l’avortement au québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur...

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Étude L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008 Septembre 2008

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Page 1: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Eacutetude

Lrsquoavortement au Queacutebec eacutetat des lieux au printemps 2008

Septembre 2008

Lrsquoavortement au Queacutebec eacutetat des lieux au printemps 2008

Eacutetude - Lrsquoavortement au Queacutebec eacutetat des lieux au printemps 2008 Septembre 2008

Date de publication 2008-09-01

Auteur Conseil du statut de la femme

Cette eacutetude a eacuteteacute adopteacutee lors de la 220e assembleacutee des membres du Conseil du statut de la femme le 13 juin 2008

Les membres du Conseil sont Christiane Pelchat preacutesidente Catherine des Riviegraveres-Pigeon Roxane Duhamel Francine Ferland Carole Gingras Guylaine Heacutebert Rkia Laroui et Charlotte Thibault

Le Conseil du statut de la femme est un organisme de consultation et drsquoeacutetude creacuteeacute en 1973 Il donne son avis sur tout sujet soumis agrave son analyse relativement agrave lrsquoeacutegaliteacute et au respect des droits et du statut de la femme Lrsquoassembleacutee des membres du Conseil est composeacutee de la preacutesidente et de dix femmes provenant des associations feacuteminines des milieux universitaires des groupes socioshyeacuteconomiques et des syndicats

Recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico

Soutien technique Francine Beacuterubeacute

Reacutevision linguistique Heacutelegravene Dumais

Eacutediteur Conseil du statut de la femme Direction des communications 800 place DrsquoYouville 3e eacutetage Queacutebec (Queacutebec) G1R 6E2 Teacuteleacutephone 418 643-4326 ou 1 800 463-2851 Teacuteleacutecopieur 418 643-8926 Internet wwwcsfgouvqcca Courrier eacutelectronique publicationcsfgouvqcca

Deacutepocirct leacutegal Bibliothegraveque et Archives nationales du Queacutebec 2008 ISBN 978-2-550-54062-5 (Version imprimeacutee) ISBN 978-2-550-54063-2 (Version eacutelectronique) copy Gouvernement du Queacutebec

Toute demande de reproduction totale ou partielle doit ecirctre faite au Service de la gestion des droits dauteur du gouvernement du Queacutebec agrave lrsquoadresse suivante droitauteurcspqgouvqcca

Ce document est imprimeacute sur du papier recycleacute contenant 30 de fibres postconsommation

S O M M A I R E

Depuis sa creacuteation en 1973 le Conseil du statut de la femme situe la question de lrsquoavortement dans une perspective drsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Il est drsquoavis que en vertu des droits fondamentaux de liberteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par la Charte canadienne des droits et liberteacutes et la Charte des droits et liberteacutes de la personne du Queacutebec lrsquoEacutetat a le devoir drsquoeacuteliminer tout obstacle ou toute contrainte qui nuirait agrave cette offre de services Compte tenu des enjeux importants lieacutes agrave cette question le Conseil a maintenu au fil des anneacutees une veille seacuterieuse sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement sur leur financement et sur la prestation reacutegionale de services En ce sens il dresse ici un eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement au Queacutebec au printemps 2008 et fait ressortir drsquoimportants constats

En 2006 chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception des Terres-Cries-de-lashyBaie-James met agrave la disposition des femmes au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement Dans la reacutegion de Montreacuteal on effectue pregraves de 40 de lrsquoensemble des avortements elle est suivie de la reacutegion de la Monteacutereacutegie avec 15 La part de chacune des autres reacutegions deacutepasse rarement 5 Qui plus est lrsquoexamen de tous les codes drsquoacte confondus laisse voir que la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec (RAMQ) a payeacute la mecircme anneacutee 28 198 avortements 92 de ceux-ci sont de premier trimestre La presque totaliteacute des grossesses de premier ou de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres Toutefois lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales soulegraveve lrsquoinquieacutetude du Conseil Crsquoest le cas notamment dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches ougrave il y a davantage drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction (meacutethode non leacutegegravere) plutocirct que par voie chirurgicale

Si de maniegravere geacuteneacuterale la freacutequence des avortements a connu peu de variation agrave traversles anneacutees il en va autrement du cocircteacute des fournisseurs de ce service Agrave cet eacutegard pendant la peacuteriode 2002-2006 le nombre drsquoavortements pratiqueacutes en centre local de services communautaires (CLSC) a augmenteacute de 83 tandis qursquoil a connu une hausse de 55 en centre de santeacute des femmes Par contre il a diminueacute de 26 en clinique meacutedicale Crsquoest aussi le cas des centres hospitaliers ougrave lrsquoon observe une baisse de 9 mais ceux-ci demeurent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services en cette matiegravere

Outre le fait que ces statistiques permettent drsquoestimer les besoins des femmes drsquoautres points restent agrave explorer En ce sens le Conseil a notamment observeacute qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs ont rarement fait lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches Pourtant certains articles scientifiques eacutetablissent des liens troublants entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique que subissent les femmes De la mecircme faccedilon les avortements par meacutedication demeurent difficiles agrave chiffrer et agrave caracteacuteriser

Le Conseil dresse eacutegalement un portrait des eacuteveacutenements qui ont meneacute agrave la gratuiteacute des services drsquoavortement dans les cliniques meacutedicales Il srsquoest aussi inteacuteresseacute agrave la maniegravere

dont les fournisseurs des reacuteseaux public communautaire et priveacute redeacuteploient leurs services sous lrsquoeffet drsquoun nouveau cadre leacutegislatif et administratif conseacutequent agrave lrsquoadoption du projet de loi no 33 modifiant la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux et drsquoautres dispositions leacutegislatives en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement sur les traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute (CMS) en novembre 2007

Si le Conseil se reacutejouit de la gratuiteacute des avortements qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 il appreacutehende cependant les effets plus preacuteoccupants encore que pourrait avoir la nouvelle leacutegislation En effet le Conseil constate qursquoil nrsquoy a aucune garantie de peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement les centres de santeacute communautaire et les cliniques meacutedicales avec leur agence respective Si les parties nrsquoarrivent pas agrave se mettre drsquoaccord au moment du renouvellement des ententes les femmes devront peut-ecirctre payer de nouveau le coucirct de lrsquoavortement en centre de santeacute ou en clinique meacutedicale alors que le reacuteseau public ne sera pas davantage en mesure drsquooffrir les services attendus Cette situation se manifeste dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement et elle se posera eacutegalement dans le cas de celles qui seront conclues avec les CMS Ainsi le Conseil juge pour le moment que en lrsquoabsence de meilleures garanties lrsquooffre de services drsquoavortement dans ce nouveau type drsquoinstallation met en danger la prestation des services

Par conseacutequent le Conseil estime qursquoil est important de mettre en eacutevidence lrsquoobligation qursquoa le reacuteseau public de continuer agrave se doter des ressources humaines mateacuterielles et financiegraveres suffisantes en matiegravere de planification des naissances Les Queacutebeacutecoises pourraient ainsi continuer agrave beacuteneacuteficier drsquoune gamme complegravete et diversifieacutee de fournisseurs de services de premiegravere ligne permettant une liberteacute de choix

Enfin le Conseil souhaite fortement faire valoir que les femmes qui ont payeacute le coucirct de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de le leur offrir gratuitement ont subi une injustice profonde Elles ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses et ce bien avant lrsquoensemble de la population Selon le Conseil il importe deacutesormais que lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement soit reacutealiseacutee selon des modaliteacutes uniformes

4

T A B L E D E S M A T I Egrave R E S

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER mdash LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES 13

11 La freacutequence des avortements en 2006 quelques donneacutees geacuteneacuterales 13

12 La freacutequence des avortements selon la meacutethode utiliseacutee 15

13 La freacutequence des avortements selon la classe drsquoacircge17

14 Lrsquoincidence de la violence sur les avortements iteacuteratifs 18

15 Les avortements par meacutedication19

16 En reacutesumeacute21

CHAPITRE II mdash LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 23

21 Lrsquoorganisation des services drsquoavortement une vue drsquoensemble23

22 La freacutequence des avortements selon le type drsquoeacutetablissement 24

23 Lrsquoameacutelioration de lrsquooffre de services en CLSC 25

231 Le succegraves mitigeacute des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances 27

CHAPITRE III mdash LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 29

31 La speacutecificiteacute montreacutealaise 29

32 Le cadre leacutegislatif les modifications agrave la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux par le projet de loi no 3330

321 Lrsquoencadrement administratif 31

33 Le projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute33

34 Les enjeux et les perspectives 35

341 Les effets preacutevisibles sur les eacutetablissements publics 36 342 Les effets preacutevisibles sur les cliniques meacutedicales 37 343 Les effets preacutevisibles sur les ressources communautaires 37

35 Une bregraveche dans le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon des modaliteacutes uniformes38

36 Les conseacutequences preacutevisibles sur les femmes 39

CHAPITRE IV mdash LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE41

41 Des menaces seacuterieuses et reacutepeacuteteacutees aux droits des femmes 41

42 Lrsquoutilisation du cadre leacutegislatif feacutedeacuteral pour contrer lrsquoautonomie reproductive des femmes42

43 Les positions anteacuterieures du Conseil toujours drsquoactualiteacute43

431 Lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes44

CONCLUSION47

ANNEXE mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour les reacutegions de lrsquoOutaouais et de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec ndash Queacutebec 2007 49

BIBLIOGRAPHIE51

6

L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

10

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

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GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

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MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

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52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 2: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Lrsquoavortement au Queacutebec eacutetat des lieux au printemps 2008

Eacutetude - Lrsquoavortement au Queacutebec eacutetat des lieux au printemps 2008 Septembre 2008

Date de publication 2008-09-01

Auteur Conseil du statut de la femme

Cette eacutetude a eacuteteacute adopteacutee lors de la 220e assembleacutee des membres du Conseil du statut de la femme le 13 juin 2008

Les membres du Conseil sont Christiane Pelchat preacutesidente Catherine des Riviegraveres-Pigeon Roxane Duhamel Francine Ferland Carole Gingras Guylaine Heacutebert Rkia Laroui et Charlotte Thibault

Le Conseil du statut de la femme est un organisme de consultation et drsquoeacutetude creacuteeacute en 1973 Il donne son avis sur tout sujet soumis agrave son analyse relativement agrave lrsquoeacutegaliteacute et au respect des droits et du statut de la femme Lrsquoassembleacutee des membres du Conseil est composeacutee de la preacutesidente et de dix femmes provenant des associations feacuteminines des milieux universitaires des groupes socioshyeacuteconomiques et des syndicats

Recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico

Soutien technique Francine Beacuterubeacute

Reacutevision linguistique Heacutelegravene Dumais

Eacutediteur Conseil du statut de la femme Direction des communications 800 place DrsquoYouville 3e eacutetage Queacutebec (Queacutebec) G1R 6E2 Teacuteleacutephone 418 643-4326 ou 1 800 463-2851 Teacuteleacutecopieur 418 643-8926 Internet wwwcsfgouvqcca Courrier eacutelectronique publicationcsfgouvqcca

Deacutepocirct leacutegal Bibliothegraveque et Archives nationales du Queacutebec 2008 ISBN 978-2-550-54062-5 (Version imprimeacutee) ISBN 978-2-550-54063-2 (Version eacutelectronique) copy Gouvernement du Queacutebec

Toute demande de reproduction totale ou partielle doit ecirctre faite au Service de la gestion des droits dauteur du gouvernement du Queacutebec agrave lrsquoadresse suivante droitauteurcspqgouvqcca

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S O M M A I R E

Depuis sa creacuteation en 1973 le Conseil du statut de la femme situe la question de lrsquoavortement dans une perspective drsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Il est drsquoavis que en vertu des droits fondamentaux de liberteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par la Charte canadienne des droits et liberteacutes et la Charte des droits et liberteacutes de la personne du Queacutebec lrsquoEacutetat a le devoir drsquoeacuteliminer tout obstacle ou toute contrainte qui nuirait agrave cette offre de services Compte tenu des enjeux importants lieacutes agrave cette question le Conseil a maintenu au fil des anneacutees une veille seacuterieuse sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement sur leur financement et sur la prestation reacutegionale de services En ce sens il dresse ici un eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement au Queacutebec au printemps 2008 et fait ressortir drsquoimportants constats

En 2006 chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception des Terres-Cries-de-lashyBaie-James met agrave la disposition des femmes au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement Dans la reacutegion de Montreacuteal on effectue pregraves de 40 de lrsquoensemble des avortements elle est suivie de la reacutegion de la Monteacutereacutegie avec 15 La part de chacune des autres reacutegions deacutepasse rarement 5 Qui plus est lrsquoexamen de tous les codes drsquoacte confondus laisse voir que la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec (RAMQ) a payeacute la mecircme anneacutee 28 198 avortements 92 de ceux-ci sont de premier trimestre La presque totaliteacute des grossesses de premier ou de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres Toutefois lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales soulegraveve lrsquoinquieacutetude du Conseil Crsquoest le cas notamment dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches ougrave il y a davantage drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction (meacutethode non leacutegegravere) plutocirct que par voie chirurgicale

Si de maniegravere geacuteneacuterale la freacutequence des avortements a connu peu de variation agrave traversles anneacutees il en va autrement du cocircteacute des fournisseurs de ce service Agrave cet eacutegard pendant la peacuteriode 2002-2006 le nombre drsquoavortements pratiqueacutes en centre local de services communautaires (CLSC) a augmenteacute de 83 tandis qursquoil a connu une hausse de 55 en centre de santeacute des femmes Par contre il a diminueacute de 26 en clinique meacutedicale Crsquoest aussi le cas des centres hospitaliers ougrave lrsquoon observe une baisse de 9 mais ceux-ci demeurent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services en cette matiegravere

Outre le fait que ces statistiques permettent drsquoestimer les besoins des femmes drsquoautres points restent agrave explorer En ce sens le Conseil a notamment observeacute qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs ont rarement fait lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches Pourtant certains articles scientifiques eacutetablissent des liens troublants entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique que subissent les femmes De la mecircme faccedilon les avortements par meacutedication demeurent difficiles agrave chiffrer et agrave caracteacuteriser

Le Conseil dresse eacutegalement un portrait des eacuteveacutenements qui ont meneacute agrave la gratuiteacute des services drsquoavortement dans les cliniques meacutedicales Il srsquoest aussi inteacuteresseacute agrave la maniegravere

dont les fournisseurs des reacuteseaux public communautaire et priveacute redeacuteploient leurs services sous lrsquoeffet drsquoun nouveau cadre leacutegislatif et administratif conseacutequent agrave lrsquoadoption du projet de loi no 33 modifiant la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux et drsquoautres dispositions leacutegislatives en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement sur les traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute (CMS) en novembre 2007

Si le Conseil se reacutejouit de la gratuiteacute des avortements qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 il appreacutehende cependant les effets plus preacuteoccupants encore que pourrait avoir la nouvelle leacutegislation En effet le Conseil constate qursquoil nrsquoy a aucune garantie de peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement les centres de santeacute communautaire et les cliniques meacutedicales avec leur agence respective Si les parties nrsquoarrivent pas agrave se mettre drsquoaccord au moment du renouvellement des ententes les femmes devront peut-ecirctre payer de nouveau le coucirct de lrsquoavortement en centre de santeacute ou en clinique meacutedicale alors que le reacuteseau public ne sera pas davantage en mesure drsquooffrir les services attendus Cette situation se manifeste dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement et elle se posera eacutegalement dans le cas de celles qui seront conclues avec les CMS Ainsi le Conseil juge pour le moment que en lrsquoabsence de meilleures garanties lrsquooffre de services drsquoavortement dans ce nouveau type drsquoinstallation met en danger la prestation des services

Par conseacutequent le Conseil estime qursquoil est important de mettre en eacutevidence lrsquoobligation qursquoa le reacuteseau public de continuer agrave se doter des ressources humaines mateacuterielles et financiegraveres suffisantes en matiegravere de planification des naissances Les Queacutebeacutecoises pourraient ainsi continuer agrave beacuteneacuteficier drsquoune gamme complegravete et diversifieacutee de fournisseurs de services de premiegravere ligne permettant une liberteacute de choix

Enfin le Conseil souhaite fortement faire valoir que les femmes qui ont payeacute le coucirct de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de le leur offrir gratuitement ont subi une injustice profonde Elles ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses et ce bien avant lrsquoensemble de la population Selon le Conseil il importe deacutesormais que lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement soit reacutealiseacutee selon des modaliteacutes uniformes

4

T A B L E D E S M A T I Egrave R E S

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER mdash LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES 13

11 La freacutequence des avortements en 2006 quelques donneacutees geacuteneacuterales 13

12 La freacutequence des avortements selon la meacutethode utiliseacutee 15

13 La freacutequence des avortements selon la classe drsquoacircge17

14 Lrsquoincidence de la violence sur les avortements iteacuteratifs 18

15 Les avortements par meacutedication19

16 En reacutesumeacute21

CHAPITRE II mdash LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 23

21 Lrsquoorganisation des services drsquoavortement une vue drsquoensemble23

22 La freacutequence des avortements selon le type drsquoeacutetablissement 24

23 Lrsquoameacutelioration de lrsquooffre de services en CLSC 25

231 Le succegraves mitigeacute des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances 27

CHAPITRE III mdash LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 29

31 La speacutecificiteacute montreacutealaise 29

32 Le cadre leacutegislatif les modifications agrave la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux par le projet de loi no 3330

321 Lrsquoencadrement administratif 31

33 Le projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute33

34 Les enjeux et les perspectives 35

341 Les effets preacutevisibles sur les eacutetablissements publics 36 342 Les effets preacutevisibles sur les cliniques meacutedicales 37 343 Les effets preacutevisibles sur les ressources communautaires 37

35 Une bregraveche dans le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon des modaliteacutes uniformes38

36 Les conseacutequences preacutevisibles sur les femmes 39

CHAPITRE IV mdash LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE41

41 Des menaces seacuterieuses et reacutepeacuteteacutees aux droits des femmes 41

42 Lrsquoutilisation du cadre leacutegislatif feacutedeacuteral pour contrer lrsquoautonomie reproductive des femmes42

43 Les positions anteacuterieures du Conseil toujours drsquoactualiteacute43

431 Lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes44

CONCLUSION47

ANNEXE mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour les reacutegions de lrsquoOutaouais et de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec ndash Queacutebec 2007 49

BIBLIOGRAPHIE51

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L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

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le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

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GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

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MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

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52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 3: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Cette eacutetude a eacuteteacute adopteacutee lors de la 220e assembleacutee des membres du Conseil du statut de la femme le 13 juin 2008

Les membres du Conseil sont Christiane Pelchat preacutesidente Catherine des Riviegraveres-Pigeon Roxane Duhamel Francine Ferland Carole Gingras Guylaine Heacutebert Rkia Laroui et Charlotte Thibault

Le Conseil du statut de la femme est un organisme de consultation et drsquoeacutetude creacuteeacute en 1973 Il donne son avis sur tout sujet soumis agrave son analyse relativement agrave lrsquoeacutegaliteacute et au respect des droits et du statut de la femme Lrsquoassembleacutee des membres du Conseil est composeacutee de la preacutesidente et de dix femmes provenant des associations feacuteminines des milieux universitaires des groupes socioshyeacuteconomiques et des syndicats

Recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico

Soutien technique Francine Beacuterubeacute

Reacutevision linguistique Heacutelegravene Dumais

Eacutediteur Conseil du statut de la femme Direction des communications 800 place DrsquoYouville 3e eacutetage Queacutebec (Queacutebec) G1R 6E2 Teacuteleacutephone 418 643-4326 ou 1 800 463-2851 Teacuteleacutecopieur 418 643-8926 Internet wwwcsfgouvqcca Courrier eacutelectronique publicationcsfgouvqcca

Deacutepocirct leacutegal Bibliothegraveque et Archives nationales du Queacutebec 2008 ISBN 978-2-550-54062-5 (Version imprimeacutee) ISBN 978-2-550-54063-2 (Version eacutelectronique) copy Gouvernement du Queacutebec

Toute demande de reproduction totale ou partielle doit ecirctre faite au Service de la gestion des droits dauteur du gouvernement du Queacutebec agrave lrsquoadresse suivante droitauteurcspqgouvqcca

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S O M M A I R E

Depuis sa creacuteation en 1973 le Conseil du statut de la femme situe la question de lrsquoavortement dans une perspective drsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Il est drsquoavis que en vertu des droits fondamentaux de liberteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par la Charte canadienne des droits et liberteacutes et la Charte des droits et liberteacutes de la personne du Queacutebec lrsquoEacutetat a le devoir drsquoeacuteliminer tout obstacle ou toute contrainte qui nuirait agrave cette offre de services Compte tenu des enjeux importants lieacutes agrave cette question le Conseil a maintenu au fil des anneacutees une veille seacuterieuse sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement sur leur financement et sur la prestation reacutegionale de services En ce sens il dresse ici un eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement au Queacutebec au printemps 2008 et fait ressortir drsquoimportants constats

