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MAE EN APPRENTISSAGE MANAGEMENT DES PROJETS INTERNATIONAUX ET
INNOVATION
MEMOIRE D’ACTIVITE
« L’ENTREPRISE INTELLIGENTE : LES COLLABORATEURS SONT-‐ILS MOTEURS DE
SA TRANSFORMATION INTERNE ? »
REDIGE ET SOUTENU PAR : PAULINE VAÏSSE PROMOTION 2016
TUTEUR PEDAGOGIQUE : VERONIQUE ATTIAS-‐DELATTRE
MAITRE D’APPRENTISSAGE : ANNE PIZET
DATE DE LA SOUTENANCE : 7 SEPTEMBRE 2016
2
L'UNIVERSITE N'ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CE MEMOIRE D’ACTIVITE : CES OPINIONS DOIVENT ETRE
CONSIDEREES COMME PROPRES A LEUR AUTEUR.
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Remerciements
Je remercie toute l’équipe pédagogique de l’IAE de Paris et en particulier
Véronique, ma tutrice pédagogique, qui m’a apportée de précieux conseils pour
mener à bien cette recherche.
Mes remerciements vont ensuite à Anne, ma maître d’apprentissage, qui m’a
encadrée avec enthousiasme et bienveillance tout au long de l’année.
Je remercie également Anne-Marie de m’avoir accueillie dans son équipe et
aiguillée dans ce projet de recherche.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à ma famille, et en particulier à ma mère
Catherine, envers qui j’ai une reconnaissance infinie. Merci de m’avoir soutenue,
encouragée, et donner l’envie d’aller toujours plus loin.
Enfin, je tiens à remercier chaleureusement Ettore pour sa patience, son soutien, ses
conseils et ses encouragements, tout au long de cette année d’apprentissage.
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Sommaire
REMERCIEMENTS 3
SOMMAIRE 4
RESUME 7
INTRODUCTION GENERALE 8
PARTIE 1 11 L’ENTREPRISE INTELLIGENTE : QUELS ENJEUX ET QUELS LEVIERS DE TRANSFORMATION INTERNE ? 11
I. Les enjeux de l’entreprise dans son écosystème : satisfaire les attentes de ses parties prenantes en utilisant le digital comme accélérateur de la transformation 11
1. La responsabilité de l’entreprise envers ses parties prenantes 11
1.1 Une prise en compte progressive des attentes des parties prenantes 11 1.1.1 L’origine de la notion de « parties prenantes » 12 1.1.2 La définition de la notion de « parties prenantes » 13 1.1.3 Vers une typologie de parties prenantes 14
1.2 La partie prenante interne : quelles attentes des collaborateurs et responsabilités de l’entreprise ? 15
1.2.1 L’émergence d’une GRH socialement responsable 15 1.2.3 Respecter les droits fondamentaux de l’être humain 16 1.2.4 Encourager le développement des compétences et l’adaptation au changement 17 1.2.5 Favoriser l’accomplissement des employés et susciter leur engagement 18
2. La digitalisation de l’entreprise, une opportunité à la transformation 19
2.1 Qu’entend-on par « digitalisation » ? 20 2.2 De nouveaux outils à la disposition des collaborateurs 20 2.3 L’impact de ces nouveaux outils sur nos façons de travailler 21
2.3.1 Favoriser la collaboration 21 2.3.2 Interconnecter les individus et les groupes 22 2.3.3 Faciliter le partage de connaissances et le dialogue 22
5
II. Les piliers du développement d’un modèle intelligent 23
1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés 23
1.1 Qu’entend-on par dispositifs organisationnels ? 23 1.2 Une évolution des dispositifs organisationnels vers plus de transversalité 24
1.2.1 Une évolution de la structure pour répondre à des objectifs tournés vers l’extérieur 24 1.2.2 L’instauration de mécanismes visant à renforcer le partage de connaissances et la collaboration 25 1.2.3 Une évolution de la gouvernance 26
2. Développer l’agilité pour accroitre flexibilité et réactivité 27
2.1 L’agilité comme méthodologie 27 2.1.1 Une nouvelle méthode de management de projets 27 2.2.2 L’approche SCRUM, méthode agile la plus courante 28
2.2 L’agilité comme nouvelle façon de penser l’entreprise 28 2.2.1 Un nouvel état d’esprit 28 2.2.2 La diffusion de l’état d’esprit agile en entreprise 29
3. Promouvoir l’innovation collaborative 30
3.1 Quelques définitions 30 3.1.1 Qu’est-ce que l’innovation ? 30 3.1.2 Qu’entend-on par « innovation collaborative » ? 31
3.2 L’innovation collaborative pour les salariés 32 3.2.1 Les enjeux de l’innovation collaborative salariale 32 3.2.2 Les 3 états de l’innovation salariés 33
4. Remettre le savoir et l’intelligence au cœur de la culture de l’entreprise 34
4.1 Les différentes facettes de l’apprentissage en entreprise 35 4.2 D’une intelligence individuelle à une intelligence collective 36
4.2.1 Qu’est ce que l’intelligence collective ? 36 4.2.2 Comment stimuler l’intelligence collective ? 37
5. Une nouvelle culture de management 38
5.1 Faire croitre les collaborateurs de son équipe 38 5.2 Etre au service de son équipe 39 5.3 Favoriser la dynamique collective et l’épanouissement des salariés 40 5.4 Transmettre une vision et des valeurs 40
PARTIE 2 44 CAS PRATIQUE : SWISS LIFE, ENTREPRISE INTELLIGENTE ? 44
I. Présentation de la démarche 44 1. Méthode de recherche 44
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2. Contexte et pertinence de la recherche 45 2.1 Présentation de l’entreprise Swiss Life 45 2.2 La pertinence du sujet au regard du contexte de l’entreprise Swiss Life 45 2.3 La partie prenante interne de Swiss Life 47
II. Le cas Swiss Life : une transformation progressive vers un modèle intelligent 48
1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés 48 1.1 Les limites de l’organisation divisionnalisée, structure formelle de Swiss Life 48 1.2 L’évolution des dispositifs organisationnels 49
1.2.1 Créer un environnement de travail propice à la collaboration 49 1.2.2 L’évolution de la structure de Swiss Life 50 1.2.3 La mise en place d’une nouvelle gouvernance 51
2. Développer l’agilité au sein de l’entreprise 52
2.1 La mise en place de la méthode agile chez Swiss Life 53 2.2 Les bienfaits du développement de l’agilité chez Swiss Life 54 2.3 Diffusion de la méthode agile chez Swiss Life : une démarche à petits pas 55
3. Promouvoir l’innovation collaborative 56
3.1 La mise en place de processus d’innovation collaborative 56 3.1.1 Une nouvelle façon d’innover 56 3.1.2 Les formes d’innovation collaborative en interne 57
3.2 La mise en œuvre des idées 58 3.3 Les vertus et difficultés de l’innovation collaborative 59
4. Favoriser la culture de l’apprentissage et de l’intelligence collective 60
4.1 Promouvoir une culture de l’apprentissage 61 4.1.1 Enrichir les compétences 61 4.1.2 Favoriser de nouveaux modes d’apprentissage 62
4.2 Promouvoir la circulation et la transmission des savoirs 63 4.2.1 La transmission des savoirs entre générations 64 4.2.2 Favoriser la mobilité interne 64
4.3 Favoriser l’intelligence collective 65 4.3.1 Développer les communautés de pratiques 65 4.3.2 Mettre en place un réseau social d’entreprise 66
5. Instaurer une nouvelle culture de management 67
5.1 Une évolution progressive de la culture managériale 67 5.2 Une expérience réussie de coaching au sein du département Digital Client 68
ANNEXES Annexe 1 : Guide d’entretiens 73 Annexe 2 : Retranscription d’entretien n°1 Error! Bookmark not defined. Annexe 3 : Retranscription d’entretien n°2 Error! Bookmark not defined. BIBLIOGRAPHIE 80
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Résumé
Face au contexte de crise économique, de mondialisation, et de concurrence
accrue, les organisations sont invitées à se repenser. En effet, elles ne peuvent plus
agir comme des acteurs indépendants ; elles doivent satisfaire les attentes des
différentes parties prenantes de leur écosystème en développant agilité et
adaptabilité.
Parallèlement, le digital impulse une nouvelle dynamique interne, en apportant des
outils de partage, de dialogue et de collaboration. De telle sorte que la digitalisation
devient une opportunité à la transformation.
Ainsi, comment l’entreprise peut-elle se transformer de l’interne pour devenir
intelligente, c’est à dire plus agile, innovante, participative ?
Ce mémoire d’activité a pour intention de proposer un modèle théorique
d’entreprise intelligente, composé de 5 piliers, sur lesquels l’entreprise peut s’appuyer
pour enclencher sa transformation intelligente.
Nous analysons ainsi successivement les dispositifs organisationnels, les méthodes de
travail, les processus et enfin les composantes culturelles.
Nous étudions ensuite le cas de l’entreprise Swiss Life, en évaluant la maturité de sa
transformation au regard du cadre théorique proposé.
8
Introduction générale
Le contexte de crise économique, de mondialisation, et de concurrence accrue,
invite les organisations à se repenser pour évoluer. L’adaptation au changement, la
capacité réflexive et l’agilité, deviennent des qualités incontournables pour assurer
la pérennité de l’entreprise et sa compétitivité.
Mais comment les développer ?
Ce mémoire d’activité a pour intention de proposer une démarche de
transformation interne pour permettre aux organisations d’évoluer vers un modèle
plus « intelligent ».
Selon la définition proposée par le dictionnaire Larousse, l’intelligence est « l’aptitude
d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en
fonction des circonstances ». Une entreprise intelligente serait ainsi une entreprise
capable d’adapter ses moyens et ses modes de fonctionnement à son
environnement.
L’entreprise intelligente n’est donc plus un système clos repliée sur elle-même : au
contraire, elle est parfaitement intégrée à son écosystème1. Poreuse à son
environnement, elle vise à satisfaire les différentes attentes de ses parties prenantes,
en s’appuyant avant tout sur sa première ressource : ses collaborateurs.
En effet, ce sont leurs potentiels, leurs savoirs et leurs connaissances mis en
interactions qui peuvent procurer un avantage concurrentiel unique à la firme2.
Consciente de cet atout différenciant, l’entreprise intelligente se donne pour mission
de libérer le talent et l’intelligence des hommes et des femmes qui la composent.
Elle favorise l’apprentissage, la circulation des connaissances, la transmission des
savoirs, la collaboration et les synergies, afin de stimuler l’intelligence collective.
1 L’écosystème d’une entreprise est composé de l’ensemble de ses parties prenantes.
2 Cette affirmation est basée sur la théorie des ressources (Resource Based View of the Firm) développée par B. Wernerfelt (1984).
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Pour cela, elle tire parti des apports du digital en impulsant une nouvelle dynamique
interne, plus participative et collaborative. De nouveaux outils de partage,
d’apprentissage et de dialogue viennent faciliter la transformation. De telle sorte
que le mouvement de digitalisation devient une opportunité supplémentaire pour
enclencher cette métamorphose.
Cette transformation interne touche à toutes les composantes de l’entreprise. Au
niveau de sa structure organisationnelle et de ses modes de fonctionnement interne,
l’entreprise intelligente vise l’agilité, l’adaptabilité et la souplesse. Dans ses relations
avec ses collaborateurs, et à travers sa culture, elle valorise la confiance,
l’autonomie et la responsabilisation, pour accroitre la satisfaction au travail et in fine
la performance de l’individu3. Surtout, cette transformation intelligente est porteuse
de sens : elle véhicule une vision partagée par tous et dont chacun peut être
l’ambassadeur.
A travers ce mémoire, nous souhaitons nous intéresser au chemin qui mène à cette
transformation intelligente. Explorer ce sujet sous l’angle de la transformation interne
et des collaborateurs nous semble particulièrement intéressant, dans la mesure où il
s’agit d’une perspective peu traitée.
Ainsi, comment l’entreprise peut-elle se transformer de l’interne pour développer un
modèle intelligent, c’est à dire plus agile, innovant et participatif ?
Pour répondre à cette problématique, nous avons scindé notre démonstration en
deux parties.
La première partie présente le cadre théorique : notre démarche vise à identifier
différents piliers sur lesquels l’entreprise peut s’appuyer pour devenir plus intelligente.
3 La synthèse de la littérature scientifique ci-dessous conclut à une nette corrélation entre satisfaction au travail et performance de l’individu. Judge T.A., Thoresen C.J., Bono J.E. et Patton G.K. (2001), « The job satisfaction - job performance relationship : A qualitative and quantitative review », Psychological Bulletin, 127(3), 376-407.
10
Nous proposons ainsi un modèle théorique, un idéal-type4, pour mener cette
transformation interne.
Pour cela, nous nous intéresserons d’abord aux enjeux de la transformation, en
étudiant successivement la prise en compte des attentes des parties prenantes et les
apports du digital.
Dans un deuxième temps, nous proposons un modèle théorique d’entreprise
intelligente, composé de 5 piliers. Nous analysons ainsi successivement les dispositifs
organisationnels, les méthodes de travail, les processus et enfin les composantes
culturelles.
La deuxième partie de ce mémoire correspond à l’étude du cas pratique de
l’entreprise Swiss Life.
Dans un premier temps, nous présentons notre démarche et la pertinence de notre
sujet de recherche vis à vis de l’entreprise Swiss Life.
Ensuite, nous tentons d’évaluer la maturité de la transformation interne de Swiss Life
au regard de notre modèle théorique. Notre démonstration s’attache ainsi à mettre
en évidence les initiatives menées par Swiss Life dans chacun des 5 piliers de notre
modèle théorique.
Notre recherche s’appuie sur des études portant sur le management des
organisations. Elle est également irriguée par d’autres sources d’inspiration, comme
la psychologie positive et la psychologie cognitive.
4 L’idéal-type selon Max Weber, est “une construction intellectuelle dont, par définition, on ne rencontre aucun exemple dans la réalité, mais qui fonctionne comme modèle pour comprendre cette réalité”
11
PARTIE 1 L’ENTREPRISE INTELLIGENTE : QUELS ENJEUX ET QUELS LEVIERS DE TRANSFORMATION INTERNE ?
I. Les enjeux de l’entreprise dans son écosystème : satisfaire les
attentes de ses parties prenantes en utilisant le digital comme
accélérateur de la transformation
1. La responsabilité de l’entreprise envers ses parties prenantes
1.1 Une prise en compte progressive des attentes des parties prenantes
L’une des facettes de l’entreprise intelligente est la satisfaction des attentes de ses
parties prenantes. En effet, selon la définition de l’entreprise intelligente proposée en
introduction, la firme n’est plus considérée comme une entité indépendante et
autonome, mais bien comme un acteur agissant au sein d’un écosystème. Ainsi,
l’entreprise intelligente est celle qui est parfaitement intégrée à son environnement :
elle parvient à combiner les attentes de ses différentes parties prenantes tout en
assumant pleinement la responsabilité de ses activités.
Pour bien comprendre ce changement de paradigme, il convient de s’intéresser à
la théorie des parties prenantes, popularisée dans les années 1960 avec l’ouvrage
majeur de Freeman5 et la multiplication d’études portant sur le champ de la RSE
(Responsabilité Sociale de l’Entreprise).
