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L’avortement dans le droit pénal : ____________________________________________________________________________________ Faire la lumière sur le rôle des professionnels de santé, de la police, des tribunaux et de la prison au niveau international _ ________________________________________________________________________________________________________________ Campagne internationale pour le droit des femmes à un avortement sûr c/o International Consortium for Medical Abortion, Chisinau, République de Moldova Courriel : [email protected]

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L’avortement dans le droit pénal : ____________________________________________________________________________________

Faire la lumière sur le rôle des professionnels de santé, de la police, des tribunaux et de la prison au niveau international

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Campagne internationale pour le droit des femmes à un avortement sûr c/o International Consortium for Medical Abortion, Chisinau, République de Moldova Courriel : [email protected]

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L’avortement dans le droit pénal : faire la lumière sur le rôle des professionnels de santé, de la police, des tribunaux et de la prison au niveau international **************************************************************************************************

L’avortement ne doit pas être restreint, interdit ou criminalisé. Nulle femme ayant demandé un avortement, nul prestataire de soins de santé ayant pratiqué un avortement sûr à la demande de la femme et nul défenseur du droit à l’avortement ne saurait être stigmatisé, harcelé, souffrir de discrimination ou être poursuivi en justice. Les autorités doivent prendre des mesures pour éliminer les lois qui restreignent, interdisent ou criminalisent l’avortement et elles lèveront les obstacles de procédure qui limitent l’accès aux services d’avortement sûr. (Campagne internationale pour le droit des femmes à un avortement sûr, principes directeurs) **************************************************************************************************

Informations générales À quelques exceptions près, dans la plupart des pays, le droit pénal prévoit des restrictions sur les motifs pour lesquels un avortement est légal, jusqu’à quel stade de la grossesse, qui peut déterminer si l’avortement est légal, qui est autorisé à assurer des services d’avortement et les sanctions en cas de violation de ces restrictions.

Les groupes et organisations féministes et la société civile font campagne contre les restrictions juridiques à l’avortement au moins depuis qu’Alexandra Kollantai a convaincu Lénine de dépénaliser l’avortement en Union soviétique en 1920. Depuis les années 60, une longue liste de pays ont réformé, dans une plus ou moins grande mesure, leur législation sur l’avortement. Pourtant, rares sont ceux qui sont allés jusqu’à permettre l’avortement sans restriction quant à la raison ou pour de larges motifs socio-économiques, et presque tous continuent de se baser sur le droit pénal.

À la fin des années 70, un groupe international de militants en faveur du droit à l’avortement a lancé la Campagne internationale pour le droit à l’avortement, après un atelier organisé lors d’une grande conférence féministe internationale à Paris. La campagne rassemblait des groupes en faveur du droit à l’avortement de Grande-Bretagne, d’Irlande, de Belgique, des Pays-Bas, d’Espagne, du Pérou, des Philippines, de Colombie, du Mexique et d’autres pays. Néanmoins, puisque beaucoup de militants en faveur des droits des femmes, en particulier originaires d’Afrique, se sentaient incapables de rejoindre un mouvement dont le titre portait le mot « avortement », au cours de la 4e Conférence internationale sur la santé des femmes, qui s’est tenue à Amsterdam en 1984, on a changé le nom de la campagne qui est devenue le Réseau mondial des femmes pour les droits génésiques en 1985. La Journée internationale d’action pour la dépénalisation de l’avortement le 28 septembre a été lancée en Amérique latine et aux Caraïbes en 1988 par un réseau régional de groupes d’activistes qui organisent depuis lors des activités dans cette région autour du 28 septembre.

Parallèlement, les méthodes d’avortement connaissaient des améliorations. L’aspiration électrique, puis l’aspiration manuelle ont représenté un net progrès, même si dans certains pays où l’avortement légal demeure rare, elles n’ont pas encore remplacé la méthode par dilatation et curetage. Une petite compagnie pharmaceutique a également commencé à travailler en France pour

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mettre au point la mifépristone (RU486). Par la suite, au cours de travaux pour trouver une prostaglandine efficace pouvant être utilisée avec la mifépristone, il a été également découvert que le misoprostol, médicament indiqué pour l’ulcère gastrique, était capable de provoquer une fausse couche. Le programme de recherche, de développement et de formation à la recherche en procréation humaine, coparrainé par l’Organisation mondiale de la Santé, a réalisé une bonne part de la recherche sur les schémas thérapeutiques et les dosages de l’avortement médicamenteux, conduisant aux schémas et posologies détaillés dans le document révisé et actualisé de l’OMS Avortement sécurisé: directives techniques et stratégiques à l’intention des systèmes de santé, 2013.

Durant ces années, le Population Council, Gynuity Health Projects, le Guttmacher Institute, l’Ipas, le Centre des droits reproductifs, Marie Stopes International, Pathfinder International, l’International Consortium for Medical Abortion et des réseaux nationaux et régionaux travaillant sur les avortement sans risque, en Amérique latine, en Europe orientale, en Asie et en Afrique, ainsi que l’Initiative de prévention des avortements à risque de la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO), Global Doctors for Choice, de même que des groupes et réseaux nationaux et régionaux de prestataires d’avortement en Europe occidentale et orientale, en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ont réalisé des recherches et des études préparatoires, tout en assurant la prestation de services d’avortement, l’élaboration et la réforme des lois et politiques ainsi que des activités de plaidoyer en faveur des droits à l’avortement.

Dans le même temps, les femmes elles-mêmes, tout d’abord en Amérique latine et de plus en plus en Asie et en Afrique subsaharienne, ont pris en main l’utilisation du misoprostol par auto-administration dans les pays où les activités politiques et de plaidoyer ne sont pour le moment pas parvenues à légaliser la prestation d’avortements sûrs dans les systèmes nationaux de santé. Le site Women on Web vend ouvertement le misoprostol sur Internet aux femmes dans les pays où l’avortement est restreint par la loi et soutient la création de lignes d’assistance téléphonique sur l’avortement dans un nombre croissant de pays, qui informent les femmes sur la meilleure manière de prendre les comprimés et de demander de l’aide par la suite, si nécessaire.

En 2011, le Réseau mondial des femmes pour les droits génésiques (Women’s Global Network for Reproductives Rights/WGNRR) a décidé de mondialiser la Journée d’action internationale du 28 septembre pour la dépénalisation de l’avortement, mais il a changé son nom et l’a appelé Journée d’action mondiale pour un avortement sûr et légal. L’année suivante, la Campagne internationale pour le droit des femmes à un avortement sûr a été lancée par presque tous les groupes mentionnés ci-dessus et elle a débuté le 28 mai 2012. Lors de sa première année, la Campagne a été approuvée par près de 400 organisations et 460 individus dans 106 pays de tous les continents. La première activité majeure de la Campagne en 2012 a été de promouvoir une participation nettement élargie pour organiser la journée du 28 septembre, conjointement avec la Campaña 28 Septiembre en Amérique latine et aux Caraïbes et la Campaign 28 September du RWGNRR. Cette initiative a abouti à l’organisation d’activités dans un nombre sans précédent de 51 pays. Nous espérons battre à nouveau ce record en 2013. Résumé du rapport En juillet 2013, le groupe consultatif de la Campagne a accepté de militer le 28 septembre 2013 pour la dépénalisation de l’avortement et de mettre en évidence l’influence du droit pénal, de la police, des tribunaux, des prisons et des prestataires de soins de santé sur la capacité des femmes à avoir accès à des services d’avortement sûr et l’aptitude des professionnels de santé à prêter ces services dans le monde. Nous demandons aux personnes qui soutiennent le droit à l’avortement au niveau national de signaler si la police, les autorités ainsi que le système sanitaire, judiciaire et carcéral, y compris les professionnels de santé individuels et leurs associations professionnelles, participent à l’application du droit pénal sur l’avortement, dans les pays autour du monde. Des membres de la Campagne ont déjà mené de nombreux travaux de recherche pour faire connaître des cas existants.

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Ils ont d’ailleurs contribué à ce rapport et beaucoup d’entre eux participent également activement à l’action pour libérer de prison les femmes et les prestataires de services d’avortement et pour réformer la législation sur l’avortement.

Les données résumées ici montrent que : 1) les femmes ont été soumises à des traitements dégradants ou humiliants et leurs droits civils, politiques et juridiques ont été violés de manière flagrante de multiples façons, et 2) beaucoup de prestataires de services d’avortement risquent leur carrière professionnelle et leur vie pour aider les femmes, alors que d’autres sont profondément impliqués dans la dénonciation des femmes au système judiciaire pour qu’elles soient sanctionnées. Voici les principales conclusions retirées des divers pays et continents :

· des professionnels de santé qui traitent les complications d’un avortement à risque dénoncent les femmes à la police et/ou subordonnent les soins à une « confession » des femmes à la police ;

· la police emprisonne activement les femmes, les prestataires de services d’avortement et les responsables de centres, enquête et engage des poursuites à leur encontre, alors que le mouvement opposé à l’avortement, notamment des personnes occupant des postes officiels, participent souvent aux activités pour motiver/soutenir ces agissements ;

· les « investigations médiatiques » cherchant à piéger les femmes et les prestataires de services d’avortement ont provoqué la suspension de prestataires, des poursuites en justice des prestataires, ainsi que des descentes, des amendes et la fermeture de centres avant même que se tienne le procès et que la culpabilité soit avérée ;

· les femmes qui ont eu un avortement illégal, mais aussi des fausses couches spontanées et des enfants mort-nés sont traitées comme des criminelles et détenues, elles sont condamnées à des amendes et à la prison, non seulement pour avortement, mais aussi pour homicide, avec des peines pouvant aller jusqu’à 30 ans ;

· les femmes qui ont le droit d’avorter en toute légalité se voient systématiquement refuser l’interruption de grossesse, suite au refus des prestataires de pratiquer l’avortement pour des motifs moraux ou religieux et en partie du fait des craintes des prestataires d’être poursuivis pour avoir pratiqué un avortement ;

· des femmes sont soumises à un traitement dégradant et humiliant ; elles sont par exemple menottées dans un lit d’hôpital alors qu’elles récupèrent après le traitement des complications d’un avortement à risque, souvent maintenues en détention dans l’attente de leur procès et elles doivent parfois patienter jusqu’à six ans pour être entendues lors des poursuites judiciaires pour avortement illégal ;

· les prestataires de services d’avortement sont menacés d’enquêtes afin de les effrayer et de les inciter à ne plus pratiquer d’interruptions de grossesse ;

· les douaniers saisissent des colis de médicaments abortifs envoyés par courrier aux femmes qui n’ont pas accès à des services cliniques sûrs, sans qu’un jugement n’ait été prononcé ; et enfin

· une corruption généralisée entoure l’application des sanctions pénales pour avortement illégal, par exemple la police et d’autres fonctionnaires demandent des pots-de-vin pour abandonner les poursuites et permettre aux services d’avortement illégal de se poursuivre.

Le présent document est un rapport préliminaire (et non un examen exhaustif) qui cite des extraits de recherches existantes et les résume, notamment les informations parues (parfois non corroborées) à ce jour dans les médias de beaucoup de pays. Il a pour but de servir d’inspiration pour que d’autres fassent des recherches similaires et prennent des mesures contre les nombreuses manières punitives dont les femmes qui avortent et les prestataires de services d’avortement de bonne foi sont traités. Une enquête au Brésil, qui sera publiée dans la revue Reproductive Health Matters en novembre 2013, et une autre en Équateur, au Pérou et en Bolivie par l’Ipas, dont les résultats sont diffusés dans un film vidéo, ont révélé que même si la majorité des personnes ayant répondu aux enquêtes pensaient que l’avortement était immoral ou affirmaient qu’elles y étaient

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opposées, la plupart d’entre elles connaissaient des femmes qui avaient subi un avortement illégal et n’approuvaient pas les sanctions à leur encontre. Cette apparente contradiction dans l’opinion publique des pays où les lois sont extrêmement restrictives et où les mouvements de lutte contre l’avortement sont actifs donne une base pour demander la suppression de l’avortement dans le droit pénal.

Le rapport est divisé par régions et pays. Les sources publiées et non publiées sont citées dans le texte et, lorsqu’elles sont disponibles, les références des rapports originaux sont données. Il couvre principalement les événements et les informations de 2009 à septembre 2013, mais inclut également quelques articles antérieurs à cette période sur des pays où l’on ignore si des poursuites sont encore engagées. Le rapport a été publié sur le site Internet de la Campagne et la liste de distribution (listserve). Les personnes qui soutiennent la Campagne sont invitées à publier un lien vers ce rapport sur leurs sites Internet et listes de distribution, ainsi que toute autre nouvelle information qu’elles auraient reçue.

Remerciements Publié sous la direction de Marge Berer, éditrice, Reproductive Health Matters pour la Journée du 28 septembre 2013. Le Groupe de femmes et des prestataires en prison de la Campagne internationale et bien d’autres sources ont apporté leur contribution.