En 2006 chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception des Terres-Cries-de-lashyBaie-James met agrave la disposition des femmes au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement Dans la reacutegion de Montreacuteal on effectue pregraves de 40 de lrsquoensemble des avortements elle est suivie de la reacutegion de la Monteacutereacutegie avec 15 La part de chacune des autres reacutegions deacutepasse rarement 5 Qui plus est lrsquoexamen de tous les codes drsquoacte confondus laisse voir que la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec (RAMQ) a payeacute la mecircme anneacutee 28 198 avortements 92 de ceux-ci sont de premier trimestre La presque totaliteacute des grossesses de premier ou de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres Toutefois lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales soulegraveve lrsquoinquieacutetude du Conseil Crsquoest le cas notamment dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches ougrave il y a davantage drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction (meacutethode non leacutegegravere) plutocirct que par voie chirurgicale

Si de maniegravere geacuteneacuterale la freacutequence des avortements a connu peu de variation agrave traversles anneacutees il en va autrement du cocircteacute des fournisseurs de ce service Agrave cet eacutegard pendant la peacuteriode 2002-2006 le nombre drsquoavortements pratiqueacutes en centre local de services communautaires (CLSC) a augmenteacute de 83 tandis qursquoil a connu une hausse de 55 en centre de santeacute des femmes Par contre il a diminueacute de 26 en clinique meacutedicale Crsquoest aussi le cas des centres hospitaliers ougrave lrsquoon observe une baisse de 9 mais ceux-ci demeurent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services en cette matiegravere

Outre le fait que ces statistiques permettent drsquoestimer les besoins des femmes drsquoautres points restent agrave explorer En ce sens le Conseil a notamment observeacute qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs ont rarement fait lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches Pourtant certains articles scientifiques eacutetablissent des liens troublants entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique que subissent les femmes De la mecircme faccedilon les avortements par meacutedication demeurent difficiles agrave chiffrer et agrave caracteacuteriser

Le Conseil dresse eacutegalement un portrait des eacuteveacutenements qui ont meneacute agrave la gratuiteacute des services drsquoavortement dans les cliniques meacutedicales Il srsquoest aussi inteacuteresseacute agrave la maniegravere

dont les fournisseurs des reacuteseaux public communautaire et priveacute redeacuteploient leurs services sous lrsquoeffet drsquoun nouveau cadre leacutegislatif et administratif conseacutequent agrave lrsquoadoption du projet de loi no 33 modifiant la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux et drsquoautres dispositions leacutegislatives en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement sur les traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute (CMS) en novembre 2007

Si le Conseil se reacutejouit de la gratuiteacute des avortements qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 il appreacutehende cependant les effets plus preacuteoccupants encore que pourrait avoir la nouvelle leacutegislation En effet le Conseil constate qursquoil nrsquoy a aucune garantie de peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement les centres de santeacute communautaire et les cliniques meacutedicales avec leur agence respective Si les parties nrsquoarrivent pas agrave se mettre drsquoaccord au moment du renouvellement des ententes les femmes devront peut-ecirctre payer de nouveau le coucirct de lrsquoavortement en centre de santeacute ou en clinique meacutedicale alors que le reacuteseau public ne sera pas davantage en mesure drsquooffrir les services attendus Cette situation se manifeste dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement et elle se posera eacutegalement dans le cas de celles qui seront conclues avec les CMS Ainsi le Conseil juge pour le moment que en lrsquoabsence de meilleures garanties lrsquooffre de services drsquoavortement dans ce nouveau type drsquoinstallation met en danger la prestation des services

Par conseacutequent le Conseil estime qursquoil est important de mettre en eacutevidence lrsquoobligation qursquoa le reacuteseau public de continuer agrave se doter des ressources humaines mateacuterielles et financiegraveres suffisantes en matiegravere de planification des naissances Les Queacutebeacutecoises pourraient ainsi continuer agrave beacuteneacuteficier drsquoune gamme complegravete et diversifieacutee de fournisseurs de services de premiegravere ligne permettant une liberteacute de choix

Enfin le Conseil souhaite fortement faire valoir que les femmes qui ont payeacute le coucirct de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de le leur offrir gratuitement ont subi une injustice profonde Elles ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses et ce bien avant lrsquoensemble de la population Selon le Conseil il importe deacutesormais que lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement soit reacutealiseacutee selon des modaliteacutes uniformes

4

T A B L E D E S M A T I Egrave R E S

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER mdash LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES 13

11 La freacutequence des avortements en 2006 quelques donneacutees geacuteneacuterales 13

12 La freacutequence des avortements selon la meacutethode utiliseacutee 15

13 La freacutequence des avortements selon la classe drsquoacircge17

14 Lrsquoincidence de la violence sur les avortements iteacuteratifs 18

15 Les avortements par meacutedication19

16 En reacutesumeacute21

CHAPITRE II mdash LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 23

21 Lrsquoorganisation des services drsquoavortement une vue drsquoensemble23

22 La freacutequence des avortements selon le type drsquoeacutetablissement 24

23 Lrsquoameacutelioration de lrsquooffre de services en CLSC 25

231 Le succegraves mitigeacute des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances 27

CHAPITRE III mdash LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 29

31 La speacutecificiteacute montreacutealaise 29

32 Le cadre leacutegislatif les modifications agrave la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux par le projet de loi no 3330

321 Lrsquoencadrement administratif 31

33 Le projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute33

34 Les enjeux et les perspectives 35

341 Les effets preacutevisibles sur les eacutetablissements publics 36 342 Les effets preacutevisibles sur les cliniques meacutedicales 37 343 Les effets preacutevisibles sur les ressources communautaires 37

35 Une bregraveche dans le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon des modaliteacutes uniformes38

36 Les conseacutequences preacutevisibles sur les femmes 39

CHAPITRE IV mdash LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE41

41 Des menaces seacuterieuses et reacutepeacuteteacutees aux droits des femmes 41

42 Lrsquoutilisation du cadre leacutegislatif feacutedeacuteral pour contrer lrsquoautonomie reproductive des femmes42

43 Les positions anteacuterieures du Conseil toujours drsquoactualiteacute43

431 Lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes44

CONCLUSION47

ANNEXE mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour les reacutegions de lrsquoOutaouais et de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec ndash Queacutebec 2007 49

BIBLIOGRAPHIE51

6

L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

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le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

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MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

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52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 4: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

S O M M A I R E

Depuis sa creacuteation en 1973 le Conseil du statut de la femme situe la question de lrsquoavortement dans une perspective drsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Il est drsquoavis que en vertu des droits fondamentaux de liberteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par la Charte canadienne des droits et liberteacutes et la Charte des droits et liberteacutes de la personne du Queacutebec lrsquoEacutetat a le devoir drsquoeacuteliminer tout obstacle ou toute contrainte qui nuirait agrave cette offre de services Compte tenu des enjeux importants lieacutes agrave cette question le Conseil a maintenu au fil des anneacutees une veille seacuterieuse sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement sur leur financement et sur la prestation reacutegionale de services En ce sens il dresse ici un eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement au Queacutebec au printemps 2008 et fait ressortir drsquoimportants constats

En 2006 chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception des Terres-Cries-de-lashyBaie-James met agrave la disposition des femmes au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement Dans la reacutegion de Montreacuteal on effectue pregraves de 40 de lrsquoensemble des avortements elle est suivie de la reacutegion de la Monteacutereacutegie avec 15 La part de chacune des autres reacutegions deacutepasse rarement 5 Qui plus est lrsquoexamen de tous les codes drsquoacte confondus laisse voir que la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec (RAMQ) a payeacute la mecircme anneacutee 28 198 avortements 92 de ceux-ci sont de premier trimestre La presque totaliteacute des grossesses de premier ou de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres Toutefois lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales soulegraveve lrsquoinquieacutetude du Conseil Crsquoest le cas notamment dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches ougrave il y a davantage drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction (meacutethode non leacutegegravere) plutocirct que par voie chirurgicale

Si de maniegravere geacuteneacuterale la freacutequence des avortements a connu peu de variation agrave traversles anneacutees il en va autrement du cocircteacute des fournisseurs de ce service Agrave cet eacutegard pendant la peacuteriode 2002-2006 le nombre drsquoavortements pratiqueacutes en centre local de services communautaires (CLSC) a augmenteacute de 83 tandis qursquoil a connu une hausse de 55 en centre de santeacute des femmes Par contre il a diminueacute de 26 en clinique meacutedicale Crsquoest aussi le cas des centres hospitaliers ougrave lrsquoon observe une baisse de 9 mais ceux-ci demeurent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services en cette matiegravere

Outre le fait que ces statistiques permettent drsquoestimer les besoins des femmes drsquoautres points restent agrave explorer En ce sens le Conseil a notamment observeacute qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs ont rarement fait lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches Pourtant certains articles scientifiques eacutetablissent des liens troublants entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique que subissent les femmes De la mecircme faccedilon les avortements par meacutedication demeurent difficiles agrave chiffrer et agrave caracteacuteriser

Le Conseil dresse eacutegalement un portrait des eacuteveacutenements qui ont meneacute agrave la gratuiteacute des services drsquoavortement dans les cliniques meacutedicales Il srsquoest aussi inteacuteresseacute agrave la maniegravere

dont les fournisseurs des reacuteseaux public communautaire et priveacute redeacuteploient leurs services sous lrsquoeffet drsquoun nouveau cadre leacutegislatif et administratif conseacutequent agrave lrsquoadoption du projet de loi no 33 modifiant la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux et drsquoautres dispositions leacutegislatives en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement sur les traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute (CMS) en novembre 2007

Si le Conseil se reacutejouit de la gratuiteacute des avortements qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 il appreacutehende cependant les effets plus preacuteoccupants encore que pourrait avoir la nouvelle leacutegislation En effet le Conseil constate qursquoil nrsquoy a aucune garantie de peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement les centres de santeacute communautaire et les cliniques meacutedicales avec leur agence respective Si les parties nrsquoarrivent pas agrave se mettre drsquoaccord au moment du renouvellement des ententes les femmes devront peut-ecirctre payer de nouveau le coucirct de lrsquoavortement en centre de santeacute ou en clinique meacutedicale alors que le reacuteseau public ne sera pas davantage en mesure drsquooffrir les services attendus Cette situation se manifeste dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement et elle se posera eacutegalement dans le cas de celles qui seront conclues avec les CMS Ainsi le Conseil juge pour le moment que en lrsquoabsence de meilleures garanties lrsquooffre de services drsquoavortement dans ce nouveau type drsquoinstallation met en danger la prestation des services

Par conseacutequent le Conseil estime qursquoil est important de mettre en eacutevidence lrsquoobligation qursquoa le reacuteseau public de continuer agrave se doter des ressources humaines mateacuterielles et financiegraveres suffisantes en matiegravere de planification des naissances Les Queacutebeacutecoises pourraient ainsi continuer agrave beacuteneacuteficier drsquoune gamme complegravete et diversifieacutee de fournisseurs de services de premiegravere ligne permettant une liberteacute de choix

Enfin le Conseil souhaite fortement faire valoir que les femmes qui ont payeacute le coucirct de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de le leur offrir gratuitement ont subi une injustice profonde Elles ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses et ce bien avant lrsquoensemble de la population Selon le Conseil il importe deacutesormais que lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement soit reacutealiseacutee selon des modaliteacutes uniformes

4

T A B L E D E S M A T I Egrave R E S

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER mdash LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES 13

11 La freacutequence des avortements en 2006 quelques donneacutees geacuteneacuterales 13

12 La freacutequence des avortements selon la meacutethode utiliseacutee 15

13 La freacutequence des avortements selon la classe drsquoacircge17

14 Lrsquoincidence de la violence sur les avortements iteacuteratifs 18

15 Les avortements par meacutedication19

16 En reacutesumeacute21

CHAPITRE II mdash LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 23

21 Lrsquoorganisation des services drsquoavortement une vue drsquoensemble23

22 La freacutequence des avortements selon le type drsquoeacutetablissement 24

23 Lrsquoameacutelioration de lrsquooffre de services en CLSC 25

231 Le succegraves mitigeacute des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances 27

CHAPITRE III mdash LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 29

31 La speacutecificiteacute montreacutealaise 29

32 Le cadre leacutegislatif les modifications agrave la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux par le projet de loi no 3330

321 Lrsquoencadrement administratif 31

33 Le projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute33

34 Les enjeux et les perspectives 35

341 Les effets preacutevisibles sur les eacutetablissements publics 36 342 Les effets preacutevisibles sur les cliniques meacutedicales 37 343 Les effets preacutevisibles sur les ressources communautaires 37

35 Une bregraveche dans le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon des modaliteacutes uniformes38

36 Les conseacutequences preacutevisibles sur les femmes 39

CHAPITRE IV mdash LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE41

41 Des menaces seacuterieuses et reacutepeacuteteacutees aux droits des femmes 41

42 Lrsquoutilisation du cadre leacutegislatif feacutedeacuteral pour contrer lrsquoautonomie reproductive des femmes42

43 Les positions anteacuterieures du Conseil toujours drsquoactualiteacute43

431 Lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes44

CONCLUSION47

ANNEXE mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour les reacutegions de lrsquoOutaouais et de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec ndash Queacutebec 2007 49

BIBLIOGRAPHIE51

6

L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

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le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

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MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

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R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 5: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

dont les fournisseurs des reacuteseaux public communautaire et priveacute redeacuteploient leurs services sous lrsquoeffet drsquoun nouveau cadre leacutegislatif et administratif conseacutequent agrave lrsquoadoption du projet de loi no 33 modifiant la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux et drsquoautres dispositions leacutegislatives en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement sur les traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute (CMS) en novembre 2007

Si le Conseil se reacutejouit de la gratuiteacute des avortements qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 il appreacutehende cependant les effets plus preacuteoccupants encore que pourrait avoir la nouvelle leacutegislation En effet le Conseil constate qursquoil nrsquoy a aucune garantie de peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement les centres de santeacute communautaire et les cliniques meacutedicales avec leur agence respective Si les parties nrsquoarrivent pas agrave se mettre drsquoaccord au moment du renouvellement des ententes les femmes devront peut-ecirctre payer de nouveau le coucirct de lrsquoavortement en centre de santeacute ou en clinique meacutedicale alors que le reacuteseau public ne sera pas davantage en mesure drsquooffrir les services attendus Cette situation se manifeste dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement et elle se posera eacutegalement dans le cas de celles qui seront conclues avec les CMS Ainsi le Conseil juge pour le moment que en lrsquoabsence de meilleures garanties lrsquooffre de services drsquoavortement dans ce nouveau type drsquoinstallation met en danger la prestation des services

Par conseacutequent le Conseil estime qursquoil est important de mettre en eacutevidence lrsquoobligation qursquoa le reacuteseau public de continuer agrave se doter des ressources humaines mateacuterielles et financiegraveres suffisantes en matiegravere de planification des naissances Les Queacutebeacutecoises pourraient ainsi continuer agrave beacuteneacuteficier drsquoune gamme complegravete et diversifieacutee de fournisseurs de services de premiegravere ligne permettant une liberteacute de choix

Enfin le Conseil souhaite fortement faire valoir que les femmes qui ont payeacute le coucirct de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de le leur offrir gratuitement ont subi une injustice profonde Elles ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses et ce bien avant lrsquoensemble de la population Selon le Conseil il importe deacutesormais que lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement soit reacutealiseacutee selon des modaliteacutes uniformes

4

T A B L E D E S M A T I Egrave R E S

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER mdash LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES 13

11 La freacutequence des avortements en 2006 quelques donneacutees geacuteneacuterales 13

12 La freacutequence des avortements selon la meacutethode utiliseacutee 15

13 La freacutequence des avortements selon la classe drsquoacircge17

14 Lrsquoincidence de la violence sur les avortements iteacuteratifs 18

15 Les avortements par meacutedication19

16 En reacutesumeacute21

CHAPITRE II mdash LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 23

21 Lrsquoorganisation des services drsquoavortement une vue drsquoensemble23

22 La freacutequence des avortements selon le type drsquoeacutetablissement 24

23 Lrsquoameacutelioration de lrsquooffre de services en CLSC 25

231 Le succegraves mitigeacute des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances 27

CHAPITRE III mdash LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 29

31 La speacutecificiteacute montreacutealaise 29

32 Le cadre leacutegislatif les modifications agrave la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux par le projet de loi no 3330

321 Lrsquoencadrement administratif 31

33 Le projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute33

34 Les enjeux et les perspectives 35

341 Les effets preacutevisibles sur les eacutetablissements publics 36 342 Les effets preacutevisibles sur les cliniques meacutedicales 37 343 Les effets preacutevisibles sur les ressources communautaires 37

35 Une bregraveche dans le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon des modaliteacutes uniformes38

36 Les conseacutequences preacutevisibles sur les femmes 39

CHAPITRE IV mdash LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE41

41 Des menaces seacuterieuses et reacutepeacuteteacutees aux droits des femmes 41

42 Lrsquoutilisation du cadre leacutegislatif feacutedeacuteral pour contrer lrsquoautonomie reproductive des femmes42

43 Les positions anteacuterieures du Conseil toujours drsquoactualiteacute43

431 Lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes44

CONCLUSION47

ANNEXE mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour les reacutegions de lrsquoOutaouais et de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec ndash Queacutebec 2007 49

BIBLIOGRAPHIE51

6

L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

10

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 6: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

T A B L E D E S M A T I Egrave R E S

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER mdash LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES 13

11 La freacutequence des avortements en 2006 quelques donneacutees geacuteneacuterales 13

12 La freacutequence des avortements selon la meacutethode utiliseacutee 15

13 La freacutequence des avortements selon la classe drsquoacircge17

14 Lrsquoincidence de la violence sur les avortements iteacuteratifs 18

15 Les avortements par meacutedication19

16 En reacutesumeacute21

CHAPITRE II mdash LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 23

21 Lrsquoorganisation des services drsquoavortement une vue drsquoensemble23

22 La freacutequence des avortements selon le type drsquoeacutetablissement 24

23 Lrsquoameacutelioration de lrsquooffre de services en CLSC 25

231 Le succegraves mitigeacute des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances 27

CHAPITRE III mdash LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT 29

31 La speacutecificiteacute montreacutealaise 29

32 Le cadre leacutegislatif les modifications agrave la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux par le projet de loi no 3330

321 Lrsquoencadrement administratif 31

33 Le projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute33

34 Les enjeux et les perspectives 35

341 Les effets preacutevisibles sur les eacutetablissements publics 36 342 Les effets preacutevisibles sur les cliniques meacutedicales 37 343 Les effets preacutevisibles sur les ressources communautaires 37

35 Une bregraveche dans le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon des modaliteacutes uniformes38

36 Les conseacutequences preacutevisibles sur les femmes 39

CHAPITRE IV mdash LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE41

41 Des menaces seacuterieuses et reacutepeacuteteacutees aux droits des femmes 41

42 Lrsquoutilisation du cadre leacutegislatif feacutedeacuteral pour contrer lrsquoautonomie reproductive des femmes42

43 Les positions anteacuterieures du Conseil toujours drsquoactualiteacute43

431 Lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes44

CONCLUSION47

ANNEXE mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour les reacutegions de lrsquoOutaouais et de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec ndash Queacutebec 2007 49

BIBLIOGRAPHIE51

6

L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

10

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 7: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

34 Les enjeux et les perspectives 35

341 Les effets preacutevisibles sur les eacutetablissements publics 36 342 Les effets preacutevisibles sur les cliniques meacutedicales 37 343 Les effets preacutevisibles sur les ressources communautaires 37

35 Une bregraveche dans le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon des modaliteacutes uniformes38

36 Les conseacutequences preacutevisibles sur les femmes 39

CHAPITRE IV mdash LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE41

41 Des menaces seacuterieuses et reacutepeacuteteacutees aux droits des femmes 41

42 Lrsquoutilisation du cadre leacutegislatif feacutedeacuteral pour contrer lrsquoautonomie reproductive des femmes42

43 Les positions anteacuterieures du Conseil toujours drsquoactualiteacute43

431 Lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes44

CONCLUSION47

ANNEXE mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour les reacutegions de lrsquoOutaouais et de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec ndash Queacutebec 2007 49

BIBLIOGRAPHIE51

6

L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

10

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

28

C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

40

C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 8: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

L I S T E D E S T A B L E A U X

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 200714

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash

Queacutebec 2007 17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec

200718

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007 23

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007 25

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002-2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007 29

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

10

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 9: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

