loi qu’à diriger lesservices du cabinet. Il n’avait tout de même pas obtenu un diplôme en droit et un MBA pour en êtreréduit à chaperonner de jeunes avocats et à prendre des décisions d’ordre administratif, commel’achat de matériel pour le bureau. Pourtant, ces derniers temps c’était surtout ce qu’il avait fait.

— Elle ne fait partie d’aucune société, monsieur McGrath, répondit la jeune réceptionniste enbaissant la voix. Je crois que c’est personnel. En tout cas, cela m’en a tout l’air.

Personnel ? Serait-ce Amanda ? Elle pouvait devenir pénible, lorsqu’on l’ignorait trop longtemps.Cela ne faisait pourtant qu'une semaine qu’il ne l’avait pas appelée. Ou bien deux, peut-être ? Flûte !Il avait été tout à fait honnête avec elle depuis le début de leur récente relation, mais cela semblait neservir à rien. Toutes les jeunes femmes de Manhattan en âge de se marier semblaient avoir envie delui passer la corde au cou.

Il jeta un coup d’œil à sa montre. Bon, puisqu’elle était là, il l’emmènerait avec lui au match. Ainsi,il ne serait pas en retard, et Amanda pourrait considérer qu’ils avaient eu un rendez-vous cettesemaine.

— Dites-lui que j’arrive dans une minute. J’espère qu’elle n’est pas en tenue de soirée et qu’ellepourra m’accompagner au stade.

Avec Amanda, on pouvait s’attendre à tout. Il parierait volontiers qu’elle portait une minijupe en cuirnoir, un minuscule top de créateur excessivement cher, et des talons aussi hauts que l’Empire StateBuilding.

Quelques instants plus tard, le sourire aux lèvres, il desserra sa cravate et se dirigea vers le halld’entrée, prêt à accueillir le superbe mannequin qu’il avait rencontré à un gala de charité deux moisplus tôt.

Pourtant, à travers les portes vitrées qui s’ouvraient sur la réception, il découvrit aussitôt que cen’était pas Amanda qui se trouvait là.

La jeune inconnue avec qui il était censé avoir rendez-vous se tenait face à l’immense baie vitrée etobservait la superbe vue panoramique qu’offrait la ville. Elle portait un jean usé et une paire debottes de cow-boy. D’ailleurs, elle tapait du pied sur l’épais tapis qui recouvrait le hall. Etait-elle àce point impatiente de le rencontrer ? Et pourquoi ?

Continuant à la détailler, Cameron remarqua ses longs cheveux auburn qui descendaient jusqu’au basde son dos, ainsi que le chapeau de cow-boy noir qu’elle portait enfoncé très bas sur la tête.

Elle avait l’air d’être vêtue pour un rodéo.

Connaissait-il cette femme ?

Lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir, elle se retourna lentement, redressa d’un doigt son chapeau enarrière et le regard qu’elle lui lança répondit aussitôt à sa question. Non... Il ne la connaissait pas.Jamais il n’aurait oublié un aussi beau visage. De grands yeux en amande aux reflets dorés, une peauclaire et lumineuse qui semblait si douce, et surtout une bouche qu’il aurait bien aimé détailler deplus près.

De très très près.

A sa grande surprise, il remarqua que la ravissante inconnue ne portait pas une seule touche demaquillage. Jamais il n’avait vu Amanda le visage nu.

— Monsieur McGrath ? l’apostropha-t-elle.

Il la regarda s’avancer vers lui, les talons de ses bottes résonnant sur le sol marbré et faisant échoaux battements de son propre cœur.

— Je suis Cameron McGrath, répondit-il en lui tendant la main pour la saluer. Puis-je... vous aider?

Il aurait bien aimé faire plus.

— Jo Ellen Tremaine.

Sa poignée de main était ferme, mais il lisait déjà des questions dans son regard. Etait-il supposé

reconnaître son nom ? Etait-elle l’avocate de la partie adverse dans l’un des procès de Futura ?

Son cerveau semblait refuser de fonctionner, et il avait l’impression que c’était une tout autre partiede son corps, bien plus intime, qui avait pris le contrôle.

Il se força à se concentrer sur son visage, mais au même moment, elle redressa la bretelle de son sac,sur son épaule, et son chemisier s’écarta légèrement, révélant la peau quasi translucide de la gorge etdu décolleté.

— Je sais que vous avez un rendez-vous et que vous êtes pressé, dit la jeune femme. Je ne prendraique quelques secondes de votre temps.

— Aucun problème. Ce n’est pas un rendez-vous urgent.

Rêvait-il ? Venait-il de déclarer que le fait de se rendre à un match entre les Yankees et les RedSocks n’était pas urgent ? Il fallait qu’il se ressaisisse. Ici, à New. York, on rencontrait des joliesfemmes à chaque coin de rue. Mis à part qu’elles ne portaient pas, en général, une tenue de rodéo.

— Que puis-je faire pour vous ? insista-t-il

Jo jeta un coup d’œil en direction de Jennifer, qui semblait ne rien rater de leur échange.

— Puis-je vous parler en privé ? demanda sa visiteuse.

Il soupesa les options qui s’offraient à lui. Passer quelque temps à discuter avec cette superbe cow-girl... Etre en retard pour les Yankees...

Le match ? La belle inconnue ?

— Mon bureau se trouve à l’autre bout de ce couloir, dit-il en lui indiquant la porte d’un geste.

Jo retira son chapeau et secoua ses cheveux, tandis qu’il en profitait pour la détailler.

Elle était vraiment superbe.

Lui tenant la porte pour la laisser passer devant lui, il en profita pour regarder de plus près son jeanqui moulait parfaitement ses hanches. Les Yankees joueraient dix-huit matchs, au cours de cettesaison. Mais une aussi belle apparition pourrait bien ne surgir dans son bureau qu’une seule fois.

Il avait vraiment fait le bon choix.

— Puis-je vous offrir quelque chose à boire, mademoiselle Tremaine ? demanda-t-il alors qu’ilsentraient dans son bureau et qu’il refermait la porte.

— Vous pouvez m’appeler Jo. Et à moins que vous n’ayez une bonne bière bien fraîche à m’offrir,ce sera non, merci.

— J’ai bien peur de ne rien avoir de tel ici.

Soudain, il se souvint du pack de bières qui attendait dans son réfrigérateur chez lui.

— A moins que vous n’ayez envie d’aller autre part, proposa-t-il.

— Non merci, répondit Jo qui se tenait au milieu de la pièce, et le regardait droit dans les yeux.Nous n’en avons que pour quelques instants. En tout cas, je l’espère.

Il remarqua une légère hésitation dans sa voix, à peine perceptible, mais tout à fait identifiable pourun avocat comme lui, habitué à déceler les moindres détails.

D’un geste de la main, il lui indiqua le canapé.

— Je vous en prie, asseyez-vous.

Elle s’effondra dans l’un des fauteuils, son jean usé et ses bottes noires contrastant curieusement avecles sièges de chrome et de cuir, dont il avait réalisé lui-même les esquisses lorsqu’il s’était installédans l’immense bureau.

— Etes-vous du coin... Jo ?

— Je viens de Sierra Springs, en Californie.

Surpris, il écarquilla les yeux.

— Vous connaissez cette région ? demanda-t-elle.

— Non, je ne peux pas dire que cela soit le cas, mais vous avez fait un long voyage. Sierra Springsse trouve à côté de la Silicon Valley, non ?

Ils avaient plusieurs clients par là-bas. La visite de Jo devait donc d’une façon ou d’une autre êtreliée à un dossier traité par Futura.

Jo secoua la tête.

— Non, il ne s’agit pas de cette vallée. Sierra Springs se trouve juste entre la Californie et leNevada, à quelques centaines de kilomètres de Sacramento, au pied des montagnes du Nevada.

Sa connaissance de cette partie du pays était plutôt limitée, et Cameron fut incapable de penser à unquelconque client Pas plus qu’à un investisseur potentiel.

— Cela doit être plutôt calme, par là-bas, dit-il.

— C’était calme, répondit Jo. Jusqu’au tremblement de terre.

— Le tremblement de terre ?

Cameron fouilla dans sa mémoire. De quoi parlait-elle ?

— Ah oui ! dit-il soudain. J’ai entendu parler de Sierra Springs. Il y a eu un tremblement de terre ily a quelques mois. Plutôt violent.

Jo hocha la tête.

— Exactement. 5,6 sur l’échelle de Richter. Ainsi que de nombreux contrecoups !

Il s’en doutait. Elle venait le rencontrer pour préparer un procès.

— 5,6 ! C’est plutôt impressionnant En avez-vous beaucoup souffert vous-même ?

Il laissa de nouveau son regard errer sur son jean, espérant que, quelle que fût l’affaire qui amenaitJo Ellen, ils ne seraient pas adversaires. Il préférait nettement avoir à la conseiller. Enfin, pourcommencer...

Elle haussa les épaules.

— J’ai perdu... certains proches.

De la famille ? Des employés ? Quelle que fût l’identité des disparus, il était certain, désormais, quec’était la raison de leur rencontre.

— Je suis désolé, dit-il.

Il lui sembla avoir entendu au journal télévisé que cinq personnes étaient décédées sur place. Dans unappartement. Soudain, l’image d’un pompier portant un petit bébé d’un an dans ses bras, l’extirpantde l’horrible chaos, surgit à sa mémoire. Toutes les chaînes de télévision et les stations de radioavaient parlé de ce petit miraculé.

Jo était-elle propriétaire de cet immeuble dans lequel des personnes avaient perdu la vie ? Ou bienFutura possédait-elle ce bâtiment ? Si cela avait été le cas, il aurait déjà été mis au courant del’éventualité d’un procès.

— Alors, que faites-vous à Sierra Springs ? demanda-t-il.

Il s’était presque attendu à ce qu’elle lui dise qu’elle élevait des chevaux ou du bétail, maisapparemment, elle devait, elle aussi, être avocate. Le style vestimentaire des avocats californiensétait plus décontracté que le sien.

— Je répare des carrosseries, répondit Jo.

Il lui sembla avoir mal entendu.

— Je vous demande pardon ?

— Des carrosseries. Vous savez, les voitures. Je les répare.

— Vous êtes mécanicienne ?

— Non. Je possède mon propre atelier de carrosserie, déclara-t-elle d’un air amusé, et je suisexperte en réparation.

— Vraiment ?

Donc, elle n’était ni reine des rodéos, ni avocate.

Soudain, Cameron se rendit compte que son regard s’était porté sur les mains de Jo. Elles étaientlongues et fines, sans aucune tache de graisse. De plus, Jo ne portait aucune bague, et encore moinsd’alliance.

— Eh bien, on peut dire que vous avez piqué ma curiosité mademoiselle... Jo. Qu’est-ce qui vousamène à New York ?

— Vous.

Aussitôt, il se raidit.

— Moi ? Comment cela ?

— J’ai besoin que vous signiez un document.

Aussitôt, une petite alarme retentit au fond de sa tête. Il n’était pas avocat pour rien.

— Quel genre de document ?

— Un consentement d’abandon.

Il réfléchit un instant, essayant de se souvenir de ses cours de première année.

— Attendez un peu. Ce genre de document ne fait-il pas partie d’une procédure d’adoption ?

Durant un instant, Jo ne dit rien. Il la vit passer le bout de sa langue sur ses lèvres si tentatrices et leshumecter.

— Si, répondit-elle.

— Je ne comprends pas. Pourquoi avez-vous besoin de ma signature ?

— Je suis en train d’essayer d’adopter un bébé. Et cette petite fille fait partie... de vos proches.

Il se pencha en avant, tout près d’elle.

— De mes proches ?

— C’est... votre nièce.

Cameron secoua la tête.

— Je n’ai aucune nièce. J’ai deux frères, mais aucun d’eux n’a d’enfants.

Un sentiment de malaise s’empara de lui, mais il le chassa aussitôt. Si Colin ou Quinn avait eu unenfant, il serait au courant. Ses frères et lui partageaient tout et n’avaient aucun secret entre eux.Serait-ce un stratagème pour lui extorquer de l’argent ? Un canular ?

— Je crois que vous faites erreur, Jo, dit-il. Qui est cette enfant ?

— II n’y a aucune erreur, insista Jo. Cette petite fille est bien votre nièce.

— Pourtant, je suis tout à fait certain de n’avoir aucune nièce.

Jo haussa un sourcil.

— Ne soyez pas aussi sûr de vous, tant que vous n’avez pas entendu les faits.

Objection retenue.

— Qui est le père ? demanda Cameron.

— Son père ne fait absolument plus partie de l’histoire, et de toute façon, ce n’est pas lui qui est liéà vous, mais sa mère. Sa mère s’appelle......s’appelait Katy McGrath.

Cameron sonda son esprit à la recherche de toutes les cousines McGrath possibles, proches oulointaines. Aucune Katy.

— Je n’ai jamais entendu parler d’elle.

Lentement, Jo croisa et décroisa les jambes.

— Non, je le sais. Vous ne l’avez jamais rencontrée. Mais sa mère est Christine McGrath.

Il crut que son cœur allait s’arrêter de battre.

— Et c’est aussi votre mère, dit Jo d’un ton neutre. Katy est donc votre sœur. Ou plutôt, était.

— Non. Il est impossible que j’aie...

Il resta sans voix.

Il ne pouvait pas avoir de sœur !

Bien sûr que si, c’était possible... Une curieuse sensation, comme une torpeur, s’empara de lui. Il lareconnut aussitôt. La première fois qu'il avait ressenti cette étrange émotion, c’était lorsqu’il avait

neuf ans, et qu’il avait regardé sa mère monter dans sa voiture et s’éloigner d’eux, abandonnant sonmari et ses trois fils pour toujours.

Il avait depuis longtemps effacé cette douleur et avait appris à contrôler ses émotions. D’ailleurs, il yexcellait !

Les paroles de Jo résonnèrent dans sa tête.

Katy est votre sœur. Ou plutôt, était.

— Où est ma... Christine McGrath ? demanda-t-il.

— Je regrette d’avoir à vous apprendre qu’elle-même et Katy ont toutes deux été victimes dutremblement de terre.

Cameron s’attendait à être submergé par une vague d’émotion, mais rien ne vint. Après tout, celan’était pas étonnant. Il avait enterré tout sentiment pour sa mère bien des années plus tôt.

Il sentit le regard de Jo posé sur lui. Elle attendait une réponse.

— Je suis désolé de l’apprendre, dit-il, mais je n’ai plus aucune relation avec ma mère. Je n’aidonc rien à voir avec ces personnes dont vous me parlez.

Il tenait à ce que les choses soient claires comme du cristal.

— Dans ce cas, vous ne verrez donc aucun inconvénient à signer ce papier, répondit Jo en sortantune enveloppe de son sac.

— Pas si vite ! dit-il en levant une main devant lui. Je suis avocat. Je ne vais rien signer du tout.

— Si vous avez besoin de preuves comme quoi cette femme était votre mère, j’en ai avec moi. Jem’attendais à ce que vous m’en demandiez.

Il la fixa du regard, essayant d’assembler tous les morceaux du puzzle. Puis il prit l’enveloppequ’elle lui tendait.

— Christine McGrath a quitté notre maison il y a vingt-six ans, et est partie s’installer dans leWyoming, déclara-t-il en commençant à décacheter l’enveloppe.

— Non, ce n’est pas ce qu’elle a fait. Elle n’est pas partie pour le Wyoming.

Pourtant, songea Cameron, selon son père, c’était bien ce qu’elle avait fait, et aucun de ses trois filsn’avait eu raison de douter de ses propos.

Plus jamais ils n’avaient reparlé de leur mère.

Jo croisa les bras et le regarda d’un air sentencieux.

— Il y a vingt-six ans, votre mère est venue s’installer à Sierra Springs, et a eu une petite fillequ’elle a prénommée Katy. Il y a onze mois de cela, Katy, à son tour a eu un enfant. Callie McGrath.

Il sentit sa gorge se serrer et ses doigts se crisper sur l’enveloppe qu’il n’avait pas encore ouverte.Etait-ce possible ?

— J’ai l’intention d’adopter Callie, monsieur McGrath. Mais je ne peux le faire tant que ses parentsles plus proches n’auront pas signé ce document, dans lequel ils déclarent abandonner tout droit surelle. Je refuse de passer le reste de ma vie à redouter que vous surgissiez un jour pour en réclamer lagarde.

La garde ? D’un bébé ? Elle plaisantait ?

— Ma chère, je ne voudrais même pas de la garde d’un poisson rouge.

— Parfait !

Jo se redressa d’un bond, remit son chapeau sur sa tête et d’un mouvement du menton lui indiqua lepapier qu’il avait dans la main.

— Tout ce que vous avez à faire, c’est signer ce document et vous ne me reverrez plus jamais. Jepeux vous le jurer.

Une part de lui-même avait envie d’obtempérer et d’en finir. Cette part qui avait enfoui au fond de samémoire tous les souvenirs de sa mère, et qui lui avait appris, bien des années auparavant, à exercerun contrôle total sur sa vie et ses émotions.

Pourtant, une autre part de lui entendait une petite voix tenace qu’il aurait bien aimé ignorer. Mais ilen était incapable.

Tu es le seul qui sera capable de réparer les blessures de cette famille, Cameron McGrath.

Les paroles de sa grand-mère étaient aussi claires dans sa tête que la première fois qu’il l’avaitentendue les prononcer.

Tu es l’aîné. C’est à toi que ce rôle incombe. Tu apaiseras les blessures.

Il avait oublié la fameuse prédiction. Tout comme Colin, Quinn et lui-même avaient chassé lesouvenir de cette blessure. Ou, du moins, ils avaient appris à faire semblant.

Cependant, devant lui se tenait une femme avec toutes les réponses qu’il avait si violemment espéréesdepuis vingt-six ans. Des réponses qui pourraient enfin les aider, ses frères et lui, à refermer la plaieinfligée à leurs cœurs il y a si longtemps.

Cette plaie qui n’avait jamais cicatrisé.

Oui, Jo semblait détenir des réponses qui pourraient les aider tous les trois à effacer cet horrible jour

où, depuis une fenêtre du second étage de leur maison, ils avaient regardé leur mère monter dans savoiture et s’éloigner en direction de Pittsburgh. Ou du Wyoming. Ou de la Californie.

Ailleurs.

Bien sûr, il avait plusieurs choix à faire ce soir. Des choix dont les retombées pourraient être bienpires que de manquer le début d’un match de base-ball.

Il pouvait signer ce document et oublier pour toujours que Jo Ellen Tremaine avait pénétré dans sonbureau. Ou il pouvait essayer d’obtenir quelques réponses d’elle.

C’était peut-être sa seule chance de pouvoir panser les blessures, comme disait sa grand-mère, pourlui et ses frères.

Cela dit, il n’avait aucunement l’intention de laisser Jo voir clair dans son jeu.

Il se leva à son tour et lui sourit

— Dites-moi, Jo, est-ce que vous aimez le base-ball ?

Jo n’en croyait pas ses oreilles. Cameron McGrath venait de se redresser devant elle et l’observaitdu haut de son mètre quatre-vingt-dix, une petite lueur d’amusement au fond de ses yeux bleus.

Du base-ball ? Etait-il sérieux ?

— Je trouve cela profondément ennuyeux, répondit-elle.

La petite lueur disparut de ses prunelles et elle le vit plisser les yeux. Des yeux qui, comme elle leremarqua, étaient bordés de cils aussi long que ceux de Katy.

— Ennuyeux ? répéta-t-il.

Avait-il vraiment envie de discuter des mérites du base-ball, alors qu’elle venait juste de luiapprendre que sa mère et sa sœur — qu’il n’avait jamais connue —, étaient décédées quelque tempsauparavant lors du tremblement de terre, et qu’il avait une petite nièce qu’elle prévoyait d’adopter ?Pouvait-il être aussi insensible ?

Bien sûr qu’il le pouvait... Elle avait lu les lettres que la mère de Katy avait envoyées à son époux.Les lettres que son mari lui avait retournées, barrées d’un « retour à l’expéditeur ». Jim McGrathsemblait avoir du venin dans les veines, et apparemment, il en était de même pour son fils.

Physiquement, Cameron McGrath était différent de sa sœur. Ses cheveux étaient d’un blond foncé, etses yeux d’un bleu azur, comme un beau ciel d’été. Il avait les traits finement ciselés, les sourcilsbien marqués, les pommettes hautes... et une ombre de barbe sur les joues.

D’après ce qu’elle pouvait voir, sous son costume fait sur mesure, il avait aussi un corps superbe.

Elle se força à se concentrer sur la raison de sa venue à New York : l’enveloppe qui était à présentdans la main de Cameron.

— De combien de temps avez-vous besoin pour lire ceci et le signer ? demanda-t-elle.

Il haussa les épaules, la fixant du regard, semblant la scruter.

— Je n’en ai aucune idée.

— Quoi qu'il en soit, vous n’avez guère de temps. Je repars par le vol de 23 h 30.

Cameron consulta sa montre.

— Avec un peu de chance, nous verrons la fin de la première partie. Et, continua-t-il en lui faisantun clin d’œil, s’il n’y a pas de prolongation, vous pourrez même voir le match en entier.

— Je n’ai aucune intention d’aller assister à un match ce soir, rétorqua Jo. Cela dit, plus vite voussignerez ce document, plus vite vous pourrez vous rendre au stade.

— J’ai l’impression que ceci est vraiment très important pour vous, dit-il en se penchant vers elle.

Aussitôt, Jo perçut son parfum musqué, si viril. Elle se sentit frémir. Il aurait fallu être franchementaveugle pour ne pas se rendre compte du charme die cet homme. Mais il était hors de question qu’ellese laisse influencer par l’attraction qu’il exerçait sur elle.

Elle savait ce qu’elle voulait et comptait bien l’obtenir. Callie McGrath ne deviendrait pas unepupille de l’Etat, ni une attraction pour une soi-disant famille qui ne s’occuperait pas d’elle. Elle-même n’était peut-être pas le modèle de la mère parfaite, mais elle tenait à Callie depuis le premierjour de sa naissance. Et en disparaissant aussi subitement, sans testament ni souhait clairementexprimé, Katy l’avait en quelque sorte obligée à prendre les choses en main.

— Oui, c’est important, répondit-elle. Important que les choses soient faites correctement. Je n’aipas envie que quoi que ce soit se retourne contre moi.

Cameron lui sourit.

— Il n’est pas question de cela, ma chère. Tout ce que je veux, c’est aller voir un match de base-ball avec vous. Et durant la partie, nous pourrions apprendre à nous connaître un peu plus, dit-il enlui posant une main sur l’épaule.

Elle comprit le message que sous-entendait sa réponse. Il était avocat, et comptait bien le luirappeler. Il était hors de question qu’il appose sa signature sur un document que venait à peine de luiapporter une parfaite inconnue.

— Cela me semble juste, dit-elle en s’écartant de lui. Mais est-il absolument nécessaire que nousnous rendions à un match de base-ball ?

— Tout à fait, répondit Cameron en riant et en l’entraînant vers la porte. De plus, vous pourrezenfin boire votre bière.

Jo eut la sensation qu’elle en aurait bien besoin.

Chapitre 2.

Cameron regarda Jo se glisser sur le siège arrière du taxi, et en profita pour admirer au passage sescourbes ravissantes. A l’instant où elle se cala contre la banquette, il décida de la façon dont il allaitmener son approche.

En toute décontraction.

Tout d’abord, il était possible que Jo fasse référence à une autre Christine McGrath. Une homonyme.Ou qu’elle n’essaie de l'arnaquer. Ou encore qu’elle soit complètement mythomane !

Néanmoins, il était tout aussi possible qu’elle lui dise la vérité, songea-t-il en lui jetant un coupd’œil.

De toute façon, passer la soirée avec elle n’avait rien de désagréable.

Sa mère ayant disparu de sa vie vingt-six ans plus tôt, la nouvelle de son décès ne pouvait l’accabler.De plus, Christine McGrath n’avait pas été une mère exemplaire ! Et le fait que sa sœur, dont ilignorait l’existence jusqu’à ce jour, ait également péri dans ce tremblement de terre était fortregrettable, mais qu’y pouvait-il ?

S’il avait su que Katy existait...

Une curieuse sensation l’étreignit. Il avait toujours ignoré qu’il avait une sœur. Et là non plus, il n’ypouvait rien.

Comme à son habitude, il préférait éviter tout ce qu’il ne pouvait contrôler. Oui, c’était triste qu’unejeune femme, qui avait au moins cinquante pour cent de gènes en commun avec lui ait vécu, puis soitmorte, sans qu'il n’ait jamais eu l’occasion de la connaître. Mais il décida de chasser aussitôt toutregret qu’il aurait pu avoir. De plus, il n’avait nulle intention de s’encombrer d’un nouveau-né !

Bien sûr, il avait deux frères. Mais Quinn venait juste de se marier, et Nicole et lui étaient plongésjusqu’au cou dans les travaux de restauration de leur villa en Floride. Colin était en train d’organiserson mariage avec Grâce, et tous deux étaient aussi très occupés avec leur cabinet d’architecture deNewport. Bien sûr, il ne pouvait en jurer, mais il doutait fort que ses frères songent déjà à avoir unenfant, encore moins à en adopter un.

Et leur père ? Depuis ces dernières années, ayant fini d’élever ses fils, et pris sa retraite, JimMcGrath vivait en solitaire.

Devait-il l’informer du décès de son ex-femme ? Ou de celui de sa fille ?

Ses frères et son père devaient-ils être mis au courant ? Tout ceci était-il réel ? Et pourquoi diable Jos’était-elle présentée à son bureau, et non pas chez un de ses frères ?

Tu apaiseras les blessures, Cameron McGrath.

Il se cala contre la banquette, ce qui eut pour effet de le rapprocher de cette femme mystérieuse,habillée comme pour un rodéo. Jo restait silencieuse, regardant par la vitre les rues illuminées deNew York.

Elle avait posé ses mains à plat sur ses cuisses, comme elle l'avait déjà fait dans son bureau. Al’instant où il la regarda, elle inspira profondément. Elle était l’image même de la sérénité.

— Alors, où avez-vous appris la mécanique ?

Elle lui jeta un coup d’œil acéré.

— Je ne suis pas mécanicienne.

— Tant mieux, répliqua-t-il en lui tapotant amicalement la main. Je ne fais pas confiance auxmécaniciens.

Elle repoussa sa main.

— Et moi, je ne fais pas confiance aux avocats.

Cameron se mit à rire.

— Vous n’avez pas répondu à ma question. Comment devient-on... experte en réparation ?

— En étudiant dans un collège technique. J’ai fait mon apprentissage à Sacramento durant quelquetemps, puis je suis allée travailler à Reno. Nous avons ouvert l’atelier il y a environ un an.

Nous ?

Aussitôt son regard se porta de nouveau sur sa main gauche.

— Votre mari travaille avec vous ?

— Je ne suis pas mariée.

A cause du tremblement de terre ? s’interrogea Cameron.

— Ah bon... Lorsque vous avez dit « nous », j’ai présumé que ce « nous » signifiait vous et votremari.

— Vous vous êtes trompé, répondit Jo en lui souriant d’un air malicieux. Je parlais de Katy et moi.Elle était mon associée.

— Ma sœur travaillait dans un atelier de carrosserie ?

Là, il était encore plus surpris.

Jo sourit davantage.

— Non, ce n’était pas du tout son style, dit-elle d’un air mutin en se tournant vers lui. Katy n’auraitjamais posé l’un de ses pieds joliment manucurés dans un tel atelier, et le bruit d’une ponceuse lafaisait fuir.

— Pourtant, vous venez de me dire qu’elle était votre associée.

— Mon associée en affaires, oui. Mais nous avions deux sociétés différentes dans le mêmeimmeuble, sous la même enseigne commerciale. Buff'n’Fluff.

Cameron se mit à rire, avant même d’avoir le temps de s’en empêcher.

— Buff'n’Fluff ? Quel genre de société est-ce donc là ?

Jo haussa les épaules, comme si elle avait déjà entendu la question un bon millier de fois.

— Buff désigne l’atelier de carrosserie, et Fluff est un salon de beauté. C’était Katy qui s’enoccupait.

L’image de sa sœur commença à prendre forme dans son esprit Une image qu’il ne souhaitait pas voirs’incruster en lui.

— Katy s’occupait de tout, poursuivit Jo. De soins cosmétiques, de manucure, et de coiffure. Toutce qui avait trait à la beauté n’avait pas de secret pour elle.

Cameron essaya de chasser l’image d’une version féminine de ses frères, sans y parvenir. La visionprenait forme. Bon sang ! Il n’avait aucune envie de songer à une personne qu’il n’avait jamaisrencontrée.

— Vous n’êtes jamais allée assister à un match de base-ball officiel ? demanda-t-il pour changer desujet.

Elle le regarda d’un air incrédule. Cameron McGrath refusait-il à ce point d’entendre parler de samère et de sa sœur ?

— Notre société a sponsorisé l’équipe locale l’an passé. Est-ce que cela compte ?

— Eh bien, je crois que ce sera un peu différent, ce soir. Nous nous rendons dans le stade Yankee.C’est la Mecque du base-ball.

— Si vous le dites, rétorqua Jo.

Elle resta silencieuse durant un moment, regardant par la vitre, puis se retourna vers lui.

— Avez-vous envie que je vous parle de votre mère ?

Il plongea son regard dans le sien, sans mot dire. Les yeux de Jo semblaient l’interroger, et ellerestait bouche bée, attendant sa réponse.

Il se pencha si près d’elle qu’elle sentit presque son souffle chaud sur ses lèvres. Elle ne bougea pas.

— Non, répondit-il en lui caressant le menton du bout du doigt. Et vous, avez-vous envie de savoiroù sont placés nos sièges ?

— Non, répondit-elle. J’aime les surprises.

— Vous ne serez pas déçue, promit-il en s’écartant un peu.

Il venait de marquer un point en ramenant la conversation sur le sujet qui l’intéressait.

— Vous avez apporté l’enveloppe avec vous ? demanda-t-elle.

Cameron tapota sa poche.

— Oui.

— Parfait. Il faut que je sois à l’aéroport à temps pour attraper mon vol. Et je compte bien repartiravec ce document.

A son tour de marquer un point.

Ce soir, le jeu allait être serré.

Lorsque le taxi les déposa au coin d’une rue animée, ils se retrouvèrent dans l’ombre du stade. Lesrues autour d’eux étaient bondées et semblaient regorger d’énergie.

Comment en était-elle arrivée là ? se demanda Jo. Venir assister à un match des Yankees ne faisaitpas partie de son plan.

Depuis que Dame Nature avait causé un véritable chaos dans sa vie, chamboulant ses priorités, ellen’avait eu de cesse de vouloir adopter cette enfant qu’elle avait tout de suite aimée. Jusqu’à ce soir,elle avait toujours pensé que les choses seraient simples. Le père de Callie avait depuis longtempsabandonné ses droits sur la fillette, essayant de dissimuler au mieux le fait qu’il était un homme mariélorsqu’il avait rencontré Katy, et qu’il lui avait fait des promesses jamais tenues.

Durant un temps, tout avait progressé à un bon rythme. Jo avait rempli des tonnes de documents,s’était rendue à de nombreux rendez-vous durant lesquels les employés des services d’adoption

l’avaient questionnée sans relâche ; elle les avait visiblement tous charmés, et avait même restructuréson atelier, sa maison, bref, son existence tout entière. Jusqu’à ce que sa mère lui raconte la véritablehistoire de tante Christine, lui révélant le secret qui l’avait amenée à Sierra Springs.

Abasourdie, triste, mais nullement découragée, Jo avait passé des heures à fouiller les débris de cequi avait représenté la vie de Christine McGrath. Et de plus nombreuses heures à surfer sur Internetpour rechercher des informations sur ses fils, puis à envisager la façon d’agir la plus appropriée.

Après de longues réflexions, la solution lui était apparue, claire comme de l’eau de roche. Katy s’enétait allée, de même que la femme qu’elle-même avait toujours appelée « tante » Christine. Pourtant,un petit être de chair avait survécu à la folie de la nature, et Jo était déterminée à faire tout ce quiétait en son pouvoir afin de s’assurer que Callie serait toujours en sécurité, protégée et aimée.

Même si cela incluait de passer une soirée dans un stade.

Elle jeta un coup d’œil à l’homme qui l’avait entraînée à ce match. Le fait qu’il ne pense qu’au base-ball au beau milieu de cette crise familiale lui confirmait bien que Cameron McGrath avait aussi peude sentiments que son père, qui avait obligé sa femme enceinte à quitter leur domicile. Non, Cameronn’aurait aucune envie de devoir réparer la faute d’un autre, fût-il son père.

C’est pourquoi elle avait choisi de l’approcher, lui. Lors de ses recherches, outre des rapports sur lesactivités professionnelles de Cameron, elle avait lu divers récits sur ses nombreuses liaisons. L’aînédes McGrath ne semblait souhaiter aucune attache, et cela, c’était parfait pour elle. Bien sûr, le faitqu’il soit avocat la perturbait un peu. Mais l’irréductible célibataire ne voudrait certainement pasd’un bébé. Qui plus est, elle espérait que sa signature, en tant qu’avocat, serait celle qui aurait le plusde poids, au niveau légal.

D’ailleurs, depuis le début de leur entretien, il se montrait plutôt insensible. Refusant de parler de samère, changeant de sujet dès qu’elle évoquait Katy ou Christine, et ne demandant même pas commentCallie avait fait pour survivre au tremblement de terre. L’entraînant, elle, dans les rues de New York,et flirtant même avec elle.

Pourtant, sous cette façade si lisse, elle percevait autre chose.

Quelque chose qui commençait à la troubler.

Cela dit, tant qu’elle ne saurait pas quel sentiment s’efforçait de dissimuler Cameron McGrath, il nelui coûtait rien de faire semblant d’aimer le base-ball.

— Voilà, nous y sommes, dit-il en interrompant ses pensées.

D’un geste, il lui désigna l’immense bâtiment qui s’élevait devant eux.

— La fameuse Mecque, commenta-t-elle en levant les yeux sur l’édifice.

Il lui sourit et l’entraîna vers les grilles d’entrée.

— Ne me demandez pas de vous raconter l’histoire de ce stade, je risquerais de vous ennuyer àmourir, dit Cameron.

Elle doutait que Cameron McGrath puisse l’ennuyer. Il pourrait sans aucun doute la rendre furieuse,s’il ne signait pas le document qu’il avait dans la poche, voire la fasciner, en lui faisant découvrirune ville et un mode de vie si différents du sien, et pourquoi pas, même, l’exciter, si jamais elle luidonnait sa chance... Cet homme était une véritable incarnation de la beauté masculine, tout enséduction et virilité.

Il la guida à travers la foule, se dirigeant vers l’un des guichets. La sensation de sa main dans le basde son dos lui procurait une douce chaleur.

Cameron salua l’employé du guichet, puis il la fit pénétrer dans le stade. A l’intérieur, les voix et lescris des spectateurs qui s’interpellaient résonnaient de toutes parts, de même que les bruits de leurspas sur le sol en béton. Sans même y réfléchir, elle prit la main de Cameron tandis qu’il l’entraînait àtravers le labyrinthe des différentes rangées de sièges.

— Nous sommes installés là-bas, dit-il en désignant d’un doigt les sièges du premier rang. Allons-y!

Il serra sa main dans la sienne et elle dut hâter le pas pour rester à sa hauteur. De toutes parts, desvendeurs les apostrophaient pour les inciter à acheter des hot dogs, des sandwichs, des boissonsfraîches ou des cacahuètes grillées.