© 2013 Campagne internationale pour le droit des femmes à un avortement sûr

Les rapports publiés cités ici demeurent protégés par le droit d’auteur de la source originale. La permission de reproduire, de publier sur un site Internet ou de partager toute information figurant dans le présent rapport devra d’abord être obtenue des individus/groupes qui en sont les auteurs et, s’ils acceptent, ces individus/groupes et la Campagne internationale pour le droit des femmes à un avortement seront cités comme les auteurs de cette information. ______________________________________________________________________________

Prière d’envoyer toutes les informations complémentaires, nouvelles et données à : Marge Berer : [email protected] avec copie à l’ICMA : [email protected]

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Pour la Journée internationale d’action pour la dépénalisation de l’avortement, 28 septembre 2013

NOUS DEMANDONS :

· une recherche sur l’étendue des dénonciations, des investigations, du harcèlement et des poursuites que subissent les femmes et les prestataires de services d’avortement sûr dans tous les pays du monde ;

· une action légale pour obtenir la libération des personnes en prison ; · une politique nationale de santé fondée sur le principe de l’innocuité (« do no harm ») et de la

confidentialité, en vertu de laquelle les professionnels de santé sont tenus de ne pas dénoncer les femmes qui ont avorté ou les prestataires de services d’avortement sûr à la police ;

· l’arrêt des investigations, du harcèlement et des poursuites à l’encontre des professionnels de santé et de la fermeture des centres qui aident les femmes à obtenir des avortements sûrs et/ou assurent le traitement des complications de l’avortement à risque ;

· l’arrêt des investigations, des poursuites et de l’emprisonnement des femmes qui ont eu des fausses couches, des enfants mort-nés et des interruptions de grossesse ;

· l’examen par les cours constitutionnelles et d’autres organes juridiques des preuves et arguments juridiques montrant qu’il n’est pas de l’intérêt public de poursuivre les prestataires de services d’avortement sûr ou les femmes qui ont avorté ;

· la reconnaissance du fait que l’avortement clandestin et à risque est un problème majeur de santé publique (Conférence internationale sur la population et le développement, 1994) ;

· la reconnaissance que l’avortement légal et sûr est essentiel pour garantir le droit des femmes enceintes à la vie et la santé ;

· la dépénalisation de l’avortement ; et · l’accès universel à un avortement légal, pratiqué dans de bonnes conditions.

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Campagne internationale pour le droit des femmes à un avortement sûr c/o International Consortium for Medical Abortion, Chisinau, République de Moldova Courriel : [email protected]

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AMÉRIQUE LATINE 1. L’avortement n’est pas un crime Regardez ces films vidéo réalisés au Pérou, en Bolivie et en Équateur : http://ipas.org/en/What-We-Do/Advocacy/Abortion-Is-Not-a-Crime.aspx 2. Argentine En Argentine, 417 cas de femmes ou de prestataires arrêtés pour des avortements illégaux ont été identifiés de 1990 à 2008. En 2011, un cas concernait une jeune femme médecin, mère de deux enfants, qui a été arrêtée et a passé plus d’un an sous la menace de poursuites pénales car elle avait prescrit du misoprostol. Elle savait qu’il était illégal de prescrire du misoprostol en Argentine, mais la fillette enceinte âgée de 12 ans qu’elle traitait avait clairement indiqué qu’elle voulait interrompre la grossesse à n’importe quel prix. Les poursuites à l’encontre du médecin ont par la suite été abandonnées, mais elle a été stigmatisée et a vécu dans l’incertitude pendant plus d’un an. Les prestataires d’avortement ont été plus souvent les cibles de l’application de la loi que les femmes ayant avorté. D’après des données de 2002 à 2008, 80% des condamnations concernaient des personnels de santé, principalement des sages-femmes et des infirmières, et il y avait nettement plus d’arrestations que de condamnations. De 1996 à 2008, on a enregistré 234 condamnations pour le crime d’avortement au niveau national.

Kane G, Galli B, Skuster P. When abortion is a crime: the threat to vulnerable women in Latin America. Chapel Hill, NC: Ipas, 2013. http://www.ipas.org/~/media/Files/Ipas%20Publications/CRIMRPTE13.ashx?utm_source=resource&utm_medium=meta&utm_campaign=CRIMRPTE13 Des médecins font l’objet d’une enquête en Argentine pour avoir refusé de pratiquer un avortement légal en 2011 à l’hôpital San Martín, alors même qu’il avait été autorisé par un comité médical multidisciplinaire pour interrompre une grossesse qui menaçait la vie de la femme. La femme a été transférée dans un hôpital de Buenos Aires où elle a accouché du bébé par césarienne. Une semaine plus tard, elle a subi une hémorragie cérébrale qui lui a ôté l’usage de son bras et sa jambe gauches, ainsi que la capacité de déglutir et de parler. Après un an de rééducation, elle peut de nouveau marcher, parler et déglutir. Mais elle n’a pas récupéré l’usage de son bras gauche. Une plainte a été déposée par les représentants du Consortium national des droits sexuels et génésiques, au motif que le refus de l’hôpital de pratiquer l’avortement violait l’article 86 du code pénal, qui autorise l’avortement dans des cas spéciaux. Les médecins de l’hôpital ont avancé qu’ils ne se jugeaient pas assez expérimentés pour pratiquer l’avortement, compte tenu de l’état de la patiente, et qu’ils avaient décidé de la transférer pour faire évaluer son cas par des personnes plus expérimentées avec ce type de patiente. Une décision est attendue.

Investigarán a médicos por negarse a realizar un aborto. 22 février 2013. http://www.unoentrerios.com.ar/laprovincia/Investigaran-a-medicos-por-negarse-a-realizar-un-aborto--20130222-0003.html 3. Bolivie En Bolivie, de 2008 à 2012, des enquêtes de police ont été entamées dans 775 cas, même si peu d’entre elles ont abouti à des condamnations. D’après la loi bolivienne, les femmes qui sont enceintes par suite d’un viol doivent présenter une plainte pénale contre le coupable avant de pouvoir demander une autorisation judiciaire pour avorter. Mais les juges permettent rarement les avortements, en invoquant leur droit à l’objection de conscience. C’est presque toujours des femmes pauvres qui ont été dénoncées à la police. Les signalements étaient en général réalisés par un prestataire de santé, un parent, un partenaire ou le bureau d Procureur général. Dans certains

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cas, c’est l’Ombudsman pour les enfants et les adolescents qui a présenté une plainte au nom du fœtus. Les cas d’avortement traînaient pendant des mois, plaçant les femmes dans des limbes juridiques. Dans un cas troublant, une femme guarani âgée de 28 ans (« Helena ») vivant dans la ville de Santa Cruz est tombée enceinte suite à un viol. Elle a tenté de s’avorter elle-même à 24 semaines et a fini à l’hôpital avec de graves complications. Elle a été dénoncée à la police par son médecin, menottée au lit pendant les dix jours de son séjour à l’hôpital, maintenue en garde à vue, puis transférée en prison, où elle a été placée en détention préventive. Un appel contre l’ordre de détention a été rejeté. Des audiences ont été prévues et annulées ; le défenseur public ou le juge ne se présentaient pas. Helena a alors plaidé coupable du crime d’avortement et a été condamnée à deux ans de prison. Elle a été graciée par la justice. Au bout de huit mois, Helena a été relâchée.

Sur les quelque 67 000 avortements pratiqués en Bolivie en 2011, près de la moitié des femmes ont eu besoin de soins d’urgence après l’avortement. Sur les milliers de femmes demandant un traitement dans le même hôpital qu’elle, Helena a été la seule à aller en prison. D’après les dossiers judiciaires dans les villes de La Paz et Santa Cruz, de 2006 à nos jours, seul un avortement légal a été approuvé par un juge. Une enquête de police a déterminé que l’un des collègues d’Helena avait acheté les comprimés. La police a fait des descentes dans plusieurs pharmacies qui vendaient du misoprostol sans ordonnance Personne n’a été arrêté. Dans des dossiers du bureau du Ministère public de Santa Cruz datant de 2008, 80 cas d’avortements illégaux ont été enregistrés. Les poursuites ont toutes été abandonnées, soit parce que l’accusateur, en général le Ministère public ou un prestataire de soins de santé, n’avait pas donné suite, soit parce que la police ou le système judiciaire n’avait pas agi.

La Cour suprême bolivienne devait se réunir en juin 2013 pour examiner la constitutionnalité des lois nationales sur l’avortement. En effet, la nouvelle constitution interdit la discrimination fondée sur le genre et l’orientation sexuelle, et garantit les droits sexuels et génésiques. Un député autochtone récemment élu a contesté la constitutionnalité de plusieurs articles relatifs à des questions féminines, notamment l’article 263 qui pénalise l’avortement.

Kane G, Galli B, Skuster P. When abortion is a crime: the threat to vulnerable women in Latin America. Chapel Hill, NC: Ipas, 2013. http://www.ipas.org/~/media/Files/Ipas%20Publications/CRIMRPTE13.ashx?utm_source=resource&utm_medium=meta&utm_campaign=CRIMRPTE13

Kane G. The Atlantic. 24 juin 2013. http://www.theatlantic.com/international/archive/2013/06/after-jailing-women-bolivia-weighs-legalizing-abortion/277147/. 4. Brésil Au Brésil, entre 2007 et 2011 à Rio de Janeiro, 334 rapports de police ont concerné des femmes ayant avorté illégalement. Les dossiers des tribunaux de 2007 à 2010 montrent que 128 femmes ont été poursuivies. Dans un cas, une femme a été arrêtée à l’hôpital où elle avait demandé des soins après avoir avorté. Elle n’a pu payer la caution et est demeurée menottée sur son lit d’hôpital pendant trois mois. Dans un hôpital de Rio de Janeiro, le chef du département d’obstétrique a appelé la police après l’arrivée d’une femme qui avait provoqué une interruption de grossesse avec l’aide d’une amie. La femme qui avait avorté a été emprisonnée et le médecin a été appelé comme témoin à charge. Une mère de six enfants était au chômage et vivait dans la pauvreté. Comme condition pour suspendre la procédure, le Ministère public lui a interdit de fréquenter les bars ou de sortir après 22 heures, elle a dû s’inscrire dans un programme de planification familiale et il lui a été interdit de quitter l’État de Rio de Janeiro sans autorisation. L’ensemble du processus judiciaire a duré six ans depuis le début de l’enquête jusqu’à ce que le juge décide de clore le dossier.

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Les dossiers du système de justice pénale au tribunal étatique de Rio de Janeiro de 2007 à 2010 ont révélé 128 cas de femmes poursuivies pour des avortements illégaux. Sur ces affaires, trois seulement ont reçu des jugements basés sur les preuves plutôt que sur des motifs techniques ou de procédure. Seule une des trois accusées a été acquittée. La deuxième a été reconnue coupable et la troisième a été renvoyée en jugement par un jury. Trente-huit cas ont été abandonnés et les 87 autres étaient encore en instance en 2013.

La police a violé les droits de l’homme lorsque, à la recherche d’infractions à la loi sur l’avortement, elle a effectué une descente dans une clinique privée du Mato Grosso do Sul en 2007, où elle a confisqué les dossiers médicaux de plus de 9600 patientes, enfreignant leur droit à la confidentialité et au respect de la vie privée. La propriétaire de la clinique et une partie de ses collaborateurs ont été poursuivis pour avortement illégal, sur la base d’entretiens télévisés, alors que des documents et des équipements médicaux étaient saisis. En décembre 2009, la propriétaire de la clinique a été découverte morte dans sa voiture ; l’enquête de police a conclu qu’il s’agissait d’un suicide. Quatre collaborateurs de la clinique ont été poursuivis en 2010 et ont été condamnés à des peines de prison allant de quatre à sept ans pour avoir participé à 25 avortements. Les femmes qui avaient avorté ont décrit leur peur et leur honte et les réactions négatives de leur famille, de leurs collègues de travail et de leurs amis proches. Certaines ne l’avaient dit à personne. La descente de police dans la clinique a été largement couverte par les médias, mais la voix des femmes était notablement absente. Le cas du Mato Grosso a été suivi d’autres cas similaires. Des descentes de police dans des centres d’avortement clandestin dans différents États ont conduit à l’arrestation de femmes et de médecins qui ont été poursuivis en justice. En août 2009, par exemple, la police a fait une descente dans quatre dispensaires dans la ville de Rio de Janeiro. Ces événements sont peu connus au Brésil en dehors des États où ils se sont produits.

