l’inventaire des sites et le zonage archéologiques de...

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Les Cahiers de l’Urbanisme N° 77 Décembre 2010 61 61-66 Alain Guillaume Service public de Wallonie DGO4 Département du Patrimoine Service de l’Archéologie Direction de Hainaut I Attaché L’inventaire des sites et le zonage archéologiques de Wallonie Contexte légal En Belgique, le patrimoine est une compétence régionalisée depuis 1989 01 . L’Administration wal- lonne lui consacre un département qui se com- pose de trois directions : celles de l’archéologie, de la protection du patrimoine et de la restaura- tion du patrimoine. L’archéologie est une matière réglementée par le CWATUPE 02 . Le Code définit ce qu’il faut entendre par site et par biens archéologiques en Wallonie, à savoir, respectivement : «tout terrain, formation géolo- gique, monument, ensemble architectural ou site ayant recelé, recelant ou étant présumé receler des biens archéologiques» (Livre III, Titre premier, Article 185 d) et «tout vestige matériel, y compris paléontologique ou sa trace, situé sous ou au- dessus du sol, envisagé comme un témoignage de l’activité de l’homme ou de son environnement, d’époques ou de civilisations révolues, indépen- damment de sa valeur artistique» (Livre III, Titre IV, Article 232, 1°). Le livre III, Titre IV, Chapitre II du CWATUPE est consacré à différentes mesures de protection du patrimoine archéologique. L’article 233 précise : «Le Gouvernement dresse et tient à jour un inventaire des sites archéologiques de la Région wallonne.» 03 En considérant l’inventaire des sites archéo- logiques comme une mesure de protection, le CWATUPE suit les recommandations de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), présentée à Malte – La Valette le 16 janvier 1992 04 . Notions diachroniques Depuis longtemps, les archéologues dressent et tiennent à jour des listes de sites assorties de cartes archéologiques. Si les premiers recen- sements ont rarement été réalisés de façon systématique, ils doivent néanmoins être consi- dérés comme les précurseurs de nos inventaires actuels. Au fur et à mesure que la masse docu- mentaire augmentait, des recherches métho- diques portant sur des thématiques précises ont été effectuées. Plusieurs travaux ont débouché sur des publications dont certaines sont encore largement diffusées. À la fin des années 1960, le Service national des Fouilles a été invité à remettre des avis archéolo- giques, notamment dans le cadre de dossiers de remembrement. Comme les cartes disponibles à cette époque comprenaient de nombreux vides ar- chéologiques, chaque questionnement devait faire l’objet d’une recherche spécifique, ce qui a mis en évidence la nécessité de constituer un inventaire qui prendrait en compte la totalité du territoire. Ce besoin s’est particulièrement fait ressentir en 1973 quand une circulaire préconisant l’intro- duction de sites archéologiques aux plans de secteurs a été signée par le ministre des Travaux publics 05 . Pour la première fois, un document officiel manifestait une volonté d’offrir une 01 Excepté sur le territoire de la Communauté germanophone de Belgique, compétente en matière de fouilles archéologiques depuis le 1 er janvier 2000 à la suite des modifications décrétales des 6 et 10 mai 1999. 02 C’est le décret du 1 er avril 1999 relatif à «la conservation et à la protection du patrimoine» qui est aujourd’hui d’application. Il constitue le Livre III du CWATUPE. 03 Actuellement, le groupe de travail inventaire (GTI) se compose de : Jean-Noël Anslijn, Olivier Collette, Marie-Jeanne Ghenne et Hélène Remy pour la Direction de l’Archéologie et Dominique Bossicard (Lx), Patricia Gillet (Lg), Alain Guillaume (Ht), Anne- Sophie Landenne (Nr) et Yves Warnant (Bt) pour les Services de l’Archéologie en provinces. Voir http:// mrw.wallonie.be/DGATLP/ DGATLP/Pages/Patrimoine/ Pages/Directions/ Archeologie.asp 04 L’article 2, alinéa 1, de ladite convention stipule : «Identification du patrimoine et mesure de protection. Chaque partie s’engage à mettre en œuvre, selon des modalités propres à chaque État, un régime juridique de protection du patrimoine archéologique prévoyant : la gestion d’un inventaire de son patrimoine archéologique et le classement de monuments ou de zones protégés». 05 Cette circulaire, relative à la protection des sites archéologiques soumis à la recherche, a été signée le 25 juillet 1973 (n o 69/1).