Elle retira son chapeau et le cala sous son bras, humant au passage la délicieuse senteur des hot dogscuisinés aux oignons qui la faisaient déjà saliver. Elle n’avait rien mangé de la journée et en auraitvolontiers dégusté un.

Soudain, des applaudissements et des cris d’encouragement retentirent de toutes parts. Tandis queCameron l’entraînait à travers les couloirs souterrains qui conduisaient aux premiers rangs du stade,la lumière crue des néons l’éblouit, et toute cette agitation, combinée à la sensation de sa main dansla sienne, commença à l’étourdir.

Allons bon ! Que lui arrivait-il ? Elle était capable de refaire à neuf la carrosserie d’une voiture.Durant ses loisirs, elle escaladait les montagnes les plus hautes. Elle n’avait pourtant rien d'unemauviette ! Comment diable le simple fait de pénétrer dans ce stade pouvait-il l’étourdir ?

Ce devait être à cause des documents qui se trouvaient dans la poche de Cameron, et de l’importancequ’ils revêtaient pour elle. D’une façon ou d’une autre, il allait falloir qu’elle supporte ce match etobtienne sa signature. Puis elle se précipiterait à l’aéroport et rentrerait chez elle, auprès de Callie.

Mission accomplie.

— Espérons qu’ils n’ont pas marqué, déclara Cameron tandis qu’ils approchaient de l’un desvigiles. C'est déjà désolant d’avoir raté la première partie, mais manquer un but me rendrait dingue !

— Cameron ! Nous nous demandions si tu allais venir ! dit le vigile en lui tendant la main.

— Salut, Eddie ! Où en est-on ?

Eddie lui résuma les actions des deux équipes tandis que Jo se concentrait pour essayer decomprendre ce qu’il disait.

Eddie se tourna ensuite vers elle, et la détailla des pieds à la tête, avant de reporter son attention surCameron.

— Je savais bien que tu devais avoir une bonne raison pour arriver en retard, mon vieux, plaisanta-t-il.

— Eddie, cette bonne raison, comme tu l’appelles, est Jo Ellen Tremaine, répondit Cameron. Elleest de Californie et c’est la première fois qu’elle vient à New York.

Eddie haussa un sourcil.

— De Californie ? C’est bien l’équipe des Angel’s qui joue là-bas ?

De quoi parlait-il donc ?

— Je vous demande pardon ? bredouilla Jo.

Cameron se mit à rire et l’enlaça. Mmm... Voilà qu’elle commençait à s’habituer à sentir ses mainsposées sur elle. Cameron évoqua les deux équipes principales de Californie.

— Désolée, répondit-elle, je ne m’intéresse pas vraiment au sport.

Cette fois, ce fut Eddie qui se mit à rire.

— Eh bien, vous devriez, rétorqua-t-il en pointant un doigt en direction de Cameron. Sinon, vouspouvez tout de suite dire adieu à votre petit ami.

Inutile d’essayer de le corriger, songea Jo en se contentant de hausser les épaules.

— Allons-y, ma belle, dit Cameron en l’entraînant avec lui.

Elle fit un signe de la tête à Eddie qui souriait d’un air entendu, puis elle se retourna et fit face àl’océan de verdure qui s’étendait devant eux.

Le stade ressemblait à un immense et épais tapis vert émeraude, entouré de milliers et de milliers depersonnes qui criaient, applaudissaient, encourageaient, buvaient, mangeaient et riaient. Bien sûr, elles’était déjà trouvée dans un stade auparavant, mais cet endroit lui semblait tout simplementincroyable.

Tout comme l’homme qui l’avait amenée ici ce soir.

Quelques instants plus tard, ils s’installèrent enfin sur leurs sièges et Cameron passa aussitôt son brasautour de ses épaules. Soudain, un superbe coup joué par l’une des équipes sembla enflammer lestade et chacun bondit sur ses pieds, y compris elle-même, entraînée par Cameron. Puis chacunsoupira et se rassit. Cameron l’enlaça de nouveau, et elle sentit son parfum viril l’envahir denouveau, malgré l’odeur du pop-corn et des saucisses grillées qui flottait tout autour d’eux.

— Vous voulez votre bière ? demanda-t-il.

Elle se pencha vers lui et lui jeta un regard d’avertissement.

— Inutile de vouloir prendre soin de moi. Vous n’êtes pas mon petit ami, et ceci n’est pas unesortie en amoureux.

Il lui sourit et jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule.

— Faites donc semblant, juste pour me faire plaisir, d'accord ? demanda Cameron. J’ai uneréputation à tenir.

— Ça, je m’en doute.

Leurs regards restèrent un instant rivés l’un à l’autre.

— Une bonne réputation, ne vous inquiétez pas, assura-t-il. Celle d’un gentleman prêt à offrir cequ’elle désire à la jeune femme qui l’accompagne au stade.

Ce qu’elle voulait, c’était ce satané document dans sa poche ! Signé par lui

— Je prendrai la même chose que vous, concéda-t-elle.

Un autre coup frappé par un joueur attira l’attention de Cameron et, de nouveau, ils se retrouvèrenttout deux debout Cette fois, le lancer fut un succès.

Peut-être devrait-elle essayer de suivre le jeu, songea-t-elle.

Elle se rassit, mais Cameron resta debout, et attira l’attention d'un vendeur. Quelques instants plustard, elle se retrouva avec un sachet de cacahuètes et deux gobelets en plastique entre les mains.

A côté d'eux, les autres spectateurs semblaient tous se connaître et elle les entendait plaisanter entreeux et commenter le match. Quelques instants plus tard, après avoir dévoré une bonne partie du sachetde cacahuètes et bu la moitié de sa bière, elle se rendit compte qu’elle commençait à comprendre lejeu.

Quant à sa mission, elle ne semblait pas avoir avancé d’un pouce.

Cameron lui parlait avec grand enthousiasme de son équipe préférée. Son corps était tout proche dusien. Seul l’accoudoir de leurs sièges lui évitait de le sentir tout contre elle.

Tandis qu’il regardait le match, elle ne pouvait s’empêcher de lui jeter des coups d’œil. Et ellevoyait bien qu’il faisait de même, de temps à autre. L’inconvénient étant de se sentir troublée dès queson regard se posait sur elle.

Elle essaya de rester décontractée, faisant mine de ne pas remarquer l’attraction qui naissait entreeux. C’était lui qui avait décidé de l’amener ici. Elle jouerait donc son jeu, jusqu’à ce qu’elleobtienne ce qu’elle voulait.

— Comment êtes-vous devenu un tel fan des Yankees ? demanda-t-elle. N’ont-ils pas d’équipe debase-ball, à Pittsburgh ?

Cameron fronça les sourcils, semblant surpris par sa question. Ils n’avaient pas discuté du lieu où ilavait grandi.

— Je vis à New York, à présent, répondit-il avant de boire une gorgée de bière. Je suis allé aulycée et à l’université de droit à Fordham, à dix minutes d’ici, et j’ai obtenu mon MBA à l’universitéde Colombia. Je suis un pur New-Yorkais.

— Je sais, répondit-elle, gagnant au passage un autre coup d’œil intrigué.

Ce qu’elle ignorait, c’est pourquoi il avait quitté la région de son enfance.

— Vous avez plus d’avantages que moi, chuchota-t-il à son oreille. Vous avez l’air d’en savoirbien plus à mon sujet que je n’en sais sur vous.

Après tout, il avait droit à quelques informations sur sa vie personnelle, songea-t-elle.

— En ce qui me concerne, je vis et je travaille à Sierra Springs. J’ai trente ans, je suis propriétairede ma maison ainsi que de mon atelier de carrosserie, dans le centre de la ville.

Que lui dire d’autre ? Désirait-il apprendre des choses plus personnelles ?

— Vous avez un petit ami ?

— Non.

— Vous avez déjà été mariée ?

Si on prenait en compte sa demande d’adoption, cette question était peut-être légitime.

— Brièvement, répondit-elle.

— Que s’est-il passé ?

— Il voulait déménager à Los Angeles.

— Et c’est cela qui a provoqué votre rupture ? demanda-t-il d’un air intrigué.

Elle resta silencieuse un bref instant avant de lui répondre.

— Il voulait déménager à Los Angeles, avec une autre femme.

— Oh...

Jo haussa les épaules.

— Ce sont des choses qui arrivent, répondit-elle.

— Oui, bien sûr. Combien de temps avez-vous été mariée ?

Une vague de clameur enflamma soudain le stade, et Jo crut qu’elle allait être dispensée de répondre.Mais Cameron resta assis, attendant sa réponse.

— J’ai été mariée environ un an, dit-elle. J’avais vingt-deux ans, à l'époque.

Elle ne s'était pas du tout attendue à devoir lui livrer des informations aussi personnelles, songeantqu’il préférerait qu’elle lui parle de sa sœur et de sa mère. Ou même de Callie.

Elle était prête à donner à Cameron McGrath tout ce qu’il voudrait, toutes les photos, toutes lesinformations, y compris même les lettres de sa mère à son père, si seulement il consentait à signer cedocument. Elle avait tous ces documents, là, dans son sac. Ça, ainsi qu’une brosse à dents, un peigneet des sous-vêtements de rechange. C’était tout ce qu’elle avait amené pour ce voyage à New Yorkqui ne devait durer qu’une journée. Elle n’avait aucune intention de rester une minute de plus quenécessaire. Son prochain rendez-vous avec les services d'adoption avait lieu la semaine prochaine, etelle comptait être fin prête.

— Vous n’avez pas d’enfants ? demanda Cameron.

— Pas d’autre que celle que j’ai prévu d’adopter.

Que se passerait-il si son pire cauchemar devenait réalité ? Si soudain Cameron décidait que c’était àlui d’élever Callie ? Bien sûr, cela pouvait sembler ridicule de la part d’un homme qui avait reconnune vouloir la responsabilité de personne, pas même d’un poisson rouge, mais tant de choses curieusess’étaient produites, ces derniers mois. La loi serait du côté de Cameron, même si son style de vie necorrespondait pas à celui d’une jeune enfant.

Comment pourrait-elle le lui rappeler subtilement ?

— Vous n’avez jamais été marié, dit-elle.

— Jamais, et je n’en ai aucunement l’intention.

Une vague de soulagement s’empara d’elle.

— Vous avez l’air bien sûr de vous, observa-t-elle.

Cameron sourit.

— Oui, c’est le cas, surtout dans ce domaine.

— Pourquoi ?

Il la regarda d’un air pensif.

— Je crois que vous en savez suffisamment sur l’histoire de ma famille pour répondre vous-même àcette question, répondit-il.

Jo fronça les sourcils. Quelque chose clochait

— Vous voulez dire à cause de vos parents ? demanda-t-elle.

— Non, pas à cause de mes parents, corrigea-t-il. A cause de ma mère. Elle m’a guéri à jamais desrelations à long terme.

Sa mère ? Sa mère qui avait été obligée de quitter son domicile et avait essayé durant des années derenouer une relation avec son mari et ses enfants ? Ils l’avaient tous rejetée ! Etait-il possible... Nesavait-il pas.?

La foule hurla de nouveau, et Cameron la surprit en l’attirant un peu plus près de lui et en luiindiquant le terrain du doigt.

— Alors, ma belle, vous trouvez toujours le base-ball ennuyeux ?

Quel formidable changement de conversation ! Tant mieux, après tout. Elle n’avait aucune envie deplonger dans son passé, si lui ne le désirait pas. Moins ils en parleraient, mieux cela seraitNéanmoins, elle ne tenait pas non plus à ce qu’il s’éloigne trop du sujet

— Je dois être à l’aéroport Kennedy au plus tard à 22 h 30, lui rappela-t-elle.

Cameron regarda la pendule sur le tableau d’affichage des scores.

— Ça risque d’être difficile.

Jo sentit son cœur s’arrêter de battre. Il ne pouvait pas faire cela ! Il n’avait aucune raison de luirefuser sa signature ! Il était évident qu’il ne se souciait guère de sa mère ni de ce qui lui était arrivé,et il n’avait certainement pas envie d’avoir la responsabilité d’un bébé de onze mois.

— Vous allez signer ce document, n’est-ce pas, Cameron ? l’interrogea-t-elle.

Il la serra un peu plus fort contre lui.

— Que se passera-t-il si je ne le fais pas ?

— Vous le ferez.

— Et dans le cas contraire ? insista-t-il.

— Je m'en irai. Je peux prendre un taxi toute seule. Je vous ai promis de ne pas vous ennuyerlongtemps.

Il l’observa et lui adressa un sourire langoureux.

— Dans ce cas, je vais profiter de chaque minute que vous m’offrez.

Il se pencha vers elle et lui chuchota à l’oreille :

— Quoi qu’il en soit, vous êtes la bienvenue chez moi autant de fois qu’il vous plaira.

A ces mots, Jo se sentit frémir. Les suggestions de Cameron provoquaient une douce vague de chaleuren elle.

Elle n’avait pas prévu qu’elle devrait se battre contre elle-même pour obtenir ce qu’elle voulait.

Elle essaya d’inspirer profondément, comme Katy le lui avait appris, mais ne réussit qu’à s’étouffer.Cameron sourit.

— Ne soyez pas aussi nerveuse, dit-il en lui tapotant la cuisse. Nous ne sommes qu’à la moitié dumatch, et l’équipe des Socks est plutôt en mauvaise posture. Vous n’avez pas à vous inquiéter.

Tous deux savaient fort bien que ce n’était pas à cause du match qu’elle s’inquiétait.

Chapitre 3.

Les Red Socks de Boston menaient déjà par quatre points à zéro. Les Yankees étaient vraiment enmauvaise posture.

Il était déjà 21 h 30, et Cameron savait qu’il ne verrait jamais la fin du match s’il devait accompagnerJo à l’aéroport.

De toute façon, les Yankees ne semblaient pas être en mesure de reprendre l’avantage. Et il avaitbeaucoup de questions à poser à Jo.

Pourtant, il n’avait pas vraiment envie de savoir ce qui était arrivé à Christine McGrath. Mais sesfrères, qui étaient encore bébés lorsqu’elle avait quitté la maison, avaient le droit de savoir. SurtoutColin. Le benjamin de la famille s’était toujours reproché le départ de leur mère, mais il était bientrop jeune pour être coupable de quoi que ce soit, lorsqu’elle était partie. Cameron estimait qu’ildevait apprendre la vérité, ne serait-ce que pour Colin et Quinn.

Il se tourna vers Jo et lui pressa la main.

— Il est l’heure de partir, lui souffla-t-il.

Surprise, Jo écarquilla les yeux.

— Je croyais que vous voudriez au moins les voir jouer ce coup.

Sa proposition le surprit.

— Oui, mais je n’ai pas envie que vous m’accusiez de vous avoir fait rater votre avion.

Ils se levèrent, et Cameron dit au revoir à ses voisins, avec qui il avait déjà assisté à tant de matchsdurant les étés précédents, puis ils se dirigèrent vers la sortie.

Au même moment, derrière lui, il entendit le bruit d’une batte sur la balle, sachant, rien qu’au son,que le joueur venait de réussir un excellent coup.

Jo se tourna vers lui, s’attendant à ce qu’il lui demande de rester quelques minutes encore.

Il lui sourit.

— Pas question d’être en retard à l’aéroport, dit-il.

Le speaker annonça le but. Flûte !

Glissant son bras sous le sien, Jo lui fit un sourire éblouissant.

— Merci, Cameron.

Ce sourire valait bien la peine de manquer un but !

— Vous savez, Jo, dit Cameron tandis qu’ils quittaient le stade et se retrouvaient dans la rue, jedois vous avouer quelque chose.

— Quoi ?

Etait-ce le doux parfum de ses cheveux qu’il sentait sous son nez, ou la douceur de son bras passésous le sien ? Etait-ce parce que, contrairement à toutes les femmes avec qui il était sorti et quifaisaient semblant de comprendre le base-ball, Jo avait reconnu son ignorance tout en lui demandantde lui en apprendre les règles ? Il ignorait pourquoi, mais il avait envie de s'ouvrir à elle, et de luiconfier ses pensées.

— Je trouve dommage que nous devions nous rencontrer dans des circonstances aussi étranges,continua-t-il.

— Pourquoi ? Vous pensez que j’aurais pu devenir fan de base-ball grâce à vos conseils ?

Elle était loin de la vérité, et il brûlait d’envie de l’embrasser. ..

— Oui, se contenta-t-il de dire.

Il lui fit face, et, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde, passa ses bras autour de sataille tandis qu’elle faisait de même autour de sa nuque. Ils étaient parfaitement assortis, songeaCameron. Il lui suffirait d’incliner juste un peu la tête pour pouvoir l’embrasser.

— Vous allez signer ce document, n’est-ce pas ? demanda Jo.

Il hocha la tête. Jo semblait le dévorer du regard. Leurs lèvres étaient si proches...

Il l’embrassa.

Ses lèvres avaient un goût de sel et de menthe. Il les écarta avec sa langue et se glissa dans sabouche. Savourant ce plaisir, il resserra ses bras autour d’elle, et l’embrassa plus passionnément.

Leurs langues se parlaient, se répondaient, et Cameron sentit son corps s’embraser.

Jo le repoussa avec douceur. Elle avait les yeux fermés, mais sa bouche souriait. Il en était ravi. Ellene l’avait pas repoussé en le traitant de tous les noms ou en lui rappelant la raison officielle de leurrencontre. De toute évidence, Jo semblait avoir apprécié ce baiser autant que lui.

— Vous savez quoi ? murmura-t-elle.

— Quoi ?

— J’apprendrai à Callie les règles du base-ball, et je lui achèterai même une casquette desYankees. D’accord ?

Cameron eut l’impression qu’un million d’émotions, au bas mot, l’envahissait de toutes parts, mais illes repoussa au loin.

— Entendu, ma belle.

Il lui caressa la taille et le bas du dos.

Jo leva les yeux vers lui, une petite lueur de victoire dans le regard.

— Vous ne pouvez pas savoir à quel point vous me faites plaisir, affirma-t-elle.

Cette fois, ce fut elle qui se rapprocha de lui et prit l’initiative du baiser.

Cameron plongea sa langue en elle, prenant son visage entre ses mains, puis caressant ses cheveuxmagnifiques. Une vague de désir montait en lui, et il eut soudain l’impression qu’il allait perdre toutcontrôle.

Il fallait qu’il se reprenne, sans quoi Jo risquerait bien de rater son avion. Il la repoussa et, avec sonpouce, lui caressa une dernière fois les lèvres.

— Rien de mieux qu’un match de base-ball pour émoustiller une jeune femme, dit-il en souriant.

Elle lui sourit à son tour et s’écarta de lui, refusant de le contredire sur la raison de sonenthousiasme. Elle avait gagné la partie, et tous deux savaient que c’était cette victoire qui avaitprovoqué en elle cette vague d’affection.

— Allons-y, dit Cameron en l’entraînant vers la station de taxi au coin de la rue. Directionl’aéroport !

Ils se dirigèrent vers le premier taxi de la file, et Cameron lui ouvrit la portière.

— Après vous.

Jo ne bougea pas.

— Non, Cameron, vous n’avez pas besoin de faire tout ce chemin jusqu’à l’aéroport.

Elle jeta un coup d’œil en direction de sa poche.

— Il vous suffit de... signer. Signez ce document et je m’en irai, assura-t-elle en le regardant d’un

air à la fois suppliant et chargé de regrets.

— Vous voulez que je vous laisse ici et que je rate l’occasion de flirter encore un peu avec vousdans le taxi ? Vous êtes folle?

Jo se mit à rire.

— Je crois que nous avons assez... flirté pour ce soir.

Elle tendit la main vers la poche de sa veste, mais il lit un pas en arrière.

— Dans ce cas, nous discuterons.

Jo haussa les sourcils.

Cameron la poussa vers l’intérieur de la voiture.

— Je vous assure, reprit-il, nous discuterons.

Il aurait bien aimé continuer à l’embrasser durant le trajet, mais l’heure était venue d’obtenirquelques réponses.

Embrasser Cameron McGrath avait été particulièrement stupide !

Mais elle avait été si heureuse qu’il accepte de signer ce document, et elle se sentait si excitée en saprésence ! Elle avait tant eu envie de l’embrasser... Et, à dire vrai, elle désirait l’embrasser encore.

Néanmoins, elle se cala à l’extrémité de la banquette, laissant une large place entre eux deux. Peut-être Cameron souhaitait-il vraiment discuter.

S’il consentait à signer ce fichu document, elle l’embrasserait volontiers sans s’arrêter un instantjusqu’à l’aéroport. Cela faisait longtemps qu'un homme ne l’avait pas troublée à ce point. Durant desannées, après la débâcle de son mariage qui n’avait été qu’une confirmation de ce que sa mère luirépétait souvent, à savoir que les hommes vous quittent toujours, elle avait évité toute liaison.

Elle s’était plongée dans le travail, prêtant à peine attention à ses clients masculins qui venaient luiconfier leur voiture.

Seule la carrosserie de leur véhicule l’intéressait. Un ou deux d'entre eux avaient retenu son regard,et elle avait eu une brève liaison à l’occasion, mais elle ne se souvenait d’aucun homme qui l'eûttroublée autant que Cameron McGrath.

Katy, elle, avait eu de nombreux flirts, et chaque fois elle semblait perdre la tête pour son petit ami.Aujourd’hui, sa dernière aventure avec le père de Callie était en train de chambouler sa petite vietranquille.

Alors, où est le père ? demanda Cameron.

Sa question la surprit. Elle avait l’impression qu’il avait suivi le cours de ses pensées.

— Vous voulez dire, le père de Callie ?

Elle détestait prononcer le prénom du bébé. Elle ne voulait pas que Cameron commence à éprouverla plus petite pointe d'intérêt pour cette enfant. Ni qu’il ait envie de la rencontrer. S’il le faisait, iltomberait aussitôt amoureux d’elle, c’était certain. Tout le monde tombait amoureux de Callie, dès lepremier regard, C'était une petite fille irrésistible, aussi belle que sa mère.

Katy et lui étaient mariés ? demanda Cameron.

Non. Lui l’était. Avec une autre femme.

Oh...

Jo perçut tout à fait la note de désapprobation dans la voix de Cameron.

— Pour sa défense, dit-elle, Katy n’était pas au courant... Tout du moins au début.

— Et il ne désire pas prendre soin de son enfant ?

La désapprobation semblait se transformer en dégoût.

— Je crois qu’il préfère que sa femme et ses enfants n’apprennent pas l’existence de Callie. Il aabandonné ses droits parentaux sur elle, bien avant sa naissance.

Cameron poussa un profond soupir, et regarda par la fenêtre.

— Pourquoi diable a-t-elle eu une liaison avec un homme marié ? Etait-elle stupide à ce point ?

— Non, répondit Jo aussitôt Elle était très intelligente. Brillante, même, dans certains domaines.Surtout en ce qui concernait les affaires. Mais elle avait un faible pour les jolis garçons. Et la plupartdu temps, eux aussi avaient un faible pour elle.

— Vous savez ce qu’on dit ? Les chiens ne font pas des chats.

Jo se raidit en entendant son commentaire et se tourna vers lui, pointant son index dans sa direction.

— Ecoutez, vous pouvez dire ce que vous voulez de Katy. Après tout, c’est votre petite sœur et elleétait parfois pénible à supporter ! Mais vous ne pouvez pas, je dis bien vous ne pouvez pas insultertante Christine ! Cette femme était une sainte !

— Tante Christine ?

Cette fois il eut un rire amer.

— Je crois que nous ne parlons pas du tout de la même Christine McGrath ! dit Cameron.

Comprenait-elle bien ce qu’il disait ? Il blâmait tante Christine ?

— Pourquoi dites-vous que Katy était pénible ? demanda-t-il avant qu’elle n’ait le temps d’ouvrirla bouche.

— Elle était...

Comment formuler cela ?

— Disons qu’elle ne savait pas toujours bien juger les gens. Surtout les hommes.

Tout cela parce que Katy cherchait désespérément un homme qui aurait pu combler le vide laissé parson père.

Une vague de culpabilité envahit Jo. Elle ne voulait pas que la même chose arrive à Callie. Pourtant,elle-même avait été élevée sans père, et elle n’avait jamais eu le comportement quasi destructeur deKaty.

— Vous voulez dire qu’elle...

Cameron suggéra ce qu’il voulait dire d’un regard appuyé, et Jo lui fut reconnaissante de ne pasexprimer à haute voix des pensées négatives sur sa sœur.

— Non, assura-t-elle, Katy n’était pas une fille paumée, elle avait tout de même une certainemorale. Ce qui s’est passé, c'est qu’elle est tombée amoureuse d’un homme marié et s’est retrouvéeenceinte. Ce n’est pas la première femme à faire ce genre d’erreur.

— Vous étiez proches, toutes les deux ?

— Comme des sœurs.

Dans l’ombre de l’habitacle, elle vit Cameron grimacer en entendant sa réponse.

— Comment l’avez-vous rencontrée ?

— Tante Christine est arrivée à Sierra Springs lorsque j'avais trois ans, presque quatre. Elle étaitenceinte et cherchait du travail. Elle a rencontré ma mère, la seule autre mère célibataire de la ville àcette époque, et toutes deux se sont liées d'amitié. Ma mère a offert à la vôtre un emploi dans sonsalon de beauté, et elles sont aussi devenues voisines. Christine était comme une tante pour moi, etc’est pour cela que je l’ai toujours appelée ainsi. Katy, elle, a toujours été là... d’aussi loin que je mesouvienne.

Durant un long moment, Cameron ne dit rien. Tourné vers elle, il regardait par la vitre, l’air peiné. Jol’observa. Son regard semblait lointain, empreint d’une expression indéchiffrable.

« Ne réfléchis pas trop, Cameron. Ne change pas d’avis. Contente-toi de signer ce document ! »

Elle ne voulait pas paraître insistante, mais elle n’en pouvait plus d’attendre.

— En avez-vous appris assez ? demanda-t-elle en retenant son souffle.

Il reporta son regard sur elle, et elle remarqua qu’il avait l’air un peu plus détendu.

— Pourquoi, vous avez envie de flirter ?

Elle faillit rire.

— Etes-vous prêt à signer ce document, à présent ? demanda-t-elle.

Cameron sourit, et se rapprocha d’elle. Elle huma son parfum, qu’elle commençait à bien connaître.

— Vous êtes tenace, murmura-t-il.

— Signez !

Il passa sa main sous ses cheveux.

— Embrassez-moi !

— C’est du chantage ! rétorqua-t-elle.

— En fait, je crois même qu’il s’agit d’extorsion.

Il s’approcha si près d’elle qu’elle put distinguer ses pupilles dans la pénombre du taxi.

Elle se força à se retourner vers la vitre, et remarqua un panneau sur la route.

— Nous sommes presque à l’aéroport, dit-elle.

Cameron la dévisagea, détaillant sa bouche. Elle brûlait d’envie de poser ses lèvres sur les siennes.Au lieu de cela, elle tendit la main vers la poche de sa veste et en retira l’enveloppe.

Cameron la laissa faire.

Elle lui présenta l’enveloppe.

— Vous voulez un stylo ? demanda-t-elle.

Il lui laissa le document entre les mains, et se cala contre le siège, semblant la défier.

— Je ne peux pas signer. J’ai besoin de lire ce papier avant.

Jo sentit son cœur se serrer.

— Ce document est bien trop long, et c’est un véritable charabia juridique.

— C’est la langue que je préfère, rétorqua Cameron.

Soudain, le chauffeur du taxi baissa la vitre de séparation.

— Quel terminal ? demanda-t-il.

Oh, mon Dieu ! Ils étaient presque arrivés à l’aéroport Kennedy, et elle n'avait toujours pas obtenu lasignature de Cameron !

Elle ouvrit l’enveloppe tandis que Cameron se penchait en avant pour parler au chauffeur. Ledocument comportait deux pages. Au bas de la seconde figurait l’emplacement pour sa signature.Fouillant dans son sac, elle en extirpa un stylo. Voilà, dit-elle en le lui tendant.

Cameron secoua la tête.

Non. Je le lirai dans l’aéroport. J’y verrai plus clair.

Que pouvait-elle répondre ?

Le chauffeur s’arrêta à l’emplacement prévu pour les taxis.

Pendant que Cameron le payait, elle descendit, tenant le précieux document à la main.

Vous n’avez pas d’autres bagages ? demanda Cameron. Je n’avais pas prévu de rester pluslongtemps.

Cameron secoua la tête.

Et si je n’avais pas signé ce document ? Vous seriez-vous contentée de rentrer chez vous ?

Je ne suis pas venue à New York pour faire du tourisme, dit-elle tandis qu’ils pénétraient dans leterminal.

Cameron leva les yeux vers le tableau d’affichage des vols. Elle lui plaqua le document sur lapoitrine et lui fourra le stylo dans la main.

Voilà, il y a assez de lumière ici. Vous lisez pendant que je vais m’occuper de mon enregistrement !

Elle s’éloigna de lui, sentant son cœur résonner dans sa poitrine à chacun de ses pas.

« Je t’en prie, signe... Signe ! »

Tout en contemplant le tableau des vols, elle se remémora les mots que Cameron était en train de lire.Tout était très simple. Ce que ce document disait, à travers tout un jargon juridique, c'était que lui,l’oncle aîné de Callie, abandonnait ses droits à son profit.

Soudain, elle le sentit juste derrière elle. Cameron posa ses deux mains sur ses épaules et les pressaavec douceur.

— C’est impossible, ma belle.

Aussitôt, elle se retourna.

— Pardon ?

— Outre le fait qu’il n’y a pour l’instant aucune preuve indiquant que cette petite Callie McGrathfait bien partie de ma famille, ce document doit être enregistré par un notaire.

— Non, c’est faux ! J’ai déjà vérifié cela avant de quitter la Californie.

Du doigt, il lui indiqua une ligne minuscule au bas de l’une des pages.

— Selon ce paragraphe, New York fait partie des exceptions.

— Mais j’ai la preuve dans mon sac ! insista-t-elle.

Cameron secoua la tête, et Jo eut l’impression qu’elle allait s’évanouir.

— Pouvons-nous trouver un notaire ? demanda-t-elle.

— A 22 h 30 ?

Jo sentit une immense vague de déception l’anéantir. Si Cameron avait plus de temps, il risquait dechanger d’avis. Il avait tous les droits, elle le savait, mais elle avait espéré que leur entrevue seraitbrève et qu’elle repartirait avec le document signé dans sa poche.

— Nous ne pouvons rien faire ce soir. Demain matin, nous irons à mon bureau, et je m’occuperaide faire authentifier cet acte par notaire. Ensuite, vous pourrez repartir par un autre vol.

— Mais... Mais...

— Allons-y, dit-il en passant un bras autour d’elle et en l’attirant un peu trop près de lui. Aprèstout, vous allez me déranger quelques heures de plus.

Cameron sourit et tendit la main pour retenir le chapeau de Jo qui commençait à glisser de sa tête,alors qu’elle levait les yeux pour essayer d’apercevoir le sommet du gratte-ciel de cinquante-deuxétages dans lequel il vivait. Lorsqu’elle penchait ainsi la tête en arrière, ses cheveux longs touchaientpresque ses fesses, et il trouvait cette image très excitante.

— Vous vivez ici ?

Cameron s’esclaffa.

— N’ayez pas l’air aussi choquée ! Nous sommes dans l’Upper East Side. Beaucoup de gens sebattraient pour un appartement dans cet immeuble.

— Pour vivre dans un bâtiment aussi... élevé ? Cela n’a rien à voir avec une maison.

— Ne me dites pas que vous avez le vertige.

Jo le regarda d’un air incrédule.

— Vous savez, j’ai l’habitude d’escalader des montagnes.

— Des montagnes ?

— Tout à fait. J’ai déjà gravi plusieurs sommets cette année, répliqua-t-elle. Alors, grimperquelques étages dans votre building ne va pas m’effrayer.

— Et par chance, nous avons même des ascenseurs !

Une fois dans le hall, Cameron salua Gervais, le concierge, qui accueillit Jo d’un simple hochementde tête, peu impressionné par le fait que Cameron rentrait chez lui avec une femme vêtue d’une tenuede rodéo.

— J’habite au trente-deuxième étage, dit Cameron à Jo tandis qu’ils pénétraient dans l’ascenseur.Vous verrez, j’ai une vue spectaculaire.

Tandis que la cabine s’élevait, Jo se cala contre l’une des parois, croisa les bras et ferma les yeux.

— Vous avez l’air soucieuse, dit Cameron.

— Non, ça va.

— Ne vous inquiétez pas, insista-t-il. J’ai une chambre d’amis.

Aussitôt, Jo ouvrit les yeux.

— Ce n’est pas cela qui m’inquiète !

L’ascenseur s’arrêta à son étage et Cameron prit sa clé dans sa poche.

— Vous ne croyiez tout de même pas que j’allais signer ce document sans le faire valider par unjuge ou un notaire, n’est-ce pas ?

Son regard lui confirma que c’était pourtant de cette façon qu’elle avait vu les choses.

— Eh bien, peut-être une autre personne aurait-elle agi ainsi, dit-il, mais je suis avocat.

— Oui, mais vous aviez dit que vous le signeriez. Juste avant de m’embrasser.

Cameron ouvrit la porte de son appartement.

— C’est vous qui m’avez embrassé, rétorqua-t-il.

— Pas du tout. Vous m’avez embrassée le premier.

— Eh bien, disons que l’un de nous a pris l’initiative de ce qui nous faisait tant envie, à tous tesdeux.

Jo se tenait sur le seuil de sa porte, comme si elle refusait de rentrer chez lui.

— Je voulais votre signature, répéta-t-elle.

Etait-ce pour cette raison qu’elle l’avait embrassé ? Il posa sa main sur son dos et la fit pénétrer chezlui.

— Ne restons pas à discuter dans le corridor, dit-il.

Jo entra chez lui, comme à contrecœur. Elle s’éclaircit la gorge.

— Je croyais vraiment que vous alliez signer.

— Je le ferai, promit-il.

Cameron pénétra dans le salon, alluma une lampe, puis actionna l’interrupteur qui commandaitl’ouverture des rideaux de l’immense baie vitrée, aussi longue que le mur.

— Je parie que vous n’avez pas de telles vues, à Sierra Springs.

Jo traversa la pièce, et son regard s’attarda sur les milliers de petites lumières qui scintillaient àleurs pieds.

— Nos vues sont différentes.

— Ce salon donne sur l’est, expliqua Cameron. Là, c’est l’East River et un peu plus loin, le pont deBrooklyn. Là-bas...

Soudain, Jo se retourna vers lui.

— Vous me le promettez ?

Bien sûr, il savait de quoi elle parlait. Et il n’avait aucune raison de la torturer en lui faisant croirequ’il ne voudrait pas signer. Jo avait répondu à toutes les questions qu’il lui avait posées ; il n’avaitpas envie d’apprendre d’autres détails sur la vie de la « sainte » qu’était sa mère, selon elle. Ilsignerait son document, mais il voulait faire cela de façon légale. D’ailleurs, il avait autre chose à

faire auparavant. Il voulait téléphoner à ses deux frères, mais il savait pertinemment que, s’il le luidisait, elle commencerait à se tourmenter. Et il n’avait pas envie de la voir se faire du mauvais sang.Il préférait nettement la sentir heureuse. Comme elle l’était lorsqu’ils avaient quitté le stade.Heureuse, et débordante d’affection.

— Vous me le promettez, Cameron ? insista-t-elle.

Il refusait de lui mentir. Pas même pour lui voler un autre baiser.