I N T R O D U C T I O N

Vestiges drsquoun deacuteveloppement erratique insuffisant et parfois contraint dans le reacuteseau public de santeacute les services drsquoavortement se sont implanteacutes dans une certaine illeacutegaliteacute au cours des anneacutees 1970 dans les reacuteseaux communautaire et priveacute mais aussi dans le reacuteseau public des centres locaux de services communautaires un peu plus tard au deacutebut des anneacutees 1980 Rappelons qursquoen 1969 le projet de loi appeleacute laquo bill omnibus1 raquo balisait la pratique de lrsquoavortement tout en lui confeacuterant un caractegravere criminel si les prescriptions preacutevues dans lrsquoarticle 251 du Code criminel nrsquoeacutetaient pas respecteacutees celles-ci exigeaient que les avortements soient uniquement effectueacutes du moins jusqursquoen 1988 dans les centres hospitaliers qui avaient mis sur pied un comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique

Au Queacutebec crsquoest seulement en 1977 soit huit anneacutees apregraves la leacutegalisation de lrsquoavortement que le Conseil des ministres annonce lrsquoimplantation des centres de planification des naissances dans les hocircpitaux Connus sous lrsquoappellation de laquo cliniques Lazure raquo ces centres ont la responsabiliteacute drsquoeffectuer des avortements pourvu que trois meacutedecins sieacutegeant au comiteacute drsquoavortement theacuterapeutique de lrsquohocircpital aient donneacute leur assentiment aux femmes qui en font la demande tel que cela est prescrit par la leacutegislation canadienne Toujours au mecircme moment soit en 1977 sur la scegravene feacutedeacuterale la commission Badgley2 remet un rapport accablant sur lrsquoaccessibiliteacute aux services drsquoavortement Constatant que seulement 20 des hocircpitaux canadiens ont mis sur pied des comiteacutes drsquoavortement theacuterapeutique que les critegraveres drsquoacceptation ou de refus sont complegravetement aleacuteatoires et varient drsquoun comiteacute agrave un autre et que les deacutelais de reacuteponse sont trop longs le rapport conclut agrave lrsquoarbitraire du processus agrave lrsquoineacutegaliteacute des ressources et agrave la neacutecessiteacute absolue drsquoaugmenter lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services En 1978 le Conseil du statut de la femme3 dans son document Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance constate la rareteacute voire lrsquoinexistence des ressources drsquoavortement dans la plupart des reacutegions du Queacutebec agrave lrsquoexception de celles qui sont preacutesentes sur le territoire montreacutealais ougrave la presque totaliteacute des avortements (98 ) du Queacutebec y sont pratiqueacutes dont 93 dans le milieu anglophone

1 Le 14 mai 1969 le bill omnibus du gouvernement feacutedeacuteral modifie les articles du Code criminel qui portent sur lrsquoavortement lrsquoattentat agrave la pudeur les loteries la conduite avec les faculteacutes affaiblies les armes agrave feu et la reacuteforme peacutenale Se rapporter agrave httppageinfinitnethistoireomnibushtml

2 Se rapporter agrave httpdsp-psdpwgscgccaCollection-RLoPBdPCIR8910-fhtml 3 Conseil du statut de la femme Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978

p 92

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

10

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 10: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Ce mode drsquoimplantation chancelant a laisseacute des contrecoups qui auront des reacutepercussions sur la prestation des services drsquoavortement jusqursquoagrave aujourdrsquohui Dans ses diffeacuterents avis4 portant sur la planification des naissances y compris lrsquoavortement le Conseil a fait ressortir les caracteacuteristiques suivantes

bull lrsquoineacutegaliteacute et la dispariteacute reacutegionale des ressources du reacuteseau public

bull le rocircle compleacutementaire des cliniques meacutedicales dans la prestation des services drsquoavortement en geacuteneacuteral mais surtout dans ceux de deuxiegraveme trimestre de grossesse

bull la lourdeur de la proceacutedure meacutedicale et administrative agrave laquelle les femmes doivent se soumettre

bull la lenteur des eacutetablissements publics agrave organiser les services de planification des naissances

bull les tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement

bull les sommes importantes que les Queacutebeacutecoises doivent payer pour avoir accegraves aux services de premiegravere ligne dans le domaine de la santeacute reproductive

Reconnaissant neacuteanmoins que le reacuteseau public devait ameacuteliorer ses services et que lrsquoapport des reacuteseaux communautaire et priveacute en matiegravere de prestation de services drsquoavortement eacutetait incontournable le ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux (MSSS) publie en 1995 ses Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances5 Celles-ci font eacutetat de la compleacutementariteacute entre les fournisseurs publics priveacutes et communautaires de services drsquoavortement et fondent leur pratique agrave lrsquointeacuterieur des principes que sont la liberteacute et la responsabiliteacute des femmes et des hommes en matiegravere de procreacuteation leur inteacutegriteacute physique et lrsquoaccessibiliteacute universelle et gratuite des services Toutefois ce dernier principe ne se mateacuterialisera pas et cette situation conduira lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave entamer des poursuites en recours collectif afin que les montants payeacutes par les femmes qui recourent agrave un avortement en clinique meacutedicale ou au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal leur soient rembourseacutes

Par la suite le 17 aoucirct 2006 le jugement de la Cour supeacuterieure du Queacutebec statue sur le bien-fondeacute de la gratuiteacute des services drsquoavortement lorsqursquoils sont offerts dans les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Finalement depuis

4 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec [recherche et reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p Conseil du statut de la femme Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

5 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

10

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

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GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

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MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

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R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 11: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

le 14 janvier 2008 les femmes nrsquoont plus agrave payer des montants allant de 40 $ agrave 375 $ lorsqursquoelles recourent aux services drsquoavortement de premier trimestre dans ces installations

Compte tenu des enjeux qui touchent directement le droit agrave lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes lrsquoaccegraves aux services de premiegravere ligne drsquoavortement leur financement gratuit et leur prestation reacutegionale ont preacuteoccupeacute le Conseil depuis sa creacuteation et continuent drsquoy soulever des inquieacutetudes au printemps 2008 Dans le preacutesent document le Conseil veut examiner les derniers changements et les modifications leacutegislatives qui balisent la pratique de lrsquoavortement dans le reacuteseau public de santeacute mais aussi dans les reacuteseaux des centres de santeacute des femmes et des cliniques meacutedicales Ainsi il veut mettre en relief la maniegravere dont ces fournisseurs de services sont en train de se restructurer et de se redeacuteployer depuis lrsquoadoption du projet de loi no 33 en deacutecembre 2006 et depuis la preacutepublication du projet de regraveglement Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute en novembre 2007 Drsquoailleurs ce regraveglement mecircme agrave lrsquoeacutetat de projet a des effets bien reacuteels sur les orientations et lrsquoeacutevolution de la pratique des avortements En fait il influe deacutejagrave sur lrsquoaccessibiliteacute agrave ces services

Tout en se reacutejouissant de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 le Conseil observe que les reacutecentes reacuteformes du systegraveme de santeacute soulegravevent des deacutebats qui touchent des enjeux propres agrave lrsquoavortement mais qui le deacutepassent aussi Or le projet de regraveglement voulant que la prestation des services drsquoavortement se fasse doreacutenavant en CMS nrsquooffre pas de lrsquoavis du Conseil toutes les garanties drsquoune accessibiliteacute gratuite et universelle pas plus qursquoil nrsquoassure agrave la population feacuteminine un accegraves eacutegal aux mecircmes services dans les mecircmes installations et aux mecircmes conditions Aussi les dangers de deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans la prestation des services drsquoavortement sont reacuteels Rappelons que ce projet de regraveglement mentionne nommeacutement lrsquoavortement et lrsquoencadre dans une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire soit les CMS Ceux-ci sont des lieux priveacutes de pratique diffeacuterents des eacutetablissements publics des cliniques meacutedicales et des centres de santeacute communautaire

Dans le premier chapitre le Conseil examinera les reacutealiteacutes chiffreacutees de lrsquoavortement Les tableaux statistiques donnent en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement et sont surtout reacuteveacutelateurs de la stabiliteacute de lrsquooccurrence de cet acte meacutedical au cours des cinq derniegraveres anneacutees

Le deuxiegraveme chapitre portera sur lrsquoorganisation des services drsquoavortement Le Conseil exposera diverses donneacutees statistiques entre autres sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de deacutegager les fluctuations qui se sont produites chez les fournisseurs de ces services pendant la peacuteriode 2002-2006

Le troisiegraveme chapitre quant agrave lui traitera des plus reacutecents deacuteveloppements en matiegravere drsquoencadrement leacutegislatif et administratif de lrsquoavortement Il propose de se pencher notamment sur le type drsquoentente susceptible de lier les cliniques meacutedicales et les ressources communautaires et le MSSS pour que lrsquoaccessibiliteacute aux soins drsquoavortement soit assureacutee selon des modaliteacutes uniformes et gratuites pour toutes les femmes

11

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 12: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Enfin le quatriegraveme et dernier chapitre fournira au Conseil lrsquooccasion de rappeler ses positions sur les tentatives de criminalisation de lrsquoavortement qui ont preacutesentement lieu sur la scegravene feacutedeacuterale

12

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

33

LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 13: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

C H A P I T R E P R E M I E R LES AVORTEMENTS AU QUEacuteBEC FREacuteQUENCE SELON DIVERS PARAMEgraveTRES

Quand il est question de chiffrer les avortements effectueacutes au Queacutebec le Conseil fait montre drsquoune grande prudence Cette attitude tient agrave la difficulteacute voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoobtenir le deacutecompte exact de cet acte meacutedical puisque les statistiques sur lesquelles se bacirctissent les tableaux du Conseil proviennent des fichiers des codes drsquoacte meacutedical de la RAMQ Rappelons que cet organisme est avant tout un agent payeur et non un agent statisticien de ce fait un certain nombre drsquoavortements pratiqueacutes en CLSC par des meacutedecins payeacutes sur une base hebdomadaire ou agrave vacation sont exclus de ses fichiers En plus de cette sous-eacutevaluation il y a celle qui est conseacutequente aux avortements interrompus par meacutedication et aussi celle qui est imputable agrave la transcription faite par le meacutedecin lui-mecircme une erreur quelconque dans son formulaire de facturation entraicircnera neacutecessairement des inexactitudes dans les compilations statistiques de la RAMQ Aux prises avec les mecircmes difficulteacutes lrsquoInstitut de la statistique du Queacutebec estime dans une de ses eacutetudes6 que lrsquoeacutecart entre le nombre reacuteel drsquoavortements pratiqueacutes et celui qui est comptabiliseacute srsquoeacutetablit agrave 6

Bien qursquoil lrsquoait recommandeacute anteacuterieurement7 le Conseil constate aujourdrsquohui encore qursquoaucun organisme ne se consacre expresseacutement agrave la recherche et agrave la collecte scientifique de donneacutees sur la santeacute reproductive de la population queacutebeacutecoise agrave deacutefaut drsquoune telle instance selon lui ces impreacutecisions perdureront et obligeront agrave srsquoen tenir agrave une approximation En conseacutequence la plus grande prudence est de mise dans lrsquointerpreacutetation des donneacutees puisque le portrait obtenu ne peut ecirctre que partiel De plus cette inadeacutequation relative biaisera agrave son tour les principaux indicateurs8 de lrsquoavortement les eacutevaluations portant sur la conformiteacute des services avec les besoins des femmes et les politiques en matiegravere de santeacute publique

11 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS EN 2006 QUELQUES DONNEacuteES GEacuteNEacuteRALES

Tous codes drsquoacte confondus les avortements payeacutes par la RAMQ au Queacutebec en 2006 sechiffrent agrave 28 198 (tableau 1) Agrave noter que 92 de ceux-ci (25 935) sont survenus avant la 14e semaine de gestation Quant aux 2 263 avortements de 14 semaines et plus9 ils repreacutesentent 8 de lrsquoensemble des avortements

6 Institut de la statistique du Queacutebec Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 p 5

7 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 8 Les deux principaux indicateurs geacuteneacuteralement utiliseacutes sont les suivants le premier est eacutetabli drsquoapregraves le

nombre drsquoavortements pour 1 000 femmes acircgeacutees de 15 agrave 44 ans et le second drsquoapregraves le nombre drsquoavortements pour 100 naissances

9 Les avortements de deuxiegraveme trimestre sont comptabiliseacutes par les codes 6941 et 6948

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 14: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

TABLEAU 1 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

Total 6451 6908 6909 6941 6948

N N N N N N

Bas-Saint-Laurent --- 2 303 296 115 11 065 6 101 315 111

SaguenayndashLac-St-Jean 44 2514 8 1212 524 203 33 197 16 271 625 221

Queacutebec 4 228 22 3333 1 746 679 122 729 53 898 1 947 690

MauriciendashCentre-dushy 15 857 5 757 977 380 86 514 32 542 1 115 395 Queacutebec

Estrie 2 114 --- --- 823 320 80 478 8 135 913 323

Montreacuteal-Centre 23 1314 4 606 9 898 3852 577 3448 175 2966 10 677 3786

Outaouais 5 285 --- --- 1 290 502 57 340 9 152 1 361 482

Abitibi-Teacutemiscamingue 5 285 --- --- 197 076 5 029 20 338 227 080

Cocircte-Nord 1 057 5 112 288 112 23 137 8 135 325 115

Nord-du-Queacutebec --- --- 3 454 62 024 33 197 6 101 104 036 Nunavik et Terres-Cries-de-la-Baie-James

GaspeacutesiendashIcircles-de-lashy 1 057 2 303 82 031 8 047 8 135 101 035 Madeleine

Chaudiegravere-Appalaches 4 228 12 1818 706 274 34 203 38 644 794 281

Laval 6 342 --- --- 1 532 596 75 448 31 525 1 644 583

Lanaudiegravere 9 514 --- --- 1 442 561 122 729 21 355 1 594 565

Laurentides 51 2914 2 303 1 613 627 98 585 16 271 1 780 631

Monteacutereacutegie 5 285 1 151 4 218 1641 309 1846 143 2423 4 676 1658

Ensemble du Queacutebec Total N

Total

175

062

66

023

25 694

911

1 673

593

590

209

28 198

10000

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

Codes drsquoacte - 6451 Steacuterilisation toutes meacutethodes avec avortement - 6908 Avortement par extraction menstruelle - 6909 Avortement par dilatation ndash aspiration ndash curetage - 6941 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine par aspiration ndash curetage ndash eacutevacuation (date

drsquoentreacutee en vigueur le 1er aoucirct 1996) - 6948 Avortement theacuterapeutique agrave partir de la 14e semaine ndash induction toutes meacutethodes

14

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

30

non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

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MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 15: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Agrave elle seule la reacutegion de Montreacuteal totalise presque 40 de lrsquoensemble des grossesses interrompues en 2006 et la Monteacutereacutegie en compte un peu plus de 15 toutes proportions gardeacutees agrave lrsquoautre extrecircme de ce spectre les reacutegions de la GaspeacutesiendashIcircles-deshyla-Madeleine (035 ) et de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue (080 ) se deacutemarquent en laissant voir un tregraves faible volume drsquoavortement Ailleurs la part de chacune des reacutegions repreacutesente rarement plus de 5 de lrsquoensemble des avortements effectueacutes au Queacutebec en 2006

Le tableau 1 deacutemontre aussi que toutes les reacutegions qui disposent de ressources en matiegravere drsquoavortement sont en mesure drsquointervenir agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus Les codes drsquoacte de la RAMQ ne permettent pas de situer avec preacutecision les interventions faites agrave toutes les semaines du deuxiegraveme trimestre mais en dehors des reacutegions de Montreacuteal de lrsquoEstrie et de Queacutebec les ressources des autres reacutegions interviennent rarement agrave des stades de gestation de 16 semaines et plus sauf dans les cas drsquourgence

Cette situation permet de comprendre que des corridors10 de services aient eacuteteacute eacutetablis dans ces trois reacutegions afin drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute aux avortements de deuxiegraveme trimestre Un centre de coordination posteacute au Centre de santeacute et de services sociaux Jeanne-Mance agrave Montreacuteal est responsable depuis le deacutebut des anneacutees 2000 de la coordination intrareacutegionale et suprareacutegionale de ces services Agrave noter le rocircle deacuteterminant tenu par les cliniques meacutedicales et ce depuis les anneacutees 1970 dans la prestation des services de deuxiegraveme trimestre Drsquoailleurs advenant lrsquoincapaciteacute temporaire du reacuteseau public drsquooffrir ces services lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal dirige vers elles des usagegraveres Le coucirct inheacuterent aux interruptions de grossesse de deuxiegraveme trimestre est entiegraverement pris en charge par le reacuteseau public

Pour les grossesses de 25 semaines et plus les services ne sont disponibles qursquoagravelrsquoexteacuterieur du Queacutebec dans certaines cliniques de New York et drsquoOrlando aux Eacutetats-Unis crsquoest alors lrsquoAgence de la santeacute et de services sociaux de Montreacuteal qui agit comme intermeacutediaire aupregraves des femmes qui neacutecessitent ces soins qui sont aussi pris en charge par le reacuteseau public

12 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA MEacuteTHODE UTILISEacuteE

La presque totaliteacute (98 )11 des 28 198 grossesses de premier et de deuxiegraveme trimestre ont eacuteteacute interrompues par des meacutethodes chirurgicales reconnues pour ecirctre leacutegegraveres comme

10 Les corridors de services srsquoinscrivent agrave lrsquointeacuterieur du principe de la hieacuterarchisation des soins qui a pour objet entre autres de faciliter le cheminement drsquoune usagegravere ou drsquoun usager entre les services de premiegravere de deuxiegraveme et de troisiegraveme ligne Si la taille ou la mission drsquoun centre de santeacute et de services sociaux lrsquoempecircchent drsquooffrir la gamme complegravete de services speacutecialiseacutes il doit conclure de faccedilon officielle des ententes de services avec drsquoautres eacutetablissements de son territoire ou hors de celui-ci afin qursquoun accegraves agrave ces services soit assureacute dans les deacutelais requis Pour ce faire il doit aussi y avoir mise en place drsquoun meacutecanisme officiel de reacutefeacuterence capable drsquoassurer lrsquoaccessibiliteacute la prise en charge le suivi et la coordination des services destineacutes agrave sa population

11 Ce pourcentage a eacuteteacute eacutetabli par lrsquoaddition des codes 6451 6908 6909 et 6941

15

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

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GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

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MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

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52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 16: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

la dilatation-aspiration la dilation-extraction et lrsquoextraction menstruelle Cette derniegravere reste une meacutethode peu utiliseacutee bien que pendant la peacuteriode 2002-2006 elle ait deacutecupleacute

En 2006 on a utiliseacute la meacutethode drsquoinduction par voie veineuse ou intra-uteacuterine dans agrave peine un peu plus de 2 des avortements de 14 semaines et plus toutes proportions gardeacutees en 1992 lrsquoeacutetude meneacutee par le Conseil eacutetablit que 58 des avortements de deuxiegraveme trimestre eacutetaient induits12 Tout en se reacutejouissant des progregraves faits le Conseil rappelle que lrsquoinduction reste une solution de rechange agrave lrsquoapproche chirurgicale geacuteneacuteralement pour les grossesses de plus de 20 semaines Cette meacutethode neacutecessite une hospitalisation de quelques jours et est associeacutee agrave un risque accru de complications comme en font eacutetat les lignes directrices publieacutees par le Collegravege des meacutedecins du Queacutebec en 200413 Aussi lrsquoexamen de certaines donneacutees reacutegionales inquiegravete le Conseil lorsqursquoil constate que dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par inductionque par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

Enfin le Conseil a des raisons de croire que la pratique de la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement est de plus en plus deacutelaisseacutee par les femmes en effet de 2002 agrave 2006 cette intervention a connu une deacutecroissance constante et reacuteguliegravere et en 2006 crsquoest presque 50 de moins de femmes qui ont eu recours agrave la steacuterilisation apregraves un avortement (tableaux 1 et 2) Plusieurs des intervenantes et des intervenants du Comiteacute de vigilance14 sont drsquoavis que ce pheacutenomegravene est apparu au fur et agrave mesure que les femmes privileacutegiaient le dispositif intra-uteacuterin Mirena poseacute juste apregraves lrsquoavortement Ce steacuterilet est en train de devenir une solution de rechange non chirurgicale agrave une proceacutedure comme la steacuterilisation tubaire

Crsquoest ainsi que en 2006 175 femmes ont opteacute pour une steacuterilisation tubaire en mecircme temps qursquoun avortement Cette intervention est un choix retenu principalement par les femmes de 30 ans et plus le tableau 1 montre drsquoailleurs que lrsquooccurrence de cette intervention est significativement eacuteleveacutee dans les reacutegions des Laurentides et du SaguenayndashLac-Saint-Jean ougrave plus de 54 de ces actes ont lieu dans ces deux seules reacutegions