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  • 61Les Cahiers de l’Urbanisme N° 77 Décembre 2010

    61

    61-66Alain GuillaumeService public de WallonieDGO4Département du PatrimoineService de l’ArchéologieDirection de Hainaut IAttaché

    L’inventaire des sites et le zonage archéologiques de Wallonie

    Contexte légal

    En Belgique, le patrimoine est une compétence régionalisée depuis 198901. L’Administration wal-lonne lui consacre un département qui se com-pose de trois directions : celles de l’archéologie, de la protection du patrimoine et de la restaura-tion du patrimoine. L’archéologie est une matière réglementée par le CWATUPE02.

    Le Code définit ce qu’il faut entendre par site et par biens archéologiques en Wallonie, à savoir, respectivement : «tout terrain, formation géolo-gique, monument, ensemble architectural ou site ayant recelé, recelant ou étant présumé receler des biens archéologiques» (Livre III, Titre premier, Article 185 d) et «tout vestige matériel, y compris paléontologique ou sa trace, situé sous ou au-dessus du sol, envisagé comme un témoignage de l’activité de l’homme ou de son environnement, d’époques ou de civilisations révolues, indépen-damment de sa valeur artistique» (Livre III, Titre IV, Article 232, 1°).

    Le livre III, Titre IV, Chapitre II du CWATUPE est consacré à différentes mesures de protection du patrimoine archéologique. L’article 233 précise : «Le Gouvernement dresse et tient à jour un inventaire des sites archéologiques de la Région wallonne.»03

    En considérant l’inventaire des sites archéo-logiques comme une mesure de protection, le CWATUPE suit les recommandations de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), présentée à Malte – La Valette le 16 janvier 199204.

    Notions diachroniques

    Depuis longtemps, les archéologues dressent et tiennent à jour des listes de sites assorties de cartes archéologiques. Si les premiers recen-sements ont rarement été réalisés de façon systématique, ils doivent néanmoins être consi-dérés comme les précurseurs de nos inventaires actuels. Au fur et à mesure que la masse docu-mentaire augmentait, des recherches métho-diques portant sur des thématiques précises ont été effectuées. Plusieurs travaux ont débouché sur des publications dont certaines sont encore largement diffusées.

    À la fin des années 1960, le Service national des Fouilles a été invité à remettre des avis archéolo-giques, notamment dans le cadre de dossiers de remembrement. Comme les cartes disponibles à cette époque comprenaient de nombreux vides ar-chéologiques, chaque questionnement devait faire l’objet d’une recherche spécifique, ce qui a mis en évidence la nécessité de constituer un inventaire qui prendrait en compte la totalité du territoire.

    Ce besoin s’est particulièrement fait ressentir en 1973 quand une circulaire préconisant l’intro-duction de sites archéologiques aux plans de secteurs a été signée par le ministre des Travaux publics05. Pour la première fois, un document officiel manifestait une volonté d’offrir une

    01Excepté sur le territoire de la Communauté germanophone de Belgique, compétente en matière de fouilles archéologiques depuis le 1er janvier 2000 à la suite des modifications décrétales des 6 et 10 mai 1999.

    02C’est le décret du 1er avril 1999 relatif à «la conservation et à la protection du patrimoine» qui est aujourd’hui d’application. Il constitue le Livre III du CWATUPE.