La théorie des parties prenantes propose une nouvelle réflexion sur la propriété et les
5 Freeman RE (1984), Strategic Management : a Stakeholder Approach, Pitman Series in Business and Public Policy, 276 p.
12
objectifs de l’entreprise. Elle remet en cause les positions de Levitt (1958) et de
Friedman (1962, 1970), selon lesquelles la seule responsabilité de la firme est de faire
des profits6. Elle constitue la référence théorique dominante de la RSE.
1.1.1 L’origine de la notion de « parties prenantes »
Si le terme « stakeholder », généralement traduit par « parties prenantes », apparaît
dans les années 1960, les réflexions autour des relations entre la firme et son
écosystème émergent dès le début du XXème siècle.
En effet, dès 1916, Clark constate l’émergence d’une forme nouvelle de
responsabilité dans le monde économique. Il souligne le déplacement d’une
responsabilité individuelle étroite vers une prise en compte des autres et une
responsabilité élargie, c’est à dire une évolution « de l’individualisme vers le contrôle
public, de la responsabilité personnelle vers la responsabilité sociale » (1916, p. 210).
Quelques années plus tard, Mary Parker Follet (1918) est l’une des premières à mettre
en évidence l’importance de la bonne collaboration entre la firme et son
écosystème7, pour prévenir la naturelle conflictuelle des organisations.
Néanmoins, c’est dans l’ouvrage majeur de Berle & Means (1932) que la notion de
parties prenantes tire son origine (Mercier & Guinn-Milliot, 2003). En effet, ces derniers
constatent que les dirigeants sont soumis à une nouvelle pression sociale les
obligeant à reconnaître leurs responsabilités auprès de tous les acteurs pouvant être
affectés par les décisions de l’entreprise (1932 : 310).
Dodd poursuit, affirmant que les dirigeants ne doivent pas seulement prendre en
compte les préoccupations des actionnaires, mais aussi celles des salariés et de tous
les autres groupes affectés par l’entreprise, qu’il nomme « constituencies » (1932 :
6 Dans cette approche traditionnelle, les entreprises sont considérées comme des acteurs privés qui doivent agir dans le cadre de la loi et respecter la morale d’usage, sans pour autant exposer leurs décisions à l’examen public ou répondre de leurs comportements. Selon cette vision actionnariale, le bien être des actionnaires est l’essence même de l’existence de l’entreprise. Cette position stipule que d’autres institutions sont garants du bien-être social, tels que les gouvernements, églises, et syndicats.
7 L’écosystème de la firme est alors réduit à ses salariés, clients, et la communauté au sein de laquelle la firme agit.
13
1148). Déjà, il identifie trois groupes d’intérêt concernés par les actions de
l’entreprise : les actionnaires, les salariés, les clients et le public. Il ajoute que la prise
en compte des attentes des salariés et des clients augmentera in fine les profits des
actionnaires (1932 : 1154).
1.1.2 La définition de la notion de « parties prenantes »
Le terme « stakeholder » apparaît pour la première fois en 1963 dans une note
interne du Standford Research Institute (Freeman, 1984 : 31). Selon la définition
donnée, une partie prenante est un individu ou un groupe d’individus indispensable
à la survie de l’entreprise. Cette approche souligne ainsi qu’une entreprise, pour
assurer sa pérennité, doit prendre en compte les attentes d’autres acteurs que ses
seuls actionnaires. Les groupes identifiés par le Standford Research Institute sont : les
actionnaires, les employés, les consommateurs, les fournisseurs, les détenteurs de
capitaux et la société.
Néanmoins, c’est en 1984 que le terme de parties prenantes est popularisé avec
l’ouvrage majeur de Freeman, qui propose une définition élargie de la notion de
partie prenante ; selon lui, il s’agit de « tout individu ou groupes d’individus qui peut
affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs d’une organisation ». Cette
notion de parties prenantes devient une référence dans la littérature en proposant
une nouvelle grille d’analyse des relations entre la firme et les acteurs de sa sphère
d’activité. Elle légitime l’intérêt que la firme doit donner à ses parties prenantes
puisque celles-ci peuvent avoir un impact sur la poursuite de ses objectifs.
Ainsi, la théorie des parties prenantes de Freeman offre une alternative à la vision
actionnariale de la firme selon laquelle seule la satisfaction des actionnaires importe.
En effet, l’entreprise n’est plus envisagée comme un système clos, mais bien comme
une entité intégrée à un écosystème, au sein duquel elle noue des relations avec ses
parties prenantes.
14
Cette approche par les parties prenantes est au fondement de la responsabilité
sociale des entreprises, dans son aspect « business » ou managérial8. En effet, la prise
en compte des attentes des parties prenantes est perçue comme une condition de
la performance économique et elle est donc dans l’intérêt de l’entreprise et de ses
actionnaires.
1.1.3 Vers une typologie de parties prenantes
Afin de préciser le concept proposé par Freeman et de dresser un inventaire des
parties prenantes, certains auteurs ont proposé des typologies de parties prenantes.
Ainsi, Caroll (1979) distingue les parties prenantes primaires - celles directement
impliquées dans le processus économique et ayant un contrat explicite avec
l’entreprise (les actionnaires, salariés, clients et fournisseurs) - des parties prenantes
secondaires. Ces dernières ont des relations volontaires ou non avec l’entreprise,
dans le cadre d’un contrat plutôt implicite ou moral (ONG, collectivités territoriales,
etc).
Clarkson (1995), identifie quant à lui les parties prenantes volontaires et involontaires.
Les parties prenantes volontaires ont investi une forme de capital humain ou
financier dans la firme, et encourent de ce fait un risque. Les parties prenantes
involontaires, subissent quant à elles les risques des activités de la firme sans avoir lié
de relations contractuelles avec elle.
Ainsi, chaque entreprise noue des relations avec de nombreuses parties prenantes.
Selon l’ORSE9 et le CSR Europe10, les parties prenantes comprennent une large
variété d’acteurs, tels que :
• La communauté financière : actionnaires, investisseurs, agences de notation
8 Une autre approche de la RSE, davantage « éthique », vise à analyser les obligations morales de l’entreprise vis à vis de ses parties prenantes. Cette dimension ne rentre pas dans le champ d’analyse de cette recherche.
9 Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises
10 The European Business Network for Corporate Social Responsability
15
• Les clients et consommateurs
• Les fournisseurs et sous-traitants
• Les salariés
• Les partenaires sociaux
• Les communautés locales et autorités locales
• Les autorités publiques : gouvernement et organisations publiques
internationales
• La société civile : ONG, associations, réseaux
• Autres : médias, organisations professionnelles, organismes de formation et de
conseils
Dans la suite de ce mémoire, nous souhaitons nous concentrer uniquement sur la
partie prenante interne, c’est à dire les collaborateurs de l’entreprise. En effet, les
salariés sont la première ressource de l’entreprise, et donc les premiers acteurs de la
transformation interne.
1.2 La partie prenante interne : quelles attentes des collaborateurs et
responsabilités de l’entreprise ?
Nous souhaitons identifier ici les principaux défis auxquels doit répondre l’entreprise
pour satisfaire au mieux sa partie prenante interne, ses collaborateurs. En effet, c’est
en répondant aux attentes des salariés, en leur offrant les outils pour se mobiliser et
l’envie de s’impliquer, que les collaborateurs pourront devenir les moteurs de la
transformation intelligente de leur entreprise.
1.2.1 L’émergence d’une GRH socialement responsable
La Gestion des Ressources Humaines (GRH), via sa position transversale au sein des
organisations, son rôle d’acteur du changement, du management des hommes et
sa connaissance privilégiée des préoccupations internes, est un acteur clé pour
transformer l’entreprise de l’interne. De telle sorte que la GRH traditionnelle se
transforme en une « GRH socialement responsable » dont nous tenterons de dessiner
les contours.
16
Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Beaupré et al (2008) qui ont
cherché à définir la GRH dans une perspective de RSE. La GRH socialement
responsable est « celle qui consiste à travers différentes politiques et pratiques à
protéger les employés, à reconnaître justement leur valeur (potentiel, compétences,
contributions) et à la faire croître »11.
A partir de cette définition, Barthe et Belabbes (2016) ont identifié les défis majeurs
auxquels tentait de répondre une GRH socialement responsable. Dans le cadre de
cette partie, nous souhaitons nous concentrer sur les trois défis identifiés suivants :
• Respecter les droits fondamentaux de l’être humain (intégrité physique et
mentale, égalité des droits, conditions de travail satisfaisantes etc.) ;
• Encourager le développement des compétences et l’adaptation aux
changements ;
• Favoriser l’accomplissement des employés et susciter leur engagement.
1.2.3 Respecter les droits fondamentaux de l’être humain
Nous considérons cette première mission comme primaire, indispensable, afin de
constituer le socle interne sur lequel déployer notre modèle intelligent.
Plusieurs sujets de cette thématique font déjà l’objet d’une réglementation
conséquente. Il s’agit tout d’abord de l’équité de traitement, notamment en termes
d’égalité de salaires (loi de 1972 sur l’égalité de salaires entre les hommes et les
femmes, Loi Rudy 1983, Loi Génisson 2001, Loi du 24 mars 2006) et d’égalité des
chances (Loi 2006). Par ailleurs, la promotion de la diversité et la prévention de la
discrimination imposent aux entreprises de prendre en compte la diversité des profils
et d’effectuer la sélection des candidats sans utiliser de critères interdits par la loi.
D’autres enjeux, plus caractéristiques des nouvelles générations et de l’évolution de
la société, font l’objet d’une attention grandissante. Ainsi, la question de la ré-
humanisation de l’emploi (l’enrichissement des tâches) vise à améliorer la qualité et
11 Cité par : Nicole Barthe, Kaoutar Belabbes, « La « GRH socialement responsable » : un défi pour les entreprises engagées dans une démarche RSE », Management & Avenir 2016/1 (N° 83), p. 106
17
l’intérêt porté au travail effectué, tout en augmentant la productivité. De même, la
recherche d’un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée (Crane
et Matten, 2007) tend à une surveillance accrue du respect des temps de repos et à
l’instauration de méthodes de travail plus flexibles, comme le télétravail.
1.2.4 Encourager le développement des compétences et l’adaptation au changement
La deuxième mission d’une GRH socialement responsable est primordiale : elle
consiste à libérer le potentiel de ses collaborateurs, à garantir leur employabilité et à
attirer les talents.
Cette mission est cruciale, si l’on en croit la théorie des ressources (Resource Based
View of the Firm) développée par Wernerfelt dans les années 1980. D’après cet
auteur, la ressource interne de l’entreprise – c’est à dire ses collaborateurs – procure
un avantage concurrentiel et compétitif à la firme puisqu’elle est rare, inimitable et
non remplaçable. Cette théorie rejoint la vision que nous partageons ici : les
collaborateurs représentent la ressource privilégiée de l’entreprise sur laquelle elle
doit s’appuyer pour mener sa transformation interne.
Le premier enjeu est donc de parvenir à libérer le potentiel de chacun, en
garantissant la formation tout au long de la vie (obligation légale depuis 2004). Parmi
les objectifs principaux figurent le développement et l’amélioration des
compétences internes, élément décisif de compétitivité mais aussi de rétention et
d’attraction des talents. Les firmes disposent d’ailleurs d’un arsenal de dispositifs
légaux pour organiser ces plans de formation, comme le bilan de compétences, la
validation des acquis de l’expérience, le droit individuel de formation ou encore
l’entretien professionnel.
En outre, les entreprises portent un intérêt particulier à l’employabilité, un indicateur
qui détermine la capacité d’un collaborateur à se maintenir dans l’emploi. A travers
leurs plans de formation, les firmes visent à préserver ou à améliorer cette capacité,
tout en développant les savoir-faire interne de la firme. Le corolaire de
l’employabilité, la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (Peretti,
18
2011), tend enfin à gérer les collaborateurs par les compétences avec pour buts de
réduire les licenciements et de garantir l’employabilité des salariés.
Enfin, d’autres initiatives volontaires voient le jour, comme la transmission des
connaissances entre générations ou l’instauration de modes d’organisation et des
méthodes de travail favorables au partage des connaissances et à l’apprentissage.
Nous reviendrons sur ces initiatives plus loin.
1.2.5 Favoriser l’accomplissement des employés et susciter leur engagement Enfin, l’amélioration du bien-être des salariés constitue le troisième enjeu majeur,
avec pour ambition de favoriser l’accomplissement des employés et de susciter leur
engagement.
Le sentiment d’accomplissement des collaborateurs est étroitement lié à la notion
de bien-être, telle que théorisée par l’économie du bien-être de Pareto et Pigou
(1908). En effet, le bien-être social correspond à la maximisation du niveau de
satisfaction atteint par les individus ; il correspond à un état de plaisir, à la réalisation
de soi, à l’harmonie dans sa relation avec les autres.
L’accroissement du bien-être des salariés constitue un nouvel enjeu de taille pour les
entreprises, d’autant plus qu’elles sont le lieu le plus propice à l’accomplissement
personnel. En effet, le professeur de psychologie émérite Mihaly Csikszentmihalyi, a
montré que le point culminant de la satisfaction d’un individu se caractérise par
« l’expérience optimale », un état psychologique dans lequel se trouve un individu
fortement engagé dans une activité pour elle-même (Csikszentmihalyi, 2004).
Contrairement aux idées reçues, le travail offrirait bien plus d’opportunités de
connaître ces forts moments d’épanouissement que les loisirs : en effet, 54% du
temps passé au travail se déroulerait en condition d’expérience optimale, contre
18% aux loisirs12. Le travail serait donc le meilleur lieu pour satisfaire son désir
d’accomplissement.
12 Csikszentmihalyi M. (2004), Vivre, la psychologie du bonheur, Paris, Robert Laffon, p.169, cité par Jacques Lecomte. (2016), Les entreprises humanistes, Paris, Editions des Arènes, p.24.
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En outre, d’après plusieurs enquêtes et synthèses académiques, la satisfaction au
travail aurait un impact positif sur la performance de l’individu13, ainsi que sur
l’engagement des salariés14, réduisant le nombre d’accidents au travail et de
turnover.
L’engagement des salariés est une dimension particulièrement importante en
période de transformation. En effet, selon Peretti et Uzan (2011), la transformation
responsable de l’entreprise doit nécessairement impliquer l’engagement durable de
tous les salariés (Barthe et Belabbes, 2016).
De plus, l’engagement organisationnel permettrait d’augmenter l’efficacité de la
firme et de diminuer certains coûts, comme les couts liés à la gestion des conflits et à
la démotivation des salariés (Barthe et Belabbes, 2016).
La prise en compte des attentes des salariés constitue donc bien un enjeu majeur
pour la firme, d’autant plus qu’elle lui bénéficie en retour, par un mécanisme
« gagnant-gagnant » presque systématique.
Si nous sommes persuadés que le développement de l’entreprise intelligente ne
peut avoir lieu sans une forte mobilisation de l’interne, il convient de noter que le
mouvement de digitalisation des entreprises a constitué une opportunité
supplémentaire pour enclencher définitivement cette transformation « intelligente ».
2. La digitalisation de l’entreprise, une opportunité à la transformation
La digitalisation de l’entreprise, en apportant de nouveaux outils de collaboration,
de partage et de dialogue, contribue à faire évoluer nos modes de fonctionnement
interne vers plus de réactivité et de coopération.