— Je ferai ce qui est juste, répondit-il. C’est ce que je fais toujours.

Jo sembla se détendre.

— Dans ce cas, nous avons au moins un point en commun. C’est bien pour faire les choses au plusjuste, que je suis ici.

Elle jeta son chapeau sur le canapé, et Cameron songea que sa présence dans un gratte-ciel deManhattan était pour le moins surprenante. Jo semblait appartenir à un tout autre monde.

— Vous pouvez retirer vos bottes, si vous voulez vous mettre à l’aise, dit-il en se dirigeant vers lacuisine. Je peux vous offrir une bière ?

— Juste un verre d’eau, merci, répondit-elle en ignorant sa suggestion et en se dirigeant vers lafenêtre.

Lorsqu’il revint dans le salon, Jo était toujours tournée face à la baie vitrée, mais avait sorti sonportable et discutait au téléphone.

— Ne lui donne plus de cette bouillie au soja, maman. Elle la déteste.

Une discussion à propos du bébé. Cela ne l’intéressait pas du tout. Il prit son temps pour étudier Jode dos. Ses cheveux longs et soyeux, qui cascadaient sur ses reins, étaient une véritable invite auxcaresses.

— D’accord, à demain, dit Jo.

Elle raccrocha, se retourna et prit le verre d’eau fraîche qu’il lui tendait.

— Merci. Moi aussi, j’ai une jolie vue, vous savez. Mais, cela dit, il n’y a pas de lumière la nuit.Seule la lune nous éclaire.

Cameron s’installa sur le canapé, espérant qu’elle allait le rejoindre.

— Aucune lumière ? Où habitez-vous donc ?

— Au pied des montagnes, dans une vieille ferme que je suis en train de restaurer.

— Laissez-moi deviner : je parie que vous faites tout vous-même.

Elle sourit et s’installa dans le fauteuil à côté de lui.

— Gagné ! Je viens juste de terminer la cuisine.

Cameron se mit à rire et avala une gorgée de bière.

— C’est bien la première fois que je rencontre une femme qui sait réparer une carrosserie, escaladedes montagnes et restaure elle-même sa maison !

— Oui, parfois on me traite même de garçon manqué.

Cameron secoua la tête et profita de l’opportunité pour l'examiner des pieds à la tête. Jo n’avait riend’une gravure de mode, certes, mais on ne pouvait tout de même pas la traiter de garçon manqué.

— Ça m’étonnerait qu’on vous ait souvent appelée ainsi !

Jo leva les yeux au ciel et soupira.

— Voyons... Quand a eu lieu le tremblement de terre ? Il y a environ trois mois. Eh bien, avant cela,Katy avait l’habitude de me jeter ce terme à la figure au moins trois ou quatre fois par jour. Alors,vous voyez, cela ne fait pas si longtemps !

Ce n’était pas la première fois que Cameron remarquait une pointe de rivalité, voire même dejalousie, lorsque Jo parlait de cette femme supposée être sa sœur.

— C’est pour cela que vous disiez qu’elle pouvait parfois être pénible ?

— Entre autres raisons, oui.

Elle sourit, les yeux clos. Elle était si... appétissante ainsi, la tête renversée en arrière dans lefauteuil, lui offrant un aperçu alléchant de son décolleté.

— Katy, notre Lady Katy était comme ça, dit Jo. Belle, sauvage, irrespectueuse, ne craignant pas des’attirer les problèmes.

— L’un de mes frères est ainsi, répondit Cameron en riant. Colin, le rebelle.

— Ils pourraient être jumeaux.

Cameron sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Eh bien... Lorsque je cherchais des informations sur votre famille, j’ai trouvé une photo de Colindans un article de Newsweek.

Il se souvenait très bien de l’article qui vantait les croquis d'avant-garde de Colin, destinés à laconception d’un opéra dans l’Oregon.

— Et il... lui ressemble ? demanda-t-il.

Jo hocha la tête.

— Oui. Us ont les mêmes yeux et la même chevelure sombre. Le même visage, aussi. Sauf que Katyétait petite, alors que Colin a l’air plutôt grand, comme vous. Mais ils auraient très bien pu êtrejumeaux.

Jusqu’à cet instant précis, il n’avait pas adhéré à son histoire. Ou en tout cas, avec une grandeméfiance. Une partie de lui avait l’impression de jouer à un nouveau jeu, et il avait été si surpris parl’apparition de Jo qu’il ne lui avait même pas demandé de preuves. D’ailleurs, il avait à peine cruque le document pouvait avoir une valeur légale, jusqu’à ce qu’elle le lui montre.

Avait-il réellement eu une sœur ? Ou même une demi-sœur ?

Et, grands dieux, avait-il une nièce ?

Tout dépend de toi, Cameron McGrath. Tu es l’aîné. C'est toi qui panseras les blessures.

Songeur, il se passa une main dans les cheveux.

Grand-mère McGrath avait-elle raison ?

— Vous avez une photo ? demanda-t-il.

Sans dire un mot, Jo se leva et se dirigea vers l’entrée, où elle avait laissé son sac.

— J’ai des photos de Katy et de tante...

— Juste de Katy.

Il n’avait aucune envie d’en voir une de sa mère.

Jo se retourna vers lui.

— Vous devriez cesser de vous faire du mal, Cameron. Votre mère n’était pas la garce qu’on vousa décrite.

Cameron leva les yeux au ciel.

— En tout cas, elle n’était pas la sainte patronne des enfants abandonnés !

— Cameron ! s’écria Jo. Pourriez-vous envisager l’éventualité que vous ne sachiez peut-être pasvéritablement ce qui s’est passé ? Croyez-vous que votre père vous a tout dit ?

— Il nous en a dit suffisamment.

— Dans ce cas, pourquoi détestez-vous une femme qui s’est fait chasser de chez elle par son mari,alors qu’elle était enceinte de lui ?

Cameron sentit l’ancienne colère monter en lui, et il fit tout son possible pour se contenir. Il ferma lesyeux, et pencha la tête en arrière, se calant contre le canapé.

— Désolé, ma belle, si ma mère était enceinte, ce n’était pas de mon père. Et personne ne l’achassée de la maison. Elle nous a quittés pour trouver sa propre voie.

Il avait prononcé ces dernières paroles d’un air de dégoût. Soudain, Cameron sentit que Jo lui jetaitson sac sur l’estomac, et il ouvrit les yeux de surprise.

— Hé ! Ça ne va pas ?

— Eh bien ! Je crois que chez les McGrath, être entêté fait partie des gènes familiaux !

Jo se tenait devant lui, les mains sur les hanches, ses yeux lançant des éclairs.

— Vous trouverez des lettres dans ce sac. Des lettres que votre mère a écrites à votre père. Et vousremarquerez qu’il n’en a jamais lu aucune, mais qu'il s’est contenté de les lui renvoyer.

Cameron la regarda en plissant les yeux, tandis qu’une question montait en lui.

Tout ceci était-il possible ?

— Je crois que ces lettres vous feront changer d’avis sur votre mère, insista Jo.

Il en doutait fort.

— Pourquoi tenez-vous tant à ce que je change d’avis à son sujet ? Cela risque de ne pas jouer envotre faveur.

Jo secoua la tête d’un air incrédule.

— Ce que je souhaite obtenir n’a rien à voir avec Christine McGrath. Katy était la mère de l’enfantque je veux adopter, et elle a été assez imprudente pour ne jamais rédiger un testament, au cas oùquelque chose lui arriverait Mais tante Christine avait un coeur en or, qu’on avait brisé il y a bien desannées.

Elle pointa un doigt dans sa direction.

— Christine McGrath mérite que ses fils se souviennent d’elle. Et qu’ils apprécient le sacrificequ’elle a fait ! Votre haine n’est pas dirigée contre la bonne personne.

Cameron la fixait du regard, incapable de prononcer un mot. Cœur brisé ? Sacrifice ? De quoi

parlait-elle donc ?

Il retira le sac de ses genoux et le posa par terre.

— Laissons ma mère en dehors de tout cela. Je m’occuperai de faire légaliser le documentconcernant le bébé de votre amie dès demain matin.

Il vit Jo soupirer.

— C’est parfait. Où se trouve votre chambre d’amis ?

Cameron fit un geste en direction du couloir.

— La dernière porte sur votre droite. Elle comporte une salle de bains.

Il lança un coup d’œil au sac qu’elle avait jeté sur lui.

— Vous n’en avez pas besoin ? Vous voulez peut-être y prendre quelque chose pour dormir ?

L’espace d’un instant, Jo se contenta de regarder sa sacoche, puis elle se pencha, l’ouvrit, et en retiraune petite trousse de toilette.

— J’ai besoin de ma brosse à dents, et de sous-vêtements propres pour demain, dit-elle, les yeuxfixés dans les siens.

Elle se redressa et se dirigea vers le couloir.

— Je dors nue, ajouta-t-elle. Tout ce qu’il y a d’autre dans ce sac est pour vous.

Il la regarda disparaître dans le couloir puis dans la chambre d’amis, et poussa un profondgémissement. Pourquoi leur père leur aurait-il menti ?

Au bout de quelques minutes, il observa le sac, se demandant ce qu’elle avait bien pu apporter pourlui. Ses doigts le

démangeaient. Il avait envie de lire ces lettres. De connaître la vérité.

Ou tout au moins, une autre version de ce qu’il avait toujours pris pour l’entière vérité.

Il se pencha, attrapa le sac, et en sortit une épaisse liasse de lettres, nouée d’un ruban. Avechésitation, il prit une enveloppe au milieu du tas, l’ouvrit, et déplia la lettre.

« Cher Jim, »

« Notre petite fille vient d’avoir quatre ans... »

Il la referma aussitôt.

Il n’avait aucune envie de se plonger là-dedans, et d’envisager la possibilité que leur père les aittrompés. Il préférait penser à la jeune femme qui dormait nue et devait être en train de se déshabiller,à l’instant présent, dans sa chambre d’amis. Pourtant, il décacheta une autre lettre, et son regardtomba au beau milieu de la page.

« Je me languis de recevoir des nouvelles, un simple mot, ou même une photo. Quelque chose qui meparle de mes garçons. Colin sait-il déjà faire du vélo ? Est-ce que Quinn escalade toujours les arbres? Cameron a-t-il joué au base-ball cette année ? »

Cameron eut l’impression que son cœur venait de faire un triple bond dans sa poitrine.

Mon Dieu, ces lettres changeaient tout !

Chapitre 4.

Les draps étaient si luxueux qu’ils devaient avoir coûté au moins cinq cents dollars. Et ce n’était quela chambre d’amis ! Comment devaient être ceux de la chambre de Cameron ?

Jo se glissa dans le lit et tapota l’oreiller. S’il n’en avait pas l’envie, Cameron McGrath avait aumoins les moyens de pourvoir à l’éducation de Callie.

Elle tendit la main vers la table de nuit, prit sa montre, qu’elle avait laissée à l’heure de laCalifornie, et en consulta le cadran, à la faible lueur de la lune.

23 h 30 ! Pas étonnant qu’elle soit si fatiguée... Elle avait programmé ce voyage de façon à pouvoirdormir dans l’avion. Mais au lieu d’être en train de voler au-dessus des nuages, elle se trouvait dansun appartement ultrachic d’un quartier est de New York, allongée entre des draps dignes du palais deBuckingham.

Pourquoi ne réussissait-elle pas à laisser tomber ? La façon dont Cameron réagissait au souvenir desa mère, disparue pour lui depuis si longtemps, ne la concernait pas. Tout ce qui l’intéressait, c’étaitqu’il abandonne ses droits sur sa nièce afin que chacun puisse reprendre le cours normal de sonexistence.

Elle avait été si près du succès... Pourquoi diable avait-il fallu qu’elle lui inflige ce coup final, leforçant ainsi à faire renaître des souvenirs enfouis depuis longtemps dans sa mémoire ?

Elle retint son souffle en entendant un bruit. Des pas dans le couloir. Cameron était toujours debout.Lorsqu’elle l’entendit frapper à sa porte, elle releva le drap sur elle. Ne la croyait-il pas ? Elle étaitvraiment nue !

— Jo, vous êtes réveillée ?

— Juste une seconde, répondit-elle.

Elle attrapa son chemisier, qu’elle avait laissé plié sur la table de nuit, et l’enfila, avant de sereplonger sous les draps.

— Vous pouvez entrer, dit-elle.

Cameron apparut sur le seuil de la porte, éclairé par la lumière du couloir. Il avait retiré son costumeet portait un pantalon décontracté et un T-shirt. Il semblait encore plus viril que dans son costumed’homme d’affaires.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle.

— Je crois que j’ai besoin de compagnie, répondit-il.

Elle tapota le drap à côté d’elle.

— Venez vous asseoir là. Du moment que vous restez sur les couvertures...

Il referma la porte derrière lui, plongeant de nouveau la chambre dans la pénombre. Elle le sentitapprocher du lit, humant son parfum, percevant sa chaleur. Le matelas plia un peu sous son poids,mais Cameron resta bien sagement de l’autre côté du lit.

— Je les ai lues, avoua-t-il.

— Très bien.

— Il faudra que j’en parle à mes frères, demain.

Une pointe d’anxiété monta en elle. Ses frères avaient-ils le pouvoir d’arrêter le processusd’adoption ?

— Bien sûr, répondit-elle.

Durant un long moment, Cameron ne dit plus rien.

Tandis que ses yeux s’ajustaient à la pénombre, Jo pouvait deviner sa silhouette, adossée à la tête delit.

— Voulez-vous parler d’elle, maintenant ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.

Cameron poussa un profond soupir.

— Je crois que j’en sais assez, à présent.

Sur ce point, il devait avoir raison. Tante Christine avait écrit sans relâche à son ex-mari, plusieursfois par an au début, puis ensuite seulement lors des anniversaires des enfants... Et à chaque dateanniversaire de son mariage avec Jim McGrath ! Elle n’avait jamais perdu espoir.

— Comment avez-vous obtenu ces lettres ? demanda-t-il.

— Après le tremblement de terre, ma mère s’est rendue sur les lieux du sinistre. Elle a demandé àla société de démolition de nous autoriser à emporter les effets personnels de tante Christine, quiavaient été retrouvés. La plupart des familles faisaient de même, mais c’était plus difficile pour nous,parce que nous ne faisions pas partie de la même famille. De toute façon, ma mère connaissait lesecret de tante Christine. Pas moi. Je ne comprenais pas pourquoi elle était si déterminée à fouillerdans les décombres.

Elle s’interrompit un instant, se souvenant de ce terrible jour où elle s’était rendue sur le site, et de lapeine qu’elle avait éprouvée à retrouver des fragments de vies.

— Ma mère savait que tante Christine possédait une boîte en fer dans laquelle elle gardait seslettres, poursuivit-elle. Elle l’a retrouvée. Je ne l’ai même pas vue la prendre. Moi, j’avais trouvéquelque chose d’autre, auquel je tenais.

Elle déglutit en se rappelant ce triste instant où elle avait vu le chapeau de Katy coincé sous uneétagère.

— Quoi qu’il en soit, ma mère ne m’a parlé de rien, à l’époque. Jusqu’à ces dernières semaines,lorsque je suis entrée dans la dernière phase du processus d’adoption. Elle m’a tout avoué, et j’aicommencé à vous rechercher.

— Katy était-elle au courant ? demanda Cameron.

— De votre existence et de celle de votre famille ? Non. Mais le plus triste est que tante Christines’apprêtait à tout lui révéler.

Jo ferma les yeux, se souvenant à quel point sa mère avait pleuré lorsqu’elle lui avait racontél’histoire de la famille McGrath.

— En mars dernier, juste avant le tremblement de terre, tante Christine est partie en voyage. Elle adit qu’elle allait voir des amis, mais ma mère m’a appris qu’elle était allée aux funérailles de sapropre mère.

— Je l’ai vue là-bas, dit soudain Cameron.

Jo sursauta.

— Pardon ?

— C’était une cérémonie privée. Seulement mes frères, et Nicole, la femme de Quinn, ainsi queGrâce, la fiancée de Colin. C’était à Newport. Derrière les grilles, j’ai vu une femme qui nousobservait. J’ai eu une curieuse sensation... J’ai pensé que c’était peut-être elle. Elle avait dû voirl’avis de décès dans le journal.

A l’idée qu’ils avaient été si près de se retrouver, Jo sentit une douleur l’étreindre.

— Lorsqu’elle est rentrée, continua-t-elle, elle a dit à ma mère qu’elle avait décidé d’avouer toutevotre histoire familiale à Katy. Malheureusement, elle n’en a pas eu le temps.

Cameron poussa un juron.

— Quel gâchis ! Dire qu’il suffit de deux personnes pour détruire une famille !

— Le tremblement de terre a eu lieu moins d’une semaine plus tard, à 6 h 20 du matin, alors que

Katy et votre mère dormaient encore.

— Vraiment ? Elles dormaient encore ? Comment Callie a-t-elle survécu, dans ce cas ?

— Par miracle ! Son berceau se trouvait dans une poche d’air, et les pompiers et les secouristes ontfouillé pendant vingt-quatre heures pour la sortir des décombres.

— Oh, mon Dieu...

Tout à coup, Cameron semblait terriblement ému.

— C’était... C’était le bébé que j’ai vu au journal télévisé, poursuivit-il. Je me souviens de cettepetite fille dans les bras du pompier.

— Vous n’avez pas remarqué qu’elle portait le même nom que vous ?

Comme elle aurait aimé pouvoir l’observer dans l’obscurité, découvrir l’expression de son visage, ylire les pensées qu’il semblait refuser de partager avec elle...

— McGrath est un nom commun. Pourtant, je me souviens avoir pensé...

— A quoi avez-vous pensé ?

— Que c’était un miracle. Que ce bébé devait avoir une bonne raison d’avoir survécu.

Jo ne put se retenir de pousser un petit cri.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-il en tournant la tête vers elle.

— C’est juste que... J’ai pensé la même chose. Que Callie...

Elle baissa la voix, effrayée de lui avouer ses pensées.

— Que Callie avait un destin particulier, continua-t-elle, et que si jamais elle était placée dans unfoyer... ou un orphelinat, elle ne pourrait jamais l’accomplir.

Cameron se glissa vers elle.

— Vous aimez vraiment cet enfant, dit-il en lui prenant la main.

— Oui, c’est le cas. Je l’aime depuis le jour de sa naissance, et je ferais n’importe quoi pour laprotéger.

Il enlaça ses doigts aux siens.

— Je ne pourrais pas demander mieux pour elle, avoua Cameron.

Aussitôt, Jo sentit un immense soulagement l’envahir.

— Merci, dit-elle, merci, Cameron.

Cameron s’approcha un peu plus d’elle, et elle sentit son corps musclé tout contre le sien. Seul ledrap les séparait. Cameron lui caressa doucement la joue.

— Essayez de dormir, à présent. Nous avons une journée très importante, demain.

— Vous avez raison. Bonne nuit.

Il se pencha vers elle et l’embrassa sur la joue. Lorsqu’il redressa la tête, elle tourna le visage, etleurs lèvres se retrouvèrent toutes proches. Sans ajouter un mot, Cameron posa sa bouche sur lasienne et l’embrassa passionnément.

Aussitôt, Jo eut la sensation de sentir son corps s’embraser, et elle se mit à gémir. Oh, ce serait sifacile il lui suffirait de repousser le drap, et elle pourrait sentir son corps contre le sien. Elle imaginases mains sur sa poitrine, sa bouche sur ses seins, et aussitôt elle sentit sa poitrine durcir.

Elle le connaissait à peine. N’était-ce pas là le genre de comportement contre lequel elle avaittoujours mis Katy en garde ?

Cameron se plaqua contre elle, intensifiant leur baiser, auquel elle répondit de plus belle tout en luicaressant le dos. Puis il écarta sa bouche de la sienne, et continua à l’embrasser sur les joues et dansle cou, déposant sur sa gorge de petits baisers enfiévrés, tandis qu’il posait ses mains sur ses épaules.

Le drap ne serait bientôt plus que de l’histoire ancienne.

Cameron se redressa et s’écarta d’elle, mais elle savait qu’à l'instant où leurs deux corps serapprocheraient, elle sentirait son désir.

— Attends ! dit-elle dans un souffle.

— Attendre ? D’accord. Mais attendre quoi ? demanda-t-il.

Elle sourit et s’écarta un peu plus de lui.

— Oh, je ne sais pas... Peut-être que nous nous connaissions un peu mieux et que nous en ayonsterminé avec cette paperasse juridique.

— Mmm... Il ne semble pas que ce soit le moment de s’occuper de paperasse. J’ai plutôt envie defaire l’amour avec toi, ma chère Jo.

Ce soudain tutoiement, sa voix rauque, le désir qu’elle lisait dans ses yeux, tout cela l'enflammait .Ilfallait qu’elle recouvre ses esprits !

— Tu n’as pas envie de faire l’amour, dit-elle. Tu as le cœur lourd et tu as envie de te faireconsoler, Cameron.

— Ah ! Tu essaies de jouer les psychanalystes ? s’enquit-il en déposant un léger baiser sur sonfront.

Il se retourna et commença à quitter le lit.

Elle n'avait pas envie qu’il s’éloigne.

— Si tu penses que tu peux te contrôler..., commença-t-elle en posant sa main sur son bras. Tu peuxrester ici et dormir à côté de moi. Sur les couvertures, bien sûr, parce que je n’ai rien sur moi.

— Je n’ai jamais eu aucun problème pour me contrôler. Mais je ne peux pas te promettre que je neferai pas de rêves érotiques. Qui sait, peut-être verrai-je en songe une séduisante cow-girl meprodiguer ses faveurs ?

Jo se mit à rire.

— Qu’est-ce qui te fait croire que je suis une cow-girl ? Parce que je porte un chapeau et des bottes? Tout le monde s’habille ainsi, dans ma région.

En vérité, ce n’était pas son cas, mais pour l’instant, elle ne voyait aucune raison de lui révélerpourquoi elle s’habillait de la sorte.

— Non, ce n’est pas à cause du chapeau, ni des bottes, dit-il tout en commençant à lui déboutonnerson chemisier, s’arrêtant entre chaque bouton. Ce sont ces petites pressions qui me rendent dingue.

Elle savait fort bien ce qui allait arriver ensuite...

Cameron songea que le corps de Jo attendait déjà ses caresses. Il continua à déboutonner son corsageet le fit glisser sur ses épaules.

— Quelle que soit la personne qui t’a dit que tu avais l’air d'un garçon manqué, elle s’estentièrement trompée.

Jo voulut répondre, mais il lui posa un doigt sur la bouche. Il ne voulait plus parler de Katy ce soir.Pas plus que de sa mère.

Peut-être Jo avait-elle raison. Peut-être avait-il besoin d'être consolé. Pourtant, si ravissante et sexyque fût la jeune femme qu’il tenait dans ses bras, coucher avec elle n’était pas la meilleure chose àfaire.

Il caressa sa gorge, et sentit sous ses doigts son cœur qui battait aussi fort que le sien. Il savait ques’il la caressait un peu plus intimement, il découvrirait qu’elle était aussi excitée que lui. Quoi qu’ilen soit, Jo n’avait pas pris l’avion et n’avait pas parcouru tous ces kilomètres pour une aventured’une nuit. Elle avait pris un grand risque en voulant faire les choses comme il fallait. Après tout, elleaurait très bien pu ne jamais informer les services d’adoption ou la famille McGrath de l’existencede ce bébé.

— Essaye de t’endormir, ma belle, dit-il d’une voix douce.

— Je ne peux pas.

— Je te dérange ?

Il sentit qu’elle souriait.

— C’est une façon de dire les choses.

Il retira sa main de sa gorge et posa ses doigts sur sa joue. Il aimait la tenir ainsi. Même avec cestupide drap entre eux.

— Fais de beaux rêves, Jo.

Ils ne remuèrent guère durant les heures suivantes, et Cameron sentit le sommeil le gagner, s’attendantà ce que d’anciens cauchemars reviennent le hanter. Comme celui où il voyait souvent une femme auxcheveux sombres qui riait, assise à genoux dans un jardin. Mais aucun souvenir horrible ne perturbason sommeil.

Pourtant, il rêva. Il rêva d’une femme superbe aux cheveux auburn, qui était aussi assise à genoux,mais devant lui. Ses mains cherchaient à le caresser et ses lèvres s’approchaient de son sexe.

Il se réveilla avec une puissante érection. Et la première chose qu’il vit, à côté de lui, fut la chevelurerousse de Jo Ellen étendue sur l’oreiller, avec son doux visage éclairé par les rayons du soleil quiperçait à travers les persiennes. Se redressant sur un coude, il l’étudia un instant, se demandant si elleétait en train de rêver.

Observant ses lèvres adorables, il sentit son érection durcir un peu plus en songeant à ce que cettemerveilleuse bouche lui avait fait en rêve.

Le drap avait glissé, et sous le chemisier déboutonné, il apercevait la peau laiteuse de ses seins.

Il brûlait d’envie de la caresser !

Pourquoi cette femme lui faisait-elle autant d’effet ?

Jo s’étira et il attendit qu’elle ouvre les yeux. Qu’elle lui donne la permission tacite de la toucher. Del’embrasser. De la caresser.

Elle se tourna lentement vers lui, lui offrant une superbe vue sur ses seins.

Il avait envie de dire quelque chose pour la réveiller. Peut-être devait-il l’embrasser ?

Il posa les doigts sur son chemisier et réussit à détacher une pression. Jo ne bougea pas. Avecdouceur, incapable de s’en empêcher, il commença à caresser le sillon entre ses seins.

Il pencha la tête vers elle et embrassa sa bouche. Jo gémit et se cambra, offrant ses seins à sescaresses. Elle écarta les lèvres et aussitôt sa langue chercha la sienne. Cette fois, elle était éveillée,et l’autorisait bel et bien à faire ce dont il avait envie.

Cameron fit glisser le drap un peu plus bas, pressé de retirer les couvertures, leurs vêtements, tout cequi s’interposait entre eux.

Soudain, un éclair de raison l’interrompit. Beaucoup de choses s’interposaient entre eux. Maislorsque Jo étira sa jambe nue et la noua autour de la sienne, toute pensée rationnelle s’évapora.

— J’ai rêvé de toi, chuchota-t-il. J’ai eu envie de toi toute la nuit

Elle répondit en glissant ses mains sous son T-shirt, et en caressant son torse.

— J’ai eu du mal à dormir, murmura-t-elle. Moi aussi, j’ai fait des rêves érotiques.

Ses paroles le troublèrent, et il pressa ses hanches contre les siennes, avec une furieuse envie de lapénétrer.

— Raconte-moi..., dit-il.

— Non, toi, demanda-t-elle.

Il sourit

— Tu étais à genoux...

— Je crois que je vois.

Elle continua à caresser son torse, descendit jusqu’à son ventre, et ses doigts se glissèrent dans laceinture de son pantalon. Lorsque sa main toucha son sexe, leurs regards se rivèrent l’un à l’autre.

Il sourit devant son expression affamée.

— Tu es superbe, tu le sais ? dit-il.

Jo se mit à rire.

— Tu meurs d’envie de coucher avec moi. Tu dirais n’importe quoi, en cet instant

— Non, dit-il en s’écartant d’elle. C’est faux.

— Tu n’as pas envie que nous fassions l’amour ?

— Euh... Si.

Jo répondit par un soupir. La résignation et l’excitation se mêlaient dans ses yeux.

— Moi aussi, avoua-t-elle.

Ses doigts caressaient l’extrémité de son pénis. Cameron sentit son corps s’embraser et ferma lesyeux afin d’essayer de mieux se contrôler.

— Parfait, reprit-il. Mais ne me dis pas que l’on ne t’a jamais dit à quel point tu es belle.

Elle ne répondit pas et continua à le caresser. Si elle continuait ainsi...

Il tendit la main vers la sienne et attrapa son poignet, écartant sa main de son sexe, puis se baissa verselle.

— Ecoute-moi, Jo.

— Tu as toute mon attention, répondit-elle en plaquant ses hanches contre les siennes.

— Tu es une femme superbe et très séduisante. Et si tu le désires, uniquement si tu le désires, jepourrais te faire l’amour pendant des heures. Mais pas parce que j’ai besoin de me faire consoler ouparce que j’ai du mal à contrôler mes envies.

Il tendit la main vers son sein et commença à en titiller l’extrémité.

— Et si nous faisons l’amour, ce ne sera pas non plus parce que tu as envie de me remercier pourquelque bonne action que je pourrais faire.

Les yeux de Jo lui lancèrent des éclairs tandis qu’elle s’écartait de lui.

— Tu avais tout juste jusqu’à cette dernière phase ! rétorqua-t-elle d’un ton sec.

Sa violente réaction le surprit. Il plongea son regard dans le sien, à la recherche d’une explication.Pourquoi réagissait-elle ainsi ? Se sentait-elle insultée ?

— Que veux-tu dire ? demanda-t-il.

D’un bond elle s’était éloignée de lui, et avait remonté les couvertures sur elle, comme pour seprotéger.

— Je n’avais pas du tout l’intention de coucher avec toi pour obtenir cette signature, assura-t-elle.

— Je le sais bien. Je voulais juste que tu saches que mes motifs étaient...

Bon sang, il avait l’air d’un adolescent en train de supplier sa petite amie ! Mieux valait tout oublier.

Aussitôt, il se leva du lit.

— Tu as raison, dit-il. C’est bien trop compliqué.

Jo se redressa, retenant les couvertures sur sa poitrine.

— Et tu n’aimes pas les choses compliquées, n’est-ce pas, Cameron ?

— Fais-moi plaisir, Jo, épargne-moi ta psychologie de bas étage. Contente-toi de réparer lesvoitures.

Dès qu’il eut prononcé ces mots, il les regretta. Il remarqua aussitôt que Jo devenait affreusementpâle.

— Désolé, je n’avais pas l’intention d’être aussi brutal...

— Inutile de t’excuser, répondit Jo.

Toute trace d’excitation semblait avoir quitté ses yeux. Il était décidément doué pour tout gâcher !

— Puis-je aller prendre une douche ? demanda Jo.

Il lui indiqua la salle de bains d’un geste de la main.

— Je t’en prie, fais comme chez toi. J’ai quelques coups de fil à passer.

Il se retourna et se dirigea dans le couloir sans refermer la porte de la chambre.

Une fois dans le salon, il retrouva les souvenirs de la soirée passée. La pile de lettres de sa mère, lesac de Jo grand ouvert, ses bottes et son chapeau.

Il ramassa le chapeau et caressa du doigt la bande de satin à l’intérieur, remarquant soudain unmonogramme. Il retourna le chapeau et lut les lettres brodées au fil d’or.

Lady Katy.

Jetant le chapeau sur son canapé comme s’il lui brûlait les doigts, il passa dans son bureau, décrochale téléphone et appela son frère Quinn.

Chapitre 5.

— Elle était... quoi ?

— Lorsqu’elle a quitté la maison, elle était enceinte, répliqua Cameron, imaginant l’air incrédule deQuinn à l’autre bout du fil.

Cameron avait raconté toute l’histoire à son frère, lui décrivant l’arrivée inattendue de Jo, les lettresqu’elle lui avait remises, et le fait que leur mère et leur sœur avaient été tuées lors du tremblement deterre.

— C’est à cause de cela qu’elle est partie, continua Cameron.

Ensuite, l’histoire devenait plus compliquée, et il savait déjà que Quinn n’allait pas plus apprécier lasuite que lui.

— A l’évidence, papa refusait de croire que l’enfant à venir pouvait être le sien, puisqu’il s’étaitfait faire une vasectomie après la naissance de Colin.

Quinn resta silencieux durant un long moment et, à l’autre bout du fil, Cameron entendit le bruit desmarteaux et des scies. Il imagina son frère au beau milieu de la villa qu’il était en train de restaureravec sa femme.

— Cette Jo a l’air d’une vraie cinglée, si tu veux mon avis, dit Quinn. Il ferais mieux de la renvoyerdans son trou perdu. Au fait, je sais que cela n’aura lieu que dans quelques mois, mais nous avonsdéjà consulté les horaires d’avions pour le mariage de Colin. Quand penses-tu arriver à Newport ?

Voilà, Quinn essayait de changer de sujet. Peut-être était-ce un trait de famille ?

— Ecoute-moi, dit Cameron à son frère. J’ai lu une bonne vingtaine de lettres que notre mère aécrites à papa. Des lettres qu’à l’évidence il n’a jamais lues. Quinn, elle ne mentait pas. Tu sais, lesvasectomies ne sont pas toujours efficaces à cent pour cent, et j’ai bien peur que le passé de notremère ait joué en sa défaveur, et que ce soit à cause de cela que papa l’a obligée à quitter la maison.

— Son passé ? Voyons, Cam ! Notre mère ne tenait jamais en place. Elle s’est enfuie de chez sesparents à dix-sept ans, et a quitté papa à trente ans. De toute façon, elle est morte. De même que safille.

Quinn s’interrompit un instant.

— Nicole souhaite arriver quelques jours avant le mariage, poursuivit-il d’un ton plus calme.

— Sa fille avait un bébé, insista Cameron, refusant de laisser son frère esquiver la conversation.Nous avons donc une nièce, qui a survécu au tremblement de terre et qui va peut-être être adoptée.

— Oh, je t’en prie ! Ne me joue pas un épisode des Feux de l’Amour !

Cameron savait, avant de décrocher le téléphone, que Quinn plaisanterait. C’était toujours ce qu’ilfaisait, lorsqu’il n’était pas à l’aise. Colin, lui, se rebellait Et lui-même ?

En ce qui le concernait, il essayait de contrôler tout ce qu’il pouvait, incluant ce qui pouvaitressembler de près ou de loin à une émotion.

— Je suis sérieux, Quinn ! Papa l’a menacée, lui disant que si elle refusait de se faire avorter...

Il entendit Quinn inspirer profondément et reconnut dans sa respiration la peine qu’il avait éprouvéela nuit précédente. Il s’empressa de continuer à lui raconter l’histoire.

— Papa a juré à notre mère qu’il n’aimerait jamais cet enfant et qu’il nous liguerait contre lui, etmême... contre elle.

Les mots avaient du mal à franchir ses lèvres.

— Un avortement ? demanda Quinn, dont la voix avait perdu toute trace d’humour. As-tu parlé àpapa ?

— Non, je voulais vous parler à toi et à Colin d’abord.

— Bon sang ! soupira Quinn. Quelle pagaille 1

— Tu peux le dire ! Jo veut vraiment adopter le bébé.

Cameron jeta un coup d’œil dans le couloir, s’attendant à voir

Jo sortir de sa chambre d’amis d’une minute à l’autre.

— Il faut que je signe certains documents qui disent que nous ne chercherons jamais à obtenir lagarde de cette enfant, reprit-il. Je vais...

— Oh là là ! s’exclama Quinn. Attends une seconde, mon vieux ! Signer ? Tu as perdu la tête ouquoi ? Cette fille ne cherche peut-être qu’à nous escroquer.

Cameron s’écarta de la porte, s’installa à son bureau et fit pivoter son siège face à la fenêtre,observant les rayons du soleil matinal qui s’étiraient dans le ciel de New York.

— Elle n’a rien d’une amaqueuse, répondit-il.

Il ferma les yeux un instant pour effacer de sa vue le superbe panorama qui s’étendait à ses pieds,visualisant à sa place le visage de Jo, juste quelques secondes avant qu’il ne l’embrasse.

— Je dirais plutôt qu’elle est...

Comment pouvait-il décrire cette femme superbe qui venait à peine d’entrer dans sa vie ?

— En fait, elle est tout simplement extraordinaire, dit-il.