    03Actuellement, le groupe de travail inventaire (GTI) se

    compose de : Jean-Noël Anslijn, Olivier Collette, Marie-Jeanne Ghenne et Hélène Remy pour la Direction de l’Archéologie et Dominique Bossicard (Lx), Patricia Gillet (Lg), Alain Guillaume (Ht), Anne-Sophie Landenne (Nr) et Yves Warnant (Bt) pour les Services de l’Archéologie en provinces. Voir http://mrw.wallonie.be/DGATLP/DGATLP/Pages/Patrimoine/Pages/Directions/Archeologie.asp

    04L’article 2, alinéa 1, de ladite convention stipule : «Identification du patrimoine et mesure de protection. Chaque partie

    s’engage à mettre en œuvre, selon des modalités propres à chaque État, un régime juridique de protection du patrimoine archéologique prévoyant : la gestion d’un inventaire de son patrimoine archéologique et le classement de monuments ou de zones protégés».

    05Cette circulaire, relative à la protection des sites archéologiques soumis à la recherche, a été signée le 25 juillet 1973 (no 69/1).

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    protection légale aux sites archéologiques soumis à la recherche sous la forme d’une planification. Entre 1974 et 1980, le travail d’identification et de cartographie des sites archéologiques à intégrer aux plans de secteurs a été réalisé par le Service national des Fouilles.

    Dans les années qui ont suivi et jusqu’après la régionalisation, d’autres projets de planifications thématiques sont venus compléter ces travaux : ils ont pris la forme des Atlas du Sous-sol ar-chéologique des Centres urbains anciens06 et des Planifications wallonnes des sites d’intérêt archéologique07.

    La conception de l’inventaire scientifique tel que nous le connaissons aujourd’hui a débuté en 1995. Jusqu’en 2002, les données étaient encodées sur des documents papier. Mais dès 1998, un système de base de données informatisé, en Access, a été testé. Ce dernier intègre notamment les champs de la «Fiche d’indexation minimale» publiée par le Conseil de l’Europe sur base de travaux réalisés par le Comité international pour la documentation (CIDOC, 1995). Profondément révisée en 2009, cette base de données est utilisée aujourd’hui dans une version améliorée. Elle comprend par exemple un volet consacré à une localisation géo-administrative extrêmement précise des sites archéologiques, indispensable pour une meilleure gestion de l’archéologie en Wallonie.

    Au début des années 2000, la participation aux projets européens Planarch I et II (INTERREG IIc et IIIb) a permis de systématiser la liaison cartogra-phique en couplant la base de données à un sys-tème d’information géographique (SIG). Ce dernier consiste en une cartographie fine qui permet d’ali-menter l’information archéologique sous forme de couches indépendantes. Il s’agit là d’un apport décisif pour l’inventaire des sites archéologiques de Wallonie dont les effets positifs se manifestent pleinement aujourd’hui.

    Évolutions récentes

    Récemment, la gestion de l’archéologie en Wallonie a fait l’objet d’un audit dont les résultats ont été présentés au Parlement wallon en session du 25 octobre 2007 avant d’être publiés dans le 19e Cahier d’observations adressé par la Cour des Comptes au Parlement wallon. À la suite de ces travaux, de nombreux agents ont été engagés au début de 2009 au sein de la Direction de l’Archéo-logie avec pour résultat la consolidation du groupe de travail inventaire (GTI). Ainsi réunis, les membres de ce groupe possèdent une solide expérience en archéologie, et tout particulièrement dans le do-maine de l’inventaire des sites archéologiques08.

    Entre-temps, en octobre 2008, à l’image de ce qui se fait en France, le GTI a proposé un projet de zo-nage archéologique avalisé par l’Inspecteur général du Département du Patrimoine, Ghislain Geron, ac-tuel Directeur général a.i. de la DGO4. Diffusé sous format cartographique, le zonage constitue une évolution fondamentale dans la manière de traiter

    06L’une des cartes de cet atlas servait de support graphique à la circulaire ministérielle signée le 4 août 1986, remplacée le 10 avril 1990, par le ministre chargé de l’Aménagement du territoire.