13 Judge T.A., Thoresen C.J., Bono J.E. et Patton G.K. (2001), « The job satisfaction - job performance relationship : A qualitative and quantitative review », Psychological Bulletin, 127(3), 376-407.
14 Harter J.K.,Schmidt F.L et Hayes T.L. (2002), « Business-unit-level relationship between employee satisfaction, employee engagement, and business outcomes : A meta-analysis », Journal of Applied Psychology, 87 (2), 268-279.
20
2.1 Qu’entend-on par « digitalisation » ?
Dès le début du XXIème siècle, Stiglitz perçoit que le développement de l’économie
de l’information et du digital va révolutionner le monde du travail : « perhaps the
most important break with the past – one that leaves open huge areas for future
work – lies in the economics of information » (Stiglitz, 2000, p.1441).
A l’origine, le terme de digitalisation désigne l’acte de convertir un support en
données numériques.
Progressivement, à partir de 2012, la digitalisation acquiert une définition plus
spécifique. Ainsi, selon une étude menée par 360learning, « la digitalisation d’une
entreprise est la transformation de cette entreprise qui mène à l’utilisation
généralisée des technologies numériques et des usages du web, à l’intérieur de
l’entreprise mais aussi dans les interactions avec son écosystème »15.
Ainsi, la digitalisation est un projet global, qui transforme l’entreprise dans l’ensemble
de ses modes de fonctionnement. On observe ses effets à deux niveaux :
- d’une part, il génère des changements en interne, en modifiant les processus
internes et les méthodes de travail des collaborateurs aux quotidiens ;
- d’autre part, il impacte la manière dont les entreprises interagissent avec leur
écosystème, c’est à dire avec leurs parties prenantes.
Nous étudierons ici le premier aspect, c’est à dire l’impact de la digitalisation sur les
collaborateurs.
2.2 De nouveaux outils à la disposition des collaborateurs
Si les outils de travail traditionnels mis à disposition des salariés (mail, téléphone, suite
bureautique) continuent d’exister, leurs limites commencent à se faire sentir : boite
15 360Learning, « Comment digitaliser l’entreprise ? ».
21
mail et vocales saturées, volume de stockage des documents important, documents
égarés au milieu des mails… ces désagréments quotidiens réduisent la productivité
des collaborateurs et leur capacité à travailler ensemble efficacement.
Pour pallier ces limites, les entreprises se dotent d’outils modernes venant enrichir les
fonctionnalités traditionnelles, avec à la clé : la recherche accrue d’efficacité, de
partage, et surtout, de collaboratif.
JEMM Research identifie quatre nouveaux types d’outils mis à la disposition des
collaborateurs16 :
- des outils de productivité de plus en plus sophistiqués (suites bureautiques
optimisées)
- des outils de collaboration (blogs, wikis, outils de partage de connaissances…)
- des moyens de communication (conférence en ligne, messagerie instantanée…)
- des espaces communautaires d’expertise et de savoir-faire (réseaux sociaux,
réseau social d’entreprise…).
L’introduction de ces nouveaux outils bouleverse nos façons de travailler, ainsi que le
fonctionnement de l’entreprise, en interne comme dans ses relations avec
l’extérieur.
2.3 L’impact de ces nouveaux outils sur nos façons de travailler
2.3.1 Favoriser la collaboration
La première évolution majeure est de permettre aux salariés de collaborer comme
jamais auparavant. Par « collaboration », nous entendons le fait de travailler
ensemble. Pour être plus précis, il s’agit d’ « un processus structuré et récursif où deux
ou plusieurs personnes travaillent ensemble, partagent des informations et des
connaissances, apprennent et bâtissent un consensus sur la réalisation d’un objectif
16 JEMM Research. (2010), « Entreprise intelligente 2010 : les pratiques de travail des collaborateurs de l’entreprise ».
22
commun. La collaboration s’effectue avec un collègue, une équipe projet ou une
communauté.” (JEMM Research, 2010).
Pour faciliter cette collaboration, de nouveaux outils apparaissent en entreprise : des
outils de partage de documents, de plannings ; des réseaux sociaux d’entreprise ;
des plateformes collaboratives.
Nous reviendrons plus loin sur certains de ces outils.
2.3.2 Interconnecter les individus et les groupes
Par ailleurs, en abolissant les barrières géographiques et temporelles, ces outils ont la
capacité d’interconnecter les individus et les groupes à tout moment, en tout lieu, et
sur plusieurs appareils. Cette nouvelle dimension modifie les attentes des parties
prenantes qui s’inscrivent davantage dans l’instantanéité. Des outils de messagerie
en ligne ou chat sont d’ailleurs instaurés en entreprise, transformant la manière dont
les individus communiquent et collaborent.
2.3.3 Faciliter le partage de connaissances et le dialogue
Enfin, le digital propose aussi de nouveaux outils de dialogue et de réflexion - via par
exemple des blogs ou des réseaux sociaux d’entreprise - qui stimulent l’intelligence
collective et influent in fine sur la capacité d’innovation de l’entreprise. Ainsi, « le
système d’information est devenu un vecteur de transformation et le moteur du
changement de l’organisation » (JEMM Research 2010).
Ainsi, la digitalisation est une opportunité à la transformation interne de l’entreprise ;
en effet, cette dernière peut tirer parti des apports du digital pour faire évoluer les
modes de fonctionnement interne et instaurer de nouvelles méthodes de travail. De
plus, de nouveaux outils de dialogue facilitent la consultation et l’échange avec
toutes les parties prenantes, permettant à l’entreprise d’être mieux intégrée au sein
de son écosystème. Le digital, tel que nous le concevons, est donc un accélérateur
de la transformation.
23
II. Les piliers du développement d’un modèle intelligent
Dans cette partie, et au vu des enjeux abordés précédemment, nous souhaitons
poser les fondements de notre modèle théorique d’entreprise intelligente.
Il s’agit de comprendre comment une entreprise peut enclencher sa transformation
interne afin de devenir à son tour plus réactive, flexible, et in fine pleinement
intégrée à son écosystème. Notre recherche s’intéresse uniquement aux aspects de
transformation interne car ils sont les prémices vers un modèle globalement
intelligent.
Nous présentons ici le chemin qui conduit à cette métamorphose, en analysant
successivement les dispositifs organisationnels, les méthodes de travail, les processus
et enfin les composantes culturelles. Le digital est la trame de fond de notre modèle.
1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés
Le premier pilier de notre modèle concerne les dispositifs organisationnels : en effet,
ces dispositifs fournissent le cadre de transformation interne en instaurant une forme
de division du travail ainsi que des modalités de coordination.
De plus, la structure organisationnelle est le socle indispensable sur lequel les
méthodes de travail, les processus, la culture et les comportements vont se forger.
Il s’agit ici de comprendre dans quelle mesure l’évolution des dispositifs
organisationnels peut contribuer à accroitre la transversalité et in fine rendre
l’entreprise plus souple et réactive.
1.1 Qu’entend-on par dispositifs organisationnels ?
Les dispositifs organisationnels sont un « ensemble de dispositifs (…) conçu pour
assurer la cohérence des actions de chacun en vue de l’atteinte des buts de
24
l’organisation » (Bailly et al, 2013).
Ils permettent d’organiser l’action collective afin de réaliser les objectifs fixés par le
sommet hiérarchique.
On trouve dans cet ensemble de dispositifs organisationnels :
- des règles concrètes, définissant la façon dont est partagé le travail
(organigrammes, fiches de poste, procédures, plannings), les décisions, le mode de
répartition des fruits du travail commun, les responsabilités et les contrôles, précisant
les modes opératoires ;
- des outils de management de la performance : objectifs, système de sanction-
récompense ;
- des outils de GRH (Gestion des ressources humaines) : méthodes de recrutement
et de gestion des effectifs et des compétences, règles d’évolution des carrières,
système de rémunération ;
- des installations (machines et outils de production, locaux, utilisation de l’espace) ;
- des systèmes d’information.
1.2 Une évolution des dispositifs organisationnels vers plus de transversalité
La structure de l’organisation intelligente vise à favoriser la transversalité en s’ouvrant
vers l’extérieur, en facilitant la coopération horizontale, et en simplifiant la
gouvernance.
1.2.1 Une évolution de la structure pour répondre à des objectifs tournés vers l’extérieur
La transversalité consiste à implanter la stratégie de l’entreprise au sein de structures
qui traversent les anciennes fonctions ou divisions spécialisées. Ce nouveau type
d’organisation n’est pas fondé sur des savoirs spécialisés mais est structuré en
fonction d’objectifs orientés vers l’externe, comme la satisfaction client. Cela permet
de décloisonner l’entreprise qui cesse d’être repliée sur elle-même et s’ouvre vers
l’extérieur. Tous les collaborateurs sont guidés par la même finalité : développer
réactivité et coopération pour satisfaire au mieux le client.
Si une organisation est pleinement transversale, la coordination latérale prime sur les
25
relations de subordination verticale ou hiérarchique.
Ainsi, la mise en place de la transversalité peut passer par une évolution de
l’organigramme : par exemple, la firme peut choisir de regrouper des ressources
hétérogènes (différents services, départements…) dans un but commun. Cette
décision peut s’accompagner de la fixation d’objectifs communs, engendrant une
évolution de mesure de la performance.
Elle peut également être accompagnée par la mise en place d’équipes
pluridisciplinaires fonctionnant en mode projet. L’idée est là encore de faire travailler
des ressources hétérogènes dans un but commun.
Par ailleurs, l’entreprise peut créer un environnement de travail propice à la
collaboration.
En effet, l’agencement des locaux, la répartition des équipes par étages, la mise en
place d’open space… vont avoir une influence sur la capacité des collaborateurs à
travailler ensemble.
Ainsi, le rapprochement physique de services associés autour d’objectifs communs
est primordial pour faciliter l’ajustement mutuel et les échanges informels.
De même, la mise en place d’un environnement de travail dynamique peut favoriser
un état d’esprit propice à la créativité et à la responsabilisation des collaborateurs
qui sont libres de s’organiser au mieux pour réaliser les objectifs fixés.
Enfin, créer des lieux de socialisation peut nourrir la construction de lien social,
stimuler la créativité, et renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise.
1.2.2 L’instauration de mécanismes visant à renforcer le partage de connaissances et la collaboration
La transversalité passe aussi par un partage accru d’informations et une meilleure
circulation des connaissances, permettant d’atteindre des objectifs communs.
Ainsi, des comités ou réunions régulières peuvent être organisés pour mieux faire
circuler les informations entre différents services impactés par des enjeux communs.
Ces instances peuvent être fixées au sein même d’une division, ou entre divisions.
26
De plus, des outils digitaux peuvent être mis en place pour accroitre la transparence
et le partage d’informations : outil de gestion des planning et des tâches,
d’organisation du travail…
Des formes plus avancées de coopération incluent le travail en réseau via des
communautés ou des plateformes collaboratives, dont nous parlerons plus loin.
1.2.3 Une évolution de la gouvernance
Parallèlement, l’entreprise peut être amenée à revoir sa gouvernance pour clarifier
les responsabilités et rôles de chacun, simplifier les dispositifs existants et favoriser la
délégation.
Il s’agit de rationnaliser et d’alléger la structure pour éviter les doublons, les
confusions dans les prises de décisions, et ainsi veiller à ce que la ligne hiérarchique
verticale n’entrave pas la coopération horizontale. L’entreprise peut décider
d’aplanir sa hiérarchie verticale en supprimant des échelons hiérarchiques, afin de
diminuer les relais de communication et gagner en efficacité.
Pour favoriser la fluidité dans le partage d’expertises, elle peut également revoir le
périmètre de chaque service afin d’identifier clairement des interlocuteurs pour
chaque sujet et pour chaque strate d’instances (exécutantes / décisionnelles /
opérationnelles / informatives).
Ces évolutions visent aussi à encourager la subsidiarité des décisions, permettant un
avancement rapide des projets et une plus grande responsabilisation des
collaborateurs.
*
Ainsi, l’aménagement de dispositifs organisationnels favorables à la transversalité
constitue la première étape pour développer un modèle intelligent. C’est le socle sur
lequel vont pouvoir se développer des méthodes de travail et des processus
intelligents.
27
2. Développer l’agilité pour accroitre flexibilité et réactivité
Le concept d’agilité, très à la mode depuis 2008, a initialement été mis en place au
sein de structures orientées vers la conception de logiciels. Cependant, il rencontre
aujourd’hui une forte notoriété dans diverses entreprises confrontées aux mutations
de leurs écosystèmes. Selon Marine Auger, l’agilité serait même « une qualité
essentielle voire vitale pour permettre aux entreprises de s’adapter et d’anticiper
constamment » (Auger, 2010 : 68).
Nous tenterons de démontrer que l’approche agile ne consiste pas uniquement à
appliquer une méthode, mais plus à diffuser un nouvel état d’esprit au sein de
l’entreprise.
2.1 L’agilité comme méthodologie
2.1.1 Une nouvelle méthode de management de projets
Dans le dictionnaire Larousse, l’agilité a deux significations : légèreté et souplesse
dans les mouvements du corps ; et vivacité intellectuelle.
Le manifeste Agile publié en 2001 par une équipe de dix-sept développeurs
américains pose bases d’une nouvelle approche de travail, la méthode agile. Il
énonce différents principes sur lesquels repose cette nouvelle méthode : une
meilleure collaboration entre les individus, un minimum de règles formalisées, une
collaboration étroite avec le client et une acceptation du changement qui est
intégré dans le cycle projet.
En mettant l’accent sur le caractère inductif de la méthode de développement de
logiciels, ce manifeste pointe les limites de la méthode de développement
traditionnelle dite en « V ». En effet, dans cette méthode, le développement se fait
sur plusieurs mois, et tout changement impacte fortement le projet en termes de
couts et de délais puisque le cycle de développement est très long.
28
2.2.2 L’approche SCRUM, méthode agile la plus courante
La méthode agile la plus répandue aujourd’hui est la méthode dite SCRUM. Elle est
composée d’un « Product Owner », représentant de l’équipe métier garant du
produit, et du « Scrum Master », garant du bon fonctionnement de la méthode et
coach des développeurs. Chaque itération est définie dans une « User Story » : celle-
ci décrit la fonctionnalité à développer. Le sprint correspond au temps de
développement de la User Story, il est de durée fixe et ne consiste à développer
qu’une seule User Story à la fois. Pour faciliter la communication et la cohésion des
équipes, des réunions quotidiennes ont lieu : les Daily Scrum Meeting dont l’objectif
est de faire un point très rapide sur l’avancement du projet. Des Sprint Review sont
également organisées à la fin de chaque sprint pour tester le produit et
éventuellement décider d’ajustements. Avec l’approche SCRUM, les documents
sont rédigés au fur et à mesure du développement pour être au plus près de la
réalité, contrairement à la méthode traditionnelle.
2.2 L’agilité comme nouvelle façon de penser l’entreprise
2.2.1 Un nouvel état d’esprit
L’approche agile n’est pas qu’une méthode : c’est surtout un état d’esprit et une
nouvelle façon de penser l’entreprise basée sur l’itération, l’adaptation au
changement, la prise en compte des attentes du clients et la responsabilisation des
collaborateurs « experts ».