Kane G, Galli B, Skuster P. When abortion is a crime: the threat to vulnerable women in Latin America. Chapel Hill, NC: Ipas, 2013. http://www.ipas.org/~/media/Files/Ipas%20Publications/CRIMRPTE13.ashx?utm_source=resource&utm_medium=meta&utm_campaign=CRIMRPTE13 La police a identifié la femme enceinte âgée de 26 ans qui avait pris du misoprostol pour provoquer un avortement et avait ensuite enterré le fœtus dans le Cimetière du soldat. Le chef de la police qui dirigeait l’enquête a affirmé que la femme était étudiante à l’université et appartenait à la classe moyenne supérieure. Ils l’ont trouvée grâce à des renseignements anonymes et des recherches dans les hôpitaux de la ville. Dans sa déclaration à la police, elle a affirmé qu’elle était tombée enceinte en novembre 2010 et avait acheté un médicament abortif sur Internet en mai 2011, qu’elle avait pris à un peu plus de cinq mois de grossesse. Après avoir avorté, elle est tombée malade et a été conduite dans un hôpital de la ville où elle a avoué son acte au médecin. Le docteur n’a pas signalé l’incident à la police. Lors de son témoignage, elle a déclaré qu’elle avait enterré le fœtus dans le Cimetière du soldat pour qu’il ait de vraies funérailles et pour pouvoir lui rendre visite lors de la journée du souvenir. Elle devait être accusée du crime d’avortement, conformément à l’article 124 du code pénal, et risquait de un à dix ans de prison.

Polícia identifica universitária autora de aborto em Três Lagoas. Correiro do Estado, 25 août 2011. http://www.correiodoestado.com.br/noticias/policia-identifica-universitaria-autora-de-aborto-em-tres-la_122533/ La police a fait une descente dans un centre d’avortement samedi dernier dans le quartier de Bonsucesso, à Rio de Janeiro, après avoir reçu des informations indiquant que la clinique vendait aussi des médicaments. Si les avortements sont tolérés au Brésil par les forces de l’ordre, ils sont illégaux sauf si la vie de la femme est en danger, si elle est mineure ou si la grossesse est la conséquence d’un viol. La descente a eu lieu alors que trois avortements se déroulaient dans la clinique, d’après le site d’information en portugais Globo G1. Les trois femmes qui avortaient ont été

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relâchées sous caution et n’ont pas été inculpées. Onze employés de la clinique, le médecin pratiquant les avortements et un membre de la police militaire qui avait été engagé comme gardien de nuit ont comparu devant les tribunaux. Munie d’un mandat de perquisition, la police de Rio a aussi saisi des équipements médicaux et a informé que les 11 inculpés recevraient une amende pour conspiration en vue de distribuer des substances réglementées, trafic de drogues et pratique d’avortements illégaux. Le médecin risque jusqu’à trois ans de prison. Le nom de la clinique n’a pas été rendu public.

Rapoza K. Police raid Rio de Janeiro abortion clinic. Forbes blog, 6 janvier 2013. http://www.forbes.com/sites/kenrapoza/2013/01/06/police-raid-rio-de-janeiro-abortion-clinic/ En janvier 2013, un tribunal brésilien a décidé de relâcher la fille adolescente de la chanteuse portugaise Adelaide Ferreira, qui avait avorté au Brésil et avait été envoyée dans un foyer étatique pour jeunes filles pendant la durée de l’instruction de l’affaire, d’après la Division des affaires internes de la justice du Mato Grosso. Le juge pensait que la maison de la mère du petit ami de la jeune fille, où elle séjournait, n’était pas un environnement convenable puisque l’ami et sa mère étaient soupçonnés de l’avoir aidée à avorter. La veille, la mère de la jeune fille avait comparu devant le juge, chargé de la première chambre du tribunal pour enfants et jeunes de Cuiabá, Mato Grosso. Elle était accusée par la police civile de Cuiabá d’avoir tenté de dissimuler l’avortement de sa fille. La jeune fille a été libérée et expulsée vers le Portugal.

http://www.noticiasaominuto.com/fama/40688/filha-de-adelaide-ferreira-libertada-para-regressar-a-portugal#.UQgHmx1LO69. 5. El Salvador L’interdiction de l’avortement en El Salvador a provoqué l’emprisonnement injustifié de centaines de femmes accusées à tort d’avoir provoqué un avortement, alors qu’en fait elles avaient subi une fausse couche spontanée ou des complications obstétricales pendant la grossesse ou l’accouchement, affirment le Centre des droits reproductifs (CRR) et d’autres groupes de défense des droits. Les femmes qui ont des complications obstétricales sont immédiatement soupçonnées d’avoir avorté et sont traitées comme des criminelles. En vertu des lois salvadoriennes, les femmes qui interrompent volontairement une grossesse et les personnes qui les aident risquent jusqu’à huit ans de prison. Dans la pratique, certaines femmes sont poursuivies pour homicide aggravé, qui est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 30 ans.

Le CRR connaît le cas de 129 femmes qui ont été envoyées en prison jusqu’en 2011, initialement accusées d’avortement, puis jugées pour meurtre et condamnées à de longues peines ; 70% d’entre elles avaient moins de 25 ans, 60% avaient été dénoncées par des professionnels de santé dans les urgences et 23% avaient d’abord été accusées par des parents ou des voisins. On a enregistré beaucoup d’autres cas de femmes accusées et arrêtées, mais les faits manquaient pour prouver qu’elles avaient agi de manière répréhensible et, à nouveau, beaucoup n’avaient même pas provoqué d’avortement.

Depuis que l’avortement est devenu illégal en El Salvador en 1998, 628 femmes ont été incarcérées pour avoir avorté, d’après le groupe local de défense des droits Citoyens pour la dépénalisation de l’avortement. En 2010, le cas de Manuela a montré comment les femmes finissent par payer de leur vie l’interdiction absolue de l’avortement dans le pays. Manuela, qui souffrait d’un lymphome de Hodgkin à un stade avancé, a été condamnée à 30 ans de prison après avoir subi de graves complications lors de l’accouchement. D’après le Centre des droits reproductifs, qui a fait campagne en son nom, les médecins l’ont traitée comme si elle avait tenté d’avorter et ont immédiatement appelé la police. Elle a été menottée à son lit d’hôpital et accusée de meurtre. Manuela n’a pas reçu de traitement médical approprié pour son lymphome et est morte moins d’un an après avoir été

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emprisonnée, laissant derrière elle deux jeunes enfants. Son cas a été présenté à la Commission interaméricaine des droits de l’homme en 2012.

La décision d’El Salvador de refuser un avortement à une femme malade qui portait un fœtus moribond et gravement malformé met en lumière les lois draconiennes de la région en la matière, des lois qui mettent la vie des femmes en danger et les conduisent en prison. La Cour suprême du pays a décidé la semaine dernière qu’une femme âgée de 22 ans, connue sous le nom de Beatriz, qui souffrait d’un lupus et était enceinte d’un fœtus anencéphalique, ne pouvait pas avorter. En réponse, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné à El Salvador d’autoriser Beatriz à avorter. L’opération a été encore retardée. Finalement, dans la 27e semaine de grossesse, le bébé a été retiré chirurgicalement pour sauver la vie de la mère et « éviter d’enfreindre la loi ». Les médecins dans le pays définissent l’avortement comme une interruption de grossesse seulement jusqu’à 20 semaines ; après ce délai, il s’agit d’un accouchement prématuré, et non plus d’un avortement. D’après le Centre des droits reproductifs, au moins 120 femmes salvadoriennes ont été jugées entre 2000 et 2011, accusées du crime d’avortement ou d’homicide aggravé en rapport avec le décès d’un fœtus. Trente-huit d’entre elles ont été condamnées.

En août 2012, « Mery », une jeune handicapée mentale de 27 ans a été condamnée à deux ans de prison pour avoir provoqué un avortement et elle a été envoyée le jour même à la prison pour femmes d’Ilopango. Elle a tenté de se suicider quelques jours plus tard en s’ouvrant les veines avec un clou rouillé qu’elle avait trouvé par terre. Depuis lors, Mery séjourne dans le département psychiatrique de l’hôpital Policlínico Arce sous la surveillance de policiers armés 24 heures sur 24, ce qui l’empêche de recevoir la visite de son avocat et de sa famille, et a eu des répercussions négatives sur sa guérison. Le Centre des droits génésiques, avec l’organisation salvadorienne locale Agrupación Ciudadana por la Despenalización del Aborto Ético, Terapéutico y Eugenésico, a présenté une demande de mesures provisoires au nom de Mery en octobre 2012, devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, demandant un traitement humain et attirant l’attention sur les conséquences d’une interdiction absolue de l’avortement sur la vie des femmes salvadoriennes.

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La Commission a demandé à l’État de démontrer quelles mesures avaient été prises pour protéger Mery. Le juge assigné par l’État pour examiner l’affaire a déterminé que Mery risquait de faire une nouvelle tentative de suicide en prison et l’a graciée en mars 2014. http://www.trust.org/item/20130604043507-l4670/?source=dpagehead

http://www.corteidh.or.cr/docs/medidas/B_se_01.pdf http://www.nytimes.com/2013/06/05/world/americas/woman-who-sought-abortion-in-el-salvador-delivers-baby.html?_r=0 Salvadoran woman imprisoned for abortion pardoned and freed. Center for Reproductive Rights, 18 mars 2013. http://reproductiverights.org/en/press-room/salvadorian-woman-imprisoned-for-abortion-pardoned-and-freed

6. Mexique En 2009, la jeune Hilda, âgée de 18 ans, disposant de faibles ressources, a été accusée d’avortement clandestin par le personnel de santé après avoir demandé des soins dans un hôpital gouvernemental pour une hémorragie provoquée par le portage de lourds seaux d’eau. L’accusation se fondait sur la confession qu’elle avait été forcée de faire en échange du traitement qui lui a sauvé la vie dans l’hôpital public, sans la présence d’un avocat. Plusieurs heures après avoir été traitée pour faire cesser les saignements, elle a été arrêtée. Le ministère public a n’a pas prouvé que l’avortement avait été provoqué et a relâché Hilda, mais en 2013, un juge a ordonné son arrestation et en avril 2013, elle a été reconnue coupable d’avortement illégal, en dépit du manque de preuves. C’est une constante que le GIRE (Grupo por Informatión y Reproducción Elegida) a mise en évidence.

Dans 27 États fédéraux, l’avortement est un crime, mais qui n’est pas classé comme grave. Par conséquent, les femmes peuvent demeurer en liberté pendant l’instruction de l’affaire. Pour ce faire, elles doivent néanmoins verser une caution. Le montant de la caution dans les cas examinés par le GIRE va de 1000 à 197 000 pesos. Beaucoup des femmes qui sont jugées ont peu de moyens et ne peuvent pas trouver une telle somme. Dans les cinq États fédéraux où l’avortement est considéré comme un crime grave, les femmes sont détenues tout au long de l’instruction. Les données sur les procès pénaux pour avortement d’après les dossiers judiciaires des États indiquent qu’entre 2007 et 2012, 171 femmes ont été placées en détention, dont 151 ont été jugées et 127 condamnées. Néanmoins, sur les 32 États fédéraux, seuls dix possédaient des informations sur les détentions provisoires, 14 sur le nombre de femmes jugées et 20 sur le nombre de condamnations. Le nombre de femmes dénoncées à la police a augmenté ces dernières années, depuis que beaucoup d’États mexicains ont durci leurs lois sur l’avortement. Le GIRE enregistre et documente les cas, 30 jusqu’à présent. Habituellement, il en a connaissance par la presse, ou également par le biais d’alliés au niveau des États. Il participe à la procédure judiciaire qui a commencé pour six affaires. La plupart des femmes sont extrêmement pauvres et elles ont été dénoncées par les prestataires de santé dans les hôpitaux publics. On a fait pression sur elles pour qu’elles « confessent » leur acte et le traitement des complications de l’avortement a été retardé tant qu’elles n’avaient pas avoué. Elles ont souvent été maltraitées physiquement et verbalement par la police qui a aussi violé les principes du système de justice. Le GIRE a réalisé un documentaire exposant quatre cas de femmes qui ont été inculpées, mais n’ont pas encore été condamnées. Le procès de l’une des femmes a eu lieu récemment ; elle a été condamnée à un an de prison et elle a fait appel. Le GIRE a recueilli plus de 25 000 signatures dans une pétition en sa faveur et il essayera de faire annuler sa peine.

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Sur la base de l’historique des 26 femmes jugées entre 2011 et 2013, le GIRE a découvert les points suivants : · la majorité d’entre elles avaient peu d’argent et n’étaient guère instruites ; · la plupart des femmes avaient été dénoncées au Ministère public par le personnel hospitalier

(infirmières, médecins, travailleurs sociaux) en violation du principe de confidentialité médecin-patient ;

· les femmes ont déclaré que les médecins et la police avaient fait pression sur elles pour qu’elles avouent, dans certains cas comme condition pour recevoir un traitement médical, dans d’autres cas encore sous l’effet de l’anesthésie ;

· les femmes avaient été maltraitées physiquement et verbalement par le personnel de santé et les accusateurs ;

· les principes de justice avaient été violés dans la majorité des cas : les femmes n’ont pas été informées des charges retenues contre elles, pas plus qu’on ne leur a dit qu’elles avaient le droit de garder le silence et d’être représentées par un avocat.