    07Dès 1986, à la demande du Ministère de la Communauté française d’abord, du Ministère de la Région wallonne ensuite.

    08Notamment : intégration de sites archéologiques aux plans de secteur dès 1973, expérience de l’inventaire scientifique et de la planification en Wallonie, à Bruxelles et au Grand-Duché de Luxembourg, participation à différents projets internationaux, expérience dans le développement de bases de données, formation dans le domaine de la cartographie numérique, spécialisation dans le domaine des analyses géomorphologiques…

    Verviers. Documentation et infographie Patricia Gillet et Aude Van Driessche, Services de l’Archéologie, Direction de Liège I et du Brabant wallon, © SPW

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    le risque archéologique en Wallonie. Il démontre une réelle volonté d’ouverture et de transparence en s’affirmant comme un outil d’intégration de l’aménagement du territoire et du patrimoine.

    Si les archéologues cartographient tradition-nellement les sites archéologiques sous forme de points ou de polygones parfaitement délimi-tés, le zonage propose une analyse continue du territoire wallon. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu acquérir et développer les outils permet-tant d’intégrer différentes notions de potentiels archéologiques. Une dernière préoccupation a été de penser la production de l’inventaire scienti-fique de telle façon que les données puissent être directement utilisées pour développer le zonage.

    L’inventaire scientifique

    Par inventaire scientifique, on entend un travail de recensement exhaustif qui comprend différentes étapes :— s’il y a lieu, encodage des bases de données et

    des cartographies papier existantes ;— dépouillement systématique des sources

    bibliographiques et des archives : littérature spécialisée, ouvrages de vulgarisation, presse, archives des institutions muséales, dépôts d’archives officiels, documents d’amateurs, rapports de fouille inédits… ;

    — dépouillement systématique des cartes et plans anciens : carte de Deventer, recueils de Beaurain, carte de Cassini, cartes de Ferraris I et II, carte marchande de Ferraris, carte de Capitaine et Chanlaire, cadastres hollandais et primitifs, carte de Vandermaelen, plans par-cellaires produits par Popp, cartes du Dépôt de la Guerre et anciens ICM/IGN, atlas des cours d’eau et des chemins vicinaux… ;

    — critique des données de l’inventaire avec les spécialistes locaux : archéologues profession-nels, chercheurs amateurs, historiens… ;

    — prospections de terrain et prospections non intrusives ;

    — évaluation du degré de conservation et de la qualité des sites archéologiques identifiés…

    Exemple d’implantation de sites archéologiques dans le paysage (Hainaut).Documentation et infographie Alain Guillaume et Pierre-Philippe Sartieaux, Service de l’Archéologie, Direction de Hainaut I. Photo PPNC, © SPW

    Zonage archéologique de Ciney.Documentation et infographie Anne-Sophie Landenne, Service de l’Archéologie, Direction de Namur, © SPW

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    L’inventaire scientifique rencontre plusieurs objectifs : recenser, localiser et décrire les sites archéologiques. Il intervient dans leur gestion et s’adresse aux chercheurs, dont ceux du Service public de Wallonie. Il alimente aussi des études portant sur des thématiques précises : par période, il donne par exemple une synthèse de l’occupation humaine en Wallonie.

    La limite de l’inventaire des sites archéologiques est clairement définie : il se consacre à la descrip-tion raisonnée des sites connus et se présente sous la forme d’une base de données liée à une cartographie.

    La base de données

    À ce jour, la base de données comprend quelque 10.000 sites archéologiques. Elle est alimentée par les collaborateurs des Services d’Archéologie des Directions extérieures de la DGO4 (un par province).