En effet, l’une des facettes de l’agilité est de promouvoir les équipes auto-organisées
et de responsabiliser les collaborateurs. Ainsi, les équipes agiles sont pluridisciplinaires,
chaque membre de l’équipe étant expert et responsable d’un aspect du projet.
L’équipe s’organise de manière autonome et s’engage collectivement sur la réussite
du projet, ce qui renforce l’esprit collectif.
De plus, les décisions quotidiennes sont décentralisées, chaque membre expert
étant le plus apte à trouver la solution pour son domaine d’expertise. Le manager de
l’équipe est davantage un coach qui intervient pour créer une bonne dynamique,
29
ou en cas de difficultés. Le droit à l’erreur est ainsi fondamental pour permettre à
chacun de se tromper et de progresser.
Enfin, puisque chacun connaît l’objectif à atteindre, les développeurs n’ont plus
l’impression d’effectuer une micro-tâche dans un ensemble qui les dépasse. Ils sont
investis de la vision, ce qui favorise leur motivation et la prise d’initiatives.
En ce sens, nous sommes convaincus que ses bonnes pratiques devraient être
diffusées plus largement au sein des entreprises. Il ne s’agit pas d’appliquer
scrupuleusement la méthode agile pour chaque projet, mais plutôt de familiariser les
collaborateurs à ses bonnes pratiques. Par exemple, l’approche test & learn qui
procède par essais / erreurs et permet ainsi de rester plus flexible et adaptable, est
une façon de travailler qui peut s’appliquer à de nombreux projets.
2.2.2 La diffusion de l’état d’esprit agile en entreprise
Comme toute transformation, l’introduction de l’agilité doit s’adapter à l’histoire et à
la culture de chaque entreprise. La mise en place de ses bonnes pratiques ne
s’improvise pas et doit être progressive et accompagnée. Ainsi, l’entreprise peut
commencer par adopter cette méthode au sein de sa direction informatique avant
d’identifier des ambassadeurs chargés de diffuser l’état d’esprit agile au sein de
l’entreprise.
En effet, selon Legras (2014), l’entreprise doit dans un premier temps identifier des
projets pilotes puis communiquer sur leur réussite avec l’aide de coach agiles
expérimentés. Puis il s’agit aussi de transformer le management : « pour promouvoir
l'initiative et la responsabilisation des collaborateurs, à défaut de distribution et de
contrôle des tâches”.
Nous reviendrons sur cet aspect dans la dernière composante de notre modèle.
*
L’agilité est donc une méthode de travail sur laquelle l’entreprise peut s’appuyer
pour devenir plus intelligente : en effet, elle permet de travailler au plus près des
30
attentes de ses clients, avec une grande flexibilité et en s’adaptant constamment
au changement. En outre, le management agile renforce l’autonomie des
collaborateurs et leur responsabilisation, favorisant leur implication.
Si la méthode agile n’est pas pertinente pour tous les projets, la diffusion de son état
d’esprit et de ses bonnes pratiques peut en revanche se faire à l’échelle en
l’entreprise. En effet, l’état d’esprit agile permet d’identifier les objectifs prioritaires,
d’avancer par petits pas et par essais / erreurs, et favorise en outre la prise
d’initiatives. Les entreprises ont donc tout intérêt à sensibiliser leurs collaborateurs à
cet état d’esprit.
3. Promouvoir l’innovation collaborative
Le troisième pilier de notre modèle repose sur la mise en place d’un nouveau
processus de travail : l’innovation collaborative.
Encore une fois, nous mobilisons ce concept car il répond à plusieurs nécessités :
développer l’innovation, facteur majeur de compétitivité ; être plus à l’écoute et en
interactions avec les acteurs de son écosystème ; mettre en lumière le potentiel de
chacun et offrir aux collaborateurs des conditions de travail stimulantes.
3.1 Quelques définitions
3.1.1 Qu’est-ce que l’innovation ?
Dans le dictionnaire Larousse, l’innovation correspond à l’action « d’innover », c’est à
dire « introduire quelque chose de nouveau pour remplacer quelque chose
d’ancien dans un domaine quelconque ».
Selon le Manuel d’Oslo17 de l’OCDE, l’innovation correspond à la mise en œuvre
(implémentation) d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé (de production)
17 Le Manuel d'Oslo de l'OCDE rassemble les « principes directeurs proposés pour le recueil et l'interprétation des données sur l'innovation ».
31
nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation
ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise,
l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures.
L’innovation n’est donc pas nécessairement technique ou technologique ; elle peut
aussi consister à identifier de nouveaux processus ou manières de travailler.
3.1.2 Qu’entend-on par « innovation collaborative » ?
Selon une étude publiée par Inergie et Innov’Acteurs18, l’innovation collaborative
peut être définie comme « une démarche structurée visant à stimuler et faciliter
l'émission et la mise en œuvre d’idées proposées par l’ensemble des collaborateurs
en vue de trouver des axes d’amélioration ou de nouveaux marchés . »
Cette étude distingue l'innovation collaborative spontanée, où la possibilité est
donnée à chacun de proposer des idées sur tous sujets ; de l'innovation
collaborative provoquée qui consiste à stimuler les idées de chacun sur un sujet ou
un thème précis.
D’après Isabelle Denervaud19, l’innovation collaborative est loin d’être un
phénomène nouveau : elle remonterait en fait à l’apparition de la vieille boîte à
idées dédiée aux salariés chez Michelin en 1927. Néanmoins, ce qui est bien
nouveau, « c’est l’effacement des frontières entre les silos où on a longtemps
cantonné les processus d’innovation collaborative. » (Denervaud, 2010).
Ainsi, l’innovation collaborative consiste à présent à associer les salariés de différents
services ou métiers, et parfois les clients, au processus d’idéation de l’entreprise afin
de générer de nouvelles idées.
Nous analysons ici les différents dispositifs d’innovation collaborative à disposition des
salariés. Il s’agit de comprendre comment les salariés peuvent devenir acteurs du
changement en étant source de propositions innovantes.
18 2007 : Etude Innov’Acteurs – Inergie sur l’innovation participative
19 Isabelle Denervaud et al., « L'innovation collaborative dans tous ses états », L'Expansion Management Review 2010/3 (N° 138), p. 110-119. DOI 10.3917/emr.138.0110
32
3.2 L’innovation collaborative pour les salariés
3.2.1 Les enjeux de l’innovation collaborative salariale
L’innovation collaborative peut prendre plusieurs formes selon les objectifs et les
enjeux d’une entreprise. L’implication du top management est importante pour
aligner la démarche d’idéation sur les objectifs stratégiques de l’entreprise.
Tout d’abord, les salariés peuvent être invités à s’interroger sur des problématiques
internes ou externes.
L’innovation interne aussi appelé « innovation de productivité » consiste à améliorer
les modes de fonctionnement interne de l’entreprise, les conditions de travail, le
climat social, la satisfaction des collaborateurs etc.
L’innovation externe ou « innovation de produits / services » consiste à proposer des
évolutions du portefeuille de projets innovants, ou des innovations de rupture en
proposant un nouveau service ou produit.
Par ailleurs, le processus d’innovation collaborative peut être plus ou moins ouvert ou
sélectif. En effet, du côté des salariés, on peut mettre en place une innovation
collaborative de masse dont l’objectif est de faire participer un maximum de salariés
afin de générer une grande quantité d’idées. Mais le processus peut aussi être
davantage sélectif : ainsi, il peut être fondé sur le volontarisme ou la cooptation des
membres. Une illustration en est la création de communautés de collaborateurs
(généralement avec un niveau d’expertise élevée) et des objectifs plus circonscrits.
Enfin, la mise en œuvre des idées sélectionnées peut varier d’une entreprise à
l’autre. L’entreprise peut procéder par petits pas en testant l’idée, avant de décider
de l’implémenter ou de l’abandonner. Des incubateurs peuvent être mise en place
pour développer les idées retenues.
33
3.2.2 Les 3 états de l’innovation salariés
D’après Isabelle Denervaud, les dispositifs d’innovation salariés présentent 3 états
distincts selon les enjeux de l’entreprise :
- l’état lean innovation : dans cet état d’amélioration continue, l’innovation
collaborative consiste à impliquer un maximum de salariés pour générer le plus
d’idées possibles. Les thèmes d’idéation portent aussi bien sur l’amélioration des
modes de fonctionnement interne que sur des innovations de produits ou de
services.
- l’état communauté de pratiques : on se situe dans un processus d’innovation plutôt
sélectif avec des participants ciblés et des objectifs tournés vers l’accroissement de
la productivité. Ainsi, une communauté peut avoir pour missions de diffuser des
bonnes pratiques innovantes au sein de l’entreprise afin d’améliorer le
fonctionnement interne : transversalité, conditions de travail, améliorations des
processus peuvent en être des illustrations.
- l’état pépite : beaucoup plus technique, l’état pépite désigne un type
d’innovation collaborative tourné vers des sujets de R&D, porteurs de croissance
pour l’entreprise. Lorsque le salarié est invité à participer à l’idéation, on le place
dans un contexte intrapreuneurial propice à la génération de nouvelles idées
business. Des communautés plus ciblées peuvent également être associées à ces
réflexions ; l’intérêt peut être de rapprocher des experts pour favoriser l’émergence
d’idées, mais aussi suivre les dernières innovations en faisant de la veille.
Les 3 états de l’innovation collaborative, Isabelle Denervaud, 2010.
34
*
L’innovation collaborative est ainsi un processus particulièrement pertinent à mettre
en œuvre dans le cadre de la transformation intelligente d’une entreprise. D’une
part, il permet d’innover au plus près de ses parties prenantes, en étant à l’écoute
de leurs besoins et de leur créativité. Parallèlement, il renforce le sentiment
d’appartenance des collaborateurs à l’entreprise, qui deviennent les acteurs du
changement. L’innovation collaborative est aussi un excellent moyen pour diminuer
les silos au sein de l’entreprise en associant plusieurs métiers à une thématique
d’idéation. Enfin, l’innovation collaborative, parce qu’elle procède par essais /
erreurs, est aussi un bon moyen de diffuser l’esprit agile en entreprise.
4. Remettre le savoir et l’intelligence au cœur de la culture de l’entreprise
L’organisation intelligente utilise de manière systématique l’intelligence de tous ses
collaborateurs pour s’adapter et gagner en efficacité. Le manager a un rôle
fondamental à jouer puisqu’il doit libérer le potentiel de ses collaborateurs, l’enjeu
étant de passer d’une logique individuelle d’apprentissage à une logique
collaborative basée sur le partage d’informations et l’interactions entre les différents
savoirs.
Selon Marine Auger, cette nouvelle approche est indispensable pour vaincre la
« stupidité fonctionnelle », c’est à dire cet « état d’unité et de consensus qui fait que
les employés d’une organisation évitent de questionner les décisions, les structures,
les stratégies ». (Auger, 2010 : 13).
Selon une étude réalisée et publiée en 2012 par les professeurs de management des
organisations Mats Alvesson et Andre Spicer20, le manque d’utilisation des capacités
intellectuelles des salariés serait même à l’origine de la crise financière. Chris Argyris
a ainsi imaginé une forme « d’entreprise apprenante », qui associe bons sens,
analyse, intuition et réflexion.
20 Etude publiée dans le Journal of Management Studies en novembre 2012.
35
Nous tenterons de montrer comment l’entreprise peut favoriser l’apprentissage et
mobiliser l’intelligence de ses collaborateurs pour développer cette capacité
réflexive.
4.1 Les différentes facettes de l’apprentissage en entreprise
L’entreprise intelligente se donne pour mission de gérer et de faire croitre les talents
de ses collaborateurs. En plus des plans de formation traditionnels, l’entreprise
intelligente est consciente de l’importance des apprentissages informels et sociaux,
qui constituent 90% du total des apprentissages en entreprise.
En effet, selon une Etude du Center for Creative leadership, réalisée par Morgan Mc
Call, Robert W. Eichinger et Michael M. Lombardo21, l’apprentissage des
compétences professionnelles serait structurée de la façon suivante :
- 70% des compétences seraient acquises de façon informelle (par l’expérience de
terrain et les essais/erreurs)
- 20% proviendraient des échanges avec les autres (social learning)
- 10% seulement proviendraient des formations et des lectures.
Ainsi, les expériences terrains et les apprentissages issus de nos erreurs ont un rôle
primordial à jouer pour développer les compétences et l’intelligence des
collaborateurs. C’est une nouvelle logique qui doit imprégner l’entreprise pour que
chaque collaborateur puisse apprendre de l’expérience et appliquer par la suite cet
apprentissage afin de réaliser sa mission avec succès.
En outre, l’apprentissage provient aussi des interactions avec les autres. Selon le
psychologue canadien Albert Bandura, ce phénomène de « social learning »
désigne l’influence d’un groupe sur l’apprentissage d’un individu. L’entreprise a
donc tout intérêt à faciliter ces formes d’apprentissages informels entre pairs en
21 Lombardo, Michael M; Eichinger, Robert W (1996). The Career Architect Development Planner (1st ed.). Minneapolis: Lominger.
36
encourageant le partage d’informations et le dialogue, plutôt que la rétention
d’informations.
4.2 D’une intelligence individuelle à une intelligence collective
Outre le développement du potentiel de chaque collaborateur, l’entreprise
intelligence créée les conditions optimales pour que se rencontrent les
connaissances formelles et informelles, explicites et tacites, de ses collaborateurs. Elle
se situe ainsi dans une dynamique collective de gestion des savoirs dans l’objectif de
stimuler l’intelligence et la réflexion collective.
4.2.1 Qu’est ce que l’intelligence collective ?
Selon Marine Auger, « l’intelligence collective se traduit pas le développement de
coopérations intellectuelles que l’on favorise à travers le développement de
réflexions collectives, telles que les communautés de pratiques ou les groupes
projets » (Auger, 2010 : 49).
Ainsi, l’intelligence collective ne consiste pas à simplement additionner les
intelligences et les savoirs des collaborateurs. Il s’agit d’un phénomène
dynamique qui découle de la mise en interactions des savoirs et des intelligences
individuelles.
D’après Olivier Zara, consultant en management de l’intelligence collective,
« L’intelligence collective c’est la capacité à connecter les intelligences et les savoirs
entre les personnes pour résoudre un problème ou atteindre un objectif. On peut
parler de réflexion collective : l’intelligence collective étant une ambition, la réflexion
collective étant sa mise en œuvre concrète dans l’organisation ».22
Ce qui fait la spécificité de l’intelligence collective c’est donc qu’elle provient des
apprentissages issus d’interactions entre les collaborateurs.
22 Olivier Zara, Le management de l’intelligence collective, M21 éditions, 2008.
37
L’intelligence collective est ainsi une dynamique réflexive qui permet de conduire
l’entreprise vers plus d’adaptation et d’intelligence. Au cœur de cette dynamique
se trouvent les salariés et leur volonté de contribuer à cette culture du partage et de
l’innovation ouverte.
4.2.2 Comment stimuler l’intelligence collective ?
Il revient aux organisations de développer en interne des mécanismes favorisant
cette mise en commun et ce partage de connaissances.
L’entreprise peut faciliter ce type d’apprentissage en favorisant par exemple le
tutorat et la transmission des connaissances entre pairs.