12 Ce calcul est fait agrave partir du tableau 1 preacutesenteacute dans Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 10

13 Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 p 11

14 Le Comiteacute de vigilance a eacuteteacute formeacute au cours des anneacutees 1980 agrave des fins de formation et de perfectionnement professionnels Il srsquoagit drsquoun regroupement officieux drsquointervenantes et drsquointervenants en planification des naissances venant des reacuteseaux tant public que communautaire oupriveacute Aux Eacutetats-Unis la National Abortion Federation (NAF) est une reacutefeacuterence incontournable en matiegravere de formation pour les intervenantes et les intervenants en avortement Plusieurs intervenantes et intervenants queacutebeacutecois sont membres de la NAF et suivent les formations ainsi que les protocoles drsquointervention de cette institution ameacutericaine

16

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 17: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

TABLEAU 2 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le code drsquoacte pour lrsquoensemble du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

6451 6908 6909 6941 6948 Total

Anneacutee N N N N N N

2006 175 062 66 023 25 694 911 1 673 59 590 21 28 198 100

2005 237 084 25 009 25 617 912 1 627 58 574 20 28 080 100

2004 283 096 9 003 26 996 916 1 615 55 557 19 29 460 100

2003 264 089 9 003 26 920 915 1 651 56 585 20 29 429 100

2002 344 118 6 002 26 451 908 1 614 55 725 25 29 140 100

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

13 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LA CLASSE DrsquoAcircGE

En 2006 un peu plus de la moitieacute (52 ) des avortements payeacutes agrave lrsquoacte sont concentreacutes dans deux classes drsquoacircge quinquennales celle des 20 agrave 24 ans dans une proportion de presque 30 et celle des 25 agrave 29 ans dans une proportion de pregraves de 23 Les avortements pratiqueacutes dans les classes drsquoacircge de 19 ans et moins repreacutesentent 18 de lrsquoensemble des avortements (tableau 3)

Parmi les classes drsquoacircge plus acircgeacutees le quart (26 ) des avortements est le fait des femmes dont lrsquoacircge varie de 30 agrave 39 ans alors que le taux est de 4 pour celles de 40 ans et plus

17

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 18: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

TABLEAU 3 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte au Queacutebec en 2006 selon la classe drsquoacircge et selon la meacutethode utiliseacutee ndash Queacutebec 2007

Classe Meacutethode utiliseacutee (code drsquoacte)

T O T A L6451 6908 6909 6941 6948 drsquoacircge N N N N N N

Moins de 15 ans

15 ndash 19

20 ndash 24

25 ndash 29

30 ndash 34

35 ndash 39

40 ndash 44

45 et plus

---

---

4

30

54

60

22

5

---

---

23

171

308

343

127

28

---

11

25

17

4

3

3

3

---

167

379

258

61

45

45

45

90

4 423

7 641

5 941

3 908

2 647

949

95

035

172

297

231

152

103

37

04

12

388

544

351

195

129

49

5

07

232

325

210

117

77

29

03

2

87

100

129

147

93

29

3

03

147

169

219

249

159

49

05

104

4 909

8 314

6 468

4 308

2 932

1 052

111

036

174

295

229

153

104

37

04

Total N 175

066

66

024

25 694

911

1 673

59

590

21

28 198

1000Total Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur le nombre et coucirct de certains actes (avortements) par reacutegion et groupe drsquoacircge pratiqueacutes par lrsquoensemble des meacutedecins reacutemuneacuteration agrave lrsquoacte Queacutebec 2002-2006

14 LrsquoINCIDENCE DE LA VIOLENCE SUR LES AVORTEMENTS ITEacuteRATIFS15

Le Conseil constate qursquoagrave ce jour les avortements iteacuteratifs font rarement lrsquoobjet drsquoeacutetudes et de recherches scientifiques les rares documents qui se penchent sur ce pheacutenomegravene mettent en lumiegravere des faits preacuteoccupants qui de son avis doivent ecirctre rapporteacutes On y relegraveve16 que sur lrsquoensemble des avortements au Canada17 35 sont pratiqueacutes sur desfemmes qui ont deacutejagrave interrompu une grossesse aux Eacutetats-Unis ces interventions sont plus courantes puisqursquoon compte presque la moitieacute (48 ) des avortements qui sont iteacuteratifs En 1988 le Conseil18 les eacutevaluait respectivement agrave 20 pour les Canadiennes et

15 Tout un deacutebat pourrait avoir lieu en vue de deacuteterminer si le deuxiegraveme avortement qui survient 15 ans apregraves le premier peut ecirctre qualifieacute drsquoavortement iteacuteratif il est geacuteneacuteralement admis qursquoun avortement est dit laquo iteacuteratif ou reacutepeacutetitif raquo lorsque plusieurs ont lieu agrave lrsquointeacuterieur drsquoune peacuteriode de 5 ans

16 Pour la deacutemarche meacutethodologique et les peacuteriodes de reacutefeacuterence retenues voir William A FISHER et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641 se rapporter eacutegalement agrave Rachel K JONES et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

17 Une des premiegraveres eacutetudes sur la situation au Canada a analyseacute le pheacutenomegravene sur un eacutechantillon de 12 million drsquoavortements survenus de 1975 agrave 1993 le reacutesultat faisait valoir que 20 de ces avortements eacutetaient iteacuteratifs Se reacutefeacuterer agrave Wayne J MILLAR et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

18 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit p 8

18

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

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MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

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53

Page 19: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

agrave 30 pour les Ameacutericaines manifestement au cours des anneacutees ce pheacutenomegravene a subi une forte hausse

Au-delagrave de ces taux et de plusieurs autres reacutesultats que ces recherches deacutevoilent le Conseil est particuliegraverement preacuteoccupeacute par le lien qursquoelles eacutetablissent entre le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement et la violence tant psychologique que sexuelle ou physique subie par les femmes Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas non plus uniquement canadien ou ameacutericain puisqursquoune eacutetude de 2005 meneacutee aupregraves drsquoune population franccedilaise19 eacutetablit eacutegalement lrsquoexistence de ce lien tout comme une reacutecente enquecircte britannique qui signalait que 35 des femmes qui voulaient interrompre une grossesse eacutetaient victimes de violence20

Dans ces diffeacuterentes recherches lrsquoavortement agrave reacutepeacutetition est interpreacuteteacute comme un marqueur de la preacutesence de violence et drsquoabus sexuels preacutesents ou passeacutes Selon lrsquoeacutetude parue dans la revue Canadian Medical Association Journal21 la correacutelation serait telle que les femmes qui se preacutesentent pour leur troisiegraveme ou leur quatriegraveme avortement sont deux fois et demi plus nombreuses agrave rapporter des eacutepisodes de violence et drsquoabus que celles qui se preacutesentent agrave leur premier avortement

Pour le Conseil ces donneacutees confirment les effets agrave long terme de la violence sur la santeacute des femmes en geacuteneacuteral et sur leur santeacute reproductive en particulier De plus il comprend aussi que la preacutevention de la violence pourrait influer sur le recours reacutepeacuteteacute agrave lrsquoavortement En ce sens il lui importe que les meacutedecins et lrsquoensemble des membres des eacutequipes de planification des naissances aient les meilleures conditions possible pour intervenir sur les aspects meacutedicaux de lrsquoavortement mais aussi sur les aspects psychosociaux Pour cela il faut du temps pour repeacuterer lrsquoexistence de la violence et pour proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes le tout dans le contexte bien particulier de lrsquoavortement

Quoi qursquoil en soit devant ces constats accablants et devant lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en ce domaine le Conseil trouve important drsquoacqueacuterir une meilleure connaissance des conditions de vie des Queacutebeacutecoises qui les conduisent agrave recourir aux avortements reacutepeacuteteacutes

15 LES AVORTEMENTS PAR MEacuteDICATION

Au printemps 2008 au Queacutebec deux centres hospitaliers et un cabinet meacutedical pratiquent des avortements meacutedicaux agrave lrsquoaide de meacutethotrexate et de misoprostol22 seule combinaison permise au Canada alors que celle du mifeacutepristone (mieux connu par la

19 Cynthia MORGNY et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

20 Ce fait est rapporteacute dans Susan P PHILLIPS laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653

21 Ibid p 653-655 22 Le misoprostol est une prostaglandine

19

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

33

LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 20: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

deacutesignation RU 486) et du misoprostol23 est interdite Ces avortements se chiffrent approximativement agrave 25024 et correspondent plus ou moins agrave 1 de lrsquoensemble des avortements pratiqueacutes dans chacun de ces trois eacutetablissements

Lrsquoefficaciteacute du traitement agrave base de la combinaison meacutethotrexate-misoprostol ou de celle constitueacutee du RU 486-misoprostol est relativement semblable les deux sont reconnues pour ecirctre des meacutedicaments abortifs utiliseacutes en vue drsquointerrompre des grossesses preacutecoces de 49 jours agrave ce stade de gestation le taux de reacuteussite des deux combinaisons est de 95 alors qursquoil chute agrave 82 si elles sont prises entre le 50e et le 56e jour de grossesse

La diffeacuterence entre ces combinaisons reacuteside dans lrsquoeacutetalement du temps de lrsquoavortement Lrsquoinformation donneacutee par une repreacutesentante de la clinique meacutedicale montreacutealaise ougrave se pratique la proceacutedure permise (meacutethotrexate-misoprostol) faisait valoir agrave lrsquoinstar de la documentation consulteacutee25 qursquoentre 20 et 35 des cas drsquoavortement peuvent survenir jusqursquoagrave quatre semaines apregraves la prise de la combinaison meacutedicamenteuse Elle ajoute que geacuteneacuteralement srsquoil nrsquoy a pas eu expulsion apregraves deux semaines les femmes recourent de toute faccedilon agrave lrsquoavortement chirurgical ce qui eacutevite ainsi de prolonger lrsquoincertitude lieacutee agrave lrsquoissue de lrsquointervention

Le traitement agrave base du RU 486 est en usage aux Eacutetats-Unis depuis 1994 en Europe depuis 1988 et dans plusieurs pays de lrsquoAsie depuis les anneacutees 1990 Cette meacutethode drsquointerruption de grossesse connaicirct une augmentation importante drsquoutilisatrices En France les avortements meacutedicaux repreacutesentaient 38 26 de lrsquoensemble des avortements en 2003 et 42 lrsquoanneacutee suivante En Angleterre ils augmentent de faccedilon continue ils repreacutesentaient 5 de lrsquoensemble des avortements en 1995 et dix ans apregraves en 2005 24 En Eacutecosse 59 de tous les avortements de 2005 eacutetaient meacutedicaux alors que crsquoeacutetait le cas de 16 en 1992

Dans ses avis de 1988 et de 1992 le Conseil voyait deacutejagrave dans le RU 486 un choix suppleacutementaire qui srsquooffrait aux femmes degraves le deacutebut de leur grossesse Agrave ses yeux lrsquoabsence de recours agrave la chirurgie lrsquointimiteacute de cette meacutethode et lrsquoaspect pratique contrecarrent pour certaines femmes les effets plus deacutesagreacuteables que sont la dureacutee et le degreacute de saignement le nombre de consultations et lrsquoincertitude sur le succegraves de

23 Agrave noter que la combinaison mifeacutepristone-misoprostol est permise par la Federal Food and DrugAdministration des Eacutetats-Unis alors que cette instance de reacutegulation nrsquoautorise lrsquoemploi du misoprostol seul que pour la preacutevention des ulcegraveres

24 Cette approximation est conseacutequente au fait que certains avortements meacutedicaux donnent lieu agrave des avortements chirurgicaux

25 Se rapporter aux divers documents produits par le Guttmacher Institute sur le sujet notamment celui de Rachel K JONES et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

26 Les taux mentionneacutes dans ce paragraphe sont extraits des documents consulteacutes sur les sites httpwwwsantegouvfrdreesetude-resultater522er522pdf httpwwwdhgovukassetRoot0413685904136859pdf httpwwwisdscotlandorgisdinfo3jsppContentI=1

20

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

21

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

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GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

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MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

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52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 21: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

lrsquoavortement Conseacutequemment il recommandait drsquoentreprendre des recherches et des expeacuterimentations cliniques conformeacutement agrave un protocole eacuteprouveacute pour permettre une prise de deacutecision quant agrave lrsquoautorisation du RU 486 sur le marcheacute queacutebeacutecois et canadien

Des protocoles de recherche sur le RU 486 ont eacuteteacute effectivement suivis au Canada et ici mecircme au Queacutebec Toutefois apregraves un deacutecegraves survenu en cours drsquoexpeacuterimentation lrsquoarrecirct des essais cliniques a eacuteteacute exigeacute par les autoriteacutes canadiennes en 2001 Rappelons que depuis 2000 douze deacutecegraves ont eacuteteacute constateacutes aux Eacutetats-Unis agrave la suite de la prise du RU 486-misoprostol La Food and Drug Administration (FDA) a expliqueacute que ces deacutecegraves seraient conseacutequents agrave une administration intravaginale de misoprostol alors que ce meacutedicament nrsquoest approuveacute que pour un usage oral Lrsquoutilisation intravaginale du meacutedicament de lrsquoavis de certains speacutecialistes de la microbiologie eacutelegraveverait le risque drsquoinfection27 par le Clostridium sordelli cause de grave septiciteacute Devant la controverse la FDA a fait paraicirctre en 2005 des avertissements de possible septiciteacute lorsqursquoil y a utilisation intravaginale du misoprostol

16 EN REacuteSUMEacute

Ce passage par les statistiques donne en quelque sorte la mesure des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement En fin de compte les diffeacuterentes donneacutees sur la freacutequence des interruptions de grossesse reacutevegravelent que le recours agrave lrsquoavortement est relativement stable Pendant la peacuteriode 2002-2006 les fluctuations dans la prestation des services drsquoavortement sont dans leur ensemble faibles Crsquoest la raison pour laquelle le Conseil croit que les eacutetablissements fournisseurs de services se dirigent vers leur capaciteacute maximale de reacuteponse aux besoins des femmes Lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services au cours des anneacutees semble atteinte

En ce qui concerne lrsquoanneacutee 2006 le Conseil constate certaines ameacuteliorations dans la prestation des services drsquoavortement

bull 98 des avortements ont fait appel agrave des meacutethodes consideacutereacutees comme moins invasives ce pourcentage inclut les avortements de 14 semaines et plus puisque les trois quarts drsquoentre eux (74 ) ont eacuteteacute pratiqueacutes par la meacutethode de dilatation-aspiration

bull 92 des avortements sont de premier trimestre soit de moins de 12 semaines de gestation et ce en lrsquoabsence de toutes limites sur les stades de gestation

Sur une peacuteriode plus longue soit de 2002 agrave 2006 le Conseil note certaines variations qui bien qursquoelles soient modestes sont neacuteanmoins inteacuteressantes agrave souligner

bull une diminution de 3 des avortements durant cette peacuteriode

bull une diminution importante du recours agrave la steacuterilisation tubaire apregraves un avortement

27 Certains speacutecialistes font le parallegravele avec le syndrome du choc toxique

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bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

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C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

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bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

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lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

40

C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

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JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

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MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 22: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

bull une stabilisation relative de la freacutequence des avortements de 14 semaines et plus puisque leur moyenne annuelle pour cette peacuteriode se situe autour de 8

Malgreacute ces avanceacutees drsquoautres pheacutenomegravenes sont persistants

bull certaines donneacutees reacutegionales laissent penser que les eacutetablissements publics semblent moins enclins agrave recourir agrave des meacutethodes chirurgicales reacuteputeacutees plus leacutegegraveres ainsi dans les reacutegions de lrsquoAbitibi-Teacutemiscamingue et de la Chaudiegravere-Appalaches il y a plus drsquoavortements de 14 semaines et plus pratiqueacutes par induction que par chirurgie alors que dans la reacutegion de la GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine il y en a autant qui sont pratiqueacutes par lrsquoune ou lrsquoautre de ces meacutethodes

bull il demeure toujours difficile drsquoobtenir un deacutecompte exact de la freacutequence des avortements au Queacutebec

bull en lrsquoabsence drsquoun organisme de recherche en santeacute reproductive il est peacuterilleux de circonscrire les caracteacuteristiques des avortements agrave des stades de gestation de 14 semaines et plus et conseacutequemment cela entraicircne des estimations approximatives susceptibles de se reacutepercuter au moment de lrsquoeacutevaluation des besoins des femmes

bull le Conseil note lrsquoeacutetat stationnaire de la recherche sur le traitement meacutedical de lrsquoavortement qui oblige agrave recourir agrave la combinaison meacutedicamenteuse meacutethotrexateshymisoprostol reconnue pour eacutetaler lrsquoavortement sur une plus longue peacuteriode que la combinaison RU 486-misoprostol et qui de ce fait oblige certaines femmes agrave interrompre un avortement meacutedical par voie chirurgicale

bull lrsquoabsence de recherches queacutebeacutecoises sur les avortements iteacuteratifs empecircche de proposer des actions de suivi et de soutien aux femmes

22

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

28

C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 23: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

C H A P I T R E I I LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Si au chapitre preacuteceacutedent les fluctuations dans la freacutequence des avortements apparaissent relativement minimes en est-il de mecircme chez les fournisseurs de ces services Dans le deuxiegraveme chapitre le Conseil examine diverses donneacutees sur la freacutequence des avortements selon le type drsquoinstallation afin de mieux saisir lrsquoorganisation des services drsquoavortement

21 LrsquoORGANISATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE VUE DrsquoENSEMBLE

Lorsqursquoil compare la situation actuelle agrave la situation constateacutee dans son avis de 1992 le Conseil remarque avec une certaine satisfaction que chaque reacutegion administrative du Queacutebec agrave lrsquoexception de celle des Terres-Cries-de-la-Baie-James a en place au moins une ressource qui offre les services drsquoavortement

TABLEAU 4 mdash Reacutepartition des types drsquoeacutetablissements offrant les services drsquoavortement selon la reacutegion par rapport agrave la reacutepartition totale des types drsquoeacutetablissements par reacutegion ndash Queacutebec 2007

Reacutegion CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale

01 ndash Bas-Saint-Laurent 16 08 --- --- 02 ndash SaguenayndashLac-Saint-Jean 26 26 --- --- 03 ndash Queacutebec 210 04 --- --- 04 ndash Mauricie-Centre-du-Queacutebec 38 28 1 --- 05 ndash Estrie 15 07 --- --- 06 ndash Montreacuteal-Centre 631 313 1 4 07 ndash Outaouais 06 05 1 --- 08 ndash Abitibi-Teacutemiscamingue 16 16 --- --- 09 ndash Cocircte-Nord 16 08 --- --- 10 ndash Nord-du-Queacutebec 11 01 --- --- 11 ndash GaspeacutesiendashIcircles-de-la-Madeleine 25 05 --- --- 12 ndash Chaudiegravere-Appalaches 15 05 --- --- 13 ndash Laval 12 11 --- --- 14 ndash Launaudiegravere 12 22 --- --- 15 ndash Laurentides 25 07 --- --- 16 ndash Monteacutereacutegie 311 311 --- --- 17 ndash Nuvavik 12 02 --- --- 18 ndash Terres-Cries-de-la-Baie-James 01 01 --- ---

Total N

29118 24 6

14100 14

3 4

Se rapporter agrave httpwwwmsssgouvqccastatistiquesstats_sssindexphpid=133 Le total pour une reacutegion ou pour le Queacutebec ne correspond pas agrave la somme des missions car beaucoup drsquoeacutetablissements assument plusieurs missions

CH centre hospitalier

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

28

C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 24: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Crsquoest le cas notamment des reacutegions de la Chaudiegravere-Appalaches et du Nord-du-Queacutebec qui ne disposaient drsquoaucune ressource en 1992 quant agrave la reacutegion de Lanaudiegravere aux prises elle aussi agrave lrsquoeacutepoque avec la mecircme reacutealiteacute on y a deacuteveloppeacute depuis les services dans un centre hospitalier et aussi dans les deux CLSC de son territoire

Agrave ce moment-ci le reacuteseau public de santeacute offre les services drsquoavortement dans 29 de ses 118 centres hospitaliers geacuteneacuteraux et dans 14 de ses 100 CLSC ce sont donc 25 des centres hospitaliers et 14 des ressources de CLSC qui fournissent ces services sur demande28 En plus de ces eacutetablissements le milieu communautaire par lrsquoentremise de trois centres de santeacute des femmes tient un rocircle important en matiegravere de contraception et drsquoavortement dans les reacutegions de lrsquoOutaouais de la MauriciendashCentre-du-Queacutebec et de Montreacuteal Enfin les quatre cliniques meacutedicales du reacuteseau priveacute complegravetent le tableau Comme cela a eacuteteacute le cas dans les constats de 1988 et de 1992 du Conseil Montreacuteal est encore en 2008 lrsquounique reacutegion qui offre les services drsquoavortement dans ces quatre types drsquoinstallations