    Depuis juin 2009, sa structure a été repensée. Peu de modifications ont été apportées au volet géo-administratif dont le fonctionnement a été jugé satisfaisant. Le volet scientifique a tout particu-lièrement été remanié.

    Jusqu’ici, l’encodage des vestiges archéologiques et des chronologies se faisait au cours de deux opérations indépendantes. La nouvelle structure offre désormais une double clé d’entrée qui rend possible un encodage au départ des vestiges ar-chéologiques ou des chronologies, tout en créant des liens hiérarchisés entre les uns et les autres.

    Les listes de mots clés utilisées pour décrire les vestiges archéologiques laissaient trop d’espace à la subjectivité. Comme la création d’un véri-table thésaurus exigeait des moyens humains et financiers indisponibles en interne, ces listes ont été maintenues en y apportant les améliorations nécessaires.

    Ainsi, les sites archéologiques et leurs multiples cas particuliers ont fait l’objet d’une analyse de la part du GTI. Dans la mesure où c’était pos-sible, des descriptions types ont été dégagées et enregistrées sous forme de listes d’autorité avant d’être classées et confrontées, parfois ajus-tées, aux choix retenus par la France à travers le thésaurus PACTOLS, spécialisé notamment dans l’archéologie de la Préhistoire à l’ère industrielle (http://frantiq.mom.fr/fr). L’inventaire publié sur Internet par la Flandre a lui aussi été considéré comme une source de réflexion (http://cai.erfgoed.net/cai_publiek/index2.html).

    La même démarche a été appliquée pour les tableaux chronologiques, réduisant la possibi-lité d’introduire des notions subjectives dans les données encodées.

    D’un point de vue plus général, la Direction de l’Archéologie possède différentes bases de don-nées qui peuvent constituer une ressource pour

    Wavre. Dans le cas d’un projet de lotissement sur des terrains recelant partiellement des vestiges archéologiques, l’intervention préventive des archéologues est indispensable sur la totalité des parcelles concernées afin de compléter la connaissance du site et de son contexte.Documentation et infographie Yves Warnant et Aude Van Driessche, Service de l’Archéologie, Direction du Brabant wallon. Photo Charles Leva, 1972, © SPW

    Analyse géomorphologique pondérée de Virton : 1. Très favorable à l’occupation humaine ; 2. Favorable ; 3. Moyennement favorable ; 4. Neutre ; 5. Défavorable.Documentation et infographie Olivier Collette, Direction de l’Archéologie, © SPW

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    l’inventaire des sites archéologiques de Wallonie. La base de données bibliographiques présente par exemple un intérêt tout particulier étant donné que l’on y trouve l’ensemble des références correspondant à une région ou à une commune donnée. Le partage d’informations entre ces bases de données a été prévu par l’adjonction d’un champ commun à chacune d’elles. Enfin, bien qu’il reste à tester, le GTI a retenu le principe de la mise à jour en cascade.

    La cartographie des sites archéologiques

    Le logiciel de cartographie utilisé par le GTI est le logiciel ESRI® ArcMaptm, versions 9.2 et 9.3, sous licences ArcView. Pour mieux appréhender les spécificités de ce programme, le groupe a suivi deux formations dont la seconde, en décembre 2009, était orientée spécifiquement sur les be-soins de l’inventaire des sites archéologiques en Wallonie.

    Parmi d’autres activités, le second semestre 2009 a été consacré à la révision complète de la com-posante cartographie de l’inventaire scientifique. Finalisé le 29 janvier 2010, ce travail a permis d’uniformiser le contenu et les modes d’acquisi-tion des données au sein des Services de l’Ar-chéologie des Directions extérieures de la DGO4.