A l’autre bout du fil, Quinn ricana.

— Je suppose que tu veux dire... extraordinaire au lit ?

Cameron hésita une seconde de trop.

— Tu as couché avec elle ? s’écria Quinn.

— Non. Pas pour l’instant, en tout cas.

Quinn émit un juron.

— Tu ferais mieux d’utiliser la partie adéquate de ton anatomie pour réfléchir, mon vieux. Peut-êtreque cette femme était notre mère, mais tu n’as aucune preuve attestant que sa fille était aussi celle depapa ! Aujourd’hui, cette casse-pieds, cette Jo, débarque et te demande de signer des documents... Laprochaine fois, c’est de l’argent qu’elle réclamera, tu verras !

— J’ai vu des photos de... Katy. On dirait la sœur jumelle de Colin, insista Cameron. Ou bien latienne. Et...

Il songea à l’écriture inclinée de sa mère, qu’il avait reconnue sur les lettres.

— Tu peux me croire, continua-t-il, et te fier à mon instinct d’avocat. Toute cette histoire est vraie.

Quinn resta silencieux de longues secondes.

— As-tu parlé à Colin ? demanda-t-il enfin.

— Pas encore. J’ai préféré t’en parler en premier. Tu sais, en ce moment il nage dans le bonheuret...

— Hé ! Moi aussi je suis très heureux, rétorqua Quinn. Cela ne t’a pas empêché de gâcher majournée.

Cameron rit.

— Ecoute, Quinn, dit-il, Jo n’est ni une amaqueuse ni une cinglée. Je suis sûr qu’elle sera uneparfaite...

— Attends, Cameron ! Attends une seconde...

Quinn s’interrompit et poussa un profond soupir.

— Peut-être que ce bébé appartient à notre famille, après tout, dit-il.

Ce soudain changement d’attitude estomaqua Cameron.

— Qu’est-ce que tu racontes ? demanda-t-il. Je n’ai pas l’intention d’avoir un enfant, et toi nonplus, il me semble !

— En ce qui me concerne, il vaudrait mieux pour moi que j’ai envie d’un bébé, rétorqua Quinn.

— Qu’est-ce que tu dis ? Nicole est enceinte ?

— Si ce n’est pas ça, alors ce doit être moi qui lui donne envie de vomir tous les matins, réponditQuinn qui venait de retrouver son fameux humour. Qui sait ?

— C’est fantastique ! Félicitations, frérot.

— Merci, répondit Quinn. Nous sommes très excités. Nous allons annoncer la bonne nouvelle lorsdu mariage de Colin. Cela fera trois mois à ce moment-là. Comme ça, nous respectons la tradition.

— Tout se passe bien ? Nicole n’a pas de problèmes ?

— Oh, tu sais, elle est un peu fatiguée et toujours affamée. Mais elle est superbe !

— C’est génial ! Je suis vraiment ravi, dit Cameron. Ne t’inquiète pas, je n’en parlerai pas à Colinlorsque je l’appellerai. C’est à toi de lui faire la surprise.

— Tu vas donc tout lui raconter ? demanda Quinn.

— Je ne peux pas signer ce document sans vous en parler à tous les deux, ainsi qu’à papa. Chacunde vous a le droit d’adopter cette fillette. Bien sûr, toi, tu seras papa d’ici peu. Quant à Jo, elle aimevraiment la petite Callie comme si elle était de sa famille.

— Peut-être, mais elle n’est pas sa vraie famille, rétorqua Quinn qui venait de recouvrer un tonsérieux.

— Qu’est-ce que tu veux dire par là ? demanda Cameron.

— Peut-être que nous nous devons de donner à cette enfant une famille, un nom et un foyer.

Une goutte de sueur froide perla dans le dos de Cameron. Il avait eu la même pensée, durant la nuitpassée, lorsqu’il avait lu les lettres de sa mère qui parlaient de Katy à leur père. Leur sœur semblaitavoir une forte personnalité. Il en avait ressenti une fierté fraternelle, mais n’avait pas été capable del’exprimer comme Quinn venait de le faire.

— Cette petite fille vit en Californie, Quinn. Et elle est élevée par quelqu’un qui l’aime. Nousn’avons pas le droit...

— Nous avons tous les droits ! répliqua Quinn. Et surtout celui de vérifier qu’elle fait bien partiede notre famille, et si c’est le cas, de contrôler le genre de foyer où elle vit.

Cameron entendit un bruit derrière lui et se retourna. Jo se tenait sur le seuil de la porte de sonbureau, les bras croisés, ses cheveux humides mouillant son chemisier. Depuis combien de tempsécoutait-elle leur conversation ?

— Tu peux me faire confiance, Quinn, dit-il à son frère, son regard rivé à celui de Jo qui entraitdans la pièce et s’installait dans le siège en face de son bureau.

— Je te crois, frérot. Tu es le mec le plus intelligent que je connaisse. Après moi, répliqua Quinn.

Cameron résista à l’envie de sourire, sachant d’avance que Jo n’apprécierait pas sa réaction. Ellesavait pertinemment à qui il était en train de parler et quel était le sujet de leur conversation.

— Dans ce cas, boucle-la, signifia-t-il à Quinn, et laisse-moi faire les choses comme il faut.

— Mais ne perds pas de vue les priorités, insista Quinn. Cette Jo est-elle la personne la plusadéquate pour élever un enfant de notre famille ? Sera-t-elle une bonne mère ? A-t-elle une vie stable? Se drogue-t-elle ? Est-elle réglo ?

Interloqué, Cameron se rendit compte qu’en fait, il ne savait pas grand-chose de Jo.

— Elle est réglo, comme tu dis, répondit-il. Elle possède sa propre entreprise.

Cameron étudia Jo un instant. De quelle façon Quinn avait-il décrit Nicole ? Superbe ? Eh bien, sic’était un trait nécessaire à une future mère, Jo était plus que qualifiée.

Il fit un clin d’œil à Jo, mais elle se contenta de hausser un sourcil, et lui fit comprendre qu’ellen’avait aucune intention de quitter son bureau, et que cela ne la dérangeait pas du tout d’écouter saconversation.

— Ecoute, dit Quinn, ce n’est pas parce que toi, tu ne veux pas d’enfants, que Nicole et moi nepourrions pas en élever un autre. Ou même Colin et Grâce. Qui sait ? Ce que je veux dire, c’est que sicette histoire est vraie, nous avons tous des responsabilités envers cette fillette.

— L’histoire est véridique, répliqua Cameron.

— Dans ce cas, tu dois te souvenir de ce que grand-mère disait à ton sujet.

Ça, il ne l’avait pas oublié. D’ailleurs, depuis l’apparition de Jo dans sa vie, la prémonition de leurgrand-mère lui revenait sans cesse à la mémoire.

— Oui, répondit-il.

— Grand-mère ne se trompait jamais, reprit Quinn. Donc, lequel de nous deux va se rendre enCalifornie pour vérifier toute cette histoire et faire connaissance de la petite ? Toi ou moi ?

Cameron regarda Jo, soutenant son regard interrogateur. Elle jouait avec une mèche de ses cheveux.Elle était aussi belle et sensuelle dans la lumière du matin qu’elle l’avait été dans l’ombre de la nuitSi quelqu’un devait se rendre chez elle, c’était lui.

— Je m’en occupe, affirma-t-il à Quinn.

— Prends bien garde de ne pas t’occuper d’elle avant de savoir vraiment à qui tu as affaire, insistason frère.

Cela, il ne pouvait pas le lui promettre.

Au moment où Cameron raccrocha, Jo sut que son plan était en train de tomber à l’eau.

— Ton frère veut Callie, dit-elle en se calant dans son siège.

Cameron secoua la tête.

— Non, ce n’est pas ce qu’il a dit.

— Alors, il veut que ce soit toi qui t’en occupes.

— Non, ce n’est pas non plus ce que nous avons décidé, dit Cameron.

Ce que nous avons décidé. Elle soupira en songeant que le sort de Callie, de même que le sien, setrouvait à présent entre les mains des trois frères McGrath. Pourtant, si on ne tenait pas compte desliens du sang, elle était comme une tante pour Callie. Mais un tribunal verrait-il les choses de cettefaçon ?

— Alors, qu’ont décidé les deux maîtres de l’univers ? demanda-t-elle d’un ton acerbe.

Cameron leva la main devant lui, comme s’il pouvait arrêter le sarcasme qu’elle venait de luiadresser.

— Nous n’avons rien décidé, répondit-il.

— Pourtant, j’en avais bien l’impression, répliqua Jo.

— Ta mère t’a-t-elle déjà dit qu’il était impoli d’écouter les conversations d’autrui ?

Jo lui sourit

— Ce que ma mère m’a appris, c’est à me battre pour les choses auxquelles je crois. Après tout, peum’importe ce que ton frère et toi êtes en train de comploter. Si tu ne veux pas signer ce document...

Elle prit le papier dans sa poche et le lui agita sous le nez

—... je te traînerai au tribunal et je gagnerai !

— Je ne souhaite pas du tout en arriver là, Jo, dit Cameron.

Elle posa le document sur son bureau.

— Alors, signe !

— Je ne suis pas le seul à être en cause ! J’ai deux frères !

— Et au moins l’un d’entre eux va avoir son propre enfant, rétorqua-t-elle. J’ai tout entendu ! Tonautre frère, lui, va bientôt se marier.

Elle inspira profondément.

— Quant à toi, poursuivit-elle, tu vis comme un célibataire fortuné qui n’a aucune place dans sa viepour un bébé !

Elle se pencha en avant sur le bureau.

— Alors, laisse-moi obtenir ce que Katy a laissé pour moi.

Cameron plongea son regard dans le sien.

— Juridiquement parlant, elle n’a pas laissé cette enfant pour toi.

— Pas plus qu’elle ne l’a laissée pour toi, ceci dit ! répliqua Jo.

Elle se leva et lui indiqua du doigt le document sur son bureau.

— Vas-tu signer ce papier ou non ?

Cameron secoua la tête avec une lenteur mesurée.

— Pas pour l’instant.

Jo sentit son cœur se briser en deux et retint une réponse cinglante. Dire qu’elle avait été si près des’offrir à lui, ce matin !

Sans ajouter un mot, elle lui tourna le dos et se dirigea vers le salon. Elle avait tenté tout sonpossible, mais sa mission avait échoué.

Elle trouverait un autre moyen.

Elle ramassa lettres et photos sur la table basse, et les enfouit dans son sac, les mains tremblantes. Aumoment où elle passa la bandoulière de son sac sur son épaule, elle remarqua le chapeau de Katy, leprit et le remit sur sa tête.

Alors qu’elle se dirigeait vers la porte, Cameron l’attrapa par le poignet et l’arrêta.

— Je vais avec toi.

— Non, pas question !

— Je veux voir ta maison et ton atelier, insista Cameron. Je veux rencontrer ma nièce et voirl’endroit où... où ma mère vivait

Ses dernières paroles la surprirent Elle avait tant de chagrin pour tante Christine, qui l’avait aiméecomme sa propre fille !

Mais elle savait qu’il lui mentait. S’il souhaitait aller en Californie, c’était pour lui enlever Callie. Ilsuffirait à Cameron d’aller voir les services d’adoption et de se présenter comme l’oncle officiel deCallie : tous ses rêves s’écrouleraient aussitôt comme un château de cartes.

Cameron tendit la main vers elle pour lui caresser le visage. Aussitôt, elle rejeta sa tête en arrière.

— Ne me touche pas ! s’écria-t-elle.

Elle entendait encore les paroles qu’il avait échangées avec son frère.

Pas pour l'instant, en tout cas.

Elle savait fort bien ce que Quinn lui avait demandé à ce moment-là. Elle avait tout entendu.

Devait-elle coucher avec lui pour obtenir sa signature ? Mon Dieu, elle espérait que non ! Elle avaitenvie de pouvoir le respecter, et voulait continuer à croire qu’elle avait été attirée par un homme nonseulement séduisant, mais intègre.

Attirée ? Ce n’était rien de le dire ! Moins d’une heure plus tôt, elle était prête à plonger avec luientre les draps et à faire l’amour durant toute la matinée.

— Aurais-tu signé ce document si j’avais fait l’amour avec toi ce matin ? demanda-t-elle.

— Non. Cela n’aurait rien changé.

Elle redressa son sac sur son épaule.

— Mais on ne peut jamais être sûr de rien, n’est-ce pas ? répliqua-t-elle en s’avançant pour saisirla poignée de la porte.

Cameron posa sa main à plat sur la porte avant qu’elle ne puisse l’ouvrir.

— Je refuse que tu partes avec cette idée-là en tête !

— Tü comptes peut-être m’enfermer ici ? Ou me dire ce que je dois penser ? Désolée, mais c’est

impossible. D’ailleurs, il est aussi hors de question que tu viennes avec moi. Bon sang, tu es vraimentcomme Katy ! Egoïste et manipulateur !

— Eh bien ! Quels curieux propos, de la part de quelqu’un qui prétend élever sa fille ! Dis-moi, tuaimais Katy ou tu la détestais ?

— Epargne-moi ta psychologie de bas étage, dit-elle en reprenant ses termes. Contente-toid’appliquer la loi, monsieur l’avocat.

Cameron tendit la main vers elle et lui retira son chapeau, le tournant vers l’intérieur

— C’était le sien, n’est-ce pas ? demanda-t-il.

— Oui.

— Pourquoi le portes-tu ?

Soudain, le ressentiment se mêla en elle au chagrin. Jamais Cameron ne comprendrait à quel pointelle avait senti son cœur se briser, lorsqu’elle avait retrouvé le chapeau de Katy dans les décombres.Ni pourquoi, alors qu’elle quittait son appartement pour se rendre à l’aéroport, elle l’avait attrapésous le coup d’une impulsion, juste pour emporter une part de Katy avec elle durant ce voyage.

— J’ai pensé qu’il me porterait chance, répoiylit-elle. Mais à l’évidence, je me suis trompée.

Cameron secoua la tête et contempla le chapeau.

— Je ne comprends pas tes motivations, dit-il.

Elle lui prit le chapeau des mains.

— Ce n’est pourtant pas la peine d’être un brillant avocat pour les comprendre. Mes motifs sontsimples. Il y a là-bas, en Californie, une petite fille qui n’a plus de mère. J’adore cette enfant. Durantles neuf mois de sa grossesse, je me suis assurée que sa mère restait en bonne santé. J’étais dans lasalle d’accouchement lorsque ce bébé est né. Et j’ai déjà sacrifié bien plus de choses pour elle que jene l'aurais fait pour mon propre enfant. Ce n’est pourtant pas un crime que de vouloir l’élever ! Je nesuis pas en train de la kidnapper !

— Mais tu es en train d’utiliser toutes les ruses possibles pour obtenir ma signature.

Jo tourna la tête en direction de la chambre.

— Non, pas toutes les ruses.

— Cela n’aurait rien changé, dit Cameron. Je n’aurais pas signé.

— Est-ce que tu te rends compte que j’aurais facilement pu m’éviter ce voyage à New York, et quejamais aucun d’entre vous n’aurait rien su ? Callie elle-même n’aurait pas eu à connaître la vérité. Je

suis venue ici parce que je pensais que c’était la meilleure chose à faire. Un point c’est tout !

— Je m’en rends compte, répondit Cameron en retirant sa main de la porte. Et je t’en respected’autant plus.

— Il faut que je rentre chez moi, dit Jo. Callie a besoin de moi.

— Je vais descendre avec toi pour attraper un taxi.

— Je peux le faire toute seule.

Cameron eut un petit sourire contrit.

— Je sais très bien que tu es une femme forte et que tu t’assumes seule, dit-il. Mais laisse-moi aumoins jouer les gentlemen.

Saisissant la balle au bond, elle s’avança vers lui et posa son index sur son torse.

— Tu veux jouer les gentlemen ? Alors signe ce document et laisse-moi élever cette enfant commeelle le mérite !

— Je ne peux pas. Pas encore.

Jo soupira, fatiguée de lutter. Cette fois, elle ouvrit la porte de l’appartement en grand.

— Lorsque je rencontrerai les services d’adoption, la semaine prochaine, je les informerai de tonexistence. Je suis sûre qu’ils te contacteront.

Mon Dieu, que se passerait-il ensuite ?

Elle avança dans le hall, en direction de l’ascenseur, mais Cameron la retint.

— Ne pars pas ainsi ! Donne-moi le temps de réfléchir à ce qui est le mieux, et de parler à mesfrères. Nous avons besoin de discuter entre nous et de décider quoi faire.

Elle savait d’avance ce qu’ils feraient. Les trois frères McGrath surgiraient à Sierra Springs tels depreux chevaliers prêts à sauver leur nièce, et à lui offrir un foyer au sein de leur famille si unie et siheureuse. Ils se targueraient de leurs droits et des vertus familiales, se félicitant de leur noblesse decœur.

Comment pourrait-elle lutter contre cela ?

— Je te verrai au tribunal, dit-elle.

— A moins que ce ne soit avant, rétorqua Cameron.

Elle ignora son sous-entendu et se dirigea vers l’ascenseur.

Dieu merci, il ne la suivit pas.

Chapitre 6.

Lorsque Jo chaussa ses lunettes de protection, Callie se mit à rire.

— Tu aimes mes drôles de lunettes, n’est-ce pas, ma puce ?

Du parc où elle se trouvait, Callie tendit une petite main potelée vers le visage de Jo, puis émit unléger cri joyeux. Sans aucun doute, les éminents pédiatres qui écrivaient les manuels consacrés audéveloppement des enfants diraient qu’il s’agissait là d’une sorte de langage.

Elle savait ce que c’était. Un cri de bébé, uniquement. Mais dans tous les manuels qu’elle avaitachetés, les médecins préconisaient d’encourager les enfants à parler. Elle ajusta donc ses lunettes ets’adressa à Callie.

— Lu-nettes, articula-t-elle. Elles protègent mes yeux lorsque je travaille.

Elle prit un livre plastifié sur l’une des étagères derrière son bureau, et le tendit à Callie en luisouriant.

— Tu vas lire cela pendant quelques instants, ma poupée. Moi, je serai juste de l’autre côté de lavitre, en train de réparer cette Toyota. Tu pourras me voir, et moi aussi je te verrai.

Callie fronça les sourcils et commença à mordiller le livre.

— Tu peux aussi le manger, si cela te fait plaisir, ajouta Jo.

Elle se pencha par-dessus le parc et embrassa la tête de Callie, espérant pouvoir finir son travail leplus vite possible. C’était une belle journée de juin, et il lui tardait d’être dehors, d’aller faire unelongue marche, Callie bien calée contre elle dans son sac kangourou. Elle pourrait respirer à pleinspoumons l’air parfumé de cette région qu’elle aimait tant, et réfléchir à sa vie et à celle de Callie, quirisquaient fort d’être bientôt perturbées.

— Je te promets que je n’en aurai pas pour longtemps, dit-elle à Callie.

Son voyage à New York, deux jours plus tôt, avait bouleversé son emploi du temps, et le propriétairede la Toyota devait venir chercher sa voiture le lendemain matin. Elle était donc obligée de travaillerun dimanche.

Elle décida d’ouvrir la porte arrière, qui donnait sur le parking, afin d’offrir à Callie une belle vuesur les montagnes, et que l’air frais entre dans l’arrière-boutique.

— Rien qu’une demi-heure, ma puce, promit-elle au bébé.

Au fond d’elle-même, elle salua l’heureuse initiative qu’elle avait prise avec Katy en redessinantleurs espaces de travail afin de pouvoir surveiller Callie de part et d’autre. La pièce aux parois deverre permettait de protéger Callie des poussières de l’atelier. Un bureau similaire avait été construitdans le salon de beauté, mais sa nouvelle gérante l’avait transformé en pièce de stockage.

Lorsque Jo était revenue examiner les dégâts, après le tremblement de terre, les murs vitrés avaientété sa principale préoccupation. Mais l’atelier avait subi peu de dégâts.

Agenouillée devant la Toyota, un masque sur le visage et ses mains gantées, Jo fit un petit signe àCallie qui s’était redressée dans son parc afin de mieux l’observer. Depuis le tremblement de terre,Callie ne semblait guère apprécier que Jo se trouve dans une autre pièce qu’elle, et elle était en trainde la regarder à travers la vitre comme un bébé sur le point d’être abandonné. Pauvre petite fille !

Jo lui fit un nouveau signe de la main, puis commença à examiner le véhicule, ses outils étalés autourd’elle. Elle pourrait réparer les dégâts en une heure, au maximum. Ensuite, plus rien ne l’empêcheraitd’aller se promener avec Callie.

Passant la tête sous le véhicule pour mieux examiner les suspensions, elle prit une clé de huit etredressa la carrosserie.

C’était si bon de retrouver ses outils... D’être enfin face à quelque chose qu’elle pouvait contrôler.Pas comme cette débâcle qu’elle venait de vivre à New York, où elle n’avait réussi à rien maîtriser,pas même son propre corps I

Elle ferma les yeux un instant, essayant de chasser le souvenir des lèvres de Cameron sur les siennes,et de ses mains qui caressaient sa poitrine.

Oh, non ! Elle ferait mieux de se concentrer.

Pourtant, depuis qu’elle était remontée dans l’avion, vendredi matin, et qu’elle avait regardé le cielde New York disparaître derrière elle, elle ne cessait de penser à Cameron.

« Concentre-toi ! » se répéta-t-elle.

Son rendez-vous avec les services d’adoption était prévu pour le vendredi suivant, ce qui lui laissaitmoins d’une semaine pour s’organiser, mettre au point un discours, des arguments, même si tout celan’y changerait rien.

Une fois que Mary Beth Borell apprendrait que Callie avait de la famille, l’assistante sociale mettraiten place toutes les procédures nécessaires et contacterait la famille McGrath, tous les McGrath, etleur demanderait soit d’abandonner leurs droits sur Callie en sa faveur, soit d’entamer eux-mêmesune procédure d’adoption. Bien sûr, n’importe lequel des frères McGrath désireux d’adopter le bébédevrait subir les interrogatoires qu’elle avait elle-même endurés. Son petit trésor irait-il vivre enFloride avec Quinn et Nicole ? Ou à Newport avec Colin et sa fiancée ? A moins que Callie ne seretrouve à New York ?

Elle fixa le panneau de la Toyota à grands coups de marteau, essayant de repousser l’idée qu’onpouvait lui enlever Callie. Elle s’était sentie si sûre d’elle, lorsqu’elle était partie pour New York !Elle n’avait entrepris ce voyage que pour être honnête envers elle-même et envers Callie. A présent,tout risquait de s’écrouler !

Tandis qu’elle se redressait, un mouvement dans l’arrière-boutique attira son attention. Soudain, ellelaissa tomber son outil par terre, et porta sa main à sa gorge.

Jamais elle n’aurait cru qu’il viendrait si tôt !

Cameron McGrath se tenait à côté du parc de Callie, et se penchait vers la fillette, lui disant quelquechose qu’elle-même ne pouvait entendre. Puis Cameron se redressa et leurs regards se croisèrent.Aussitôt elle se sentit envahie par une vague d’inquiétude... et de chaleur.

Dans son parc, Callie tendait la main vers Cameron et lui souriait comme s’il était son oncle préféré,venu lui rendre visite les bras couverts de cadeaux.

Petite traîtresse I

Sans retirer son équipement, Jo se dirigea droit vers Cameron, et ouvrit la porte d’un coup sec.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle.

Le masque étouffa ses paroles et l’impact de sa question.

Cameron la regarda pendant un long instant, semblant la détailler des pieds à la tête, et soudain elleeut conscience de sa tenue, de ses cheveux attachés en queue-de-cheval, et de la poussière qu’elledevait avoir sur le visage.

Cameron se contenta de lui sourire.

— C’est tout à fait comme cela que je t’imaginais dans ton atelier, dit-iL

Elle sentit son ventre se nouer. Cameron l’avait imaginée ? Il avait pensé à elle ? Elle releva seslunettes de protection et retira son masque, s’approchant du parc de Callie.

— Comment oses-tu venir ici ? demanda-t-elle à Cameron en lui lançant un regard acéré.

Il lui montra la porte ouverte.

— Puisque tu me le demandes, je trouve que tu ne fais guère attention à ta sécurité. Tu devrais êtreplus prudente.

— Nous n’avons pas beaucoup de kidnappeurs, à Sierra Springs, répondit-elle.

Elle plongea son regard dans le sien. Pourquoi Cameron McGrath lui faisait-il toujours autant d’effet,

alors qu’elle aurait dû le détester ?

Soudain, Callie perdit l’équilibre et tomba sur son petit derrière, poussant un cri de surprise.Aussitôt, Cameron se pencha vers elle.

— Ça va, petite poupée ? demanda-t-il.

Callie gazouilla et lui sourit, l’air ravie d’avoir réussi à attirer son attention. Malgré son jeune âge,elle semblait aimer séduire tout autant que sa mère, songea Jo.

A quoi bon agresser Cameron dès son arrivée ? Il était là, désormais, et elle devrait s’accommoderde sa présence.

— Attention, Cameron, dit Jo en retirant ses lunettes. Tu risques fort de tomber amoureux de cettepetite diablesse.

— Ce serait bien la première fois de ma vie que je tomberais amoureux, répondit-il.

— Mmm... Prends garde à toi ! Tu n’as pas encore fait la connaissance de Callie McGrath.

Cameron se pencha par-dessus le parc et prit la petite main de Callie, esquissant un salut.

— Ravie de vous rencontrer, mademoiselle Callie. Je m’appelle Cameron.

— Je ne peux pas croire que tu sois déjà là, dit Jo. Je n’ai pas encore informé les servicesd’adoption de ton existence. D’ailleurs, je n’ai même pas mis au point mon plan d’attaque.

Cameron se mit à rire, lâchant la main de Callie mais restant à sa hauteur.

— Ton plan d’attaque ?

— C’est la guerre entre nous, Cameron, tu le sais bien. Tu vas essayer de me prendre mon bébé, etmoi je vais me battre pour le garder.

Durant un long moment, il se contenta de l’observer, puis il se redressa.

— Qu’est-ce qui te fait penser que c’est pour cela que je suis venu ? demanda-t-il.

Pbur quelle autre raison serait-il venu ? Pour elle ?

— Appelle ça une intuition.

— Eh bien, tu te trompes.

Jo sentit une petite pointe d’espoir se lever en elle.

— Vraiment ? Tu n’es pas ici pour essayer de me prendre Callie?

— J’ai beaucoup discuté avec Quinn et Colin, répondit Cameron.

— Et... ? demanda-t-elle en se forçant à respirer avec calme.

— Et nous avons décidé que je devrais venir faire un tour par ici pour rencontrer Callie, voir tamaison et ton atelier, et la façon dont tu...

— Si je comprends bien, c’est un test ?

Elle ne savait pas si elle devait se sentir insultée ou, au contraire, reprendre espoir.

— Considère cela comme une visite, d’accord ?

Jo resta silencieuse durant une minute, puis son regard se porta sur Callie qui semblait suivre chacundes mouvements de Cameron, comme si elle était déjà hypnotisée par son charme.

— Tes frères ont-ils aussi l’intention de venir ?

— Non. Nous avons tiré à la courte paille, et j’ai gagné, répondit-il en lui faisant un clin d’œil.

Ils venaient de franchir une nouvelle étape, mais Jo ne savait pas très bien comment réagir.

— Tu sais, dit-elle, une part de moi a envie de te flanquer à la porte et de te dire que tu peux allerfaire tes visites ailleurs !

— Et l’autre part ? demanda-t-il.

— L’autre part, dit-elle en s’approchant de lui, me dit que je devrais profiter de cette opportunitépour te montrer quel foyer stable et heureux je suis prête à offrir Callie.

Il baissa les yeux vers elle, scrutant son visage puis s’attardant sur sa bouche.

— Et laquelle des deux l’emporte ? demanda-t-il en plongeant son regard dans le sien. La partintelligente, rationnelle et adulte, ou bien ton côté borné et protecteur ?

Elle lui sourit

— Les deux peuvent être très persuasifs.

Du bout du doigt, il lui souleva le menton.

— Moi aussi, je peux être très persuasif, dit-il. Tu sais bien qu’il fallait que je le fasse. Et moi, jesais que tu vas l’accepter, n’est-ce pas ?

Elle hocha la tête, et il se pencha un peu plus près d’elle, juste assez pour lui procurer un frissond’excitation.

Puis il déposa un baiser sur son front.

— Tu vois que tu peux être gentille quand tu le veux bien, dit-il.

S’il savait ! Elle brûlait d’envie de renverser la tête en arrière et de lui offrir ses lèvres pour unbaiser passionné.

Mais pour l’instant, elle devait se contenter d’enfouir cette part d’elle-même.

— Allons faire une randonnée, dit Jo.

— Une randonnée ?

Elle devait plaisanter, songea Cameron, assis sur le sol en ciment de l’atelier. Il était en train deregarder Jo achever son travail avec la dextérité d’un sculpteur.

Un sculpteur très sexy, au demeurant. Son petit T-shirt en coton était presque transparent et laissaitvoir son nombril. Quant à son pantalon taille basse, qui lui moulait les hanches, il offrait une vuecharmante chaque fois qu’elle se penchait. Intrigué, il remarqua quelque chose de rouge sombre sur lehaut de ses fesses.

Quelque chose qui semblait être là pour longtemps. Un tatouage, manifestement

— Oui, une randonnée, répondit Jo en le tirant de sa rêverie. Nous sommes au beau milieu desmontagnes. C’est ce que nous faisons ici, en général, le dimanche après-midi. Ou alors, nousdescendons les torrents en kayak.

Il était presque sûr qu’elle souriait sous son masque.

— Qu’est-ce que tu préfères ? insista-t-elle. Le torrent ou la montagne ? A moins que tu ne sois tropfatigué par ton voyage ?

Elle voulait le mettre au défi ? Parfait ! Il ne baisserait pas les bras.

— Comme tu veux. Je suis tout à toi pour une semaine entière, répondit-iL

— Une semaine ?

Elle rangea son outil et retira un gant.

— Que diable vais-je bien pouvoir faire de toi durant une semaine ? demanda-t-elle.

Cameron baissa les yeux sur ses hanches.

« Tu pourrais me montrer ton tatouage... »

— Ne t’inquiète pas, je ne resterai pas dans tes jambes, fit-il remarquer.

— Vraiment ? répondit-elle d’un air taquin.

Cameron devait reconnaître que Jo avait accepté son arrivée surprise mieux qu’il ne s’y était attendu.Une fois passées les premières minutes, toute trace de tension s’était évaporée, et la petite Callie lesavait empêchés de se plonger dans une discussion trop sérieuse. Puis Callie avait réclamé sonbiberon, et Jo le lui avait donné.

Lorsque Callie s’était endormie dans son parc, Jo avait retiré le biberon de sa menotte, l’avait rincédans le petit évier du bureau, et avait recouvert la fillette d’une couverture rose. Puis elle lui avaitindiqué l’atelier, l’invitant en silence à la rejoindre. Depuis, il était assis par terre et la regardaittravailler.

Et c’était en l’observant qu’il avait remarqué son tatouage, ainsi que le doux balancement de sesseins contre son T-shirt, dès qu’elle remuait

Jo se redressa et brossa son pantalon, avant de remettre ses derniers outils dans leur boîte.

— Voilà, c’est terminé.

Elle se retourna et observa Callie à travers la paroi vitrée.

— Elle ne dormira plus très longtemps, dit-elle.

Cameron se leva à son tour et lui prit sa caisse à outils des mains.

— Comment le sais-tu ? demanda-t-il.

Il vit une lueur de surprise briller dans ses yeux.

— Est-ce que ces outils sont trop précieux pour que je m’en occupe ? demanda-t-il.

— Non, mais j’avoue que je n’ai pas l’habitude que l’on m’aide.

— Loin de moi l’idée de t’offenser et de te faire passer pour une pauvre petite créature. J’ai justeenvie aller voir ces montagnes de plus près, dès que possible.

Jo se mit à rire. Elle ne croyait pas un mot de ce qu’il disait.

— Allons tout d’abord voir si notre petite princesse dort encore, répondit-elle.

Tout en la suivant, Cameron étudia son atelier. L’endroit était très propre, spacieux et baigné par lalumière du jour. Tout était net et bien rangé.

— Tu cherches un défaut, monsieur l’avocat ?

Elle venait de le rejoindre et il ne l’avait pas entendu arriver.

— Je ne faisais qu’admirer ton atelier, assura-t-il. C’est un endroit agréable et... féminin, enquelque sorte.

Jo se mit à rire.

— Tu veux voir un lieu féminin ? Tu devrais aller visiter le salon de beauté de ta sœur.

— Peut-être plus tard, répondit Cameron. Callie est-elle réveillée ?

— Cela ne devrait pas tarder. Elle commence à gigoter. Mon manuel de puériculture dit que jedevrais la réveiller et la caler sur mes horaires, mais je n’y arrive pas. Cela me semble trop cruel.

— De toute façon, tu n’as pas l’air de quelqu’un qui se préoccupe de ce que disent les manuels.

Jo sourit

— C’est vrai, mais ces experts en pédiatrie ont l’air parfois si formels... Je veux être certaine defaire ce qu’il faut.

— Je suis sûr que c’est ce que tu fais, répondit Cameron en la suivant de l’atelier vers le bureau.

— Ah, voilà, elle est réveillée, dit Jo.

Cameron s’arrêta et écouta.

— Je n’entends rien.

Puis il entendit un petit bruit, comme un léger sifflement, sans toutefois en reconnaître la nature. Jo sehâta. Lorsqu’elle ouvrit la porte, le petit bruit se mua en un cri.

A travers la baie vitrée, il vit Jo se pencher et prendre Callie dans ses bras. Il ne pouvait entendre cequ’elle lui disait, mais imagina qu’elle lui chuchotait des paroles de réconfort. Il l’observa tandisqu’elle déposait de légers baisers sur les joues et la tête de Callie.

Aucun manuel ne pourrait lui enseigner ce que la nature lui avait déjà donné.

Jo était faite pour être mère.

Comment pourrait-il briser la petite famille que Callie et Jo formaient déjà ?

Il n’en avait pas le droit. Mais il avait promis à ses frères qu’il se rendrait chez Jo, observerait lasituation, et prendrait la meilleure décision pour l’enfant. A sa grande surprise, Quinn pensait que lameilleure solution serait de ramener Callie pour qu’elle soit élevée par eux. Nicole et lui discutaientdéjà de l’éventualité d’adopter le bébé.

Comme il s’y était attendu. Colin avait préféré discuter de cela avec leur père. Son bureau se trouvaittoujours à Pittsburgh, et il était le plus proche du vieil homme. Il gardait toujours un œil sur leur père,et c’était d’ailleurs lui qui avait appris à ses deux frères que, ces derniers temps. Jim McGrath avaittendance à vivre en reclus.

Etait-ce à cause de toutes ces années de culpabilité ?

Cameron voulait vérifier la version de l’histoire de sa mère, et il comptait sur Colin pour obtenir deleur père sa version des faits.

Jo interrompit ses pensées en lui faisant un signe de la main. De toute évidence, Callie semblait sur lepoint d’éclater en larmes.

— Alors, petite poupée, dit-il en s’approchant d’elles, toi aussi tu viens en randonnée ?

Elle ressemblait tant à Colin et à Quinn !

— C’est une véritable pro, répondit Jo en regardant les souliers vernis qu’il portait C’est plutôtpour son oncle que je m’inquiète.

— J’ai d’autres chaussures dans ma voiture. A moins que tu ne veuilles me prêter une paire destiennes ? dit-il en jetant un coup d’œil aux chaussures de protection qu’elle portait.