Par ailleurs, l’entreprise peut mettre en place des MOOCS, créer une université
d’entreprise, constituer des communautés organisées ou encore, développer des
fab labs, ces ateliers d’innovation ouverte permettant de nouvelles collaborations
entre les collaborateurs et des porteurs d’idées issus d’univers variés (entrepreneurs,
designers, chercheurs, étudiants…).
La digitalisation offre également de nouveaux outils pour développer l’intelligence
collective. Certaines entreprises adoptent des outils dont l’objectif est précisément
de diffuser, mutualiser, favoriser l’accès à la connaissance. C’est le cas de
l’entreprise Telus23 qui a voulu impulser une dynamique d’apprentissage collectif en
encourageant ses collaborateurs à utiliser des outils sociaux tels que des blogs, des
wikis, des plateformes vidéo ou de microblogging. Via ces outils, chacun peut
librement exprimer ses idées, partager du contenu, publier une vidéo, poser une
question… afin de faire circuler les connaissances et soulever des réflexions
nouvelles.
Dans le même esprit, l’entreprise peut également doter ses collaborateurs d’outils
d’échanges et de dialogue, comme les réseaux sociaux d’entreprise.
23 Telus est une compagne canadienne de télécommunications. Vidéo sur le social learning chez Telus : https://www.youtube.com/watch?v=kdaDD82geNo
38
*
Ainsi, l’entreprise intelligente place le savoir et l’intelligence de ses collaborateurs au
cœur de sa culture. En favorisant l’apprentissage interactif et la mise en synergies
des savoirs, elle stimule l’intelligence collective. C’est ce nouvel état d’esprit,
cultivant le partage d’informations, la transmission des savoirs et l’apprentissage par
expériences, qui doit peu à peu s’ancrer dans les comportements.
5. Une nouvelle culture de management
Le dernier pilier de notre modèle repose enfin sur l’évolution de notre culture
managériale.
Dans son ouvrage La fin du management24, Gary Hamel souligne le décalage entre
nos modes de management traditionnels (basé sur le contrôle, la commande, la
rigidité) et les problématiques actuelles d’adaptabilité et d’agilité des entreprises.
En effet, sans une évolution du style managérial, et sans le soutien de leurs
managers, comment les collaborateurs pourraient-ils adopter l’ensemble des
méthodes et comportements que nous avons préconisés jusqu’à présent ?
Dans l’entreprise intelligente, le manager est doté d’un tout nouveau rôle : il n’est
plus celui qui ordonne, contrôle et puni. Au contraire, il place au cœur de ses valeurs
les notions de confiance, responsabilité et autonomie pour libérer le potentiel de
chacun.
5.1 Faire croitre les collaborateurs de son équipe
Le manager intelligent est chargé de repérer le potentiel des hommes dans son
équipe, de faire prendre conscience aux individus de leurs capacités, et de leur
donner les moyens pour les développer.
24 Gary Hamel, La fin du management, Vuibert, 2008
39
Ainsi, chaque membre de son équipe a envie de s’impliquer car il est reconnu et
apprécié à juste titre pour son talent et son potentiel.
De plus, le manager intelligent donne à ses collaborateurs le feedback nécessaire
pour leur permettre de progresser et d’atteindre leurs objectifs, augmentant ainsi leur
performance. En effet, d’après une synthèse de la littérature scientifique sur le sujet25,
la reconnaissance augmenterait de 17% la performance des collaborateurs et
couplée à une bonne rémunération et aux feedbacks, l’augmentation de
performance atteindrait les 45% ! (Lecomte, 2016 : 198).
5.2 Etre au service de son équipe
Par ailleurs, le manager intelligent se met au service de son équipe. Robert
Greenleaf a d’ailleurs proposé le concept de « leader serviteur » pour décrire ce
manager intelligent, à la fois très modeste dans ses relations avec ses collaborateurs
et très ambitieux pour l’entreprise.
Ce « leader serviteur » est donc entièrement dédié au bon fonctionnement de son
équipe : il l’informe des innovations technologiques, des retours des clients, apporte
des informations liées au budget, au possibilité d’investissements…
D’après deux synthèses d’études empiriques26, le leader serviteur crée un climat
positif dans l’organisation, en étant attentif au bien-être et à la satisfaction des
salariés, et en renforçant leur confiance envers leur leader et l’organisation
(Lecomte, 2016 : 184). Ces notions d’honnêteté et de confiance sont cruciales
puisque comme le souligne Jacques Lecomte, plus un salarié fait confiance à son
25 Stajkovic A.D. et Luthans F. (2003), « Behavioural management and task performance in organizations : Conceptual background, meta-analysis, and test of alternative models », Personnel Psychology, 56 (1), 155-194.
26 Parris D.L. et Peachey J.W. (2013), « A Systematic Literature Review of Servant Leadership Theory in Organizational Contexts », Journal of Business Ethics, 113, 377-393. Van Dierendonck D. (2011), « Servant leadership : A review and synthesis », Journal of Management, 37 (4), 1228-1261.
40
responsable, plus il s’implique, plus il est satisfait et performant dans son travail.
(Lecomte, 2016 : 130).
5.3 Favoriser la dynamique collective et l’épanouissement des salariés
En outre, le leader intelligent impulse une dynamique positive de réflexion collective
et de coopération. Ainsi, il est en quelque sorte un facilitateur d’initiatives, promoteur
de l’épanouissement des salariés et garant de la mise en synergies des intelligences.
Il encourage également l’apprentissage par essais / erreurs.
Pour remplir pleinement sa mission, il mise sur l’empathie, la bienveillance et
l’intelligence intuitive, afin de créer des relations de travail harmonieuses, essentielles
à l’épanouissement des salariés.
Selon les sociologues Christian Baudelot et Michel Gollac27, les relations au travail
seraient en effet primordial puisque « la source la plus fréquente du bonheur au
travail provient du contact, de la rencontre ou de la relation à autrui » (Lecomte,
2016 : 52). Et lorsque les salariés sont heureux au travail et se sentent utiles, ils sont
aussi plus impliqués et performants car plus motivés intrinsèquement28.
5.4 Transmettre une vision et des valeurs
Enfin, pour réussir, le manager doit être l’ambassadeur des valeurs de l’entreprise,
pour apporter du sens et de la cohérence aux actions menées par son équipe. Ce
management par les valeurs implique de créer une culture forte et partagée par
tous, cohérente avec les projets menées.
27 Baudelot C. et Gollac M. (2003), Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France, Paris, Fayard, p.171.
28 Grant A. M. (2008), « Does Intrinsic Motivation Fuel the Prosocial Fire? Motivational Synergy in Predicting Persistence, Performance, and Productivity », Journal of Applied Psychology, 93 (1), 48-58.
41
En effet, d’après Isaac Getz et Brian Carney29, le leader doit créer un environnement
où chacun est libre de prendre des initiatives, et vérifier que la vision de l’entreprise
et donc ses valeurs sont adoptées et partagées par tous. L’idée est de susciter la
motivation intrinsèque des collaborateurs, c’est à dire la motivation pour l’activité en
elle-même en supprimant les mesures d’incitations fonctionnant dans la logique
« récompenses – punitions ».
*
Ainsi, la transformation de l’entreprise vers un modèle intelligent implique
nécessairement une évolution de notre culture managériale. Le manager a d’ailleurs
un rôle crucial à jouer : il doit faciliter et promouvoir toutes les facettes de notre
modèle, en favorisant la transversalité, l’agilité, la capacité à innover ensemble et
en connectant les intelligences de ses collaborateurs.
Néanmoins, cette démarche de transformation interne de l’entreprise, pour réussir à
ancrer durablement les nouveaux modes de fonctionnement dans les
comportements des collaborateurs, doit être portée avec volontarisme et
détermination par le plus haut niveau de la hiérarchie.
29 Getz I. et M. Carney B. (2016), Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises, Flammarion.
42
Conclusion - Partie 1
Cette première partie nous a amené à proposer un modèle théorique de
transformation intelligente de l’entreprise. Nous avons montré que l’entreprise
intelligente se définit par sa capacité à être pleinement intégrée à son écosystème,
en tirant parti des apports du digital pour satisfaire au mieux les attentes de ses
parties prenantes. L’entreprise cesse d’être envisagée comme un acteur
indépendant dont la seule responsabilité est d’accroitre le profit pour ses
actionnaires. Au contraire, l’entreprise intelligente vise à s’adapter aux évolutions de
son environnement, en développant agilité, adaptabilité et réflexivité.
Nous avons proposé un chemin pour conduire la transformation interne de
l’entreprise, dont les collaborateurs sont les acteurs. En analysant successivement les
dispositifs organisationnels, les méthodes de travail, les processus et enfin les
composantes culturelles, nous avons identifié 5 piliers sur lesquels l’entreprise peut
s’appuyer pour mener cette transformation. Ces différents piliers, soutenus par les
apports du digital, contribuent à créer une organisation plus collaborative, organisée
autour de la gestion des savoirs et de l’intelligence collective.
Si les dispositifs organisationnels, les méthodes de travail et les processus ordonnent
l’action collective et fournissent un cadre de travail, ils ne sont néanmoins pas
suffisants pour susciter les comportements espérés. En effet, l’organisation est aussi un
lieu de création sociale, avec une forte dimension culturelle. La culture de
l’organisation doit ainsi évoluer, pour remettre le partage des connaissances au
centre de son ADN, et valoriser des pratiques managériales responsabilisantes et
bienveillantes.
Ce qu’il ressort de cette analyse, c’est que les collaborateurs détiennent tout le
potentiel nécessaire pour rendre l’entreprise intelligente. Le défi est de leur donner
les moyens d’agir et de construire ensemble les contours du modèle intelligent de
leur entreprise.
Bien sûr, le modèle proposé constitue un idéal-type : il ne prétend pas à représenter
parfaitement la réalité. Néanmoins, il propose des pistes de rélfexion, des illustrations,
43
des outils, dont les entreprises peuvent s’inspirer, en fonction de leur histoire et de leur
culture propres.
Une chose est sûre : pour que la démarche de transformation interne soit portée par
tous les collaborateurs comme nous le préconisons, il revient à l’entreprise – et
notamment au top management - de communiquer et de faire partager sa vision.
C’est seulement lorsque les collaborateurs auront compris à leur tour à quel point
cette démarche intelligente est imprégnée d’une logique « gagnant-gagnant »30,
qu’ils en deviendront les véritables ambassadeurs.
30 Les collaborateurs comme l’entreprise vont tirer profit de cette transformation intelligente : l’entreprise gagnera en adaptabilité, réactivité, compétitivité. Les collaborateurs retireront également de nombreux gains (confiance accrue, responsabilisation, autonomie, enrichissement de leurs compétences etc.).
44
PARTIE 2 CAS PRATIQUE : SWISS LIFE, ENTREPRISE INTELLIGENTE ?
I. Présentation de la démarche
1. Méthode de recherche
La première partie de ce mémoire s’est attachée à proposer un modèle pour
conduire la transformation intelligente de l’entreprise. L’entreprise intelligente, telle
que nous la concevons, tire parti du meilleur des apports du digital pour la
satisfaction de ses parties prenantes, en s’appuyant sur ses collaborateurs, moteurs
de la transformation. Pour mener cette transformation, l’entreprise peut développer
les 5 piliers suivants : la transversalité, l’agilité, l’innovation collaborative,
l’apprentissage et l’intelligence collective, et un mode de management serviteur.
Nous souhaitons à présent étudier le cas de l’entreprise Swiss Life, dont l’ambition est
de construire son propre modèle d’entreprise intelligente. L’intention de cette
recherche est ainsi d’évaluer la maturité de la transformation interne de Swiss Life au
regard de notre modèle théorique. Nous nous attacherons à mettre en évidence les
initiatives portées par Swiss Life au sein de chacun des piliers de notre modèle
théorique. L’intérêt de cette démarche est ainsi de faire un état des lieux de la
transformation, en identifiant les points de réussite et les marges de progrès.
Pour mener cette recherche, nous avons utilisé une méthode de recherche
qualitative c’est à dire basée sur l’analyse de données descriptives, telles que des
paroles écrites ou dites. En complément de l’analyse de documents internes à
l’entreprise, nous avons mené une dizaine d’interviews individuelles avec des
collaborateurs et des managers de différents services. Les interviews ont été menées
soit de manière libre (aucune question n’était posée), soit de manière semi-dirigée
45
(quelques questions posées en guide de points de repères pour les interlocuteurs). Le
guide d’entretiens figure en annexes de ce mémoire.
Enfin, nous nous sommes également appuyés sur les deux derniers rapports RSE
publiés par l’entreprise car ils présentent un bilan des initiatives menées par Swiss Life
pour devenir plus responsable, durable, poreuse à son écosystème.
Après avoir identifié le contexte de l’entreprise Swiss Life et la pertinence de notre
sujet de recherche, nous présenterons nos résultats.
2. Contexte et pertinence de la recherche
2.1 Présentation de l’entreprise Swiss Life
Créée il y a plus de 150 ans, le groupe suisse « Swiss Life » est l’un des leaders
européen sur le marché de la prévoyance, retraite et finance. Le groupe propose
aux particuliers et aux entreprises un conseil personnalisé et complet de même
qu’un large choix de produits de sa conception et de produits de ses partenaires via
des agents appartenant à son réseaux ou d’autres canaux de distribution (banques,
courtiers, conseillers indépendants…).
Dans le cadre de ce mémoire, nous allons étudier la filiale française du groupe Swiss
Life, implantée dans ce pays depuis près de 120 ans et qui emploie près de 2200
collaborateurs (environ 1600 administratifs et 600 commerciaux). Avec une moyenne
d’âge de 44 ans et une proportion de collaborateurs hommes / femmes quasi
équivalente (46 % d’hommes et 54 % de femmes au 31 décembre 2015), Swiss Life
s’inscrit avant tout comme une entreprise favorisant la mixité et la diversité de ses
équipes, soucieuse de faire des différences générationnelles une véritable force.
2.2 La pertinence du sujet au regard du contexte de l’entreprise Swiss Life
D’une part, cette réflexion autour de la construction d’un modèle intelligent semble
particulièrement pertinente au regard des évolutions du métier d’assureurs.
En effet, la nature même du métier d’assureur nécessite de développer une vision sur
46
le long terme des évolutions de la société, pour accompagner au mieux les
particuliers et entreprises, tout au long de leur vie.
Par ailleurs, le secteur de l’assurance étant soumis à de fréquents changements
réglementaires structurants, le développement de la capacité des équipes à
s’adapter à ces évolutions est une nécessité.
Enfin, l’allongement de la durée de vie et le désengagement continu de l’Etat
élargissent le rôle et le champ des responsabilités des compagnies d’assurance.
D’autre part, cette réflexion connaît un intérêt particulier au sein de l’entreprise Swiss
Life.
En effet, la digitalisation de l’entreprise est perçue comme une opportunité pour se
transformer de l’interne. Elle est même l’un des trois objectifs prioritaires du plan
triennal Swiss Life 2018, qui doit viser à « accélérer la transformation digitale pour
renforcer l’orientation clients et l’efficacité opérationnelle ».
En outre, la démarche de responsabilité sociale d’entreprise dans laquelle est
engagée Swiss Life met en exergue la nécessité d’être toujours plus à l’écoute de ses
parties prenantes pour mieux connaitre et satisfaire leurs attentes. A partir de 2016, et
dans la continuité de cette démarche, une réflexion s’engage autour de la
construction d’un modèle d’entreprise intelligente, inspiré des smarts cities et
permettant de conjuguer les attentes économiques, environnementales, financières
et humaines de l’entreprise.