    La principale couche archéologique produite par le GTI porte le nom de SAW, pour Sites archéolo-giques de Wallonie. Elle recense et délimite les sites archéologiques tels qu’ils sont repris dans la base de données, conformément au CWATUPE. Chaque site SAW peut correspondre à un «ves-tige» individuel (ex. : une église, un moulin, un cimetière…) ou à un ensemble de «vestiges» indi-viduels (ex. : une abbaye composée d’une église, d’un cimetière, d’un cloître…). Un site SAW est toujours plus grand ou égal à un vestige individuel.

    Une deuxième couche globalise des sites qui pré-sentent des caractéristiques et une homogénéité communes : les polygones dessinés découlent nécessairement d’une démarche interprétative (ex. : les lieux qui présentent une structuration patrimoniale comme un vicus gallo-romain ou un bourg médiéval, les lieux de mémoire tels que les champs de bataille, certains lieux-dits…). Les sites «globalisants» ne font pas l’objet d’une fiche dans la base de données. Ils sont toujours plus grands ou égaux à un site SAW.

    La dernière couche délimite les sites «géné-riques». Elle résulte de la conjonction spatiale entre les sites SAW et les sites «globalisants». En d’autres termes, elle revient à la somme des polygones cartographiés dans les deux couches précédemment décrites et répond à la question présence/absence de données archéologiques. Un site «générique» est toujours plus grand ou égal à un site «globalisant».

    D’une manière générale, les couches cartogra-phiques produites avec le logiciel ESRI® ArcMaptm

    sont associées à des tables attributaires. Sur

    base du numéro de site, il est possible d’y impor-ter toutes sortes d’informations encodées dans la base de données. À travers différentes couleurs et/ou symboles, il est ensuite possible de produire une multitude de cartes thématiques répondant à différents types de questionnements09.

    Le zonage archéologique

    L’article 5 de la Convention européenne de La Valette pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) a trait à la conservation intégrée du patrimoine archéologique :

    Dans cet article, «Chaque Partie s’engage :i) à rechercher la conciliation et l’articulation des besoins respectifs de l’archéologie et de l’amé-nagement en veillant à ce que des archéologues participent :

    a. aux politiques de planification visant à établir des stratégies équilibrées de protection, de conservation et de mise en valeur des sites présentant un intérêt archéologique ; b. au déroulement dans leurs diverses phases des programmes d’aménagement ;

    ii) à assurer une consultation systématique entre archéologues, urbanistes et aménageurs du terri-toire, afin de permettre :

    a. la modification des plans d’aménagement sus-ceptibles d’altérer le patrimoine archéologique ; b. l’octroi du temps et des moyens suffisants pour effectuer une étude scientifique conve-nable du site avec publication des résultats ;

    iii) à veiller à ce que les études d’impact sur l’environnement et les décisions qui en résultent prennent complètement en compte les sites archéologiques et leur contexte ;[…]»

    Pour rencontrer ces objectifs, le GTI développe le zonage archéologique qui répond également aux exigences du CWATUPE (Livre 1er, Titre V, article 109 et Livre III, Titre IV, articles 233 et 234), comme outil d’aide à la gestion et à la décision. À terme, il devrait servir de base légale pour répondre à l’article 109. En donnant de l’efficacité au repé-rage et en offrant de la transparence au niveau des procédures, il est conçu comme un document opérationnel qui intègre la problématique de l’archéologie préventive au sein de l’aménagement du territoire.

    Le zonage archéologique concerne les aména-geurs et, à travers eux, l’ensemble des citoyens.

    Pratiquement, l’utilisateur du zonage commence par calculer la surface d’un projet en tenant compte de la totalité de la surface de chaque parcelle cadastrale touchée10. Il se réfère ensuite à la carte de zonage qui délimite quatre types de zones de prescription ; ces zones indiquent la manière dont l’avis des Services de l’Archéologie devra être pris en compte :— en zone rouge : l’avis desdits services doit être

    systématiquement demandé, quelle que soit la superficie du projet concerné ;

    — en zone verte : l’avis desdits services doit être

    09Il est par exemple possible de produire : la cartographie des sites archéologiques d’une telle période, la cartographie d’un certain type de monument, la cartographie des sites archéologiques connus par des prospections pédestres plutôt que par des fouilles archéologiques, la cartographie des sites archéologiques détruits...