Jo lui fit une grimace et se pencha vers Callie.

— Quel méchant tonton ! chuchota-t-elle à son oreille.

Callie leva sa petite main vers lui et attrapa son nez. La sensation de sa main sur lui était aussitroublante que le rire de Jo, tout comme le fait qu’elle l’avait qualifié d’oncle.

— Allons, arrête, Callie ! s’exclama Jo en retirant la main du bébé du nez de Cameron.

De sa main libre, elle attrapa un grand sac décoré d’oursons et indiqua la porte à Cameron.

— Nous allons d’abord à la maison, nous préparer de quoi manger.

Cameron avait prévu de séjourner dans l’un des hôtels de la petite ville pittoresque.

— Il faut que j’aille m’installer, dit-iL As-tu un endroit à me recommander ?

— Aucun. Les tarifs hôteliers sont prohibitifs, par ici. Tu peux très bien rester chez moi.

— Chez toi ? Tu es sûre ? demanda-t-il, plutôt tenté.

— Tout à fait Sinon, comment pourrais-tu te rendre compte de l’environnement stable dans lequelvit Callie ? Il faut que tu puisses faire un rapport détaillé à tes frères.

Elle avait parfaitement compris pourquoi il était venu. Mais ne se rendait-elle pas compte del’alchimie qui existait entre eux ? A moins qu’il ne soit le seul à être hanté par le souvenir de leursdeux corps, attirés comme des aimants, dans le lit de sa chambre d’amis...

— J’apprécie ton offre..., dit-il d’un ton hésitant

— Tu sais, je pourrais tout à fait supporter ta présence chez moi, dit-elle en haussant les épaules.Tu as dit toi-même que je pouvais tout supporter.

Il l’enveloppa du regard, observant le bébé dans ses bras, le sac sur son épaule, ses mains siféminines qui avaient réparé la carrosserie de la Toyota avec la même dextérité qu’elles avaientpréparé le biberon du bébé.

Oui, Jo pouvait faire face à tout.

Mais lui, le pourrait-il ?

Chapitre 7.

A plusieurs reprises, Jo vérifia dans son rétroviseur que Cameron la suivait bien. La berline qu’ilavait louée était moins adaptée à la route à flanc de coteau qui menait chez elle que son propre 4x4.

Dire que cet homme si sexy allait être à elle pour une semaine entière !

Une semaine !

— A quoi diable pensais-je lorsque je lui ai proposé de rester avec nous ? demanda-t-elle à Callie,jetant un coup d’œil au bébé confortablement assis à l’arrière dans son siège de sécurité.

Callie était en train de mâchouiller un petit jouet bleu en plastique, et, les yeux mi-clos, semblaitperdue dans ses pensées. Pourtant, elle poussa un petit cri, comme si elle voulait lui répondre.

— Tu as raison, dit Jo en soupirant. Je ne pensais à rien. De toute façon, quelle femme pourraitréussir à réfléchir en présence de cet homme ? J’ai bien failli me donner au moins cinq ou six coupsde marteau sur les doigts, lorsqu’il était assis dans l’atelier en train de me...

Que faisait-il exactement ?

— ... de me dévorer des yeux.

Elle regarda de nouveau dans le rétroviseur et remarqua que Callie la fixait, les yeux écarquillés.

— C’est juste une expression, ma puce, répondit Jo en riant Continue à t’amuser avec ton jouet. Nefais pas attention à tante Jo.

— Jojojojojo.

Le surnom dont venait de l’affubler sa « petite princesse » la fit rire, et elle songea qu’elle feraitmieux de se concentrer sur les réelles raisons de la présence de Cameron McGrath en Californie. Savenue n’avait rien à voir avec l’irrésistible attirance qui existait entre eux, mais bien avec l’adoptionde Callie.

Elle entama le dernier virage. A travers une ouverture au milieu des hauts sapins, elle voyait déjà laclôture blanche qui entourait sa propriété au milieu des montagnes. En apercevant la vieille ferme, unsentiment de sécurité et de bien-être s’empara d’elle. Pourtant, aujourd’hui, d’autres sensationsétreignaient son cœur. Elle était fière de cette demeure qu’elle avait achetée et restaurée elle-mêmeavec tant d’amour, mais Cameron l'apprécierait-il ? Lui-même vivait dans un gratte-ciel, dans unappartement ultramodeme. Leurs mondes semblaient si opposés...

Elle arrêta sa voiture devant la porte de son garage fermé, descendit de voiture et ouvrit la portearrière pour attraper Callie. Cameron se gara derrière elle et vint la rejoindre avant même qu’elle aiteu le temps de sortir la fillette de la voiture.

— Tu habites ici ? demanda-t-il.

Elle se retourna pour découvrir l’expression de son visage.

Cameron levait la tête pour essayer d’apercevoir la cime des arbres, tout comme elle avait levé lesyeux vers le sommet de son gratte-ciel, en arrivant devant chez lui.

— Il n’y a pas d’ascenseur, mais c’est effectivement ma maison.

Il lui sourit et ouvrit la portière arrière du 4x4 en grand.

— Tu as besoin d’un coup de main ? demanda-t-il.

— C’est bon, merci.

Elle attrapa Callie, et prit son sac de sa main libre. Lorsqu’elle sortit de la voiture, elle vit Cameronen train d’observer sa demeure, ainsi que l’impressionnante vue sur les montagnes qui entouraient lavallée.

— C’est magnifique, dit-il.

Elle se retourna et découvrit le paysage à travers ses yeux. Depuis le printemps, les montagnes étaientrecouvertes d’arbres aux feuillages d’émeraude, tandis que les hauts sapins étaient si sombres qu’ilsparaissaient noirs. De gros nuages blancs flottaient dans le ciel d’un azur infini, projetant quelquesombres dans la vallée et sur la rivière qui la traversait.

— Je t’avais dit que, de chez moi, j’avais une vue différente de la tienne, répondit Jo.

— Tu ne mentais pas.

Son approbation la ravit. Elle voulait par-dessus tout que Cameron aime la maison de Callie. Ellevoulait qu’il comprenne quel merveilleux endroit c’était pour élever une enfant. Même si elle étaitnée et avait grandi ici, jamais elle ne s’était lassée de l’incroyable beauté de la Sierra Nevada.

Elle attendit alors qu’il prenait son sac et son attaché-case dans sa voiture.

— Tu as l’intention de travailler, pendant que tu seras ici ? demanda-t-elle tandis qu’il grimpait lesmarches du perron.

— Non, le cabinet peut très bien fonctionner sans moi durant une semaine. Ce ne sera pas un drame sije ne signe aucun bon de commande d’achat de fournitures durant huit jours !

Jo détecta une pointe de sarcasme dans sa voix.

— Tu n’as pas de dossiers importants en cours ?

Cameron secoua la tête.

— Pas en ce moment, répondit-il. Je souffre d’un syndrome très classique. Ma promotion m’a placési haut dans l’organigramme que je n’exerce même plus le métier que j’aime. Cela va faire bientôt unan que je n’ai pas vu l’intérieur d’un tribunal.

— Dans ce cas, pourquoi as-tu amené ton ordinateur portable ? Pour envoyer des rapportsquotidiens à tes frères ?

Cameron sourit.

— En fait, ils m’ont demandé de leur envoyer par e-mail une photo de Callie.

Jo sentit son estomac se crisper tandis qu’elle déposait ses clés et son sac sur la petite console dansl’entrée. Il ne faudrait pas longtemps avant qu’un combat pour la garde de Callie ne se déclenche.

Elle déposa un baiser sur la nuque de la petite et choisit d’ignorer les paroles de Cameron.

— Viens, suis-moi, dit-elle en passant devant le salon et en se dirigeant vers la cuisine, qu’elleconsidérait comme le cœur de son foyer.

Dans l’immense cuisine de style rustique, le parc de Callie et sa chaise haute se trouvaient à côtéd’une longue table, devant une fenêtre qui offrait une vue spectaculaire.

— Waouh ! dit Cameron pénétrant à son tour dans la cuisine, impressionné par ce panorama àcouper le souffle, comme chaque personne qui entrait dans la pièce.

Jo installa Callie dans sa chaise haute, et indiqua à Cameron une pièce attenante.

— C’est un petit bureau qui fait également office de chambre d’amis. Il faudra que tu déplies lecanapé, mais tout le monde s’accorde à dire qu’il est confortable. Tu pourras aussi brancher tonordinateur, si tu en as besoin. J’ai un accès Internet.

Consciente de son regard sur elle, elle ouvrit un petit pot de compote de pommes et disposa quelquesbiscuits sur le plateau de Callie. Puis elle se tourna vers le réfrigérateur pour y prendre un jus defruits qu’elle versa dans un biberon.

Cameron en profita pour s’asseoir sur le siège le plus proche de la chaise de Callie.

— Puis-je lui donner à manger ? demanda-t-il.

Sa demande l’arrêta net. Lentement, insidieusement, et avec facilité, il pourrait pénétrer dansl’univers de Callie qui, elle le savait, lui répondrait en ouvrant son cœur.

Pourtant, c’était bien elle qui l’avait invité à séjourner ici. Elle était donc seule à blâmer.

— Bien sûr, répondit-elle, mais tu risques d’avoir autant qu’elle besoin d’un bavoir. Elle vaenvoyer de la compote de pommes sur ton T-shirt.

— Et salir ce beau logo des Yankees ? répondit Cameron à l’intention de Callie. Tu ne ferais pascela, n’est-ce pas, ma puce ?

Callie gigota et émit un petit rire.

— Tu vois ça ? demanda Cameron à Callie en lui indiquant le logo sur son T-shirt.

Jo ne résista pas à l’envie de jeter un coup d’œil elle-même. Le T-shirt moulait parfaitement sontorse large et musclé. Elle se.souvint de la douceur de sa peau sous ses mains, de sa toison souslaquelle elle avait senti battre son cœur.

— Cette équipe est une véritable dynastie, expliqua Cameron à l’intention de Callie, inconscient dutrouble de Jo. Si tu veux, nous pourrons décorer ta chambre avec des posters des Yankees. Je suis sûrqu’ils te plairont

— Et retirer les dessins des nounours que j’ai moi-même peints ? demanda Jo en lui jetant unregard incrédule. Tu rêves !

— Peut-être pas tout de suite. On pourra attendre qu’elle commence à jouer au base-ball.

Jo déposa le biberon de jus de fruits devant Callie et se mit à rire.

— Elle ne jouera jamais au base-ball, Cameron. Elle est l’exacte copie de sa mère, qui n’auraitjamais voulu casser l’un de ses ravissants ongles manucurés.

Avec précaution, Cameron plongea une petite cuiller dans le pot de compote et la porta à la bouchede Callie.

— Qui sait ? demanda-t-il. On dit parfois que l’environnement peut se révéler plus fort que lesgènes. Peut-être sera-t-elle douée pour rénover les maisons, elle aussi, ou les carrosseries.

Jo sentit son sourire s’évanouir et l’observa. Etait-ce un compliment, ou une pique ?

Cameron fit un clin d’œil à Callie alors qu’elle ouvrait la bouche pour manger la compote qu’il luiprésentait. Elle poussa un petit gémissement de satisfaction, mâchouilla, et avala.

— Elle est vraiment très belle, dit Cameron.

Jo croisa les bras et regarda Callie.

— Parfois, je trouve qu’elle ressemble tant à Katy que j’en ai envie de pleurer.

— Je me demandais si tu avais d’autres photos... Par exemple, lorsque Katy était plus jeune.

Cameron faisait tout son possible pour lui demander la chose d’un ton neutre, mais il étaitcertainement plus ému qu’il ne souhaitait le montrer, se dit Jo. Elle se souvint des deux albums dephotos que sa mère et elle avaient retrouvés dans les décombres. Toutes les photos que tanteChristine avait prises de Katy depuis sa naissance jusqu’à...

— Oui, j’en ai. Beaucoup.

— Peut-être pourrai-je les regarder plus tard, si tu veux bien.

Elle lui posa une main sur l’épaule, souhaitant lui apporter un peu de réconfort.

— Je te les montrerai ce soir, après notre randonnée.

— Où comptes-tu nous emmener ?

Elle fit un signe en direction de la fenêtre.

— Derrière la maison.

— Ça m’a l’air agréable.

— Oui. D’ailleurs, je vais marcher plusieurs kilomètres presque tous les jours.

Cameron sembla surpris, puis il l’observa des pieds à la tête, d’un regard qui la troubla.

— Pas étonnant que tu sois en si bonne forme !

— Bon, je vais me changer, dit-elle, désireuse de s’éloigner de lui. Tu crois que tu pourras tedébrouiller avec elle pendant cinq minutes ?

Cameron hocha la tête en direction de Callie.

— Bien sûr, nous allons nous en sortir comme des chefs.

Jo se pencha pour embrasser Callie.

— Je reviens tout de suite, ma chérie.

Aussitôt Callie leva les yeux vers elle, le regard inquiet.

— Ne t’en fais pas, dit Jo en lui caressant les cheveux. Je vais juste dans ma chambre quelquesinstants. Toi tu vas rester avec... oncle Cam ?

— Elle peut m’appeler Cam, ça me suffit

— Elle ne t’appellera pas du tout, dit Jo. Elle ne peut pas prononcer Cam.

— Caaaaaammmm, dit Callie en tendant le doigt vers lui.

Cameron eut un immense sourire.

— Tu vois ? Elle sait dire mon nom. Tu verras, avant que je ne parte d’ici, elle dira déjà qu’ellem’aime.

— C’est bien ce qui me fait peur, reconnut Jo en essayant de plaisanter.

Pourtant, il n’y avait pas de quoi rire.

Les cœurs des deux femmes de la maison allaient être très perturbés, durant la semaine à venir.

Comme tout ce qu’elle faisait, Jo gravit la montagne avec grâce, agilité et aisance. Callie étaitconfortablement installée dans un siège kangourou sur sa poitrine, et observait le monde autourd’elle, babillant et poussant de temps à autre de petits cris.

Cameron parvenait à se maintenir à l’allure de Jo, grâce à ses séances de squash, trois fois parsemaine, et sa fréquentation d’une salle de gymnastique les deux autres jours.

Ce n’était pas une randonnée pour débutants. Jo cherchait-elle à lui faire passer un test, ou souhaitait-elle se mettre en valeur ?

Derrière elle, il observa ses longues enjambées, son dos musclé, ses cuisses fermes dénudées sous unshort beige. Jo pouvait mettre en valeur n’importe quelle partie de son anatomie. Il ne se souvenaitpas d’avoir été à ce point troublé par une femme aussi sportive. Habituellement, ses petites amiesétaient plutôt minces et de constitution délicate.

Il essaya de se représenter Amanda en train de grimper cette montagne, et ne put s’empêcher de rire.Il était soulagé d’avoir rompu avec elle avant de quitter New York.

— Contente de voir que tu t'amuses, dit Jo par-dessus son épaule. Parce que les choses vont devenirun peu plus corsées.

— Tu veux dire que le chemin grimpe davantage ?

— Oui, un peu.

Jo s’arrêta et il la rejoignit en deux enjambées. D’un doigt, elle lui indiqua un point plus élevé.Nettement plus élevé.

— Nous allons grimper pendant encore environ trois cents mètres, puis nous déjeunerons dans moncoin préféré. A moins que tu ne sois trop fatigué ou affamé.

Il était épuisé et mourait de faim

— Pas du tout, on continue tant que tu veux, répondit-il.

— Tu n’as pas besoin d’essayer de me prouver quoi que ce soit, Cameron, dit Jo en souriant d’un airmalicieux. Si tu as envie de faire une pause, dis-le-moi. Moi, j’ai l’habitude de grimper ici tous lesjours.

— Je ne suis pas un vieillard, tu sais ! Je n’ai que trente-cinq ans et je suis en pleine forme.

— Mmm... Si tu le dis !

— Allons-y, ma belle ! s’exclama Cameron en lui tapotant l’épaule. Continue à grimper.

Jo se retourna et reprit l’ascension, murmurant quelque chose à Callie qu’il n’entendit pas.

Moins d’une heure plus tard, ils atteignirent une belle clairière verdoyante, entourée de sapins sihauts qu’ils cachaient presque le ciel. L’air était frais et cristallin, parfumé de l’odeur des conifères.

— Alors, c’est donc ton coin préféré ? demanda Cameron en se débarrassant du sac à dos quicontenait leur pique-nique, et en se délectant de la vue.

— C’est l’endroit au monde que je préfère.

En quelques instants, Cameron la vit étendre une couverture sur le sol, sortir la nourriture et lesboissons du sac et installer Callie au milieu de tout cela. Elle avait toujours un œil sur le bébé, etpouvait la rattraper avant qu’elle ne tente de s’éloigner d’elle.

Décidément, ces deux femmes semblaient communiquer en permanence, sans échanger un mot Unepointe de culpabilité lui serra la gorge. Il serait vraiment un monstre de briser la relation si parfaiteque semblaient entretenir Jo et Callie.

— Où en est la procédure d’adoption ? demanda-t-il.

Jo leva les yeux du sac de fruits qu’elle était en train d’ouvrir, et repoussa une mèche de cheveux quis’était échappée de sa queue-de-cheval.

— J’ai un rendez-vous vendredi avec les services d’adoption.

— Qu’est-ce qui est prévu ?

Elle lui tendit le sac de fruits.

— Tu veux une fraise ? Il en prit une et la remercia, puis elle présenta le sachet à Callie, assiseentre eux deux.

— Une petite fraise, Callie ?

Le bébé prit un fruit et commença à le mordiller, tandis que Cameron attendait que Jo réponde à saquestion.

— C’était censé être le rendez-vous où je leur remettrais le document que tu devais signer. Mais àprésent...

Elle grignota un fruit et détourna le regard.

— Ils attendent un document signé ? demanda Cameron.

Jo hocha la tête.

— Ils ne sont même pas au courant de ton existence. Je voulais les surprendre avec la nouvelle et tonconsentement en même temps.

Cameron s’allongea sur le côté, se redressa sur un coude, et regarda Jo essuyer le petit menton deCallie, rougi par le jus de la fraise.

— Je dois reconnaître une chose, Jo, c’est que tu as su garder ton sang-froid dans toute cettehistoire. Jamais tu ne t’es mise à crier ou à taper du pied pour obtenir ce que tu voulais.

Jo sourit

— Il y a longtemps que j’ai appris à quel point ces techniques sont inefficaces.

Sans savoir comment, il sut qui lui avait enseigné cette leçon.

— Grâce à Katy ?

— Oui. Elle avait parfois tendance à en abuser.

Cameron se mit à rire, et prit le morceau de pain qu’elle lui tendait.

— Elle avait l’air d’avoir un sacré caractère, et d’être plutôt pénible, parfois, dit-il.

Jo s’allongea sur le dos, offrant son visage au soleil.

— Oui, mais je l’aimais comme elle était. Et elle me manque à un point que tu ne peux pasimaginer.

Cameron ressentit un besoin pressant de se rapprocher d’elle et de caresser la peau satinée qui sedécoupait sous l’encolure en V de son T-shirt Soudain, il se souvint du goût de sa peau et de seslèvres. Sa queue-de-cheval s’étalait en éventail derrière elle et il avait envie de plonger ses doigtsdans cette chevelure de soie.

— J’irai avec toi, dit-il.

Il ne savait pas d’où lui était venue cette idée, mais les mots avaient franchi ses lèvres avant qu’ilpuisse les retenir.

— Je te demande pardon ?

Jo se redressa et le regarda, relevant ses lunettes de soleil sur son front pour mieux l’examiner.

— Tu veux dire que tu viendras avec moi à ce rendez-vous ? Pourquoi ?

— N’avais-tu pas prévu de leur parler de moi et de ma famille ?

Elle hocha la tête.

— Si. Je le dois.

Rien ne l’y obligeait, et il le savait. Elle aurait très bien pu dissimuler le fait que Callie avait de lafamille encore vivante, et poursuivre la procédure d’adoption. Le fait qu’elle n’ait pas agi ainsi,qu’elle ait entrepris de nombreuses recherches pour le retrouver et faire les choses en règlecontinuait à l’impressionner, et il appréciait son honnêteté.

— Si je viens avec toi pour corroborer ton histoire, est-ce que cela t’aidera, ou au contraire tenuira ?

— Cela pourra peut-être accélérer les choses. Quoi qu’il en soit, ils lanceront une enquête etvoudront t’interroger, ainsi que tes frères.

Cameron savait très bien pourquoi. A l’instant où Jo avait quitté New York, il s’était plongé dans leslois californiennes d’adoption. Sans un testament stipulant qui devait avoir la garde de l’enfant,Callie devait légalement être placée sous sa garde ou celle de l’un de ses frères, parce que les droitsfamiliaux étaient considérés comme plus puissants que ceux des amis, même très proches.

Cela, c’était ce que disait la loi. Callie pouvait très bien rester sous la garde de Jo, mais c’était à luide donner son consentement. Il y avait peu de précédents similaires dans les annales de la justice,mais chaque fois, l’enfant avait été confié à un membre de la famille, par décision du tribunal. Lestextes de loi semblaient jouer contre Jo.

Tout à coup, Callie se mit à quatre pattes et commença à s’éloigner d’eux à toute vitesse. Aussitôt, ilsse précipitèrent sur elle, et leurs mains se touchèrent alors qu’ils la rattrapaient au même moment. Ils’écarta et laissa Jo prendre Callie dans ses bras.

Voilà, c’était exactement ce qu’il devait faire. Se retirer, et laisser Callie entre les mains de Jo.D’après le regard que Jo lui lança, il sut qu’elle pensait la même chose.

— La femme que nous devons rencontrer s’appelle Mary Beth Borell, dit Jo en tenant Callie contreelle et en lui donnant un morceau de pain. Qu’as-tu l’intention de lui dire ?

— Je lui dirais que je suis ici en observateur. Pour être sûr que Callie est en sécurité et aimée.

— Et ensuite ? Est-ce que tu...

Elle s’éclaircit la gorge et lui sourit.

— Je ne voudrais pas passer pour une casse-pieds en te posant toujours la même question, maissigneras-tu le document ?

— Je ne peux pas, Jo.

Il vit sa mâchoire se crisper.

— Je ne peux pas tant que je n’ai pas discuté avec mes frères, poursuivit-il. Nous avions chacundes choses à faire, cette semaine, avant de décider de la suite à donner à tout cela.

— Des choses à faire ?

Cameron hocha la tête.

— Colin doit parler à notre père, pour lui dire ce qui s’est passé, et, avec un peu de chance, essayerde découvrir la vérité sur le passé.

— Nous connaissons déjà la vérité.

Cameron ne répondit rien.

— Quant à Quinn...

Il détestait devoir lui avouer cela.

— Quinn et Nicole doivent discuter de la possibilité d’élever un autre enfant, vu qu’ils vont bientôten avoir un.

— Super ! C’est vraiment super ! Et toi, tu es là pour tester mes talents maternels !

Il se pencha vers elle et posa sa main sur la sienne.

— Il n’y a rien à tester, Jo. Tu fais une mère fantastique et Callie a de la chance de t’avoir.

Elle le surprit en enlaçant ses doigts aux siens.

— Tu devrais le dire au service d’adoption, rétorqua-t-elle.

— J’en ai bien l’intention.

Pourtant, Cameron savait que ce n’étaient pas les services d’adoption qui tracassaient Jo, mais plutôtses frères, qui s’étaient mis en tête que le bébé de leur sœur devait rester au sein de leur famille. Quele « destin » de Callie était de réparer la blessure causée par la stupidité de leurs parents.

Il savait ce que Quinn et Nicole souhaitaient. Quant à Colin, il était si rebelle qu’il voudrait faireexactement le contraire de leur père.

Même s’il n’était pas d’accord avec eux, ses frères avaient tout autant que lui leur mot à dire, au sujetde l’avenir de Callie McGrath !

Chapitre 8.

Confortablement installé sur le canapé, Cameron tourna la dernière page de l’album-photos et ungrand sourire éclaira son visage.

Même si Jo était assise par terre, sur le tapis devant la cheminée, son plaid préféré sur les genoux,elle connaissait la raison de son sourire. Elle avait ajouté à l'album le dernier tirage de sa collection.

La photo avait été prise à Reno une semaine avant le tremblement de terre. Jo pouvait la visualiser demémoire. Katy, souriant d’un air radieux, en dessous de la fameuse pancarte « Reno », tenant dansune main une paire de sandales à talons hauts, et dans l’autre son fameux chapeau.

— Elle porte déjà des chaussures, fit remarquer Cameron. Pourquoi en tient-elle une autre paire àla main ?

— Celles-là, ce sont les miennes.

Cameron eut l’air surpris.

— Impossible.

— Si, repartit Jo en riant.

— Hmm... Je paierais cher pour te voir porter ces sandales !

Jo se raidit en comprenant le sous-entendu. Cameron avait-il envie de la voir dans des tenues plussexy ?

— En fait, je ne les porte pas très souvent, répondit-elle. Je venais de lui acheter ce chapeau et de lefaire broder à ses initiales, comme cadeau d’anniversaire. Pendant que nous attendions que lemonogramme soit cousu, elle est allée faire un tour dans une boutique de chaussures et a achetécelles-ci pour moi.

Cameron étudia un peu plus la photo.

— Elle a l’air vraiment heureuse, dit-il.

— Elle l’était. Les choses commençaient à s’arranger. Roger Morgan, le père de Callie, venait dequitter Sierra Springs et elle en était soulagée. Notre société commençait à faire des profits. Toutallait bien.

— Cela n’a pas duré longtemps...

— Non. Les forces de la nature se sont réveillées et ont tout anéanti.

Cameron referma l’album-photos.

Callie s’était endormie juste après le dîner et, depuis, Jo et lui discutaient. Pour Jo, la nuit aurait puse prolonger indéfiniment. C’était si agréable de bavarder avec lui ! Il était drôle et intelligent à lafois, et qui plus est, si séduisant ! Il la taquinait souvent, et elle se sentait plutôt émoustillée.

Pourtant, depuis qu’il avait commencé à étudier les photos, quelque chose la tourmentait, et elledécida qu’il était temps de lui poser la question.

— Pourquoi ne dis-tu rien à propos de ta mère ? demanda-t-elle.

Cameron haussa les épaules.

— Que pourrais-je dire ? Elle avait l’air bien dans sa peau, plutôt jolie dans sa jeunesse, et je doisavouer qu’elle a mieux vieilli que mon père.

— Lui a ses remords sur la conscience.

Curieusement, cela le fit rire.

— Tu trouves ça drôle ? demanda Jo.

— Non, répondit Cameron souriant toujours. C’est juste que ma grand-mère aurait dit tout à fait lamême chose. Elle prononçait toujours des sentences sur chacun de nous. D’ailleurs, elle a fait desprédictions pour chaque homme de la famille.

Jo remonta son plaid sur elle.

— Qu’a-t-elle dit ? demanda-t-elle.

— Elle a dit que la culpabilité de notre père finirait par le tuer. Mais elle a dit cela en son absence.Il n’aurait pas aimé l’entendre.

— A présent, tu sais pourquoi.

Cameron posa l’album de photos sur la table basse et se cala dans le canapé.

— J’en ai bien peur.

— Et en ce qui vous concerne, toi et tes frères ? Qu’a dit ta grand-mère ?

— Voyons... Elle disait que Quinn était un petit garçon irrésistible qui attirerait toutes les femmes àlui lorsqu’il serait devenu grand. Cela a bien été le cas.

— Comme s’il n’en était pas de même pour toi !

Cameron rit.

— Disons que dès l’adolescence, Quinn a toujours eu un agenda... bien rempli. Quoi qu’il en soit,grand-mère disait toujours qu’il trouverait la femme parfaite pour lui, et laisserait tomber toutes sesconquêtes pour l’épouser.

— Elle avait raison ?

Cameron hocha la tête.

— Tu devrais le voir avec Nicole ! Il n’a jamais été aussi heureux ! Quant à Colin, grand-mère atoujours dit qu’il était le plus chanceux d’entre nous, et que tout serait toujours facile pour lui.

— C’est le cas ?

— Ma foi, il a une fiancée superbe et une société florissante. Tout semble en effet facile pour lui.

— Et en ce qui te concerne ? Quelle est la prédiction de ta grand-mère ?

Le sourire de Cameron s’évanouit et Jo sentit une vague d’inquiétude la gagner.

— Dis-le-moi, insista-t-elle.

Soudain, Cameron se leva.

— Tu sais, ce ne sont que des paroles de vieille Irlandaise. Rien à prendre au sérieux.

Il s’étira, et de nouveau le logo des Yankees attira l’attention de Jo sur son torse.

— Je crois que je vais aller prendre une douche et me coucher, dit Cameron. Le décalage horairem’a épuisé.

Quelle que soit la prédiction de sa grand-mère, cela resterait un secret, songea Jo.

— Tu peux utiliser la douche dans ma salle de bains à l’étage, dit-elle. Ici, au rez-de-chaussée, iln’y a qu’un cabinet de toilette.

— Comment cela ? Toi la superwoman, tu n’as pas installé de douche ici durant ton temps libre ?demanda Cameron en lui tendant la main pour l’aider à se redresser.

— Que veux-tu ! Cela ne faisait pas partie de mes priorités.

A regret, elle relâcha sa main. Ils gagnèrent l’étage, et elle lui indiqua sa propre chambre.

— Je serai là, si tu as besoin de quoi que ce soit.

— Dans ton pyjama préféré ? dit-il en lui faisant un clin d’œil.

— Je ne porte rien...

— Je le sais bien, c’était juste pour te taquiner.

— Très drôle, répondit-elle en le poussant en direction de la salle de bains. Je vais peut-être faireune exception, ceci dit.

Pendant qu’il se douchait, Jo enfila la seule tenue qui pouvait lui servir de pyjama. Un caleçondécoré de personnages de bandes dessinées et un T-shirt court. Soudain, elle se souvint qu’elledevrait préparer le canapé pour Cameron, sans quoi il risquerait fort d’être tenté de venir dormirdans son lit.

Quelque peu troublée, elle descendit au rez-de-chaussée, déterminée à déplier le canapé, préparer lelit de Cameron et être de retour dans sa propre chambre avant qu’il n’ait fini de prendre sa douche.

Elle n’avait pas envie d’être dans une pièce où se trouveraient à la fois un lit et Cameron McGrath.C’était une combinaison bien trop dangereuse.

— Est-ce que je peux voir ton tatouage ?

Surprise, Jo sursauta. Comment Cameron avait-il réussi à descendre l’escalier sans faire craquer uneseule marche ?

Et comment pourrait-elle réussir à calmer les battements de son cœur alors qu’il se trouvait sur leseuil de la porte, torse nu, ne portant qu’un pantalon de pyjama, des gouttelettes d’eau ruisselant deses cheveux sur son torse puissant ?

Et comment diable savait-il qu’elle avait un tatouage ?

Cameron se mit à rire.

— On dirait que je t’ai rendue muette.

Jo essaya de se reprendre et se mit à rire.

— Non, il est hors de question que tu voies mon tatouage.

Cameron croisa les bras et sourit.

— De toute façon, j’en ai déjà vu une partie pendant que tu réparais la Toyota. Il est rouge sombre,et situé à un endroit très... intéressant

Aussitôt, Jo se sentit rougir.

— C’est privé. Personne ne l’a jamais vu, sauf le tatoueur et Katy.

Cameron pénétra dans la pièce et Jo l’observa de nouveau. Mon Dieu, cet homme était un véritableappel au sexe ! Elle devait éviter à tout prix de se trouver aussi près de lui, surtout lorsqu'il étaittorse nu... Elle brûlait d’envie de se blottir contre lui.

— Tu permets que je fasse ton lit ? demanda-t-elle tandis qu’il s’approchait d’elle.

Bien trop près, à son goût.

— Hé ! Il me semble que c’est ma chambre. Allez, je t’en prie, Jo, dit Cameron d’un air malicieux.Laisse-moi le voir.

Jo fit un pas en arrière, vexée de sentir une vague de chaleur l’envahir, mais ne résistant pas auplaisir de flirter.

— Non, tu ne peux pas le voir.

— Alors, dis-moi au moins pourquoi tu t’es fait faire ce tatouage.

Il n’abandonnait jamais, décidément.

— Suis-moi, dit-elle en se faufilant à côté de lui. Mais laisse la porte du garage ouverte afin que jepuisse entendre, si Callie m’appelle.

— Nous allons dans le garage ?

— Oui.

Elle l’entendit rire tandis qu’elle se dirigeait pieds nus de la cuisine à la porte du garage. Elle ouvritla lourde porte de bois avec lenteur, afin qu’elle ne craque pas et ne risque pas de réveiller Callie, etse dirigea vers l’interrupteur.

— Où vas-tu ? demanda Cameron. Qu’est-ce qui...

Soudain, il cessa de parler et se contenta d’observer, les yeux écarquillés, ce qu’il avait devant lui.

— A présent, c’est moi qui te rends muet, dit Jo tout en caressant la carrosserie rouge flamboyant dela Mustang. N’est-elle pas superbe ?

Cameron siffla d’admiration.

— Oh, si ! Une Mustang de 1965. La seconde année de leur construction !

Avec précaution, il s’approcha de la voiture et l’examina, posant sa main avec déférence sur lacarrosserie.

— Quelle ligne magnifique !

— Quand je l’ai trouvée, dit Jo, elle n’avait presque plus aucune pièce utilisable. Elle avait ététotalement broyée par un camion et abandonnée dans un terrain vague.

Cameron la regarda d’un air interloqué.

— Tu l’as restaurée en entier ?

— Oui, c’était ma vie avant Callie. J’ai passé plus de deux ans à travailler tous mes dimanches surcette voiture.

— Tu l’as reconstruite de A à Z ?

Jo secoua la tête.

— Combien de fois t’ai-je déjà dit que je ne suis pas mécanicienne ? C’est un de mes amis qui s’estoccupé de la mécanique. Moi, je me suis chargée de la carrosserie.

Se penchant par-dessus la portière, elle actionna le bouton de la capote, qui se repliaautomatiquement.

— L’intérieur est très beau aussi, tu vas voir.

Cameron s’approcha plus près d’elle, et la plaqua contre le véhicule.

— Cette voiture est aussi magnifique que toi.

Jo sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. La proximité de Cameron, son torse nu si prèsd’elle la faisait presque chanceler.

— Pourquoi fais-tu cela ? demanda-t-elle.

Durant une minute, il ne répondit rien, se contentant de la dévorer du regard.

— Parce que j’ai eu envie de t’embrasser toute la journée, répondit-il. Pas toi ?

— Si, chuchota-t-elle.

Aussitôt, Cameron posa ses lèvres sur les siennes et l’enlaça. Elle noua ses bras autour de sa nuqueet se laissa envahir par son baiser.

Cameron se serra un peu plus contre elle et gémit. Ses lèvres descendirent sur sa gorge, tandis que samain droite suivait le même parcours.

Jo sentit tous ses sens s’éveiller et une douce chaleur irradier entre ses cuisses. Elle ne pouvait pluslutter. C’était si bon d’être dans ses bras !

Cameron se pencha un peu plus et ses lèvres descendirent jusqu’à sa poitrine. Jo n’était plus capable

de rien, sauf de se cramponner à lui, de fermer les yeux et de humer son parfum viril.

D’une main il la tint serrée contre lui, son érection plaquée contre son bas-ventre. Son autre main seglissa sous son T-shirt et remonta sur ses seins.