Omisión e indiferencia - derechos reproductivos en México. GIRE, 2013. http://informe.gire.org.mx/

Les organisations de la société civile affirment que parmi les prisonnières, de nombreuses femmes ont subi un avortement spontané dû à la maladie, à la malnutrition ou au travail des champs dans des conditions malsaines ; elles ont néanmoins été arrêtées et condamnées à des peines pouvant aller jusqu’à 35 ans de prison.

La décision de sanctionner ou non les femmes pour le crime dépend de l’opinion du procureur sur l’avortement. Le Centro Las Libres a mis en évidence de nombreux cas dans les régions autochtones de Guerrero, Veracruz, San Luis Potosi et Guanajuato, dans des municipalités marginalisées, où « les femmes n’ont jamais la possibilité de prouver leur innocence ».

http://www.bbc.co.uk/mundo/noticias/2013/08/130802_mexico_mujeres_encarceladas_aborto_hilda_embarazo_mexicanas_an.shtml Au Mexique, le Centro Las Libres travaille depuis plusieurs années pour enquêter, documenter et défendre les cas des femmes poursuivies pour avortement et d’autres délits liés, par exemple « homicide d’un parent consanguin qui est le produit de la conception ».

Dans l’État de Guanajuato, Las Libres a répertorié 168 cas de femmes poursuivies pour avortement de 2000 à 2008 ; pendant cette même période, 11 femmes ont été incarcérées pour le crime d’avortement, avec des peines allant de neuf mois à deux ans et neuf mois. Elles ont dû verser une caution d’un montant moyen de 10 000 pesos, afin de purger leur peine hors de prison.

De 2000 à 2010, Las Libres a enquêté et étayé avec des documents la situation de neuf femmes emprisonnées pour le crime « d’homicide d’un parent consanguin qui est le produit de la conception ». L’organisation a aussi assuré la défense de ces femmes qui, en réalité, avaient avorté spontanément. Toutes vivaient dans une extrême pauvreté dans les zones les plus marginalisées de l’État, et travaillaient comme journalières dans l’agriculture. Elles n’avaient pas accès à l’éducation ni aux services de santé. Ces femmes ont été condamnées, en moyenne, à 27 ans et ont purgé, en moyenne, six ans en prison. En septembre 2010, les efforts de défense de Las Libres ont permis de libérer les femmes même si les condamnations n’ont pas été supprimées de leur casier judiciaire.

De 2010 à 2013, 35 autres femmes ont fait l’objet d’une enquête criminelle pour avortement dans l’État de Guanajuato. L’assistance juridique de Las Libres a évité à cinq d’entre elles d’aller en prison. Elles ont aussi été déclarées innocentes de tout acte criminel. Pendant la même période, Las Libres a défendu des femmes accusées d’avortement et d’homicide d’un parent consanguin, ainsi que le

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partenaire d’une femme dans l’État de San Luis Potosí qui avait été incarcéré pour crime d’avortement. En 2012, il a été déclaré innocent et sa partenaire a été relâchée après neuf mois de prison. Las Libres a défendu une femme incarcérée pour avortement dans l’État de Veracruz, ainsi que d’une femme autochtone très pauvre dans l’État de Guerrero, emprisonnée pour l’homicide d’un parent consanguin, et a obtenu leur libération. Une autre femme autochtone dans l’État de Guerrero demeure sous les verrous avec une peine de 25 ans pour homicide de parent consanguin. Elle est défendue par Las Libres et son affaire est maintenant examinée par la Cour suprême de la Nation. Les caractéristiques générales de toutes les femmes qui ont été définies comme criminelles sont qu’elles sont pauvres et issues des zones rurales. Beaucoup d’entre elles sont aussi d’origine autochtone. Ce n’est pas un hasard si ces femmes reçoivent les peines les plus lourdes et n’ont pas accès à une défense adéquate, dans le respect des principes du droit. Toutes les femmes ont été dénoncées par les prestataires de soins de santé qui travaillent dans des hôpitaux publics, notamment des médecins, des infirmières et des travailleurs sociaux, dont le rôle devrait être de protéger et de sauver la vie des femmes.

Las Libres travaille sans relâche pour dépénaliser l’avortement au Mexique. L’organisation estime que nulle femme ne doit être qualifiée de criminelle pour avoir avorté ou pour toute autre raison liée à l’avortement, qu’il soit induit ou spontané. Las Libres affirme clairement que l’avortement n’est pas un acte criminel et ne devrait pas être défini comme tel. Le centre travaille pour montrer les coûts sociaux et économiques élevés qui sont encourus quand l’avortement est considéré comme un crime.

http://laslibres.org.mx/english/; http://www.laslibresmovie.com/

Puebla est l’État mexicain qui se classe en troisième position pour le nombre de personnes incarcérées pour avortement entre 2009 et 2012 au niveau national, avec huit femmes et trois hommes, d’après l’Instituto Nacional de Estadística, Geografía e Informática. Baja California et Jalisco avaient 15 et 13 cas respectivement. Dans le reste des États, Hidalgo comptait dix personnes sous les verrous, Michoacán neuf, l’État de Mexico sept, Chiapas et Sonora cinq chacun, alors que Quintana Roo et le District fédéral en avaient quatre chacun.

Deux cas ont été mis en évidence : Sofía, âgée de 20 ans, qui a été accusée par un travailleur social d’avoir provoqué un avortement avec du misoprostol. Sofía a dû verser une caution pour obtenir sa libération provisoire. Le ministère public local a décidé de ne pas la poursuivre au pénal par manque de preuves et a fermé le dossier. Et Laura, âgée de 22 ans, qui est arrivée aux urgences de l’hôpital local et a été de même accusée d’avoir utilisé du misoprostol pour avorter. Elle a été placée en garde à vue pendant les cinq jours de son hospitalisation, inculpée et présentée au tribunal où les poursuites ont été abandonnées par le juge faute de preuves.

En 2009, le parlement local a amendé la Constitution de l’État pour inclure la protection de la vie « depuis la conception jusqu’au décès naturel ». Le code de défense sociale de Puebla (article 343) prévoit néanmoins que l’avortement n’est pas punissable lorsque la grossesse résulte de l’imprudence de la femme enceinte ou d’un viol ou en cas d’anomalie du fœtus.

http://www.diariocambio.com.mx/2013/secciones/especial/item/21734-puebla-el-tercer-estado-con-m%C3%A1s-encarcelados-por-aborto

7. Nicaragua Karina, mère de trois enfants, a été arrêtée après avoir été trouvée se vidant de son sang suite à un avortement à risque. Elle était tombée enceinte après avoir eu une ligature des trompes. Sa mère lui avait dit qu’elle ne la laisserait pas rentrer chez elle si elle était de nouveau enceinte, et elle avait tellement honte qu’elle n’a avoué son secret à personne. La police a déterminé qu’elle avait

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provoqué un avortement et elle a été poursuivie et condamnée à 30 ans de prison sans jamais être autorisée à parler à un avocat, ou à témoigner. Ipas, le Centre des droits reproductifs et plusieurs autres ONG ont travaillé avec Karina pour demander une révision de son procès. Avec une représentation légale et la recherche de preuves qu’on lui avait refusée huit ans auparavant, ils ont obtenu sa liberté. Mais d’autres femmes continuent d’être soupçonnées et harcelées lors de complications de la grossesse : près de 600 femmes au Nicaragua faisaient l’objet d’une enquête ou de poursuites pour avortement présumé en 2012.

Blandón MM. How many Amalias, Karinas, and Savitas must there be? Las Savitas de Centroamérica. Ipas Central America. RH Reality Check, 28 novembre 2012. http://rhrealitycheck.org/article/2012/11/28/savitas-central-america-las-savitas-de-centroam%C3%A9rica/

8. Pérou La confidentialité est reconnue au Pérou et protégée par la Constitution, mais la Loi générale sur la santé, à l’article 30, force les médecins à notifier les avortements illégaux avérés ou suspectés. Cela oblige les médecins à agir comme des policiers, transformant les hôpitaux en lieux de détection des crimes.

On estime que 35 000 grossesses se produisent chaque année au Pérou suite à un viol. Les femmes et les jeunes filles n’ont que deux options : avorter clandestinement et risquer la prison, ou mener la grossesse à terme et subir le traumatisme de donner naissance à l’enfant du violeur. Les femmes qui peuvent prouver qu’une grossesse résulte d’un viol reçoivent une peine « réduite » de trois mois de prison (la peine habituelle pour un avortement illégal est de deux ans de prison). Paradoxalement, cette sanction réduite ne s’applique pas aux femmes mariées qui sont violées par leur mari, même si le viol conjugal est un crime au Pérou. Les médecins qui pratiquent un avortement en cas de viol sont passibles de six ans de prison. Une coalition de groupes de défense des droits des femmes, dirigée par PROMSEX, Demus, Catholics for the Right to Decide-Pérou, Manuela Ramos, CLADEM-Pérou et Flora Tristan, en partenariat avec l’IWHC, a lancé sous le slogan Dejala Decidir (« Laissez-la décider) une campagne pour la dépénalisation de l’avortement en cas de viol (actuellement, l’avortement n’est autorisé que lorsque la vie ou la santé de la femme est en danger). Elle a besoin de 60 000 signatures valables pour présenter une pétition afin que le Congrès examine le projet de loi.

Girard F. News: In Peru, an epidemic of rape and double jeopardy for rape victims seeking abortion. RH Reality Check. Décembre 2012.

https://www.facebook.com/dejaladecidir CARAÏBES 1. Jamaïque La police inculpe un médecin soupçonné d’avoir pratiqué un avortement La police jamaïcaine a arrêté et inculpé un médecin soupçonné d’avoir pratiqué un avortement sur une fillette âgée de 12 ans. L’avortement est illégal en Jamaïque, comme dans beaucoup d’autres pays des Caraïbes et de l’Amérique latine. Une déclaration de la police jeudi dernier identifie le médecin comme Lloyd Goldson, médecin respecté qui a été honoré pour son travail par l’Ordre américain des gynécologues et obstétriciens. La mère de l’adolescente a aussi été inculpée. Sa fille était enceinte de quatre mois. Certains responsables de la santé ont avancé que la Jamaïque devrait légaliser l’avortement jusqu’à 22 semaines de grossesse.

Associated Press. 12 juillet 2012. URL original, qui n’est plus disponible :

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www.newsday.com/news/world/jamaica-police-charge-doctor-in-alleged-abortion-1.3834797 2. République dominicaine En 2013, Women's Link Worldwide et la Colectiva Mujer y Salud ont engagé des poursuites en République dominicaine au nom de Rosa Hernández, qui demande justice par le biais du système judiciaire pour la mort de sa fille Esperancita et qui souhaite des mesures pour éviter des cas similaires. Esperancita est morte pendant un débat national sur le droit à l’avortement en août 2012, après s’être vu refuser un traitement approprié pour une leucémie aiguë. La maladie a été diagnostiquée alors qu’elle était enceinte de sept semaines et comme l’avortement est totalement interdit en République dominicaine, elle n’a pas pu avoir l’avortement thérapeutique ni le traitement dont elle avait besoin, qui aurait pu nuire au fœtus. Les circonstances entourant son décès ont été marquées par un manque d’information, un traitement dégradant et le refus répété de l’hôpital de soigner les symptômes de plus en plus douloureux dont elle a souffert avant sa mort, au motif que tout traitement compromettrait le développement fœtal. Le fœtus est pourtant mort avec elle.

http://us5.campaign-archive2.com/?u=8416da9df57d4044c795f3fcb&id=7aeae58f78&e=f507b03666

Photo prise lors de la conférence de presse, de gauche à droite : représentante de la Colectiva Mujer y Salud, mère d’Esperancita et avocate principale de Women's Link

AFRIQUE 1. Rwanda En juin 2012, une nouvelle loi sur l’avortement est entrée en vigueur au Rwanda dans le cadre d’un examen plus général du Code pénal rwandais. Il s’agissait là d’une mesure importante dans un pays où il était auparavant tabou ne serait-ce que de parler de l’avortement. Le Mouvement d’action des jeunes rwandais a décidé de travailler sur l’avortement à risque au titre du projet Rutgers du PAM et a recueilli des données sur l’ampleur de l’avortement à risque et des témoignages de jeunes rwandaises en prison pour avortement. Il a organisé des débats, des exercices de clarification des valeurs, des entretiens et une enquête dans quatre universités. Il a aussi lancé une pétition pour une réforme législative, produit du matériel de sensibilisation et collaboré avec les médias. Enfin, il a rencontré les représentants de ministères, les conseils nationaux des femmes et des jeunes et des parlementaires, autant de personnalités qui ont joué un rôle central dans le plaidoyer pour un amendement de la loi, qui a été révisée lors de l’examen du code pénal en juin 2012. Néanmoins, les

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femmes interrogées sont encore en prison et le mouvement envisage de mener une campagne pour les faire libérer ; de plus, la loi demeure restrictive.