Swiss Life souhaite donc se transformer de l’interne, en s’appuyant sur ses
collaborateurs. En effet, selon Vincent Perrin, ex Directeur des Ressources Humaines,
« Face à un environnement socio-économiques en constante évolution, nous devons
anticiper et flexibiliser nos processus pour aborder le changement comme une
opportunité. Se remettre en question sans cesse impose d’avoir des collaborateurs
engagés, agiles et conscients de leurs valeurs ajoutées »31.
De plus, comme l’affirme Swiss Life dans son rapport RSE 2015 : « Swiss Life a depuis
longtemps compris que pour s’engager dans une démarche de progrès permanent,
c’est avant tout par et pour ses collaborateurs que la transformation doit avoir lieu. »
31 Swiss Life, Rapport RSE 2015, p.15
47
2.3 La partie prenante interne de Swiss Life
Le rapport RSE 2015 offre l’opportunité à Swiss Life de réaliser une cartographie de
ses parties prenantes afin d’identifier les parties prenantes les plus importantes de son
écosystème. Pour chaque partie prenante, Swiss Life identifie les enjeux prioritaires à
satisfaire dans le cadre de sa démarche de responsabilité sociale.
Les collaborateurs administratifs et commerciaux sont ainsi identifiés comme la partie
prenante interne de Swiss Life. L’enjeu correspondant annoncé par Swiss Life est de
permettre à ses collaborateurs « de s’adapter à un environnement imprévisible et en
constante mutation en enrichissant leurs compétences, en libérant l’audace et
l’innovation grâce à des méthodes de travail plus collaboratives et appuyé par une
complémentarité intergénérationnelle ».
Par ailleurs, la matrice de matérialité présentée dans le rapport RSE 2015 de Swiss Life
fixe les objectifs prioritaires de l’entreprise pour répondre au mieux aux enjeux
identifiés vis à vis de chacune des parties prenantes. Concernant les collaborateurs,
les 5 objectifs suivants sont énoncés :
- la promotion de la diversité
- l’égalité des chances
- l’engagement et la satisfaction des employés
- la formation
- l’attraction et la rétention des talents
Ainsi, Swiss Life affirme sa volonté de développer l’adaptabilité de ses collaborateurs,
grâce à des méthodes de travail plus collaboratives, en favorisant l’apprentissage, la
transmission des savoirs et la satisfaction de ses salariés.
Il s’agit à présent d’analyser les étapes progressives de cette transformation
intelligente, en évaluant successivement les initiatives menées dans le cadre de
chacun des piliers de notre modèle.
48
II. Le cas Swiss Life : une transformation progressive vers un modèle
intelligent
1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés
Conformément à notre modèle, la première étape de transformation interne de
Swiss Life a consisté à faire évoluer les dispositifs organisationnels de l’entreprise afin
d’accroitre la transversalité et la coopération entre les différentes fonctions de
l’entreprise. Afin de bien comprendre les enjeux sous jacents à ces évolutions, il
convient dans un premier temps d’analyser la structure formelle de Swiss Life.
1.1 Les limites de l’organisation divisionnalisée, structure formelle de Swiss
Life
La structure formelle d’une entreprise permet de comprendre les fondements de son
mode d’organisation. Nous souhaitons ici analyser la structure de l’entreprise Swiss
Life au regard du cadre d’analyse des typologies de structures proposé par
Mintzberg.
Tout d’abord, l’entreprise Swiss Life est organisée en différentes entités, elles-mêmes
divisées en fonction des activités menées. En effet, cette configuration convient bien
aux entreprises ancienne ayant des activités diversifiées, comme pour Swiss Life qui
propose une variété de produits dans divers domaines (retraite, vie, finances…).
Cette structure est ainsi dite « divisionnelle » car les différentes activités de l’entreprise
sont réparties et confiées à des divisions distinctes, chaque division étant responsable
de ses résultats.
Selon Mintzberg, l’élément clef de ce type d’organisation est la ligne hiérarchique
qui fixe les objectifs et la stratégie du groupe. Ainsi, dans ce type de structure, la
coordination repose sur la standardisation par les résultats. Il revient aux divisions de
49
s’organiser de manière autonome pour atteindre ces résultats. La structure
divisionnelle est représentée par le schéma suivant :
Si ce type de structure est pertinent pour les entreprises de grande taille à activités
diversifiées comme Swiss Life, il entraine néanmoins une division hiérarchique de
l’organisation dont le corolaire est la création de silos entre les différentes divisions.
Cette logique de « châteaux-forts » limite in fine la coopération entre les
collaborateurs des différentes divisions ainsi que le potentiel d’innovation de
l’entreprise.
1.2 L’évolution des dispositifs organisationnels
Ainsi, à partir de 2012, l’entreprise Swiss Life s’engage dans une démarche de
modernisation de ses modes de fonctionnement afin de répondre de manière plus
coordonnée et efficace aux attentes de ses clients. Pour y parvenir, Swiss Life
souhaite renforcer la transversalité et la coopération avec un objectif commun : la
satisfaction client.
1.2.1 Créer un environnement de travail propice à la collaboration
La première étape de cette transformation est marquée par le rapprochement des
sites administratifs de la région parisienne sur un unique siège à Levallois-Perret. En
effet, jusqu’alors la direction des opérations était localisée à Levallois, alors que la
50
technostructure et les fonctions supports se trouvaient à Paris. Ce rapprochement
marque une évolution historique de l’organisation de l’entreprise car la direction des
opérations et les autres fonctions ne collaboraient jamais.
De plus, pour renforcer ce rapprochement et créer des équipes plus collaboratives,
les nouveaux espaces de travail sont conçus en environnement de travail
dynamique. Ainsi, chacun est libre de choisir son espace de travail en fonction de
son activité du jour.
En outre, pour répondre à la demande des salariés de gagner en autonomie et en
confort, Swiss Life engage dès 2011 une réflexion visant à refondre le cadre
conventionnel relatif à l’organisation du temps de travail au sein de l’entreprise.
L’instauration du télétravail est formalisée dans un accord collectif signé avec
l’ensemble des organisations syndicales de l’entreprise en 2013 ; à la fin de l’année
2015, plus de 250 collaborateurs y ont accès.
Ces évolutions marquent une volonté d’assouplir les modes d’organisation du travail
et de responsabiliser davantage les collaborateurs pour gagner in fine en
productivité.
1.2.2 L’évolution de la structure de Swiss Life A partir de 2015, un des trois enjeux prioritaires du plan Swiss Life 2018 est de
poursuivre la digitalisation de l’entreprise pour renforcer l’orientation client et
l’efficacité opérationnelle. Pour répondre à ces enjeux, une nouvelle division est
crée dès octobre 2015 : la division clients et transformation digitale (DCTD).
Cette nouvelle division a pour but de renforcer la culture client en réunissant les
différentes équipes qui écoutent, servent et parlent aux clients, en amont ou en aval
de l’activité commerciale, à savoir : Communication, Transformation digitale et
Marketing stratégique, Marketing marchés, Opérations et Supports. Elle représente
près du tiers des effectifs de l’entreprise.
Au sein de cette division, une nouvelle Direction de la Transformation Digitale et du
Marketing Stratégique doit assurer la gestion du projet « Transformation Digitale » en
lien avec les besoins opérationnels des équipes de gestion, les objectifs de
51
productivité et en cohérence avec les évolutions des outils d’échange avec les
clients, prospects et apporteurs.
Par ailleurs, trois objectifs communs à cette nouvelle division apparaissent dans la
feuille de route de tous les managers, ce qui souligne le mode de standardisation
par les résultats.
Enfin, pour favoriser la cohérence organisationnelle et assurer une meilleure
coordination au sein de chaque Direction Métier, d’autres évolutions ont lieu
comme le rattachement aux directions Métiers des postes de nature Technique /
Métier32. Dans la même logique, les missions de Mise Sur Marché sont rattachées au
Marketing Opérationnel et les missions Actions Commerciales/e-Business à la
Direction Commerciale.
A travers cette réorganisation, Swiss Life souhaite poursuivre sa transformation
digitale de manière coordonnée et réactive et renforcer son mode de
fonctionnement transversal. Swiss Life s’éloigne d’une culture métiers historiquement
très forte (cloisonnement par types de produits) pour se rapprocher d’une culture
clients, dite encore culture par cible.
1.2.3 La mise en place d’une nouvelle gouvernance
Conjointement à cette évolution de structures, une nouvelle gouvernance est mise
en place au sein de Swiss Life pour organiser l’échange d’informations dans
l’organisation. L’objectif est de simplifier l’existant (éviter les doublons, clarifier les
rôles et les périmètres), de favoriser la délégation, et de renforcer la transversalité.
Ainsi, les instances collaboratives sont divisées en quatre strates : les Instances
exécutives, décisionnelles, opérationnelles et informatives. Pour chaque domaine
d’activité et pour chaque strate, un interlocuteur est identifié afin de clarifier les
périmètres et d’améliorer l’efficacité de la délégation.
De plus, dans les instances opérationnelles sont mis en place des comités transverses
dont l’objectif est de partager des informations sur des sujets connexes à différentes
32 L’équipe Actuariat produits est rattaché au Directeur Vie, le CCN (Contrat convention collective nationale) au Directeur Technique SwissLife Prévoyance et Santé.
52
directions ou divisions. Il existe par exemple un comité transverse « Opération –
Distributions » ou « Marketing – Actions commerciales ».
Par ailleurs, au sein de la nouvelle division, en plus des réunions de CODIR DCTD,
plusieurs réunions multilatérales sont instaurées tous les quinze jours afin de réunir les
équipes de la division qui travaillent sur des domaines d’activités connexes.
Enfin, un outil de gestion des plannings et des tâches33 est instauré pour tous les
membres du CODIR DCTD afin d’avoir une visibilité sur l’état d’avancement des
sujets par instances.
*
Ainsi, l’évolution des dispositifs organisationnels de Swiss Life vise à introduire plus de
transversalité, à la fois au sein de la nouvelle division, qui représente deux tiers des
effectifs de l’entreprise, mais également de manière plus globale, entre les divisions.
L’entreprise s’ouvre vers l’extérieur en adoptant une orientation client très marquée
qui doit guider toute l’action collective. De plus, les rôles et les responsabilités sont
clarifiés, avec une évolution de la gouvernance.
Même si les réunions multilatérales et les comités transverses ne sont que des
instances informatives sans fixation d’objectifs, il faut noter qu’il y a une réelle volonté
de rendre l’entreprise plus transversale. Cela passe aussi par l’instauration d’une
méthode de travail plus collaborative, comme la méthode agile.
2. Développer l’agilité au sein de l’entreprise
Pour accompagner l’évolution des dispositifs organisationnels, accroitre la
coopération et rendre l’entreprise plus réactive, il est nécessaire de développer des
méthodes de travail plus agiles, comme nous l’avons analysé dans le cadre du
deuxième pilier de notre modèle.
33 Il s’agit de l’outil « Trello ».
53
Nous souhaitons ici analyser comment Swiss Life s’approprie et diffuse
progressivement l’agilité au sein de l’entreprise.
2.1 La mise en place de la méthode agile chez Swiss Life
Comme nous l’avons vu dans la première partie de ce mémoire, l’adoption de la
méthode agile ou de certaines de ses bonnes pratiques contribue considérablement
à renforcer l’esprit d’équipe, la confiance et la responsabilisation des collaborateurs.
Ainsi, la méthode agile apparait chez Swiss Life en 2013 au sein de la division des
systèmes d’informations (DSI) qui souhaite alors moderniser son mode de
fonctionnement. Un coach agile prend la tête d’un nouveau département « Digital
Client » pour implémenter cette méthode au sein de cette équipe et palier certaines
difficultés.
En effet, jusqu’alors l’équipe DSI travaillait selon le cycle en V, avec des périodes très
creuses, puisqu’il fallait attendre que le projet avance dans une autre équipe avant
de continuer à travailler. Le rythme de travail était donc très irrégulier avec des effets
tunnels de plusieurs mois. De plus, la maitrise d’ouvrage était indépendante de
l’équipe de développement, ce qui ne facilitait pas la coordination entre les
membres de l’équipe.
Ainsi, un premier projet est mené en mode agile (méthode SCRUM) en 2013, puis 5
en 2014 et 7 en 2015. Depuis, la méthode agile est devenue la méthode de travail
officielle de l’équipe de développement de la DSI. En effet, l’équipe reconnaît que
le mode agile est le mode de travail le plus efficace et qui permet d’aller le plus vite,
en étant au plus près des attentes du client.
Pour que la méthode s’ancre progressivement dans la culture projet de Swiss Life, les
phases de cadrage et de faisabilité qui précèdent la phase de conception sont
maintenues. Ainsi, le besoin utilisateur ainsi que la durée et le coût du projet sont
définis avant de passer au développement en mode agile. A l’issue de ces phases
de débat avec le client, un premier sprint (ou sprint 0) sert à poser les bases du
projet : les fonctionnalités à développer sont planifiées et une première architecture
technique et applicative du projet est définie. Ensuite, la méthode agile
54
traditionnelle débute, avec des sprints de 15 jours et des livrables à rendre à des
échéances déterminées.
2.2 Les bienfaits du développement de l’agilité chez Swiss Life
Ce mode de fonctionnement est à l’origine de nombreux bénéfices pour l’équipe
de la DSI.
Tout d’abord, l’équipe de développement garde une certaine flexibilité : ainsi, elle
est libre d’enlever ou d’ajouter des tâches selon les sprints, tant qu’elle respecte les
rendus des livrables et le budget.
De plus, la méthode agile permet de gagner beaucoup d’efficacité en termes de
communication et de coordination. Ainsi, l’équipe – qui est réunie sur un même
plateau - se rassemble tous les matins devant le Kanban34 pendant une quinzaine de
minutes pour faire un tour très rapide des actions menées la veille et des actions à
faire dans la journée.
En outre, à la fin de chaque sprint a lieu un « sprint rétrospective » qui permet de faire
un bilan des fonctionnalités développées pendant le sprint, de parler de ce qui a
bien fonctionné, ou au contraire de soulever les difficultés, en décidant des actions
à mettre en œuvre pour les résoudre. L’équipe partage aussi son ressenti et la
manière dont elle a vécu le sprint lors du ROTI35.
Enfin, cette méthode de travail est aussi bénéfique aux collaborateurs eux-mêmes.
L’équipe est ainsi auto-organisée, chaque collaborateur étant expert d’un domaine
précis. Chacun a une vision de ce qu’il a à faire sur le court et le long terme et
fonctionne ainsi avec la plus grande autonomie. Le pilotage du projet revient
entièrement aux collaborateurs responsabilisés qui portent la voix de l’utilisateur final.
Le management n’intervient que pour assister aux revues de sprint ou en cas de
difficultés. Ainsi, selon le responsable du département Digital Client de la division des
systèmes d’information, « Les méthodes Agiles permettent aux équipes de
34 Dans ce cadre du développement de logiciel, le Kanban est une méthode de management visuel qui permet de visualiser les tâches à faire, en cours, et terminées.
35 Return On Time Invested
55
développer leurs compétences au service d’objectifs motivants, le tout dans la
confiance et la bienveillance du management « agile ».