Jo haleta et Cameron embrassa de nouveau ses lèvres, d’un baiser fiévreux, sa langue se mêlant à lasienne, son pouce titillant l’extrémité d’un sein durci d’excitation.

Il s’écarta un peu d’elle, et jeta un coup d’œil vers la voiture.

— Que dirais-tu du siège arrière ? demanda-t-il. Après tout, c’est fait pour ça !

Jo secoua la tête, essayant d’avoir l’air choquée par sa suggestion. Pourtant, sa proposition étaitdiablement tentante !

— Pas dans ma voiture. Pas question !

Elle essaya de le repousser, mais Cameron refusait de la lâcher.

— Dans ce cas, retournons dans la maison.

Elle acquiesça et, à l’instant où ils pénétrèrent dans la cuisine, il la plaqua contre la porte etl’embrassa passionnément.

— Je... Je ne peux pas...

Jo essayait de parler, mais elle ne réussissait qu’à gémir, les yeux clos, ses hanches ondulant contrele bas-ventre de Cameron.

— Je ne peux pas m’arrêter, dit-elle.

Cameron eut un petit rire.

— Dans ce cas, ne t’arrête pas.

Embrassant son cou, il fit glisser ses mains dans son dos, jusqu’à ses fesses. Glissant une main dansses cheveux, Jo attira sa touche sur la sienne et le dévora d’un baiser.

D’un geste rapide, Cameron la souleva.

— Voyons un peu ce que nous pourrons faire sur ton comptoir.

Il l’installa sur le comptoir et glissa ses hanches entre ses jambes. Seule la lune les éclairait, ainsique la lumière de la lampe de chevet qui provenait de la chambre d’amis.

Cameron l’embrassa de nouveau, et elle se cramponna à ses épaules. Puis il pencha la tête etcommença à déposer des baisers sur le sillon entre ses seins. Jo eut l’impression de sentir un courant

électrique la traverser de toutes parts.

Avant qu’elle se rende compte de ce que Cameron était en train de faire, il commença à lui retirer soncaleçon. Puis, se baissant vers elle, il déposa quelques baisers sur sa hanche, et s’interrompit.

Il contempla son tatouage durant un long moment, le caressa du bout du doigt et l’embrassa.

Puis il se redressa et la regarda dans les yeux.

— Un mustang, bien sûr, dit-il en secouant la tête. Ma petite amie a un logo de voiture dessiné surles fesses.

Sa petite amie ? En tout cas celle de la soirée... Peut-être même de la semaine ?

— Je ne suis pas ta petite amie, dit-elle. Je n’appartiens à personne.

Il lui caressa la nuque et joua avec ses cheveux.

— C’est vrai, chuchota-t-il.

Une pointe de déception l’étreigniL

— Tü n’appartiens à personne, parce que tu es une femme indépendante, Jo.

Sa voix était rauque d’excitation, mêlée à une pointe de tendresse. Il attira Jo contre son érection et sepencha vers elle pour lui chuchoter à l’oreille.

— Et c’est ce que je préfère en toi.

Incapable de s’en empêcher, elle plaqua ses hanches plus fort contre lui. Son corps était commeanimé d’une volonté propre, et semblait demander bien davantage.

Cameron glissa de nouveau ses mains sous son T-shirt et caressa doucement ses seins, tandis queleurs langues entamaient un ballet passionné. Puis il releva son T-shirt, pencha la tête et prit l’un deses seins dans sa bouche, le suçant et le léchant avant de passer à l’autre, qu’il mordilla, l’excitant deplus belle.

Jo n’était plus capable de penser à rien. C’était si bon d’être entre ses bras, quasiment allongée sur lecomptoir de la cuisine...

Le comptoir de la cuisine ?

— Sommes-nous vraiment en train de faire ça ici ? Dans ma cuisine ? demanda-t-elle soudain.

— On peut le faire où tu veux, ma belle. Ici, à côté, ou à l’étage. Dans la voiture, dans le grenier oudans l’herbe du jardin, répondit Cameron en continuant à embrasser ses seins.

Il glissa ses mains dans son caleçon, et Jo eut l’impression qu’il lui suffirait d’une seule caresse pourqu’elle commence à jouir.

— Peu m’importe où nous allons, continua Cameron en approchant ses doigts de son pubis. Je veuxte faire l’amour, Jo... Je veux être en toi.

Jo inspira profondément, prête à lui accorder tout ce qu’il voulait, où il voulait, lorsqu’un cri deCallie les interrompit.

Cameron la suivit à l’étage, résistant à l’envie de lui retirer son sous-vêtement et d’embrasser denouveau son tatouage.

Mais sa belle et excitante partenaire venait de faire place à une mère inquiète.

Il avait envie de maudire le petit démon qui les avait interrompus, mais il se sentit fondre enapercevant, à la lueur de sa veilleuse, le visage rouge baigné de larmes. Callie se tenait debout dansson lit, attendant qu’on vienne s’occuper d’elle.

A l’instant où Jo la prit dans ses bras et commença à lui chuchoter des paroles d’apaisement àl’oreille, ses cris cessèrent.

— Elle a besoin d’un biberon, dit Jo.

— Je vais le chercher.

— Non, il faut le chauffer, et mon micro-ondes est un peu délicat, ces derniers temps.

— Jo, je suis quand même capable de faire chauffer un peu de lait !

Elle lui tendit Callie.

— Non, prends-la et berce-la quelques instants. Je reviens tout de suite.

Avant qu’il puisse répondre, Jo lui tendait le bébé qui poussa un petit cri d’indignation.

— Chhuuut, petite poupée, dit Cameron. Ça va aller, tu vas voir.

Il se dirigea vers le fauteuil à bascule dans le coin de la chambre, et s’y installa avec Callie, la calantcontre son torse. Quel changement de situation ! Comment l’excitation ressentie avec Jo avait-elle pu,en un instant, laisser place au plus grand calme, simplement parce qu’il fallait donner le biberon à cepetit ange ?

— Tu sais, tu n’as pas choisi le bon timing, lui dit-il.

Callie frissonna et enfouit sa tête dans son cou. Un sentiment de béatitude s’empara de lui. Bien sûr,

il aurait préféré sentir les jambes de Jo nouées autour de ses hanches, et la peau fine de ses seins sousses mains, mais avoir Callie blottie contre lui était vraiment... une chose singulière.

— Tu as dû sentir que quelque chose se passait en bas, n’est-ce pas ?

Cali poussa un petit soupir.

— Ne t’inquiète pas, ma puce. Je n’ai pas l’intention d’emmener Jo loin de toi. Ni de vous séparerd’une quelconque façon.

Il redressa Callie contre lui, appréciant de sentir sa petite tête contre son épaule.

Avait-il vraiment été sur le point de faire l’amour à Jo ?

Non, ce n’était que du désir qu’il éprouvait pour elle. Pourquoi une simple attirance sexuelle aurait-elle dû se transformer en quelque chose de plus profond ? Jo était une femme superbe, dynamique,forte, et plus que séduisante.

Alors ?

Certes, il l’aimait bien... Et il la désirait. Mais tout ce qu’il éprouvait n’était qu’une forte excitationsexuelle qui ne demandait qu’à être assouvie.

Dès les premiers instants de leur rencontre, il avait eu envie de l’embrasser, de la caresser, de mêlerson corps au sien. Jo semblait aussi excitée que lui...

— Voilà !

Il ouvrit les yeux au son de sa voix. Jo se tenait devant lui, un biberon et une petite couverture entreles mains, attendant qu’il lui donne Callie.

— Je vais le faire, insista-t-il. Nous sommes trop bien installés pour bouger.

Elle ne discuta pas et se contenta de lui tendre le biberon. D’instinct, il redressa Callie sur son bras.Jo déposa la couverture sur elle et se pencha en avant.

Il s’attendait à ce qu’elle embrasse Callie, mais au lieu de cela, elle déposa un léger baiser sur sajoue, et s’assit sur le sol à côté d’eux. Sans rien dire, elle vint poser sa tête sur ses genoux.

Voilà, à présent il avait deux femmes tout contre lui. Deux femmes superbes qui avaient touteconfiance en lui, et lui offraient leur affection. Deux femmes incroyables dont il tenait l’avenir entreses mains — avenir qui pouvait être changé à jamais d’une simple signature.

S’il appréciait vraiment Jo, il lui donnerait ce qu’elle voulait : l’assurance qu’elle pourrait adopterCallie.

Callie était calée contre son bras et tenait seule son biberon. De sa main libre, il tendit la main vers

Jo et lui caressa les cheveux. Elle soupira de bien-être.

Soudain, une incroyable sensation de déjà-vu l’envahit, et il eut presque du mal à respirer. Il avaitvécu cette situation, auparavant. Mais à ce moment-là, c’était lui qui était assis au pied d’une femmequi donnait le biberon à un bébé.

Il se souvenait. Oh mon Dieu, il se souvenait si bien d’elle ! Il sentait encore son parfum fleuri tandisqu’elle lui caressait les cheveux.

Il s’attendit à ce que l’ancienne douleur le submerge de nouveau, mais pour la première fois depuisses neuf ans, cela n’arriva pas. Pour la première fois, il ne lui en voulait plus de les avoirabandonnés.

Il était temps, à présent, d’offrir à sa mère le bénéfice du doute. C’était cela, aussi, qui permettraitaux blessures de cicatriser.

Et s’il parvenait à guérir, il en serait de même pour Colin et Quinn. Ils n’avaient nul besoin dedétruire cette petite famille. Le bébé qui reposait sur son bras ne représentait pas leur planche desalut. Non, ce qui allait les sauver, c’était de savoir que leur mère les avait vraiment aimés.

Et c’était Jo qui lui avait offert cette réponse. Etait-ce pour cela qu’il éprouvait pour elle plus que dudésir ? Peut-être souhaitait-il la remercier du cadeau qu’elle lui avait fait.

— Jo..., chuchota-t-il en espérant que Callie n’allait pas ouvrir les yeux.

Jo leva la tête et le regarda.

— Je veux signer ce document, dit-il.

Elle le regarda d’un air incrédule.

— Parce que tu as envie de coucher avec moi ?

Il lui sourit.

— Non. J’ai envie de toi, mais ce n’est pas pour cette raison. Je veux faire en sorte que les chosessoient justes. Je veux faire tout ce qui est en mon possible pour m’assurer que Callie restera avec toi.

— Mais... et tes frères ? T’opposeras-tu à eux s’ils ne sont pas d’accord ?

Il détestait d’avance cette idée.

— Quinn, Colin et moi ne nous sommes jamais disputés et sommes toujours restés unis. Cela dit,nous n’avons jamais eu à prendre une si grave décision.

Il baissa les yeux et redressa doucement le biberon de Callie.

— Mais oui, dans le cas présent, je m’opposerai à eux s’il le faut.

Peut-être n’aurait-il pas besoin de le faire.

Jo se redressa sur ses genoux, et se plaça face à lui et à Callie. Puis elle tendit la main vers lui et luicaressa le visage. En sentant sa caresse, il ferma les yeux et poussa un léger soupir.

— Je suis désolée, Cameron. Désolée si cela occasionne un conflit dans ta famille.

ll ouvrit les yeux et la regarda.

— Ma grand-mère a toujours prétendu que j’étais né pour faire les choses justes.

— Et tu sais ce qui est juste, dans notre cas ? chuchota-t-elle.

Cameron hocha la tête.

— Callie doit rester avec toi.

— Oh..., murmura-t-elle. Merci, Cameron.

Entre eux deux, Callie se cala un peu plus contre son bras et soupira de contentement. Cameronbaissa les yeux vers

elle, et acquiesça en silence. Jamais il n’avait connu une telle sérénité. Jamais.

— Non, merci à toi, chuchota-t-il à Jo.

Elle se contenta de hocher la tête et tendit les mains vers Callie.

— Je vais changer sa couche et la remettre au lit. Ma chambre est juste de l’autre côté du couloir.J’y serai dans deux minutes.

Son message était très clair.

Chapitre 9.

Cameron laissa une lampe allumée dans la chambre. Il avait envie de voir Jo, de la regarder quand illa caressait. Il avait envie de contempler son visage pendant qu’il la remerciait pour le cadeauqu’elle lui avait fait. Si elle n’était pas venue à lui, si elle n’avait pas insisté pour faire les choses defaçon juste, jamais il n’aurait appris la vérité au sujet de sa mère. Jamais il n’aurait pu se défaire desa vieille rancœur.

Bien sûr, s’il lui disait tout cela, elle se transformerait en adepte de Freud et prétendrait qu’il nefaisait l’amour avec elle que par gratitude.

Pourtant, ce n’était pas le cas. Son corps brûlait de désir pour elle et il avait hâte de se lover au plusprofond de son intimité.

Il se glissa sous la couverture, humant son parfum, et retira son caleçon. Dès qu’il avait vu que Joportait des boxers décorés de personnages de bande dessinée, il s’était empressé d’aller s’en acheter.

Il sourit en y songeant. Qui aurait pensé qu’il tomberait amoureux d’une femme qui réparait seule lescarrosseries, ainsi que sa maison, aimait l’escalade, portait de tels caleçons, et avait un tatouage surla fesse ?

Le simple fait de penser à elle fit durcir son érection. Où était-elle ? Il ferma les yeux et passa unbras autour du coussin, s’imaginant que c'était Jo. Deux minutes, avait-elle dit.

« Dépêche-toi, ma belle ! »

Il ferma les yeux. Peu lui importait qu’il soit 3 heures du matin à New York. Il ne pouvait tout demême pas s’endormir avec une telle érection et une femme aussi superbe sous le même toit que lui !

Il inhala sa fragrance dans les draps et l’imagina nue en dessous de lui. Il goûterait sa peau, seslèvres douces, ses seins...

Il entendit des voix. Des voix de femmes. Un rire léger. Le bruit d’une tasse sur une soucoupe. Unbébé qui criait et une femme qui parlait.

Jamais il ne s’était endormi aussi profondément. Il réussit à s’extirper de son sommeil, se demandantquels étaient ces bruits qu’il entendait.

Où était-il ?

Il cligna des yeux et regarda autour de lui.

Il se trouvait dans la chambre de Jo. D’une main, il tâta l’oreiller vide à côté de lui, et une pointe dedéception l’envahit.

A qui Jo était-elle en train de parler ? Il tourna la tête. La lampe qu’il avait laissée allumée avait étééteinte. Dans la lumière du jour, il regarda le réveil sur la table de nuit.

7 heures du matin ?

Il poussa un juron, se passa une main dans les cheveux, et soupesa les options qui s’offraient à lui. Laseule qui lui paraissait sensée était d’attendre que Jo revienne dans la chambre.

L’avait-elle au moins rejoint, hier soir ? Il jeta un coup d’œil autour de lui et s’aperçut que le lit étaitcomplètement défait, preuve que deux personnes y avaient dormi. Avait-il tenu Jo contre lui, avant des’endormir ?

Au diable ce fichu décalage horaire !

Il commença à repousser les draps, puis s’interrompit. Jo semblait avoir de la compagnie dans lacuisine, et il songea qu’elle n’apprécierait pas du tout pas qu’il débarque nu comme un ver, commes’ils étaient amants.

Il crut l’entendre dire au revoir à quelqu’un, puis une porte claqua.

Se levant, il se dirigea d’un bond vers la fenêtre, et aperçut Jo qui s’en allait.

Tout à coup, il entendit un bruit d’assiette dans l’évier, puis la voix de Callie.

— Jojojojojo...

Qui diable se trouvait avec elle dans la cuisine ?

La curiosité l’emporta sur ses bonnes manières, et il se hâta dans la salle de bains pour se brosser lesdents et enfiler son pantalon et son T-shirt qui étaient restés accrochés derrière la porte. Puis,intrigué, il se dirigea vers la cuisine.

— Bonjour, dit-il à la femme qui se tenait devant l’évier, lui tournant le dos.

Elle se retourna et lui jeta un regard similaire à celui de Jo. Durant un long moment, elle ne fit que lecontempler et détailler son visage. Elle avait environ soixante ans, et sa peau était aussi lumineuseque celle de Jo. Ses cheveux commençaient à grisonner, mais son visage était encore très beau.

D’un seul regard, il sut que c’était la mère de Jo.

— Bonjour, je suis Alice Tremaine.

— Hum... J’imagine que vous savez qui je suis.

— Oui, Cameron. Le plus sérieux des trois frères.

Cameron eut l’impression que tout l’air se retirait de ses poumons. Avait-il vraiment envied’entendre cela ?

Il serra la main d’Alice Tremaine puis s’écarta.

— Où est Jo ? demanda-t-il en se dirigeant vers le parc de Callie.

Il se pencha vers le bébé, lui sourit et lui caressa la joue.

— Bonjour, ma puce. As-tu bien dormi ?

Il sentit le regard d’Alice sur lui.

— Jo est partie travailler, répondit Alice. J’avais prévu d’emmener Callie chez moi. D’habitude, jela prends quelques jours à la maison, afin que Jo puisse travailler en paix. Mais ce matin, nous nesavions pas quoi faire. Jo a dit de vous laisser décider.

Il imagina la maison sans le bébé. Une maison sans cris pour l’interrompre lorsqu’il avait envie de...

— Ne changez pas vos plans pour moi, répondit-il. Je suis ici pour un moment.

Comment Jo avait-elle expliqué à sa mère sa présence dans sa chambre à l’étage ? A l’évidence, celane semblait pas poser problème. Alice Tremaine le fixait du regard, mais n’avait pas l’air d’exigerqu’il épouse sa fille sur-le-champ.

— Elle a dit que, si jamais l’un de ses fils avait envie de la retrouver, ce serait vous, reprit Alice.

Il se passa fébrilement la main dans les cheveux. Souhaitait-il en apprendre plus ?

Alice s’approcha de lui, son regard semblant le juger. Elle était petite, et devait lever les yeux verslui pour le regarder. Mais cela ne semblait pas l’intimider.

— Elle refusait de croire que vous ne lui laisseriez pas une chance de s’expliquer, poursuivit-elle.

Cameron leva une main devant lui, comme s’il pouvait empêcher Alice de parler.

— Croyez bien que j’en suis désolé. Mais tout cela est de l’histoire ancienne, madame...

— Je vous en prie, appelez-moi Alice.

Cameron hocha la tête. Il l’appellerait comme elle le voulait, si cela pouvait empêcher cetteconversation !

— J’ai lu les lettres de ma mère, Alice. Je sais ce qui est arrivé, mais je ne peux pas changer lepassé. Et vous savez, vous aussi, comment a agi mon père...

— Dans ce cas, pourquoi êtes-vous ici ?

Ses yeux bruns reflétaient les mêmes interrogations que ceux de Jo.

— Je suis venu ici pour faire la connaissance de Callie, répondit-il. Pour découvrir son foyer. Pourêtre sûr qu’elle était en bonne santé et que tout allait bien pour elle.

S’il existait d’autres raisons cachées à sa venue chez Jo, il n’allait certainement pas les dévoiler à samère.

— Vous êtes venu ici pour en apprendre plus sur votre mère.

— Oui, avoua-t-il, et j’ai appris ce que je souhaitais. Mon seul intérêt, désormais, est le bien-êtrede ma nièce. A présent que je sais à quel point elle est aimée, combien Jo prend bien soin d’elle, ilfaut que je trouve un moyen pour m’assurer que Callie puisse rester avec Jo.

Devait-il réellement une explication à la femme qui se trouvait en face de lui ? Oui. Parce qu’elleavait été l’amie de sa mère. Parce qu’elle s’était occupée d’une femme enceinte qui avait été chasséede son propre foyer.

— Vous voulez donc aller contre les derniers vœux de votre mère ? demanda Alice.

Il la regarda d’un air incrédule.

— Que... Que voulez-vous dire ?

— Que Christine a laissé un testament. Un testament détaillé, dans lequel elle fait part de sesderniers souhaits.

— Je vous demande pardon ?

— Un testament, dans lequel elle vous laisse tout.

Cameron sentit sa gorge se serrer.

— Eh bien, en fait, je ne veux rien... Pourriez-vous vous arranger pour donner tout ce qu’elle alaissé à une œuvre de charité ?

— Vous ne pouvez pas donner Callie à une œuvre de charité.

— J’ai peur de ne pas tout saisir...

— Dans son testament, Christine a stipulé, de façon tout à fait claire, que si quelque chose arrivait àKaty, et que Callie était placée sous sa garde, elle voulait, après son décès, que ce soit vous quil'éleviez.

Comme il semblait ne pas comprendre, Alice continua ses explications.

— Christine se faisait sans cesse du souci pour Katy et elle s’inquiétait donc du futur de sa petite-fille, au cas où il arriverait quelque chose à sa mère.

Soudain, Cameron se demanda s’il ne se trouvait pas lui-même au beau milieu d’un tremblement deterre. Il avait l’impression qu’un véritable ouragan était en train de souffler sur sa vie.

— Quoi qu’il en soit, dit-il, il y a là matière à controverse, puisqu’elles sont décédées en mêmetemps.

— Non, ce n’est pas le cas, corrigea Alice. Christine a été emmenée à l’hôpital et est décédée cinqheures après Katy. Donc, durant ces cinq heures, Callie se trouvait juridiquement sous la garde deChristine.

Il essaya de réfléchir en juriste et de résumer les faits. Mais ce fut l’homme, et non l’avocat, quicontinua à interroger Alice.

— Pourquoi Jo ne m’en a-t-elle rien dit ?

— Jo ne connaît pas l’existence de ce testament. Je suis la seule personne à en avoir vu une copie.

Etait-ce un rêve ? Un cauchemar ? Etait-il encore à l’étage dans le grand lit à baldaquin de Jo ?

— Quand aviez-vous l’intention de le lui dire ? demanda-t-il.

— Je n’allais pas le faire. Cela m’est impossible. Le testament stipule que vous êtes la seulepersonne à qui je peux en parler. Face à face. Ni au téléphone, ni par courrier. J’attendais donc quevous veniez.

— Et si je n’étais pas venu ?

— J’étais sûre que vous le feriez.

— Comment pouviez-vous en être certaine ?

Alice haussa les épaules.

— Intuition féminine. Un sentiment de culpabilité... Ou, peut-être, parce que je connaissais bienvotre mère.

— Et si je m’étais contenté de signer ce papier à New York et n’avais jamais revu Jo ?

Alice tendit la main vers son sac, posé sur la table. Puis elle en sortit une enveloppe qui contenait lelogo d’une compagnie aérienne.

— Mon billet pour New York, dit-elle.

Elle sortit ensuite un autre document d’une pochette.

— Et voici le testament de Christine McGrath. Votre signature sur le document que Jo vous aapporté n’a aucune valeur, tant que ce testament n’a pas été homologué.

Cameron avait l’impression d’aller de découverte en découverte.

Si ce que disait Alice était vrai, il ne devrait pas se contenter des avis de Quinn et de Colin, maiségalement tenir compte des derniers vœux de sa mère.

— Asseyez-vous, Cameron, dit Alice en tirant une chaise. J’ai un message de la part de votre mère.

Jo entama le dernier virage, pressée de rentrer chez elle après une matinée de travail. Elle avaitrendu la Toyota à son heureux propriétaire, et accepté de se charger des réparations sur la voitured’un autre client. Vers midi, elle avait fermé l’atelier, et s’était dirigée vers sa maison.

Vers Cameron.

Avec un peu d’espoir, il aurait assez dormi, et accepté de laisser sa mère emmener Callie pourquelques jours.

Elle sourit. Oui, Cameron avait eu besoin de cette longue nuit de sommeil, parce qu’à présent, elleprévoyait de le fatiguer.

Tous les doutes qu’elle avait eus sur la légitimité de faire ou non l’amour avec lui s’étaient évanouislorsqu’elle l’avait tenu dans ses bras, au cours de cette nuit. Cameron avait dormi profondément,comme un homme en paix avec lui-même. Elle refusait de se sentir offensée par le fait qu’il se soitendormi avant qu’ils n’aient commencé à faire l’amour. Le décalage horaire était important, etCameron semblait avoir plus besoin de sommeil que de sexe.

Pourtant... elle avait senti son érection contre elle, durant presque toute la nuit

Lorsqu’elle arriva devant la clôture de la maison, son cœur fît un bond dans sa poitrine. La voiture delocation de Cameron n’était plus garée devant la ferme, qui semblait curieusement vide.

A l’intérieur, ses doutes se confirmèrent

Cameron était parti.

Aussitôt, une douleur acérée lui étreignit la poitrine. Elle se précipita dans le bureau qui servait dechambre d’amis. Le sac de Cameron avait disparu, lui aussi. Le canapé était replié. Commençant àpaniquer, elle chercha dans toutes les pièces du rez-de-chaussée s’il lui avait laissé un mot. Uneexplication. Ou même le document signé. Elle détestait penser à cela en cet instant, mais elle voulaitau moins retrouver une trace de lui.

Il était donc parti ? Comme ça ? Sans un mot ?

Elle resta plantée au milieu de la cuisine, essayant de ne pas se laisser aller aux vagues deressentiment et de déception qui l'envahissaient.

Elle regarda autour d’elle et remarqua que le sac qu’elle avait préparé pour Callie n’était plus là, demême que ses jouets et quelques biberons. Sa mère avait dû les emporter avec elle.

Cameron et elle avaient-ils discuté ? Sa mère lui avait-elle dit quelque chose qui lui avait donnéenvie de partir ?

Elle essaya de téléphoner à Alice, mais n’obtint que le répondeur.

Dégoûtée, elle raccrocha, attrapa une bouteille d’eau dans le placard, sa casquette et ses lunettes desoleil qu’elle avait laissés près de la porte, et se dirigea dehors. Une bonne randonnée lui calmeraitles nerfs.

Durant une heure, elle fut incapable de penser. Elle se contenta d’avancer, un pied devant l’autre,tandis que des perles de transpiration commençaient à rouler sur sa peau.

Dire qu’elle avait été prête à faire l’amour avec Cameron ! Elle le désirait comme elle n’avait désiréaucun homme depuis bien des années ! Elle appréciait sa compagnie, elle le respectait... La nuitpassée, elle s’était blottie contre lui et avait fantasmé sur l’instant où il la pénétrerait.

A présent, il était parti.

A moins qu’il ne soit juste allé faire un tour en ville ?

Mais non... Sa mère le lui avait dit : les hommes vous quittent toujours. D’habitude, ils le font aprèsavoir couché avec vous. Là, c’était différent, mais le résultat était le même.

Oui, les hommes vous abandonnaient toujours. Son père était parti. Son mari l’avait quittée. Lesfemmes, elles, vos amies, restaient à vos côtés.

Sauf si les forces de la nature s’en mêlaient.

Elle s’obligea à continuer à grimper, inspirant l’odeur des pins, repoussant sa casquette en arrièreafin de laisser le soleil qui perçait à travers les arbres réchauffer son visage.

Elle ne voulait même pas penser à ce document qu’il lui avait promis de signer. Aux frères qu’il avaitpromis de combattre. A ces moments d’intimité qu’il lui avait promis. Sur le comptoir de la cuisine,sur l’herbe... Où elle voudrait.

Qu’il aille au diable avec ses promesses !

Soudain, pareil à une apparition, il fut là, devant elle. Allongé sur le dos au beau milieu de saclairière préférée, les mains derrière la tête, les yeux clos.

Cameron...

Il n’était pas parti. Il était revenu à leur endroit secret. Elle frissonna et le fixa du regard, incapablede parler, son cœur battant à tout rompre.

— Que fais-tu ici ? questionna-t-elle au bout d’un moment.

— Je réfléchis.

— Tu réfléchis ? demanda-t-elle en s’avançant vers lui.

Elle se planta devant lui, et observa ce corps qu’elle avait eu envie de caresser la nuit passée.

— Peut-on savoir à quoi ?

Il ouvrit les yeux et la regarda.

— Je suis idiot, Jo.

Elle ne répondit rien et attendit qu’il poursuive.

— J’ai rencontré ta mère.

D’une certaine façon, elle le comprenait. II venait de découvrir la vérité au sujet de la disparition desa mère. Durant toutes ces années, il l’avait mal jugée, peut-être même haïe. A présent, il devaits’adapter à une tout autre histoire. Ce n’était certainement pas facile !

Pourtant, elle pouvait l’aider. Elle pouvait le consoler. Elle pouvait... l’aimer.

Elle décida de commencer par lui dire la vérité.

— Je croyais que tu étais parti, avoua-t-elle.

Cameron se redressa sur un coude.

— Pardon ?

— Je n’ai pas vu ta voiture, ni ton sac, et... j’ai pensé que tu étais rentré à New York.

— Mon sac est à l’étage dans ta chambre, répondit Cameron en la dévorant du regard. Etait-ceprésomptueux de ma part de le laisser là ?

Elle secoua la tête. Une immense vague de soulagement s'était emparée d’elle.

— Non, c’est parfait.

— Et j’ai mis ma voiture derrière, dans ton garage.

— Ah bon ? Je ne l’ai pas vue.

Elle n’avait même pas regardé. Elle avait immédiatement supposé qu’il était parti.

Cameron tendit la main vers elle et caressa sa joue.

— Désolé de m’être endormi aussi vite, hier soir.

— Mmm... Moi aussi, je l’ai regretté.

— Tu aurais dû me réveiller, dit-il en l’attirant à lui.

— Tu avais l’air épuisé et tu dormais si bien ! Je n’en ai pas eu le courage...

Cameron la regarda pendant un long moment.

— Tu as beaucoup de courage, Jo.

Elle se pencha vers lui.

— Je suis si contente que tu ne sois pas parti, avoua-t-elle.

— Je t’avais dit que j’étais ici pour une semaine.

Il tendit la main vers elle et lui retira sa casquette.

— Viens ici, et embrasse-moi, espèce de garçon manqué !

Elle n’avait pas besoin de plus d’encouragement.

Leur baiser fut aussi passionné que celui de la veille, mais il sembla également différent. C’étaitcomme s’il contenait plus d’émotion, plus de tendresse, et un petit peu moins de sexualité. A moinsque cela ne soit dû à son imagination ?

Elle s’allongea dans l’herbe à côté de lui, humant l’air frais des cimes qui les enveloppait. Tout encontinuant à l’embrasser, Cameron la fit passer sur lui, et elle se retrouva en train de le chevaucher,ses hanches commençant à onduler en un rythme lent.

Débarrassés de sa casquette, ses cheveux tombèrent sur ses épaules, encadrant sa figure. Cameronenfouit son visage dans ses mèches soyeuses, humant son parfum, puis ses mains glissèrent dans sondos et descendirent sur ses fesses. D’un simple mouvement, il la fit rouler sur le côté et la plaquasous lui.

Appuyé sur un coude, il déboutonna son chemisier de sa main libre.

— Tü serais plus à l’aise sans tes vêtements, dit-il en ouvrant le premier bouton.

Jo retenait son souffle.

— Est-ce que des gens ont l’habitude de venir se promener par ici ? demanda Cameron.

Jo secoua la tête.

— Non, jamais. Cet endroit est tout à moi. J’en suis propriétaire.

Cameron écarquilla les yeux.

— Propriétaire ?

— Oui monsieur. C’est ma montagne, mon ruisseau, et mes arbres.

— Et toi, tu es incroyable, murmura Cameron en continuant à ouvrir les deux boutons restants. Tu esune femme magnifique, intelligente, sexy, et qui possède sa propre montagne !

Jo se mit à rire.

— Si en plus j’aimais le base-ball, je serais une femme parfaite !

Il ouvrit son chemisier, révélant un petit soutien-gorge de soie attaché sur le devant.

— Je t’apprendrai, proposa-t-il.

Il détacha le soutien-gorge et libéra ses seins de leur prison.

— En plus de toutes tes qualités, tu as un corps parfait, ajouta-t-il d’une voix rauque, penchant latête pour prendre l’un de ses seins dans sa bouche.

Des flammes de désir l’envahirent, et elle se cambra pour plaquer ses hanches contre lui. Cameronembrassa ses deux seins, les suçotant délicatement l’un après l’autre, tandis qu’une vague de plaisirmontait en elle. Puis il descendit un peu plus bas sur son corps, faisant courir sa langue chaude sur sapeau.

Il lui retira son chemisier et son soutien-gorge, la laissant entièrement nue sous le soleil. Jo secramponna à sa chemise et commença à la lui retirer, la faisant passer par-dessus sa tête, puis lajetant dans l’herbe à côté d’eux.

Elle soupira de contentement lorsque son torse se plaquait contre sa poitrine. Leur baiser se fit deplus en plus passionné.

Cameron tendit la main vers son short et commença à le détacher.

— Laisse-moi te regarder, murmura-t-il. Laisse-moi te goûter.

Jo eut l’impression de se liquéfier, alors que Cameron faisait descendre la fermeture éclair de sonshort et glissait ses mains dans sa petite culotte. Elle commença à onduler contre ses doigts, ungémissement de plaisir et de désir s’échappant de ses lèvres.

Cameron abaissa son short sur ses genoux, et elle retira ses chaussures, puis acheva de se

déshabiller. L’herbe lui chatouilla les cuisses, qu’elle redressa, tandis que Cameron en profitait pourdéposer des baisers brûlants sur son ventre.

Il joua un instant avec la dentelle de sa petite culotte, puis plaça sa bouche entre ses cuisses, et ellesentit sa petite culotte s’humidifier. D’une main, Cameron lui écarta les cuisses, et sa langue frôlal’échancrure de son slip, semblant lui demander la permission d’entrer.

Elle enfouit ses doigts dans ses cheveux dorés, et murmura son prénom, le suppliant de cesser de latorturer ainsi.

Elle devina son sourire tandis qu’il écartait le petit carré de soie, révélant sa féminité.

A son tour, il murmura son prénom, puis, avec douceur, il commença à caresser son sexe de salangue.

Jo crut qu’elle allait mourir dans l’instant. Une onde de feu l’embrasa, et elle perdit tout contrôled’elle-même, se déhanchant de plus belle contre sa bouche.

Cameron lui retira sa petite culotte, et embrassa son ventre et ses hanches.

— Laisse-moi voir ton tatouage, murmura-t-il en la faisant pivoter sur le côté.

Il embrassa le petit dessin gravé sur sa peau, le taquinant de sa langue.

Jo ferma les yeux et sourit.

La bouche de Cameron redescendit entre ses cuisses, et elle s’abandonna aux assauts de sa langue,jusqu’à ce qu’un violent orgasme la submerge, l’obligeant à crier son nom.

Alors qu’elle cherchait encore son souffle, Cameron remontait vers elle en l’embrassant tout le longdu corps, lui chuchotant des mots doux.

Elle posa les doigts sur la ceinture de son jean.

— A mon tour, Cameron, chuchota-t-elle.

Il secoua la tête.

— Non, laisse-moi plutôt te pénétrer, dit-il au moment où elle ouvrait la fermeture de son jean.Fouille dans ma poche arrière.

Elle en retira le sachet d’un préservatif.

— J’ai tant envie de toi, murmura Cameron en lui prenant la main et en la posant sur son sexedressé.

Jo commença à le caresser, et il dut faire appel à tout son sang-froid pour ne pas jouir sur-le-champ.

Il retira son jean et son caleçon, et se couvrit du préservatif.

Ses yeux rivés aux siens, Jo se mit à califourchon sur lui, s’agrippa à ses épaules, et, lentement,descendit sur lui, prête à faire pénétrer son sexe en elle.

— Je me sens si bien avec toi, murmura-t-elle, si féminine, si sexy... Comment fais-tu cela ?

— Tu plaisantes ? Tu es la femme la plus féminine, la plus belle et la plus sexy que je j’ai jamaisrencontrée.

D’un mouvement rapide, il pivota sur l’herbe et Jo se retrouva sous lui.