Toutes les jeunes filles interrogées, qui avaient déjà passé plusieurs années sous les verrous, étaient tombées enceintes à l’adolescence, et plusieurs étaient orphelines. L’une avait été engrossée par un enseignant, dénoncée à la police par son frère et incarcérée pendant neuf ans. L’autre avait été mise enceinte par un responsable local ; l’oncle de la jeune fille, qui était médecin, l’avait aidée à interrompre la grossesse. La jeune fille, son oncle et ses parents avaient été envoyés en prison. Une autre adolescente avait été engrossée par le mari dans la famille où elle travaillait comme femme de ménage. La plupart avaient été dénoncées par les hôpitaux qui les avaient soignées. Le code pénal amendé permet à une femme d’avorter si elle a été victime d’un inceste, d’un viol, d’un mariage forcé ou si la grossesse constitue une menace pour sa santé. Toutefois, cette possibilité est subordonnée à la présentation d’un certificat délivré par un tribunal à son médecin. Mais depuis les amendements, le code pénal prend rapidement la poussière : en effet, plus d’un an après, aucun cas connu n’a été enregistré auprès des tribunaux. Tom Mulisa, un avocat citadin qui a défendu des affaires d’avortement, affirme que beaucoup de gens ignorent les procédures légales concernant la clause d’avortement. Il note que personne n’a réellement pris contact avec les tribunaux pour un ordre légal d’avortement car il est nécessaire de s’assurer les services d’un avocat, qui peuvent être onéreux pour la plupart des gens ordinaires. Les experts reconnaissent que les chiffres sur les décès liés à l’avortement augmentent, dénotant probablement un problème avec la loi. « Cet ordre légal d’autorisation… semble un obstacle aux bonnes intentions de la loi car l’avortement à risque se poursuit illégalement. Par exemple, le mois dernier, le tribunal a condamné à cinq ans de prison une femme qui a plaidé coupable d’avortement. Pendant l’audience, elle a confessé qu’elle ignorait les exigences légales pour pouvoir pratiquer un avortement. » Umuhoza C, Oosters B, van Reeuwijk M, et al. Advocating for safe abortion in Rwanda: how young people and the personal stories of young women in prison brought about change. Reproductive Health Matters 2013;21(41):49-56. http://www.rhm-elsevier.com/article/S0968-8080(13)41690-7/abstract

Umutesi D. Rwanda: Abortion - when it's down to court order. 28 août 2013. http://allafrica.com/stories/201308290825.html?viewall=1 2. Kenya La Reproductive Health Alliance s’est d’abord formée au Kenya en raison des poursuites à l’encontre du Dr John Nyamu, un médecin très respecté dans le pays qui était accusé de pratiquer des avortements illégaux et qui a été arrêté. Une vaste campagne a été organisée autour de cet événement. D’après un entretien qu’il a accordé à l’Ipas : « [Avant la réforme constitutionnelle de 2011] la plupart des agents de santé avaient peur d’en parler ouvertement. L’avortement n’était jamais pratiqué dans les hôpitaux publics à moins que la vie de la femme ne soit en réel danger. Même alors, c’était très bureaucratique puisqu’un médecin ne pouvait réaliser la procédure qu’avec l’autorisation écrite de deux autres médecins, dont un psychiatre et un chef de service dans l’hôpital. Les avortements étaient menés par dilatation et curetage ou par induction. En réalité, ces avortements légaux étaient pratiqués presque exclusivement à l’hôpital national Kenyatta et dans les hôpitaux provinciaux, mais très rarement dans les hôpitaux de district.

Dans certains services hospitaliers, les femmes qui avaient avorté clandestinement étaient traitées pour des lésions utérines et intestinales dues à des perforations, elles contractaient une septicémie, des atteintes cérébrales et beaucoup d’entre elles succombaient. L’avortement était entouré de secret, les femmes avortaient tard. La sanction pour un médecin ayant pratiqué un avortement [illégal] était de 14 ans [de prison] ; les pharmaciens pouvaient être emprisonnés pendant trois ans

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pour avoir donné des médicaments abortifs et les femmes elles-mêmes risquaient sept ans de prison pour avoir interrompu une grossesse.

Certaines cliniques privées assuraient des avortements sans risque. Elles étaient régulièrement harcelées par la police locale, habituellement par extorsion. Elles faisaient office de distributeurs personnels d’argent pour la police. Un policier disait : « je suis à court d’argent, donne-moi ton argent ou je t’arrête ». Tout le personnel, y compris les infirmières et les médecins, et les femmes voulant avorter, pouvaient être arrêtés. En raison de la peur qui régnait, les prestataires continuaient de leur céder pour gagner leur liberté.

Q : Votre affaire a été révélée par un article du Centre des droits reproductifs en 2010, « In Harm’s Way: the Impact of Kenya’s Restrictive Abortion Law ». Pouvez-vous nous décrire brièvement ce qui est arrivé ?

En 2004, [des données] ont montré des tendances inquiétantes et les conséquences de l’avortement à risque au Kenya. Cela a été suivi d’une répression majeure des cliniques et une chasse aux femmes qui avaient avorté ; certaines cliniques ont été fermées et j’ai été visé. On a trouvé 15 fœtus le long d’une route principale avec certains documents provenant d’un hôpital où j’avais travaillé précédemment, mais qui avait depuis fermé. La police a fait une descente dans ma clinique et m’a arrêté, avec deux infirmières. Ces opérations semblaient très bien organisées et tous les médias, presse, radio et télévision, se sont fait l’écho de l’affaire. Quand on nous a demandé de verser des pots-de-vin, nous avons refusé car nous savions que les fœtus ne venaient pas de notre clinique et les documents avaient été mis volontairement sur la route. Nous avons été emprisonnés. [Note de l’éditeur : les examens pathologiques ultérieurs ont révélé que les fœtus étaient mort-nés et non avortés.] Tous les trois, nous avons été inculpés de deux chefs d’accusation de meurtre, plutôt que d’un acte spécifiquement relatif à l’avortement. Puisqu’il est impossible de verser une caution en cas d’inculpation de meurtre au Kenya, nous avons dû rester en détention avant notre procès. Nous avons tous passé une année sous les verrous. L’une des infirmières était enceinte de six mois et a accouché en prison. L’une des infirmières travaille encore pour moi et l’autre a obtenu sa carte verte et a depuis émigré aux États-Unis. Un gynécologue chef de service a été prié par le Directeur des services médicaux du Ministère de la Santé d’accompagner la police et d’inspecter les deux cliniques gérées par les Reproductive Heath Services. L’objet de l’inspection était de vérifier s’il y avait des équipements abortifs. Il a témoigné devant la cour que les deux centres disposaient d’équipement que l’on trouve normalement dans le cabinet d’un gynécologue et qu’il aurait été surpris s’il ne l’y avait pas trouvé puisqu’il utilisait le même dans son travail. Le département d’analyse scientifique de la police a recherché de l’ADN sur le matériel de la clinique. L’ADN a été prélevé sur des instruments ou équipement portant du sang, même les couches et les blouses de laboratoire ont été confisquées. Les résultats du chimiste public ont révélé que l’ADN des fœtus trouvés sur la route n’avait pas de lien avec les spécimens sanguins prélevés à la clinique. Le médecin a également constaté que la clinique était dûment enregistrée et que tout le personnel avait des autorisations adaptées et à jour. L’affaire a été jugée sans fondement. Avec cette décision, le Procureur général a décidé de ne pas poursuivre l’action en justice, faute de preuves. J’ai été détenu à la prison Kamiti Maximum, où sont incarcérés les criminels endurcis. J’ai été confiné dans une petite cellule pendant une année entière. Je me suis vraiment senti persécuté, mais, comme je l’ai dit, ce sacrifice en valait la peine. Les médias ont parlé presque chaque jour de mon arrestation et emprisonnement. Cette couverture médiatique a permis aux gens de comprendre l’ampleur et les conséquences de l’avortement à risque au Kenya, avec de très nombreux décès de

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femmes. Avant cette affaire, on ne parlait jamais de l’avortement en public. Il n’y a que près de 250 gynécologues/obstétriciens au Kenya. Dans certains districts, il n’y en a aucun. La sensation médiatique qui a entouré cette affaire a incité la Société kényenne de gynécologie et d’obstétrique, l’Association nationale des infirmières du Kenya, la Fédération des femmes juristes, les défenseurs des droits de l’homme, les organisations des droits des femmes et beaucoup d’autres à former une alliance de défenseurs des droits de santé génésique, qui fonctionne encore aujourd’hui, appelée l’Alliance pour la santé et les droits génésiques. J’ai depuis lors attaqué le Gouvernement pour poursuites abusives et détention préventive d’un an. L’affaire est instruite depuis six ans sans qu’une audience n’ait encore été fixée. »

INTERVIEW : Dr John Nyamu, du Kenya, sur les raisons pour lesquelles il a passé un an en prison. Ipas : Medical Abortion Matters, novembre 2012. http://www.ipas.org/~/media/Files/Ipas%20Publications/MAMattersNov2012.ashx 3. Malawi En novembre 2012, le Service de police du Malawi à Mzuzu a appréhendé une jeune femme âgée de 28 ans et l’a détenue pour avoir avorté à quatre mois de grossesse. Un porte-parole de la police de Mzuzu a indiqué dans un journal que cette femme était mariée à un homme qui vivait en Afrique du Sud où il avait émigré en 2009 à la recherche d’un emploi. Elle a déclaré à la police que deux ans auparavant, elle croyait que son mari avait épousé une autre femme en Afrique du Sud. Elle avait une liaison avec un autre homme et était tombée enceinte. Après avoir appris le retour de son mari, elle avait décidé de rompre avec l’autre homme et d’avorter. La police a apparemment reçu une information sur l’avortement et l’a arrêtée après un examen médical qui a indiqué une « fausse couche forcée ». Au moment de la rédaction de l’article, elle était encore suivie médicalement et devait comparaître devant le tribunal pour répondre de l’accusation d’avortement en vertu de la section 157 du code pénal.

Malawi police arrest woman for abortion, another for drugs. Nyasa Times, 11 novembre 2012. http://www.nyasatimes.com/malawi/2012/11/11/malawi-police-arrest-woman-for-abortion-another-for-drugs/ L’Ipas Malawi a réalisé une étude pour déterminer combien de femmes étaient réellement en prison et si certaines avaient subi des violations de leurs droits fondamentaux. Une femme qui avait été arrêtée en 2011 et avait comparu en justice avait été emprisonnée pour attendre le procès, mais elle avait été oubliée sous les verrous pendant deux ans sans jugement, et un ordre de libération avait été ignoré. L’Ipas a suivi l’affaire et a obtenu sa libération. Il y avait également le cas d’une femme qui avait été arrêtée parce qu’elle avait des règles abondantes et qu’on l’avait accusée d’avoir avorté. L’Ipas Malawi a mis en évidence une trentaine de cas où les femmes avaient été visées par leur communauté et d’autres qui les avaient dénoncées à la police afin de les blâmer et les stigmatiser pour avoir avorté. 4. Nigéria Une jeune fille de 15 ans est morte par suite des complications d’un avortement à risque prétendument organisé par son petit ami et ses parents dans l’État de Lagos. Ses parents et le fiancé

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ont été arrêtés. L’adolescente avait été emmenée voir un charlatan qui lui avait donné une concoction à boire et avait inséré un objet dans son ventre pour interrompre la grossesse. Elle a commencé à saigner abondamment et est morte. Les voisins ont signalé l’affaire à la police. Les trois personnes ont été arrêtées et transférées devant le Département local des homicides. Elles ont été accusées de conspiration et meurtre et elles ont comparu devant le Président du tribunal. Lors de l’inculpation, leurs arguments n’ont pas été pris en compte. Le Président du tribunal a ordonné que le petit ami soit placé en détention provisoire. Les parents de la jeune fille ont été libérés après versement d’une caution de N200 000 avec deux garanties d’une même valeur, dans l’attente de l’avis du Département des poursuites publiques.

Izuekwe C. Abortion: father, mom charged over daughter’s death. PM News Nigeria. 13 mars 2013. http://pmnewsnigeria.com/2013/03/13/abortion-father-mom-charged-over-daughters-death/ En 2004, Amnesty International a publié un rapport sur la peine capitale au Nigéria, dont une partie concernait des femmes accusées d’homicide pour avoir avorté clandestinement. L’enquête a révélé que les femmes pauvres et analphabètes vivant dans les zones rurales qui ne se conformaient pas aux normes sociales et avaient eu une grossesse hors mariage semblaient particulièrement à risque d’être passibles de la peine capitale dans l’ensemble du système pénal nigérian. Le rapport incluait des cas de femmes qui étaient accusées ou condamnées pour des actes relatifs à l’avortement passibles de la peine capitale.