Pour autant, le développement de l’agilité n’en est qu’à ses débuts dans le reste de
l’entreprise. Ainsi, les équipes SCRUM de la DSI interagissent avec d’autres équipes
de l’entreprise qui ne fonctionnent pas sur le même rythme, ce qui peut avoir des
répercussions sur les délais.
Néanmoins, il y a une volonté portée par le haut management de diffuser
davantage cette méthode de travail et ses bonnes pratiques : cette démarche
prend forme, progressivement.
2.3 Diffusion de la méthode agile chez Swiss Life : une démarche à petits
pas
Dans le cadre de la digitalisation de Swiss Life et de la volonté d’instaurer des
méthodes de travail plus collaboratives à l’échelle de l’entreprise, la direction
générale et le ComEx ont exprimé la volonté de diffuser l’esprit agile dans toute
l’entreprise.
Ainsi, une communauté dédiée dite « Transformation agile » qui regroupe une
dizaine de collaborateurs issus de divers départements (DSI, Communication, RH…) a
pour mission de promouvoir l’agilité au sein de l’entreprise en sensibilisant les
collaborateurs à cette démarche.
Plusieurs coachs agiles assurent notamment une permanence hebdomadaire pour
sensibiliser les collaborateurs à cette méthodologie. Ces coach ont aussi pour rôle
d’accompagner les collaborateurs qui le souhaitent dans le management agile de
leur projet, en s’appropriant certaines bonnes pratiques de la méthode agile.
De plus, un budget de formation de 50 000€ a été dégagé pour former les
collaborateurs à la méthode agile, permettant à 100 collaborateurs Swiss Life de
s’initier à cette méthode en 2015.
56
Néanmoins, l’ambition de la direction générale n’est pas d’imposer la méthode
agile, mais bien d’en tirer le meilleur afin de rendre l’entreprise globalement plus
agile. Ainsi, il s’agit aussi de sensibiliser les managers à ce nouvel état d’esprit agile
qui peut concerner tous types de projet. Cela consiste notamment à promouvoir le
droit à l’erreur (voire le devoir d’erreur), à mieux définir les priorités des projets, mais
aussi à commencer par des projets moins ambitieux et plus simples. Des outils de
management visuel comme le Kanban s’exportent également, notamment au
niveau du top management.
Ainsi l’agilité prend place au sein de l’entreprise. Ce nouvel état d’esprit est renforcé
par la mise en place de processus d’innovation collaborative, comme nous allons à
présent l’étudier.
3. Promouvoir l’innovation collaborative
Avec le renforcement de la transversalité et la diffusion d’un état d’esprit agile, de
nouveaux processus d’innovation collaborative se développent au sein de Swiss Life.
3.1 La mise en place de processus d’innovation collaborative
C’est avec la création de la division client et transformation digitale qu’apparait un
pôle dédié à l’innovation collaborative chez Swiss Life.
3.1.1 Une nouvelle façon d’innover
L’objectif est de développer une nouvelle façon d’innover qui passe d’abord par les
collaborateurs. Ainsi, l’innovation collaborative considère que chaque collaborateur
peut avoir une bonne idée et proposer des initiatives permettant d’améliorer les
différents piliers de l’activité de Swiss Life.
57
3.1.2 Les formes d’innovation collaborative en interne
Deux formes d’innovation collaborative sont mises en place : une forme d’innovation
spontanée et une forme d’innovation provoquée.
• L’innovation collaborative spontanée : « J’ai une idée »
Une première initiative consiste à offrir la possibilité à tous les collaborateurs de
proposer en continu des idées sur tous les sujets. Ainsi, depuis mars 2016, un bouton
« J’ai une idée » a été intégré à l’intranet afin de permettre aux collaborateurs de
soumettre leurs idées. Ceux-ci remplissent un formulaire où ils doivent indiquer à quels
objectifs stratégiques répond leur idée, parmi une liste d’objectifs.
• L’innovation collaborative provoquée : les « innovathons »
Par ailleurs, plusieurs évènements de générations d’idées, les « innovathons » ont eu
lieu depuis novembre 2015, afin de stimuler des idées sur un thème précis.
Ces journées d’innovation consistent à mettre en incubation tous les collaborateurs
d’un métier ou d’un département, ainsi que leur directeur. La journée s’articule entre
des séances en plénière (avec des outils interactifs, tel que le vote en ligne pour une
idée) et des séances en sous-groupes où les collaborateurs travaillent sur 4
thématiques différentes, portant à la fois sur des enjeux de productivité et des
innovations de produits ou services. Les sous-groupes sont diversifiés au maximum
pour favoriser les rencontres entre collaborateurs. De plus, l’animation de
l’innovathon est assurée par des prestataires externes, pour ne pas recréer de
barrières hiérarchiques et inciter chacun à participer librement. Au total, sur chaque
journée, plusieurs centaines d’idées sont générées.
Ainsi, Swiss Life se situe plutôt dans un état de « lean innovation », qui consiste à
impliquer un maximum de salariés pour générer le plus d’idées possibles.
58
3.2 La mise en œuvre des idées
Les idées reçues sont classées en trois catégories : les bonnes intentions, les « quick
wins » et les idées à instruire.
Les bonnes intentions ne font pas l’objet d’un approfondissement.
Les « quick win » sont des bonnes idées d’amélioration continue, qui peuvent être
implémentées rapidement. Elles repartent dans les métiers et peuvent être mises en
place par le directeur de service.
Enfin, les idées à instruire doivent être approfondie et nécessitent des ressources
humaines, juridiques, informatiques…
Une communauté d’animation de la démarche d’innovation collaborative (CADI) a
été mise en place. Ce CADI est composé de tous les directeurs de programme, car
ils qui se connaissent déjà et ont une vue transversale sur les projets de l’entreprise.
Cette communauté se réunie une fois par mois pour passer en revue les idées et
sélectionner les idées à instruire.
L’émetteur de l’idée est ensuite invité à présenter son idée devant les instances
décisionnelles (CoDir, ComEx…).
Néanmoins, si les idées nécessitent une plus grande investigation (parce qu’elles sont
disruptives ou nécessitent des moyens importants), Swiss Life organise des ateliers
collaboratifs réunissant des chefs de projet volontaires ainsi que le porteur de l’idée.
Ces ateliers de 1h permettent de développer la finalité de l’idée, les objectifs, gains
et risques associés. Ils conduisent aussi à la désignation d’un porteur de l’idée et à
l’identification d’un sponsor. Cette réunion aboutit à la formalisation d’une note de
cadrage récapitulative. Si besoin, l’émetteur de l’idée continue à travailler avec un
chef de projet (coaching de l’idée), avant de présenter son idée devant une
instance décisionnelle. Le schéma ci-dessous représente le processus de traitement
des idées.
59
3.3 Les vertus et difficultés de l’innovation collaborative
L’innovation collaborative présente de nombreuses vertus.
D’une part, ce processus permet de dégager un grand nombre d’idées, variées et
concrètes afin d’améliorer l’offre de produits et services proposée par Swiss Life ainsi
que son fonctionnement interne.
Par ailleurs, les journées d’innovathons renforcent la cohésion et permettent aux
collaborateurs de se sentir impliqués dans la prise de décision stratégique. Ce
processus contribue donc à responsabiliser davantage les collaborateurs.
Néanmoins, l’innovation collaborative nécessite un effort pédagogique important et
une bonne communication. En effet, certaines personnes peuvent avoir l’impression
que l’innovation collaborative remet en question leur activité, leur tâche, leur
projet… alors qu’elle se situe bien dans une démarche d’amélioration. De plus, il est
Grille d’évaluation
Note de cadrage de l’idée approuvée
Comex CCI (IT)
CCM/CSPP MTP
CoDir métier
Bilan
Toutes les idées issues de : Innovathons, J’ai Une Idée, veille, start-‐ups, …
Pipe à idées Stockage des idées formulées
Evaluation des idées Premier screening global puis grille de notation
Coaching de l‘idée Composition d‘une note de cadrage en équipe
Arbitrage de l‘idée ComEx, CoDir, CCM, MTP,…
POC de l‘idée Idée prise en charge
Idée formulée
Idée classée sans suite ou approuvée
Idée documentée et sponsorisée
Idée testée
Idée déployée
Lancement
60
important de maintenir une dynamique positive pour ne pas abandonner trop vite
une idée qui paraît difficile à mettre en œuvre.
Pour le moment, aucun dispositif d’innovation client n’existe au sein de Swiss Life.
Néanmoins, une communauté composée d’une trentaine de collaborateurs clients
va être crée fin septembre 2016 pour travailler en ateliers collaboratifs sur
l’amélioration de l’expérience client.
Cette démarche permettra de réaliser des tests sur des produits, notamment sur
l’application de gestion des contrats Swiss Life. Une prochaine étape consistera à
travailler avec des start-ups afin de tester rapidement les idées sélectionnées.
*
Ainsi, avec l’innovation collaborative, Swiss Life développe une nouvelle manière
d’innover basée sur l’écoute de ses collaborateurs, porteurs d’idées innovantes pour
améliorer l’activité. L’innovation collaborative permet en outre de renforcer la
transversalité et le travail collectif, en misant sur la créativité et le potentiel de
chacun.
4. Favoriser la culture de l’apprentissage et de l’intelligence collective
Comme nous l’avons démontré dans la première partie de ce mémoire, la culture
de l’entreprise doit nécessairement évoluer pour que la transformation soit réussie. En
effet, c’est la transformation culturelle qui conditionne l’appropriation des outils et
méthodes de travail proposés, et l’ancrage des comportements attendus.
Pour ces raisons, Swiss Life s’efforce de remettre le savoir et l’intelligence au cœur de
ses priorités, afin de favoriser l’apprentissage collectif et le partage des
connaissances.
61
4.1 Promouvoir une culture de l’apprentissage
4.1.1 Enrichir les compétences
D’une part, Swiss Life entretient une culture de promotion de l’apprentissage tout au
long de la vie professionnelle via des parcours de formations variés. En effet, la
qualité du service que la société fournit à ses parties prenantes repose avant tout sur
l’expertise et l’engagement des collaborateurs. Il est donc fondamental
d’accompagner les collaborateurs dans le développement de leurs compétences
avec des formations adaptées.
En 2015, le taux d’accès à la formation s’élève ainsi à 54% chez le personnel
administratif et à 38% chez les commerciaux, soit 49% au total36. L’année 2015 a été
très diversifiée en termes d’accès à la formation, comme visible ci-dessous. La
division financière a été particulièrement concernée (taux d’accès : 93%), pour
répondre à la multiplicité des exigences de communication financière et
prudentielle.
36 Chiffres au 31.07.15.
62
Par ailleurs, il faut noter que les actions de formation menées sont principalement
des actions d’adaptation au poste de travail ou des actions de formation liée à
l’évolution des emplois ou au maintien dans l’emploi (99% des actions menées). Les
actions visant le développement des compétences sont très minoritaires (1% des
actions menées).
Le plan de formation 2015 de Swiss Life est donc axé métiers et professionnalisant,
afin d’accompagner les collaborateurs aux évolutions de leur emploi. Au total, 4753
formations37 sont proposées pour les collaborateurs administratifs et commerciaux,
dans des domaines très variés (Assurance Dommages / Santé / Vie ; Finance ;
Management ; Efficacité comportementale etc.).
De plus, plusieurs parcours métiers ont été organisés pour les services de gestion et
les services clients. L’objectif de ces parcours est d’offrir des formations collectives
pour amener des équipes entières à monter en compétences. Ces parcours sont
développés sur la base d’un socle commun avec des chemins de spécialisation et
des passerelles possibles. Un premier « Parcours Métiers » pilote a été réalisé en juin
2014 pour les gestionnaires Santé / Prévoyance, sur une durée de 11,5 jours.
En 2015, un nouveau parcours de professionnalisation est proposé aux collaborateurs
de la Direction des Service Clients et Intermédiaires Vie. Ces parcours, qui associent
réunions de préparation, formation en présentiel et e-learning, sont conçus pour
accompagner les collaborateurs dans l’évolution des processus en cours chez Swiss
Life, par exemple dans l’évolution de la relation client.
4.1.2 Favoriser de nouveaux modes d’apprentissage
En outre, Swiss Life tend à favoriser de nouveaux modes d’apprentissage, plus
interactifs.
Ainsi, un parcours de formation dédié aux managers a été lancé en 2013 avec pour
37 Chiffres issus du rapport RSE Swiss Life 2015.
63
objectif de « faire monter en compétences nos managers et les engager
durablement pour affronter les enjeux de transformation de Swiss Life ». Ce parcours
est particulièrement intéressant car il propose une nouvelle approche pédagogique,
à la fois variée, dynamique et innovante.
Le parcours, qui dure de 4 à 6 mois, propose à la fois un tronc commun et des
modules individualisés pour que chaque manager progresse et s’engage dans le
processus de transformation de l’entreprise à son rythme.
De plus, le parcours est composé de cours en présentiel alimenté par des modules
vidéos, des contenus interactifs, des jeux de rôles et mises en situation.
L’autoapprentissage est encouragé, avec la mise en ligne d’une plateforme dite
« Crossknowledge », accessible par les managers en permanence pour conforter
leurs connaissances.
Ainsi, en 2015, cette formation s’est accélérée avec 121 managers formés, sur 240
depuis 2013.
4.2 Promouvoir la circulation et la transmission des savoirs
D’autre part, Swiss Life s’est donnée pour mission de favoriser les échanges entre
générations afin de construire la coopération entre générations et permettre aux
jeunes générations de tirer profit de l’expérience acquise par leurs aînés.
Ainsi, Swiss Life a mis en place en janvier 2015 le « contrat de générations » avec 3
objectifs :
- la formation et l’insertion durable des jeunes dans l’emploi ;
- le recrutement et le maintien dans l’emploi des seniors ;
- la transmission des savoirs et des compétences entre ces deux générations.
Nous souhaitons ici nous intéresser au dernier engagement de ce contrat, puisqu’il
s’inscrit dans la volonté d’accroitre le partage de connaissances, un aspect
important de notre modèle théorique.
64
4.2.1 La transmission des savoirs entre générations
Ainsi, pour promouvoir la transmission des savoirs, plusieurs actions sont initiées par
Swiss Life.
Tout d’abord, le tutorat est mis en place sur la base du volontariat, prioritairement
pour des salariés âgés de plus de 55 ans et détenant des compétences ou savoirs
spécifiques. Le temps consacré à cette mission est pris en compte dans la charge de
travail du tuteur ainsi que dans ses dispositifs d’évaluation (entretien annuel et
évolution de carrière). Par ailleurs, les tuteurs bénéficient d’une formation pour
renforcer leurs qualités pédagogiques.
Ceux-ci peuvent en outre assurer la formation des « Parcours Métiers » pour
accompagner la professionnalisation des collaborateurs.
Par ailleurs, Swiss Life a mis en place le parrainage, qui permet à un collaborateur
senior de faciliter l’intégration d’un nouveau collaborateur pendant ses deux
premiers mois d’activité. Ce programme a été expérimenté sur l’année 2015 avec 10
salariés volontaires.
Enfin, Swiss Life souhaite poursuivre une gestion active des salariés de tout âge en
favorisant la diversité des âges au sein des équipes, la formation des managers au
management intergénérationnel et le transfert de compétences en cas de départ à
la retraite.