— Féminine, magnifique, poursuivit-il, et si je ne te pénètre pas tout de suite, je crois que je vaismourir.

Il souleva ses hanches et plongea en elle.

Il ferma les yeux. C’était le paradis.

Se redressant sur ses avant-bras, il observa le point où leurs deux corps se rejoignaient. Ses coups dereins s’accélérèrent, leur rythme s’intensifia tandis que leurs deux souffles se faisaient plus profonds.Il pencha la tête vers Jo et l’embrassa, comme s’il voulait que toutes les parties de leurs corps soienten contact étroit.

Il sentit l’intimité de Jo se contracter autour de son sexe. Soudain l’orgasme la submergea, et elle secramponna à ses épaules.

Quelques secondes plus tard, une coulée de lave sembla se déverser en lui, et à son tour il se laissaaller au plaisir criant le nom de Jo et l’embrassant.

Chapitre10.

Comme il l’avait supposé, son téléphone portable commença à sonner à la minute même où il envoyaà ses frères un e-mail leur expliquant les derniers vœux de leur mère. Pourtant, il réussit à ignorerleurs appels durant deux jours. Deux jours d’une incroyable sensualité durant lesquels il oublia tout,sauf le plaisir de Jo. Pourtant, il savait qu'il ne pourrait pas repousser les conversations pluslongtemps. Ni avec ses frères, ni avec Jo.

Il lui parlerait ce soir.

Pour l’instant... Il n’avait pas besoin de vérifier les numéros de ses correspondants pour savoir quil’avait appelé. C’était Quinn, ou Colin, ou pire... les deux.

Il prit son téléphone, sachant qu’il avait au moins dix minutes devant lui avant que Jo ne revienne del’atelier. Il leur restait encore une soirée et une demi-journée à passer seuls dans la maison, et elle luiavait promis une surprise. Tout son corps en frémissait d’attente. Qu’avait-elle prévu ? Une nouvellerandonnée en montagne ? Un autre moment érotique dans la baignoire ? Ou quelque chose du genre dece qu’il lui avait fait sur le siège arrière de la Mustang...

Il n’eut même pas le temps de dire bonjour.

— Je t’écoute, dit la voix de Quinn à l’autre bout du fil. Est-ce que tu as l’intention de ramenerbientôt ce bébé à la maison, ou faut-il que nous venions te donner un coup de main ?

Cameron déglutit, résistant à l’envie de jurer.

— Je n’ai encore rien décidé, répondit-il d’un ton neutre.

— Si bien, nous, nous avons besoin de savoir. Et vite ! Nicole est sortie faire des emplettes pour lebébé. Moi, je vais aller acheter nos billets d’avion, et Colin veut venir nous retrouver sur place.

Cameron sentit une pointe de colère monter en lui.

— Je crois que c’est un peu prématuré.

— Prématuré ? Tu as dit que le testament de maman était très clair.

Maman ? Jamais depuis toutes ces années il n’avait entendu Quinn appeler leur mère « maman ».

— Nous n’avons pas cessé d’en discuter depuis que nous avons reçu ton e-mail, poursuivit Quinn, etpapa a reconnu qu’elle avait dit toute la vérité. A dire vrai, cela semble être un énorme poids en

moins sur ses épaules. Il a l’air différent.

Cameron ouvrit la bouche pour parler, mais Quinn continua.

— Inutile d’attendre plus longtemps. Ce bébé est une McGrath. Je sais que maman a spécifié qu’ellete la laissait, à toi, mais ce qu’elle voulait avant tout, c’est qu’elle fasse partie de notre famille. Nousserons là samedi.

— Samedi ?

— Ecoute, tu sais très bien que Colin et Grâce veulent aussi prendre soin d’elle et l’élever. Si toiaussi tu veux t’en occuper, il suffit de...

— Quinn, ça suffit !

Cameron inspira et s’exhorta au calme.

— C’est une enfant, poursuivit-il, pas une... tarte aux pommes que vous pouvez vous partager ! C’estune enfant !

Quinn resta un instant silencieux.

— J’en ai bien conscience, Cameron, acquiesça-t-il enfin. Nous voulons juste faire ce qui est bienpour elle.

— Dans ce cas, restez chez vous !

— Qu’est-ce que tu racontes ? As-tu changé d’avis ? A présent, tu veux aller contre les dernièresvolontés de notre mère ? Elle voulait s’assurer que Callie soit une McGrath. Pas une... Comments’appelle cette fille, déjà ?

Cameron se sentit bouillir.

— Tremaine, dit-il en s’efforçant de se contrôler. Elle s’appelle Jo Ellen Tremaine, et c’est unefemme magnifique, formidable, qui fera une mère parfaite pour notre nièce.

— Oh...

Ce n’était pas tout à fait la réponse qu’il attendait.

— Qu’est-ce que tu veux dire par « oh » ?

— Je veux dire que je n’avais pas envisagé la possibilité que tu tombes amoureux d’elle.

— Amoureux ? rétorqua Cameron. De quoi diable parles-tu ?

— Je croyais que tu avais juste envie de passer un bon moment avec elle.

Quinn marqua une pause, avant de poursuivre :

— Je sais ce que tu traverses, frérot. C’est comme si tu te trouvais devant un précipice, et que tuhésitais entre sauter et risquer la mort, ou bien rester sur le bord et peut-être perdre tout ce que tucrois être important pour toi.

Malgré lui, Cameron sourit.

— Mmm... Il y a une ou deux choses vraies au beau milieu de toutes ces métaphores !

— Je le sais bien ! Je suis passé par là. N’aie pas peur de demander des conseils à ton petit frère.

— Je n’ai pas besoin de conseils.

— Alors, dis-moi..., continua Quinn. Comment te sens-tu quand tu es avec elle ?

Cameron ferma les yeux un instant et réfléchit à sa question.

— Je me sens... guéri.

— Ah bon ? Pourtant, je croyais que c’est toi qui étais censé guérir les blessures des autres,rétorqua Quinn d’un ton moqueur.

— Je ne sais pas si les choses pourront se passer ainsi, frérot. D’une façon ou d’une autre,quelqu’un va être blessé, à cause de moi.

— Nous aussi, nous voulons Callie, Cameron. Nous voulons l’aimer et prendre soin d’elle. Aprèstout, elle fait partie de notre famille.

Il n’y avait aucun reproche, aucune accusation dans la voix de Quinn. Il se contentait d’énoncer lesfaits.

— C’est Jo, sa famille. Elles forment un tandem formidable, toutes les deux.

Quinn soupira.

— Dans ce cas, tu as raison... Quelqu’un risque fort de souffrir.

Cameron entendit une voiture arriver, et il regarda par la fenêtre.

C’était Jo. Il sentit son cœur se serrer.

— Peut-être puis-je arranger tout cela, dit-il à Quinn. J’ai besoin d’un jour de plus.

Bon sang, il avait besoin de bien plus que cela ! Il avait besoin...

Il ne voulait même pas songer au temps qu’il avait envie de passer avec Jo.

— Nous avons déjà tout organisé ! avoua Quinn d’une voix sombre.

Cameron raccrocha sans ajouter un mot, les yeux rivés sur Jo qui était en train de se garer dansl’allée.

Pendant quelques instants, elle resta assise dans sa voiture, le regard fixé droit devant elle.

A quoi diable pouvait-elle penser ?

Et qu’éprouverait-elle lorsqu’il lui dirait enfin ce qu’Alice lui avait révélé, et qu’il lui dévoileraitles derniers vœux de sa propre mère ?

Il avait déjà essayé. Mais durant ces deux derniers jours et ces deux nuits passées, les mots étaientrestés bloqués dans sa gorge. Pourtant, Jo semblait avoir deviné que quelque chose n’allait pas, etelle paraissait décidée à lui tirer les vers du nez.

Il se sentait si serein, depuis qu’il était venu à Sierra Springs ! Jo l’avait guéri par sa douceur, parses caresses, par ses baisers et par les mots doux qu’elle lui chuchotait. Elle l’avait guéri par sonhumour, sa générosité et sa franchise.

Et que dire de ces moments passés à faire l’amour avec elle — ces moments où elle s’était totalementabandonnée et avait crié son nom chaque fois que l’orgasme la saisissait.

Il ne se rappelait pas s’être senti aussi bien de toute sa vie. Etait-ce cela, l’amour, comme Quinn leprétendait ?

C’était impossible. Parce que s’il aimait Jo, il n’envisagerait même pas de trahir sa confiance et deramener Callie au sein de la famille McGrath.

Il la vit ouvrir la portière de son 4x4 et soupira.

Une jambe superbe émergea de la voiture, puis l’autre. A ses pieds, Jo portait la paire de sandales laplus sexy qu’il ait jamais vue. Son regard remonta sur ses jambes et découvrit une minijupe noire quirecouvrait à peine ses superbes cuisses. Au-dessus, elle portait un petit pull blanc, qui moulait sesseins, incitant aux caresses. Elle avait lâché ses cheveux, qui cascadaient sur ses épaules.

Jo referma la portière et se dirigea vers la maison, aussi sexy qu’un mannequin sur un podium dedéfilés.

« Tu parles d’un garçon manqué ! » songea-t-il. Elle était superbe !

Incapable de prononcer un mot, il ouvrit la porte d’entrée pour l’accueillir.

— Que se passe-t-il, McGrath ? lança-t-elle sur un ton taquin. Tu n’as jamais vu une femme enminijupe ?

— Eh bien ! Je ne sais pas ce que tu as en tête pour notre rendez-vous de ce soir, mais je ferais

peut-être bien d’aller me changer.

Elle jeta un coup d’œil à son polo et à son pantalon.

— Pour enfiler quoi ? Un autre de tes T-shirts avec le logo des Yankees ?

Il s’écarta pour la laisser entrer.

— Où allons-nous ? demanda-t-il.

— C’est une surprise.

— Une autre surprise ? demanda-t-il en continuant à la dévisager des pieds à la tête, tandis qu’ellefouillait dans un tiroir du meuble de l’entrée. Je croyais que la surprise, c’était ta tenue.

— Ça ? Oh, c’est juste quelque chose que ta sœur avait acheté pour moi. Allez viens, poursuivit-elleen brandissant une paire de clés. Tu as le droit de conduire ma Mustang.

— Katy m’avait dit que ces chaussures étaient magiques, avoua Jo à Cameron, tout en croisant lesjambes sur le siège passager de la Mustang.

A sa grande surprise, porter des talons hauts n’avait rien de désagréable, et elle appréciait plus quetout les coups d’œil gourmands que Cameron ne cessait de jeter sur ses jambes.

Sans l’ombre d’un doute, elle aurait dû s’habiller de façon aussi féminine plus souvent.

— C’est toi qui es magique lorsque tu les portes, dit Cameron en se tournant vers elle. Voilà ladifférence.

— Bien sûr, monsieur l’avocat, répondit-elle en levant les yeux au ciel. Bon, lorsque tu arriveras enville, prends la première rue à gauche...

— Où allons-nous ?

Elle jeta un coup d’œil à sa montre.

— Fais-moi confiance, tu n’aimerais pas arriver en retard.

Un petit frisson s’empara d’elle. Lorsqu’il serait parti, Cameron lui manquerait. Mais pour l’instant,elle comptait bien profiter de sa présence.

Contrairement à ce que sa mère disait toujours des hommes, Cameron ne l’avait pas abandonnée. Pascomme son père. Ni comme son mari. Cameron, lui, avait traversé tout le pays pour venir laretrouver, et il était resté.

Il avait même promis qu’elle pourrait garder Callie... Et qu’il viendrait rendre visite à la fillette detemps à autre, comme un oncle. Elle avait déjà décidé qu’elle dirait toute la vérité à Callie, lorsque

cette dernière serait en âge de comprendre. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle ne connaisse passa famille biologique. Enfin, une fois que cette histoire d’adoption serait réglée... en sa faveur.

Non, il n’y avait aucune raison pour que Callie soit coupée des McGrath.

Sauf qu’elle-même avait un énorme béguin pour Cameron, et qu’il vivait à New York.

Elle soupira. Il lui resterait toujours le souvenir de cette semaine, cette incroyable semaine passéeavec Cameron. Et ce qu’elle éprouvait n’était qu’une simple attirance...

N’est-ce pas ?

Alors qu’ils arrivaient en ville, elle commença à se détendre et se rappela chacun des momentsmagnifiques que Cameron et elle avaient vécus ensemble. Depuis qu’ils avaient fait l’amour dans lamontagne, elle avait vécu comme sur un nuage. Elle savait qu’elle l’avait beaucoup aidé à surmonterson passé et l’incroyable histoire de ses parents ; et comme elle l’avait compris cet après-midi,lorsqu’elle s’était changée à l’atelier et avait pensé à Katy, lui aussi l’avait aidée.

— Je sais que tu crois que j’étais jalouse d’elle. Tu n’as pas tort : dans un sens, je l’ai toujours été,dit-elle, surprise de son aveu.

Cameron lui jeta un coup d’œil.

— Quoi ? Jalouse ? De Katy ? Je ne dirais pas cela. Je crois que cela ressemblait plutôt à la rivalitéqui existe parfois entre deux sœurs. Je connais cela, avec mes frères.

— Oui, elle était comme ma sœur, acquiesça Jo.

Elle regarda par la vitre et eut la sensation de voir devant elle l’adorable sourire de Katy et sesgrands yeux bruns.

— J’ai l’impression d’avoir passé une bonne partie de ma vie à essayer de la sortir du pétrin,continua-t-elle. Et pourtant, à la fin...

Elle ferma les yeux.

Cameron posa une main sur sa cuisse.

— Tu n’aurais rien pu faire pour elle, lors de ce terrible drame. Mais tu n’as pas encore acceptécela. En fait, tu lui en veux presque d’être morte sans t’avoir laissé une chance de la sauver.

Elle se détourna de la vitre et le regarda d’un air incrédule.

— Tu joues les psy, à présent ? Je croyais que tu détestais cela.

Il pressa sa main.

— Que veux-tu, les gens changent. Ils grandissent. Et apprennent les uns des autres.

Elle se demanda s’il pouvait entendre son cœur tambouriner dans sa poitrine.

— Tu as raison, Cameron. Et pour te prouver à quel point, s’il te plaît, gare-toi ici.

— Ici ? Qu’est-ce qu'il y a ?

— Un bar.

Il leva les yeux et remarqua l'enseigne au néon, puis se tourna vers Jo et lui jeta un coup d’œil confus.

— Un bar qui retransmet tous les matchs, dit Jo en tapotant sa montre, dont ceux de base-ball,évidemment. Et le prochain commence dans cinq minutes. Alors, tu ferais mieux de te dépêcher si tune veux rien rater !

Cameron l’attira à lui et l’embrassa avec passion, effaçant de ses lèvres le rouge qu’elle avait mistant de soin à appliquer.

— Quinn a raison, dit Cameron en s’écartant d’elle. Je suis amoureux de toi.

Avant qu’elle puisse ouvrir les yeux, il avait déjà bondi de la voiture et en faisait le tour pour luiouvrir la portière.

Il était amoureux d’elle ?

Son cœur se mit à battre de plus belle tandis que les mots résonnaient dans sa tête.

Amoureux d’elle ?

Soudain, son cœur se serra.

Pourquoi avait-il parlé à son frère ?

Cameron ne parla plus d’amour, ni de Quinn, durant les heures suivantes. Jo s’efforça d’oublier sespropos et s’obligea à se concentrer sur le match qui se déroulait sur l’écran, à se réjouir del’enthousiasme de Cameron devant la victoire de son équipe. Ils burent quelques bières, mangèrentdes hamburgers, célébrant chaque nouveau but d’un baiser.

Rien n’était différent.

Sauf que Cameron avait dit qu’il l’aimait.

A présent, qu’allait-il se passer ?

Lorsqu’il gara la Mustang dans le garage, Cameron se tourna vers elle, et elle remarqua une petite

lueur dans ses yeux.

— Merci de m’avoir emmené voir ce match, dit-il.

Il baissa les yeux vers sa jupe et lui caressa les cuisses.

— J’aime beaucoup ce que tu portes, continua-t-il, mais je crois que je vais encore plus apprécierde te l’enlever.

Aussitôt, Jo sentit le désir monter en elle.

— Tu comptes tout retirer ? demanda-t-elle.

— Non, j’aimerais que tu gardes tes sandales.

Elle rejeta la tête en arrière et se mit à rire, mais il se pencha sur elle et l’embrassa.

— Viens, mon petit garçon manqué ! chuchota-t-il en déposant des baisers sur sa gorge et encaressant ses seins. Allons au lit !

— Mmm... Tu es sûr ? demanda-t-elle d’un ton taquin.

Il hocha la tête et glissa sa main sous son T-shirt, puis taquina l’extrémité d’un sein entre ses doigts.

— Oui, et j’insiste pour que tu gardes tes hauts talons.

Il l’entraîna dans la maison, ne cessant de l’embrasser et de la caresser tout en montant l’escalier. Jos’efforçait de ne pas penser aux paroles qu’il avait prononcées quelques heures plus tôt.

Ce n’était pas de l’amour qui existait entre eux. Non. Plutôt du désir.

Si elle se laissait aller à l’aimer, comment pourrait-elle le regarder monter dans l’avion et la quitter ?Comment pourrait-elle le laisser retourner à New York, si loin de son monde ?

Elle souffrirait trop.

Ignorant ses voix intérieures, elle se laissa entraîner dans sa chambre, plongée dans la pénombre.

Cameron alluma la petite lampe de chevet. La douce lueur éclaira aussitôt la pièce, la plongeant dansune lumière dorée.

Elle l’attira jusqu’au pied de son lit où elle le fit asseoir, et se tint debout devant lui.

Elle fit un pas en arrière, hors de sa portée. Sans dire un mot, elle commença à se déshabiller.

Cameron avait les yeux rivés sur elle.

Elle retira son petit pull blanc coincé dans la ceinture de sa jupe et le fit passer par-dessus sa tête,

avant de le laisser tomber sur le sol. Puis elle se passa une main dans les cheveux, qui retombèrent encascade sur ses épaules.

D’un doigt, elle saisit entre ses seins l’attache de son soutien-gorge, tout en s’humectant les lèvres.

Cameron écarquilla les yeux.

— Tu es si sexy..., dit-il d’une voix rauque.

Une sensation primate s’empara d’elle.

Oui, tout ceci n’était qu’un bon moment qui s’ajoutait aux autres. Rien de plus.

Il lui avait fait découvrir le plaisir d’être féminine, provocante, sexy.

Elle retira son soutien-gorge et offrit ses seins nus à sa vue.

Cameron ne la lâchait pas du regard, ses yeux fixés sur ses seins dont les pointes ne cessaient dedurcir. Lentement, elle fit descendre sa jupe sur ses hanches, puis se retourna et se pencha en avant,lui offrant un spectacle des plus érotiques.

Elle l’entendit gémir.

Tout ce qu’elle avait sur elle, à présent, était son string noir et ses hauts talons.

Ainsi que son tatouage !

— Ne t’avise surtout pas de retirer ces sandales, dit Cameron, le souffle court.

Jo se redressa avec une lenteur extrême tout en se caressant les jambes, puis se retourna, et prit sesseins entre ses mains. Elle s’approcha de lui et noua ses bras autour de son cou, lui offrant ses seins,une invitation silencieuse au fond des yeux.

Cameron gémit et prit l’un de ses seins dans sa bouche, tandis qu’il caressait l’autre. Ses lèvressemblaient allumer un véritable brasier en elle, et elle plongea ses doigts dans ses cheveux, sepressant contre lui.

Elle l’embrassa sur le haut du front, brûlant de partager ce frisson d’excitation avec lui.

— Cameron, j’ai quelque chose à te dire...

Il la lâcha et leva les yeux vers elle.

— Qu’y a-t-il, Jo ? Que veux-tu me dire ?

Il avait l’air impatient de l’entendre. Comme s’il savait déjà ce qu’elle allait lui avouer. Maiscomment serait-ce possible ?

— Après tout, je ne suis pas un garçon manqué, chuchota-t-elle.

Il s’écarta et se mit à rire.

— C’est maintenant que tu t’en rends compte ?

— Ne ris pas, je suis sérieuse, dit-elle en le faisant s’allonger sur le dos. Jamais je n’aurais imaginépouvoir me comporter de façon si sexy.

Durant un instant, Cameron resta silencieux, puis il l’attira sur lui.

— Et moi, je n’aurais jamais cru pouvoir me sentir aussi serein de toute ma vie, Jo. Toute cetteancienne souffrance a disparu.

Ses mots étaient comme une mélodie à ses oreilles. Lui caressant la joue, elle se pencha vers lui.

— Je t’avais bien dit que j’étais douée pour réparer les vieilles carrosseries, murmura-t-elle.

— Tu es très très douée pour tout remettre à neuf, Jo Ellen Tremaine.

— Mais je n’en ai pas encore fini avec toi.

Avec une lenteur délibérée, elle détacha sa ceinture, déboutonna son pantalon et le lui retira.Cameron l’aida à ôter ses chaussures et son caleçon, puis fît passer sa chemise par-dessus sa tête.

— Laisse-moi faire, chuchota-t-elle.

— Aucune objection, ma chérie.

Elle rit en entendant son expression de juriste, puis commença à déposer mille et un baisers sur sontorse. Elle descendit ensuite le long de son ventre, plus bas... encore un peu plus bas... et finalement,prit son sexe entre ses mains.

Cameron gémit et se frotta contre ses paumes.

De sa langue, Jo agaça la pointe de son sexe, goûtant une perle de sa semence. Avec une douceurinfinie, elle prit son membre viril entre ses lèvres, tandis qu’il plongeait ses doigts dans ses cheveux,s’agrippant à elle.

De nouveau, la sensation de son irrésistible pouvoir féminin l’envahit et l’excita.

Elle le prit plus profondément dans sa bouche, faisant aller et venir ses lèvres et sa langue le long deson sexe, de plus en plus vite, tandis que ses mains caressaient ses cuisses. Sa langue le torturaencore et encore, jusqu’à ce qu’elle le sente se crisper et qu’il lui demande d’arrêter.

Arrêter ?

— Qu’y a-t-il ?

Cameron secoua la tête, semblant incapable de parler.

— Je veux te faire l’amour, murmura-t-il enfin.

— N’est-ce pas ce que nous sommes en train de faire ?

— Non, tu es en train de me donner du plaisir.

— C’est bien là l’idée générale, monsieur l’avocat.

— Jo, je veux faire l’amour avec toi, insista-t-il. Je veux te montrer à quel point je...

Ses paroles s’évanouirent et elle le vit plisser les yeux.

Et elle sentit presque son cœur s’arrêter de battre.

Avant qu’il puisse dire un mot, elle se redressa et l’embrassa, ondulant avec sensualité contre sonérection, espérant l’empêcher de dire ce qu’elle redoutait d’entendre.

S’il lui avouait qu’il l’aimait, il serait bien plus difficile de le laisser partir.

Elle tendit la main vers la table de nuit et attrapa un préservatif.

— D’accord, dit-elle, tu as gagné.

Elle ouvrit le petit sachet avec ses dents, évitant le regard de Cameron, et, les mains tremblantes,déroula le préservatif sur son sexe. Toujours à califourchon sur lui, elle s’abaissa sur lui, rejetant latête en arrière au moment où il la pénétra.

Cameron passa sa main dans ses cheveux. Elle s’attendit à ce qu’il lui saisisse les hanches pour lafaire aller et venir sur lui plus rapidement encore.

Mais Cameron semblait avoir décidé de changer de registre. Elle lisait le désir brûlant dans ses yeux,mais il l’attira à lui jusqu’à ce que sa poitrine touche son torse, et l’embrassa.

— Pas si vite, ma belle... Pas si vite.

Il la força à ralentir la cadence, et l’embrassa avec une lenteur infinie, accordant le rythme de sesreins à celui de ses baisers.

— Jo, chuchota-t-il, écoute-moi.

Elle ferma les yeux et retint son souffle.

— Oui?

— Je t’aime.

Elle entendit le petit gémissement qui montait de sa gorge.

« Ne fais pas cela, Cameron. Ne me dis pas que tu m’aimes avant de me quitter... »

Elle ne réussit pas à articuler le moindre mot. Au lieu de cela, elle se déhancha de plus belle contrelui. Aussitôt, il la saisit par les hanches.

— Tu m’as entendu ?

Elle ne répondit rien, et continua à se déhancher au-dessus de lui, laissant les incroyables sensationsqui montaient en elle se répandre dans tout son être. Plus rien n’existait que ce besoin pressant desentir son sexe aller et venir en elle, tandis qu’une myriade d’émotions l’envahissait

Soudain, elle sentit les prémices de l’orgasme, et resserra ses jambes autour des cuisses de Cameronqui la relâcha, la laissant se déhancher encore et encore.

Elle ferma les yeux, laissant l’ouragan érotique se déchaîner en elle, et cria son nom.

Alors, elle l’entendit répéter ces paroles qui la hantaient presque.

— Je t’aime, Jo ! Je t’aime...

La tension était trop forte. Soudain, un lent tourbillon sembla monter du plus profond d’elle, et lesondes de volupté se succédèrent les unes après les autres, la laissant pantelante de plaisir.

A cet instant précis, Cameron s’enfonça une dernière fois en elle, plus profondément, et laissaéchapper une longue plainte, alors que l’orgasme le submergeait à son tour.

Elle enfouit son visage dans son cou, et écouta les mots qui résonnaient dans son esprit.

« Moi aussi, je t’aime, Cameron. »

Mais elle refusa de les prononcer.

Chapitre 11.

Il ne pouvait pas repousser plus longtemps l’inévitable vérité. La blessure qui avait brisé la familleMcGrath durant de si nombreuses années devait à présent être pansée, même si cela devait se faire audétriment de Jo.

Pourrait-elle comprendre ? Serait-il possible de trouver un compromis ? Etait-il possible que Jocontinue à faire partie de la vie de Callie, tout en respectant les derniers vœux de sa mère et lessouhaits de ses frères ?

Il attendit que leurs respirations aient repris un rythme normal, puis attira Jo tout contre lui.

— Jo, il faut que je te dise quelque chose.

— Je n’ai aucune envie de parler, répondit-elle, l’air endormi, se redressant pour délacer lessandales qu’elle portait toujours. Je n’ai qu’une envie, me mettre sous les couvertures. J’ai froid et jesuis fatiguée.

Elle s’assit sur le bord du lit et retira ses hauts talons, tandis que Cameron écartait le drap, attendantqu’elle vienne le rejoindre.

— Je veux te poser une question, dit-il.

— J’ai l’impression que c’est sérieux, monsieur l’avocat.

Il rit et songea que Jo le connaissait déjà bien.

— Tu crois en moi ?

Tous deux savaient qu’il évoquait ce qu’il lui avait dit quelques instants plus tôt : qu’il l’aimait.

Jo resta silencieuse un moment avant de répondre.

— Voilà ce que je pense, dit-elle enfin. Je crois que tu flottes dans une petite bulle d’euphorie,parce que tu as enfin découvert la vérité sur une blessure qui te faisait souffrir depuis ton enfance. Ettu penses que toute cette joie, c’est à moi que tu la dois. Mais tout ce que j’ai fait, c’est de te dire...

Cameron se redressa et lui posa une main sur le bras.

— Jo, je vais te dire ce que tu as fait. Tu es apparue dans ma vie, tu m’as forcé à grandir et àéprouver des sentiments qui me pétrifiaient depuis bien des années.

Jo se tourna vers lui.

— L’amour te fait peur ?

Cameron hocha la tête.

— C’était le cas. Avant de te rencontrer.

— Eh bien, en ce qui me concerne, cela me fait toujours peur.

Emu par son regard craintif, il la prit dans ses bras et la fit s’allonger à côté de lui. Jo lui avait déjàparlé de son premier mari qui l’avait abandonnée. Il savait aussi que son père était parti lorsqu’ellen’était qu’un bébé. Inutile de se demander pourquoi elle redoutait tant d’ouvrir son coeur.

Pourtant, s’il ne lui parlait pas tout de suite des dernières volontés de sa mère, elle risquait fort de luien vouloir bien plus qu’à tous les autres hommes de la terre !

Il poussa un profond soupir.

— Jo, je dois te dire quelque chose qui ne va pas du tout te plaire.

Elle leva les yeux vers lui.

— Ma mère a laissé un testament, dit-il.

Il la sentit trembler contre lui.

— Dans cet acte, elle a stipulé que si elle était incapable, d’une façon ou d’une autre, de s’occuperde Callie pendant que celle-ci était sous sa garde, alors, ce serait à moi de l’élever.

Il déglutit, détestant le ton solennel sur lequel il avait prononcé ces paroles.

Jo se redressa à demi.

— Je te demande pardon ?

— C’est Alice, ta mère, qui m’a montré ce testament.

Jo écarquilla les yeux.

— Qu’est-ce que cela change de toute façon ? Elles sont décédées toutes les deux. Katy et ta mère !

— Jo, écoute-moi. Ma mère a survécu durant quatre heures à Katy. Juridiquement, ce qu’elle avaitredouté est arrivé. Callie a été sous sa garde durant ces quelques heures, et ensuite ma mère estdécédée.

Jo se mit presque à crier.

— Si elle a écrit ça, c’est parce qu’elle savait qu’elle ne pouvait pas se fier à Katy ! Ta sœur étaitimmature, et prenait souvent des décisions stupides ! Tante Christine redoutait que Katy ne quitte laville, si elle se sentait incapable d’élever son enfant. C’est pour cela qu’elle se faisait du souci pourle bébé ! Pas parce qu’elle croyait que... que... Oh, mon Dieu !

Jo enfouit son visage entre ses mains et poussa un long gémissement.

— Je sais bien qu’elle pensait que je ne serais pas une bonne mère !

Cameron se redressa et la prit par les épaules

— Quoi ? De quoi parles-tu ?

— Elles me taquinaient toujours à ce sujet, toutes les deux. Elles plaisantaient en me disant quej’étais un garçon manqué, que je n’avais aucun instinct maternel, et que je faisais un travail d’homme.

Jo soupira de nouveau.

— Tout au fond d’elle, tante Christine n’a jamais envisagé que je puisse être une mère pour Callie.

— Non ! Non, ce n’est pas cela ! insista Cameron en l’enlaçant. Ma mère croyait que Callie pourraitréunir notre famille. Qu’elle pourrait tous nous guérir de cette blessure causée par la stupidité de monpère !

Jo redressa la tête et ses yeux lancèrent des éclairs.

— Tu crois cela ? Tu peux vraiment le croire ?

— A dire vrai, je ne sais plus très bien où j’en suis, avoua-t-il. Ce que je sais, c’est que... Que mesfrères arrivent samedi pour emmener Callie.

Aussitôt, Jo bondit et s’écarta de lui. Malgré la pénombre, il vit l’immense douleur sur son visage.

— Mais je ne suis pas d’accord avec eux, Jo, et je...

D’un bond, elle fut hors du lit.

— Tais-toi, Cameron ! Ne dis plus un mot !

Elle se précipita vers son armoire, en ouvrit la porte et y prit un jean et un T-shirt. Cameroncommença à descendre du lit, mais elle se retourna vers lui et l'arrêta d’un geste.

— Stop ! Ne bouge plus et ne dis plus rien !

Il fronça les sourcils et la regarda enfiler une paire de bottes. Puis, elle le fixa du regard.

Allait-elle lui laisser une chance ? Tout ce qu’il voulait, c’était trouver une solution pour sortir enfin

de ce marasme.

Etre avec elle.

L’épouser, et qu’ils élèvent Callie ensemble !

Oui ! C’était bien là ce qu’il souhaitait ! Il s’apprêta à parler, à faire sa demande en mariage, maiselle leva les deux mains vers lui, l’enjoignant de rester silencieux.

— Je m’en vais, dit-elle. Lorsque je reviendrai, tu seras parti. Tu comprends ?

Sa voix ne tremblait pas.

Il se contenta de la regarder. S’il lui demandait de l’épouser maintenant, elle lui rirait au nez.Pourtant, c’était ce qu’il désirait le plus au monde ! Il quitterait New York sans regret. Son travail nelui plaisait plus. Il s’inscrirait au barreau de Californie, et vivrait ici, au beau milieu des montagnes,avec Callie et elle. Et ils...

— Tu as bien compris ? insista Jo. Demain matin, lorsque je reviendrai ici avec Callie, je veux quetu sois parti !

— Jo, écoute-moi...

— Parti ! répéta-t-elle. Et ne me parle plus jamais d’amour !

Sans ajouter un mot, elle quitta la chambre et descendit au rez-de-chaussée. Il entendit démarrer son4x4, et le gravier crissa sous ses roues, alors qu’elle le quittait, au beau milieu de la nuit

Avant de faire son sac, il écrivit un long e-mail à Colin et Quinn, leur racontant tout ce qui s’étaitpassé. Il espéra qu’ils le liraient avant d’aller dormir. Ses frères devaient savoir où en était lasituation.

La première chose que Jo eut envie de faire en arrivant chez sa mère, fut de réveiller Callie.

— Qu’est-ce que tu fais, Jo ? Où vas-tu ? demanda sa mère.

Le ton de sa voix indiquait qu’elle n’était pas enthousiasmée par l’arrivée inopinée de sa fille auxenvirons de minuit, et encore moins ravie de se rendre compte que Jo voulait réveiller le bébé.

— Je lui ai donné un biberon il y a environ une heure, continua-t-elle. Ne t’avise pas de la réveiller!

Mais Jo ignora la remarque de sa mère, et se dirigea vers sa chambre d’enfant, qui était désormaiscelle de Callie. La fillette gigota dans son berceau et tendit les bras.

— Ma petite puce, chuchota Jo en l’embrassant dans le cou. Comme tu m’as manqué !

Alice se tenait sur le seuil de la porte, et Jo lui jeta un regard furieux. Sa mère faisait partie de cetteconspiration tout autant que tante Christine et ses fils, qui se prenaient pour les maîtres de l’univers.

Elle s’approcha du petit lit dans lequel elle dormait lorsqu’elle était enfant, et s’y assit, Callie sur sesgenoux. Puis elle regarda sa mère.

— Ils vont l’emmener, dit-elle.

Alice hocha la tête.

— Je m’en doutais.

— Pourquoi nous as-tu fait cela ? A moi et à Callie ? demanda-t-elle d’un ton furieux.

Alice s’approcha d’elle.

— Ma chérie, je n’ai rien fait contre toi.

Lorsqu’elle s’assit sur le lit, Jo s’écarta et sa mère eut l’air blessée.

— Ah bon ? Pourtant, tu ne m’as même pas parlé de ce testament ! C’est à lui que tu as tout avoué.Tü aurais dû m’en parler d’abord !

Soudain, elle se rendit compte que Cameron lui avait fait l’amour dans la montagne, juste après avoireu connaissance des dernières volontés de sa mère. Elle ressentit une vague de colère etd’indignation.

Alice soupira.

— Ma chérie, c’est ce que Christine voulait. Et il faut que tu comprennes quelque chose. Durant cesvingt-six dernières années, j’ai porté en moi le secret de Christine McGrath. Tout ce qu’ellesouhaitait, au plus profond d’elle-même, c’était que sa fille rencontre ses frères. Mais elle redoutaitaussi que ses fils la haïssent à tel point qu’ils refusent de rencontrer Katy. Alors, elle a attendu, etattendu encore.

— Elle a attendu bien trop longtemps, déclara Jo dans un souffle. Et de toute façon, elle s’esttrompée. Ses fils auraient aimé Katy autant que nous.