En mars 2003, Amnesty a interrogé plusieurs détenues à la prison de Katsina, dans l’État de Katsina, et une femme dans la prison de Sokoto, dans l’État de Sokoto. L’une des femmes n’avait pas encore été jugée, trois avaient été condamnées à la peine capitale pour homicide volontaire, deux en vertu du code pénal et une selon le code pénal inspiré de la charia à Katsina. Presque toutes les femmes interrogées ont affirmé qu’elles étaient illettrées et beaucoup avaient été mariées à un très jeune âge. Sur tous les cas de femmes accusées ou condamnées pour des actes relatifs à l’avortement, deux seulement des pères présumés ont été tenus pour responsables de la grossesse ou de l’avortement présumé et inculpés ou condamnés sur la même base que la femme.

RM, âgée de 23 ans, a été mariée à 10 ans et elle est analphabète. D’après sa déclaration, elle a été accusée d’avoir tuée son bébé, mais elle a affirmé à la délégation qu’elle avait accouché du bébé après avoir eu des douleurs à l’estomac et qu’elle avait ensuite été transférée à l’hôpital car elle souffrait de complications après l’accouchement. Pendant ce temps, la mère de RM s’occupait du bébé. Alors qu’elle était encore à l’hôpital, on lui a annoncé que le bébé était mort. Son mari aurait présenté une plainte à la police, qui l’a ensuite arrêtée et elle était en prison depuis plus d’un an au moment de l’entretien. Après son divorce, IJ, âgée de 35 ans, a conçu un bébé hors mariage. D’après son témoignage à Amnesty, elle a accouché d’un bébé mort-né au huitième mois de grossesse. Un villageois a rapporté l’accouchement au chef traditionnel, qui l’a signalé à son tour à la police. IJ a déclaré qu’elle était seule lors de la naissance. On ignore si elle a réellement apposé son empreinte digitale sur une déclaration et si elle a été correctement informée des charges qui pèsent sur elle. Elle n’a pas été assistée par un avocat ni au poste de police ni pendant le procès. La police aurait caché au tribunal des preuves médicales qui corroboraient sa version. Elle a été jugée coupable d’homicide volontaire en vertu du code pénal en 1993 et condamnée à mort par pendaison deux ans plus tard. Au moment de la publication de ce rapport, elle avait passé dix ans au total en détention et dans la prison de Katsina. Son droit d’accès à un avocat avait alors été garanti et elle attendait l’issue de son appel, qui avait été présenté six mois avant l’entretien. Sa famille l’avait abandonnée et les gardiens dans le centre de détention l’avaient soumise à des attitudes préjudiciables en raison des actes pour lesquels elle avait été condamnée.

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HI, âgée de 25 ans, a été jugée coupable d’homicide volontaire et de dissimulation de naissance au sens du code pénal. Elle avait eu un bébé après avoir divorcé. D’après son témoignage à Amnesty, elle a demandé de l’aide à une femme qui lui a conseillé d’avorter. Elle a dit qu’elle avait avorté et s’était ensuite rendue chez un médecin qui lui avait donné un médicament, qu’elle n’avait pas pris. Elle a alors commencé à saigner. La femme lui a conseillé d’aller à l’hôpital et elle l’a accompagnée, mais elle l’a ensuite dénoncée à la police. La police semblait penser qu’elle avait eu un bébé né à terme. HI était analphabète et aurait été forcée d’apposer son empreinte digitale sur un document qu’elle ne pouvait pas lire. Sa confession a prétendument été fabriquée par la police. Elle vivait en détention depuis son arrestation et, en mars 2003, elle était à la prison de Katsina dans l’attente de son procès.

Un autre groupe de cinq femmes, interrogées par Amnesty International, ont aussi été accusées d’homicide volontaire en rapport avec des actes présumés d’infanticide en vertu de la section 211 du code pénal et attendaient leur jugement dans l’État de Sokoto, au nord du Nigéria. Elles venaient toutes de zones rurales, avec peu de moyens financiers, et la plupart avaient conçu un bébé hors mariage fonctionnel puisqu’elles étaient célibataires, séparées ou divorcées au moment de leur arrestation. Elles avaient en général été dénoncées à la police par des tiers, notamment les chefs de village et des voisins.

Deux des femmes interrogées dans l’État de Katsina ont déclaré à Amnesty qu’elles avaient eu des enfants mort-nés à trois mois de grossesse, mais qu’on les avait poursuivies pour interruption de grossesse. Aucune n’avait bénéficié d’une représentation juridique au poste de police au moment de l’arrestation ou pendant l’enquête et l’interrogatoire, pas plus qu’elles ne semblaient informées des raisons de leur arrestation. En outre, il semblait que plusieurs avaient signé ou apposé leur empreinte digitale sur des confessions qu’elles n’avaient pas écrites, puisque la plupart ne savaient ni lire ni écrire. Après avoir été inculpées, les femmes n’avaient pas été informées de leurs droits par les autorités. De surcroît, les preuves médicales, qui auraient pu innocenter certaines d’entre elles, n’avaient jamais été obtenues par la police ou, dans le cas d’une femme reconnue coupable, avaient été délibérément exclues par la police afin d’obtenir une condamnation. On ignore également si ces femmes ont été inculpées des chefs d’accusation corrects. Il semblait y avoir une tendance à les accuser d’homicide volontaire, passible de la peine capitale, plutôt que d’actes en rapport avec l’avortement, qui sont passibles de peines de prison plutôt que de la peine capitale.

Nigeria: the death penalty and women under the Nigerian penal systems. Amnesty International, 2004. http://www.amnesty.org/en/library/info/AFR44/001/2004/en 4. Sénégal Une infirmière-chef travaillant depuis 32 ans était détenue suite au décès de RD, âgée de 16 ans, après un avortement clandestin qui lui a coûté la vie. « Elle m’a dit qu’elle préférait mourir plutôt que de poursuivre cette grossesse. C’est pourquoi j’ai consenti à l’aider », a avoué l’infirmière-chef. D’après le journal L’Observateur, l’adolescente a été engrossée par une personne de son lycée qui « avait autorité sur elle ». Au tribunal, l’infirmière a affirmé qu’elle avait introduit une sonde qui aurait dû interrompre la grossesse de deux mois en deux jours. Avec sa sœur et un intermédiaire, la jeune fille est arrivée au domicile de l’infirmière et une somme de 80 000 FCFA a été convenue pour débarrasser la fille de « sa honte ». La sœur de la jeune fille est ensuite revenue chez l’infirmière pour lui dire que la patiente était dans un état critique, mais il était trop tard. Elle est décédée en dépit des soins qui lui ont été prodigués à l’hôpital. L’accusation a requis cinq ans de prison ferme contre l’infirmière pour avortement et homicide involontaire et deux ans contre les autres pour complicité. Le jugement devait être rendu en septembre 2013.

Boye D. Avortement clandestin : En voulant se débarrasser de la "honte", l’élève Ramatoulaye Diallo rend l'âme. Pressafrik, 18 juillet 2013.

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http://www.leral.net/Avortement-clandestin-En-voulant-se-debarrasser-de-la-honte--l-eleve-Ramatoulaye-Diallo-rend-l-ame_a89758.html

MOYEN ORIENT ET MÉDITERRANÉE 1. Algérie Un étudiant en sixième année de médecine, âgée de 28 ans, a été incarcéré en février 2013 pour avoir pratiqué un avortement clandestin dans un appartement dans une ville nouvelle de Constantine, avec l’aide d’une jeune femme sans formation qui lui a servi d’infirmière. Ses services étaient proposés dans un site Internet et ont attiré des femmes de l’ensemble du pays ainsi que de l’étranger, notamment d’Arabie saoudite et de Jordanie. La fiancée de l’accusé est aussi soupçonnée de « complicité » et a été convoquée par le bureau du Procureur.

Il pratiquait des avortements dans un appartement. Liberté, 2 février 2013. http://www.liberte-algerie.com/algerie-profonde/un-etudiant-en-6e-annee-de-medecine-arrete-a-constantine-il-pratiquait-des-avortements-dans-un-appartement-193692 2. Maroc L’avortement est interdit au Maroc, mais il est toléré et la plupart des gynécologues le pratiquent. En cinq mois, néanmoins, cinq médecins et leur équipe ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement pour avoir pratiqué des avortements. Dans une affaire récente, un médecin a été condamné à dix ans de prison, un million de dirhams d’amende et une interdiction d’exercer la médecine. L’anesthésiste, la secrétaire et l’infirmière ont été condamnés à trois ans.

Avortement : entre tolérance et condamnation, 24 juillet 2013 http://www.lnt.ma/actualites/avortement-entre-tolerance-et-condamnations-un-bilan-en-demi-teinte-81731.html

Manifestation contre les restrictions juridiques aux droits à l’avortement, Istanbul, Turquie, 3 juin 2012 Photographie: Anatolian News sur Al Jazeera

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ASIE 1. Népal Avant la réforme de la loi sur l’avortement au Népal, la plupart des femmes en prison y étaient pour des avortements ou pour avoir été reconnues coupables d’avortement ou d’infanticide lors de fausses couches ou de naissances d’enfants mort-nés. Il a fallu plusieurs années après l’amendement de la loi pour que toutes ces femmes soient libérées. Pourtant, d’après ce qu’a découvert le CREHPA au Népal, conformément aux dossiers du Département de la gestion des prisons, relevant du Ministère de l’intérieur, en date du 9 septembre 2013, trois femmes étaient en prison pour avortement dans deux districts des collines, Udayapur et Parbat, mais le département n’avais pas leurs dossiers et ne savait pas pourquoi elles étaient détenues. Une ONG locale a maintenant enquêté et informé le CREHPA que la femme à Parbat avait été condamnée à deux ans (elle devrait sortir en novembre 2013) pour avoir demandé à avorter à un prestataire non autorisé, et les deux détenues à Udayapur avaient été faussement accusées d’avortement. Leur affaire est encore en jugement. Le CREHPA prévoit « d’examiner l’environnement socio-économique de ces trois femmes pour comprendre leur vulnérabilité, c’est-à-dire pourquoi ces trois femmes ont-elles été visées, quand mille fois plus de femmes demandent un avortement à des prestataires non autorisés chaque jour au Népal ». L’avortement au Népal demeure régi par le chapitre sur l’homicide du code civil, amendé en 2002. La loi pénalise encore les femmes qui avortent en dehors du délai légal ou les prestataires non enregistrés, et peut encore les sanctionner et/ou les condamner à des peines de prison. Dans le premier cas, quelqu’un (par exemple sa belle-famille) doit présenter une plainte contre la femme. La sanction est de trois à six mois d’emprisonnement avec un maximum d’un an. S’il s’agit de prestataires non enregistrés ou de prestataires enregistrés qui ont tenté ou pratiqué un avortement illégal, ils seront arrêtés si leurs actes aboutissent à la mort d’une femme ou que la femme/sa famille a présenté une plainte contre eux. Par exemple, les journaux ont relaté cette affaire en décembre 2012 :

D’après un article de presse, une femme âgée de 21 ans est morte fin 2012 en raison de saignements excessifs après un avortement à Itahari. Un technicien sanitaire inexpérimenté qui possédait une pharmacie l’aurait prétendument opérée au domicile de la patiente. Sa famille a affirmé qu’il n’avait pas l’autorisation légale de pratiquer des avortements. La jeune femme a été immédiatement emmenée à l’hôpital, mais elle n’a pas pu être traitée car le centre ne disposait pas de service d’urgence. Elle a été transportée d’urgence dans un autre hôpital, mais elle est morte en route. Elle était enceinte de quatre mois et demi. Le pharmacien avait accepté Rs 2000 d’avance, affirmant qu’il pratiquerait un avortement sûr. Il s’est depuis échappé de chez lui. Le bureau de santé publique du district a déclaré que les avortements médicamenteux ne pouvaient être pratiqués que jusqu’à huit semaines de grossesse, alors que les avortements de huit à 12 semaines de grossesse doivent obligatoirement être pratiqués par un médecin ; pour les avortements de 12 à 18 semaines de grossesse, l’aval d’un conseil médical est requis. Le pharmacien et le mari peuvent être jugés pour meurtre. Une chasse à l’homme a été organisée pour retrouver le pharmacien.

Abortion claims life in Itahari. Himalayan News Service, 23 décembre 2012. http://www.thehimalayantimes.com/fullNews.php?headline=Abortion+claims+life+in+Itahari&NewsID=358936

Le CREHPA a informé qu’il va bientôt présenter un nouveau projet de loi sur l’avortement qui protégera les femmes et sanctionnera uniquement les prestataires de services clandestins/à risque.