4.2.2 Favoriser la mobilité interne
Par ailleurs, dans le cadre de l’évolution des métiers de l’assurance, Swiss Life
souhaite développer la polyvalence de ses collaborateurs et faire circuler les
compétences en encourageant la mobilité inter-métiers ou inter-fonctions. En 2015,
le dispositif a été particulièrement dynamique avec deux tiers des mobilités au sein
de la division clients et transformation digitale.
65
4.3 Favoriser l’intelligence collective
Enfin, Swiss Life a pour ambition de renforcer l’intelligence collective en créant des
synergies entre ses collaborateurs et en valorisant l’apprentissage par l’expérience et
l’interaction sociale.
4.3.1 Développer les communautés de pratiques
Les communautés de pratiques se développent au sein de Swiss Life. Nous
souhaitons ici étudier deux communautés bien établies : la communauté
programme et la communauté projets.
La Communauté de Programmes (composée de 10 membres) est d’abord crée en
2013 avec pour objectif d’être plus efficace dans la gestion des projets transverses.
La communauté projets (composée de 58 membres) lui fait suite en 2014 pour
développer la diversité, la confiance et la coopération dans la gestion de projet.
Ces communautés se regroupent trois fois par an lors de séminaires où elles
travaillent en ateliers sur divers sujets d’amélioration de la gestion de projets :
partage d’outils de diagnostic sur les risques projet et la gestion du management,
échange sur les méthodes de gestion de projets…
La communauté programme définie collégialement les feuilles de route des
programmes, en identifiant les points de similitudes.
Enfin, à chaque séminaire, un membre du ComEx explique un objectif de sa
direction et soulève les enjeux côtés projets.
Ces communautés sont un moyen additionnel de décloisonner l’entreprise tout en
permettant aux collaborateurs de se rencontrer et de partager leurs connaissances
et leurs compétences afin d’identifier les bonnes pratiques. En plus, en 2015, plus de
90% des participants de la communauté de projets ont trouvé que le temps
consacré à la communauté a été enrichissant, témoignant ainsi de l’intérêt porté à
ce mode de fonctionnement38.
38 Résultats d’un questionnaire de satisfaction.
66
4.3.2 Mettre en place un réseau social d’entreprise
L’aboutissement de cette démarche serait la mise en place d’un réseau social
d’entreprise. Swiss Life a engagé une réflexion avancée sur ce projet, dont l’étude
de faisabilité devrait être prochainement lancée.
Cet outil de travail collaboratif serait directement intégré à l’intranet de l’entreprise
et offrirait la possibilité aux collaborateurs qui le souhaitent de se créer un profil, et
d’exprimer librement leurs idées en publiant du contenu (actualités, textes, images,
vidéos…), dans l’esprit d’un « Facebook professionnel ».
L’ambition est d’accompagner la transversalité mais aussi de renforcer les
communautés projets. En effet, un des objectifs du réseau social d’entreprise serait
de créer de nouvelles communautés autour du sujets professionnels ou d’intérêt
(exemple : communauté de coureurs Swiss Life). Ainsi, chaque collaborateur aurait
la possibilité de créer une communauté publique ou privée, qui se présenterait sous
la forme d’un forum. Elle serait soumise à validation de la communication interne,
chargé d’harmoniser l’outil. Ces communautés auraient pour objectifs de partager
des expertises et savoir-faire, de faire remonter des expériences terrain et de créer
de la cohésion en interne.
On se situe donc parfaitement dans une logique d’intelligence collective avec mise
en synergies des intelligences des collaborateurs pour faire émerger de nouvelles
idées.
Ainsi, l’apprentissage au sein de Swiss Life passe encore beaucoup par la formation.
Les initiatives visant à développer l’apprentissage informel ou par interactions
sociales sont très récentes et limitées. La création d’un réseau social d’entreprise
permettrait de franchir une nouvelle étape, en interconnectant l’ensemble des
collaborateurs volontaires. C’est à travers ce genre d’initiatives qu’une véritable
culture du partage de l’information et de l’apprentissage par expériences pourra
s’ancrer dans les comportements.
67
5. Instaurer une nouvelle culture de management
Comme mentionné dans la première partie de ce mémoire, la transformation
intelligente de l’entreprise implique aussi l’instauration d’une nouvelle culture
managériale. Au sein de Swiss Life, il existe une certaine diversité dans les styles et les
pratiques de management. Après avoir dressé un état des lieux du mode de
management le plus courant, nous étudierons les initiatives innovantes testées au
sein du département « Digital Client » de la Division des systèmes d’informations.
5.1 Une évolution progressive de la culture managériale
De manière générale, l’entreprise Swiss Life reste dans un mode de management
assez classique : les managers sont responsables d’équipes auxquelles ils confient
des tâches à accomplir. Suite à la réalisation de celles-ci, le collaborateur rapporte
au manager les fruits de son travail. Le manager vérifie ainsi que le travail a été
correctement effectué. Ce type de fonctionnement peut s’accompagner d’une
plus ou moins grande distance hiérarchique. Le collaborateur exécutant ne dispose
pas toujours des mêmes informations que ses supérieurs.
Néanmoins, ce style de management évolue progressivement. En effet, selon la
directrice de la communication, « on passe d’un management par tâches à un
management par objectifs ». Cette évolution répond à la fois à une évolution de la
société et à une évolution des attentes des nouvelles générations.
Ce management par objectifs est aussi renforcé par le fait que tous les
collaborateurs de la nouvelle division client et transformation digitale partagent
maintenant des objectifs communs sur leur feuille de route.
Avoir des objectifs communs, cela contribue à créer une vision partagée par tous et
donc à donner du sens à l’activité de chacun. Le collaborateur n’effectue pas
seulement une tâche isolée, il a conscience de contribuer à la réussite d’un objectif
plus vaste.
En outre, comme mentionné plus haut, l’esprit agile se diffuse progressivement au
sein de l’entreprise, et avec lui les notions de responsabilisation et d’autonomie. Les
68
managers (et collaborateurs) qui le souhaitent peuvent d’ailleurs être formés à cette
méthode ou même être accompagné dans le pilotage agile d’un projet. In fine,
cette nouvelle méthode de travail influe sur le style de management car la
confiance et la responsabilisation des collaborateurs sont des préalables
indispensables à la démarche agile.
5.2 Une expérience réussie de coaching au sein du département Digital
Client
Néanmoins, il faut noter qu’il existe d’autres styles de management au sein de
l’entreprise.
Ainsi, au sein du département « Digital Client » de la Division des systèmes
d’informations, le management sous forme de coaching a été mis en place depuis 3
ans.
Ce type de management est très inspiré de la théorie du leader serviteur
mentionnée dans la première partie de ce mémoire. Ainsi dans le département
Digital Client, les managers sont rebaptisés « coach » et leur objectif est de faire
monter en compétences les collaborateurs de leurs équipes. Pour cela, les coachs
invitent leurs collaborateurs à se questionner et à trouver les solutions par eux-
mêmes, en procédant par essais / erreurs, plutôt qu’en étant directif. Chaque
semaine des points de coaching permettent d’échanger et d’étudier les solutions,
les difficultés…
Selon Emilie Arnould39, qui a vécu ce changement de fonctionnement au sein du
département, ce style de management accroit l’efficacité et le bien être des
collaborateurs.
D’une part, il apparait que les collaborateurs réussissent souvent à proposer une
solution meilleure que celle qui aurait été imposée par le coach, car ils sont sur le
terrain, au plus près des outils et des problématiques.
39 Cf. interview retranscrit en annexe 3.
69
De plus, ce mode de management renforce l’implication des collaborateurs, la prise
d’initiatives, et donne du sens au travail car la vision est connue et partagée.
*
Pour l’instant, ce style de management est propre au département Digital Client, et
n’a pas encore vocation à être répandue au sein de Swiss Life. Néanmoins, la
promotion et diffusion de l’esprit agile influencent progressivement les styles de
management. On peut penser que ces notions d’autonomie et de responsabilisation
des collaborateurs vont ainsi progressivement s’étendre dans l’entreprise et modifier
sur le long terme les comportements.
70
Conclusion générale
La deuxième partie de ce mémoire nous a permis d’évaluer la maturité de la
transformation interne de l’entreprise Swiss Life au regard de notre modèle théorique.
Depuis 2015, Swiss Life s’est engagée dans la construction de son propre modèle
d’entreprise intelligente, pour conjuguer les attentes de ses parties prenantes et
développer l’agilité et la capacité d’adaptation de ses collaborateurs.
Notre analyse nous permet d’affirmer que Swiss Life a enclenché sa transformation
vers un modèle plus intelligent.
D’une part, l’entreprise a connu il y a quelques mois une réorganisation interne pour
accroitre la transversalité entre ses équipes, avec pour objectif de servir au mieux le
client et de poursuivre la transformation digitale de l’entreprise. L’apparition de trois
objectifs communs à l’ensemble de cette nouvelle division marque la volonté
d’orienter toute l’action collective dans la même direction. De même, les réunions
multilatérales et les comités traversent favorisent le partage de connaissances au
sein de la division et entre divisions.
Pour autant, ces instances informatives sont pour l’instant dépourvues d’objectifs
communs. De plus, le mode de coordination principal reste la ligne hiérarchique, ce
qui limite la capacité créative et entraine des lenteurs d’actions dues aux différents
relais de communication. La transversalité n’en est alors qu’à ses prémices ;
néanmoins, un premier pas a été réalisé.
Pour soutenir cette transformation, la méthode agile se diffuse progressivement au
sein de l’entreprise, afin de rendre la gestion de projet plus efficace et de faire
évoluer l’état d’esprit des collaborateurs et managers. Elle vise ainsi à renforcer
l’esprit collectif, l’adaptation face au changement, la responsabilisation des
collaborateurs et l’apprentissage par essais/erreurs.
Parallèlement, de nouveaux processus de travail misant sur le collaboratif et la
créativité apparaissent avec l’innovation collaborative. Les collaborateurs, au
centre du dispositif, sont écoutés et sollicités parce qu’ils sont porteurs d’idées
71
intelligentes pour améliorer l’activité. Cela permet aussi de renforcer la
transversalité et le travail collectif en misant sur la créativité et le potentiel de
chacun.
Par ailleurs, conformément aux engagements figurant dans son dernier rapport RSE,
Swiss Life porte une attention grandissante à l’apprentissage, à l’enrichissement des
compétences et à la transmission des savoirs. Swiss Life propose ainsi un large choix
de formations, en utilisant le digital pour apprendre autrement. De plus, l’entreprise
mise sur sa diversité intergénérationnelle pour renforcer la transmission des
connaissances, à travers par exemple le tutorat.
Cependant, il existe encore peu de dispositifs visant à créer des synergies entre les
intelligences des collaborateurs. Quelques communautés de pratiques existent au
sein de l’entreprise, mais elles restent un dispositif à la marge. De même, l’entreprise
ne propose pas encore d’outil collaboratif visant à connecter tous ses
collaborateurs, même si des réflexions sur la mise en place d’un réseau social
d’entreprise sont en cours. Ce n’est que lorsque ces approfondissements seront
menés qu’un véritable esprit de partage de l’information et du savoir pourra s’ancrer
dans les comportements.
Enfin, quant au dernier pilier de notre modèle, l’évolution de la culture managériale,
Swiss Life reste dans des modèles de management assez traditionnels. Seul un
département rattaché à la DSI fonctionne sur le modèle du management sous
forme de coaching. Il convient de noter que cette initiative impulsée par le
responsable de ce département il y a trois ans, n’est pas le fruit de la transformation
actuelle de l’entreprise. Néanmoins, la diffusion progressive de l’état d’esprit agile
dans l’entreprise contribue en même temps à répandre de nouvelles valeurs
managériales. Pour autant, il n’est pas encore question d’instaurer un nouveau style
de management à l’échelle de l’entreprise. Ceci n’est pas vraiment surprenant, car
la composante culturelle est la plus longue et la plus difficile à transformer.
L’entreprise Swiss Life est donc en pleine phase de transition : des premiers pas
significatifs ont été faits pour adapter le socle organisationnel et diffuser de nouvelles
méthodes et processus de travail.
72
Comme nous n’avons pas cessé de le répéter, la transformation intelligente de
l’entreprise doit se faire avant tout par les collaborateurs. Il se peut cependant que
ceux-ci ne soient pas spontanément favorables à la démarche. En effet, mener une
telle transformation peut s’avérer difficile. Il convient d’insister sur la nécessité de
porter une grande attention à ceux qui sont directement impactés par le
changement : les collaborateurs.
En effet, les collaborateurs, qui font une analyse rationnelle du changement,
peuvent y voir plus de pertes que de gains : la transformation est coûteuse en
énergie, ils ne voient pas l’intérêt de davantage collaborer, ils veulent garder la main
sur leur périmètre et leur projet, ou sur leur autorité… Les collaborateurs, censés être
les moteurs de la transformation, peuvent développement une forme de résistance
au changement.
Par ailleurs, la transformation de l’entreprise, parce qu’elle bouleverse le
fonctionnement interne, les façons de travailler, les habitudes, et parfois les
périmètres de chacun, peut engendrer de l’anxiété voire de la souffrance.
Ainsi, l’entreprise a un rôle majeur à jouer dans le pilotage du changement.
D’une part, la transformation doit être soutenue par une excellente communication,
afin d’expliquer la vision, les bienfaits de la transformation, relayer les expériences
réussies, et transmettre de nouvelles valeurs pour diffuser progressivement une
nouvelle culture d’entreprise.
D’autre part, il est fondamental de prévoir des dispositifs d’accompagnement du
changement, à la fois individuel ou collectif. Le management doit être extrêmement
attentif pendant cette période de transformation pour veiller à accompagner les
collaborateurs, notamment ceux qui se sentent lésés par le changement. Il faut
parfois accepter de perdre du temps - en organisant des réunions, en dialoguant, en
remettant à plat certains sujets - pour en gagner plus tard. Car ce n’est que lorsque
les collaborateurs auront compris l’intérêt de la transformation, et identifié les gains
qu’ils peuvent en retirer, qu’ils pourront porter la vision et rendre l’entreprise plus
intelligente.
73
Annexes
Annexe 1 : Guide d’entretiens
Je tiens à remercier l’ensemble des personnes citées ci-dessous d’avoir pris le temps de me rencontrer et de répondre à mes questions.
• Eddie Abdecassis, Directeur de la Transformation Digitale et du Marketing
Stratégique
Thème abordé : La transformation digitale de Swiss Life.
• Emilie Arnould, responsable d’application Digital Client, division des systèmes
d’informations.
Thème abordé : Le management sous forme de coaching.
• Véronique Eriaud, Directrice de la communication.
Thème abordé : Les enjeux de la transversalité et l’évolution du style de
management.
• Elodie Inacio, Responsable de la communication interne.
Thème abordé : Le réseau social d’entreprise.
• Claire Naudeix, Manager Organisation MOA Digital Clients & Apporteurs,
Direction Marketing Stratégique & Transformation Digitale.
Thème abordé : La méthode agile chez Swiss Life
• Thierry Mercier, Responsable du pôle Veille & Innovation, Direction de la
Transformation Digitale et du Marketing Stratégique.
Thème abordé : L’innovation collaborative chez Swiss Life
74
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