    10 Si, par exemple, un projet prévoit la construction d’un bâtiment de 900 m², situé à cheval sur deux parcelles cadastrales de 1.000 m², la surface qu’il faudra retenir dans le cadre du zonage archéologique est de 2.000 m².

    11La publication intégrale de l’inventaire scientifique, comme c’est par exemple le cas en Région de Bruxelles-Capitale, n’est pas l’option retenue en Wallonie.

    12Nos remerciements s’adressent à Anne-Sophie Landenne, Marie-Jeanne Ghenne, Hélène Remy, Patricia Gillet et Yves Warnant pour leur précieuse contribution. Nous remercions Pierre Paquet, Inspecteur général a.i. du Département du Patrimoine, ainsi que Jean Plumier, Directeur f.f. de la Direction de l’Archéologie, pour l’appui donné à l’ensemble du projet.

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    demandé pour tout projet inscrit sur une su-perficie de 1.000 m2 minimum ;

    — en zone jaune : l’avis desdits services doit être demandé pour tout projet inscrit sur une superficie de 5.000 m2 minimum ;

    — en zone grise : aucune demande d’avis n’est nécessaire.

    Dans le cas où un projet touche à deux types de zones de prescription, c’est la zone avec le niveau d’alerte le plus élevé qui primera sur la seconde.

    Pour produire le zonage archéologique, le GTI procède à une analyse critique de l’inventaire scientifique. Il intègre ensuite différentes notions de potentiel archéologique qu’il détermine par différents types de prospections comme l’ana-lyse de documents et de cartes historiques et thématiques. Plusieurs critères géomorpholo-giques sont également pris en compte : la qualité des sols et du sous-sol, les degrés de pentes et l’exposition, le degré d’érosion ou d’accumulation sédimentaire, l’accessibilité au réseau hydrogra-phique, etc.

    Chaque élément de la carte fait l’objet d’une pondération définissant un degré plus ou moins élevé de probabilité de présence de sites archéo-logiques. Il tente ainsi de limiter l’aléa lié aux découvertes fortuites.

    Diffusion

    L’inventaire des sites archéologiques de Wallonie répond à différents besoins rencontrés par l’archéologie et par l’aménagement du territoire. Il est développé en accord avec les prescriptions internationales et les réglementations régio-nales en vigueur. Son contenu a été harmonisé dans le cadre de grands projets européens et il est alimenté de manière constante depuis de nombreuses années. La quasi-totalité des infor-mations qui étaient autrefois disponibles sur des supports papier sont aujourd’hui informatisées. Elles sont rapidement accessibles et facilement reproductibles.

    L’inventaire scientifique contient des données riches et variées dont beaucoup sont inédites. Cette collation d’informations permet à la Direction de l’Archéologie de répondre à ses mis-sions dans le cadre de l’archéologie préventive. Elle peut également servir de point de départ pour alimenter certaines recherches de programme. C’est pourquoi la dynamique actuelle revient à ouvrir l’accès à l’inventaire scientifique sous certaines conditions. Ainsi, pour peu qu’elle soit motivée par des objectifs scientifiques précis et circonstanciés, toute demande de consultation est prise en compte par l’Administration.

    L’accès à l’inventaire se fait généralement par l’intermédiaire de protocoles d’accord. Si, dans un premier temps, la consultation a obligatoirement

    lieu sur place accompagnée d’un membre du GTI, un projet de mise en ligne de données partielles est à l’étude11.

    Pour favoriser une conservation intégrée du patri-moine archéologique, le zonage archéologique est actuellement en cours de production. Traité sous la forme d’une planification, il envisage le terri-toire en continu et répond exclusivement à des questions d’aménagement du territoire. Posséder un inventaire scientifique destiné à faire l’objet d’une critique raisonnée est une condition obliga-toire pour pouvoir développer un tel outil de façon cohérente. Ce dernier inclut en outre différentes notions de potentiel archéologique.