En tout cas, cela aurait été le cas pour Cameron, et sans doute aussi pour ses deux frères.

Jo sentit une boule d’émotion se nouer dans sa gorge et elle serra Callie un peu plus fort contre elle.

— Oui, elle a attendu trop longtemps, reconnut Alice en tendant la main pour caresser la tête deCallie. Mais elle doit reposer en paix, et moi, je dois respecter ses dernières volontés. Elle était mameilleure amie. Durant toutes ces années, elle m’a soutenue autant que je l’ai aidée. Lorsque nous

nous sommes rencontrées, j’étais encore désespérée par le départ de ton père, et je me demandaiscomment je pourrais élever un enfant toute seule. C’est à cette période que Christine est arrivée àSierra Springs et que nous sommes devenues amies. Les meilleures amies du monde...

Jo regarda sa mère.

— Je comprends tout cela, maman, et je le respecte. Mais crois-tu que Callie appartienne plus à lafamille McGrath qu’à nous ?

Alice poussa un profond soupir, regardant tour à tour Callie et Jo.

— De toute évidence, Christine tenait aux liens du sang. Cette famille a été brisée en deux, et j’ail’impression que ses fils commencent seulement à renouer avec le bonheur, d’après ce que tonCameron m’a dit l’autre jour.

— Ce n’est pas mon Cameron ! Et qu’en est-il de Katy ? C’était elle, la mère de Callie ! Aurait-ellesouhaité que son bébé soit élevé par des étrangers, même si ces étrangers avaient le même sangqu’elle dans leurs veines ?

— Excellente remarque, ma chérie, dit Alice. Mais tu sais comment était Katy. Elle recherchaittoujours ce père qu’elle n’avait jamais connu. Je crois que le fait de découvrir qu’elle avait troisgrands frères, qui auraient pu l’aimer, l’aurait rendue bien plus heureuse que toutes les aventuresqu’elle a eues durant des années !

Jo acquiesça en silence. Katy aurait adoré Cameron. Et lui, elle en était sûre, aurait été charmé par sasœur. Peut-être auraient-ils réussi à la remettre dans le droit chemin.

Elle sentit sa gorge se serrer, et se pencha pour embrasser Callie et éviter de se laisser déborder parses émotions.

Peut-être n’était-elle faite pour être mère. Pas plus que pour être sexy, d’ailleurs.

Elle n’était qu’un garçon manqué, qui réparait des carrosseries.

Et peut-être le destin de Callie était-il plus étroitement lié à la famille McGrath qu’elle ne voulaitl’admettre...

Une larme roula sur sa joue et coula sur le front de Callie.

Le bébé s’étira pendant que Jo lui essuyait le front, et ouvrit les yeux. Durant un moment, toutes deuxse regardèrent. Puis Callie sourit et tendit sa menotte vers le nez de Jo.

— Jojojojojo...

Jo ferma les yeux et attira Callie contre elle, sur sa poitrine, couvrant son petit visage de baisers.

— Je vais tout perdre, chuchota-t-elle à sa mère, tandis que les larmes coulaient sur ses joues. J’ai

perdu Katy. J’ai perdu Cameron. Et à présent, je vais perdre Callie.

Sa mère lui passa un bras autour des épaules.

— Tü ne vas pas sortir de sa vie, ma chérie. Ils ne te sépareront pas d’elle. Tu pourras toujoursaller lui rendre visite, lui écrire et être sa tante Jo.

Elle n’avait aucune envie d’être la tante de Callie.

Elle voulait être sa mère !

Elle plongea alors son regard dans les yeux de sa mère.

— Callie a survécu pour une bonne raison, maman. Elle a un destin.

Alice hocha la tête.

— Oui, c’est vrai. Et tu le connais.

En effet, songea Jo. Elle connaissait le destin de Callie. Et elle ne pouvait plus le nier.

— Vous avez amené le bébé avec vous, demanda Mary Beth d’un ton contrarié. Il n’y avait aucuneraison à cela !

D’un air de défi, Jo redressa Callie dans ses bras, et croisa le regard de l’employée des servicesd’adoption, qu’elle avait rencontrée à maintes reprises durant ces trois derniers mois.

— Oui, répondit-elle en s'approchant de la seule chaise pour visiteurs qui se trouvait dans lebureau. Nous ne serons pas longues aujourd’hui, Mary Beth. Je vais emmener Callie à Sacramentopour lui acheter une nouvelle paire de chaussures ainsi que d’autres vêtements. Des vêtements qu’ellepourra porter à New York.

— Ne vous asseyez pas là, dit Mary Beth. Nous sommes tous dans la salle de réunion.

Jo sentit son cœur faire un bond. Tous ? Cameron était-il venu, lui aussi ? Redoutait-il qu’elle ne disepas la vérité ?

Mary Beth lui fit signe de la suivre dans le long couloir. Alors qu’elles arrivaient devant une porte,Mary Beth se retourna vers elle.

— J’aurais aimé que vous me disiez la vérité plus tôt ! J’avais pourtant confiance en vous !

Jo fit un pas en arrière et sentit ses joues s’embraser. Ainsi, Cameron se trouvait dans cette pièce. Ilne lui faisait pas confiance !

— Je n’ai appris l’existence de sa famille que très récemment, répondit Jo. Et j’ai tous lesdocuments nécessaires qui prouvent que ce monsieur peut adopter Callie.

Mary Beth fronça les sourcils, l’air confus.

— Nous n’avons pas besoin de ces explications, mademoiselle Tremaine.

— Non, rétorqua Jo en essayant de ne pas laisser pointer une note de sarcasme dans sa voix. Nousn’en avons pas besoin, mademoiselle Borell.

— C’est un cas très particulier, vous savez.

Callie se retourna dans les bras de Jo, et observa Mary Beth, comme si elle avait senti l’hostilitéentre les deux femmes.

« Vas-y, Callie, attrape son nez ! » suggéra mentalement Jo.

Mais la fillette posa sa tête sur l’épaule de Jo, comme si elle était tout à coup devenue timide.

Le visage de Mary Beth s’adoucit.

— Nous allons arranger tout cela, dit-elle avant d’ouvrir la porte. Je dois dire que les propos de cestrois messieurs m’ont un peu... perturbée.

Trois ? Les trois frères étaient donc là ?

Jo poussa un profond soupir avant que la porte s’ouvre, révélant trois hommes superbes assis côte àcôte autour d’une table.

Ils se levèrent à l’unisson, et elle eut l’impression que toute la loi et le pouvoir se trouvaient de leurcôté.

Comme si elle avait la moindre chance contre eux !

Se forçant à se concentrer, elle observa l’homme qu’elle avait devant elle.

— Bonjour, dit-il, je suis Quinn.

Elle cala Callie sur son bras gauche, et lui tendit la main.

— Bonjour, Quinn.

Elle regarda sur sa gauche, et croisa le regard d’ébène de Colin McGrath. Il avait le même sourire etles mêmes traits que Katy. Mon Dieu ! Ils auraient vraiment pu être jumeaux !

Colin se présenta à son tour.

— Bonjour, je suis Colin, dit-il d’un air chaleureux. J’imagine que cette adorable fillette est Callie.

Jo redressa Callie afin qu’ils puissent mieux la voir.

— Oui, répondit-elle, c’est votre nièce.

Le visage des deux frères s’illumina d’un sourire tandis qu’ils observaient Callie. Mais Jo, elle,fronça les sourcils. Cameron se tenait juste à côté de Colin, et elle sentait son regard sur elle.

Comment allait-il se comporter ? Allait-il l’appeler « mademoiselle Tremaine », alors qu’ils avaientpartagé des heures de plaisir et des journées emplies... d’amour ?

Elle leva enfin les yeux vers lui.

— Bonjour, Cameron.

— Bonjour, Jo.

Sa voix était douce, son regard tendre.

Elle réussit à lui sourire, mais Cameron avait déjà reporté toute son attention sur Callie.

— Bonjour, ma puce, lui dit-il.

— Caaaaammm ! s’écria la fillette en tendant les deux bras vers lui.

Cameron se mit à rire et s’approcha d’elle. Jo refusa de se battre. Par-dessus la table, elle lui tenditle bébé, un sentiment de défaite au fond du cœur. Callie poussa de petits cris de plaisir lorsqueCameron la prit dans ses bras.

Malgré son jeune âge, la fillette savait quelle était sa vraie famille.

— Très bien, dit Mary Beth en se dirigeant vers un siège à l’extrémité de la table, et en invitantchacun à s’asseoir. On dirait bien que notre petite Callie a une famille, après tout. En tout cas, c’estce que prétendent ces messieurs.

Jo sentit sa gorge se serrer et se tourna vers Mary Beth.

— Ces messieurs disent la vérité. Ce sont les oncles de Callie. J’ai tous les documents nécessairespour le prouver.

De sa petite main, Callie serra l’index de Cameron, et se mit debout sur le genou de son oncle,essayant de montrer à chacun qu’elle pourrait bientôt marcher.

Colin sourit et jeta un coup d’œil à Quinn, qui contemplait la fillette comme s’il n’avait jamais rienvu d’aussi adorable au cours de son existence.

Jo se sentit soulagée. Tout irait bien.

Et plus important encore, tout s’accomplirait de façon juste.

Elle se pencha en avant et plongea son regard dans celui de Mary Beth.

— A l’évidence, dit-elle, j’ai réclamé la garde de Callie McGrath et entamé le processusd’adoption un peu trop tôt.

Elle sentait le regard de Cameron sur elle, mais refusait de le regarder. Tout ce qu’elle voulait,c’était aller au bout de ce qu’elle avait à dire.

— Après y avoir mûrement réfléchi, j’ai décidé de tout faire pour que le tribunal confie la garde deCallie McGrath à sa famille biologique.

Un silence pesant s’abattit sur la pièce. Mary Beth semblait hébétée. Les trois frères McGrathregardaient Jo d’un air incrédule.

— Pardon ? demanda Cameron au bout d’un moment en asseyant Callie sur la table.

— Je ne vais pas me battre contre toi, Cameron, ni contre tes frères.

Son regard passa avec lenteur sur les trois frères.

— Callie doit être élevée par sa... famille.

Elle fit tout son possible pour ne pas craquer en prononçant ces mots, et y réussit, peut-être parcequ’au plus profond de son être, elle croyait à ce qu’elle disait.

— Eh bien, tout ceci est plutôt inhabituel ! dit Mary Beth d’une voix aiguë. Je ne crois pas avoirjamais connu de cas semblable. Je devrais demander à l’un de mes supérieurs de nous rejoindre.

— Pourquoi ? demanda Jo. Il y a déjà eu des précédents.

Elle jeta un coup d’œil en direction de Cameron.

— Demandez à l’avocat, poursuivit-elle.

Cameron la regardait d’un air étrange.

— Nous avons déjà signé le document, Jo. Callie est à toi. Nous ne l’emmenons pas avec nous.

Jo ne comprenait plus rien.

— Tu es sérieux ?

Cameron hocha la tête, et appuya ses dires d’un baiser sur le front de Callie.

— Nous avons décidé qu’elle devait rester avec toi. Tu as été une véritable mère pour elle, Jo. Jene peux pas...

Il échangea un regard avec ses frères, puis se tourna de nouveau vers elle.

— Nous ne voulons pas être responsables de la séparation d’un enfant et sa mère.

Jo sentit les larmes lui monter aux yeux. Si elle ne se retenait pas, elle allait éclater en sanglots Quinnse pencha à travers la table et posa une main sur les siennes.

— Nous sommes d’accord avec lui, Jo. Cameron nous a convaincus que c’était la meilleure chose àfaire.

Elle leva les yeux vers lui et s’efforça de sourire, mais ne réussit qu’à hocher la tête.

— Nous serions heureux que vous puissiez l’amener de temps en temps sur la côte Est, ajouta Colin.Afin que nous puissions la couvrir de cadeaux comme de vieux oncles gâteux !

Voilà, cette fois elle était en larmes...

Elle inspira profondément.

— Katy aurait été... Katy vous aurait adorés, tous les trois.

Les yeux de Colin se remplirent de larmes et Quinn sourit d’un air triste. Elle jeta un coup d’œil versCameron, et y découvrit la même expression qu’elle devait avoir sur le visage. Elle y vit ce regardqui était le sien lorsqu’ils faisaient l’amour. Ou lorsqu’elle le faisait rire. Ce regard d’admiration, derespect...

Elle se força à se persuader que, malgré les jours et les nuits de bonheur passés ensemble, ce n’étaitpas de l’amour qui existait entre eux. Il fallait qu’elle s’en souvienne, car cela rendrait leurs adieuxplus faciles.

— Je vous promets de vous donner des nouvelles de Callie, et je vous promets également que vousla verrez souvent, dit-elle aux trois frères. Je vous promets qu’elle fera toujours partie de votrefamille.

Mary Beth se leva.

— Très bien, dit-elle. Nous allons donc procéder à l’adoption légale de Callie McGrath par JoEllen Tremaine. Merci à vous tous.

Dès que Mary Beth eut quitté la pièce, Colin et Quinn se précipitèrent vers Callie en lui faisantmaints sourires et taquineries.

Et tout comme sa mère l’aurait fait, Callie les charma en leur offrant un sourire éblouissant.

Cameron tendit le bébé à Quinn.

— Entraîne-toi, frérot. Je reviens tout de suite.

Quinn l’interrogea du regard.

— Où vas-tu ? lui demanda-t-il.

— Sauter d’une falaise, répondit Cameron.

Les deux frères échangèrent un regard complice.

— Bonne chance, répondit Quinn en prenant Callie dans ses bras.

De quoi parlaient-ils ? Jo ne comprenait rien à leur plaisanterie. Elle se leva lentement de son siège,réprimant une envie folle de danser. Callie restait avec elle. Pour toujours.

Elle ramassa le sac qui contenait les effets de Callie, et lorsqu’elle se redressa, Cameron n’était qu'àquelques centimètres d’elle.

— Puis-je te parler une minute ? demanda-t-il d’un air solennel.

D’un geste de la tête elle lui indiqua le hall de l’immeuble, où ils pourraient discuter. Bien sûr, elledevait le remercier. Et lui présenter ses excuses pour son comportement de l’autre soir.

Lorsqu’elle se retourna, elle vit Colin et Quinn qui souriaient et s’amusaient avec Callie.

Elle savait ce que Cameron voulait. Un au revoir poli, en tête à tête.

Parce que leurs adieux avaient toujours été inévitables.

Chapitre12.

— Il doit bien y avoir un meilleur moyen de faire les choses, Jo, dit Cameron tandis qu’ils sedirigeaient tous deux vers le hall d’entrée.

— Oui, j’en suis sûre, reconnut-elle.

Avant qu’il ne dise autre chose, elle posa sa main sur son bras et le pressa doucement

— Merci, Cameron. Je ne saurais te dire à quel point j’apprécie ce que tu as fait.

Il vit des larmes briller dans ses yeux, et se rendit compte qu’il ne l’avait encore jamais vue pleurerjusqu’à ce jour. Jo avait été prête à abandonner Callie. Pour lui. Il ressentit le besoin urgent de laserrer dans ses bras et de l’embrasser. Pourtant, il réussit à se contrôler.

— Alors, tu étais vraiment prête à capituler, ou c’était du bluff ? demanda-t-il.

Jo retint un rire.

— Non, ce n’était pas du bluff. J’y ai beaucoup réfléchi, et j’ai discuté avec ma mère durant desheures. Crois-moi, je n’avais pas envie, et je n’ai toujours pas envie, de perdre Callie. Mais je ne meserais pas battue contre vous.

Elle se mordit la lèvre et soupira.

— Cela dit, les choses sont bien mieux ainsi. Je t’en prie, dis à tes frères que j’apprécie qu’ilssoient venus ici. Je sais qu’il vous a fallu du temps pour convaincre Mary Beth.

Cameron ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais elle serra son bras un peu plus fort et ledevança.

— Je veux aussi te dire que je suis désolée pour l’autre nuit.

— Ne t’en fais pas, je peux tout à fait comprendre ta réaction.

Elle lui sourit.

— Merci, merci encore. Et je te promets de... de...

Elle détourna le regard, semblant rassembler ses forces pour lui parler.

— .. de rester en contact avec toi, dit-elle en plongeant ses yeux dans les siens.

Cameron eut l’impression que son cœur était sur le point de se briser.

— Rester en contact ?

Il fronça les sourcils. Sa vision du futur différait-elle à ce point de la sienne ?

— Eh bien... Nous pouvons toujours nous envoyer des e-mails. Et tu pourras bien sûr t’arrêter à laferme, si tu passes dans le coin.

— Certes, je n’y manquerai pas ! répondit Cameron d’un ton sarcastique. Je m’arrête si souvent àSierra Springs !

— Tu sais ce que je veux dire, chuchota-t-elle.

— Oui, et ça ne me plaît pas !

— Pardon ?

— Je veux davantage, Jo.

Durant un long moment, elle ne dit rien.

— Davantage ? demanda-t-elle enfin.

Cameron se pencha vers elle et, du bout du doigt, lui souleva le menton.

— Je veux tout partager avec toi, Jo.

— Tout ? répéta-t-elle d’une voix tremblante.

Allait-elle se mettre à pleurer alors qu’il lui demandait de l’épouser ? Il espérait que sa propositionallait la ravir. Et qu’il verrait son visage s’illuminer de joie !

— Je veux passer ma vie entière avec toi, Jo.

— Ta vie ?

— Oui, les matins, les après-midi, les nuits et les week-ends, répondit-il d’un ton amusé.

Jo semblait tétanisée.

— Pourquoi ? demanda-t-elle.

Ce n’était pas du tout le genre de réponse qu’il espérait.

— Parce que je t’aime.

Elle secoua la tête.

— Non, c’est faux...

— Bien sûr que si ! Je t’aime.

Jo fit un pas en arrière et pointa son index dans sa direction.

— C’est ce que tu crois, dit-elle. Mais tu es juste... reconnaissant de ce qui s’est passé ces dernièressemaines. Ce n’est pas de l’amour.

— Ah ! Revoilà le Dr Freud !

— Et de toute façon, je n’ai pas du tout l’intention d’aller vivre à New York...

— Ça tombe bien, parce que moi, je veux vivre ici.

Jo écarquilla les yeux.

— Ici ? A sierra Springs ?

Bon sang ! Pourquoi commençait-elle à parlementer ? Il venait tout de même de la demander enmariage I N’aurait-elle pas dû... s’évanouir de bonheur, ou quelque chose comme ça ?

— Oui, ici, répondit-il. Je pourrais m’inscrire au barreau de Californie. J’ai envie de recommencerà pratiquer le droit, et plus de continuer à diriger des gens. Je crois que je pourrais...

Jo leva la main devant lui.

— Tu ne sais pas ce que tu dis, Cameron. En quelques semaines, tu en auras assez. Assez de vivredans une petite ville et de ne pas pouvoir assister en direct à tous les matchs des Yankees. Tudétesteras ta vie ici, et ensuite, ce sera moi que tu détesteras !

Etait-elle sérieuse ?

— Peu m’importe les Yankees !

Ça, c’était bien une déclaration d'amour, non ?

— C’est impossible, rétorqua Jo. Tu dois t’en aller.

— Je ne partirai pas d’ici ! déclara Cameron.

Jo l’observa un instant et secoua la tête.

— Je sais que tu ne resteras pas, chuchota-t-elle.

Soudain, Cameron sentit tout espoir de bonheur s’éloigner de lui. Il fallait qu’il réussisse à

convaincre Jo qu’il était différent des autres hommes, ceux qui avaient brisé son cœur.

— Jo, je ne te quitterai pas. Je ne serais pas planté là à te demander de m’épouser si...

— T’épouser ?

— Evidemment ! Que croyais-tu donc ? Que je voulais juste vivre avec toi ? Je t’ai dit que jet’aim...

Les yeux brillants, elle posa sa main sur sa bouche.

— Je t’en prie, Cameron, ne dis rien. Je ne pourrais pas le supporter.

Avec douceur, il écarta sa main de sa bouche, et mêla ses doigts aux siens.

— Est-ce que tu m’aimes, Jo ?

Elle se contenta de le fixer du regard, et ne répondit rien.

Rien du tout.

Il se demanda si elle pouvait entendre les battements de son cœur, qui résonnaient au plus profond delui.

— Crois-tu que tu pourrais m’aimer, Jo ?

— Je ne pourrai jamais prendre ce risque.

La résolution qu’il entendit dans sa voix l’arrêta net. II lâcha sa main. Il n’allait tout de même pas lasupplier de l’aimer !

Soudain, quelques personnes pénétrèrent dans le hall, brisant la magie de l’instant. Cameron sepencha tout près de son oreille, humant pour la dernière fois son parfum si frais, sentant pour ladernière fois ses cheveux sous ses lèvres.

— Jamais je ne t’oublierai, Jo, murmura-t-il.

Les yeux brillant de larmes, elle redressa la tête et lui sourit.

Un cri de Callie réveilla Jo. Repoussant les couvertures, elle se leva.

— J’arrive, ma puce ! dit-elle en enfilant un T-shirt et un caleçon.

Depuis quelque temps, se réveiller au beau milieu de la nuit faisait partie de leur routine quotidienne.C’était un moment unique qu’elles partageaient toutes les deux avec Cameron.

Lorsqu’elle pénétra dans la chambre, Callie se tenait debout dans son lit, semblant l’attendre.

— Alors, ma poupée, que se passe-t-il ?

— Jojojojojo !

— Mmm... Je crois que c’est l’heure de ton biberon.

Callie dans les bras, elle descendit l’escalier, évitant comme à son habitude la marche qui craquait.

Comment tout cela avait-il commencé ? Oh, elle le savait bien ! La première fois, par hasard. Laseconde, sur sa proposition. Et ensuite, d’un accord tacite.

Une fois dans la cuisine, elle mit le biberon qu’elle avait déjà préparé dans le micro-ondes,déclencha le minuteur et se servit un verre d’eau.

Quelques instants plus tard, elle tendit à Callie son biberon, après en avoir vérifié la température.Elle emmena la fillette avec elle dans le bureau d’à côté, et se connecta aussitôt sur Internet. Unepetite icône clignota sur son écran, indiquant que Cameron était en ligne.

Comment vont mes deux femmes préférées ?

C’était toujours sa première question.

Comme d’habitude, Jo sentit ses yeux se mouiller de larmes. Elle cala le bébé sur ses genoux, etcommença à pianoter sur le clavier d’une main.

Une heure plus tard, Callie s’était endormie sur son bras, et elle interrompit la connexion, après avoirdit au revoir à Cameron.

Une fois à l’étage, elle changea Callie, la remit dans son lit, puis se dirigea vers sa chambre, retirason T-shirt et son caleçon, et se glissa entre les draps frais, se souvenant des nuits passées avecCameron.

Depuis environ cinq semaines, il l’avait contactée tous les jours. S’ils ne communiquaient pas parécran interposé, Cameron l’appelait à l’atelier. Ou bien le soir, à la maison, une fois qu’elle avaitcouché Callie, alors que lui se trouvait dans son splendide bureau, admirant le coucher du soleil surManhattan.

A chaque conversation, ils devenaient de plus en plus proches. Mais Cameron ne lui avait pas reparléde mariage, ni de l’éventualité de venir s’installer en Californie.

Elle savait qu’il n’en parlerait plus jamais. Si elle souhaitait évoquer de nouveau le sujet, ce serait àelle de l’aborder.

Elle ferma les yeux et se remémora leur conversation électronique. Rien de bien important. Letravail, le quotidien de Callie... Ses frères... Le match auquel il comptait assister ce week-end...

Elle sentit son cœur se serrer. Cameron lui avait demandé de l’épouser, et elle l’avait rejeté.Aujourd’hui, elle savait qu’elle pouvait avoir confiance en lui. Il serait resté.

Etait-il trop tard ? Lui donnerait-il une seconde chance ? Le verrait-elle arriver dans son atelier, oufrapper à sa porte... et faire de nouveau sa demande ?

Non, en aucun cas Cameron ne se mettrait de nouveau dans une situation aussi délicate. Quel hommeaurait risqué de se voir repousser une seconde fois ?

Si elle voulait une nouvelle chance, c’était à elle de se l’accorder.

Cameron salua le vigile à l’entrée du stade.

— Bonsoir, Eddie.

— Bonsoir, Cameron, tu es seul, ce soir ? Où est donc passée ta copine de Californie ? Celle avecle chapeau de cow-boy ?

— Elle m’a plaqué.

Eddie le regarda d’un air incrédule.

— Tu plaisantes ?

Cameron secoua la tête, essayant de ne pas penser à Jo.

— Elle m’avait prévenu qu’elle n’aimait pas le base-ball, dit-il en esquissant un sourire. Dommage,j’ai une place en trop.

Eddie lui donna une tape sur l’épaule.

— Bah, après tout, pas besoin de s’encombrer d’une nana qui n’aime pas assister à un bon match !

Cameron quitta Eddie et alla s’asseoir sur son siège, saluant au passage quelques visages familiers. IIhéla un vendeur, et s’acheta une bière et un sachet de cacahuètes, qu’il posa sur le siège à côté de lui.

Ses yeux scrutèrent la foule. Il étudia les couples, les enfants, les visages connus et inconnus.

C’était bien la première fois qu’il se sentait seul dans ce stade.

Les choses allaient changer. D’ici à quelques mois, il cesserait d’envoyer des e-mails à Jo et depasser de longs moments au téléphone avec elle. Il avait déjà envisagé sa mutation au barreau deCalifornie.

Il retournerait à Sierra Springs. Auprès de ses deux femmes préférées. Jo l’épouserait. Il en était

aussi sûr que de l’issue du match de ce soir. Tout ce qu’il avait à faire, c’était de la convaincre de luifaire confiance.

Une clameur s’éleva, le tirant de sa rêverie. Il jeta un coup d’œil sur la pelouse. Rien ne s’étaitpassé. Il leva les yeux vers le tableau d’affichage des scores, mais n’y vit qu’un écran publicitaire.Soudain, il remarqua que tout le monde regardait dans l’allée à sa droite.

— Elle est si mignonne !

— Regardez un peu sa casquette !

II se tourna dans la même direction que ses voisins, et découvrit une toute petite fille aux cheveuxbruns bouclés et aux grands yeux malicieux, qui portait une petite casquette rose à l’effigie desYankees.

Durant un instant, son cerveau sembla refuser de fonctionner. Il se contenta d’un regard vers l’enfantqui s’avançait vers lui, et sentit son cœur s’emballer.

La fillette tendit les bras dans sa direction.

— Caaaammm !

Il redoutait presque de détourner les yeux. Ce devait être un rêve, une vision.

Quant à la jeune femme qui tenait la fillette par la main, elle devait être un pur produit de sonimagination. Un fantasme.

— J’ai entendu dire que tu avais un billet de trop, dit Jo en lui souriant.

Elle aussi portait une casquette des Yankees.

— Ainsi que des genoux pour accueillir... ma fille, continua-t-elle.

D’un bond, il se leva et s’approcha d’elle.

— Que fais-tu ici ? demanda-t-il en passant un bras autour des épaules de Jo, se retenant del’embrasser.

— J’ai décidé de venir te rencontrer sur ton territoire.

Incapable de parler, il secoua la tête, et baissa les yeux sur Callie.

— Elle marche déjà ?

— Elle a commencé il y a deux semaines, répondit Jo. Tu te souviens de Cameron, Callie ?

Cameron se baissa et prit Callie dans ses bras.

— Bien sûr qu’elle se souvient de moi ! Mon Dieu, je n’ai jamais rien vu d’aussi ravissant que vousdeux avec vos casquettes de mon équipe préférée !

Jo et lui s’observèrent un instant, les yeux dans les yeux.

— Je ne peux pas croire que tu sois là, dit Cameron.

— Eddie s’est souvenu de moi et m’a laissée entrer, répondit Jo. Et il m’a assuré que tu étais seul...

— Asseyez-vous, bon sang ! cria l’un des spectateurs.

— Pourquoi... Que fais-tu ici, Jo ?

— Je suis venue, parce que... parce que je...

Un autre spectateur les apostropha.

Cameron était incapable de bouger.

Jo repoussa sa casquette en arrière et plongea son regard dans le sien.

— Parce que je t’aime, Cameron.

Cameron eut l’impression que ses poumons se vidaient, et il attira Jo contre lui, la serrant dans sesbras, ainsi que Callie.

— Prends une baby-sitter et une chambre, mec ! On est là pour voir un match !

Jo s’écarta de lui et jeta un coup d’œil autour d’eux.

— Asseyons-nous, dit-elle.

Ils s’assirent tous les deux, et il prit Callie sur ses genoux. La fillette tenta de regarder derrière lui.

— Non, ma chérie, dit-il en la faisant pivoter. Le match est de ce côté, tu vois ?

Jo se mit à rire.

— J’en ai pourtant regardé quelques-uns à la télé avec elle, mais elle n’a pas l’air d’y comprendregrand-chose.

— Tu as regardé des matchs de base-bail ? demanda-t-il d’un air incrédule. Tu ne me l’as pas dit !

Elle hocha la tête, et tendit la main vers son verre de bière.

— J’ai fait installer le câble, dit-elle en buvant une gorgée et en lui tendant le gobelet. A présent, jeregarde tous les matchs.

— Tu plaisantes ?

— Pas du tout. Et grâce au câble, toi aussi, tu pourras les regarder.

— Quand je viendrai te rendre visite ?

C’était bien ce qu’elle voulait dire, n’est-ce pas ? Quand il viendrait voir Callie ?

Elle lui jeta un regard chargé de sous-entendus.

— Oui. Lorsque tu nous rendras visite. Tu sais, les matins, après-midi, les nuits et les week-ends.

Cameron écarquilla les yeux.

— Pourrais-tu clarifier tes intentions ? demanda-t-il.

— Bien sûr, répondit-elle en lui offrant un sourire éblouissant. Je t’aime, Cameron. Je veuxt’épouser et passer le reste de ma vie avec toi.

Elle se pencha vers lui et caressa sa joue.

— C’est assez clair, monsieur l’avocat ?

Cameron sentit une immense sérénité l’envahir.

— Oui. Cela me semble assez clair, mademoiselle-garçon-manqué. C’est même parfait.

Sur la pelouse, l’un des joueurs marqua un but, et la foule enthousiaste bondit sur ses pieds et hurla sajoie.

Mis à part deux spectateurs qui préférèrent s’embrasser, un enfant calé entre eux.

Epilogue

De tous les hommes de la famille McGrath à avoir rencontré l’amour durant l’année écoulée,Cameron n’aurait jamais cru que son père aurait été le plus comblé. Il secoua la tête, et sourit enregardant le vieil homme ralentir le pas pour se régler sur celui de la fillette dont il tenait la main.

Aucun doute. Comme disait Colin, leur père était raide dingue de la petite Callie McGrath !

Cameron se cala dans le large fauteuil en osier qui faisait face aux immenses jardins du manoirEdgewater. Il inhala la brise salée qui soufflait sur l’île de Rhode Island, et contempla la centained’invités qui dansaient pour célébrer les noces de Colin et Grâce.

— Regarde un peu ces deux-là, dit-il à Colin qui s’approchait de lui.

Colin observa leur père et Callie, sur la piste de danse installée sous une immense tente.

— Oui, je les ai vus. Callie pourrait lui demander la lune, il irait la décrocher pour elle.

Jim McGrath se pencha vers la fillette pour écouter le babillage qu’elle lui adressait, puis il sereleva et se mit à rire.

— Qu’a-t-elle bien pu lui dire pour le faire rire ainsi ? demanda Cameron à son frère, à la foisamusé et stupéfait par la tournure qu’avaient pris les événements.

— C’est vrai, elle ne connaît que quatre mots, répondit Colin : « Jo », « Cam », « voiture » et «ballon ».

— Les plus importants, dit Cameron en reportant son attention sur les danseurs.

— Je t’avais bien dit que papa était devenu un autre homme, déclara Colin. Comme si on avait retiréun énorme poids de sa conscience.

Pourtant les choses n’avaient pas été faciles. L’orgueilleux Jim McGrath avait dû regarder chacun deses fils au fond des yeux, et s’excuser pour une vie entière de stupidité, de déception et de chagrin.

Il s’était même envolé pour la Californie afin de rencontrer Jo et Callie.

Le passé étant derrière eux, leur mère et leur sœur disparues, les trois frères et les femmes qu’ilsaimaient s’étaient mis d’accord pour faire la seule chose qui leur semblait digne.

Us lui avaient pardonné. Et depuis ce jour, leur père semblait plus jeune, plus heureux, en meilleure

santé qu’il ne l’avait été depuis bien des années.

Et fier comme un paon d’être grand-père.

De son point de vue privilégié sous le porche, Cameron étudia les danseurs et les invités assis autourdes tables, cherchant à travers la foule une chevelure aubum. 11 espérait que son mariage, prévu pourle prochain Noël à Sierra Springs, serait aussi joyeux que celui-ci.

L’ancien salon de beauté de Katy avait été entièrement rénové pour lui servir de bureau, et il pourraitenfin recommencer à pratiquer le droit.

Et plus important encore, la procédure d’adoption de Callie serait bientôt terminée. L’enfant pourraitajouter deux nouveaux mots à son vocabulaire : « maman » et « papa ».

— Tb as vu Quinn ? demanda Colin en s’asseyant dans un fauteuil en osier à côté de lui.

— Je suis juste derrière vous, répondit Quinn en traversant le porche pour venir les rejoindre.J’étais en train d’admirer la femme de ma vie.

— Viens t’asseoir avec nous, frérot, dit Colin, et regarde un peu à quel point nos femmes préféréesont l’air de bien s’entendre.

Grâce, dans son élégante robe blanche, se tenait entre Jo et Nicole, les bras passés autour de leurstailles. Leurs têtes étaient proches, comme si les jeunes femmes échangeaient des confidences. Grâcedit quelque chose et Nicole se mit à rire, suivie par Jo, leur rire résonnant dans l’air du soir alors quel’orchestre venait juste de s’interrompre.

— Vous croyez qu’elles parlent de nous ? demanda Colin.

— Oui, et de la chance qu’elles ont ! plaisanta Quinn.

Ils éclatèrent de rire, mais Cameron ne résista pas à l’envie de leur faire remarquer l’évidence.

— Elles ne sont pas les seules à être chanceuses !

Quinn croisa les bras et étudia le petit groupe, son attention concentrée sur Nicole.

— Vous savez, si un ouragan n’avait pas détruit son hôtel, je n’aurais jamais rencontré cette femmequi enchante ma vie chaque jour, dit-il.

Colin hocha la tête et désigna le manoir derrière eux.

— Et si la foudre n’était pas tombée sur Edgewater, qui sait si Grâce et moi nous serions retrouvés,après toutes ces années passées sans comprendre que nous étions faits l’un pour l’autre ?

Comme si elle l’avait entendu, Grâce leva les yeux vers le perron du manoir, et adressa un sourireéblouissant à son époux, ses cheveux blonds brillant dans le soleil, ses yeux emplis d’amour.

Cameron observa la troisième femme du groupe. Vêtue d’une robe en lamé doré et de hauts talons,son « garçon manqué » avait fait se retourner bien des têtes, toute la journée.

— Et toi, tu as rencontré Jo à cause d’un tremblement de terre, dit Quinn, ses paroles faisant échoaux pensées de Cameron.

Les trois hommes échangèrent des regards étonnés en prenant la mesure de toutes ces coïncidences.

— Il semblerait que nous avons une mère, après tout, dit Cameron. Mère Nature.

Mère Nature, qui avait déployé tous ses éléments pour leur offrir l’amour qui comblerait leurs vies.