CREHPA, E-mail communication, 16 September 2013 EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

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1. Pologne P avait 14 ans en 2008 quand elle a été violée. Elle est tombée enceinte des suites de cette agression et, en vertu de la loi polonaise, elle avait le droit d’avorter, mais seulement après avoir prouvé le viol aux autorités. Cela n’était pas facile, mais un procureur a fini par certifier le viol. Les responsables sanitaires ont affirmé leur opposition à l’avortement et ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour l’éviter et beaucoup de médecins ont commencé à avoir « peur » de pratiquer l’intervention, d’après S, la mère de P. Dans un hôpital, un médecin a déclaré à P et à sa mère que la jeune fille avait besoin d’un prêtre et non d’un avortement. Sans leur autorisation, il a organisé une réunion avec un prêtre catholique. Des militants opposés à l’avortement ont harcelé P et S, les obligeant à demander la protection de la police. Un autre hôpital a violé la confidentialité de la relation médecin-patient en publiant un communiqué de presse qui les identifiait publiquement, où il déclarait qu’il ne pratiquerait jamais d’avortement. Les fonctionnaires et les médecins leur ont donné des informations mensongères et trompeuses sur les critères d’un avortement légal et sa procédure. Un médecin et un prêtre ont convaincu un juge que S obligeait sa fille à avorter, et que P ne voulait pas interrompre sa grossesse. Ils ont invité le juge à enlever la garde de P à S « pour la protéger ». Le juge n’a pas posé une seule question à P ou S pendant toute la durée de la procédure, se fiant uniquement à la parole du médecin et du prêtre. Le juge a violé toutes les garanties de procédure en plaçant P sous la garde de l’État et en l’envoyant dans un centre juvénile. La police a exécuté l’ordre au milieu de la nuit, une épreuve déchirante pour P et S. Des semaines après le viol, le Ministère de la santé est intervenu et P a pu obtenir un avortement dans un hôpital à 500 kilomètres de chez elle. Même si l’avortement était légal, l’hôpital a refusé d’enregistrer P comme patiente ; elle a été anesthésiée sans avertissement et n’a pas reçu d’information sur la procédure ni de soins après l’avortement. On lui a également demandé de quitter l’hôpital immédiatement après l’interruption de grossesse. Représentées par la Fédération polonaise des femmes et de la planification familiale à Varsovie et le Centre des droits reproductifs, P et S ont porté leur affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme en 2009. En 2012, la Cour a publié une décision capitale qui affirme combien il est crucial pour les adolescents de pouvoir exercer leur autonomie personnelle dans le domaine de la santé génésique, et qui exhorte les pouvoirs publics à faciliter cet exercice, au lieu de l’entraver.

P&S v. Poland. Center for Reproductive Rights. 2013. http://reproductiverights.org/sites/crr.civicactions.net/files/documents/crr_PS_FactSheet_6.13.pdf

2. République de Moldova En mai 2006, Z, une jeune célibataire pauvre, originaire de la Moldova rurale, a provoqué à son domicile un avortement à un stade avancé de sa grossesse. Quand elle a été emmenée à l’hôpital pour choc hémorragique, les médecins l’ont signalée à la police. Elle a été inculpée de meurtre intentionnel, même si les dossiers médicaux ont montré qu’elle avait avorté et qu’il n’y a pas de sanction pénale pour les femmes qui interrompent illégalement leur grossesse. En décembre 2006, Z a été reconnue coupable de meurtre et condamnée à 20 ans de prison. Le 31 janvier 2012, la Commission des grâces de la Moldova a gracié Z, après plus de cinq ans passés en prison. Même si elle a maintenant été libérée, Z n’a pas été innocentée et son cas continue d’illustrer la nécessité d’une réforme globale dans le domaine des droits sexuels et génésiques en République de Moldova, ainsi que l’urgence de lutter contre la discrimination des femmes et du traitement dégradant pour des motifs sexospécifiques dans la détention policière et les procédures judiciaires. Alors que Z a continué d’avoir des saignements vaginaux et des douleurs à l’estomac pendant un mois au cours de sa détention préventive, elle n’a reçu aucun soin après l’avortement. Son mauvais état de santé a été aggravé par l’absence d’installations sanitaires de base en détention préventive, comme des douches, des toilettes, de l’eau, des serviettes hygiéniques, du linge de lit et des vêtements pour supporter le froid qui régnait dans sa cellule.

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Présentation au Comité contre la torture, 48e session. Centre des droits reproductifs, Institut pour les droits de l’homme en République de Moldova. 12 mars 2012. http://reproductiverights.org/sites/crr.civicactions.net/files/documents/crr_Document_Shadow_Lette_Republic_%20of_Moldova_CAT.pdf EUROPE OCCIDENTALE 1. Angleterre Le Service des poursuites de la Couronne a décidé en septembre 2013 qu’il n’était pas dans l’intérêt public de poursuivre deux médecins en rapport avec des tentatives présumées d’avortement au motif du sexe du fœtus. Cette décision a résulté d’une enquête menée par plusieurs forces de police, coordonnées par le Service de la police métropolitaine, après une opération d’infiltration organisée par un journal. Dans une déclaration, le Service des poursuites a expliqué sa position : « Nous avions précédemment avisé la police qu’il n’y avait pas suffisamment d’indices pour poursuivre quatre professionnels médicaux en rapport avec cette affaire… Nous avons été priés d’examiner deux allégations séparées contre deux professionnels médicaux de Birmingham et Manchester concernant des demandes d’avortement faites par une femme enceinte agissant au nom d’un journaliste d’investigation. Les deux suspects étaient des médecins et prestataires de services d’interruption volontaire de grossesse au moment des délits présumés. L’opération d’infiltration comptait sur la participation de la femme enceinte qui affirmait vouloir avorter au motif qu’elle ne voulait pas donner naissance à une fille. Nous estimons qu’il n’y avait pas d’intention d’agir. La loi sur l’avortement de 1967 permet l’avortement dans un nombre limité de circonstances mais non pas purement sur la base d’un refus d’avoir un enfant d’un sexe particulier. » D’après le Service des poursuites, si les avortements n’ont pas eu lieu, la tentative de commettre un délit pénal, c’est-à-dire faire quelque chose qui va au-delà de la simple préparation pour le commettre, peut aussi être considérée comme un délit en vertu de la loi sur les tentatives de crimes de 1981. Néanmoins, ayant soigneusement examiné les preuves, le Service des poursuites a conclu que même si l’affaire n’était pas claire, dans l’ensemble, il y avait suffisamment d’indices pour justifier d’engager des poursuites pour une tentative de crime et il s’est donc demandé si des poursuites étaient requises dans l’intérêt public. Un facteur dont il a tenu compte a été que l’Ordre général des médecins avait déjà été saisi et avait le pouvoir de radier les médecins. Tenant compte de la nécessité d’un jugement professionnel qui traite fermement des actes répréhensibles, tout en ne décourageant pas d’autres médecins de pratiquer des avortements légitimes et médicalement justifiés, il est arrivé à la conclusion que les cas seraient traités de manière plus appropriée par l’Ordre général des médecins plutôt que par le Service des poursuites. Pour parvenir à cette conclusion, il a aussi considéré le fait que dans ces cas, aucun avortement n’avait été pratiqué ou n’aurait été pratiqué, a-t-il précisé.

CPS statement on abortion related case, 4 septembre 2013. http://www.cps.gov.uk/news/latest_news/cps_statement_abortion_related_case/.

CPS statement on abortion related case, 5 septembre 2013. http://www.cps.gov.uk/news/latest_news/cps_statement_on_abortion_related_case/ En 2009, une femme s’est provoqué elle-même un avortement à 29-30 semaines de grossesse, car elle s’était vu refuser une interruption de grossesse par un prestataire de services dans le secteur indépendant, puis dans un hôpital du Service national de santé dans le nord de l’Angleterre. Elle voulait clairement interrompre la grossesse depuis trois mois et s’est résolue, par désespoir, à utiliser des médicaments achetés sur Internet. Elle s’est débarrassée du corps, mais a refusé de dire où. Elle s’est rendue à l’hôpital pour se faire soigner et a été dénoncée à la police. Elle a fait l’objet d’une enquête et a ensuite été arrêtée. En 2012, elle a plaidé coupable et a été condamnée à huit ans de prison par un juge dont les commentaires semblaient fortement biaisés contre l’avortement. La longueur de la peine a été commuée à deux-trois ans en appel en juin 2013. Le juge de la cour d’appel a eu raison de dire que ce cas était « heureusement extrêmement inhabituel ». Néanmoins,

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le désespoir ressenti par Catt à ce point ne l’est peut-être pas. Pendant la même période, le journal The Guardian a relaté qu’une mère a jeté son bébé dans un vide-ordures et qu’il y a un an, une femme est morte après avoir ingéré du vinaigre industriel pour mettre un terme à sa sixième grossesse. Ces récits nous montrent qu’une femme se sentant incapable de mener à bien une grossesse ou de s’occuper de l’enfant peut sombrer dans le désespoir si elle n’est pas en mesure d’avoir accès à l’aide dont elle a besoin, et peut finir par commettre un acte criminel.

Mother who aborted baby at term has jail sentence reduced. Guardian, 13 juin 2013. http://www.bbc.co.uk/news/uk-england-york-north-yorkshire-22875092

2. Irlande du Nord Plus d’une centaine de femmes d’Irlande du Nord risquent la prison après avoir admis publiquement qu’elles avaient pris des comprimés abortifs, ce qui serait illégal dans la province en vertu d’une nouvelle directive sur l’avortement actuellement à l’examen. Les femmes ont signé une lettre confirmant ouvertement qu’elles avaient pris des pilules abortives achetées sur Internet auprès d’organisations de bienfaisance en faveur de l’avortement, ce qui a alimenté encore le débat déclenché par l’ouverture de la première clinique privée à offrir des avortements légaux aux femmes dans la province. La loi de 1861 sur les délits contre les personnes rend l’avortement illégal dans la plupart des cas et prévoit une peine d’emprisonnement à vie. Plusieurs hommes qui avaient aidé des femmes à obtenir les comprimés ont également signé la lettre, même si la loi du XIXe siècle considère aussi comme un délit grave d’aider quelqu’un à organiser un avortement. Dans leur lettre, les femmes déclarent qu’elles ont « soit pris la pilule abortive, soit aidé des femmes à se procurer ce médicament afin de provoquer un avortement ici en Irlande du Nord. Nous ne représentons qu’une petite fraction de celles qui ont utilisé, ou aidé d’autres à utiliser, cette méthode car il est presque impossible d’obtenir un avortement dans le système de santé national, même quand il y a probablement un motif juridique le légitimant. » L’une des femmes ayant signé la lettre, Suzanne Lee, âgée de 23 ans et née à Belfast, a raconté au journal The Observer qu’elle était prête à être arrêtée et jugée pour sa décision d’août dernier de prendre les comprimés abortifs, achetés sur Internet auprès du groupe de défense du droit à l’avortement Women On Web, alors qu’elle était enceinte de sept semaines. « Si les opposants à l’avortement veulent me dénoncer au ministère public et tenter de m’envoyer en prison, qu’ils essayent ! Je suis prête à affronter les conséquences de mon acte car je savais que ce que je faisais était illégal. Je parle publiquement parce que je serais heureuse d’être jugée et d’essayer d’expliquer combien la situation est absurde », a-t-elle déclaré. McDonald H. Northern Irish women risk jail by admitting use of abortion drugs. Observer, 10 mars 2013. http://www.guardian.co.uk/world/2013/mar/10/northern-irish-women-risk-jail-over-abortion-drug-use 3. Espagne Le 21 janvier 2013, le tribunal de Barcelone a mis un terme à l’affaire en acquittant tous les accusés, le Dr Carlos Morin, sa femme et son équipe. Les poursuites, engagées par des groupes opposés à l’avortement, ont commencé en 2006 après un entretien en « caméra cachée » de journalistes d’une station de télévision danoise. Le Dr Morin et son épouse ont été arrêtés un an après, la police a fait une descente dans leur clinique de Barcelone et les dossiers confidentiels de plus de 2000 patientes ont été confisqués. Le Dr Morin a été détenu pendant deux mois et la police a fermé toutes ses cliniques, qui demeurent closes à ce jour. « L’enquête » a duré plus de quatre ans. Lorsque la plainte a été déposée, il a été affirmé qu’il y avait tout une série d’irrégularités dans près d’une centaine d’avortements. Il était l’un des très rares médecins prêts à pratiquer un avortement de fin de deuxième trimestre et, exceptionnellement, du troisième trimestre pour des indications psychologiques. Les organisations opposées à l’avortement ont affirmé qu’il s’agissait là