Sept reacutegions du Queacutebec disposent drsquoune seule ressource en matiegravere drsquoavortement six drsquoentre elles le font en centre hospitalier alors que dans la reacutegion de lrsquoOutaouais malgreacute la preacutesence de 11 eacutetablissements du reacuteseau public sur ce territoire seule la ressource communautaire a historiquement rendu accessible cet acte meacutedical Dans ces reacutegions ougrave la pratique meacutedicale est restreinte agrave un seul lieu de desserte les risques pour les services drsquoavortement drsquoecirctre fragiliseacutes advenant une quelconque mobiliteacute ou peacutenurie de personnel ou advenant des bris techniques qui rendent les eacutequipements inopeacuterants sont plus eacuteleveacutes De ce fait le Conseil reacuteaffirme lrsquoimportance drsquoassurer la continuiteacute et la peacuterenniteacute des services par des ententes administratives entre agences reacutegionales ou par toute autre structure administrative et meacutedicale

22 LA FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT

En se reacutefeacuterant au tableau 529 sur le nombre total des 28 667 avortements payeacutes agrave lrsquoacte en 2006 au Queacutebec on observe que presque 75 de lrsquoensemble des avortements ont eacuteteacute effectueacutes dans les installations du reacuteseau public soit 55 en centre hospitalier et pregraves de 18 en CLSC La part des quatre cliniques meacutedicales de Montreacuteal eacutequivaut agrave celle des 14 CLSC de la province qui offrent les services drsquoavortement alors que celle des trois centres de santeacute des femmes est de 10 En 2006 28 des avortements ont lieu dans les reacuteseaux communautaire et priveacute dans son avis de 1992 le Conseil les estimait agrave 342 30

Plusieurs changements sont survenus durant la peacuteriode srsquoeacutechelonnant de 2002 agrave 2006

bull la freacutequence des avortements en CLSC est passeacutee de 2 769 agrave 5 069 soit une tregraves spectaculaire hausse de 83

28 Agrave titre de preacutecision mentionnons que la majoriteacute des centres hospitaliers geacuteneacuteraux sont en mesure drsquointerrompre des grossesses pour des raisons jugeacutees urgentes ou lors de malformations fœtales mais cela ne preacutesume pas que des services drsquoavortement sont accessibles sur demande

29 Selon la repreacutesentante de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les eacutecarts entre les diffeacuterents tableaux srsquoexpliquent principalement par la faccedilon de regrouper et de trier les variables

30 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit p 35

24

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

28

C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 25: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

bull les avortements effectueacutes en centre hospitalier ont diminueacute de 9 ougrave ils sont passeacutes de 17 236 agrave 15 643 ces eacutetablissements restent neacuteanmoins les principaux fournisseurs de services tout au long de la peacuteriode agrave lrsquoeacutetude comme lrsquoindique le tableau 3

bull au total les trois centres de santeacute des femmes ont connu une leacutegegravere hausse de 5 de leur pratique rappelons que la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais pallie complegravetement les carences du reacuteseau public ce dernier ayant pris en charge en 2006 moins de 2 des avortements de cette reacutegion

bull les avortements faits en clinique meacutedicale ont connu une diminution de 26

TABLEAU 5 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour lrsquoensemble des reacutegions du Queacutebec ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes

Clinique meacutedicale Total

N N N N

28 6672006 15 642 546 5 069 177 2 889 101 5 067 176

2005 15 962 559 4 654 163 2 837 100 5 075 178 28 528

2004 16 847 566 4 435 149 2 914 98 5 556 187 29 752

2003 17 276 578 3 525 118 2 898 98 6 213 206 29 912

2002 17 236 583 2 769 93 2 738 92 6 844 232 29 587

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006

23 LrsquoAMEacuteLIORATION DE LrsquoOFFRE DE SERVICES EN CLSC

Lrsquoimportante hausse des avortements dans les CLSC de mecircme que leur tout aussi notable diminution dans les cliniques meacutedicales est loin drsquoecirctre le fruit du hasard La redistribution des avortements dans les diffeacuterents types drsquoinstallations qui survient depuis le deacutebut des anneacutees 2000 trouve son origine dans les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances publieacutees en 1995 Rappelons que lrsquoobjectif premier de ce document du MSSS eacutetait de permettre aux administrateurs reacutegionaux des anciennes reacutegies reacutegionales de preacutevoir et drsquoorganiser les diffeacuterents volets de la planification des naissances sur leur territoire

Agrave lrsquoeacutepoque de la publication de ce document le Conseil lui a reacuteserveacute un accueil plutocirct favorable puisqursquoil trouvait que ces orientations srsquoinscrivaient dans la continuiteacute des droits fondamentaux que sont la liberteacute des femmes leur autonomie et leur inteacutegriteacute physique En outre les orientations en question reconnaissaient les principes de

25

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

26

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

27

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

28

C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

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MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

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REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 26: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

lrsquoaccessibiliteacute universelle et de la gratuiteacute31 des services comme assises sur lesquelles se bacirctiraient les planifications reacutegionales des services Selon le Conseil un autre point fort des orientations ministeacuterielles concernait le partenariat et la compleacutementariteacute entre les diffeacuterents fournisseurs de services de premiegravere ligne lieacutes agrave la planification des naissances Aussi les administrateurs reacutegionaux eacutetaient convieacutes agrave soumettre une offre de services reacutegionale dans laquelle les ressources publiques communautaires et priveacutees seraient mises agrave contribution32 afin de rendre accessible notamment lrsquoavortement selon des modaliteacutes uniformes

Preacutevus pour le 31 juillet 1996 les plans drsquoorganisation des services ont eacuteteacute soumis au ministre de la Santeacute et des Services sociaux en deacutecembre 1999 soit presque quatre ans apregraves la diffusion des orientations ministeacuterielles Un tel deacutelai srsquoest produit alors que de lrsquoavis du ministre de lrsquoeacutepoque et de ceux qui lui ont succeacutedeacute la santeacute reproductive des femmes eacutetait retenue comme prioritaire

Or crsquoest seulement une fois la totaliteacute des plans drsquoaction deacuteposeacutes que la ministre deacuteleacutegueacutee agrave la Santeacute de lrsquoeacutepoque a deacutebloqueacute une somme de presque 38 millions de dollars pour consolider les services En plus de lrsquoimplantation des services dans les reacutegions qui nrsquoen disposaient drsquoaucun comme dans la reacutegion de la Chaudiegravere-Appalaches ou dans la reacutegion de Lanaudiegravere drsquoautres sommes ont eacuteteacute alloueacutees agrave la reacutegion de Montreacuteal puisqursquoelle assumait de nouvelles responsabiliteacutes notamment celle de la coordination des services drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre Crsquoest aussi agrave la faveur du deacutepocirct du plan reacutegional de la Reacutegie reacutegionale de Montreacuteal que le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal voit le montant de ses subventions se stabiliser et peut ainsi augmenter son offre de services en matiegravere drsquoavortement

Outre ces deacuteveloppements drsquoautres tout aussi structurants ont toucheacute les CLSC qui disposaient drsquoun plateau technique afin de maximiser leur utilisation ainsi la grille horaire hebdomadaire drsquoune demi-journeacutee assigneacutee aux avortements a eacuteteacute eacutetendue agrave une journeacutee ou plus dans certains CLSC de plus les examens preacuteavortement peuvent avoir lieu la mecircme journeacutee que lrsquointerruption de grossesse au lieu de srsquoeacutechelonner sur une ou deux semaines et enfin la peacutenurie de meacutedecins geacuteneacuteralistes en CLSC a eacuteteacute contreacutee par le deacuteplafonnement des honoraires de quelques-uns par lrsquoengagement de meacutedecins agrave la retraite et par la formation donneacutee par preacuteceptorat agrave certains meacutedecins geacuteneacuteralistes qui souhaitaient intervenir dans le domaine de lrsquoavortement

Une fois ces nouvelles mesures en place vers 2000-2001 lrsquooffre de services dans les CLSC surtout dans ceux des reacutegions de Montreacuteal et de la Monteacutereacutegie a doubleacute dans plusieurs eacutetablissements et mecircme tripleacute dans certains autres le nombre drsquointerruptions de grossesse est ainsi passeacute de 4 agrave 6 par semaine jusqursquoagrave 8 agrave 12

Comme le choix premier pour bon nombre de femmes reste les soins prodigueacutes par le reacuteseau public la hausse de lrsquoaccessibiliteacute des services drsquoavortement en CLSC se traduit

31 Ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances op cit principe 3 p 18 et objectif geacuteneacuteral sur les avortements p 23-25

32 Ibid p 29 et annexe I

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par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 27: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

par une plus forte utilisation de ces services Cela donne un certain poids agrave lrsquoargument voulant que les femmes aient recours aux services tarifeacutes des cliniques meacutedicales faute drsquoobtenir les services voulus et dans les deacutelais requis dans le reacuteseau public car lorsque celui-ci bonifie et enrichit sa capaciteacute et sa qualiteacute drsquooffre de services la clientegravele feacuteminine srsquoadresse agrave lui

231 LE SUCCEgraveS MITIGEacute DES ORIENTATIONS MINISTEacuteRIELLES EN MATIEgraveRE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES

Si le long et ardu peacuteriple des Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances a conduit au deacutebut des anneacutees 2000 agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoaccessibiliteacute des services en CLSC il nrsquoa pas entraicircneacute par ailleurs leur gratuiteacute dans les reacuteseaux communautaire et priveacute pas plus qursquoil nrsquoa meneacute agrave leur compleacutementariteacute avec le reacuteseau public

Pour les cliniques meacutedicales la question de leur reconnaissance et celle de la gratuiteacute de leurs services drsquoavortement ne sont pas nouvelles Deacutejagrave en mai 199533 un de ses repreacutesentants faisait eacutetat aupregraves du ministre de la Santeacute et des Services sociaux qursquoau moins un tiers des femmes ont recours au reacuteseau priveacute principalement parce que le reacuteseau public nrsquoa pas les ressources pour reacutepondre agrave leurs besoins Il est important de preacuteciser que ces repreacutesentations des cliniques priveacutees ont lieu apregraves que la Politique feacutedeacuterale sur les cliniques priveacutees ait statueacute en janvier 1995 que laquo lrsquoimposition de frais drsquoeacutetablissement pour des services meacutedicalement neacutecessaires alors que le reacutegime drsquoassurance santeacute de la province couvre les honoraires du meacutedecin va agrave lrsquoencontre de lrsquoesprit et de lrsquoobjet de la Loi canadienne sur la santeacute34 raquo

En 1995 le MSSS reacutepond indirectement aux preacuteoccupations des cliniques priveacutees en annonccedilant dans son document sur les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances que le deacuteveloppement des services drsquoavortement se fera en compleacutementariteacute avec lrsquoensemble des fournisseurs de services drsquoavortement

Cependant la situation de la non-gratuiteacute de lrsquoavortement reste inchangeacutee dans les cliniques meacutedicales Crsquoest ce qui explique drsquoailleurs que les repreacutesentations de ces derniegraveres ont continueacute et ont eu des eacutechos au palier feacutedeacuteral Toujours en 1995 la sous-ministre de Santeacute Canada fait eacutetat de son inquieacutetude agrave son homologue queacutebeacutecois quant aux suppleacutements moneacutetaires exigeacutes par les cliniques meacutedicales en lui preacutecisant ceci laquo Si les services pour lesquels des frais sont exigeacutes sont meacutedicalement neacutecessaires et offerts sans frais dans un eacutetablissement hospitalier ils sont assujettis agrave la politique sur les cliniques priveacutees qui exige que ces frais directs imputeacutes aux patients soient

33 Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

34 Lettre de la ministre de Santeacute Canada lrsquoHonorable Diane Marleau dateacutee du 6 janvier 1995 et adresseacutee aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santeacute ayant pour objectif de preacutesenter lrsquointerpreacutetation feacutedeacuterale de la Loi canadienne sur la santeacute la lettre preacutecise que lorsqursquoun reacutegime provincial drsquoassurance santeacute paie les honoraires drsquoun meacutedecin qui offre un service meacutedicalement requis en clinique priveacutee il doit eacutegalement payer les services connexes associeacutes agrave la prestation de ces services ou srsquoattendre qursquoune retenue soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement feacutedeacuteral

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supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 28: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

supprimeacutes35 raquo Malgreacute les eacutechanges de correspondance entre les paliers feacutedeacuteral et provincial la situation reste inchangeacutee

Par la suite soit en 1999 la ministre de la Santeacute et des Services sociaux de lrsquoeacutepoque exprime sa volonteacute de neacutegocier une entente avec les partenaires priveacutes sur les coucircts affeacuterents elle preacutecise qursquoun partenariat avec les cliniques meacutedicales est rechercheacute et qursquoil y a deacutejagrave une personne mandateacutee pour laquo neacutegocier la transformation des cliniques priveacutees en organismes sans but lucratif [sic] car toutes les reacutegies reacutegionales eacuteprouvent des difficulteacutes pour assurer lrsquoaccessibiliteacute gratuite aux femmes36 raquo Or mecircme avec cette initiative les Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances ont rateacute lrsquooccasion de faire des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal des partenaires et drsquoassurer ainsi la pleine accessibiliteacute et gratuiteacute des avortements comme elles le proposaient dans leurs principes et dans leurs orientations Et cela a perdureacute jusqursquoau 14 janvier 2008

35 Eacutechange de correspondance entre le sous-ministre au ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux Luc M Malo et la sous-ministre de Santeacute Canada Michegravele S Jean rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

36 Ce fait est rapporteacute dans Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

28

C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

30

non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

32

service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 29: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

C H A P I T R E I I I LE NOUVEAU CONTEXTE DE LA PRESTATION DES SERVICES DrsquoAVORTEMENT

Dans ce chapitre le Conseil relate la seacuterie drsquoeacuteveacutenements qui a eu pour conseacutequence drsquoalteacuterer la pratique des avortements et la maniegravere dont les fournisseurs de services publics communautaires et priveacutes montreacutealais sont en train de se redeacuteployer sous lrsquoeffet drsquoun nouveau contexte leacutegislatif et administratif

Drsquoentreacutee de jeu la preacutesence des quatre types drsquoinstallations (centre hospitalier CLSC clinique meacutedicale et centre de santeacute des femmes) sur le territoire de Montreacuteal fait en sorte que crsquoest uniquement dans la meacutetropole du moins pour le moment que la prestation des services drsquoavortement est en train de se restructurer Cela pose toute la question de lrsquoeacutequiteacute interreacutegionale dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de santeacute selon des modaliteacutes uniformes

31 LA SPEacuteCIFICITEacute MONTREacuteALAISE

Agrave Montreacuteal en 2006 les reacuteseaux communautaire et priveacute ont assumeacute 44 des besoins des femmes en matiegravere drsquoavortement Cette situation est preacuteoccupante en ce sens que cela repreacutesente 6 038 avortements qui ont exigeacute drsquoimportants deacutebourseacutes drsquoargent allant de 40 $ agrave 350 $ pour un avortement de premier trimestre Lorsqursquoelles sont reporteacutees agrave lrsquoeacutechelle nationale ces donneacutees indiquent que sur lrsquoensemble des avortements payeacutes agrave lrsquoacte par la RAMQ une femme sur cinq a ducirc payer pour recevoir le service qursquoelle eacutetait en droit drsquoavoir gratuitement en 2006 au Queacutebec (tableau 6)

TABLEAU 6 mdash Freacutequence des avortements payeacutes agrave lrsquoacte pendant la peacuteriode 2002shy2006 selon le type drsquoeacutetablissement pour la reacutegion de Montreacuteal ndash Queacutebec 2007

Anneacutee CH CLSC Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal

Clinique meacutedicale Total

N N N N

13 8752006 5 151 371 2 686 193 1 057 76 4 981 359

2005 5 564 390 2 634 185 1 057 74 5 010 351 14 265

2004 5 912 398 2 485 167 1 085 73 5 379 362 14 861

2003 6 621 431 1 623 106 1 005 65 6 101 397 15 350

2002 6 782 432 1 271 81 954 61 6 680 426 15 687 Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie

du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegion de Montreacuteal

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

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non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

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LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

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CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

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CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

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REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 30: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Toutefois lorsqursquoelles sont rameneacutees agrave lrsquoeacutechelle de la seule reacutegion de Montreacuteal ces donneacutees deviennent carreacutement dramatiques car alors crsquoest presque la moitieacute des femmes (123) qui ont payeacute ces montants pour recevoir des soins de santeacute de base comme le taux de reacutetention37 dans cette reacutegion srsquoest maintenu autour de 95 38 de 1997 agrave 2005 il y a de fortes chances que ce soient les Montreacutealaises qui nrsquoont pas eu accegraves la plupart du temps aux services pourtant gratuits ailleurs et qursquoelles paient drsquoune certaine faccedilon deux fois

Le nouveau contexte leacutegislatif reacutesultant du projet de loi no 33 et du projet de regraveglement sur les Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute fera-t-il en sorte que ce seront encore uniquement les femmes de la reacutegion de Montreacuteal qui connaicirctront des modaliteacutes disparates dans lrsquoaccessibiliteacute aux services de premiegravere ligne en matiegravere drsquoavortement Jusqursquoagrave preacutesent les nouvelles installations que seront les CMS semblent srsquoimplanter plus freacutequemment dans les grands centres urbains

32 LE CADRE LEacuteGISLATIF LES MODIFICATIONS Agrave LA LOI SUR LES SERVICES DE SANTEacute ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LE PROJET DE LOI NO 33

Le 17 aoucirct 2006 un jugement de la Cour supeacuterieure a attireacute lrsquoattention sur les frais affeacuterents lieacutes aux avortements lorsqursquoils sont effectueacutes par les cliniques meacutedicales et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal Agrave la question laquo Les femmes qui depuis 1999 doivent deacutebourser des sommes pour avoir accegraves agrave un avortement au Queacutebec ont-elles droit agrave un remboursement raquo le tribunal condamne le gouvernement du Queacutebec agrave payer la somme de 108 millions de dollars plus les inteacuterecircts accumuleacutes depuis la date39 de la signification de la requecircte autorisant lrsquoAssociation pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement agrave exercer un recours collectif

Parmi les motifs de ce jugement un en particulier eacutetablissait qursquoun acte meacutedical mecircme non assureacute comme lrsquoultrasonographie (eacutechographie) parce qursquoil est consubstantiel agrave lrsquoavortement qui lui est assureacute au sens de la Loi sur lrsquoassurance maladie devient assureacute De plus un autre motif faisait valoir que les services drsquoanestheacutesie en vertu de lrsquoalineacutea s) de lrsquoarticle 22 du regraveglement drsquoapplication de la Loi sur lrsquoassurance maladie sont exclus de la couverture srsquoils sont offerts sur un acte non assureacute or lrsquoavortement eacutetant assureacute lrsquoanestheacutesie est donc couverte

Bref pour le tribunal tout acte consubstantiel de lrsquoavortement devient couvert lorsqursquoil est requis pour pratiquer un acte assureacute comme lrsquoavortement Par conseacutequent le coucirct suppleacutementaire reacuteclameacute aux femmes englobe dans les faits le service meacutedical qursquoest lrsquoavortement qui lui est un service assureacute Le jugement fait aussi valoir que ce nrsquoest pas la Loi sur lrsquoassurance maladie qui cause problegraveme mais plutocirct son non-respect qui est

37 Le taux de reacutetention se calcule drsquoapregraves le nombre de personnes qui reccediloivent un service de santeacute agrave lrsquointeacuterieur de leur territoire de reacutesidence

38 Source Fichier des services meacutedicaux reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec et eacutetablissements ougrave des avortements ne sont pas reacutemuneacutereacutes agrave lrsquoacte (quelques CLSC et centres hospitaliers) Les calculs pour la peacuteriode de 1997 agrave 2005 ont eacuteteacute faits par Madeleine Rochon de la Direction des eacutetudes et analyses du ministegravere de la Santeacute et des Services sociaux

39 La date de reacutefeacuterence est le 1er mai 2002

30

non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

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orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

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service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

33

LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

35

meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 31: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

non seulement toleacutereacute mais encourageacute par le gouvernement et ce pour des raisons eacuteconomiques

Alors que la deacutecision gouvernementale de ne pas interjeter appel de ce jugement en septembre 2006 laissait preacutesumer lrsquoavegravenement de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale et au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal tel nrsquoa pas eacuteteacute pourtant le cas Drsquoailleurs une peacuteriode de confusion srsquoest installeacutee entre ce moment et celui de lrsquoadoption de la version deacutefinitive du projet de loi no 33 le 13 deacutecembre 2006 en effet pendant ces quelques mois les intentions du gouvernement entourant lrsquoissue de la gratuiteacute des services drsquoavortement en clinique meacutedicale ne sont pas claires jusqursquoau moment ougrave in extremis il rompt son silence lors des derniers eacutechanges40 intervenus agrave lrsquoAssembleacutee nationale sur lrsquoadoption du projet de loi no 33