    Le zonage archéologique est destiné à être diffusé publiquement sur le portail cartographique de la Direction de la Géomatique (SPW-DGO4). Il devrait devenir l’outil légal pour la mise en œuvre du Code. En effet, il indique clairement aux différents acteurs comment ils doivent se comporter en matière d’archéologie.

    Les utilisateurs potentiels sont nombreux. Il s’agit, notamment :— du Département du Patrimoine avec toutes

    ses composantes (archéologie, protection et restauration) ;

    — du Département de l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme (services centraux et services extérieurs), dans le cadre de la gestion des per-mis d’urbanisme ou de lotir (SPW-DGO4) ;

    — des Inspecteurs (Fonctionnaires techniques) des différents départements liés aux permis d’environnement et aux permis uniques (SPW-DGO3) ;

    — des provinces ;— de l’Union des Villes et Communes de Wallonie ;— des communes, particulièrement des com-

    munes décentralisées avec leur Commission consultative communale d’Aménagement du territoire et Mobilité respective (CCATM) ;

    — du Conseil wallon de l’Environnement pour le Développement durable (CWEDD) ;

    — des bureaux d’études d’incidence ;— de la Commission régionale d’Aménagement du

    territoire (CRAT) ;— des notaires (via la Chambre des Notaires,

    Fédération royale du Notariat belge) ;— de Wallonie Développement (Secrétariat géné-

    ral ZAE) ;— des citoyens…

    Enfin, un projet de publication de vulgarisation est actuellement à l’étude, basé sur les données de l’inventaire scientifique et sur celles produites dans le cadre de la réalisation du zonage. Au format réduit et sur environ seize pages, chaque fascicule commentera brièvement le potentiel archéologique d’une commune wallonne. Ce projet vise à sensibiliser les citoyens au potentiel ar-chéologique de leur région et devrait entraîner une dynamique de flux d’informations patrimoniales.12

    Orientation bibliographique

    Anslijn J.-N., Cartographie et gestion du patrimoine, dans Les Cahiers de l’Urbanisme, 76, 2010, p. 31-33.

    CIDOC, Projet de norme documentaire internationale pour les sites archéologiques, éd. ICOM, Paris, 1995.

    CWATUPE. Code wallon de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Énergie. Voir http://mrw.wallonie.be/DGATLP/DGATLP/pages/DGATLP/Dwnld/CWATUPE.pdf

    Conseil de l’Europe, Convention européenne pour la protection du Patrimoine archéologique (révisée), La Valette, 16.01.1992, Strasbourg, 1992 (Série des Traités européens, 143). Voir http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/143.htm

    Conseil de l’Europe, Fiche d’indexation minimale pour les sites archéologiques, Strasbourg, 1999.

    Ghenne M.-J. et Remy H., Planification et gestion du patrimoine archéologique – Archéologie en Wallonie, dans Les Cahiers de l’Urbanisme, 19-20, 1997, p. 30-37.

    Ghenne M.-J. et Remy H., The SMR in Wallonia (Belgium), dans ClARke C. P. (éd.), Protecting the Past in the Present for the Future. The development of SMRs in the Planarch Project Region and Beyond. Papers from the Chelmsford Seminar, 2001, p. 33-37.

    Ghenne M.-J. et Remy H., Inventaire des sites archéologiques en Wallonie, dans Les Cahiers de l’Urbanisme, Hors-série, 2002, p. 124-130.

    letoR A., Mise en œuvre de quatre actions du projet Planarch 2 en Wallonie – Le projet Planarch 2. Archéologie et Aménagement du Territoire, dans Les Cahiers de l’Urbanisme, Hors-série, 2007, p. 87-98.