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d’avortements illégaux en vertu de la loi espagnole. Le ministère public a demandé 273 années de prison pour le Dr Morin. Dix autres accusés risquaient aussi de lourdes peines de prison pour avortement illégal, falsification de dossiers et de signatures, conspiration et intrusion professionnelle. Mais la déclaration publiée a démoli ces accusations et a innocenté les accusés de toutes les charges pesant contre eux. Les juges de la sixième chambre ont affirmé qu’ils croyaient que tous les avortements examinés avaient été menés conformément à la loi, avec le consentement de la femme enceinte et à sa demande explicite. Dans le cas des mineures, la clinique avait obtenu le consentement des parents ou tuteurs. Tous les avortements avaient été pratiqués dans des cliniques agréées et les femmes assistées par du personnel qualifié. Néanmoins, les militants anti-avortement, qui avaient motivé l’affaire avec de fausses allégations, ont tenté de remettre en question la décision du tribunal et de rouvrir l’affaire. Dans l’intervalle, le Dr Morin a perdu tout ce qu’il possédait pour assurer sa défense. Il n’a que rarement reçu le soutien d’autres prestataires de services d’avortement pour des raisons connues d’eux seuls. García J. El País. El doctor Morín, absuelto de abortos ilegales. http://ccaa.elpais.com/ccaa/2013/01/31/catalunya/1359623510_595404.html Et information de SVSS-USPDA, Suisse. AMÉRIQUE DU NORD 1. États-Unis d’Amérique En 2010, Bei Bei Shuai a tenté de se suicider alors qu’elle était enceinte. Elle a survécu, contrairement au bébé à qui elle a donné naissance après cette tentative. Au lieu d’être soutenue, Shuai a été arrêtée pour meurtre d’un fœtus viable et tentative de fœticide. En août 2013, deux ans et demi après les faits, Bei Bei Shuai a enfin échappé à la menace d’un procès pour meurtre, elle a été libérée du bracelet électronique qui avait enregistré ses moindres mouvements depuis sa libération sous caution et délivrée de poursuites injustes et autorisées par la loi. Le Gouvernement fédéral des États-Unis et 38 États ont des lois sur le fœticide et le meurtre qui traient le décès d’un fœtus comme un homicide. Si beaucoup d’États ont commencé à adopter des lois sur le fœticide, ils tendent maintenant à étendre leurs lois existantes sur l’homicide, en redéfinissant les « personnes » pour y inclure les ovules fertilisés, les embryons et les fœtus comme des sujets totalement séparés du meurtre. Presque toutes ces lois ont été adoptées au lendemain d’un acte violent perpétré sur une femme enceinte. Certaines ont suivi des incidents impliquant des chauffeurs négligents ou ivres qui ont tué une femme enceinte. Beaucoup d’autres ont été la conséquence de l’agression d’une femme enceinte caractérisée par sa brutalité. D’après leurs promoteurs, ces lois n’entrent pas en conflit avec les droits des femmes enceintes, particulièrement leur droit de choisir l’avortement, et elles offrent au contraire une protection contre la violence aux femmes enceintes et à leurs enfants à naître. Après leur adoption, ces lois non seulement définissent les ovules fertilisés, les embryons et les fœtus comme des personnes juridiques entièrement séparées de la femme enceinte, mais elles mettent sur le même pied l’interruption de grossesse avec le crime le plus odieux et impardonnable qui soit : le meurtre. Presque toutes ces lois interdisent les sanctions pour les avortements, mais seulement les avortements légaux. Dans un nombre croissant d’États, la loi définit un grand nombre d’avortements comme illégaux. Dans une récente affaire en Idaho, qui a remis en question les lois pouvant être utilisées pour arrêter une femme qui aurait mis un terme à sa grossesse, l’Avocat général a affirmé que tous les « auto-avortements » étaient illégaux et que l’État pouvait arrêter les femmes enceintes qui les auraient pratiqués. Dans certains États seulement, par exemple en Ohio, les lois sur le meurtre d’un fœtus précisent que la loi ne saurait être invoquée pour sanctionner les femmes en rapport avec leur propre grossesse.

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Une recherche menée par les National Advocates for Pregnant Women a révélé que quand l’interruption de grossesse est considérée comme un meurtre, les lois sur l’homicide et le fœticide, y compris celles qui comportent des exceptions explicites pour la femme enceinte, sont utilisées pour justifier les arrestations et les détentions de femmes enceintes elles-mêmes. Ils ont identifié plus de 600 cas depuis 1973 au cours desquels la grossesse d’une femme a constitué un facteur conduisant à son arrestation, sa détention ou une intervention médicale forcée. Dans une analyse séparée, ils ont aussi montré que les procureurs dans 18 États au moins avaient utilisé les textes de loi existants sur le meurtre et le fœticide comme base pour arrêter et poursuivre des femmes enceintes qui avaient avorté ou qui avaient fait une fausse couche, avaient donné naissance à un enfant mort-né ou avaient perdu leur bébé. Même quand les États n’inculpent pas directement les femmes en vertu des lois sur le fœticide ou le meurtre qui traitent les ovules, les embryons et les fœtus comme des personnes à part entière, les procureurs invoquent en général ces lois pour soumettre les femmes enceintes à des interventions médicales contre leur gré et pour interpréter des lois rédigées en termes généraux pour la protection de l’enfant, la livraison de médicaments et d’autres textes pénaux afin de s’en servir comme outils pour arrêter les femmes enceintes. En Caroline du Sud, une jeune femme enceinte de 18 ans avec des antécédents de problèmes mentaux a tenté de se suicider en sautant d’un immeuble. Elle a survécu, malgré de graves blessures, mais a perdu son bébé. Elle a été arrêtée et incarcérée pour « homicide par violence sur enfant ». Plutôt que d’être jugée pour meurtre, elle a plaidé coupable d’homicide involontaire.

National Advocates for Pregnant Women. Courriels datés du 22 avril 2013 ; 22 mai 2013 ; 6 août 2013. Le 11 septembre 2012, dans la première décision de ce type, la cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit a publié une opinion qui abordait l’éventualité que les États utilisent leurs lois existantes sur l’avortement pour arrêter et poursuivre les femmes qui avaient avorté. Dans ce cas, les poursuites contre JM, qui avait été arrêtée pour avoir avorté « clandestinement » dans l’Idaho, ont été abandonnées par manque de preuves, mais les autorités de l’État ont menacé de les réintroduire si de nouveaux indices devenaient disponibles, et ont avancé qu’elles avaient le droit de punir toute femme qui provoquait un avortement. JM a déposé plainte dans un tribunal du district fédéral pour interdire à l’État d’utiliser le Code de l’Idaho § 18- 608A (« il est illégal pour toute personne autre qu’un médecin de provoquer ou de pratiquer un avortement »), § 18-606(2) (la législation de l’Idaho avant l’affaire Roe précisant que « toute femme qui se soumet en connaissance de cause à un avortement ou sollicite d’une autre personne, pour elle-même, la réalisation d’un avortement, ou qui interrompt volontairement sa propre grossesse d’une autre manière que par une naissance vivante, sera réputée coupable d’un délit grave ») et §18-5-505-507 (interdiction de tous les avortements non thérapeutiques après 20 semaines) pour poursuivre JM et d’autres femmes à l’avenir en vertu de ces lois. La cour a accordé une injonction préliminaire quant aux dispositions relatives au « médecin uniquement » et à « la femme elle-même », et l’État a fait appel. En des termes sans équivoque, la Cour a confirmé l’injonction préliminaire qui interdit à l’État de poursuivre JM, estimant qu’elle allait probablement avoir gain de cause dans sa contestation de la constitutionalité de la loi pénale sur l’avortement de l’Idaho comme mécanisme pour emprisonner les femmes ayant avorté. L’opinion de la Cour se fondait précisément sur des arguments des National Advocates for Pregnant Women qui reconnaissaient : 1) que les décisions antérieures qui permettaient aux États de restreindre la prestation de services d’avortement par les médecins n’abordaient pas la question de l’emprisonnement des femmes elles-mêmes, 2) que les tiers qui pratiquent les avortements sur les femmes ne sont pas les mêmes que les femmes elles-mêmes, et 3) qu’un but historique global de la régulation de l’avortement a été de protéger, et non d’arrêter, les femmes. La cour a pris la peine de répertorier les obstacles que les femmes, en particulier celles qui ont peu de ressources, rencontrent pour obtenir des services d’avortement, notamment le

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manque de prestataires, les obstacles financiers et le harcèlement dans les cliniques. L’opinion a également reconnu la prise de décision médicale, morale et éthique par les femmes quand elles prennent une décision sur une grossesse.

US Federal court rejects Idaho's claim that it may punish women who end their pregnancies. National Advocates for Pregnant Women, 14 septembre 2012. http://advocatesforpregnantwomen.org/blog/2012/09/ Les procureurs ont abandonné les poursuites pour « avortement clandestin » contre deux femmes en Virginie, d'après le Virginian-Pilot. D’après certaines informations, JC était enceinte de 25 semaines quand elle est arrivée au Centre médical Bon Secours DePaul pour un début de travail. Elle a accouché, mais son bébé n’a pas survécu. Par la suite, les services de protection de l’enfance de Norfolk ont reçu un appel anonyme d’une personne se présentant comme l’amie de la femme enceinte et d’une autre femme. La correspondante a déclaré que les deux femmes avaient parlé de provoquer une fausse couche pour interrompre la grossesse et qu’elles avaient acheté des comprimés dans une pharmacie pour mettre un terme à la grossesse. Quand elle a découvert que le bébé était mort, elle l’a signalé aux détectives. Les procureurs ont abandonné les poursuites au motif qu’ils n’avaient pas « suffisamment de preuves pour continuer », car il est souvent impossible du point de vue médical de déterminer si le travail a été provoqué par une action de la femme, ou s’il s’est déclenché spontanément. Même si la plupart de ces accusations n’ont jamais abouti à des condamnations, depuis 2005, le nombre de poursuites préliminaires contre des femmes qui ont des fausses couches a augmenté, d’après les National Advocates for Pregnant Women. Marty R. Prosecutors drop illegal abortion charges against two Virginia women. RH Reality Check. 7 août 2013. http://rhrealitycheck.org/article/2013/08/07/prosecutors-drop-illegal-abortion-charges-against-two-virginia-women/ 2. Canada En août 2013, un juge a rejeté une plainte pour diffamation contre Joyce Arthur, militante de longue date en faveur de l’avortement, qui avait publié en 2009 un exposé intitulé La vérité sur les centres de crise en Colombie britannique sur les « centres de crise de grossesse ». Ces dernières années, ces centres ont commencé à attirer l’attention, en raison de récits publiés à plusieurs reprises dans les médias et faisant état de tactiques troublantes utilisées pour décourager l’avortement et prêcher l’Évangile chrétien. En 2012, une organisation opposée à l’avortement en Colombie britannique a finalement réagi avec deux plaintes séparées pour diffamation devant la Cour suprême de la Colombie britannique, dont l’une contre Joyce Arthur.

S’inspirant d’un rapport de Joyce, le premier grand article sur les rouages des centres de crise de grossesse est apparu en août 2010 quand une journaliste du Toronto Star s’est fait passer pour une femme enceinte. On a dit à Mme Smith que « des morceaux de bébé » étaient vendus pour la recherche médicale après un avortement, recueillis dans un « grand camion » qui attendait dehors. Après « une description terrifiante de la procédure », complétée par des images graphiques, on l’a avertie qu’un avortement augmenterait son risque de développer un cancer du sein et qu’il compromettrait ses possibilités d’avoir d’autres enfants plus tard. Elle est parvenue à la conclusion que ces centres « utilisent différents degrés de tromperie et de fausses informations pour décourager les avortements ». Par la suite, en avril 2012, la chaîne de télévision CTV a diffusé une description d’un centre qui est parvenue à des conclusions similaires. La journaliste infiltrée a appris qu’elle pouvait devenir stérile avec un utérus cicatriciel si elle décidait d’avorter. La Christian Advocacy Society et le Centre de crise de grossesse de la Société de Vancouver ont déposé une plainte contre CTV, qui a été réglée hors du tribunal, CTV acceptant de changer la version en ligne de son article. Plus tôt en 2013, une journaliste a publié des images graphiques de brochures anti-avortement que lui avait données une conseillère de Toronto Aid to Women. Comme la journaliste

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infiltrée de CTV et du Toronto Star, cette journaliste avait reçu des informations médicalement inexactes relatives aux conséquences de l’avortement sur le cancer du sein et la fécondité.

Pour sa part, Joyce Arthur s’est sentie « profondément vengée » par le verdict qui jette, d’après elle, un « grand froid » sur les opposants à l’avortement. « Ils devront réfléchir à deux fois avant de risquer leurs ressources financières dans une action en justice. »

Bennett A, Kim Fu. BC Pro-choice activist 'vindicated' in court ruling. 31 août 2013. http://thetyee.ca/News/2013/08/31/Joyce-Arthur-Pro-Choice/

AUSTRALIE/NOUVELLE-ZÉLANDE/PACIFIQUE

1. Australie En 2010, dans le Queensland, Australie, une femme et son partenaire qui s’étaient procuré de la mifépristone et du misoprostol pour provoquer une interruption de grossesse ont été poursuivis en justice. L’affaire a été rejetée par le tribunal au motif que les substances utilisées pour provoquer la fausse couche n’étaient pas nocives pour la femme. Le juge a estimé que les substances auraient dû être dommageables pour la femme (et non pas seulement pour le fœtus) pour enfreindre la loi du Queensland sur l’avortement. Ce jugement tranche nettement sur leur arrestation pour avoir acheté et utilisé de la mifépristone et du misoprostol en vue d’induire un avortement.

http://www.theaustralian.com.au/news/nation/jury-out-in-landmark-abortion-trial/story-e6frg6nf-1225938611194