Ainsi pendant ces deacutebats le ministre de la Santeacute et des Services sociaux preacutecise que certaines modifications apporteacutees agrave la version deacutefinitive du projet de loi no 33 comblent le vide juridique laisseacute par le reacutecent jugement de la Cour supeacuterieure sur lrsquointerruption de grossesse et sur la relation entre les actes assureacutes et non assureacutes lorsqursquoils sont pratiqueacutes dans un contexte exteacuterieur au centre hospitalier Une de ces modifications au projet de loi no 33 que le ministre met en avant est celle qui est contenue dans lrsquoarticle 44 lequel eacutetablit ceci laquo Un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute est reacuteputeacute demeurer un service non assureacute ou un service non consideacutereacute comme assureacute mecircme srsquoil est requis avant la dispensation drsquoun service assureacute lors de sa dispensation ou agrave la suite de celle-ci raquo Il y affirme eacutegalement que lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement sera libre et gratuit en clinique priveacutee pourvu que les femmes y soient dirigeacutees par le reacuteseau public Drsquoautres articles statuent sur la neacutecessiteacute drsquoafficher les frais accessoires demandeacutes ainsi que de fournir une facture deacutetailleacutee

En fait la reacuteponse du gouvernement au jugement de la Cour supeacuterieure a restreint lrsquointerpreacutetation avanceacutee par le tribunal

321 LrsquoENCADREMENT ADMINISTRATIF

Dans le domaine administratif cette situation srsquoest traduite par lrsquoimplantation drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence sur lrsquoicircle de Montreacuteal qui serait en mesure premiegraverement de diriger efficacement les femmes vers les eacutetablissements du reacuteseau public et deuxiegravemement drsquoassurer la gratuiteacute des services drsquoavortement si les femmes eacutetaient dirigeacutees vers une clinique meacutedicale ou vers le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal advenant lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public de santeacute de leur offrir le service requis dans les deacutelais voulus Crsquoest ainsi qursquoagrave partir drsquoavril 2007 lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal a meneacute diverses actions afin drsquoimplanter un centre de coordination des avortements de premier trimestre calqueacute sur celui qui existe pour les avortements de deuxiegraveme trimestre Ce centre devait eacutetablir un corridor de services drsquoavortement qui

40 Extraits des deacutebats de lrsquoAssembleacutee nationale du 12 deacutecembre 2006 agrave 0 h 30 sur le projet de loi no 33 prise en consideacuteration du rapport de la Commission des affaires sociales qui en a fait lrsquoeacutetude deacutetailleacutee et qui a transmis les amendements

31

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

32

service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

33

LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

34

Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 32: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

orienterait les femmes vers les cliniques meacutedicales priveacutees et communautaire si le reacuteseau public ne pouvait suffire agrave la demande

Probleacutematique pour diverses raisons mais principalement agrave cause du haut volume drsquoavortement de premier trimestre41 et faute drsquoavoir un meacutecanisme centraliseacute de gestion des places disponibles42 ce centre de lrsquoavis de certaines intervenantes et de certains intervenants se compare plutocirct agrave un bureau drsquoinformation qui donnerait la liste des eacutetablissements publics priveacutes et communautaires ougrave les services drsquoavortement sont offerts pour certaines drsquoentre eux ce travail de reacutefeacuterence deacutedouble celui fait dans les CLSC qui sont la principale porte drsquoentreacutee pour les femmes agrave la recherche de ce type drsquoinformation

De lrsquoavis du Conseil toutes ces tractations ont eu lieu sans que le caractegravere urgent de lrsquoavortement ait eacuteteacute au centre des preacuteoccupations des gestionnaires En effet sur le plan strictement physiologique et meacutedical les deacutecisions concernant la suite de la grossesse doivent se prendre rapidement Placeacutees devant les aboutissements ineacutevitables de leur grossesse les femmes ne peuvent y eacutechapper ou elles la poursuivent ou elles lrsquointerrompent Lrsquoavortement est un acte meacutedical entiegraverement soumis au stade de gestation de la grossesse Un des trois facteurs de morbiditeacute lieacutes agrave lrsquoavortement est preacuteciseacutement le stade de gestation les deux autres eacutetant lrsquoacircge des femmes et la technique utiliseacutee Drsquoailleurs tout deacutelai a des conseacutequences sur le choix de la meacutethode qursquoelle soit chirurgicale ou meacutedicale qui sera employeacutee et bien entendu sur le bien-ecirctre des femmes En ce sens lrsquoavortement sans ecirctre urgent nrsquoen est pas moins un acte meacutedical prioritaire Il ne peut en aucun cas se confondre avec une proceacutedure laquo eacutelective raquo

Pour les femmes qui choisissent lrsquoavortement mais qui habitent dans une reacutegion ougrave la seule ressource hospitaliegravere de lrsquoendroit lrsquooffre jusqursquoagrave la fin du premier trimestre cela peut vouloir dire qursquoelles ne disposent pas de temps suppleacutementaire agrave moins de consideacuterer la possibiliteacute drsquoaller dans un eacutetablissement drsquoune autre reacutegion ougrave le service est disponible agrave des stades de grossesse plus avanceacutes

De toute faccedilon les femmes tolegraverent mal les deacutelais quels qursquoils soient entre le moment ougrave la deacutecision est prise drsquointerrompre une grossesse et le moment ougrave lrsquointervention a effectivement lieu Aussitocirct que la deacutecision de lrsquointerrompre est retenue elle devient en quelque sorte exeacutecutoire Crsquoest drsquoailleurs un des constats freacutequemment faits par les intervenantes et les intervenants du Comiteacute de vigilance Ces personnes rapportaient que crsquoest une pratique reacutepandue que de choisir un eacutetablissement sur la base des deacutelais drsquoattente qursquoil offre Mecircme lorsque les femmes ont un rendez-vous confirmeacute dans un eacutetablissement elles laquo magasinent raquo ailleurs afin drsquoen trouver un autre qui offrira le

41 Rappelons qursquoen 2006 il y a eu pour la seule reacutegion de Montreacuteal presque 10 000 avortements de premier trimestre et 752 de deuxiegraveme trimestre srsquoil est relativement facile de geacuterer agrave peu pregraves deux avortements de deuxiegraveme trimestre par jour le volume des avortements de premier trimestre rend la chose carreacutement plus difficile

42 Contrairement agrave la proceacutedure preacutevue pour les avortements de deuxiegraveme trimestre les femmes gardent lrsquoinitiative de prendre elles-mecircmes leur rendez-vous de lrsquoannuler ou drsquoy apporter tout autre changement et ce sans devoir passer par le centre de coordination pour le mettre au courant des changements apporteacutes

32

service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

33

LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

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Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

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JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

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MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 33: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

service dans de meilleurs deacutelais Compte tenu des places reacuteserveacutees tant pour les rencontres meacutedicales preacuteavortement que pour les interventions chirurgicales les annulations de derniegravere minute ont des conseacutequences importantes sur lrsquoorganisation des services principalement parce que lrsquoavortement nrsquoest pas une intervention soumise agrave un quelconque meacutecanisme de reacutegulation qui permettrait de remplacer une place resteacutee inoccupeacutee Cela veut dire que si un eacutetablissement dispose de 15 places et si 5 drsquoentre elles se libegraverent pour une raison ou une autre il nrsquoy a pas un bassin de femmes enceintes disponibles sur-le-champ pour les combler et conseacutequemment les places restent inoccupeacutees

De plus en matiegravere drsquoavortement les deacutelais sont extrecircmement volatiles ils fluctuent en fonction de la disponibiliteacute des ressources humaines ou mateacuterielles Qursquoun bris drsquoeacutequipement survienne ou encore qursquoun ou une meacutedecin prenne ses vacances les reacutepercussions sur les deacutelais et de ce fait sur lrsquoaccessibiliteacute aux services seront immeacutediates drsquoautant plus que le nombre de meacutedecins qui font des avortements se limite depuis 1992 agrave une cinquantaine

Quoi qursquoil en soit les femmes ont payeacute des montants allant de 40 $ agrave 350 $ pour des avortements de premier trimestre et ce jusqursquoau 14 janvier 2008 date agrave laquelle entraient en vigueur les ententes sur la gratuiteacute des services drsquoavortement conclues entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal les cliniques meacutedicales et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal comme il est possible de le faire en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

33 LE PROJET DE REgraveGLEMENT SUR LES TRAITEMENTS MEacuteDICAUX SPEacuteCIALISEacuteS DISPENSEacuteS DANS UN CENTRE MEacuteDICAL SPEacuteCIALISEacute

Le projet de regraveglement publieacute dans la Gazette officielle du Queacutebec du 14 novembre 2007 intituleacute Traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes dispenseacutes dans un centre meacutedical speacutecialiseacute deacutesigne lrsquoavortement comme un des 50 traitements meacutedicaux speacutecialiseacutes agrave devoir ecirctre effectueacute doreacutenavant dans un CMS Alors que le projet de loi no 33 restreignait le CMS nommeacutement agrave trois actes meacutedicaux (arthroplastie de la hanche et du genou et remplacement de la cataracte) le projet de regraveglement en eacutelargit et en transforme le cadre leacutegal de pratique

Ce faisant le gouvernement creacutee une nouvelle cateacutegorie drsquoinstallation sociosanitaire pour les avortements distincte drsquoun eacutetablissement public drsquoune clinique meacutedicale et drsquoun centre de santeacute communautaire Les avortements agrave moins drsquoecirctre pratiqueacutes dans un centre hospitalier devront obligatoirement lrsquoecirctre dans un centre meacutedical speacutecialiseacute ils ne pourront donc plus ecirctre exeacutecuteacutes dans une clinique meacutedicale ou dans un centre de santeacute communautaire Ainsi le projet de regraveglement preacutevoit que toute socieacuteteacute ou toute personne qui au 1er janvier 2008 exploitait une clinique meacutedicale dans laquelle sont effectueacutes entre autres des avortements doit obtenir avant le 30 juin 2008 un permis lrsquoautorisant agrave exploiter un CMS afin de continuer les mecircmes chirurgies

33

LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

34

Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 34: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

LrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal se preacutepare deacutejagrave agrave une telle conversion des cliniques meacutedicales et du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal en CMS Elle pourra ainsi proceacuteder agrave la conclusion des ententes de services en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Degraves lors si lrsquointerruption de grossesse est reacutealiseacutee dans un centre meacutedical speacutecialiseacute conformeacutement agrave une entente de clinique meacutedicale associeacutee les femmes ne devraient se voir imposer que les montants qui leur seraient normalement exigeacutes dans un centre hospitalier

Au printemps 2008 en attendant drsquoobtenir ce nouveau statut juridique les quatre cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal nrsquoexigent plus de frais gracircce agrave lrsquoentente conclue avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal comme le preacutevoit la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux43

Une parenthegravese pour rappeler la situation financiegravere qui preacutevaut dans les deux autres centres de santeacute des femmes La Clinique des femmes de lrsquoOutaouais et le Centre de santeacute des femmes de TroisndashRiviegraveres offrent depuis une dizaine drsquoanneacutees des services drsquoavortement gratuits Or les ententes concluent avec leur agence respective ne srsquoinscrivent pas agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel mais sont le reacutesultat drsquoententes faites de greacute agrave greacute En ce sens ces ressources communautaires mecircme si leur financement a eacuteteacute reacutecurrent ne beacuteneacuteficient pas pour autant drsquoun financement proteacutegeacute mecircme que lrsquoenveloppe du programme de soutien aux organismes communautaires est mise agrave contribution pour leur assurer un financement Agrave ce sujet le Conseil trouve cette faccedilon de faire inquieacutetante et considegravere que des questions aussi vitales que les soins en matiegravere de santeacute reproductive doivent se conclure agrave lrsquointeacuterieur drsquoun meacutecanisme officiel Agrave deacutefaut on maintient la fragilisation de la pratique des avortements en nrsquoassurant pas leur peacuterenniteacute

De faccedilon geacuteneacuterale le Conseil reste perplexe devant la deacutecision de faire de lrsquoavortement un acte meacutedical speacutecialiseacute Lrsquoavortement est un acte pratiqueacute dans une clinique meacutedicale dans un centre de santeacute des femmes ou dans un CLSC par des meacutedecins geacuteneacuteralistes et agrave moins de changements les conventions qui interviennent entre les obsteacutetriciens-gyneacutecologues et leur corporation interdisent que ces speacutecialistes interrompent des grossesses ailleurs que dans les hocircpitaux De plus lrsquoavortement requiert un plateau technique des plus leacutegers ensuite contrairement aux chirurgies mentionneacutees dans le projet de regraveglement lrsquoavortement nrsquoest pas un acte laquo eacutelectif raquo au mecircme titre que les chirurgies mammaires estheacutetiques ou cutaneacutees

43 Les ententes conclues entre un eacutetablissement et un organisme communautaire le sont en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux qui se lit comme suit laquo Un eacutetablissement peut conclure avec un autre eacutetablissement un organisme ou toute autre personne une entente pour lrsquoune ou lrsquoautre des fins suivantes 1- la dispensation pour le compte de cet eacutetablissement de certains services de santeacute ou services sociaux requis par un usager de cet eacutetablissement 2- la prestation ou lrsquoeacutechange de services professionnels en matiegravere de services de santeacute ou de services sociaux raquo

34

Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

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meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 35: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Aussi bien que le Conseil reconnaisse le bien-fondeacute de lrsquoencadrement de la pratique des avortements hors des eacutetablissements du reacuteseau public il se demande si les ententes conclues en vertu de lrsquoarticle 108 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux ne correspondent pas mieux agrave la nature speacutecifique de lrsquoavortement Pourquoi la gratuiteacute de cet acte meacutedical de premiegravere ligne ne peut-elle ecirctre assureacutee que dans un CMS qui aura conclu une entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux

34 LES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES

Si le Conseil a des raisons de se reacutejouir de la gratuiteacute des services drsquoavortement qursquoil reacuteclame expresseacutement depuis 1992 les constats faits reacutecemment sur le terrain nrsquoont pas pour autant atteacutenueacute certaines de ses appreacutehensions Le Conseil a eu lrsquooccasion de faire valoir que les Queacutebeacutecoises sont attacheacutees agrave leur systegraveme de santeacute et de services sociaux ougrave le besoin et non la capaciteacute de payer ou le statut deacutetermine lrsquoaccegraves aux services Ayant examineacute de plus pregraves encore lrsquoorganisation des services drsquoavortement et leur prestation le Conseil souhaite reformuler cette affirmation en y ajoutant laquo qursquoelles y sont attacheacutees envers et contre tout raquo car il doit se rendre agrave lrsquoeacutevidence que le reacuteseau public les a mal servies et leur a eacuteteacute mecircme preacutejudiciable

Cette affirmation seacutevegravere repose sur le fait que les deacutecisions prises au Queacutebec sur le financement public des deacutepenses en matiegravere de santeacute reflegravetent un certain contrat social qui de lrsquoavis du Conseil ne tient plus quand il est question des services drsquoavortement Crsquoest ainsi qursquoun nombre important de femmes qui contribuent elles aussi au financement du systegraveme public par leurs impocircts se voient contraintes de payer des services drsquoavortement de premiegravere ligne auxquels elles ont deacutejagrave contribueacute Si le deacutecompte devait se faire depuis les anneacutees 1970 alors que les avortements eacutetaient oneacutereux et dans les cliniques priveacutees et dans tous les centres de santeacute des femmes lessommes qursquoelles ont fournies seraient carreacutement faramineuses Agrave simple titre indicatif le coucirct des avortements pratiqueacutes pendant la seule peacuteriode 1999-2005 a eacuteteacute chiffreacute agrave 10 860 556 $ par la Cour supeacuterieure dans le cadre du recours collectif Il y a lagrave une injustice historique que mecircme le remboursement des frais conformeacutement agrave ce recours collectif ne reacuteussira pas agrave aplanir Le Conseil trouve important de souligner que les femmes en payant les coucircts de leur avortement depuis le deacutebut des anneacutees 1970 en raison de lrsquoincapaciteacute du reacuteseau public agrave le leur offrir (comme le montre entre autres le jugement de la Cour supeacuterieure) ont subi une injustice profonde et ont ducirc affronter un systegraveme agrave deux vitesses bien avant tout le monde au Queacutebec et ce sans soulever la protestation des plus fervents deacutefenseurs et deacutefenseuses du reacuteseau public Pour le Conseil cette situation est le reflet de la discrimination systeacutemique subie par les femmes

Par ailleurs lrsquoavortement a souvent eacuteteacute embleacutematique des anomalies historiques dusystegraveme de santeacute Agrave bien des eacutegards la situation que les Queacutebeacutecoises ont connue et connaissent en matiegravere drsquoavortement illustre bien avant le fait certaines deacuterives drsquoun systegraveme de santeacute ne reacutepondant pas aux besoins speacutecifiques de sa population Rappelons qursquoen matiegravere de services drsquoavortement les Queacutebeacutecoises ont eacuteteacute forceacutees de recourir agrave des agences de courtage grassement payeacutees afin drsquoobtenir un rendez-vous en clinique

35

meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

36

a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

37

Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

38

Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

40

C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 36: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

meacutedicale et ce degraves les anneacutees 1970 agrave la faveur de la confusion qui a souvent reacutegneacute dans ce dossier certains de ces intermeacutediaires ont eacuteteacute actifs jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 Aussi pour bon nombre de Queacutebeacutecoises les agences de courtage en santeacute ne sont pas un pheacutenomegravene meacuteconnu encore moins nouveau44

341 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES EacuteTABLISSEMENTS PUBLICS

Le Conseil est bien au fait que actuellement lrsquoentente intervenue entre lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal et les cliniques meacutedicales montreacutealaises et le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal ne satisfait pas aux conditions applicables aux CMS ceux-ci nrsquoeacutetant pas encore constitueacutes Cependant mecircme dans cette phase transitoire certains centres hospitaliers montreacutealais connus pour leur reacuteserve agrave offrir des services drsquoavortement sur demande se disent precircts agrave remettre eacuteventuellement toute leur clientegravele aux CMS

Deacutejagrave que la pratique des avortements en centre hospitalier a chuteacute progressivement au cours des derniegraveres anneacutees (tableau 5) le Conseil craint qursquoelle ne continue de deacutecroicirctre si comme le preacutevoit le projet de regraveglement sur les traitements speacutecialiseacutes en CMS outre sa clientegravele ce type drsquoinstallation peut aussi traiter les usagegraveres drsquoun eacutetablissement public

Or comme la prestation des services en matiegravere drsquoavortement en centre hospitalier est nettement plus oneacutereuse45 que lorsqursquoelle fait appel aux plateaux techniques des cliniques meacutedicales des CLSC ou des centres de santeacute quelle logique fera en sorte de maintenir ou de deacutevelopper la capaciteacute de production de ces services en centre hospitalier surtout en cette peacuteriode ougrave leur financement est probleacutematique et ougrave leur main-drsquoœuvre est en deacutecroissance

Drsquoailleurs ces deux facteurs concernent eacutegalement les CLSC et font dire au Conseil que en lrsquoabsence drsquoinvestissement financier et humain la pratique des avortements en CLSC

44 Rappelons que la Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit rapporte que durant les anneacutees 1970 il y avait prolifeacuteration drsquoagences priveacutees de reacutefeacuterence pour obtenir un avortement Faute de ressources en matiegravere drsquoavortement dans le reacuteseau public les femmes srsquoadressaient agrave ces agences avant tout pour obtenir le nom drsquoun meacutedecin ou drsquoune clinique ougrave il leur serait possible drsquointerrompre une grossesse En fait ces agences servaient drsquointermeacutediaires entre les femmes deacutesirant un avortement et les meacutedecins qui offraient les services Se rapporter agrave Coordination nationale pour lrsquoavortement libre et gratuit Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 p 25-28

45 Si lrsquoon exclut les coucircts fixes (+ ou ndash 15 ) et si lrsquoon prend en consideacuteration que les avortements en centre hospitalier sont effectueacutes par des meacutedecins speacutecialistes en 1996 agrave lrsquoHocircpital Sainte-Justine le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre avec hospitalisation eacutetait de 302 $ et en externe il se situait agrave 229 $ le coucirct moyen drsquoun avortement de deuxiegraveme trimestre avec hospitalisation atteignait 679 $ et en externe il eacutetait de 270 $ Par ailleurs en CLSC le coucirct moyen drsquoun avortement de 12 semaines et moins srsquoeacutetablissait agrave 219 $ En clinique meacutedicale le coucirct moyen drsquoun avortement de premier trimestre eacutetait comparable agrave celui des CLSC Rappelons qursquoune des speacutecificiteacutes des cliniques meacutedicales est leur expertise en matiegravere drsquoavortement de deuxiegraveme trimestre en externe Ces coucircts sont eacutetablis dans Reacutegie reacutegionale de la santeacute et des services sociaux Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997 p 3-4

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a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 37: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

a atteint sa pleine capaciteacute de deacuteveloppement et risque de ne pas absorber la clientegravele des centres hospitaliers srsquoils srsquoen deacutechargent

De lrsquoavis du Conseil tout ce contexte preacutedispose agrave une modification profonde de la nature et de la vocation mecircme des eacutetablissements tant publics que priveacutes puisqursquoil geacutenegravere leur forte speacutecialisation et leur assigne par le fait mecircme une clientegravele particuliegravere par exemple les futurs CMS heacuteriteraient drsquoune grande part des avortements et risqueraient ainsi de se cantonner dans cette seule offre de services alors que les centres hospitaliers se deacutelesteraient de cette pratique pour nrsquoecirctre qursquoune ressource en matiegravere drsquoavortement que dans les situations drsquourgence

342 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES CLINIQUES MEacuteDICALES

La diminution deacutejagrave en cours de la pratique des avortements dans les centres hospitaliers ainsi que la difficulteacute voire lrsquoincapaciteacute des CLSC drsquoaccroicirctre davantage lrsquooffre de ces services conduisent ineacutevitablement agrave une recomposition de la pratique dans les cliniques meacutedicales Cela se manifeste preacutesentement par lrsquoaugmentation des deacutelais drsquoattente en clinique meacutedicale et par voie de conseacutequence la diminution de lrsquoaccessibiliteacute aux services

Reacuteputeacutees et reconnues pour leur capaciteacute agrave reacutepondre rapidement agrave la demande drsquoavortement les cliniques meacutedicales connaissent preacutesentement des deacutelais de deux semaines et plus entre le moment ougrave le rendez-vous est pris et ougrave lrsquointerruption a effectivement lieu alors qursquoavant lrsquoentente du 14 janvier 2008 leur temps drsquoattente eacutetait pratiquement inexistant

Cette situation srsquoexplique entre autres par le fait que la pratique de lrsquoavortement a souvent eacuteteacute dans un eacutequilibre preacutecaire ougrave la participation de tous les fournisseurs (reacuteseaux public priveacute et communautaire) eacutetait neacutecessaire pour maintenir lrsquoadeacutequation entre lrsquooffre et la demande de services Or si lrsquooffre diminue dans certains eacutetablissements publics ou si les femmes sont dirigeacutees massivement vers les cliniques meacutedicales il est entendu que ces derniegraveres ne pourront suffire agrave la demande agrave moins que nrsquoarrive ce que craint par-dessus tout le Conseil la croissance potentielle des installations priveacutees agrave but lucratif sous forme de CMS puisque en rendant moins accessibles les services drsquoavortement dans le reacuteseau public celui-ci leur ameacutenage par le fait mecircme un tregraves vaste champ de pratique Cependant comme tout CMS peut ne pas ecirctre reacutegi par entente en vertu de lrsquoarticle 3495 de la Loi sur la santeacute et les services sociaux cette eacuteventualiteacute ramegravenerait les femmes agrave devoir de nouveau payer le coucirct de leur avortement dans une installation priveacutee avec des meacutedecins non participants

343 LES EFFETS PREacuteVISIBLES SUR LES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

Si pour le moment la prestation des services drsquointerruption de grossesse au Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal a atteint sa vitesse de croisiegravere le Conseil entrevoit par ailleurs que son eacuteventuelle conversion drsquoorganisme communautaire agrave but non lucratif en CMS posera problegraveme

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Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

40

C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 38: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Drsquoabord la Loi sur la santeacute et sur les services sociaux amendeacutee agrave la suite de lrsquoadoption du projet de loi no 33 donne agrave ces nouvelles installations un statut priveacute agrave but lucratif ce qui est un changement majeur ensuite elle les deacutefinit comme des lieux qui doivent ecirctre deacutetenus et exploiteacutes majoritairement par des meacutedecins investisseurs Or les meacutedecins travaillant au centre de santeacute utilisent les installations de lrsquoorganisme communautaire sans en ecirctre ni les actionnaires ni les proprieacutetaires Selon quelles modaliteacutes un meacutedecin non investisseur pourra-t-il emprunter les installations et travailler dans un CMS

Au-delagrave de cet imbroglio juridique agrave devoir deacutemecircler qursquoadviendra-t-il de la gestion participative et collective du centre Cette question a tout son sens car les regravegles applicables aux CMS preacutevoient que si un tel centre est exploiteacute par une personne morale ou par une socieacuteteacute les affaires de ce centre doivent ecirctre administreacutees par un conseil drsquoadministration ou un conseil de gestion interne selon le cas formeacute majoritairement de meacutedecins membres du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec qui doivent en tout temps constituer la majoriteacute du quorum drsquoun tel conseil Y aura-t-il une place pour la participation collective des membres du Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et de ses travailleuses Ou leur participation sera-t-elle confineacutee dans les activiteacutes autres que celles qui sont lieacutees agrave lrsquoavortement Quel sort sera reacuteserveacute agrave lrsquoapproche globale en matiegravere de santeacute des femmes si la pratique de lrsquoavortement devient le fait du seul CMS

De plus comme tout CMS doit aussi nommer un meacutedecin comme directeur geacuteneacuteral la rentabilisation de lrsquoinvestissement priveacute en avortement peut devenir une prioriteacute au lieu que ce soit le deacuteveloppement drsquoapproches nouvelles en matiegravere de contraception drsquoeacuteducation ou de preacutevention aupregraves de groupes particuliers Si seule la prestation des services drsquoavortement eacutetait reacutegie par entente les autres activiteacutes du centre de santeacute continueraient-elles drsquoecirctre subventionneacutees

Agrave lrsquoheure actuelle au printemps 2008 les deux autres centres de santeacute des femmes nrsquoont pas encore eacuteteacute solliciteacutes par leur agence respective agrave se convertir en CMS Le Conseil se refuse pour le moment drsquoy voir la possibiliteacute drsquoun traitement diffeacuterencieacute en fonction des reacutegions sociosanitaires agrave forte densiteacute de population de celles qui ne le sont pas

35 UNE BREgraveCHE DANS LE PRINCIPE DE LrsquoACCESSIBILITEacute AUX SOINS SELON DES MODALITEacuteS UNIFORMES

Ce nouveau cadre de prestation des services drsquointerruption de grossesse offre-t-il toutes les garanties que le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins est respecteacute

Le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins prescrit dans la Loi canadienne sur la santeacute suppose que les reacutesidents drsquoune province doivent avoir un accegraves raisonnable aux services hospitaliers meacutedicaux et de chirurgie buccale assureacutes selon des modaliteacutes uniformes sans que cet accegraves soit restreint directement ou indirectement par des frais modeacuterateurs une surfacturation ou drsquoautres moyens comme la discrimination fondeacutee sur lrsquoacircge lrsquoeacutetat de santeacute ou la situation financiegravere

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Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

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Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 39: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Or le Conseil nrsquoa aucune garantie quant agrave la peacuterenniteacute des ententes administratives qui lient preacutesentement le Centre de santeacute des femmes de Montreacuteal et les quatre cliniques meacutedicales avec lrsquoAgence de la santeacute et des services sociaux de Montreacuteal pas plus qursquoil en a lorsqursquoil examine ce qui se passe agrave la Clinique des femmes de lrsquoOutaouais ou au Centre des femmes de Trois-Riviegraveres Autrement dit lorsque viendra le temps de les renouveler si pour une raison quelconque les parties ne srsquoentendent pas sur les quotas agrave remplir cela veut-il dire que les femmes reviendront agrave la case de deacutepart et ainsi devront de nouveau payer pour leur avortement Si agrave cette situation srsquoajoute celle ougrave il y a fragilisation ou carreacutement diminution de la prestation des services drsquoavortement en centre hospitalier le principe drsquoaccessibiliteacute nrsquoaura plus drsquoassise

Cette preacuteoccupation du Conseil est preacutesente dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement mais elle se manifestera eacutegalement dans le cas des ententes avec les CMS Pour le Conseil cette organisation comporte de nouveau du moins pour le moment et en lrsquoabsence de meilleures garanties un haut potentiel de fragilisation de la prestation des services drsquoavortement

Comme il le faisait valoir reacutecemment46 le Conseil nrsquoa pas lrsquoassurance que toutes les interventions effectueacutees par un meacutedecin participant au reacutegime public dans un CMS seront couvertes par une entente aussi il y a un risque que les femmes traiteacutees hors entente ne se voient imposer des frais additionnels Peut-on penser que les trois situations suivantes se preacutesenteront

bull ou les avortements seront entiegraverement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un eacutetablissement public ou dans un CMS conformeacutement agrave une entente

bull ou les avortements seront partiellement payeacutes par le reacutegime public lorsqursquoils sont donneacutes dans un CMS hors entente par des meacutedecins participant au reacutegime public et reacutetribueacutes par la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec les frais accessoires importants devront ecirctre acquitteacutes comme cela a toujours eacuteteacute le cas dans les cliniques meacutedicales jusqursquoagrave tregraves reacutecemment

bull ou encore les avortements seront entiegraverement payeacutes par les femmes lorsqursquoils seront offerts dans un CMS ougrave pratiquent des meacutedecins qui ne participent pas au reacutegime public

36 LES CONSEacuteQUENCES PREacuteVISIBLES SUR LES FEMMES

Les effets sur les femmes de cette entorse aux principes qui sous-tendent les lois actuellement en vigueur au Queacutebec en matiegravere de santeacute ont eacuteteacute mis reacutecemment en lumiegravere par le Conseil dans ses reacuteactions au rapport du groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute rapport intituleacute En avoir pour notre argent47

46 Lettre du Conseil du statut de la femme adresseacutee au ministre de la Santeacute et des Services sociaux le 15 janvier 2008

47 Conseil du statut de la femme Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

39

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 40: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Dans son document le Conseil rappelle que la population feacuteminine a dans lrsquoensemble une capaciteacute de payer nettement infeacuterieure agrave celle de la population masculine Les statistiques fiscales indiquent en effet que le revenu moyen de toute provenance des Queacutebeacutecoises de 20 ans et plus srsquoeacutelevait agrave 24 581 $ en 2004 alors que celui des Queacutebeacutecois atteignait 36 633 $ soit un eacutecart de 12 052 $48 De plus cette infeacuterioriteacute relative du revenu des femmes se veacuterifiait dans toutes les tranches drsquoacircge agrave partir de 20 ans Enfin certaines cateacutegories de femmes notamment celles qui sont responsables drsquoune famille monoparentale les immigrantes et les femmes acircgeacutees seules ont dans lrsquoabsolu des faibles revenus

48 Ces calculs sont baseacutes sur les donneacutees provenant du document suivant ministegravere des Finances et ministegravere du Revenu Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 p 55-90 tableau 3

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C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

42

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 41: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

C H A P I T R E I V LA SITUATION SUR LA SCEgraveNE FEacuteDEacuteRALE

Malheureusement dans les faits lrsquoavortement nrsquoest ni un droit ni un acquis En effet agrave nrsquoimporte quel moment le gouvernement feacutedeacuteral peut le criminaliser et le rendre illeacutegal comme il a drsquoailleurs tenteacute de le faire aussitocirct apregraves que la Cour suprecircme du Canada statuait en 1988 dans lrsquoarrecirct Morgentaler49 que lrsquoarticle 251 du Code criminel parce qursquoil restreint les droits agrave la vie agrave la liberteacute et agrave la seacutecuriteacute des femmes50 est inconstitutionnel Sans perdre de temps en novembre 1989 le gouvernement feacutedeacuteral deacutepose le projet de loi no C-43 par lequel il modifie le Code criminel afin drsquointerdire de nouveau lrsquoavortement sauf si un meacutedecin juge que lrsquoeacutetat physique mental ou psychologique de la femme le requiert Adopteacute par un vote serreacute de 140 voix contre 131 agrave la Chambre des communes crsquoest finalement en 1991 gracircce au vote eacutegal51 du Seacutenat canadien que ce projet de loi est battu

Depuis le Canada est lrsquoun des rares pays du monde qui nrsquoimpose aucune restriction quant agrave lrsquoautonomie reproductive des femmes en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse52 Toutes les luttes feacuteministes et toutes les batailles juridiques meneacutees pour leacutegaliser et deacutecriminaliser cet acte auront abouti agrave le situer agrave lrsquointeacuterieur de la sphegravere sociosanitaire Lrsquoavortement est deacutesormais un service meacutedicalement requis

41 DES MENACES SEacuteRIEUSES ET REacutePEacuteTEacuteES AUX DROITS DES FEMMES

Agrave lrsquoeacutepoque devant ces tractations et le climat drsquoincertitude qui srsquoensuivait le Conseil choisi drsquointervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement53 Il trouvait important de connaicirctre la maniegravere dont lrsquoaccessibiliteacute agrave cet acte eacutetait assureacutee Seize ans apregraves la diffusion de son deuxiegraveme avis le Conseil constate avec deacuteception qursquoil ne srsquoest pas passeacute une anneacutee sans que drsquoune faccedilon ou drsquoune autre lrsquoexercice de lrsquoautonomie et du libre arbitre des femmes en matiegravere de reproduction ait eacuteteacute remis en question fragiliseacute limiteacute voire menaceacute Cela se traduisait mecircme parfois que ce soit au Queacutebec ou ailleurs au Canada sous des formes criminelles

Mentionnons agrave cet eacutegard lrsquoattentat agrave la bombe qui a deacutetruit la clinique Morgentaler de Toronto en 1992 les attaques armeacutees perpeacutetreacutees contre des meacutedecins prochoix drsquoAncaster en 1995 de Winnipeg en 1997 et sur le mecircme meacutedecin de Vancouver agrave deux reprises en 1994 et en 2000 Nrsquooublions pas non plus le harcegravelement et lrsquointimidation

49 R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30 Se reacutefeacuterer agrave httpcsclexumunmontrealcafr1988 50 En vertu de lrsquoarticle 7 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes laquo Chacun a droit agrave la vie agrave la

liberteacute et agrave la seacutecuriteacute de sa personne il ne peut ecirctre porteacute atteinte agrave ce droit qursquoen conformiteacute avec les principes de justice fondamentale raquo

51 Au Seacutenat un reacutesultat eacutegal entre les pour et les contre se solde par le rejet de la proposition 52 Selon le Center for Reproductive Rights des 49 pays qui permettent lrsquoavortement sur demande

seulement 4 soit le Canada la Chine la Coreacutee du Nord et le Vietnam nrsquoimposent aucune restriction Se reacutefeacuterer agrave httpwwwreproductiverightsorgfr_pub_fac_avort1html

53 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit document qui a paru apregraves La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 42: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

profeacutereacutes par les repreacutesentants des lobbys antichoix agrave lrsquoendroit des clientes des cliniques de planification des naissances Sur ce dernier point les agressions agrave lrsquoendroit des femmes et du corps meacutedical qui freacutequentaient les cliniques de la Colombie-Britannique ont eacuteteacute telles que le gouvernement provincial a adopteacute en septembre 1996 la loi intituleacutee laquo Access to Abortion Services Act raquo par laquelle un peacuterimegravetre de seacutecuriteacute est eacuterigeacute autour de ces eacutetablissements

Ailleurs au Queacutebec en Ontario et en Alberta ce sont les injonctions temporaires ou permanentes qui permettent aux cliniques de creacuteer des zones tampons sinon pour empecirccher du moins pour maintenir agrave distance aujourdrsquohui encore les protestataires des lobbys antichoix et eacuteviter ainsi une forme quelconque drsquointimidation agrave leur clientegravele deacutejagrave en proie agrave lrsquoaccablement lieacute agrave une interruption de grossesse

42 LrsquoUTILISATION DU CADRE LEacuteGISLATIF FEacuteDEacuteRAL POUR CONTRER LrsquoAUTONOMIE REPRODUCTIVE DES FEMMES

Dans un autre ordre drsquoideacutees sur le front leacutegislatif des strateacutegies articuleacutees ont eacuteteacute mises en avant au fil du temps en vue de circonscrire de baliser et de limiter lrsquoautonomie reproductive des femmes Depuis 2003 seulement neuf projets de loi priveacutes avec cette intention avoueacutee ont eacuteteacute deacuteposeacutes agrave la Chambre des communes

La plupart de ces projets de loi priveacutes (soit sept) ont eacuteteacute deacuteposeacutes par le mecircme deacuteputeacute54 Agrave titre drsquoexemple le projet de loi no M-83 qursquoil a preacutesenteacute demande au Comiteacute permanent de la santeacute premiegraverement drsquoanalyser la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement et deuxiegravemement de comparer les risques auxquels srsquoexposent les femmes qui recourent agrave lrsquoavortement contre ceux que subissent les femmes qui megravenent agrave terme leur grossesse Crsquoest agrave 139 voix contre 66 que le 1er octobre 2003 ce projet de loi a eacuteteacute rejeteacute

En plus du fait de remettre carreacutement en question la neacutecessiteacute meacutedicale de lrsquoavortement pour que eacuteventuellement cet acte meacutedical ne fasse plus partie du panier de services assurables comme le propose le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no M-83 lrsquoautonomie et le libre arbitre des femmes sont de nouveau deacutefieacutes agrave travers les supposeacutes droits du fœtus55

Drsquoailleurs cette tactique est apparue agrave diverses reprises tout au long des anneacutees signalons lrsquoaffaire Borowski en 1987 les injonctions accordeacutees par le Queacutebec et lrsquoOntario pour deacutefendre respectivement agrave Chantal Daigle et agrave Barbara Dodd drsquointerrompre leur grossesse en 1989 et le recours agrave la mecircme proceacutedure par un homme du Nouveau-Brunswick en aoucirct 1996 pour empecirccher son eacutepouse de se faire avorter au Queacutebec Or en mai 2006 voilagrave que le projet de loi drsquointeacuterecirct priveacute no C-291 porte lui aussi sur les

54 Il srsquoagit du deacuteputeacute conservateur de la Saskatchewan Garry Breitkreuz 55 Selon lrsquoarticle 2231 du Code criminel du Canada laquo un enfant devient un ecirctre humain lorsqursquoil est

complegravetement sorti vivant du sein de sa megravere a) qursquoil ait respireacute ou non b) qursquoil ait ou non une circulation indeacutependante c) que le cordon ombilical soit coupeacute ou non raquo Lrsquoarticle interpreacutetatif du Code criminel affirme que le fœtus nest pas un laquo ecirctre humain raquo au sens de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Autrement dit tant qursquoil nrsquoest pas neacute lrsquoenfant nrsquoa aucun droit agrave la vie et agrave la seacutecuriteacute qui est reconnu aux personnes par la Charte

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supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

43

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

44

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

45

deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

46

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

48

O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 43: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

supposeacutes droits du fœtus puisqursquoil propose qursquoune personne soit inculpeacutee de deux meurtres si elle tue une femme enceinte Preacutetextant que lrsquointention coupable pouvait ecirctre inexistante si le meurtrier ignorait que la femme eacutetait enceinte le Comiteacute parlementaire canadien sur la proceacutedure a retireacute ce projet de loi en aoucirct de la mecircme anneacutee

Une version agrave peine retoucheacutee de ce projet de loi est revenue reacutecemment agrave la Chambre des communes Connu sous lrsquoappellation de laquo projet de loi C-484 raquo il a eacuteteacute adopteacute en deuxiegraveme lecture Depuis ce vote qui srsquoest tenu le 5 mars 2008 il est agrave lrsquoeacutetude devant le Comiteacute permanent de la justice et des droits de la personne qui a la responsabiliteacute de statuer sur sa recevabiliteacute et conseacutequemment de deacutecider srsquoil sera soumis ou non agrave un troisiegraveme vote en Chambre Pour le moment aucune indication nrsquoa eacuteteacute donneacutee quant agrave la date de reprise des audiences

Enfin un autre projet leacutegislatif en lice tendant agrave reacuteduire lrsquoexercice du libre arbitre et lrsquoautonomie reproductive des femmes combine agrave la fois la laquo recriminalisation raquo de lrsquoavortement la restriction meacutedicale et les supposeacutes droits du fœtus En effet crsquoest un amalgame de toutes ces manœuvres qui deacutefinit le mieux le projet de loi priveacute no C-338 dont le deacutepocirct et la premiegravere lecture se sont deacuterouleacutes le 21 juin 2006 Ce projet a pour objet avant tout de modifier le Code criminel Serait ainsi coupable drsquoune infraction criminelle et passible drsquoun emprisonnement maximal de cinq ans laquo quiconque avec lrsquointention de procurer lrsquoavortement drsquoune personne du sexe feacuteminin [sic] dont il sait ou devrait savoir qursquoelle a deacutepasseacute sa vingtiegraveme semaine de gestation emploie ou permet que soit employeacute quelque moyen pour reacutealiser son intention [hellip] raquo agrave moins que la vie ou la santeacute de la femme enceinte ne soit en cause

43 LES POSITIONS ANTEacuteRIEURES DU CONSEIL TOUJOURS DrsquoACTUALITEacute

Le Conseil suit non sans inquieacutetude les travaux parlementaires qui pourraient de nouveau faire de lrsquoavortement un crime Rappelons qursquoen 1988 dans son premier avis sur lrsquoavortement56 agrave la suite du jugement de la Cour suprecircme dans lrsquoarrecirct Morgentaler il soutenait que ce jugement nrsquoavait pas entraicircneacute de vide juridique Il y faisait eacutegalement la preuve de lrsquoimpact neacutegatif que toute mesure reacutepressive criminelle aurait en matiegravere de santeacute reproductive

Le Conseil continue drsquoaffirmer haut et fort que forcer la poursuite drsquoune grossesse sans que ce soit lrsquoauthentique aspiration et la veacuteritable volonteacute des femmes mais bien parce qursquoil y a la menace drsquoune sanction criminelle contre elles ou contre un tiers qui leur fournirait les services drsquoavortement est une violation de leur inteacutegriteacute physique une violation de leur personne Bref une telle proceacutedure en ferait des otages

Pour le Conseil croire le contraire crsquoest admettre que quelqursquoun drsquoautre deacutecide et controcircle le corps des femmes Drsquoailleurs les argumentaires des juges majoritaires Dickson Beetz et Wilson dans lrsquoarrecirct Morgentaler sont sans eacutequivoque lagrave-dessus Donc tout aussi clairement qursquoil lrsquoaffirmait en 1988 aujourdrsquohui encore le Conseil eacutenonce avec

56 Conseil du statut de la femme La question de lrsquoavortement au Queacutebec op cit

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une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 44: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

une conviction renouveleacutee que le Parlement feacutedeacuteral ne devrait pas intervenir dans ce domaine en criminalisant lrsquoavortement

Par la suite en 1992 le Conseil57 reacuteiteacuterait qursquoaucune loi peacutenale ne doit se superposer aux lois qui reacutegissent la santeacute et la profession meacutedicale au Canada Depuis il privileacutegie la deacutemarche qui le conduit agrave faire en sorte que lrsquoaccessibiliteacute agrave la gamme complegravete de services de planification des naissances y compris les services drsquoavortement soit assureacutee par un reacuteseau drsquoeacutetablissements stables Agrave deacutefaut de cette condition comment les principes de la liberteacute de lrsquoeacutegaliteacute de lrsquoautodeacutetermination de lrsquoautonomie reproductive et de lrsquointeacutegriteacute physique en matiegravere de poursuite ou drsquointerruption de grossesse pourraient-ils srsquoexercer ou avoir un sens autre que theacuteorique

431 LrsquoACCEgraveS AUX SERVICES DrsquoAVORTEMENT UNE QUESTION DrsquoEacuteGALITEacute ENTRE LES SEXES

Pour le Conseil lrsquoaccegraves aux services drsquoavortement est une question drsquoeacutegaliteacute entre les sexes En ce sens le reacutegime de santeacute queacutebeacutecois ne concerne pas seulement lrsquoabsence de maladie ou drsquoinfirmiteacute Il veut aussi laquo diminuer limpact des problegravemes qui compromettent leacutequilibre leacutepanouissement et lautonomie des personnes [et] atteindre des niveaux comparables de santeacute et de bien-ecirctre au sein des diffeacuterentes couches de la population et des diffeacuterentes reacutegions58 raquo Cet article donne la garantie aux Queacutebeacutecoises qursquoelles retireront des beacuteneacutefices eacutegaux de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux Crsquoest la raison pour laquelle lrsquoaccegraves aux soins et aux services en matiegravere de santeacute reproductive y compris ceux qui sont lieacutes agrave lrsquoavortement est consideacutereacute comme un moyen neacutecessaire pour permettre aux femmes de surpasser voire de contrer dans les faits leurs conditions de vie ineacutegales

La reacutecente politique du gouvernement queacutebeacutecois sur lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes intituleacutee Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait adopte aussi cette perspective sur les questions lieacutees agrave la santeacute reproductive En reprenant agrave son compte la deacutefinition de la santeacute de lrsquoInstitut national de santeacute publique du Queacutebec dans laquelle elle est deacutecrite comme laquo un eacutetat de bien-ecirctre preacutesupposant une capaciteacute physique psychologique et sociale qui permet agrave une personne drsquoagir dans son milieu et drsquoaccomplir les rocircles qursquoelle entend assumer drsquoune maniegravere acceptable pour elle-mecircme et pour les groupes dont elle fait partie [hellip]59 raquo cette politique gouvernementale se donne comme objectif de contrecarrer les risques associeacutes aux conditions de vie ineacutegales des femmes En matiegravere de relations amoureuses et de couple on y preacutecise que cela se traduit en corrigeant le deacuteseacutequilibre qui fait en sorte que les femmes sont principalement les responsables de la planification des naissances alors qursquoelles sont celles qui eacuteprouvent de la difficulteacute agrave neacutegocier des rapports sexuels proteacutegeacutes

57 Conseil du statut de la femme Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement op cit 58 Article 1 de la Loi sur les services de santeacute et les services sociaux 59 Gouvernement du Queacutebec Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale

pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006 p 63-67

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Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 45: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

Retenons que deacutejagrave au cours des anneacutees 1980 Catharine MacKinnon60 et les repreacutesentantes du Fonds drsquoaction et drsquoeacuteducation juridiques pour les femmes ont avanceacutedes arguments en ce sens devant les tribunaux dans certaines causes types Agrave leur avis lrsquoaccessibiliteacute aux services de planification des naissances est la condition qui fera que les femmes auront un controcircle plus eacutegal sur leurs capaciteacutes reproductives des chances plus eacutegales de planifier leur vie et de participer ainsi plus pleinement agrave la socieacuteteacute que si ces services nrsquoeacutetaient pas offerts

En 2006 drsquoautres chercheuses61 empruntent cette voie et font de lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement une question drsquoeacutegaliteacute de droit et de fait en vertu des sections 15 et 2862 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes Pour elles aussi dans lrsquoeacutetat actuel des relations entre les sexes bon nombre des deacutesavantages et des deacuteseacutequilibres qui affligent les femmes sont associeacutes agrave leur capaciteacute de mettre des enfants au monde aux rocircles sociaux qui en deacutecoulent et aux restrictions qui leur sont imposeacutees en raison aujourdhui encore de leur preacutetendue destineacutee biologique

Ces chercheuses deacuteplorent eacutegalement que les politiques de planification des naissances aient peu sinon jamais consideacutereacute lavortement dans le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait dans lequel les femmes se retrouvent enceintes Lrsquoavortement y baigne dans un contexte de neutraliteacute de genre qui preacutesume que les femmes aussi bien que les hommes ont le mecircme controcircle sur leur feacuteconditeacute et sur leur reproduction Cette faccedilon de faire a pour conseacutequence que lrsquoavortement devient une question meacutecanique de lrsquooffre et de la demande de services et en conseacutequence ignore lrsquoineacutegaliteacute de fait voire lrsquooppression bien ancreacutee qui conduit aux grossesses non voulues Pour ces chercheuses ignorer le contexte drsquoineacutegaliteacute de fait de la planification des naissances rend invisibles les reacutealiteacutes et les conditions de vie dans lesquelles les femmes choisissent drsquointerrompre leur grossesse et par le fait mecircme cela rend tout aussi invisible la porteacutee veacuteritable de cet acte

Drsquoailleurs ces discriminations avaient eacuteteacute prises en consideacuteration par les juges majoritaires dans lrsquoarrecirct Morgentaler Les constats faits par la juge Wilson sur lrsquoineacutegaliteacute profonde et inheacuterente au cœur mecircme de lrsquoavortement sont particuliegraverement eacuteclairants quand elle affirme ceci

[Le] droit agrave la liberteacute eacutenonceacute agrave larticle 7 garantit agrave chaque individu une marge drsquoautonomie personnelle sur ses deacutecisions importantes touchant intimement agrave sa vie priveacutee La question devient alors de savoir si la

60 Catharine MACKINNON laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 p 93

61 Sandra RODGERS laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

62 Les articles 15 (1) et 28 de la Charte canadienne des droits et liberteacutes se lisent comme suit laquo 15 (1) La loi ne fait exception de personne et srsquoapplique eacutegalement agrave tous et tous ont droit agrave la mecircme protection et au mecircme beacuteneacutefice de la loi indeacutependamment de toute discrimination notamment des discriminations fondeacutees sur la race lrsquoorigine nationale ou ethnique la couleur la religion le sexe lrsquoacircge ou les deacuteficiences mentales ou physiques raquo et laquo 28 Indeacutependamment des autres dispositions de la preacutesente charte les droits et liberteacutes qui y sont mentionneacutes sont garantis eacutegalement aux personnes des deux sexes raquo

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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deacutecision que prend une femme drsquointerrompre sa grossesse relegraveve de cette cateacutegorie de deacutecisions proteacutegeacutees Je nrsquoai pas de doute que ce soit le cas [hellip] Crsquoest une deacutecision qui reflegravete profondeacutement lrsquoopinion qursquoune femme a drsquoelle-mecircme ses rapports avec les autres et avec la socieacuteteacute en geacuteneacuteral Ce nrsquoest pas seulement une deacutecision drsquoordre meacutedical elle est aussi profondeacutement drsquoordre social et eacutethique63

Pour le Conseil lrsquoEacutetat a lrsquoobligation drsquoenlever tous les obstacles et toutes les contraintes qui nuiraient agrave lrsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoavortement64 en vertu des droits fondamentaux de liberteacute drsquoeacutegaliteacute de seacutecuriteacute et drsquointeacutegriteacute confeacutereacutes par les chartes canadienne et queacutebeacutecoise

63 Se reacutefeacuterer aux paragraphes 239 et suivants de lrsquoarrecirct Morgentaler (1988) 64 Ces questions sont abordeacutees par Claire FARID laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler

1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

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C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 47: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

C O N C L U S I O N

Dans cet eacutetat des lieux sur la question de lrsquoavortement fait au moment ougrave le Queacutebec met en place un nouveau type drsquoinstallation pour la prestation des services drsquoavortement soit les CMS le Conseil examine certaines caracteacuteristiques de la dispensation des services drsquoavortement lieacutees agrave leur organisation et agrave leur freacutequence Il se montre particuliegraverement critique agrave lrsquoendroit de lrsquoeacutetat lacunaire de la recherche en matiegravere de santeacute reproductive des femmes en geacuteneacuteral et en matiegravere drsquoavortement en particulier Agrave ses yeux cela se traduit par des portraits partiels sur lrsquoavortement alors que crsquoest un des actes meacutedicaux effectueacutes en moyenne au cours des derniegraveres anneacutees plus de 28 000 fois et que crsquoest un acte urgent et non laquo eacutelectif raquo voilagrave un pan important des conditions de vie des femmes qui est ignoreacute De plus en lrsquoabsence de recherches certains pheacutenomegravenes importants et troublants restent incompris et empecircchent toute intervention qursquoil srsquoagisse des liens agrave faire entre la violence et les avortements reacutepeacuteteacutes dans le contexte queacutebeacutecois ou encore qursquoil srsquoagisse des caracteacuteristiques agrave eacutetablir sur les grossesses interrompues par meacutedication

Drsquoautres constats du Conseil montrent que lorsque le financement des services drsquoavortement est approprieacute dans le reacuteseau public cela se traduit par une utilisation accrue des installations publiques les reacutegions qui ne disposaient drsquoaucune ressource en matiegravere drsquoavortement ont ainsi pu en mettre sur pied en centre hospitalier et les CLSC ont pu accroicirctre leur offre de services et leur accessibiliteacute Aussi le recours agrave des services drsquoavortement hors du reacuteseau public ne srsquoexplique pas par la capaciteacute de payer des femmes mais bien parce que ce reacuteseau nrsquoa pas la capaciteacute structurelle voulue pour leur reacutepondre

Apregraves avoir pris note des ententes intervenues pour assurer la gratuiteacute des services drsquoavortements dans les centres de santeacute et dans les cliniques meacutedicales le Conseil arrive agrave la conclusion qursquoelles sont loin drsquoassurer la peacuterenniteacute de ces services De plus il constate avec une certaine appreacutehension que la prestation des services drsquoavortement se trouve deacutejagrave fragiliseacutee en ce moment pour la premiegravere fois de leur histoire les cliniques meacutedicales eacuteprouvent des deacutelais drsquoattente nettement supeacuterieurs agrave ceux qursquoelles avaient lrsquohabitude drsquoavoir Cette situation est conseacutequente au laquo deacutelestage raquo que certains eacutetablissements publics exercent au profit des cliniques meacutedicales En fait cela suggegravere au Conseil que le champ de la pratique est precirct agrave ecirctre remis au reacuteseau priveacute sans aucune garantie drsquoentente pour la gratuiteacute agrave long terme des services Crsquoest une bregraveche importante dans lrsquoaccessibiliteacute des soins

Pour le Conseil le principe de lrsquoaccessibiliteacute aux soins selon les besoins sans eacutegard au revenu au statut social ou au caractegravere assurable de la personne doit continuer de primer Il lui importe de conserver les principes et les valeurs qui inspirent actuellement le systegraveme public de santeacute canadien et queacutebeacutecois Pour le Conseil crsquoest le meilleur garant des droits collectifs

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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Page 48: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

En terminant le Conseil aurait souhaiteacute ne pas avoir agrave intervenir une autre fois sur la question de lrsquoavortement eacutetant convaincu que les femmes qui se battent depuis plus de 35 anneacutees ont finalement agrave leur disposition les services approprieacutes Or des faits nouveaux drsquoun deacutejagrave-vu troublant risquent encore une fois de fragiliser les conditions de vie des femmes du Queacutebec Ici le Conseil pense notamment aux tentatives reacutepeacuteteacutees de criminalisation de lrsquoavortement le rapide historique qursquoil fait de ces velleacuteiteacutes montre par ailleurs que cela creacutee un climat drsquoincertitude et drsquoinseacutecuriteacute qui marginalise encore lrsquoavortement et qui le ceint de deacutesapprobation sociale Le Conseil a donc tenu agrave deacutegager dans le preacutesent document les enjeux et agrave les eacutevaluer agrave la lumiegravere des principes qursquoil deacutefend depuis sa creacuteation soit lrsquoeacutegaliteacute des femmes leur autonomie reproductive leur liberteacute et leur seacutecuriteacute

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

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O U T A O U A I S

2006

2005

2004

2003

2002

ANNEXE 1 mdash FREacuteQUENCE DES AVORTEMENTS PAYEacuteS Agrave LrsquoACTE PENDANT LA PEacuteRIODE 2002-2006 SELON LE TYPE DrsquoEacuteTABLISSEMENT POUR LES REacuteGIONS DE LrsquoOUTAOUAIS ET DE LA MAURICIEndash CENTRE-DU-QUEacuteBEC ndash QUEacuteBEC 2007

A N N Eacute E M A U R I C I E ndash C E N T R E - D U - Q U Eacute B E C

CH Clinique des femmes de lrsquoOutaouais

T o t a l CH Centre de santeacute des femmes

CLSC Clinique meacutedicale

T o t a l

N N

1 376

N N N N

93327 2 1 349 98 266 285 482 517 175 187 10 11

23 18 1 276 982 1 299 262 279 504 538 167 178 4 04 937

26 19 1 363 981 1 389 315 328 466 485 156 162 25 26 962

22 15 1 415 985 1 437 347 344 478 474 168 166 16 16 1 009

24 18 1 315 982 1 339 360 339 469 442 165 155 47 44 1 041

Compilation du Conseil du statut de la femme agrave partir des fichiers de la Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Reacutegie de lrsquoassurance maladie du Queacutebec Direction adjointe des services agrave la clientegravele Nomenclature sur lrsquointerruption volontaire de grossesse selon la reacutegion et le lieu de dispensation pour les anneacutees 2002-2006 reacutegions de lrsquoOutaouais et MauriciendashCentre-du-Queacutebec

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

52

RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

53

Page 50: L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008...il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants

B I B L I O G R A P H I E

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2004] requecircte introductive drsquoinstance preacuteciseacutee

Association pour lrsquoaccegraves agrave lrsquoavortement c Queacutebec (procureur geacuteneacuteral) [2006] QCCS 4694

COLLEgraveGE DES MEacuteDECINS DU QUEacuteBEC Lrsquointerruption volontaire de grossesse lignes directrices du Collegravege des meacutedecins du Queacutebec Montreacuteal le Collegravege 2004 16 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Commentaires du Conseil du statut de la femme sur les Orientations ministeacuterielles en planification des naissances [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1996 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Lrsquoaccessibiliteacute aux services de contraception et drsquoavortement [recherche et reacutedaction Mariangela Di Domenico] Queacutebec le Conseil 1992 51 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME La question de lrsquoavortement au Queacutebec [rechercheet reacutedaction Suzanne Fontaine Eacuteric Laplante et Marie Rinfret] Queacutebec le Conseil 1988 48 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour en avoir laquo vraiment raquo pour notre argent un systegraveme public de santeacute ndash Reacuteflexion sur le rapport du Groupe de travail sur le financement du systegraveme de santeacute En avoir pour notre argent [recherche et reacutedaction Francine Lepage] Queacutebec le Conseil 2008 27 p

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME Pour les Queacutebeacutecoises eacutegaliteacute et indeacutependance Queacutebec le Conseil 1978 335 p

COORDINATION NATIONALE POUR LrsquoAVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT Lrsquoavortement la reacutesistance tranquille du pouvoir hospitalier Ottawa Les Eacuteditions du remue-meacutenage 1980 94 p

FARID Claire laquo Access to Abortion in Ontario From Morgentaler 1988 to the Savings and Restructuring Act raquo Health Law Journal vol 5 1997 p 119-145

FISHER William A et autres laquo Characteristics of Women Undergoing Repeat Induced Abortion raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 637-641

GOUVERNEMENT DU QUEacuteBEC Pour que lrsquoeacutegaliteacute de droit devienne une eacutegaliteacute de fait politique gouvernementale pour lrsquoeacutegaliteacute entre les femmes et les hommes Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2006

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUEacuteBEC Donneacutees sociales du Queacutebec eacutedition 2005 Queacutebec lrsquoInstitut 2005 227 p

JONES Rachel K et autres Repeat Abortion in the United States [sl] Guttemacher Institute Occasional Report no 29 novembre 2006 65 p

JONES Rachel et Stanley K HENSHAW laquo Mifepristone for Early Medical Abortion Experiences in France Great Britain and Sweden raquo Perspectives on Sexual and Reproductive Health vol 34 no 3 mai-juin 2002 disponible agrave lrsquoadresse httpwwwguttmacherorgpubsjournals3415402html

MACKINNON Catharine Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MACKINNON Catharine laquo Privacy v Equality Beyond Roe v Wade raquo dans Catharine MacKinnon Feminism Unmodified Discourses on Life and Law Cambridge Harvard University Press 1987 332 p

MCINTYRE Sheila et Sandreacute RODGERS (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Richts and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

MILLAR Wayne J et autres laquo Repeat Abortions in Canada 1975-1993 raquo Family Planning Perspectives vol 29 no 1 1997 p 20-24

MINISTEgraveRE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Orientations ministeacuterielles en matiegravere de planification des naissances [lrsquoeacutelaboration du contenu de ce document a eacuteteacute coordonneacutee jusqursquoen juin 1995 par la Direction geacuteneacuterale des programmes en collaboration avec le Service agrave la condition feacuteminine la mise agrave jour et la reacutevision finale ont eacuteteacute effectueacutees par la Direction geacuteneacuterale de la planification et de lrsquoeacutevaluation] Queacutebec le Ministegravere 1995 32 p

MINISTEgraveRE DES FINANCES ET MINISTEgraveRE DU REVENU Statistiques fiscales des particuliers anneacutee drsquoimposition 2004 Queacutebec gouvernement du Queacutebec 2007 237 p

MORGNY Cynthia et Christine FIET Interruptions volontaires de grossesse tenter de comprendre la reacutepeacutetition Bourgogne Reacutepublique franccedilaise ORS Bourgogne et Direction reacutegionale des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne 2005 47 p

PHILLIPS Susan P laquo Violence and abortions Whatrsquos a Doctor to Do raquo Canadian Medical Association Journal Toronto CMAJ vol 172 no 5 1er mars 2005 p 653-655

R c Morgentaler [1988] 1 RCS 30

REacuteGIE REacuteGIONALE DE LA SANTEacute ET DES SERVICES SOCIAUX Organisation des services drsquointerruption volontaire de grossesse (IVG) en coordination et concertation avec les partenaires concerneacutes document de travail Montreacuteal la Reacutegie 1997

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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RODGERS Sandra laquo Misconceived Equality and Reproductive Autonomy in the Supreme Court of Canada raquo dans Sheila McIntyre et Sandra Rodgers (dir) Diminishing Returns Inequality and the Canadian Charter of Rights and Freedoms Toronto Lexis Nexus 2006 271 p

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